Contribuer au logiciel libre : un devoir civique ?

Le témoignage d’un développeur qui considère qu’à partir du moment où vous vivez bien il est moralement important de rendre à la communauté un peu de ce qu’elle vous a donnée.

David Orban - CC by

L’open source, une responsabilité civique

Open Source as a Civic Duty

Jeremy Kahn – 13 juillet 2013 – Blog personnel
(Traduction : Asta, r0u, aKa, GregR, regularuser, Tentate, dig, Fol, Maijin + anonymes)

On me demande parfois la raison pour laquelle je passe autant de mon temps libre à écrire des logiciels et à les mettre à disposition librement et gratuitement. Il y a un certain nombre de raisons à cela. J’aime construire des choses et cela me sert de prétexte pour pratiquer et m’améliorer, mais une de mes principales motivations est que je vois dans les contributions open source un devoir civique, une obligation morale envers le reste du monde.

Étant donné que je suis un programmeur actif travaillant dans la Silicon Valley, et qu’on me considère généralement comme pas trop incompétent, vous vous doutez bien que je ne me soucie pas trop de comment j’arriverai à payer mon prochain repas. Je ne suis pas « riche », mais j’ai un style de vie plutôt confortable, et c’est tout ce que j’ai toujours voulu. Après tout, un programmeur a-t-il besoin d’autre chose qu’un ordinateur portable et d’une tasse de café pour être heureux ? Ceci étant, je n’ai pas à m’inquiéter de savoir si je vais avoir, ou non, un endroit pour vivre et à manger le mois prochain, je suis parmi les gens les plus heureux du monde. Et si vous avez toute la technologie nécessaire à la lecture de cet article, vous l’êtes sûrement tout autant.

La morale est un sujet sensible qui dépend des individus et de leurs cultures, et ce texte ne suggère pas que ma conception de la moralité soit nécessairement correcte. Cependant, je pense que les gens assez chanceux pour parvenir à vivre par leurs propres moyens ont une obligation de rendre quelque chose à leur communauté. Je crois qu’un certain niveau de sacrifice personnel et de devoir civique est nécessaire afin de bâtir et de maintenir un collectif au sein duquel nous souhaitons tous vivre. Cela peut prendre plusieurs formes, des dons, du travail bénévole ou, dans mon cas, la conception et le développement de logiciels libres. La manière dont vous tentez de contribuer à la communauté n’est pas vraiment importante, ce qui compte est que vous le fassiez.

Bien sûr, je ne code pas des logiciels qui permettront de fournir de l’eau à des pays pauvres en Afrique ou à soigner la malaria. Je me focalise plutôt sur des outils d’animations pour le Web et d’autres utilitaires pour les interfaces utilisateurs. Cependant, je travaille dessus afin que d’autres n’aient pas à le faire. Mon but à mon niveau est de faire gagner du temps à d’autres personnes, et leur permettre de résoudre des problèmes qui n’ont pas encore de solutions. Pour prendre un exemple significatif, considérons le projet GNU. Au final, GNU a permis de faire gagner à l’humanité des siècles en temps de travail. De nos jours, on ne passe plus beaucoup de temps à développer des systèmes d’exploitation et autres outils basiques, car c’est une tâche quasiment résolue. À la place nous utilisons des outils GNU que d’autres ont laborieusement développé, nous permettant alors ainsi de poursuivre et nous concentrer vers d’autres défis comme la modélisation statistique ou la lutte contre le SIDA. Si vous avez des doutes sur l’intérêt du logiciel libre, il vous suffit de regarder le projet GNU.

L’altruisme n’est malheureusement pas très répandu dans la Silicon Valley. Au mieux, les grandes firmes ont une division s’occupant de responsabilité sociale et environnementale, et les plus petites organisent une collecte de fonds à but solidaire de temps en temps. Mais il semble qu’une grande partie des entreprises technologiques de la Silicon Valley se concentrent sur une vision autocentrée et des problèmes « de niche », spécifiques à leur fondateur et à ses amis. Je ne veux pas d’une culture dans laquelle les seuls problèmes résolus sont ceux que les techniciens rencontrent. Je pense que l’écriture de logiciels libres sur mon temps personnel est un petit pas dans la bonne direction, même indirect. Mon rêve est qu’un jour, un outil libre que j’aurai écrit soit utilisé à des fins vraiment utiles. N’importe qui peut accomplir cela, ça ne requiert que peu de temps ou d’argent — seulement de prendre un peu de recul.

Crédit photo : David Orban (Creative Commons By)




Comment perdre tous ses livres en traversant une frontière avec Google Play

Imaginez-vous partir en avion dans un autre pays en ayant emporté dans votre valise quelques livres à lire lors de votre séjour. Vous arrivez à destination, récupérez votre valise sur le tapis de roulant de l’aéroport, l’ouvrez pour vérifier son contenu et là surprise : tous vos livres ont purement et simplement disparu par l’opération du Saint-Esprit !

C’est c’est qui arrivé récemment à un bibliothécaire américain, à ceci près que les livres en question étaient électroniques et qu’ils avaient été achetés sur Google Play qui ne semble pas effectif à Singapour !

La conclusion s’impose d’elle-même mais nous ne vous ferons pas l’injure de l’expliciter 😉

Melenita2012 - CC by

DRM en folie

DRM follies

Jim O’Donnell – 15 août 2013 – Liste Liblicense
(Traduction : ProgVal, maximem, Slystone, Mathieu, Solarus, Feadurn, LordPhoenix, Kéviin, lamessen, Mogmi + anonymes)

Je suis à Singapour pour assister aux réunions de l’IFLA (Fédération Internationale des Associations de Bibliothécaires et des Bibliothèques). C’est un long voyage, mais j’ai pris la décision courageuse et audacieuse de ne dépendre que de mon iPad pour toutes mes lectures durant ce séjour, à partir des applications Kindle, iBooks, et « Google Play » (connu auparavant sous le nom de Google Books). Un simple petit exemplaire de sonnets de Shakespeare m’accompagne en version papier, pour que je puisse lire quelque chose pendant la période d’extinction des appareils électroniques à bord de l’avion.

Donc quand je suis arrivé, j’ai remarqué que plusieurs des applications de mon iPad pouvaient être mises à jour, j’ai donc cliqué et accepté. L’une d’elles était Google Play. Quand ce fut terminé et que j’ouvris l’application, elle m’annonça qu’il fallait mettre à jour les livres et que cela pourrait prendre quelques minutes. Le temps passa, et l’écran se remplit des couvertures des 30 ou 40 œuvres que je garde sur mon appareil. Deux d’entre elles étaient des livres que je lis beaucoup pour les cours que je donnerai cet automne.

Mais tous mes livres avaient disparu et devaient être à nouveau téléchargés L’application est un outil de téléchargement défaillant, presque aussi mauvaise que celui du New Yorker. Je le redoutais, mais j’ai cliqué sur les deux dont j’avais le plus besoin à cet instant. (J’ai vérifié la quantité d’espace de stockage utilisée, et effectivement, les fichiers avaient bel et bien disparu de ma tablette.)

Et le téléchargement n’aboutissait jamais. Il s’avère que, parce que je ne suis pas dans un pays où Google Books est une entreprise reconnue (ce qui englobe la plupart des pays sur la planète), je ne peux pas télécharger mes livres électroniques. Le peu de connaissances que j’ai en informatique me permettent de supposer que la suppression a eu lieu lorsque, à l’occasion de la mise à jour automatique, le système a détecté que j’étais en dehors des États-Unis, et a donc réagi.

Une fois n’est pas coutume, Google a une assistance pour Google Play disponible par courriel, mais une succession d’échanges a démontré que les droïdes de l’Android Market n’étaient ni en mesure de comprendre mon problème, ni de faire preuve d’empathie, ni de proposer une solution. Je dois nécessairement retourner aux États-Unis pour être autorisé à passer quelques heures à re-télécharger « mes » livres avant de pouvoir les lire à nouveau. À un moment on m’a demandé quelle fonctionnalité je pourrais suggérer d’ajouter à Google Play. J’ai suggéré « Don’t Be Evil » (NdT « Ne soyez pas malveillant », le fameux slogan de Google), mais je n’ai eu aucune réponse.

Heureusement, archive.org hébergeait une version scannée, et non produite par Google, du livre du XIXe siècle dont j’avais le plus besoin. Je l’ai téléchargée sans problème et je peux la lire dans l’app GoodReader, qui ne semble pas se préoccuper de savoir dans quel pays je me trouve.

Crédit photo : Melenita2012 (Creative Commons By)




Quelques enseignements de la décennie Pirate Bay sur la censure et le partage

The Pirate Bay fête ses dix ans d’âge cette année.

L’occasion pour Rick Falkvinge (souvent traduit par le Framablog) d’en faire un petit bilan et perspectives…

Sopues - CC by

La décennie Pirate Bay : combattre la censure, les monopoles du copyright octet par octet

Pirate Bay decade: Fighting censorship, copyright monopolies bit by bit

Rick Falkvinge – 16 août 2013 – RT
(Traduction Framalang : Slystone, gaetanm, Alain_111, maximem, greygjhart, Asta, lamessen, FF255, angezanetti, @zKooky, Genma + anonymes)

Pendant 10 ans, The Pirate Bay a fait apparaître clairement qu’aucune loi dans le monde ne peut couper un service Internet voulu par des centaines de millions de personnes. Il continuera à se décentraliser pour se protéger des assauts légaux, affirme ici le fondateur du Parti Pirate suédois Rick Falkvinge.

Le phénomène de partage de la culture et du savoir semble osciller entre des cycles de décentralisation et de centralisation. The Pirate Bay est apparu sans tambour ni trompette il y a 10 ans en 2003. À cette époque, BitTorrent n’était pas du tout la technologie privilégiée pour le partage, et le groupe de réflexion suédois appellé The Pirate Bureau voulut tester cette technologie, qui semblait prometteuse car décentralisée.

Alors que nous pourrions penser que le partage devrait être décentralisé par nature, il apparaît que c’est rarement le cas. Quand nous partagions culture et savoir pendant notre adolescence, cela se faisait sur cassettes audio. Les lecteurs de cassette de cette époque étaient d’ailleurs livrés avec deux emplacements à cassettes et un bouton copier A sur B, fournissant des fonctionnalités pour faciliter le partage de la culture et du savoir entre les gens.

Quand les ordinateurs sont arrivés, ils utilisaient également les cassettes pour stocker la culture, la connaissance et les programmes, ainsi le partage au sein de ce nouveau monde n’en était que plus facilité.

Autour des années 90, les modems sur ligne téléphonique devinrent populaires, et un pré-Internet composés de proto-sites BBS (Bulletin Board System) émergea. Plutôt que de se connecter au Net et d’être en ligne avec tout le monde en même temps, on connectait son ordinateur à un seul BBS via sa ligne téléphonique, et ces BBS partageaient ensuite les fichiers entre eux, les rendant de ce fait disponibles à tous leurs utilisateurs.

Comme c’était toujours plus pratique que de partager et copier des cassettes entre amis, le partage de culture et de connaissance via les BBS se répandit rapidement. Il y avait des dépôts centralisés d’où vous pouviez télécharger les tendances du moment, principalement des fichiers textes, des jeux et occasionnellement de la pornographie pixélisée en faible résolution (Un BBS avec un demi gigaoctet d’espace disque était énorme à cette époque).

Centralisé versus décentralisé

Faisons avance rapide pour arriver au temps du déploiement d’Internet en général, et de Napster en particulier. Quand les BBS avaient l’intégralité des catalogues sur leurs disques durs, le génie de Napster fut de connecter les disques durs des utilisateurs les uns aux autres plutôt que de tenter de tout rassembler de façon centralisée.

Le pari de Napster était que l’industrie de l’enregistrement du disque verrait les opportunités de profits, et ferait de Napster une partie de cette industrie. L’alternative serait de forcer le partage clandestin, d’encourager la décentralisation.

Comme le dit Cory Doctorow : « Copier devient toujours plus simple, partager ne sera jamais plus difficile que ça ne l’est à présent. »

Napster était aussi une merveille dans sa facilité d’utilisation. Vous tapiez le nom d’une chanson, vous l’écoutiez quasiment instantanément. On ne pouvait pas mieux faire. À toutes les conférences sur le peer-to-peer et l’architecture technique qui expliquait le succès de Napster, c’était la simplicité d’utilisation qui était la caractéristique principale et non sa technique sous-jacente.

Maintenant, comme nous le savons, l’industrie de la musique a choisi la folie plutôt que la raison (et continue de faire ainsi), en décidant de tuer Napster.

À ses débuts, un protocole relativement décentralisé appelé DirectConnect est apparu, qui donnait la possibilité à tout un chacun de déployer son propre clone de Napster. Mais les transferts étaient plutôt inefficaces – vous deviez trouver spécifiquement la personne qui avait le contenu que vous vouliez, et ensuite créer votre propre copie du fichier culturel partagé depuis les sources fournies par cette personne.

L’ère Pirate Bay : combattre la censure

La technologie BitTorrent, rendue très populaire par The Pirate Bay, a amélioré cela de deux manières.

Dans un premier temps, tout le monde transférait à tout le monde. Si vous cherchiez des sources pour produire votre propre copie de Game of Thrones et que 10.000 personnes partageaint ces sources, vous ne les obteniez pas à partir d’une seule personne, mais à partir de différents morceaux de milliers de personnes à la fois. Ce qui était bien plus efficace.

La seconde amélioration eut ceci de remarquable qu’elle n’était pas technique mais juridique. Des personnes avaient été mises en cause pour le partage de milliers de fichiers culturels, permettant aux autres d’avoir leurs propres copies pour leurs propres usages, mais il n’était pas possible de voir quelles autres sources partageait une personne, juste parce que l’on ne recevait d’elle qu’une partie de ses fichiers pour un élément spécifique. Cela ajoutait une protection significative contre des poursuites éventuelles pour avoir enfreint le monopole du copyright.

Mais la vraie percée de The Pirate Bay ne repose pas dans sa technologie, mais dans sa défense des droits civiques. Lorsqu’ils étaient persécutés par les avocats de l’industrie du copyright, les opérateurs de The Pirate Bay leurs ont répondu, et les gens les aimaient pour cela. Ils n’ont pas perdu leur temps à être poli non plus. « Allez vous faire foutre » était une une réponse très gentille à une une menace vide d’un point de vue légal. Une fois qu’ils ont publié toutes les menaces reçues et leur réponse en ligne, ils sont instantanément devenus les héros d’une génération du partage.

Ce qui est le plus intrigant est que les avocats de ces industries du copyright martèlent que les droits exclusifs (les monopoles) sont une « propriété », alors que ce n’est clairement pas le cas dans la loi. On pourrait penser que les avocats ne mentiraient pas à propos de ce que dit réellement la loi. Pourtant ils persistent à le faire, pour de simples questions de relations publiques : essayer de faire apparaître le monopole comme de la propriété alors qu’en réalité c’est un monopole qui limite les droits à la propriété.

L’industrie du copyright n’a pas perdu de temps dans sa lutte visant à censurer The Pirate Bay, en utilisant tous les prétextes, de la pornographie infantile (oui, ils ont constamment tenté d’associer la culture du partage libre avec le viol d’enfant) aux embargos à l’échelle mondiale.

Dans certains pays, l’industrie du copyright a réussi à introduire ce type de censure en théorie, mais des outils pour la contourner apparaissent alors presque instantanément. Ainsi, The Pirate Bay se présente comme le site BitTorrent le plus résistant du monde, une réputation durement gagnée et à laquelle le site a tous les droits de prétendre. Il a combattu la censure à peu près partout dans le monde, enseignant par là-même à la population comment éviter la censure gouvernementale.

Il est clair et évident que The Pirate Bay évolue peu. Du point de vue technique, il reste à peu près le même site qu’en 2006. Il faut remarquer que c’est le seul dans son genre au sein du top 100 mondial des sites.

Ce fait en dit aussi beaucoup sur la demande actuelle pour les services fournis. La condamnation des premiers opérateurs de The Pirate Bay en 2009 n’a évidement rien changé en ce qui concerne le site lui-même. Alors que le procès en tant que tel était une blague juridique commandée par correspondance depuis les États-Unis que le futur jugera très sévèrement, il n’a pas fait la moindre égratignure au partage.

Aucune loi ne peut l’arrêter

À l’heure actuelle, en 2013, il existe des cartes recensant les endroits où les gens se livrent le plus au partage de la culture et de la connaissance, en violation du monopole du copyright. Les États-Unis sont systématiquement en dessous de la moyenne sur ces cartes, mais il n’y a pas de quoi se vanter : en comparant les cartes du partage à celles de la bande-passante domestique, on s’aperçoit qu’elles sont très fortement corrélées.

Ainsi, le fait que les gens résidant aux États-Unis partagent moins que leurs collègues européens ou asiatiques n’a rien à voir avec leur respect des monopoles qui faussent le marché : s’ils partagent moins, les causes réelles en sont les infrastructures gravement sous-développées et lentes présentes aux États-Unis.

Cet article a débuté avec une étude de l’opposition entre la centralisation et la décentralisation. Cela aurait tout aussi bien pu être une étude de la confrontation entre la communauté de la justice et celle des entrepreneurs techniques. Là où les juristes attaquent la technologie, cette dernière répond par la décentralisation, devenant de ce fait résistante aux attaques.

Une décennie avec The Pirate Bay a rendu quatre choses limpides quant aux prévisions pour le futur.

La première est que The Pirate Bay a montré qu’aucune loi existante ne peut arrêter un service voulu par des centaines de millions de personnes ; la seconde est que la censure gouvernementale est aussi détestée universellement qu’elle est facilement détournée ; la troisième est que les services continuent à se décentraliser pour se protéger des attaques légales ; et la quatrième est que le partage de la culture et de la connaissance en violation du monopole du droit d’auteur continue de croître tous les jours après avoir déjà atteint des sommets.

Je pense que des enseignements importants peuvent être tirés de ces quatre observations. Si seulement nos hommes politiques pouvaient en prendre conscience, nous nous en porterions beaucoup mieux.

Crédit photo : Sopues (Creative Commons By)




Le projet qui peut tout changer dans le monde de la musique libre ?

Cultural Commons Collecting Society

L’association Musique Libre ! nous a proposé de reproduire un article de son blog, histoire d’élargir le cercle des lecteurs potentiels. Nous le faisons avec d’autant plus de plaisir que le sujet abordé est d’importance : la création (et le soutien) d’une société collective de gestion des droits où ceux qui font de la « musique non SACEM sous licence libre ou ouverte » se retrouveraient enfin. D’abord en Allemagne mais peut-être ensuite dans toute l’Europe.

L’occasion également pour nous de prendre des nouvelles de cette association qui a pour priorité première de mettre à jour le site Dogmazic, comme expliqué dans la vidéo ci-dessous (disponible également au format Ogg) :

Bon vent à l’un comme à l’autre…

C3S, le projet qui change tout

URL d’origine du document

Par Tumulte, le 30 juillet 2013

On vous en avait déjà parlé, le voici lancé : la « Cultural Commons Collecting Society » sera officiellement créée le 30 septembre sous la forme d’une société coopérative européenne ! Pour bien mesurer la portée de la nouvelle, il s’agit de créer un concurrent à la GEMA (équivalent de la SACEM en Allemagne), brisant ainsi un monopole de près de 80 ans !

Non content d’entreprendre ce projet pharaonique, le C3S envisage à terme d’être pan-européen, et de de venir la société de gestion de droits de l’ère numérique ; la société de gestion des musiques libres.

Faire table rase…

Les sociétés collectives de gestion des droits sont fondamentalement une bonne idée. S’allier permet à la fois d’être une force de négociation (face aux industries culturels, institutions,…) tout en se mutualisant les tâches comptables fastidieuses. En théorie les SACEM ou autres GEMA devraient garantir cela (n’oublions pas que ce sont des organismes d’intérêt général !), mais au lieu de répartir les gains équitablement, elles ont contribué à mettre en place une petite caste de rentiers ; au détriment de la quasi-totalité des autres. Enfin, ces organismes sont réputés pour avoir des frais de fonctionnements exorbitants, comme en témoigne le récent scandale sur la rémunération du patron de la SACEM (qui choque jusqu’à l’UMP).

Les probabilités que cela change sont nulles étant donné que les seuls votants, sont les membres de cette caste qui profite du système. Il ne reste donc qu’une option viable.

…Pour construire une alternative juste

Au départ, la nécessité d’une autre société de gestion vient d’un constat aussi simple qu’accablant : lorsqu’il s’agit de droits, un artiste libre n’existe, à l’heure actuelle, purement et simplement pas. Pour une radio commerciale, diffuser un artiste libre équivaut à diffuser du silence. Les artistes sous licences libres ne peuvent ni adhérer à une société de gestion ni bénéficier d’un cadre juridique lui assurant une rémunération.

Il fallait donc créer ce cadre, mais quitte à le faire, autant le faire bien et bâtir une structure qui puisse éviter les écueils que l’on reproche aux sociétés de gestions depuis trop d’années.

Quelques exemples qui font la différence :

  • Tous les membres sont votants
  • Dépôt œuvre par œuvre (contrairement à la SACEM qui oblige à ce que toutes les œuvres y soient déposées)
  • Rémunération dégressive dans le temps et en fonction du nombre de diffusion (les nouveaux et les « petits » sont favorisés, et la rente limitée)
  • Commission progressive (le C3S ne touche rien sur les premières diffusions)
  • Possibilité de retirer ses œuvres à tout moment (contre 3ans pour la GEMA et 10ans pour la SACEM !)

Et j’en passe et des meilleures !

Une société de communs

N’oublions pas le plus important : le deuxième C , « commons » ! Au lieu de lutter contre le partage, il s’agit de l’encourager, et de favoriser les collaborations et remixes. Un accompagnement est prévu pour que les usagers comprennent bien ce qu’il est possible de faire ou non avec telle ou telle licence !

Soutenez l’initiative !

À l’heure où j’écris il manque une poignée d’euros pour que le crowdfunding soit complet, mais il y a plus important ! Le C3S a besoin de membres et d’œuvres pour pouvoir démarrer convenablement. L’adhésion coûte 50€ (onglet « Investment ») et permet de déposer ses œuvres dès que l’organisme obtiendra sa licence. Bien entendu cela donne aussi le droit de vote. Il est également possible d’adhérer en tant que non musicien ou de simplement faire un don.

Pour plus d’informations, visitez la page de startnext : http://www.startnext.de/en/c3s




Saviez-vous que Mozilla est en train de détourner l’Internet ? par Glyn Moody

« Les cons ça ose tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît » disaient nos tontons.

Je ne connaissais pas l’Interactive Advertising Bureau, organisation regroupant des acteurs de la publicité sur Internet, mais ce qui est sûr c’est qu’elle ne gagne rien à se ridiculiser en attaquant ainsi Mozilla (qui nous protège justement de la prolifération actuelle des cookies intrusifs).

Qu’en pensent Google, Microsoft, Orange, TF1, etc., tous membres de la branche française de l’Interactive Advertising Bureau ?

Commentaire : L’image ci-dessous est extraite de l’article de l’Interactive Advertising Bureau qui a fait bondir Glyn Moody. Ce serait donc Mozilla qui enferme ses utilisateurs, vraiment trop forts nos publicitaires !

Interactive Advertising Bureau vs Mozilla

Saviez-vous que Mozilla est en train de détourner l’Internet ?

Did You Know that Mozilla is Hijacking the Internet?

Glyn Moody – 12 août 2013 – ComputerWorld (Open Entreprise)
(Traduction Framalang : ane o’nyme, Sky, LordPhoenix, bruno, Cryptie, anneau2fer, simplementNat, Zii, greygjhart + anonymes)

Il y a quelques semaines j’ai relaté l’attaque à peine croyable de la branche européenne du « Interactive Advertising Bureau (IAB) » envers Mozilla au motif que cette dernière aurait « renoncé à ses valeurs » car elle persisterait à défendre les droits des utilisateurs à contrôler comment les cookies sont utilisés sur leur système.

Vu l’avalanche de moqueries venues de toutes part que cette énorme idiotie tactique a provoquée, on pouvait s’attendre à ce que des conseillers plus sages l’emportent et à ce que l’IAB se replie dans un petit coin tranquille, dans l’espoir que les gens arrêtent de se moquer et oublient simplement et complètement ce déplorable incident.

Mais non. au lieu de cela, l’IAB revient à la charge avec une nouvelle attaque sous la forme d’une pleine page achetée dans le magazine Advertising Age, encore plus énorme, plus forte et plus dingue (aussi disponible en ligne pour votre plus grand plaisir).

Sous le sobre titre : « Empêchez Mozilla de détourner l’internet », on peut lire :

De nos jours, il est facile de trouver le contenu qui vous intéresse sur Internet. Cela est dû au fait que les publicitaires peuvent adapter les annonces aux intérêts précis des utilisateurs grâce à l’usage responsable et transparent de cookies.

Je dois dire que je suis vraiment reconnaissant envers l’IAB de m’avoir ouvert les yeux en mettant ceci à jour parce que jusqu’à ce que je lise ce paragraphe, je nageais dans l’ignorance la plus totale et croyais naïvement que c’était les moteurs de recherches que j’utilisais, d’abord Lycos, puis Altavista, suivi de Google et désormais Startpage, qui me permettaient de trouver les choses qui m’intéressaient. Mais je réalise maintenant mon erreur : j’apprends qu’en fait c’est grâce à tous ces petits cookies si bien disséminés à mon insu dans mon système que j’ai trouvé tout ces trucs. Qui l’eût cru ?

Ces mêmes personnes de l’IAB qui ont eu l’obligeance de mentionner cela ont aussi de mauvaises nouvelles pour moi :

Mais Mozilla veux éliminer ces mêmes cookies qui permettent aux publicitaires de toucher le public, avec la bonne publicité, au bon moment.

Méchant Mozilla. Oh, mais attendez, en fait ce n’est pas ce que Mozilla fait. Il veut au contraire juste contrôler le flot de cookies qui proviennent de sites que vous n’avez pas visités et qui sont envoyés sur votre système, aussi appelés les cookies tiers. Voici une bonne explication de ce qui se passe ici :

Tous les acteurs tiers sont en marge de la transaction et peuvent ajouter de la valeur mais leur but premier diffère du bien ou du service recherché. Ces tierces parties sont plutôt comme le type qui fait le tour du parking avec ses prospectus pendant que vous faites vos courses et met des bons de réduction sur le pare-brise de tout le monde (Oh ! Jamais en panne, 169€ par mois ?). Il ne remplit pas les rayons, ni n’emballe vos courses, mais il fait quand même partie (indirectement ou marginalement) de l’opération « aller faire ses courses ».

Il ne s’agit donc pas d’une volonté de Mozilla d’éliminer les cookies en général mais simplement de donner à l’utilisateur le pouvoir de contrôler ces publicités ennuyeuses glissées sous vos essuie-glaces numériques quand vous visitez un supermarché virtuel.

Mais revenons à la fine analyse de l’IAB :

Mozilla prétend que c’est dans l’intérêt de la vie privée. En vérité nous pensons qu’il s’agit d’aider certains modèles d’affaire à prendre un avantage sur le marché et à réduire la concurrence.

Heu, parlons-nous du même Mozilla ? Vous savez le projet open source qui a certainement fait plus pour défendre les utilisateurs et le Web ouvert que personne ? Ce projet-là ? Car j’ai bien peur d’avoir du mal à imaginer ces codeurs altruistes « aider certains modèles d’affaire à prendre un avantage sur le marché et à réduire la concurrence ».

Je veux dire, Firefox a justement été spécifiquement créé pour accroître la concurrence ; le credo de Mozilla est que chacun devrait être libre d’utiliser le Web comme il l’entend, ce qui inclut toutes sortes de modèles économiques. Penser sérieusement que donner aux utilisateurs le contrôle de leur navigateur Firefox n’est pas défendre la vie privée mais une sorte complot maléfique destiné à miner l’ensemble de l’écosystème est, pour le formuler simplement, totalement cinglé. Peut être l’IAB vit-il dans univers parallèle ?

Les consommateurs ont déjà le contrôle sur les publicités ciblées qu’ils reçoivent via le programme d’auto-régulation de la Digital Advertising Alliance.

Pas de doute, l’IAB vit bien dans un univers parallèle, un univers dans lequel les gens ont réellement rencontré ce programme d’autorégulation de la Digital Advertising Alliance. Parce que je peux honnêtement dire qu’en 20 ans de promenades sur le Web, et bien trop d’heures passées en ligne chaque jour (comme mes abonnés sur Twitter, identi.ca et G+ le savent trop bien), je ne suis jamais tombé sur ce légendaire programme d’autorégulation de la Digital Advertising Alliance, et je sais encore moins comment l’utiliser pour contrôler les publicités que je reçois. Et je me retrouve, dans ce lamentable état d’ignorance, qui suggère plutôt que peu d’autres personnes utilisant l’Internet sont tombés sur le programme d’autorégulation de la Digital Advertising Alliance ou l’ont utilisé (est-ce qu’un lecteur ici est déjà tombé dessus, je me le demande).

En fait, je pense que l’IAB a commis ici un autre faux pas. En mentionnant le programme d’autorégulation de la Digital Advertising Alliance comme une « solution » existante qui rend caduques les projets de Mozilla pour maîtriser les cookies tiers, un programme qui, autant que je puisse en juger, est utilisé par très peu de gens, l’IAB a ainsi mis en évidence le fait qu’il n’y a pas vraiment d’alternative viable à Mozilla.

Je dois également souligner le fait que l’image (voir plus haut) utilisée dans l’article en question, un ordinateur portable enchainé, relève au mieux de l’ignorance, au pire constitue une insulte pour les centaines de milliers de personnes qui ont contribué au projet Mozilla au cours de ces 15 dernières années. Mozilla s’est voué à libérer le Web et ses utilisateurs d’un monopole qui menaçait de le détruire : il est difficile de penser à une image moins appropriée !

Et si l’IAB se préoccupe vraiment de qui peut faire pression sur nos ordinateurs et nous ôter notre liberté avec des centaines de fichiers minuscules qui nous épient où que l’on aille sur Internet, et s’inquiète de qui est vraiment en train de prendre en otage les incroyables ressources du Net, que Mozilla a beaucoup contribué à développer, il ferait bien de se regarder dans une glace…




Un étudiant nous propose un appareil photo libre en impression 3D pour 25 €

Léo Marius vient à peine de sortir diplômé de l’École supérieure d’art et design de Saint Etienne. Son projet de recherche consistait à créer de toutes pièces (l’expression est bien trouvée) rien moins qu’un appareil photo en impression 3D !

Nom de code du projet : O3DPC (Open 3D Printed Camera). Nom de code de l’appareil : OR-01 (OpenReflex 01).

Le plus simple est encore d’illustrer tout de suite cela par une image explicite.

OpenReflex - Léo Marius

Il ne s’agit donc pas de photo numérique mais argentique, avec de vieilles pellicules dedans, et il reste le coût (non négligeable) des objectifs. Il n’empêche que le résultat est saisissant, fonctionnel et surtout mis à disposition de tous grâce au choix du Libre.

Nous avons évidemment eu envie d’en savoir plus en interviewant ci-dessous ce jeune créateur.

On voit ici, une nouvelle fois, combien le Libre peut être utile en situation d’étude et d’apprentissage. Combiné avec une accessibilité croissante des nouvelles technologies, il permet à tout un chacun, ayant un peu d’imagination, de réaliser puis partager des choses formidables.

On voit également se dessiner une nouvelle génération de makers/hackers, qui n’a pas eu à batailler (comme nous) pour faire connaître et exister le Libre, et qui l’adopte presque naturellement. Une génération qui donne, somme toute, espoir et confiance en l’avenir 😉

OpenReflex - Léo Marius

Entretien avec Léo Marius

Léo Marius, bonjour, peux-tu te présenter succinctement ?

Je suis un jeune designer tout juste diplômé de l’École supérieure d’art et design de Saint Etienne. Passionné par les nouvelles technologies et en particulier l’impression 3D dans laquelle je vois des opportunités de créations incroyables souvent sous-exploitées (je milite contre les têtes de Yoda et les coques pour smartphone imprimés !).

Libriste et actif dans le milieu associatif depuis quelques années. J’apprécie beaucoup la photographie mais je ne suis pas moi-même photographe.

Qu’est-ce donc que le projet O3DPC ? Comment est-il né ? Et en quoi est-il relié à tes études ?

Le projet O3DPC (pour Open 3D Printed Camera) est un travail de recherche que j’ai mené en rapprochant l’impression 3D libre et la photographie, il rassemble plusieurs projets sur lesquels j’ai travaillé, dont plusieurs sténopés et dernièrement le reflex imprimé.

J’ai mené ce travail en tant que projet personnel tout au long de mes études en design, c’était l’occasion pour moi de rapprocher deux domaines qui m’intéressent : l’impression 3D et la photographie.

OpenReflex - Léo MariusDe ce projet est donc sorti le prototype OR-01, quelles sont ces principales caractéristiques ? ces atouts ? ces améliorations futures (j’ai cru lire un projet avec la carte Arduino) ?

C’est un reflex argentique classique avec une visée directe (on peut voir directement ce que l’ont vise sur le petit rectangle dessus et un obturateur manuel qui fonctionne à environ 1/60° de seconde).

Son atout principal c’est que l’ensemble de ses sources sont libres, et donc adaptable, il est ainsi facile de le modifier pour l’adapter si certaines choses fonctionnement mal ou si on souhaite l’adapter pour des usages particuliers.

Dans sa forme actuelle je retiendrai deux éléments particulièrement intéressants :

  • En premier la bague d’adaptation pour les optiques est démontable, on peut donc facilement s’imprimer des baïonnettes différentes pour s’adapter a plusieurs types d’objectifs sans avoir à changer de boîtier.
  • Il y a également le dos autonome et démontable que j’apprécie, la partie où l’on met sa pellicule. Lorsque j’utilise le mien j’ai deux dos prêts avec deux pellicules différentes et je peux les changer rapidement pour m’adapter à la luminosité (ou switcher entre une pellicule noir et blanc et couleur, tout cela en plein milieu du rouleau d’une pellicule)

Le choix de l’open source, c’est un choix pragmatique, éthique ou les deux mon général ? Je lis (avec joie) une licence CC by-sa pour tes pièces, pourquoi n’as-tu pas retenu la clause non commerciale NC ?

Un peu des deux. À mon arrivée à l’école, j’ai intégré l’association Le_Garage (dont j’ai été président pendant deux ans) qui fait de la sensibilisation dans l’école aux questions du libre en art et design. Ça a donc été assez naturel pour moi de redistribuer ce travail sous licence libre.

L’idée principale derrière l’OR-01 c’est la réappropriation et la compréhension des nos appareils quotidiens, fermer les sources aurait interdit et contredit cet objectif

Pour ce qui est des la clause NC je préfère ne pas l’utiliser car je la trouve trop floue et contraignante dans la pratique. Si on souhaite qu’un projet se diffuse il ne faut pas lui mettre des bâtons dans les roues. Je n’ai aucune raison de m opposer à ce que quelqu’un souhaite se rapproprier le projet, l’améliorer et le vendre, s’il a lui même fourni un travail et qu’il respecte les conditions de redistribution de la licence copyleft.

Quelle imprimante 3D utilises-tu ? La « full libre » RepRap ou la « moins libre » MakerBot[1] ?

J’ai commencé le projet O3DPC il y a un peu plus de trois ans avec une Makerbot de 1ere génération (la numéro 660 ! une pièce de collection) que nous avions acquis avec notre association libriste et qui était encore libre à l’époque. Le reflex a été réalisé avec une Makerbot de dernière génération, la Replicator 2X qui a été achetée par notre école en complément d’une imprimante 3D haut de gamme que nous avions déjà.

L’utilisation de la Makerbot est un moindre mal, les technologies utilisées sont les même que sur les RepRaps traditionnels et les pièces qu’il est possible d’imprimer avec une Makerbot le seront aussi sur une RepRap bien calibrée. Je souhaitais, pour aider à sa diffusion, que le boîtier soit imprimable sur une imprimante de type RepRap. Si j’avais pu choisir je pense que j’aurais opté pour une Lulzbot. 😉

OpenReflex - Léo Marius

Au niveau logiciel, quels sont ceux que tu utilises et pourquoi ? Sont-ils tous libres ?

J’ai essentiellement utilisé Blender, c’est un logiciel que je connais bien et que je trouve extrêmement polyvalent et flexible. Les formes produites avec ce logiciel sont souvent très souples, et on déplace avec aisance les points pour adapter nos formes et nos courbes. Souvent en design on nous fait utiliser l’application propriétaire Rhino qui est beaucoup plus stricte dans son utilisation (« un tout petit peu plus haut » sur Blender correspond à un « Z+0,23mm » sur un Rhino mais il faut alors redessiner toute sa courbe avant de refaire sa révolution). Avec Blender on peut se permettre des approximations, ce qui est bien pratique dans une démarche de recherche.

J’ai également utilisé le libre OpenScad pour certaines pièces qui nécessitaient des formes et des distances très précises. Le fait de pouvoir coder ses pièces s’est avéré très utile. La pièce ne correspond pas ? Il suffit de changer quelques lignes de code pour tout modifier ! L’ensemble est libre 😉

Ce qui était particulièrement pratique c’est que, n’ayant pas d’ordinateur portable performant, je me déplaçais avec mon disque dur et les versions mobiles de toutes mes application pour les principaux OS dessus et je pouvais alors travailler où je le souhaitais.

Tu déposes les fichiers numériques de tes pièces sur Thingiverse et Instructables. Aujourd’hui quand on est développeur et qu’on cherche du boulot, on peut mettre dans son CV ses contributions sur GitHub. Penses-tu qu’il en ira de même demain dans le design sur ce type de dépôts ?

Oui, et de plus en plus. Je prends par exemple le designer Samuel Bernier qui a diffusé une partie de son travail en libre sur Instructables et que j’ai interogé pour mon mémoire (sur les Designers/Makers). Lorsque je lui ai demandé ce que lui avait apporté le libre, il m’a répondu : « des contacts et beaucoup d’opportunités ».

J’ai d’ailleurs mis récemment une note sur mon compte Instructables précisant que je cherchais un emploi, et j’ai reçu une proposition assez intéressante la semaine dernière (rien de défini, mais on verra). Ça fonctionne. Et si cela n’aboutit pas je peux me dire que 95% de mes employeurs potentiels auront vu mon projet de diplôme avant que je les contacte, ce qui est pas mal déjà comme entrée en matière.

25 euros en pièces détachées pour une appareil photo, c’est possible ? Et si oui, ne crains-tu pas pas qu’une société s’en empare et commercialise ton projet sans toi puisque c’est open source (question troll-piège :)) ?

Comme je l’ai mentionné plus haut, tant qu’ils respectent la clause de redistribution à l’identique (SA), cela me va. Je pourrais ainsi à mon tour récupérer leurs sources (que j’espère améliorées) pour mes propres boîtiers 😉

OpenReflex - Léo Marius

Éprouves-tu une certaine « nostalgie » de la photo argentique ?

Pas vraiment de la nostalgie, mais c’est une sensibilité différente à l’image que l’on ne retrouve pas avec le numérique : l’attente et l’incertitude de la photo, le coût aussi qui limite l’utilisation abusive. On réfléchit avant d’appuyer sur le bouton, on n’en prend pas cinquante à la volée comme cela se fait trop souvent.

Je me souviens du temps où les objectifs étaient obligatoirement reliés à une marque (ceux pour Canon, Nikon, etc.). Avec ton OR-01 et sa bague adaptable, tu donnes en quelque sorte de l’interopérabilité aux appareils photos, non ?

Oui, toujours dans l’idée de se rapproprier la technologies. Si l’appareil avait été dépendant d’un type d’objectifs, cela n’aurait pas fonctionné.

Techniquement, comment réussis-tu avec des pièces à monter à rendre l’appareil totalement opaque ?

Le tout est imprimé avec du plastique opaque et, en mettant des rebords et des emboîtements bien placés, l’étanchéité se fait sans trop de difficultés. Pour certaines zones, un peu plus sensibles, j’ai ajouté de la patafix noire pour combler les trous potentiels.

Toutes les parties étant autonomes c’est surtout le dos dans lequel se trouve la pellicule qu’il faut rendre étanche à la lumière, on peut se permettre des petits jours dans les autres. Ça reste un appareil DIY. 🙂

Un petit mot sur Framasoft que tu sembles connaître ?

Merci ! Continuez ce que vous faites. Le libre l’emportera ! 😉

Un appel à lancer ? Une actualité à annoncer ?

Peut être une nouvelle version plus aboutie de l’OpenReflex qui devrait être disponible en financement participatif en septembre ou octobre (selon mes engagements professionnels). N’hésitez pas à suivre mon blog ou à me poster un message sur le dépôt Instructables pour être tenus au courant.

Et sinon, permettez-moi un petit clin d’oeil hommage à Gilles Roussi, le professeur à l’origine de l’association Le_Garage qui nous lira surement 😉

OpenReflex - Léo Marius

Photo ci-dessous réalisée avec l’OR-01




Six outils pour faire vivre les biens communs, par Pablo Servigne

Nous reproduisons ici un article paru initialement dans la revue du projet (belge) Barricade, avec l’aimable autorisation de son auteur (« bien sûr, tu peux reprendre l’article, c’est de l’éducation populaire, on reçoit des subventions pour écrire cela, et plus il y a de diffusion mieux c’est »).

Parce que le logiciel libre fait partie des biens communs. Parce que ces outils sont autant d’obstacles à lever pour une plus grande participation de tous.

Remarque : Pour une lecture plus confortable de l’article, vous pouvez lire et/ou télécharger sa version PDF jointe en bas de page.

Eneas - CC by

Six outils pour faire vivre les biens communs

URL d’origine du document

Pablo Servigne – 30 mai 2013 – Barricade 2013

Le concept de bien commun a l’air évident : est commun ce qui appartient à tous. Mais en réalité, il est loin d’être simple car il heurte nos plus profondes convictions. Qu’est-ce qu’« appartenir » ? Qui est « tous » ? Finalement qu’est-ce que le « commun » ? Voici les moyens de franchir six obstacles mentaux à l’entrée dans l’univers des biens communs.

Le concept de bien commun a pris une place importante dans le champ médiatique depuis l’attribution en 2009 du prix (de la Banque royale de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred) Nobel à la politologue étatsunienne Elinor Ostrom[1].

Cette dernière a produit une œuvre scientifique immense démontrant magistralement que de nombreux biens communs (des ressources naturelles et des ressources culturelles) peuvent être bien gérées localement par des communautés très diverses qui se fabriquent des normes ad hoc pour éviter l’effondrement de leurs ressources (autrement appelé « la tragédie des biens communs »).

Ostrom montre qu’il n’y a pas de recette toute faite, mais qu’il y a bien des principes de base récurrents[2]. C’est une véritable théorie de l’auto-organisation. Elle montre surtout que la voie de la privatisation totale des ressources gérées par le marché ne fonctionne pas et, plus gênant, elle montre que les cas où la ressource est gérée par une institution centralisée unique (souvent l’Etat) mène aussi à des désastres. Cela ne veut pas dire que le marché ou l’Etat n’ont pas de rôle à jouer dans les biens communs.

Elle invite à se rendre compte des limites de ces deux approches, et à plonger dans le cas par cas, le local, les conflits, les aspérités du terrain, et l’insondable complexité des institutions et des comportements humains (par opposition aux équations et aux théories). Ce qu’il faut à tout prix éviter, c’est le simplisme, la solution unique et le prêt-à-penser.

Tentons d’entrer dans la matière à reculons. L’idée de faire une liste d’obstacles est venue bien tard, suite à de nombreuses discussions, ateliers, débats et conférences. Lâcher le terme de bien commun dans une salle fait l’effet d’une petite bombe… qui explose différemment dans la tête de chaque personne. On se retrouve systématiquement avec un débat en kaléidoscope où la seule manière de démêler les incompréhensions est d’aller voir au plus profond de nos croyances et de nos imaginaires politiques.

On se situe donc bien sur le terrain de l’imaginaire, ou de l’épistémè[3] dirait le philosophe, avec toute la subjectivité que cela implique. J’ai recensé six « obstacles » que je trouve récurrents et importants, mais ils ne sont pas classés suivant un quelconque ordre et sont loin d’être exhaustifs. Le travail d’investigation pourrait aisément continuer.

Obstacle 1 : on ne les voit pas

Comment se battre pour quelque chose dont on ignore l’existence ? L’économie dans laquelle nous avons été éduqués est celle de la rareté. Tout ce qui est rare a de la valeur. On apprend donc à prendre soin de ces ressources rares et on se désintéresse de tout ce qui est abondant. L’abondance est une évidence, puis disparaît de notre champ de vision.

On ne voit plus l’air que l’on respire. On ne voit (presque) plus l’eau, puisqu’elle tombe du ciel abondamment. On ne voit plus le silence car personne n’en parle. On ne voit plus les langues, les chiffres, les fêtes traditionnelles, le jazz, la possibilité d’observer un paysage, la sécurité, la confiance, la biodiversité ou même internet. Nous n’avons pas été éduqués à les voir, et encore moins à les « gérer ».

Les trois affluents des biens communs

Les trois affluents du fleuve des biens communs. Illustration d’après Peter Barnes[4]

Tout l’enjeu du mouvement des biens communs est donc d’abord de les rendre visibles ; de leur donner, non pas un prix, mais de la valeur à nos yeux. Montrer leur utilité, leur existence, leur fragilité et surtout notre dépendance à leur égard. Rendre visible implique d’avoir aussi un langage commun, savoir désigner les choses.

La question de la définition des biens communs est bien évidemment cruciale, mais elle passe d’abord par un tour d’horizon des cas concrets, et par un émerveillement. Les communs pourraient être une fête permanente. C’est une première étape à faire ensemble, avant toute discussion théorique.

Obstacle 2 : le marché tout puissant

Bien sûr, certaines ressources abondantes deviennent rares. On pense aux poissons, à certaines forêts, à l’air pur, à des animaux ou des plantes, à l’eau propre… On utilise alors deux types d’outils pour les « sauver » : le droit et l’économie. En général, la main gauche utilise les lois et la protection juridique, alors que la main droite leur colle un prix, les fait marchandises et utilise volontiers le marché pour réguler les stocks et les flux. Ce sont les mains gauche et droite d’une doctrine de philosophie politique appelée libéralisme et dans laquelle nous baignons depuis plus de deux siècles.

Le problème est que la main droite a pris le pouvoir durant ces dernières décennies et impose ses méthodes. La vague néolibérale des années 80 n’a pas fini de privatiser tous les domaines de la société et de la vie. Cette attaque frontale aux biens communs se passe généralement de manière silencieuse à cause justement de leur invisibilité. Sauf dans certains cas trop scandaleux (l’eau en Bolivie, les gènes dans les laboratoires pharmaceutiques, etc.) où une partie de l’opinion publique réagit ponctuellement (on pense à toutes les luttes autour de l’AMI[5] menées entre autres par l’association ATTAC dans les années 2000).

L’idéologie du marché débridé est corrosive pour les biens communs. Malheureusement, elle est bien implantée dans l’imaginaire collectif de nos sociétés, et en particulier dans la tête des élites financière, politique et médiatique, qui imposent leurs méthodes au reste du monde et contribuent à maintenir invisible les biens communs… jusqu’à ce qu’ils soient privatisés et rentables pour l’actionnaire !

Obstacle 3 : le réflexe de l’Etat

Face à cette colonisation massive et inexorable, les personnes indignées se tournent le plus souvent vers la figure de l’Etat. Un Etat protecteur et régulateur, garant de la chose publique (la res publica). Publique ? Mais ne parlait-on pas de commun ?

C’est bien là le problème. Car le public est différent du commun. La chose publique appartient et/ou est gérée par l’Etat : c’est le cas de la sécurité sociale, des infrastructures routières, de l’école, du système de santé, etc. Mais réfléchissez bien : l’Etat gère-t-il l’air, la mer, le climat, le silence, la musique, la confiance, les langues ou la biodiversité ? Oui et non. Il essaie parfois de manière partielle, tant bien que mal, face aux assauts des biens privés. Mais selon le nouveau courant de pensée des biens communs, il n’a pas vraiment vocation à le faire. En tout cas pas tout seul.

Il y a plus de 1500 ans, déjà, le Codex Justinianum de l’Empire romain proposait quatre types de propriété : « Les res nullius sont les objets sans propriétaire, dont tout le monde peut donc user à volonté. Les res privatae, par contre, réunissent les choses dont des individus ou des familles se trouvent en possession. Par le terme res publicae, on désigne toutes les choses érigées par l’Etat pour un usage public, comme les rues ou les bâtiments officiels. Les res communes comprennent les choses de la nature qui appartiennent en commun à tout le monde, comme l’air, les cours d’eau et la mer. »[6] Ainsi classées, les choses prennent une toute autre tournure !

Le problème vient du fait que les pratiques de gestion des biens communs ont disparu au fil des siècles (par un phénomène appelé les enclosures[7]) et que ce vide tente d’être comblé tant bien que mal par la seule institution qui nous reste et que nous considérons comme légitime, l’Etat.

Or, non seulement il est totalement inefficace dans certains cas (le climat par exemple), mais comme l’a observé Elinor Ostrom, une organisation centralisatrice et hiérarchique est loin d’être le meilleur outil pour gérer des systèmes complexes (ce que sont les biens communs), et il peut faire beaucoup de dégâts.

De plus, à notre époque, les Etats entretiennent des rapports de soumission aux marchés. « Dans bien des cas, les véritables ennemis des biens communs sont justement ces Etats qui devraient en être les gardiens fidèles. Ainsi l’expropriation des biens communs en faveur des intérêts privés — des multinationales, par exemple — est-elle souvent le fait de gouvernements placés dans une dépendance croissante (et donc en position de faiblesse) à l’égard des entreprises qui leur dictent des politiques de privatisation, de consommation du territoire et d’exploitation. Les situations grecque et irlandaise sont de ce point de vue particulièrement emblématiques. »[8]

Nous aurons bien sûr toujours besoin de l’instrument public, il n’est nullement question de l’ignorer ou de le remplacer, mais de l’utiliser pour enrichir les biens communs et leur gestion communautaire. L’enjeu est de recréer ces espaces et ces collectifs propices à la gestion des communs, et de construire des interactions bénéfiques entre commun et public. L’Etat comme garant du bien public et comme pépinière des biens communs.

Une vision en trois pôles est définitivement née : privé, public, commun.

Obstacle 4 : la peur du goulag

Bien plus facile à expliquer, mais bien plus tenace, il y a cette tendance chez beaucoup de personnes à considérer toute tentative d’organisation collective comme une pente (forcément glissante) vers le communisme, puis le goulag. Dans les discussions, il arrive que l’on passe rapidement un point Godwin « de gauche »[9].

L’imaginaire de la guerre froide est encore tenace, et le communisme a mauvaise réputation (à juste titre d’ailleurs). Mais il est abusivement assimilé à l’unique expérience soviétique. Or, l’important est de se rendre compte, comme invite à le faire Noam Chomsky, que l’expérience soviétique a été la plus grande entreprise de destruction du socialisme de l’histoire humaine[10]. Ça libère ! Penser et gérer les communs n’est pas synonyme de goulag, bien au contraire.

Obstacle 5 : « l’être humain est par nature égoïste »

Il est une autre croyance bien tenace et profondément ancrée dans nos esprits, celle d’un être humain naturellement égoïste et agressif. Cette croyance s’est répandue après les interminables guerres de religions que l’Europe a subie au Moyen-Age.

Las de ces conflits, les philosophes politiques de l’époque (dont Hobbes) ont alors inventé un cadre politique à l’éthique minimale qui pourrait servir à organiser les sociétés humaines. Un cadre le plus neutre possible qui permette de cohabiter sans s’entre-tuer : le libéralisme était né.

Cette doctrine s’est donc constituée sur cette double croyance que seul l’Etat pouvait nous permettre de sortir collectivement de notre état de bestialité agressive, baveuse et sanglante ; et que seul le marché (neutre et protégé par l’Etat) pouvait nous permettre de satisfaire les besoins de tous en favorisant nos instincts naturellement égoïstes[11].

Nous savons aujourd’hui que ces croyances ne sont pas basées sur des faits. L’être humain possède bien évidemment des instincts égoïstes, mais également coopératifs, voire altruistes. Il développe très tôt dans l’enfance et tout au long de sa vie des capacités à coopérer avec des inconnu-es, à faire confiance spontanément, à aider au péril de sa vie, à favoriser les comportements égalitaires, à rejeter les injustices, à punir les tricheurs, à récompenser les coopérateurs, etc.

Tous ces comportements ont été découverts par des expériences et des observations simultanément dans les champs de l’économie, la psychologie, la sociologie, la biologie, l’éthologie, l’anthropologie, et les sciences politiques.

En économie, par exemple, presque tous les modèles sont basés sur l’hypothèse d’un humain calculateur, égoïste et rationnel, l’Homo oeconomicus. Or, sur le terrain, les recherches anthropologiques se sont avérées infructueuses : il n’existe pas. Les peuples, partout dans le monde, coopèrent bien plus que ne le prédisent les modèles économiques. Les faits et les observations accumulées depuis plusieurs décennies sont peu connues mais incontestables[12].

Nous avons désormais les moyens de savoir que l’humain est l’espèce la plus coopérative du monde vivant, mais … disposons-nous des moyens d’y croire ? Ce sera pourtant la condition nécessaire (mais pas suffisante) à la construction d’une nouvelle épistémè favorable à l’auto-organisation, la création et la préservation des biens communs.

Obstacle 6 : se reposer sur les institutions

Il est inutile d’insister sur le fait que l’école ne nous enseigne pas à cultiver l’esprit démocratique et nous maintient dans une état d’inculture politique grave. L’école n’est pas la seule fautive, presque toutes les institutions publiques et privées que nous côtoyons tout au long de notre vie ne stimulent guère notre imagination politique.

En fait, quand il s’agit de s’organiser, nous avons tendance à nous reposer sur des institutions déjà en place (gouvernement, lois, cours de justice, commissariat de police, etc.) dont les règles sont (presque) incontournables. Ces institutions existent en tant qu’entités indépendantes de nous-mêmes, elles nous surplombent et imposent des normes sociales difficilement discutables par le citoyen lambda, et dont seule une minorité tente de les faire évoluer.

La facilité incite à « se laisser vivre » passivement sous leur tutelle, sans trop les discuter, en étant certains qu’elles nous survivront. Nous avons pris l’habitude de nous reposer sur les institutions existantes, à les considérer comme stables et acquises d’avance.

Pour les biens communs, c’est précisément l’inverse. Il nous faudra sortir de cette facilité. Leur gestion est une affaire d’effort démocratique et de citoyens émancipés et actifs. Les biens communs sont des pratiques qui naissent de la confrontation d’une communauté avec des problèmes locaux et particuliers.

Les « parties prenantes » (les différents acteurs concernés) doivent se forger eux-mêmes des normes (récompenses, quotas, sanctions, etc.) dans un processus créatif et sans cesse renouvelé. La gestion des biens communs ne se décrète pas, elle se pratique. Ce n’est pas un statut, c’est un processus dynamique.

Si les acteurs arrêtent de « pratiquer leur bien commun », alors il s’éteint, car il n’y a pas (ou peu) d’institution qui le soutienne. Les anglais ont inventé un verbe pour cela, commoning. C’est en marchant que le bien commun se crée, il suffit de s’arrêter pour qu’il disparaisse. Cela nécessite un engagement et un devoir constant.

Mais comme disait Thucydide[13], « il faut choisir : se reposer ou être libre ».

Pour aller plus loin
  • Elinor Ostrom, Gouvernance des biens communs. Pour une nouvelle approche des ressources naturelles, Etopia/DeBoeck, 2010.
    • Un livre-clé mais assez difficile d’accès, très touffu et à la prose scientifique. De plus, il date de 1990, et depuis, Ostrom a écrit de nombreux livres et articles, non encore traduits en français. Indispensable… pour curieux motivés.
  • Silke Helfrich, Rainer Kuhlen, Wolfgang Sachs et Christian Siefkes. Biens communs – La prospérité par le partage. Rapport de la Fondation Heinrich Böll, 2009. Disponible gratuitement ici.
    • Cette brochure, pédagogique et originale, est une très bonne introduction aux biens communs. Bien plus digeste que le livre d’Ostrom. Vivement recommandée !
  • Collectif. Les biens communs, comment (co)gérer ce qui est à tous ? Actes du colloque Etopia du 9 mars 2012, Bruxelles. Disponible en pdf.
    • Tour d’horizon rapide et complet (mais pas ennuyeux) de la galaxie des biens communs. A lire d’urgence car il est complémentaire du rapport de la fondation Heinrich Böll.

Crédit photo : Eneas (Creative Commons By)

Notes

[1] Pour aller plus loin : L’entretien d’Alice Le Roy avec Elinor Ostrom, prix de la Banque royale de Suède en 2009 pour son travail sur les biens communs.

[2] Pour une introduction à l’oeuvre d’Elinor Ostrom, lire l’article « La gouvernance des biens communs », Barricade, 2010. Disponible sur www.barricade.be

[3] Ensemble des connaissances scientifiques, du savoir d’une époque et ses présupposés.

[4] Silke Helfrich, Rainer Kuhlen, Wolfgang Sachs et Christian Siefkes. Biens communs – La prospérité par le partage. Rapport de la Fondation Heinrich Böll, 2009.

[5] Accord Multilatéral sur les Investissements. L’AMI est un accord économique international négocié dans le plus grand secret à partir de 1995 sous l’égide de l’OCDE. Il donnait beaucoup de pouvoir aux multinationales (contre les Etats) et ouvrait le champ de la privatisation de tous les domaines du vivant et de la culture. Suite aux protestations mondiales, l’AMI fut abandonné en octobre 1998.

[6] Silke Helfrich et al., ibidem.

[7] Enclosures (anglicisme) fait référence à l’action de cloisonner un espace commun par des barrières ou des haies. Le terme fait surtout référence à un vaste mouvement qui a eu lieu en Grande-Bretagne au début de l’ère industrielle, imposé par le gouvernement pour mettre fin à la gestion communautaire des biens communs naturels (forêts, pâtures, etc.) au bénéfice de grands propriétaires terriens privés. Cela s’est fait par la violence et a permis l’essor de l’agriculture industrielle capitaliste.

[8] Ugo Mattei, “Rendre inaliénables les biens communs”, Le Monde Diplomatique, décembre 2011.

[9] Normalement, le point Godwin est l’instant d’une conversation où les esprits sont assez échauffés pour qu’une référence au nazisme intervienne (Wiktionnaire, mai 2013). Dans notre cas, la référence au goulag joue le même rôle.

[10] Noam Chomsky. The Soviet Union Versus Socialism. Our Generation, Spring/Summer, 1986. Disponible

[11] Pour une histoire critique du libéralisme, voir les formidables livres de Jean-Claude Michéa. En particulier Impasse Adam Smith. Brèves remarques sur l’impossibilité de dépasser le capitalisme sur sa gauche, Climats, 2002. Réédition Champs-Flammarion, 2006 ; L’Empire du moindre mal : essai sur la civilisation libérale, Climats, 2007. Réédition Champs-Flammarion, 2010 ; et La double pensée. Retour sur la question libérale, Champs-Flammarion, 2008.

[12] Nous n’avons pas la place de le montrer ici, et il manque encore un ouvrage qui en fasse la synthèse. Cependant, le lecteur curieux pourra trouver quelques réponses dans Frans De Waal. L’Age de l’empathie. Leçons de nature pour une société plus solidaire (Les liens qui libèrent, 2010). Ou encore Jacques Lecomte. La bonté humaine. Altruisme, empathie, générosité (Odile Jacob, 2012).

[13] Homme politique grec qui vécut au IVième siècle av. J.-C.




Il faut réformer le droit d’auteur et le faire savoir à nos députés !

« C’est bien joli de vouloir de la culture libre, mais au fond on peut rien y faire, hein ? Déjà le droit d’auteur c’est compliqué, personne n’y comprend rien à part les juridico-geeks. En plus c’est une tradition bien trop ancrée, née pour protéger les auteurs. Et puis nous on n’a pas le pouvoir de changer la loi, et on sait même pas comment la modifier… »

J’ai pensé toutes ces phrases, et je suis persuadé de ne pas être seul. Ce n’est pas glorieux, c’est un peu déprimant, mais ces généralités sont bien présentes dans nos esprits, engluant nos désirs d’évolution, d’ouverture et de liberté. Imaginez donc ma joie quand j’ai eu vent d’un projet qui démonte un par un tous ces lieux communs, explique les choses de façon simple et complète et propose des réformes concrètes favorisant et le public et les créateurs.

Le principe est simple : un petit livre de 50 pages, libre et éditable , qui se lit en une heure maxi.

Deux parties, l’une proposant 18 mesures concrètes et argumentées, l’autre contant combien chacun-e s’y retrouverait.

Et un crowdfunding (au succès aussi rapide que motivant) pour imprimer et envoyer la première partie à nos député-e-s. En 15 jours seulement, ce projet a trouvé son financement. Il reste encore 2 mois au compteur pour participer, franchir les paliers de financement suivants et diffuser largement cet ouvrage.

Derrière ce magnifique travail de synthèse se trouve l’impulsion de @Sploinga, qui a accepté de répondre à mes questions.

Sploinga - Campagne Ulule

Interview de Xavier par Pouhiou

Bonjour Xavier Peux-tu te présenter aux lecteurices du Framablog ?

Xavier. 24 ans. Étudiant en sciences politiques, après un master de philosophie. Ubuntero de longue date et amateur de confitures au cassis ou à la rhubarbe.

Tu annonces clairement, dès l’avant-propos, que ce livre est un remix, qu’il s’inspire et reprend un ensemble de travaux sur la question du droit d’auteur. Tu peux brièvement en citer quelques-uns ?

J’avais déjà traduit et publié l’année dernière grâce à deux acolytes le programme du Parti Pirate Européen au Parlement Européen. Je trouvais que certains points pouvaient être améliorés comme la réflexion sur le droit moral, le remix, la promotion des licences libres par l’État ou le financement de l’immatériel. J’ai parcouru le Web francophone à la recherche de travaux sur une réforme du droit d’auteur dans un contexte français. Je suis principalement tombé sur des travaux de la Quadrature du Net avec les travaux de Philippe Aigrain et des associations de défense du logiciel libre comme l’April ou l’Aful. Le rapport Lescure contient aussi quelques idées pertinentes sur le droit au remix. J’ai donc voulu résumer et compiler tout ça. Lionel Maurel alias @calimaq a aussi bien contribué à la précision de certaines propositions comme les échanges non-marchands ou la contribution créative.

Dans les initiatives réussies, il y eut l’opération DataLove de la Quadrature. Pourquoi lancer une nouvelle campagne vers une réforme du droit d’auteur ? Quels besoins as-tu ressentis pour te mettre à apporter ta pierre à l’édifice ?

Tout simplement, le projet de sensibiliser en masse les élus du Palais Bourbon par l’envoi d’un livre n’a jamais été fait. J’ai donc décidé qu’il fallait le tenter.

L’opération DataLove touchait les parlementaires européens, en anglais, avec des clés USB remplies de contenu libre outre le programme de la Quadrature, sans suivi particulier des citoyens. Ici il s’agit d’envoyer seulement un programme avec des lettres personnalisées pour assurer un suivi des positions des députés français.

Faire du lobbying citoyen à l’échelle européenne est très complexe. Les institutions y sont peu ou pas lisibles. Il faut s’adapter à la multiplicité des langues et des contextes nationaux. Je fais confiance à la Quadrature du Net là-dessus. Son aura est pan-européenne. Les activistes allemands les connaissent . Ils ont raison car certains problèmes du droit d’auteur ne peuvent être complètement traités qu’à cette échelle.

Malgré ces difficultés liées à la manière dont l’Europe est construite, il est déjà possible d’obtenir des avancées à l’échelle française. Le droit moral est très rigide chez nous à cause d’une jurisprudence franco-française. Le droit au remix est très limité alors qu’une extension du droit de citation est possible. La dépénalisation du partage non-commercial peut ne s’opérer qu’à l’intérieur de nos frontières. L’institution d’un registre pour résoudre le problème des œuvres orphelines n’a pas besoin d’un accord européen. Sur ce point, l’État français ne s’est de fait pas gêné pour abuser de ses pouvoirs dans le cadre de ReLIRE.

Enfin et surtout, je suis d’avis que l’assouplissement du droit d’auteur n’est pas un échec. Ce n’est pas seulement parce que le droit d’auteur est un bon prétexte pour censurer nos échanges sur Internet qu’il faut le réformer. C’est avant tout parce qu’Internet est devenu une magnifique bibliothèque d’Alexandrie où tout un chacun puise pour partager et réutiliser ce qu’il y trouve. L’État doit fournir les livres d’une bibliothèque, pas les mettre à l’enfer.

Il est normal que ceux qui tirent un bénéfice financier des œuvres trouvées à la bibliothèque rémunèrent les auteurs de ces œuvres. Mais il est tout à fait scandaleux que tous les amateurs soient criminalisés. Car encourager la culture amateure, c’est encourager la culture tout court. Tous les Mozart étaient de très bons amateurs avant d’en faire leur profession. C’est ce que défend SavoirsCom1 et c’est pourquoi le collectif m’a soutenu.

Les sources citées dans ton ouvrage sont des textes importants, pas forcément faciles d’accès… Or quand je lis « Il faut réformer le droit d’auteur ! » l’argumentaire est simple et limpide. C’était important de pouvoir être compris par le profane ? Comment t’y es-tu pris ?

Le député moyen ne connaît pas toujours grand-chose à ce domaine. Tout comme le citoyen moyen. Or ce sont ces publics que je vise. Il a donc fallu faire le grand écart entre la complexité de la loi et l’argumentation pour des non-initiés. Au lecteur de voir si ce grand écart est réussi ou pas. S’il le veut, qu’il n’hésite pas à corriger les formulations (ou les propositions !) sur le wiki. Le but est d’arriver à une version finale à la fois simple et complète. Pour ça, il faut essentiellement se forcer à résumer et à ne pas multiplier les arguments. Bien sûr, connaitre les enjeux, discuter avec d’autres des textes et les avoir déjà travaillé aide. Pour cela je remercie tous ceux avec qui j’ai échangé sur le sujet via Twitter, par mail ou ailleurs et tout particulièrement Lionel Maurel 🙂

Tu te crédites en tant que co-auteur… quelles sont les participations que ce livre a reçues ? On peut encore aider à travailler dessus ?

C’était sans doute une mauvaise idée car savoir qui a écrit la version actuelle n’est pas essentiel. J’ai déjà changé ça dans les sources en « éditeur » même si bien sûr j’ai traduit ou rédigé une partie du livre. Les auteurs sont les auteurs des textes originaux, à savoir les associations et individus cités dans les sources, puis les traducteurs, compilateurs et correcteurs qui ont rédigé la version actuelle du livre. Comme dans beaucoup de travaux collaboratifs, une minorité fait la majorité du boulot, mais toute aide même marginale est appréciée. On m’a signalé quelques idées que je compte inclure dans la version finale comme le mécénat volontaire. Les contributeurs intéressés peuvent toujours apporter leur pierre à l’édifice sur le wiki. Je créditerai avant tout dans le livre final tous les soutiens et les contributeurs 🙂

Portée par un super bouche-à-oreille sur Twitter, et avec le soutien (entre autres) du collectif SavoirsCom1, la campagne de crowdfunding n’a mis que 2 semaines pour atteindre les 100 % de financement. Tu t’attendais à un tel plébiscite ? C’est important d’aller plus loin ?

Non, je ne m’y attendais pas. Le bouche à oreille sur Twitter a été/est formidable. Ça marche par vague. On peut gagner +30% en deux jours simplement en allant de RT en RT. J’ai aussi eu plusieurs articles juste avant ou après le palier des 100%, dans PCInpact, Actualitté, Numerama, Linuxfr. Je suis heureux que les gens m’aient fait confiance sur les estimations de coût et pour le contenu. La transparence est payante. J’ai aussi tenu à garder des coûts réduits.

J’avais prévu que le financement durerait jusque début septembre à cause des vacances qui allaient former un gros creux en plein milieu. À la fin juillet, celles-ci ont déjà commencé et ont considérablement ralenti les dons. C’est dommage car, après consultation des soutiens, je viens de fixer comme objectif d’arriver à 2200€ pour passer à un palier de 1000 exemplaires 🙂

Outre les 577 députés français, le projet vise maintenant les 57 sénateurs de la commission des affaires culturelles, les 74 eurodéputés français et les hauts-fonctionaires du ministère de la culture par exemple. Une cinquantaine de journalistes sera aussi touchée. Les exemplaires surnuméraires seront distribués aux soutiens du projet et aux membres de mon collectif, SavoirsCom1, pour distribuer/vendre dans des festivals ou associations.

Que dirais-tu pour donner aux lecteurices envie de lire / partager / participer à / soutenir ce livre ? Quels sont ses arguments massue ?

Lisez pour vous faire votre opinion sur le sujet ! Ça vous prendra une heure grand maximum et vous aurez toutes les clés en main. Si vous n’êtes pas convaincu que le sujet est important, lisez seulement l’allégorie du vélo mise au début du livre. À peine 2 minutes de lecture pour vous sensibiliser à la question.

Une fois convaincu par la nécessité d’une réforme et du bien-fondé de ce qui est proposé, le risque est vous soyez défaitistes, sur le mode « Tous des pourris ! ». C’est une erreur, parce qu’en n’essayant rien vous êtes sûr de ne rien obtenir. Vos député(e)s sont des humains comme les autres et le droit d’auteur n’est qu’une question parmi d’autres pour eux. Les lobbies de l’industrie culturelle le savent et en abusent.

Pour contrebalancer ces influences, il est important que les citoyens contactent sérieusement leurs député(e)s et les élus plus généralement. C’est ce à quoi vise l’envoi d’un livre et de lettres personnalisées. Je pense que la forme papier est la plus adaptée car, malheureusement, les mails des citoyens ont tendance à finir aux oubliettes. Nos députés sont pour beaucoup nés dans les années 50 ou 60. Ils vivent dans une culture du papier. Il est important de les avoir informés et relancés du mieux que nous pouvons. Soyons diplomates !

Un dernier mot pour le plaisir ?

Je suis honoré d’être interviewé sur le Framablog dont je suis un lecteur régulier. Merci à Pouhiou et Aka pour leur soutien !

Ensuite sharing is caring 🙂 Partagez, remixez, diffusez le projet et les textes 🙂

Sploinga