Un Internet plus ouvert pour lutter contre le terrorisme.
À l’heure où l’on publie les décrets d’application d’une loi permettant la censure de sites sans passer par le pouvoir judiciaire… À l’heure où le choc émotionnel après les actes barbares est suivi de velléités politiques d’un Patriot Act à la française…
…nous avons retrouvé et traduit une déclaration qui date de 2005.
Il y a près de dix ans, 60 chef d’états et le secrétaire général des Nations unies se retrouvaient à Madrid pour un sommet s’inscrivant dans une semaine d’hommages aux victimes des attentats de 2004.
Il y a donc près de dix ans, Kofi Annan, alors secrétaire général de l’ONU y déclarait :
Je dois malheureusement dire que les spécialistes des droits de l’homme, y compris ceux du système des Nations unies, considèrent tous, sans exception, que nombre de mesures qu’adoptent actuellement les États pour lutter contre le terrorisme constituent une atteinte aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales.
Il y a près de dix ans, le sous-groupe Internet de ce sommet formulait une série de recommandations pour lutter contre le terrorisme en tenant compte de ce formidable outil d’expression et d’interconnexion qu’est Internet.
C’était il y a près de dix ans : une éternité en « temps Internet »… Et ce n’a jamais été autant d’actualité.
Pouhiou.
L’infrastructure de la démocratie.
Renforcer l’ouverture d’Internet pour un monde plus sûr.
Traduction framalang : Narcisse, Tim, Monsieur Tino, audionuma et les anonymes…
Recommandations proposées par le groupe de travail sur Internet du Sommet international sur la démocratie, le terrorisme et la sécurité.
I. Au XXIe siècle, Internet fait partie des piliers d’une société démocratique, parce que les valeurs au cœur d’Internet et de la démocratie sont très proches.
- Les fondements d’Internet sont : ouverture, participation et liberté d’expression pour tous, ce qui augmente la diversité et la portée des informations et idées diffusées.
- Internet permet de communiquer et de collaborer entre différents pays et différentes croyances.
- Internet rapproche des familles et des cultures dispersées à travers le monde, met les citoyens en relation et les aide à créer des sociétés civiles
- Internet peut favoriser le développement économique en connectant ses utilisateurs à l’information et à des marchés.
- Internet présente des idées et des points de vue différents aux personnes isolées qui pourraient être séduites par la violence politique.
- Internet n’échappe pas à la loi et les principes législatifs qui sont appliqués dans le monde réel doivent l’être également aux activités humaines sur Internet.
II. Les systèmes décentralisés — le pouvoir du nombre — peuvent vaincre un adversaire centralisé.
- Les réseaux terroristes sont très décentralisés et distribués. Une action centralisée ne peut donc en elle-même lutter contre le terrorisme.
- Le terrorisme est l’affaire de tous. Internet nous relie tous. Des citoyens connectés sont la meilleure défense contre la propagande terroriste.
- Comme nous l’avons vu à la suite des attaques du 11 mars, la réponse a été spontanée et rapide car les citoyens ont pu utiliser Internet pour s’organiser entre eux.
- Comme nous pouvons le constater sur les blogs et les autres médias citoyens, ce sont des discussions ouvertes, entre interlocuteurs dont les avis divergent, qui font émerger la vérité.
III. La meilleure sanction contre l’abus d’ouverture : plus d’ouverture.
- Les environnements ouverts et transparents sont plus sûrs et plus stables que ceux qui sont fermés et opaques.
- Même si certains services en ligne peuvent être interrompus, Internet est un système planétaire très résistant aux attaques, même les plus sophistiquées et les plus distribuées.
- Les interconnexions humaines qui ont lieu via Internet mettent en échec les divisions que les terroristes essayent de susciter.
- Le fait qu’Internet soit ouvert peut être exploité par les terroristes, mais tout comme dans les gouvernements démocratiques, l’ouverture réduit les risques d’actes terroristes et augmente l’efficacité des réponses au terrorisme.
IV. La régulation bien intentionnée de l’Internet dans les démocraties en place pourrait menacer le développement des démocraties émergentes.
- Le terrorisme ne peut détruire Internet, mais une réponse législative trop zélée face au terrorisme le pourrait. Les gouvernements devraient faire preuve d’une extrême prudence avant d’imposer des modifications des fonctionnalités au cœur d’Internet.
- Certaines initiatives gouvernementales qui pourtant semblent raisonnables violent les principes de base qui ont fait le succès d’Internet.
- Certains prônent par exemple la fin de l’anonymat, ce qui n’arrêtera certainement aucun terroriste déterminé, mais aura un effet dissuasif sur les actions politiques ce qui aura pour conséquence de réduire la liberté et la transparence. Ainsi par un effet boule de neige inattendu, la restriction de l’anonymat menacera la liberté d’expression, en particulier dans les pays en pleine transition démocratique.
V. En conclusion, nous prions l’ensemble des délégués réunis ici à Madrid de :
- Soutenir la cause d’un Internet ouvert, pilier de la démocratie du XXIe siècle et outil essentiel à la lutte contre le terrorisme
- Considérer Internet comme un moyen de communication indispensable et investir dans sa consolidation contre les attaques et sa capacité à refonctionner rapidement en cas de dégâts.
- Favoriser un accès plus large et plus égalitaire à Internet, en s’employant à réduire la fracture numérique.
- Protéger la liberté d’expression et d’association, soutenir la mise à disposition pour tous de moyens communication anonymes.
- Résister aux tentatives de gouvernance internationale d’Internet, qui pourraient avoir des conséquences indésirables et vont à l’encontre de la nature démocratique d’Internet : privilégier les initiatives qui partent de la base.