À lire et à faire lire : Biens Communs – La Prospérité par le Partage

Ed Yourdon - CC by-saEn avril dernier nous mettions en ligne un remarquable article de Silke Helfrich « Les biens communs ou le nouvel espoir politique du XXIe siècle ? ». Cette fois-ci nous avons le plaisir de relayer l’annonce de la traduction française d’un rapport d’une cinquantaine de pages sur ces fameux Biens communs, où l’on retrouve Silke Helfrich parmi les nombreux auteurs de cet ouvrage collectif. Il a pour titre « Biens Communs – La Prospérité par le Partage » et il est naturellement placé sous licence libre Creative Commons By-Sa.

Nous avons déjà eu l’occasion de dire que nous pensions que « les Biens communs seront à n’en pas douter non seulement l’un des mots clés de ces temps nouveaux qui s’offrent à nous, mais aussi, si nous le voulons bien, l’un des éléments moteurs et fédérateurs des politiques progressistes de demain ». Ce rapport est une pièce important à verser au dossier, tellement importante que d’aucuns pourraient presque y voir une sorte de manifeste pour les générations à venir[1].

Il n’est pas toujours aisé de définir avec précision ce que sont les Biens communs, d’ailleurs ceci fait l’objet d’un chapitre dédié en guise de préambule. Mais à chaque fois que l’on tente d’en dresser une liste, les logiciels en font partie, à la condition d’être libres. On ne s’étonnera donc pas qu’ils soient souvent cités ici.

Il est également dit que « les biens communs ont besoin d’hommes et de femmes qui soient prêts à les défendre et qui s’en sentent responsables ». Aussi modeste soit notre contribution, nous en sommes 😉

Vous trouverez le rapport en version PDF en suivant ce lien. Et pour vous donner plus encore envie de le lire (ce qui implique le dur sacrifice de devoir laisser au repos son compte Twitter pendant une petite heure), nous en avons reproduit ci-dessous la quatrième de couverture, l’introduction et la conclusion.

Remarque : Le document est agrémenté de citations comme, par exemple, celle-ci de Benni Bärmann que je soumets à votre sagacité : « Les biens communs plairont aux conservateurs par leur dimension de préservation et de communauté, aux libéraux par la mise à distance de l’État et l’absence d’incompatibilité avec le marché, aux anarchistes par la mise en avant de l’auto-organisation, et aux socialistes et communistes par l’idée de propriété commune sous contrôle collectif. »

Biens Communs – La Prospérité par le Partage (extraits)

URL d’origine du document (dans son intégralité)

Un rapport de Silke Helfrich, Rainer Kuhlen, Wolfgang Sachs, Christian Siefkes
Publié en décembre 2009 par la Fondation Heinrich Böll
Traduit par Jeremy Marham et Olivier Petitjean (Ritimo.org)
Sous licence Creative Commons By-Sa

Quatrième de couverture

Ce sont de grands inconnus, et pourtant nous vivons tous grâce à eux. Ils sont au fondement même de notre vie collective. Ce sont les biens communs. L’air, l’eau, les savoirs, les logiciels et les espaces sociaux. Et bien d’autres choses qui rendent possible la vie quotidienne et le bon fonctionnement de l’économie.

De nombreux biens communs sont cependant menacés – ils sont ôtés à la collectivité, commercialisés, détruits de manière irréversible. Au lieu de cela, ils devraient être cultivés et développés.

Nous avons besoin d’une nouvelle conscience de l’importance de ces « choses qui nous sont communes ». Sans eux, il n’y a en effet pas de bien-être et pas de prospérité possibles. Les biens communs ont besoin d’hommes et de femmes qui soient prêts à les défendre et qui s’en sentent responsables.

De nombreux problèmes de notre époque pourraient être résolus si nous dirigions l’énergie et la créativité dont nous disposons vers ce qui fonde notre richesse, ce qui fonctionne, et ce qui aide les hommes et les femmes à développer leur potentiel.

Ce rapport vise précisément à mettre ces choses, ainsi que les principes d’une «production par les pairs basée sur les biens communs», au centre de l’attention publique.

Objet de ce rapport

Ce que l’on appelait traditionnellement res communes – les choses qui nous appartiennent en commun – a été sinon oublié, du moins supplanté par les res privatae organisées par le marché, ainsi que par les res publicae mises à disposition par l’État. Elles sont dès lors traitées comme des res nullius, c’est-à-dire des « choses de personne ».

L’air et l’eau sont de parfaits exemples de biens communs qui, malgré leur importance, partagent bien souvent le triste sort des « choses de personne », de ces choses dont personne ne s’occupe. Les conséquences catastrophiques pour nous tous d’un tel état de fait se manifestent aujourd’hui de toute part.

Les « biens communs » – res communes, ou encore « commons » en anglais – ne sont pas des biens « sans maître ». Ils ne peuvent pas et ne doivent pas être utilisés à n’importe quelle fin, et encore moins détruits. Chacun de nous peut légitimement faire état de droits sur eux. Les biens communs sont les choses qui nous nourrissent, qui nous permettent de communiquer ainsi que de nous déplacer, qui nous inspirent et qui nous attachent à certains lieux– et dont, de manière tout aussi significative, nous avons besoin pour déverser nos gaz d’échappement et nos eaux usées.

La conception classique de la propriété, comprise en premier lieu comme droit de l’individu, acquiert une nouvelle dimension si l’on prend conscience de l’existence d’un droit collectif sur les biens communs.

  • Quelles sont les conséquences d’une redéfinition des terres comme biens communs ?
  • Qu’advient-il de l’espace public lorsqu’il n’est plus possible de le privatiser à volonté par la publicité, les décibels, les voitures ou les parkings ?
  • À quoi ressemblerait une société où l’utilisation libre des biens relatifs à laconnaissance et la culture serait devenue la règle, et leur utilisation commerciale l’exception ?
  • Quelles sont les règles et les institutions qui encouragent un rapport riche de sens aux biens communs ?

Ces questions ne sont débattues ni sur le plan théorique ni sur le plan de leurs conséquences politiques, sociales ou économiques.

Nous avons voulu dans ce rapport étudier le potentiel des biens communs lorsqu’ils sont utilisés de manière appropriée et durable. Nous y examinons les facteurs qui menacent leur existence. Nous y montrons quelles sont les règles qui ont fait leurs preuves dans certaines situations, et quelles sont celles qui doivent être entièrement repensées. Dans les pages qui suivent, nous partageons avec vous nos réflexions et nos expériences.

Les biens communs ne sont pas tous similaires, pas plus que les habillages institutionnels nécessaires pour transformer des ressources existantes en biens communs sécurisés. La remise du prix Nobel d’économie 2009 à la théoricienne des biens communs Elinor Ostrom a attiré l’attention du monde entier sur les questions discutées ici. L’approche théorique du juriste Yochai Benkler, avec le motif d’une « production par les pairs basée sur les communs » (commons-based peer production) qu’il met en avant, est elle aussi stimulante.

Il faut renforcer les biens communs, au-delà et de manière complémentaire au marché et à l’État. Chacun est appelé à assumer ses responsabilités en tant que copossesseur des « choses qui nous sont communes », afin d’en tirer davantage de liberté et de communauté. Les biens communs ont besoin d’hommes et de femmes, non seulement de marchés, d’aides gouvernementales ou de régulation étatique. La richesse qui se dispense à travers les biens communs doit être partagée de manière nouvelle et équitable dans toutes les sphères de notre vie.

Pour conclure : une vision

Nous avons besoin de changement, et nous connaissons la direction à emprunter. De nombreuses personnes sont déjà en chemin.

Ce rapport démontre que l’idée des biens communs peut faire nconverger différents mouvements. Voilà leur point fort.

Elle permet de rassembler en une stratégie commune la diversité des expériences pratiques et des projets, sans pour autant renoncer à la diversité des perspectives et des idéologies.

  1. Nous pouvons directement vouer notre énergie, nos institutions et nos talents aux biens communs et à ce qui constitue leur essence: la diversité de la vie.
  2. Nous pouvons nous demander systématiquement, à propos de tout projet, de toute idée ou de toute activité économique, s’il apporte plus aux communautés, à la société et à l’environnement qu’il ne leur retire.
  3. Nous pouvons reconnaître et soutenir matériellement en priorité les activités qui génèrent, entretiennent ou multiplient des biens à la libre disposition de tous.
  4. Nous pouvons faire en sorte que la participation collective et équitable aux dons de notre Terre ainsi qu’aux réalisations collectives du passé et du présent soit institutionnalisée et devienne la norme.
  5. Nous pouvons recourir à des processus décisionnels, des moyens de communication et des technologies transparents, participatifs et libres, ainsi que les améliorer.
  6. Nous pouvons inverser la tendance actuelle: en nous fixant des limites et en utilisant de manière durable les ressources naturelles, mais en étant prodigues en matière de circulation des idées. A insi nous bénéficierons au mieux des deux.
  7. Nous pouvons trouver des moyens intelligents de promouvoir la progression de tous, au lieu de nous concentrer exclusivement sur l’avancement individuel.

Lire le rapport « Biens Communs – La Prospérité par le Partage » dans son intégralité …

Notes

[1] Crédit photo : Ed Yourdon (Creative Commons By-Sa)




Un excellent reportage de la TSR sur le devenir des dons à Wikipédia

La Télévision suisse romande (TSR) a mis en ligne, à l’occasion des 10 ans de Wikipédia, un excellent reportage au titre bien choisi : « Pour la bonne cause Wikipédia ».

En quelques trois minutes on y explique fort bien l’utilité de soutenir financièrement le projet ainsi que le rôle joué par les associations locales, en l’occurrence Wikimedia CH.

Et puis cela fait aussi du bien de voir qu’il ne s’agit pas uniquement de personnes derrière leur ordinateur, avec cette jolie petite histoire de photographes de hockey.

—> La vidéo au format webm

URL d’origine du document

PS : J’ai retrouvé la page en question illustrant l’équipe de hockey de Bâle. Quant au l’ancien maire de Genève, il y a sa page Wikipédia, quand bien même celle-ci ne serait encore qu’une ébauche 😉




Les 10 ans de Wikipédia : une occasion médiatique manquée pour le logiciel libre ?

Wikimedia Italia - CC by-saWikipédia célèbre ses dix ans et je me réjouis bien entendu d’observer que l’évènement bénéficie légitimement d’une large couverture médiatique.

En quantité mais aussi et surtout en qualité, car il semble définitivement révolu le temps de l’incompréhension voire d’une certaine hostilité de la grande presse vis-à-vis de l’encyclopédie. Avoir des articles dédiés (et éclairés) dans les versions papiers du Monde ou de Libération permet aussi de mesurer le chemin parcouru[1].

Vous me voyez cependant contraint ici de faire, l’espace d’un court instant, mon schtroumpf grognon au milieu du concert de louanges. Parce que lorsque l’on regarde un peu dans le détail la revue de presse francophone occasionnée par cette date anniversaire, on constate que le logiciel libre est totalement occulté.

Vous me direz que ce n’est ni le sujet, ni le lieu, ni le moment. Vous me direz qu’il est normal que les journalistes adoptent l’angle de l’interview des fondateurs, du témoignage de collaborateurs, ou du « Wikipédia, comment ça marche ? » (ou, mieux encore, « comment ça marche, alors que ça ne devrait pas marcher ! »). Vous me direz aussi que je pêche par égocentrisme libriste. Mais de là à ne jamais évoquer le logiciel libre…

Il est vrai aussi que cette affirmation péremptoire repose sur une méthode sujette à caution. J’ai ouvert à ce jour tous les articles francophones glanés sur le Web qui me semblaient parler des 10 ans de Wikipédia, en cherchant rapidement l’occurrence « libre » dans le corps du texte. Je suis parfois tombé sur « librement diffusable » ou « encyclopédie libre » mais jamais sur « logiciel(s) libre(s) » (ni « licence libre » d’ailleurs).

À une exception près, l’article du Monde (odieusement pompé ici) où l’on peut lire ceci :

Un projet un peu fou : concevoir une encyclopédie en ligne, gratuite, rédigée par des internautes, à laquelle tous, experts ou néophytes, pourraient contribuer, en créant, complétant ou corrigeant les articles grâce à un outil inspiré des logiciels libres, le « wiki  », permettant un travail collaboratif.

Oui, bien sûr, Wikipédia repose sur le logiciel libre Mediawiki, mais ce n’est pas, loin de là, le seul point commun et la seule filiation possible.

« Au commencement était Nupedia… », nous rapelle 01net. Tandis que Jimmy Wales soigne sa légende dans cette vidéo : « J’ai écrit Hello World et j’ai invité les gens à participer ». Factuellement parlant, c’est certainement bien là le début de cette extraordinaire aventure.

Mais cela n’aurait été ni scandaleux ni inopportun de remonter encore un peu plus loin, de remonter aux sources – si j’ose dire – en affirmant, pourquoi pas, que : « Au commencement était le logiciel libre… » (ceci dit, je vous l’accorde, au commencement était Internet aussi !).

Je ne prétends évidemment pas que Wikipédia n’aurait jamais existé sans le logiciel libre. Mais il est indéniable que son expérience, ses méthodes, ses outils (techniques et juridiques), ses combats (contre le copyright, les formats fermés, etc.) lui ont profité et ont participé à son succès. Dans un contexte historique où l’on dresse des bilans et expose la genèse, c’est dommage de ne pas l’avoir cité au moins une seule fois, cela aurait pu mettre la puce à l’oreille à de nombreux lecteurs lambdas.

La présidente de Wikimedia Fance, Adrienne Alix, a eu la bonne idée de récolter les témoignages de quelques pionniers présents aux tous débuts du projet. Morceaux choisis :

« À l’époque, on était en plein dans le haut de la vague du mouvement open source, et cette communauté de bénévoles créant une encyclopédie libre correspondait parfaitement à l’esprit de ce mouvement open source. » (Buzz)

« Wikipédia faisait déjà sensation dans le milieu Libre, projet titanesque qui faisait des petits dans le monde entier. » (Bobby)

« Wikipédia n’était à l’époque pas très connue du grand public mais on en parlait beaucoup dans le milieu du logiciel libre (…) C’est l’idée de transposer les concepts du logiciel libre à d’autres domaines, en dehors de l’informatique, que je trouvais séduisante. » (Polletfa)

« Le mouvement du logiciel libre partage lui aussi des connaissances, il manquait un outil pour le savoir d’une manière générale. » (Hashar)

« Venant du logiciel libre et du monde de l’informatique, j’étais idéologiquement et pratiquement prédisposé à aimer Wikipedia. Trouver Wikipédia formidable allait donc de soi pour moi (…) Je me suis investi plus car j’y ai vu rapidement la promesse de voir les principes du logiciel libre dépasser le cadre de l’informatique (…) La motivation était donc avant tout politique. » (Kelson)

« A la fois partager mes connaissances mais aussi encourager l’esprit du libre, du gratuit, par opposition à la logique financière. Je suis, bien évidemment, un grand défenseur des logiciels libres, et de la libre diffusion de la culture et de l’information. Les droits d’auteur sont une notion dépassée et surclassée par les technologie de l’information ! » (Tonnelier)

Je précise que nous ne sommes pas le seuls à souligner cette filiation, puisque même l’article Wikipédia de Wikipédia le dit 😉

Wikipédia vise à être une encyclopédie libre, ce qui signifie que chacun est libre de recopier l’encyclopédie, de la modifier et de la redistribuer. Cette notion de contenu libre découle de celle de logiciel libre, formulée avant Wikipédia par la Free Software Foundation.

Par ses objectifs et son fonctionnement, le projet Wikipédia s’inscrit dans une série de filiations culturelles dont le concept du copyleft, inventé par Don Hopkins et popularisé par Richard Stallman de la Free Software Foundation, par lequel un auteur autorise tout utilisateur à copier, modifier et distribuer son œuvre, mais aux mêmes conditions d’utilisation, y compris dans les versions modifiées ou étendues, ainsi que la pratique du travail collaboratif sur Internet, développé notamment chez les informaticiens par les adeptes du logiciel libre.

Qu’un journaliste ait bien compris ce lien fort entre Wikipédia et logiciel libre mais l’ait ignoré par manque de place ou parce qu’il le jugeait secondaire, cela m’attriste mais c’est son choix au demeurant tout à fait respectable. Mais Il y a une autre hypothèse, celle du journaliste non informé sur qui l’on ne risque pas encore de pouvoir compter.

Ni sentiment d’ingratitude, et encore moins de jalousie, juste une pointe de frustration pour ceux qui, comme moi, travaillent à faire la promotion du logiciel libre en France et en Navarre. Sur ce, pas de quoi en faire un fromage, et je m’en retourne faire la fête avec mes amis wikipédiens 😉

Avant je disais : « Wikipédia, c’est comme un logiciel libre mais pour les encyclopédies ». Désormais je vais privilégier la formule : « Un logiciel libre, c’est comme Wikipédia mais pour les logiciels ».

Notes

[1] Crédit photo : Wikimedia Italia (Creative Commons By) – « Tieni accesa Wikipedia » – Il est remarquable de constater que les trams du centre ville de Milan ont participé à la campagne de dons en offrant des tarifs préférentiels à l’association Wikimedia Italia.




À qui la faute si les logiciels libres sous licence GPL sont éjectés de l’App Store ?

Chris Willis - CC byOn peut reprocher beaucoup de choses à Microsoft mais jamais on n’a vu un logiciel libre empêché de tourner sous Windows parce que la licence du premier était incompatible avec le contrat d’utilisation du second (sinon un projet comme Framasoft n’aurait d’ailleurs pas pu voir le jour).

Il semblerait qu’il en soit autrement avec Apple et son App Store, la plateforme de téléchargement d’applications pour les appareils mobiles fonctionnant sous iOS (iPod, iPhone et iPad).

C’est que révèle la récente « affaire VLC », célèbre logiciel libre de lecture vidéo, dont la licence semble tant et si bien poser problème à Apple qu’il a été brutalement et unilatéralement décidé de le retirer de l’App Store.

Et tout le monde se retrouve perdant, à commencer par l’utilisateur qui ne pourra plus jouir de cette excellente application sur son iPad & co[1].

Derrière ce malheureux épisode (qui n’est pas le premier du genre) se cache une question en apparence relativement simple : logiciels libres et App Store peuvent-ils cohabiter ? Un logiciel, dont les libertés d’usage, de copie, de modification et de distribution, sont garanties par sa licence, peut-il se retrouver dans un espace dont le contrat stipule un nombre limité de copies sur un nombre limité de machines ? Et comme la réponse est en l’occurrence négative, le risque est réel de voir les logiciels libres totalement écartés de l’App Store, et par extension des nombreuses autres plateformes privées qui poussent comme des champignons actuellement.

Mais attention, il s’avère que dans le détail c’est plus complexe que cela. Et c’est pourquoi nous avons pris la peine d’ajouter notre grain de sel au débat en traduisant l’article ci-dessous qui résume assez bien à nos yeux la situation. C’est complexe mais ça n’en est pas moins intéressant voire enrichissant car les particularités de la situation éclairent et illustrent de nombreux aspects du logiciel libre.

Il convient tout d’abord de préciser que ce n’est pas le logiciel libre en général mais le logiciel libre sous licence GPL (et son fameux copyleft) qui est pointé du doigt ici. Ensuite il y a l’existence d’un troisième larron en la personne de la société Applidium à qui l’on doit le portage de VLC dans iOS et sa présence dans l’App Store (dans un premier temps accepté puis aujourd’hui refusé). App Store dont les règles d’utilisation définies par Apple sont floues et changeantes. Enfin c’est bien moins la « communauté VLC » dans son ensemble que l’un de ses développeurs qui est impliqué dans cette histoire.

Choisir de placer son logiciel sous licence libre, a fortiori sous licence GPL, n’est pas un acte anodin. La liberté « en assurance-vie » que vous offrez là à vos utilisateurs peut s’opposer parfois frontalement à d’autres logiques et objectifs.

Tout le monde se retrouve perdant, mais le logiciel libre le serait davantage encore s’il devait céder en y perdant son âme.

La GPL, l’App Store et vous

The GPL, the App Store, and you

Richard Gaywood – 9 janvier 2011 – Tuaw.com
(Traduction Framalang : Olivier Rosseler et PaulK)

Mon collègue Chris a rédigé un article sur l’éviction de l’App Store du célèbre logiciel de lecture video VLC, après la plainte d’un développeur du projet sur la base d’une violation de la GNU Public License (l’application a depuis été mise à disposition sur Cydia pour les appareils jailbreakés).

Les réactions de la blogosphère Mac ont été virulentes après cette décision, et Chris s’est admirablement fait l’avocat des plaignants. Mais il ne faut pas oublier qu’une histoire a toujours plusieurs versions (et que la vérité se trouve souvent à mi-chemin entre les deux). Aujourd’hui, je me fais avocat de la défense : pourquoi Rémi Denis-Courmont était parfaitement dans son bon droit. Mais pour mieux étayer mon argumentation, je vais revenir un peu sur l’historique de l’Open Source. Alors accrochez-vous !

Commençons par le commencement : pourquoi VLC a été retiré de l’App Store

L’histoire a déjà été traitée, mais voici quelques faits que vous devez connaître. VLC (hébergé à l’adresse http://videolan.org) est un lecteur audio et vidéo complet, multi-plateforme qui a maintes fois fait ses preuves. VLC est publié sous la version 2 de la licence GNU Public License (GPL). Une entreprise nommée Applidium, sans lien avec le projet, a utilisé le code source de VLC pour en faire une application pour iOS gratuite, afin que les utilisateurs d’iPhone et d’iPad puissent s’en servir pour lire plus de formats de fichiers que leur appareil n’en supporte nativement, comme les fichiers AVI et MKV. En accord avec la GPL, Applidium a libéré le code source de la version modifiée de VLC.

L’accueil reçu par ce projet sur les listes de diffusion des développeurs de VLC fut contrasté. Alors que certains développeurs n’y voyaient pas d’inconvénient, le portage de leur travail (censé être ouvert) sur une plateforme, iOS, connue pour sa fermeture et ses restrictions sur la ré-utilisation du code des applications distribuées sur l’App Store, gênait les autres. En point d’orgue de cette histoire, l’un des développeurs, Rémi Denis-Courmont (auteur d’une bonne partie du code de VLC) demanda à Apple de retirer l’application VLC pour iOS de l’App Store pour violation de la GPL, à laquelle est soumise sa contribution au projet.

Finalement, quelques mois plus tard, il semblerait qu’Apple ait obtempéré sans poser de question puisque l’application a été retirée. Denis-Courmont s’interroge malgré tout sur les délais. Si c’était effectivement la réponse d’Apple à sa demande, l’entreprise aurait pu agir bien plus tôt.

Et donc, qui est dans le vrai ?

Une courte histoire des licences Open Source

Tout d’abord, à quoi sert l’Open Source ? Parfois, des programmeurs initient des projets sur leur temps libre (ou en tant qu’universitaire, ne subissent pas les pressions commerciales, tous les systèmes d’exploitation basés sur Unix trouvent leurs racines dans l’Open Source et dans les universités, ce qui n’est pas une coïncidence), puis ils deviennent trop gros pour s’en sortir seuls. Une aide extérieure est la bienvenue, par exemple pour réparer les bogues ou pour ajouter de nouvelles fonctionnalités, et grâce à Internet les volontaires sont nombreux. Ils mettent donc le code sous une licence Open Source afin d’en publier la source et de recruter des collaborateurs.

Dit ainsi, ça paraît assez utopique, mais le fait est que de nombreux logiciels de qualité sont nés ainsi, grâce à l’Open Source : le compilateur C GCC, le noyau Mach, le serveur web Apache HTTPd, l’interface de commande bash, les langages de programmation Perl et Python et le moteur de rendu Webkit utilisé par Safari. Ces quelques exemples ainsi que des centaines d’autres sont tous Open Source et font tous partie de Mac OS X. Apple utilise donc clairement l’Open Source.

Au-delà des logiciels, nous devons Wikipedia à la famille des licences Creative Commons, créées pour étendre les idées des logiciels Open Source à d’autres activités créatives. On peut même dire que l’Open Source reproduit approximativement les processus scientifiques où les chercheurs publient leurs méthodes et leurs découvertes librement afin que d’autres chercheurs puissent s’appuyer sur leurs travaux. Ce sont là des concepts très importants à mes yeux puisque je suis titulaire d’un doctorat en informatique. Je pense que l’on peut s’accorder sur le fait que les idées derrière les logiciels libres nous sont bénéfiques à tous.

Prenons l’exemple d’Alice, une programmeuse qui a écrit un petit utilitaire. Un autre programmeur, Pierre, apprécie beaucoup son programme, mais il voudrait le modifier pour qu’il réponde mieux à ses besoins. Alice décide alors de dévoiler le code source de son programme pour que Pierre puisse y apporter des changements.

La licence la plus simple qu’Alice puisse appliquer à son code est celle du domaine public. Cela signifie que l’auteur a volontairement abandonné tous ses droits sur le code et que chacun peut en faire ce qu’il veut. Pierre peut faire ses modifications et garder la nouvelle version pour lui-même, ou ouvrir sa boutique et la vendre. Il peut même en parler à son patron, Paul, chez Microsoft, et peut vendre l’outil d’Alice dans la prochaine version de Windows, sans qu’elle ne touche jamais un centime. Si vous vous dites que c’est pas très juste pour Alice, vous n’êtes pas les seuls. Gardez cet exemple à l’esprit.

Alice a également le choix entre des familles de licences similaires : la licence MIT, la licence BSD et la licence Apache. Grâce à elles, Alice conserve son droit d’auteur sur le code, mais elles octroient également à quiconque le télécharge le droit légal de le modifier et d’en distribuer la version modifiée. Différentes variantes de ces licences imposent également à Pierre de mentionner le nom d’Alice quelque part dans le logiciel, à l’instar de la licence Creative Commons Attribution. Mais rien ne l’empêche de le vendre sans rien verser à Alice en échange.

La GPL et les autres licences copyleft

En réponse à ce problème, la Fondation pour le Logiciel Libre (FSF) a créé la GNU Public License. Elle est aussi appelée copyleft pour bien marquer la rupture qu’elle représente par rapport aux autres licences dont il est question ici. Philosophiquement, la GPL a été créée pour assurer aux utilisateurs de logiciels sous GPL les quatres libertés suivantes :

  • La liberté d’exécuter le logiciel, pour n’importe quel usage ;
  • La liberté d’étudier le fonctionnement d’un programme et de l’adapter à ses besoins, ce qui passe par l’accès aux codes sources ;
  • La liberté de redistribuer des copies ;
  • La liberté de faire bénéficier à la communauté des versions modifiées.

Évidement, la licence en elle-même est un charabia juridique assez dense, dont le but est d’assurer une validité légale à cette philosophie, mais ces quatre libertés en sont vraiment le cœur. Vous remarquerez que la deuxième et la quatrième libertés imposent que le code source de tout programme sous GPL soit mis à disposition en plus de l’exécutable, que l’on utilise vraiment. C’est la raison pour laquelle de nombreuses entreprises qui font usage de code sous GPL dans leurs produits hébergent des pages entières de code source, comme le fait Netgear par exemple. Alors, évidemment, leurs concurrents peuvent analyser le fonctionnement exact de leurs produits, pourtant ils estiment que cet inconvénient est largement compensé par les avantages qu’il y a à s’appuyer sur des produits Open Source.

Si on reprend notre histoire d’Alice et Pierre, voyons ce qu’il se passe maintenant. Alice rend son code source public. Pierre rédige son patch et décide sournoisement de vendre cette nouvelle version du programme d’Alice. Mais Alice n’est pas bête et voit bien ce qu’il se trame. Elle pose alors un ultimatum à Pierre : soit il rend public le code source de sa version modifiée , soit ils se retrouveront devant un juge pour rupture du contrat grâce auquel il a obtenu la version d’Alice (c’est à dire, la GPL). Bob s’incline évidemment et publie son code. Aucun cas n’est allé jusqu’au tribunal dans la vraie vie. Pour beaucoup, cela prouve que la GPL est valide et incontournable : personne n’ose la contester.

L’App Store et la GPL peuvent-ils co-exister ?

Le conflit le plus évident entre l’App Store et la GPL réside dans la troisième liberté ? « La liberté de redistribuer des copies ».

Ce sujet a été largement débattu, chaque camp avançant ses arguments. Malheureusement, la résultat est que : premièrement, c’est un terrain plutôt flou et deuxièmement, il ne sera jamais certain qu’une des deux partise a plus raison que l’autre sans décision de justice. Il est peu probable que l’on en arrive à une telle situation car Apple (en tant que distributeur de logiciel pour tout l’App Store) n’ira probablement pas se battre en justice pour un logiciel Open Source. Concrètement, tant que le contraire n’est pas prouvé, l’App Store et la GPL sont incompatibles. C’est sans doute l’avis d’Apple en tout cas, ils n’auraient sûrement pas supprimé VLC (et d’autres logiciels Open Source comme GNU Go) de l’App Store dans le cas contraire.

Les membres de la Fondation pour le Logiciel Libre (FSF), auteurs de la GPL ne pensent pas non plus que l’on puisse concilier la GPL et l’App Store. Leur principal argument réside dans la clause suivante de la GPL v2 :

À chaque fois que vous redistribuez un programme (ou n’importe quelle réalisation basée sur le programme), l’utilisateur final reçoit automatiquement une licence du détenteur originel du programme l’autorisant à copier, distribuer et modifier le programme sujet à ces termes et conditions. Vous ne devez imposer à l’utilisateur final aucune autre restriction à l’exercice des droits garantis par la licence.

Regardons maintenant les Règles d’utilisation des produits App Store :

(i) Vous êtes autorisé à télécharger et synchroniser un Produit à des fins personnelles et non commerciales sur tout produit de la marque Apple tournant sur iOS (« Produit iOS ») que vous possédez ou contrôlez.

(ii) Si vous êtes une société commerciale ou un établissement scolaire, vous êtes autorisé à télécharger et synchroniser un Produit destiné à être utilisé soit (a) par une seule personne sur un ou plusieurs Produits iOS que vous possédez ou que vous contrôlez, soit (b) par plusieurs personnes sur un Produits iOS partagé dont vous êtes propriétaire ou que vous contrôlez. Par exemple, un seul salarié peut utiliser le Produit aussi bien sur son iPhone que sur son iPad, ou encore, plusieurs étudiants peuvent utiliser le Produit en série sur un seul iPad situé dans un centre de ressources ou une bibliothèque.

(iii) Vous pourrez simultanément stocker des Produits App Store à partir d’un nombre maximum de cinq Comptes différents sur des Produits iOS compatibles, tels qu’un iPad, un iPod ou un iPhone.

(iv) Vous pourrez procéder à la synchronisation manuelle de Produits App Store à partir d’un ou plusieurs appareils autorisés par iTunes vers des Produits iOS munis d’un mode de synchronisation manuel, à condition que le Produit App Store soit associé à un Compte existant sur l’appareil principal autorisé par iTunes, étant précisé que l’appareil principal est celui qui a été synchronisé en premier avec le Produit iOS ou celui que vous avez ultérieurement désigné comme tel en utilisant l’application iTunes.

Le conseil Légal de la FSF considère ces termes comme des restrictions à l’utilisation que peut faire l’utilisateur des logiciels obtenus sur l’App Store, c’est donc directement une atteinte à la GPL. Il importe peu que le port de VLC sur iOS soit libre. En fait, il aurait été plus simple d’imaginer qu’il ne l’était pas.

Imaginez, si Applidium avait fait payer 5$ pour leur port de VLC, tout en distribuant le code source complet sur leur site web. Rien dans la GPL n’empêche les développeurs de facturer leurs logiciels dérivés, c’est donc convenable. Mike achète une copie du logiciel pour 5$ et veut donner une copie à son ami Steve (c’est son droit, garanti par la GPL), mais il ne peut pas. Steve peut acheter sa propre copie à 5$, mais ne peut pas l’avoir par Mike ; il doit aller voir Apple.

Dans la réalité, VLC était gratuit, ce n’est donc pas gênant pour Steve de ne pas pouvoir dupliquer la copie de Mike ; mais ce ne sera pas forcément le cas avec d’autres logiciels et dans tous les cas, ça ne change rien, étant donné que les termes de la GPL n’acceptent pas plus que l’on restreigne la liberté de partager le logiciel parce que le logiciel dérivé se trouve être gratuit.

Notez que la FSF considère également le fait de ne pouvoir installer la même application que sur cinq iOS en même temps comme une autre restriction aux droits de l’utilisateurs ; cela semble être une erreur, puisque ce terme du contrat n’apparaît que sur la partie dédiée au contenu iTunes du Contrat de l’Utilisateur et ne s’applique donc pas aux applications de l’iOS. Il est également possible que le Contrat de l’Utilisateur pour iTunes ait été modifié après la publication de l’article de la FSF.

Qu’en est-il des autres programmes sous GPL présents dans l’App Store ?

On croit souvent, à tort, que lorsqu’un code est publié sous GPL, il ne peut plus l’être sous une autre licence. Ce n’est pas vrai. Si tous les ayants-droits, c’est-à-dire toutes les personnes ayant contribué au code, se mettent d’accord, le logiciel peut être placé sous une double licence.

Prenez l’exemple de Java. Java est placé sous GPL et Apple a pourtant utilisé la source de Sun pour la modifier (afin que la machine virtuelle Java sous OS X soit mieux intégrée à cet environnement) sans pour autant distribuer le code source de la version modifiée. Comment ? Simplement parce qu’ils ont utilisé le code source de Sun sous une autre licence, ce que Sun pouvait proposer car (à l’époque) le code de Java leur appartenait. Libre à eux donc de l’offrir au monde entier sous GPL tout en le proposant à Apple sous une autre licence.

Mais pour les grands projets, comme VLC, qui acceptent des correctifs publics de la communauté depuis longtemps, il n’est pas envisageable d’obtenir la permission rétroactive de tous les contributeurs pour appliquer une licence double. D’autres projets, en revanche, sont proposés sous GPL mais n’ont jamais accepté de correctifs extérieurs, ce qui signifie que leur code est toujours sous le contrôle d’une seule et même personne ou entreprise. On peut citer l’exemple de Doom, qui est sur l’App Store. BeTrains en est un autre exemple et les développeurs ont récemment décrit comment ils arrivent à concilier GPL et App Store.

Doit-on modifier la GPL pour la rendre compatible avec l’App Store ?

Cette question ne relève plus du problème légal, mais plutôt de la politique des logiciels. Les défenseurs de la GPL adoptent souvent une attitude méfiante, ce qui est, à mes yeux, souvent perçu comme du fanatisme en dehors de la communauté Open Source. Mais pourtant, les violations de la GPL sont malheureusement courantes. Par exemple, une étude récente de Matthew Garret montre que parmi des centaines de tablettes Android, la quasi-totalité violent la GPL. En d’autres termes, les systèmes de tous ces fabricants s’appuyent à 99% sur du code libre mais contiennent 1% de leurs propres modifications. Ensuite ils les vendent comme s’ils étaient à l’origine de la totalité du système.

Il va sans dire que les développeurs qui ont participé à ces projets sur leur temps libre sont indignés par ces pratiques, c’est pourquoi ils condamnent aussi facilement tout ce qui ressemble de près ou de loin à une violation de la GPL. C’est souvent pris pour du fanatisme ou même de l’hostilité, mais au fond, c’est juste l’expression du dégoût de groupes de bénévoles face aux pratiques d’entreprises qui tentent de se faire de l’argent facile avec leur travail.

Sans oublier cette peur que tout signe d’indulgence fasse basculer les choses du mauvais côté, que cela encourage plus encore les entreprises à violer la GPL, et que la FSF, avec ses maigres ressources, n’ait plus les moyens d’identifier et de menacer les entreprises qui se comportent mal pour qu’elles respectent la communauté sur laquelle elles s’appuient.

Les règles de l’App Store doivent-elles changer pour être compatibles avec la GPL ?

C’est ce qu’aimeraient certains développeurs de VLC, comme Ross Finlayson. Plutôt que de voir VLC banni de l’App Store, ils préfèreraient que ses règles soient modifiées afin de créer une exception pour les applications sous GPL. Rien n’est impossible, mais Apple (pourtant bien enclin à piocher largement dans l’Open Source pour créer Mac OS X) n’est pas vraiment réputé pour son ouverture aux compromis lorsqu’on touche à l’App Store. Il y a très peu de chance qu’un tel changement arrive, surtout pour des applications gratuites qui ne rapportent rien à Apple.

Est-ce que VLC pourrait être publié sous une autre licence ?

Actuellement, il serait presque impossible que VLC puisse paraître sous une autre licence, même réservée uniquement à Applidium, car chaque développeur ayant travaillé sur le projet devrait donner son accord, ce qui n’est pas gagné pour certains, dont Denis-Courmont.

Si VLC n’avait jamais été publié sous GPL, ou plutôt, s’ils n’avaient jamais accepté de contributions extérieures placées sous GPL, alors il n’y aurait pas de problème. Mais sans la forte protection apportée par la GPL, ils n’auraient certainement pas attiré autant de contributeurs. Impossible de dire si le projet aurait abouti ou pas.

Conclusion

Lorsqu’un projet choisit une licence comme la GPL ou tout autre licence copyleft, en opposition à des licences plus ouvertes, comme la MIT ou la BSD, les développeurs veulent s’assurer que toutes les œuvres dérivées seront libres. Cette protection a cependant un prix. En choisissant la GPL, l’équipe de développement originelle de VLC a fait la promesse à tous ses futurs collaborateurs que leur travail resterait libre, pour toujours. Ce que dit ouvertement la FSF et ce que concède implicitement Apple, c’est que l’App Store ne reconnaît cette définition de la liberté. Aucune des deux organisations n’est réputée pour accepter des compromis, donc, jusqu’à ce que l’une d’entre eux cède, les applications construites sur du code sous GPL, comme VLC, n’honoreront pas l’App Store de leur présence. C’est dommage, c’est sûr, mais pour les deux camps c’est une question de principes bien plus importants que quelques applications.

Je finirai en m’adressant aux commentateurs : ce débat englobe bien d’autres aspects, certains que j’ai juste abordés, d’autres que j’ai complètement omis, parfois par souci de clarté ou encore par manque de compétence. Je vous demanderai donc simplement d’être indulgents car c’est un sujet complexe et même un article de cette longueur ne permet pas d’en faire le tour. Mais je vous en prie, débattez-en !

Notes

[1] Crédit photo : Chris Willis (Creative Commons By)




L’accueil, le Sud et la défense d’Internet : des défis majeurs à venir pour Wikipédia

Enokson - CC byL’extraordinaire encyclopédie libre Wikipédia a 10 ans et c’est naturellement l’occasion de faire des bilans.

Nous avons préféré ici nous projeter dans l’avenir en compagnie de Sue Gardner, à la tête de la Wikimedia Foundation depuis 2007 (dont Jimbo Wales en personne nous dit que le recrutement fut certainement « l’une des meilleures décisions que nous ayons jamais prise au cours de cette première décennie »).

L’accueil[1] et la diversification de nouveaux éditeurs, l’ouverture au monde et tout particulièrement vers « le Sud » et son utilisation croissante des terminaux mobiles, mais aussi l’inquiétude (ô combien partagée) de l’émergence de lois potentiellement liberticides pour Internet et de ce que pourrait faire ensemble les Wikipédiens pour le défendre, sont quelques uns des thèmes abordés ici.

Rendre Wikipédia plus accueillant : un véritable défi

The battle to make Wikipedia more welcoming

Olivia Solon – 10 janvier 2011 – Wired.co.uk
(Traduction Framalang : Olivier Rosseler, Martin et Goofy)

L’un des défis majeurs pour Wikipedia est d’étendre sa base de collaborateurs. Ce ne sont pas les volontaires qui manquent, le problème vient plutôt de l’accueil pas très chaleureux qui est réservé aux novices. Sue Gardner, directrice exécutive de la fondation Wikimédia, annonce des mesures pour y remédier, dans une interview donnée à Wired.co.uk.

Le profil du contributeur de Wikipédia moyen, pour sa version anglaise est le suivant : homme (88%), jeune (pas encore tout à fait trentenaire), féru de technique, disposant d’une bonne éducation et qui habite dans l’hémisphère nord. Pour cette raison, les centres d’intérêt de l’encyclopédie tournent plus autour de l’informatique, de l’astronomie ou de la culture populaire qu’autour de l’agriculture, de l’art au moyen-âge ou de la linguistique, par exemple.

Afin de corriger ce déséquilibre, et pour élargir sa base de contributeurs et la rendre plus représentative de la population mondiale, Wikipédia est sur le point de lancer une campagne d’accompagnement des novices pour leurs 100 premières éditions. Cela implique de se pencher sur l’ergonomie du site, mais il s’agit surtout de s’assurer que les contributeurs chevronnés se montrent plus accueillants pour les nouveaux éditeurs.

Sue Gardner, directrice générale (NdT : Executive Director) de la fondation Wikimedia, se confie à Wired.co.uk : « Les Wikipédiens ne se montrent pas toujours très compréhensifs avec les nouveaux arrivants qui ne maîtrisent pas encore tout à fait l’outil et les règles. On parle beaucoup de « septembre sans fin » (NdT : endless September) – un terme inventé par Dave Fisher pour décrire le débarquement annuel d’étudiants qui se créaient leur premier adresse mail aux débuts d’Internet – et lorsque je suis entrée chez Wikimédia, l’idée de recruter de nouveaux contributeurs rencontrait énormément de résistance. »

« Les contributeurs de Wikipédia veulent que l’encyclopédie soit de très bonne qualité, et ils ne voient donc pas forcément d’un bon œil l’arrivée de personnes qui n’en connaissent pas les valeurs et les processus de publication. Il n’y avait pas une bonne perception de ce que pouvaient apporter de nouveaux éditeurs. »

Les contributeurs mystérieux

Après deux ans de discussions internes, les choses sont en train de changer. Une évolution majeure a été réalisée quand des contributeurs expérimentés ont mené une expérience en se faisant passer pour des contributeurs anonymes pour voir comment leurs modifications étaient reçues. Ils ont pu constater qu’elles avaient été annulées ou supprimées même si leurs contributions étaient d’aussi bonne qualité que celles faites en leur nom. On ne prenait même, en général, pas la peine de leur expliquer pourquoi elles étaient effacées.


Gardner ajoute : « je pense que maintenant nous comprenons le problème, mais il nous reste à évaluer notre gestion des 100 premières contributions, qui sont si cruciales. ».

Ils projettent de modifier l’interface, pour la rendre plus accueillante, avec plus de messages encourageants. Contrairement à d’autres sites où le contenu est généré par les utilisateurs, Wikipédia a toujours évité de contacter ses utilisateurs par e-mail. Mais envoyer des messages comme « Untel a apporté des modifications à l’article que vous avez rédigé » ou « Vous avez édité cet article, peut-être voudriez-vous également éditer celui-ci » renforcerait peut-être l’adhésion au site des nouveaux utilisateurs.

Mais au-delà des modifications de l’interface, la communauté tente d’inciter ses contributeurs actifs à être plus accueillants. Le but est de les encourager à adopter le même comportement avec les anciens qu’avec les novices.

« On ne peut pas vous assurer de ne pas rencontrer de méchanceté sur Wikipédia, mais il nous faut encourager les discussions constructives, » nous dit Gardner.

L’un des plus gros défis de Wikimédia est d’encourager les contributions du « Sud » (au sens économique). Fruit d’une année de discussions collaboratives, la stratégie établie est de mettre l’accent sur les pays moins développés économiquement.

Actuellement, la version anglaise de Wikipédia compte le plus grand nombre d’articles (plus de 3 500 000), viennent ensuite la version allemande, puis la version française, avec plus d’un million d’articles chacune. On dénombre quasiment 300 versions de Wikipédia dans d’autres langues, qui affichent entre un et 750 000 articles. Il y a environ 67 000 articles en Hindi, 55 000 en Urdu et 21 000 en Swahili, par exemple.

2011 verra l’ouverture du premier bureau hors des États-Unis, en Inde. Ce sera la première initiative de « plusieurs tentatives d’incursion dans des parties du monde où les contributeurs et les utilisateurs potentiels sont nombreux, mais ces possibilités sont encore bridées » d’après Gardner. L’amérique latine et les pays arabophones sont les prochains sur la liste.

Wikipédia souhaite recruter de nouveaux éditeurs, mieux faire connaître ses besoins, faciliter techniquement l’édition et accélérer le site. L’idée est d’éviter que Wikipédia ne soit une encyclopédie rédigée par des gens uniquement dans les pays riches.

Pour corriger ce déséquilibre géographique, il faudra travailler sur l’énorme barrière que représente l’interface pour mobiles. Dans les pays en voie de développement, la majorité des personnes accède au Web grâce à leur mobile. Même si Wikipédia est optimisée pour être lue sur un téléphone portable, contribuer à l’encyclopédie à partir d’un mobile reste très difficile. Il y a bien une éditrice de la version indonésienne de Wikipédia qui y parvient grâce à un clavier externe connecté à son téléphone, mais « ça à l’air extrêmement laborieux », d’après Gardner.

Elle s’interroge : « La question préalable demeure : est-il possible de créer une interface d’édition ergonomique sur téléphone portable ? »

Une autre menace se fait de plus en plus sentir : l’instabilité des lois. Actuellement, aux États-Unis, Wikipédia est protégée des poursuites si un contributeur met en ligne quelque chose de diffamatoire par le Communications Decency Act. Sans ce régime de responsabilité favorable, il serait presque impossible pour Wikipédia de maintenir son modèle d’encyclopédie rédigée par les utilisateurs.

Gardner dit : « Nous devons sans cesse nous faire entendre pour définir ce qu’Internet doit être à nos yeux. Dans les premières années, le pouvoir législatif s’est contenté d’observer son développement, mais maintenant il veut de plus en plus avoir son mot à dire. »

Elle se dit inquiète des interventions de plus en plus fréquentes des gouvernements qui censurent le Web à l’échelle nationale, comme l’Australie qui a mis en place une liste noire des sites interdits à ses concitoyens ou encore comme le Royaume-Uni, en la personne de Ed Vaizey, qui demande aux fournisseurs d’accès de se montrer plus stricts sur le pornographie pour combattre l’exposition trop précoce des enfants au sexe (NdT : Elle aurait également pu citer la France avec sa loi LOPPSI 2 !).

« Au début, on pensait qu’Internet ne connaîtrait pas de frontières. Mais on se rend de plus en plus compte que d’un pays à l’autre, la manière de l’utiliser diffère fortement. J’aimerais vraiment que les Wikipédiens aient voix au chapitre sur ce point ». Elle cite l’expérience d’eBay Main Street Initiative, le volet « local » du site d’e-commerce qui informe les vendeurs des projets législatifs qui pourraient les concerner, comme modèle à imiter. Ils encouragent ainsi les vendeurs sur eBay à faire pression sur le gouvernement lorsque leurs intérêts sont menacés. Ils les incitent à écrire des lettres, à envoyer des e-mails ou encore à appeler leurs élus lors des débats importants.

« J’aimerais que les Wikipédiens s’engagent de cette manière afin d’influencer le développement d’Internet. » ajoute-t-elle.

À quoi donc ressemblera Wikipédia dans 10 ans ? « J’aimerais qu’elle soit plus complète, qu’elle soit plus dense. La version anglaise est vraiment impressionnante, mais la variété de son contenu réflète malheureusement la catégorie sociale prédominante des éditeurs. J’aimerais au contraire que, pour toutes les langues, le contenu bénéficie des connaissances et du savoir de toute la population. »

Notes

[1] Crédit photo : Enokson (Creative Commons By)




Wikipédia fête ses 10 ans !

C’est fou ça, demain 15 janvier 2011 « le plus beau projet du XXIe siècle » fête ses dix ans d’existence ! C’est si loin et si proche en même temps…

Wikipédia ne manque jamais de reconnaître ce qu’il doit au logiciel libre. Aujourd’hui la réciproque est tout aussi vraie.

Quant à nous, nous avons modestement mis à contribution nos traducteurs de Framalang pour sous-titrer ci-dessous l’annonce de son fondateur Jimbo Wales.

Bon anniversaire et grand merci, et plutôt dix fois qu’une !

—> La vidéo au format ogv
—> Le fichier de sous-titres

Transcript du sous-titrage

URL d’origine du document

Bonjour. Je m’appelle Jimmy Wales, je suis le fondateur de Wikipédia, et aujourd’hui, nous célébrons le dixième anniversaire de Wikipédia.

Difficile d’imaginer que cela fait déjà dix ans que j’ai lancé ce projet.

Je me rappelle le premier jour : j’ai cliqué sur « Modifier » et écrit « Bonjour le monde », et c’était le début de Wikipédia et de tout ce qui a suivi.

Désormais, nous avons des millions d’articles dans des centaines de langues. Environ 400 millions de personnes visitent le site chaque mois et c’est quelque chose de tout simplement stupéfiant. Si vous songez à l’impact sur notre culture, c’est renversant… et c’est entièrement grâce à vous.

Je veux remercier tous ceux qui ont aidé. Je veux remercier ceux qui ont édité Wikipédia, contribuant à cette formidable base de connaissances. Je veux remercier tous ceux qui consultent Wikipédia, qui se soucient des idées et de la connaissance.

Nous l’avons créée pour ça. Pour que vous l’utilisiez.

J’ai une petite requête à adresser à chacun de vous. Même si nous avons des millions d’articles, même si nous existons dans des centaines de langues, il reste beaucoup de travail à accomplir. C’est pourquoi j’aimerais que ceux qui n’y ont jamais contribué essayent. Cliquez sur « Modifier ». Vous voyez des erreurs ? Corrigez-les. Rien ne nous fait plus plaisir.

Et donc… Bon anniversaire Wikipédia.

Wikipédia : 10 années de partage de la somme de nos connaissances.




Ce que pense Stallman de Chrome OS et du Cloud Computing

Jean-Baptiste Paris - CC by-saIl y a un mois Google annonçait la sortie du Cr 48, premier prototype de netbook tournant sous Chrome OS. Avec cet OS d’un nouveau genre vos applications, vos fichiers, vos données, etc. sont déplacés sur le Web, votre ordinateur n’est plus qu’un terminal permettant d’y avoir accès. C’est en apparence fort pratique (et c’est de qualité Google) mais il y a un réel risque de sacrifier sa liberté, individuelle et collective, sur l’autel de notre confort.

Du coup le Guardian en profita pour demander son avis au gardien du temple qu’est Richard Stallman[1].

Tout comme la critique de Facebook, ce qui se cache derrière Google Chrome OS, c’est le cloud computing, c’est-à-dire, d’après Wikipédia, le « concept de déportation sur des serveurs distants des traitements informatiques traditionnellement localisés sur le poste utilisateur ».

D’autres appellent cela « l’informatique dans les nuages » mais Stallman nous invite ici à prendre garde à cette appellation trompeuse que l’on a trop vite fait de connoter positivement (et d’évoquer alors plutôt une « careless computing », c’est-à-dire une informatique negligente ou imprudente).

Son point de vue sera-t-il partagé, en paroles et en actes, au delà des initiés du réseau ? Le doute est malheureusement permis. Et tout comme Facebook, il y a de bonnes chances pour que les ordinateurs Google Chrome OS soient bien le succès annoncé.

Lire aussi la suite de ce billet : Ce que pensent les internautes de ce que pense Stallman sur le Cloud Computing.

Embrasser ChromeOS, c’est accepter de perdre le contrôle de ses données, nous avertit Richard Stallman, fondateur de GNU

Google’s ChromeOS means losing control of data, warns GNU founder Richard Stallman

Charles Arthur – 14 décembre 2010 – The Guardian (Blog Technology)
(Traduction Framalang : Olivier Rosseler)

Le nouveau système d’exploitation dans les nuages de Google, ChromeOS, va « entraîner les gens à utiliser l’informatique imprudemment » en les forçant à stocker leurs données dans les nuages plutôt que sur leur machine. Telle est la mise en garde de Richard Stallman, fondateur de la Free Software Foundation et créateur du système d’exploitation GNU.

Il y a deux ans, Stallman, un vieux de la veille dans le domaine de l’informatique, et un ardent défenseur des logiciels libres à travers sa Free Software Foundation, prévenait qu’utiliser intensivement l’informatique dans les nuages était « pire que stupide », car alors l’utilisateur perd le contrôle de ses données.

Il se dit maintenant de plus en plus inquiet à cause de la sortie de ChromeOS, le nouveau système d’exploitation de Google, basé sur GNU/Linux, pensé pour stocker le moins possible de données localement. Il s’en remet plutôt à une connexion permanente avec le nuage de serveurs de Google, éparpillé dans le monde, pour assurer le stockage des informations sur les machines de l’entreprise plutôt que sur la vôtre.

Stallman ajoute : « Aux États-Unis, vous perdez vos droits sur vos données si vous les confiez aux machines d’une entreprise plutôt qu’à la vôtre. La police doit vous présenter un mandat pour saisir vos données, mais si elles sont hébergées sur le serveur d’une entreprise, la police peut y accéder sans rien vous demander. Ils peuvent même le faire sans présenter de mandat à l’entreprise. »

Google a entrepris un lancement en douceur de ChromeOS la semaine dernière, en présentant quelques fonctionnalités du système d’exploitation et en fournissant des machines de test à certains développeurs et journalistes tout en précisant que le lancement officiel n’aurait pas lieu avant le deuxième semestre 2011.

Eric Schmidt, patron de Google, en fait l’éloge sur son blog : « Ces annonces sont à mes yeux les plus importantes de toute ma carrière, c’est l’illustration du potentiel qu’a l’informatique de changer la vie des gens. Il est fascinant de voir à quel point des systèmes complexes peuvent produire des solutions simples comme Chrome et ChromeOS, adaptées à tout public. » Puis il poursuit : « À mesure que les développeurs se familiarisent avec notre ordinateur de démonstration, le Cr-48, ils découvriront que malgré sa jeunesse, il fonctionne incroyablement bien. Vous retrouverez toutes vos habitudes, mais avec des logiciels clients qui vous permettront de pleinement profiter de la puissance du Web. »

Mais Stallman reste de glace. « Je crois que informatique dans les nuages ça plaît aux marketeux, parce que ça ne veut tout simplement rien dire. C’est plus une attitude qu’autre chose au fond : confions nos données à Pierre, Paul, Jacques, confions nos ressources informatiques à Pierre, Paul, Jacques (et laissons-les les contrôler). Le terme « informatique imprudente » conviendrait peut-être mieux. »

Il voit un problème rampant : « Je suppose que beaucoup de gens vont adopter l’informatique imprudente, des idiots naissent chaque minute après tout. Le gouvernement américain pourrait encourager les gens à stocker leurs données là où ils peuvent les saisir sans même leur présenter de mandat de perquisition, plutôt que chez eux. Mais tant que nous serons suffisamment nombreux à conserver le contrôle de nos données, personne ne nous empêchera de le faire. Et nous avons tout intérêt à le faire, de peur que ce choix ne nous soit un jour totalement retiré. »

La responsabilité des fournisseurs de services dans les nuages a bénéficié d’un gros coup de projecteur durant la dernière quinzaine lorsqu’Amazon a banni Wikileaks de son service d’informatique dans les nuages EC2, invoquant, unilatéralement et sans proposer de médiation, le non respect des conditions d’utilisation par le site.

Le seul point positif de ChromeOS pour Stallman est sa base : GNU/Linux. « Au fond, ChromeOS est un système d’exploitation GNU/Linux. Mais il est livré sans les logiciels habituels, et il est truqué pour vous décourager de les installer ». Il poursuit : « c’est le but dans lequel ChromeOS a été créé qui me dérange : vous pousser à confier vos données à un tiers et accomplir vos tâches ailleurs que sur votre propre ordinateur ».

Stallman met de plus en garde les hackers en herbe contre le logiciel LOIC, présenté comme un moyen d’exprimer sa colère contre les sites ayant pris des mesures contre Wikileaks, non pas car il est contre ces actions, mais parce que le code source de l’outil n’est pas ouvert aux utilisateurs. « Pour moi, utiliser LOIC sur le réseau c’est pareil que descendre dans la rue pour protester contre les boutiques qui pratiquent l’évasion fiscale à Londres. Il ne faut accepter aucune restriction au droit de protester » note-t-il. « (Mais) si les utilisateurs ne peuvent pas compiler eux-même le logiciel, alors ils ne devraient pas lui faire confiance. »

Mise à jour : Richard Stallman nous écrit : « Un article de la BBC rapportait que quelqu’un de chez Sophos disait que LOIC est un « logiciel inconnu », et j’ai cru qu’il entendait par là « propriétaire », mais je me suis trompé. En fait, LOIC est un logiciel libre, et donc les utilisateurs ont accès au code source et peuvent le modifier. Ses rouages ne sont pas obscurs comme ceux de Windows, de MacOS ou d’Adobe Flash Player, et personne ne peut y cacher de fonctionnalités malicieuses, comme c’est le cas pour ces programmes. »

Lire aussi la suite de ce billet : Ce que pensent les internautes de ce que pense Stallman sur le Cloud Computing

Notes

[1] Crédit photo : Jean-Baptiste Paris (Creative Commons By-Sa)




Où est le bouton « J’aime pas » Facebook ?

ZuckRépondons sans attendre à la question du titre. Vous trouverez la version française du bouton « J’aime pas » Facebook, ci-dessous, sur le Framablog ! Explications…

Il aurait pu faire comme Le Monde et désigner Julian Assange mais non, le célèbre hebdomadaire américain Time Magazine a choisi le fondateur de Facebook Mark Zuckerberg comme Personnalité de l’année 2010.

Et cette décision est restée un peu en travers de la gorge de la Free Software Foundation, qui du coup vous propose une contre-offensive en détournant ce pernicieux espion traceur que représente le bouton Facebook « J’aime », qui pullule déjà sur d’aussi naïfs que nombreux sites.

Bouton que notre ami Poupoul2 s’est fait un plaisir d’adapter à notre langue et que vous trouverez en pièce-jointe (au format .SVG) à la fin de la traduction du billet de la FSF expliquant et justifiant cette action.

À partager et diffuser sans modération si affinités dans la démarche.

J'aime pas Facebook

Mark Zuckerberg, personnalité de l’année selon TIME Magazine ? Où est le bouton « J’aime pas » ?

Mark Zuckerberg is TIME Magazine’s Person of the Year? Where’s the “dislike” button?

Matt Lee et John Sullivan – 4 janvier 2011 – FSF.org
(Traduction Framalang : Julien et Antistress)

TIME Magazine fait l’éloge de Mark Zuckenberg pour avoir créé un système qui a interconnecté les gens du monde entier.

Malheureusement, les conditions sous lesquelles il prétend avoir réalisé cela a créé un épouvantable précédent pour notre avenir — s’agissant de la maîtrise des logiciels que nous utilisons pour interagir avec les autres, du contrôle de nos données et de notre vie privée. Les dégâts ne sont pas limités aux utilisateurs de Facebook. Parce que tant de sites — y Compris TIME — utilisent le bouton Facebook « J’aime » de traçage des internautes, Zuckerberg, est capable de collecter des informations sur des personnes qui ne sont même pas utilisatrices de son site. Ce sont des précédents qui entravent notre capacité à nous connecter librement les uns aux autres. Il a créé un réseau qui est avant tout une mine d’or pour la surveillance gouvernementale et les annonceurs publicitaires.

Tout cela est bien connu s’agissant du comportement du site Facebook lui-même et de ses relations avec l’extérieur — mais les choses pourraient s’avérer en fait bien pires. Les utilisateurs de Facebook ne se connectent pas directement entre eux. Ils parlent à M. Zuckenberg qui commence par enregistrer et stocker tout ce qui est dit, et, alors seulement, le transmet éventuellement à l’utilisateur destinataire, si ce qui est dit lui convient. Dans certains cas, il ne le fait pas — comme en sont témoins les récents comptes-rendus montrant que le service de messagerie de Facebook bloque des messages en se basant sur les mots et liens qu’ils contiennent, parce que ces liens pointent vers des services que Facebook préférerait que l’on évite de mentionner.

Heureusement, il y a de nombreux efforts en cours pour fournir des services distribués, contrôlés par l’utilisateur, permettant de faciliter la mise en relation entre les gens, dont GNU social, status.net, Crabgrass, Appleseed et Diaspora. Ces services n’auront pas les mêmes types de problèmes parce qu’à la fois le code permettant le fonctionnement du réseau et les données échangées seront entre les mains des gens qui communiquent.

Ces efforts finiront par être couronnés de succès. Nous espérons que, lorsque ce sera le cas, TIME réparera son erreur d’appréciation en décernant le titre de la Personnalité de l’année avec plus de discernement.

Not Facebooked Me - FSF

Copiez et collez ce code dans votre propre site :

<a href="http://www.fsf.org/fb"><img src="http://static.fsf.org/nosvn/no-facebook-me.png" alt="Not f'd — you won't find me on Facebook" /></a>

En attendant, vous pouvez encourager les gens à ne pas se connecter à Zuckenberg lorsqu’ils croient qu’ils se mettent en rapport avec vous, en plaçant ce bouton sur votre blogue ou site web, avec un lien vers la méthode que vous préférez qu’ils utilisent pour vous contacter directement — peut-être votre compte sur identi.ca ou tout autre serveur status.net.

Sinon, vous pouvez faire pointer un lien vers ce billet ou tout autre article qui souligne les problèmes avec Facebook, tel que « Des amis tels que ceux-ci… » (NdT : dont il existe une traduction en français) de Tom Hodgkinson, ou les ressources disponibles sur http://autonomo.us — en particulier la « Déclaration sur la Liberté et les Services Réseaux de Franklin Street » (NdT : nommée d’après l’adresse des bureaux de la FSF à Boston).

Notre bouton n’est évidemment pas relié à une quelconque base de données de surveillance ou autre système de traçage.

Téléchargez notre bouton « J’aime pas » et ajoutez le à votre site web, ou imprimez vos propres autocollants.

Tous les boutons sont mis à disposition sous la licence Creative Commons Paternité – Partage des Conditions Initiales à l’Identique (CC BY SA).

Vous êtes libre de modifier les boutons, mais veuillez garder la mention des créateurs originaux intacte, et assurez-vous que vos boutons soient sous la même licence.

Vous ne me trouverez pas sur Facebook