Mais puisqu’on vous dit que nous sommes en train de changer le monde !

Paradoxe (apparent) de notre temps : on vit en même temps la crise et une époque formidable !

Dans le monde logiciel, il y a la légende du petit étudiant finlandais qui a démarré l’un des plus grands programmes collaboratifs de notre temps. Dans le monde matériel, il y a désormais celle d’Arduino, le petit circuit imprimé qui a déjà essaimé un nombre incroyable de projets autour de lui.

Et tout ça parce qu’ils ont fait le choix du Libre.

C’est ce que nous raconte l’un de ses créateurs, Massimo Banzi, dans cette conférence TED que nous vous reproduisons ci-dessous en ayant ajouté un certains nombre de liens vers les nombreux et originaux projets évoqués.

« Ce serait l’une des plus grandes opportunités manquées de notre époque si le logiciel libre ne libérait rien d’autre que du code… » Avec des projets comme Arduino, le slogan du Framablog passe de la crainte à l’espoir et s’approche chaque jour un peu plus de la réalité.

Massimo Banzi : Comment Arduino libère l’imagination

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Transcript

URL d’origine du document : How Arduino is open-sourcing imagination

Traduction française Josh Marks (relecture Mauricio Diaz Orlich)
Licence Creative Commons By-Nc-Sa

Massimo Banzi : Il y a quelques semaines, un de mes amis a offert une petite voiture à son fils de 8 ans. Mais au lieu d’aller dans un magasin normalement, il est allé sur ce site web et il a téléchargé un fichier, puis il l’a imprimé avec cette imprimante. Cette idée qu’on peut fabriquer des objets numériquement en se servant de ces machines, c’est ce que le magazine The Economist a défini comme la Troisième révolution industrielle.

En fait, je soutiens qu’il y a une autre révolution en cours, et qu’elle concerne le mouvement des créateurs, parce que l’imprimante dont s’est servie mon ami pour imprimer le jouet est en fait open source. Vous allez sur le même site web, qu’il vous faut pour fabriquer cette imprimante : les fichiers de construction, le matériel, les logiciels, toutes les instructions sont là. Et aussi ça fait partie d’une vaste communauté de milliers de gens dans le monde entier qui fabriquent vraiment ce type d’imprimantes, et beaucoup d’innovation a lieu car tout est open source. On a besoin de la permission de personne Et cet espace est comme celui des ordinateurs personnels en 1976, quand c’était la lutte entre les Apples et nous verrons dans quelques années, émerger l’Apple

Il y a aussi un autre point intéressant. J’ai dit que l’électronique était open source, quelque chose qui m’est cher : la carte mère qui en quelque sorte alimente cette imprimante, est un projet sur lequel je travaille depuis 7 ans. C’est un projet open source. J’ai travaillé avec mes amis qui sont ici. Nous cinq, deux américains, deux italiens, et un espagnol, nous … (Rires) Vous savez, c’est un projet mondial. (Rires) Nous nous sommes donc rassemblés dans cet institut de design appelé le Interaction Design Institute Ivrea, qui enseignait le design d’interaction, l’idée que l’on peut pousser le design au-delà de la simple forme d’un objet et le faire évoluer afin de concevoir la façon d’interagir Lorsqu’on crée un objet qui est censé interagir avec un être humain, si on fait ça n’a aucun sens. Il vous faut quelque chose qui interagit effectivement avec les gens. Donc, nous avons travaillé sur Arduino et beaucoup d’autres projets là-bas pour créer des plateformes qui seraient simples à utiliser pour nos élèves, afin que nos étudiants puissent juste mais ils n’ont pas cinq ans pour devenir ingénieurs en électronique.

Alors, comment faire quelque chose que même un gamin peut utiliser ? Et en fait, avec Arduino, nous avons des enfants comme Sylvia que vous voyez ici, qui font vraiment des projets avec Arduino. Il y a des enfants de 11 ans qui m’arrêtent et me montrent des trucs qu’ils ont construit pour Arduino et ça fait peur de voir de quoi les enfants sont capables quand vous leur donnez les outils.

Alors regardons ce qui se passe lorsque vous faites un outil que n’importe qui peut prendre l’un des exemples que j’aime bien pour donner le coup d’envoi de cette discussion c’est ce distributeur de nourriture pour chat. L’homme qui a fait ce projet avait deux chats. L’un était malade et l’autre était en bonne santé, donc il devait s’assurer qu’ils mangeaient la nourriture appropriée. Donc il a fait cette chose qui reconnaît le chat grâce à une puce montée à l’intérieur du collier du chat et ouvre la trappe et le chat peut manger sa nourriture. C’est fait avec un vieux lecteur de CD recyclé que vous pouvez prendre sur un vieil ordinateur, quelques capteurs, quelques LEDs qui clignotent, et puis tout à coup vous avez un outil. Vous construisez quelque chose que vous ne trouvez pas sur le marché. Et j’aime cette expression : Si vous avez une idée, vous vous lancez C’est l’équivalent de l’esquisse sur papier faite avec l’électronique.

L’une des caractéristiques qui, selon moi, est importante dans notre travail est que notre matériel, en plus d’être fabriqué avec amour en Italie, comme vous pouvez le voir au dos du circuit, (Rires) est ouvert, nous publions donc tous les fichiers de conception du circuit en ligne, pour que vous les téléchargiez et vous les utilisiez en fait pour faire quelque chose, ou les modifier, ou apprendre. Vous savez, quand j’apprenais observant le code d’autres personnes, ou en regardant les circuits d’autres personnes dans des magazines. Et c’est une bonne façon d’apprendre, en regardant le travail des autres. Donc, les différents éléments du projet sont tous ouverts, et le matériel est publié avec une licence Creative Commons. Donc, vous savez, j’aime cette idée que ce matériel devient un bout de culture que vous partagez et à partir duquel vous élaborez, comme si c’était une chanson ou un poème Ou sinon, le logiciel est GPL, donc il est La documentation et les exercices pratiques sont également open source Il n’y a que le nom qui est protégé pour que nous soyons sûrs de pouvoir dire aux gens ce qui est Arduino et ce qui ne l’est pas.

Arduino en elle-même est faite de beaucoup de composants open source différents qui peut-être individuellement sont difficiles à utiliser pour un enfant de 12 ans, alors Arduino encapsule tout en un mashup de technologies open source où nous essayons de leur donner la meilleure expérience utilisateur pour faire quelque chose rapidement.

On a donc des situations comme celle-ci, lorsque des gens au Chili ont décidé de fabriquer leurs propres d’organiser un atelier et d’économiser de l’argent. Ou il y a des entreprises qui fabriquent leurs propres variantes d’Arduino qui correspondent à un certain marché et il y en a probablement, peut-être 150 entreprises ou quelque chose comme ça en ce moment. Celle-ci est fabriquée par une société appelé Adafruit, qui est gérée par cette femme qui s’appelle Limor Fried, également connue sous le nom de Ladyada, qui est un des héros du mouvement pour le matériel open source et le mouvement des créateurs. D’où cette idée que vous avez une nouvelle communauté de bricoleurs super dynamique qui croit dans l’open source, à la collaboration, qui collabore en ligne, qui collabore dans différents espaces. Il y a ce magazine appelé Make, tous ces gens en une communauté et vous voyez un projet très technique expliqué dans un langage très simple, Ou vous avez des sites Web, comme celui-ci, Instructables, où les gens s’apprennent les uns aux autres tout et n’importe quoi. Ici, il s’agit de projets Arduino, la page que vous voyez à l’écran, apprendre comment faire un gâteau et tout le reste. Donc regardons certains projets.

Voici un quadricoptère. C’est un petit modèle d’hélicoptère. D’une certaine manière, c’est un jouet, non ? Et donc c’était une technologie militaire il y a quelques années et maintenant c’est open source, facile à utiliser, ils font cette chose appelée ArduCopter. Mais alors quelqu’un a réellement Matternet, où ils ont découvert qu’on pouvait l’utiliser pour transporter des choses d’un village à l’autre en Afrique, et le fait que c’était facile à trouver, open source, facile à bidouiller, leur a permis de prototyper leur compagnie vraiment rapidement. Matt Richardson : j’en ai un peu assez à la télévision encore et encore alors j’ai décidé de faire quelque chose. Ce projet Arduino, que j’appelle Enough Already (Ça Suffit), qu’une de ces personnalités surexposées est mentionnée. (Rires) Je vais vous montrer comment je l’ai fait. (Applaudissements)
MB : Regardez ça.
MR : Nos producteurs ont rattrapé aujourd’hui pour découvrir ce qu’elle projette de porter à son …
MB : Hein ? (Rires)
MR : Ça devrait bien marcher pour protéger nos oreilles d’avoir à entendre les détails du mariage de Kim Kardashian.
MB : Ok. Donc, vous savez, une fois encore, ce qui est intéressant ici c’est que Matt a trouvé ce module qui permet à Arduino de traiter les signaux télé, il a trouvé un code écrit par quelqu’un d’autre qui génère des signaux il l’a assemblé et ensuite a créé ce grand projet.

On utilise aussi Arduino, dans des endroits sérieux comme, vous le savez, Il y a quelques balles Arduino qui collectent des données et mesurent certains paramètres. Ou on l’utilise pour … (Musique) C’est donc une interface musicale construite par un étudiant en Italie, et il est maintenant en train d’en faire un produit. Parce que c’était un projet d’études qui devient un produit. Ou on peut l’utiliser pour faire des appareils d’assistance. Ça c’est un gant qui comprend la langue des signes et transforme vos gestes en sons et écrit les mots dont vous faites les signes Encore une fois, c’est fait avec des pièces différentes qu’on trouve sur tous les sites qui vendent des et qu’on assemble dans un projet. Ou voici un projet de la section ITP de NYU, où ils ont rencontré ce garçon qui a un handicap lourd, alors ils ont construit ce dispositif qui lui permet de jouer au baseball bien que sa capacité de mouvement soit limitée.

Ou vous pouvez le trouver dans des projets artistiques. Voici le txtBomber. Si on met un message sur le mur et en gros il contient tous ces solénoïdes qui appuient les boutons des bombes aérosols, vous n’avez qu’à le tirer sur un mur et vous écrivez sur le mur tous les messages politiques. Oui, oui. (Applaudissements) Ensuite, nous avons ici cette plante. Cela s’appelle Botanicalls, avec un module Wi-Fi dans la plante, et elle mesure le bien-être de la plante, et elle crée un compte Twitter où vous pouvez interagir réellement avec la plante. (Rires) Ainsi, vous savez, cette plante commencera à dire, « Il fait vraiment chaud », ou il y a beaucoup de, vous savez, « J’ai besoin d’eau là tout de suite. » (Rires) Elle donne donc une personnalité Ou voici quelque chose qui twitte lorsque le bébé à l’intérieur du ventre d’une femme enceinte donne des coups de pied. (Rires) Ou c’est un gamin de 14 ans au Chili, qui a fabriqué un système qui détecte les tremblements de terre et les publie sur Twitter. Il a 280 000 abonnés. Il a 14 ans et il a devancé un projet gouvernemental d’un an. (Applaudissements) Ou encore, un autre projet où, en analysant le flux Twitter d’une famille, vous pouvez en gros dire où ils sont, comme dans le film « Harry Potter ». Vous pouvez trouver tout qui tweete lorsque quelqu’un pète. (Rires) Il est intéressant de voir comment, en 2009, Gizmodo a défini, a déclaré que ce projet en réalité donc beaucoup de choses ont changé depuis. (Rires)

Un projet très sérieux. Lorsque la catastrophe de Fukushima est arrivée, un tas de gens au Japon se sont rendus compte que les informations que le gouvernement donnait vraiment fiables, alors ils ont construit ce compteur Geiger, plus Arduino, plus une interface réseau. Ils en ont fait 100 et les ont donnés aux gens les données recueillies sont publiées sur ce site web appelé Cosm, un autre site web qu’ils ont construit, donc vous pouvez réellement en temps réel depuis le terrain, et vous pouvez obtenir des informations impartiales. Ou cette machine ici, fabriquée par le DIY bio movement, le mouvement des bricoleurs bio, et c’est l’une des étapes open source du début à la fin. Ou vous avez des étudiants des répliques d’instruments scientifiques qui coûtent beaucoup d’argent à fabriquer. En fait ils les construisent Arduino et de quelques pièces. Voici une sonde de pH. comme ces enfants en Espagne. Ils ont appris à programmer et à fabriquer des robots quand ils avaient sans doute 11 ans, pour faire jouer ces robots au football. Ils sont devenus les champions du monde en fabriquant un robot à partir d’Arduino. Et quand nous avons eu à faire notre propre robot éducatif, « Concevez-le, parce que vous savez exactement ce qu’il faut pour faire un robot génial qui plaise aux enfants. » Pas moi. Je suis un vieux. A qui je suis censé plaire, hein ? (Rires) Mais comme j’ai … en termes de ressources éducatives. (Rires)

Il y a aussi des sociétés comme Google qui utilisent la technologie pour créer des interfaces entre les téléphones mobiles, les tablettes Le Kit de développement d’accessoires de Google est open source et se base sur l’Arduino, par opposition à celui d’Apple qui est fermé, confidentiel, vous vous engagez pour la vie à Apple. Voilà. Il y a un labyrinthe géant, et Joey est assis là et le labyrinthe se déplace lorsque vous inclinez la tablette.

Aussi, je viens d’Italie, en Italie et pourtant très conservateur. Nous avons travaillé avec un studio de design appelé Habits, à Milan, pour faire ce miroir, qui est Il sert aussi de haut-parleur L’idée est que la conception de l’objet, dans ce projet est open source et vous pouvez le faire vous-même. Si nous voulons que les autres concepteurs fabriquer des appareils géniaux, apprennent à faire des produits interactifs en partant de quelque chose de réel.

Mais quand on a cette idée, vous savez, qu’arrive-t-il à toutes ces idées ? Il y a des milliers d’idées que je … Vous savez, il faudrait sept heures pour que je fasse toutes les présentations. Je ne vais pas prendre sept heures. Merci. Mais commençons par cet exemple : Le groupe de personnes qui ont fondé cette société appelée Pebble a fait un prototype de montre qui communique et vous pouvez afficher des informations dessus. Et ils ont fait le prototype avec un vieil écran LCD d’un téléphone mobile Nokia et un Arduino. Et puis, quand ils ont eu le projet final, ils sont allés chez Kickstarter pour en fabriquer quelques-uns à vendre. Ils ont eu 10 millions de dollars. Ils ont obtenu une société complètement entièrement financée d’impliquer des capitaux-risque, seulement d’enthousiasmer les gens

Le dernier projet que je veux vous montrer, c’est ça : Il est actuellement sur Kickstarter, donc, si vous souhaitez contribuer, C’est un satellite qui va la chose la moins libre qu’on puisse imaginer, et il contient un Arduino connecté à un tas de capteurs. Donc, si vous savez comment utiliser Arduino, vous pouvez télécharger en fait vos expériences sur ce satellite et les faire tourner. Imaginez donc, si votre lycée pouvait avoir le satellite pendant une semaine et faire des expériences spatiales sur un satellite comme ça.

Il y a donc, comme je l’ai dit, plein d’exemples, et je vais arrêter là. Et je tiens juste à remercier la communauté Arduino d’être la meilleure et de faire chaque jour beaucoup de projets. Merci. (Applaudissements)

(Applaudissements)

Et merci à la communauté.

Chris Anderson : Massimo, vous m’avez dit plus tôt aujourd’hui que vous n’aviez aucune idée, bien sûr, que ça décollerait comme ça.

MB : No.

CA : Je veux dire, comment devez-vous vous sentir quand vous lisez ça et vous voyez ce que vous avez déclenché ?

MB : Eh bien, c’est le travail de beaucoup de gens, donc nous en tant que communauté permettons aux gens de fabriquer des trucs géniaux et je suis ébloui. de décrire ça. Chaque matin, je me réveille et je regarde toutes les choses que Google Alerts m’envoie moi et c’est tout simplement incroyable. Ça entre dans tous les domaines qu’on peut imaginer.

CA : Merci beaucoup. (Applaudissements)

(Applaudissements)




L’open data favorise-t-il nécessairement l’open source ?

Voici une question simple posée, excusez du peu, sur un des blogs du site de la Commission européenne.

On vous la pose donc à notre tour et vous attend dans les commentaires 🙂

A priori la réponse semble évidemment positive mais c’est peut-être plus compliqué que cela sur le terrain…

OpenSourceWay - CC by-sa

« Les gouvernements qui adoptent l’open data vont également adopter l’open source »

Governments that embrace open data will also switch to open source

Gijs Hillenius – 30 juin 2012 – Euopean Commission
(Traduction Framalang : Goofy, Antoine)

Les experts de l’open data s’accordent à dire que les administrations publiques qui comprennent les bénéfices qu’elles peuvent tirer de rendre publiques leurs données vont également plus utiliser du libre et de l’open source. L’open data et l’open source sont en effet souvent confrontés aux mêmes résistances : un manque de formation initiale et une crainte de l’effet qu’ils peuvent avoir sur l’organisation.

« Utiliser des logiciels propriétaires pour l’open data n’est pas aussi utile et pertinent que d’utiliser des logiciels libres », indique Jeanne Holm, l’évangéliste de data.gov, l’initiative open data du gouvernement Américain. « Il est plus facile pour les organisations, mêmes celles qui ont peu de moyens, de commencer à travailler sur des séries de données publiques avec des logiciels open source. Ce type de logiciels réunit le savoir de toute la communauté ».

Holm a été une des oratrices de la conférence sur l’interopérabilité sémantique qui a eu lieu à Bruxelles le 18 juin 2012. « Je suis une fervente avocate de l’open source, je ne suis donc pas impartiale. Cependant, ces logiciels fournissent aux gouvernements un moyen de moderniser leurs systèmes informatiques sans devenir aussi rapidement obsolète qu’avec des solutions propriétaires ».

Pour Holms, les administrations publiques ne devraient plus considérer l’open source comme controversé. « Toutes n’en voient pas encore les bénéfices car l’open source les éloigne parfois de leur situation confortable ».

Une explication similaire est donnée par Julia Glidden, une experte du e-gouvernement et la directrice générale de la société britannique 21c Consultancy. Les services IT peuvent avoir des millions de prétextes pour ne pas utiliser l’open source, selon elle. « Ils peuvent montrer du doigt le manque d’ergonomie, de robustesse, de sécurité et d’autres limitations techniques ».

De grands dépensiers

Glidden déclare que la migration en faveur de l’open source est largement une affaire de gestion du changement. L’open source menacerait la carrière des responsables informatiques. Cela change la relation qu’ils ont avec les gros vendeurs d’informatique et impacte négativement les budgets importants qui leurs sont alloués. « Ils considèrent l’open source comme une menace pour leur carrière et leur position acquise au sein de l’organisation. ». Pour elle, il en va de même pour l’open data. « Ils craignent, par exemple, de perdre leur emploi en cas d’utilisation abusive de ces données ».

De manière plus positive, les administrations publiques peuvent maintenant obtenir de l’aide sur le marché pour utiliser de l’open source dit-elle. On a atteint un seuil d’acceptation critique. « Il y a des vendeurs, des prestataires de service. Ce n’est pas le cas pour l’open data. Il y a besoin de consultants pour les aider à changer d’approche avec ce genre de partage de l’information ».

D’après Glidden, l’open data et l’open source se renforcent mutuellement. « La gouvernance fermée est morte, c’est juste une question de temps. Ils vont migrer vers de l’open source, ils feront de même pour l’open data ».

La philosophie du gouvernement

Katleen Janssen, une chercheuse au centre interdisciplinaire pour le droit et les TIC à l’Université catholique de Louvain est moins convaincue de l’existence d’un lien direct entre open data et open source. « Si l’open data fait partie de la philosophie des administrations publiques, elles vont également migrer vers de l’open source. Cependant, si elles pratiquent l’open data parce que tout le monde le fait ou parce qu’elles y sont contraintes, l’effet sera plus restreint ».

Crédit photo : OpenSourceWay (Creative Commons By-Sa)




Défaite humiliante et définitive d’ACTA au Parlement européen !

ACTA : Victoire totale pour les citoyens et la démocratie ! nous annonce La Quadrature du Net qui n’est pas pour rien dans ce résultat (et qui mérite notre plein soutien).

Ce n’est qu’un début… mais en attendant, nous nous associons à la joie du moment avec cette traduction du pirate Rick Falkvinge.

ACTA 4th July

VICTOIRE ! ACTA subit une défaite humiliante et définitive au Parlement européen

VICTORY! ACTA Suffers Final, Humiliating Defeat In European Parliament

Rick Falkvinge – 4 juillet 2012 – Site personnel
(Traduction Framalang : Ypll, Goofy, Martin)

Aujourd’hui à 12h56, le Parlement européen avait le choix entre le rejet final d’ACTA et la poursuite de l’incertitude. Par un vote écrasant, 478 à 39, le Parlement a décidé de rejeter ACTA une bonne fois pour toutes. Cela signifie que ce traité trompeur est maintenant mort au niveau mondial.

C’est un jour de fête. C’est le jour où les citoyens d’Europe et du monde ont vaincu les bureaucrates non élus, qui étaient courtisés par le lobby des plus riches entreprises de la planète. Le champ de bataille n’était pas un quelconque bureau dans une administration mais les représentants du peuple – le Parlement européen – qui ont finalement décidé de faire leur travail en beauté, et de représenter le peuple contre les intérêts particuliers.

La route vers cette victoire fut sombre, difficile, et en aucun cas sûre.

ACTA 4th July

Illustration : Le vote final sur ACTA au Parlement européen : 39 pour, 478 contre.

Comment en sommes-nous arrivés là ?

Il y a six mois la situation semblait très sombre. Il semblait certain qu’ACTA passerait en silence et dans l’indifférence totale. Les forces défendant les droits des citoyens ont essayé de le faire passer devant la Cour européenne de justice pour tester sa légalité et pour gagner un peu de temps. Et là, quelque chose s’est produit.

Un monstre du nom de SOPA est apparu aux États-Unis. Des milliers de sites web se sont couverts de noir le 18 janvier et des millions de protestations se sont exprimées, laissant le Congrès en état de choc devant l’ampleur de la colère populaire contre certains intérêts privés. SOPA en est mort.

Dans ce sillage, comme les citoyens s’étaient rendus compte qu’ils n’avaient pas besoin d’accepter de tels abus d’entreprises sans broncher et en tendant l’autre joue, la communauté a braqué ses projecteurs sur ACTA. La lutte a continué en beauté pour vaincre ce monstre. Début février, il y a eu des manifestations dans toute l’Europe, laissant le Parlement européen tout aussi choqué.

Les partis politiques ont changé d’avis et proclamé leur opposition à ACTA en solidarité avec les manifestions citoyennes sur tout le continent, après avoir compris à quel point cette législation étaient commandée sans aucune honte par des entreprises complices qui pensaient que c’était déjà fait. Ils ont essayé, retenté, et forcé jusqu’à aujourd’hui, de reporter le vote d’ACTA pour qu’il se passe dans la plus grande indifférence du public et des activistes.

Hélas, ils ne comprennent pas le Net. Et il y a un point clé ici : le Net n’oublie jamais.

Mais le message à retenir ici, c’est que nous, les activistes, avons fait ça. Tout le monde au Parlement européen se relaie pour rendre hommage à tous les activistes partout en Europe et dans le monde, qui ont attiré leur attention sur le fait que c’était une vraie saleté, que ce n’était pas une proposition à approuver comme les autres, mais en fait une proposition de législation réellement dangereuse. Tout le monde remercie les activistes pour cela. Oui, vous. Vous devriez vous pencher en arrière, sourire et vous filer des tapes dans le dos. Chacun d’entre nous a de très bonnes raisons d’être fier aujourd’hui.

Et maintenant ?

En théorie, ACTA pourrait toujours s’appliquer entre les États-Unis et plusieurs États de plus petite taille. Dix États étaient en négociation, et six d’entre eux doivent le ratifier pour qu’il entre en vigueur. En théorie, cela pourrait devenir un traité entre les États-Unis, le Maroc, le Mexique, la Nouvelle Zélande, l’Australie et la Suisse. (Mais attendez, le Sénat mexicain a déjà rejeté ACTA. Tout comme l’Australie et la Suisse, en pratique. Eh bien… alors un traité entre les États-Unis et le Maroc, dans l’éventualité peu probable que les États-Unis le ratifient réellement et formellement. Vous voyez l’issue qui se dessine.)

Comme il était expliqué précédemment sur TorrentFreak, sans le soutien de l’Union européenne, ACTA est mort. Il n’existe pas.

Le Commissaire européen responsable du traité, Karel de Gucht, a déclaré qu’il n’allait tenir compte d’aucun rejet et le re-soumettre au Parlement européen jusqu’à son adoption. Cela n’arrivera pas. Le Parlement fait très attention à sa dignité et ne tolère pas ce genre de mépris, heureusement. C’est quelque chose d’assez nouveau dans l’histoire démocratique de l’Union européenne – la première fois où j’ai vu le Parlement se battre pour sa dignité était pour le Paquet Télécom, quand la Commission a pareillement tenté de faire adopter de force la riposte graduée (au contraire, le Parlement a rendu cette riposte graduée illégale dans toute l’Union européenne).

Une bonne partie des dangers d’ACTA reviendra sous d’autres noms. Pour les lobbyistes, c’est le travail de sape ordinaire contre les pouvoirs, jusqu’à ce qu’ils cèdent. Juste un jour de boulot comme un autre. Nous devons rester vigilants contre les intérêts particuliers qui reviendront encore et encore à la charge, jusqu’à ce que nous nous assurions que la route législative leur soit complètement bloquée. Nous devons rester vigilants.

Mais pas aujourd’hui.

Aujourd’hui, nous fêtons un travail extraordinairement bien mené.

Aujourd’hui, le 4 juillet, l’Europe célèbre une journée d’indépendance vis-à-vis des intérêts particuliers américains.

Aujourd’hui, nous avons défendu nos droits les plus fondamentaux contre les géants de l’industrie, et nous avons gagné.

Félicitations à nous tous, et merci à tous les frères et les sœurs sur les barricades, partout dans le monde, qui ont rendu cela possible.

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa




L’esprit de partage, une révolution de l’esprit #Sharism

Issu du verbe anglais to share qui veut dire partager, le « Sharism » est reconnu par Wikipédia.

Cela ne signifie pas que le concept, exposé ici par le chinois Isaac Mao, soit nécessairement valide, d’autant que le style verse parfois un peu trop dans le new age, mais il méritait selon nous un nouveau petit coup de projecteur.

Cet article a été rédigé en décembre 2008 (avant, par exemple, le réel avènement des réseaux sociaux). Il a été traduit initialement par Olivier Heinry sur son site.

Joi Ito - CC by

L’esprit de partage, une révolution de l’esprit

Sharism: A Mind Revolution

Isaac Mao – Décembre 2008 – Creative Commons By
(Traduction : Olivier Heinry)

Alors que le peuple du World Wide Web communique plus pleinement et plus librement par le biais des médias sociaux et que l’on assiste à une explosion des contenus 2.0, la dynamique interne d’une telle explosion créative se doit d’être étudiée de plus près. Quelle est la motivation de ceux qui rejoignent ce mouvement et quel futur vont-ils engendrer ? L’un des aspects clés consiste en la surabondance de respect de la part de la communauté et de capital social accumulés par ceux qui partagent.

La motivation clé des Médias Sociaux et l’esprit animant le Web 2.0 forment un changement de paradigme nommé Esprit de Partage. L’esprit de partage suggère une réorientation des valeurs individuelles. On le voit à l’œuvre dans les contenus générés par les utilisateurs. C’est l’allégeance des Creative Commons. Il fait partie des initiatives culturelles futuro-centriques. L’esprit de partage est également un exercice mental que tout un chacun peut essayer, une attitude socio-psychologique destinée à transformer un univers étendu et isolé en un Cerveau Social hyper-intelligent.

La doctrine du neurone

Le partagisme est encodé dans le Génome Humain. Bien qu’éclipsés par les nombreux pragmatismes du quotidien, la théorie du l’Esprit de Partage trouve sa source dans les neurosciences et l’étude du modèle opératoire du cerveau humain. Bien qu’il nous soit impossible de décrire le fonctionnement du cerveau dans son ensemble, nous disposons d’un modèle du mécanisme de fonctionnement du système nerveux et de ses neurones. Un neurone n’est pas qu’une simple cellule de l’organisme, mais un processeur biologique très puissant et excitable électriquement. Des groupes de neurones forment des réseaux intensément interconnectés, qui, en modifiant la force/résistance des synapses situées entre les cellules, peuvent traiter de l’information, ainsi qu’apprendre. Un neurone , en partageant des signaux chimiques avec ses voisins, peut se retrouver intégré à des motifs plus significatifs qui maintiennent le neurone actif et vivant. De plus, cette simple logique peut être répétée et amplifiée, puisque tous les neurones fonctionnent sur un principe similaire de connexion et de partage. A l’origine, le cerveau est des plus ouverts. Un réseau neuronal existe qui partage activité et information, et je pense que ce modèle du cerveau devrait inspirer des idées comme aider à prendre des décisions concernant les réseaux humains.

Ainsi, notre cerveau privilégie le partage par la nature même de son système, ce qui signifie de profondes implications pour les processus créatifs. A chaque fois que vous avez l’intention de créer, il vous sera plus aisé de générer des idées plus créatives si vous conservez à l’esprit la notion de processus de partage. Le processus de formation des idées n’est pas linéaire, mais ressemble plus à une avalanche d’amplifications le long d”un chemin de réflexion. Il se déplace avec le momentum d’une boule de neige créative. Si votre système cognitif interne encourage le partage, vous pouvez alors construire une boucle de rétroaction de bonheur, qui vous aidera à son tour à générer d’autant plus d’idées. C’est une sorte d’effet papillon, où la petite quantité d’énergie créative que vous aurez dépensé vous rendra, vous et le monde , plus créatifs.

Cependant, les décisions prises au quotidien par la plupart des adultes ont une créativité plutôt faible, seulement parce qu’ils ont désactivé leurs chemins de partage. Les gens aiment en général partager ce qu’ils créent, mais dans une culture qui leur enjoint de protéger leurs idées, les gens deviennent convaincus du danger du partage. Le sens du partage est alors affaibli dans leur esprit et découragé au sein de leur société. Mais si nous pouvons encourager une personne à partager, alors ses chemins de partage resteront ouverts. L’esprit de partage restera en mémoire dans son esprit, tel un instinct. Si elle rencontre au futur une situation de choix créatif, son choix sera : « Partage ».

Ces déclics de l’esprit sont trop subtils pour être perçus. Mais du fait que le cerveau,et la société, sont des systèmes connectés, l’accumulation de ces micro-attitudes, de neurone en neurone, et d’individu en individu, peut aboutir à un comportement manifeste. Il est aisé de pouvoir dire si une personne, un groupe, une entreprise, une nation sont enclins au partage ou pas. Pour ceux qui ne le sont pas , ce qu’ils défendent comme « biens culturels » et « propriété intellectuelle » ne sont que des excuses pour le statu quo gardant une communauté fermée. Une grande partie de leur « culture » sera protégée, mais le résultat net consiste en la perte directe de bien des précieuses idées, et dans la perte subséquente de tous les gains potentiels de leur partage. Cette connaissance perdue est un trou noir dans nos vies, qui pourrait bien avaler d’autres valeurs également.

La culture du non-partage nous guide à tort avec sa séparation absolue des espaces privé et public. Toute activité créatrice devient un choix binaire entre public et privé, ouvert et fermé, ce qui entraîne la naissance d’un fossé dans le spectre de la connaissance. Bien que ce fossé puisse devenir le lieu d’une réelle créativité, les craintes liées à la vie privée rendent ce fossé difficile à combler. Nous ne devrions pas nous étonner du fait que la plupart des gens, pour demeurer en sécurité, ne partagent que de façon privée et restent donc « fermés ». Elles craignent peut-être que l’Internet ne soit un risque potentiel qu’elles ne peuvent combattre seules. Paradoxalement, moins vous partagerez, moins vous en aurez le pouvoir.

Les nouvelles technologies et la montée de l’esprit de partage

Remontons en 1999, à l’époque où il n’y avait que quelques centaines de blogs de pionniers sur la planète, et sans doute pas plus de dix lecteurs à suivre chacun de ces blogs. L’histoire humaine est ainsi faite : un événement important avait lieu sans que le reste du monde ne le réalise. Le changement induit par l’arrivée de publications en ligne simples d’usage déclencha une révolution douce en moins de cinq ans. Les gens ont fait rapidement et facilement la transition depuis la simple consultation de blogs à l’ajout de commentaires et la participation à des discussions en ligne, jusqu’à réaliser soudainement qu’ils pouvaient eux-même devenir blogueurs. Plus de blogueurs a généré plus de lecteurs, et plus de lecteurs ont créé encore plus de blogs. Ce fut une révolution virale.

Les blogueurs génèrent sur Internet une information vivante et à jour, et sont connectés les uns aux autres par RSS, hyperliens, commentaires, trackbacks et citations. Le fine granularité des contenus peut alors combler les interstices entre notre expérience lacunaire, et ainsi écrire une nouvelle histoire de l’humanité. Une fois que vous êtes devenu un blogueur, une fois que vous avez accumulé autant de capital social sur un aussi petit site, il est devenu difficile d’arrêter. Cela ne peut s’expliquer par une théorie de la dépendance. C’est une impulsion de partage. C’est l’énergie des mêmes qui veut circuler de bouche à oreille et d’esprit à esprit. C’est plus que l’e-mail. C’est l’esprit de partage.

Les blogueurs souhaitent toujours garder à l’esprit le contexte social de leurs articles, en se demandant : « Qui donc va lire ceci ? » Les blogueurs sont agiles en ce qu’ils ajustent leur tonalité -et leur niveau de vie privée – pour faire avancer leurs idées sans se mettre en danger. Il s’agirait du sens du terme adéquat, plutôt que d’une auto-censure. Mais une fois que les blogs ont atteint leur masse critique, ils se sont étendus pour devenir la blogosphère. Ce dernier point a requis un système de réseaux sociaux plus délicat, ainsi qu’une architecture de partage de contenus. Mais les gens savent désormais qu’ils maîtrisent une palette plus large de relations. A la façon dont Flickr nous permet de partager des photos, mais en toute sécurité. Le respect de la vie privée de Flickr à base de cases à cocher peut paraître étrange au nouvel utilisateur, mais elle peut vous permettre de jouer avec les ressorts mentaux de l’esprit de partage. En cochant une case, nous pouvons choisir de partager , ou pas. De mes propres observations, j’ai pu constater que des photographes sur Flickr deviennent plus réceptifs à l’idée de partage, tout en conservant toute la latitude voulue dans leurs choix.

L’émergence rapide d’applications sociales qui communiquent et coopèrent, en permettant à tout un chacun de diriger des contenus d’un service à un autre, laisse les utilisateurs libres de pomper leurs mêmes au travers d’un écosystème faits de pipelines. Cette capacité d’interconnexion permet aux mêmes de se déplacer au travers de multiples réseaux sociaux, et de potentiellement atteindre une énorme audience. En conséquence de quoi, ce système de micro-pipelines rend les médias sociaux viables en tant qu’alternative aux mass-média traditionnels. Ces nouvelles technologies ressuscitent l’esprit de partage dans notre culture de la fermeture.

Pratique locale, bénéfice global

Si jamais vous avez perdu votre esprit de partage du fait d’un mauvais environnent culturel ou éducatif, il est ardu de le retrouver. Mais ce n’est pas impossible. Une pratique assidue peut mener à un rétablissement complet. Vous pouvez vous représenter l’esprit de partage comme une pratique spirituelle. Mais vous devrez pratiquer quotidiennement. Sinon, vous perdriez le pouvoir de partager. Définitivement.

Vous pourriez avoir besoin de quelques chose qui vous motive, vous empêche de revenir à un état d’esprit fermé. Voici une idée : afficher sur votre bureau une note portant la mention : « Que veux-tu partager aujourd’hui ? ». Sans blague. Par la suite, si jamais vous tombez sur quoi que ce soit d’intéressant, partagez-le ! La façon la plus simple à la fois pour commencer et continuer à partager consiste à utiliser de multiples logiciels sociaux. Le premier même que vous souhaitez partager sera peut être de peu de taille, mais vous pourrez l’amplifier par le biais des nouvelles technologies. Listez les noms de personnes de votre réseau personnel, et invitez-les à rejoindre un nouveau logiciel social. Au début, vous aurez peut-être du mal à voir les bénéfices de l’esprit de partage. Le vrai test consiste alors à voir si vous pouvez suivre le feedback que vous obtenez de ce que vous partagez. Vous réaliserez que quasiment toutes vos activités de partage vont générer des résultats positifs. Le bonheur que vous ressentirez n’est que la récompense la plus immédiate, même s’il y en a d’autres.

Le premier type de récompense que vous obtiendrez arrivera sous la forme de commentaires. Vous saurez alors que vous avez suscité de l’intérêt, de l’appréciation, de l’excitation. La seconde récompense sera l’accès à tout ce que les amis de votre réseau auront partagé. Du fait que vous les connaissez et avez confiance en eux, vous serez d’autant plus intéressés par ce qu’ils partagent. Mais le troisième type de récompense est plus important encore. Tout ce que vous partagez sera transféré, remis en circulation et publié une nouvelle fois au travers des propres réseaux de vos amis. Cet effet de cascade porte alors votre parole aux masses mises en réseau. Les progrès des logiciels de réseaux sociaux font que la vitesse de propagation devient celle d’un clic de souris. Vous devriez rencontrer l’esprit de partage. Vous êtes sur le point de devenir connu, et ce rapidement.

Ce qui nos amène au quatrième et dernier type de retour, qui fait sens non seulement pour vous, mais également pour la société toute entière. Si vous l’avez choisi, vous autorisez autrui à créer des œuvres dérivées à partir de ce que vous aurez partagé. Ce simple choix peut facilement faire boule de neige et induire de nouvelles créations le long du chemin du partage de la part de personnes situés à des endroits clés du réseau et qui sont toutes aussi passionnées que vous pour créer et partager. Après plusieurs cycles de développement, une vaste œuvre créatrice peut jaillir de votre décision de partager. Bien sûr, vous recevrez le crédit que vous avez demandé, et que vous méritez. Et c’est tout à fait logique de vouloir en être rémunéré. Mais dans tous les cas vous en obtiendrez quelque chose de tout aussi essentiel : du Bonheur.

Plus il y aura de créateurs dans l’esprit de partage, plus ce sera facile de parvenir à un état d’équlibre et d’équité pour les Médias Sociaux tissés par les gens eux-même. Les médias ne seront pas contrôlés par une seule personne, mais reposeront sur la distribution régulière du réseautage social. Ces « Partagéros » (Héros Partageurs) deviendront naturellement les leaders d’opinion de la première vague de Média Social. Cependant, les droits sur ces médias appartiendront à tous. Vous devenez à la fois producteur et consommateur dans un tel système.

L’esprit de partage protège vos droits

Bien des questions restent malgré tout en suspens à propos de l’esprit de partage comme initiative dans une nouvelle ère, la principale étant celle du copyright. Un des soucis est que n’importe quelle perte de contrôle sur des contenus protégés par copyright conduira à une baisse conséquente de la richesse individuelle, ou simplement en une perte de contrôle. Il y a 5 ans, j’aurais considéré cela comme possible. Mais les choses changent aujourd’hui. L’environnement de partage est plus protégé que vous ne pourriez penser. Bien des nouveaux logiciels sociaux vous facilitent l’établissement des conditions d’utilisation de votre chemin de partage. Tout violation de ces termes a leur égard vous sera reprochée non seulement par la loi, mais par votre communauté. Votre auditoire, qui bénéficie de ce que vous partagez, peut aussi tenir lieu de gardien de vos droits. Cela paraît idéal, même pour le détenteur de droits traditionnels.

De plus, en mesurant la portée des récompenses immédiates et à venir liées au partage, vous vous direz peut-être en fin de compte que le copyright et les « Tous droits réservés » sont bien éloignés de vous. Vous apprécierez trop les bénéfices du partage pour vous soucier de savoir qui détient une copie. Plus il y a de gens à remixer vos œuvres, plus vous aurez un retour important, voici la nouvelle formule économique.

Je voudrais souligner que le sens du partage n’équivaut pas au Communisme, ni au Socialisme. Pour ce qui est des Communistes endurcis, ils ont souvent violé la nature encline au partage des gens pour les forcer à abandonner leurs droits comme leurs biens. Le Socialisme, ce Communisme attendri, a, d’après notre exprience, également montré bien peu de respect envers ces droits. Dans ces systèmes, l’état détient toute propriété. Dans l’esprit de partage, vous pouvez conserver vos droits si vous le voulez. Mais je préfère partager. Et c’est ainsi que j’ai choisi de propager des idées, et la prosperité.

L’esprit de partage est entièrement basé sur votre propre consensus. Ce n’est pas trop difficile à comprendre, surtout depuis que des mouvements liés au copyleft comme la Free Software Foundation et les Creative Commons existent déjà depuis plusieurs années. Ces mouvements redéfinissent un spectre plus flexible de licences pour que les développeurs comme les utilisateurs finaux puissent marquer leurs travaux. Du fait que ces nouvelles licences peuvent être reconnus autant par les humains que les machines, il devient de plus en plus facile de partager à nouveau ces travaux dans les nouveaux écosystèmes en ligne.

L’esprit du Web, un cerveau social

L’esprit de partage est celui de l’ère du Web 2.0. Il a à la fois la consistance d’une Épistémologie naturalisée et celle d’une Axiologie modernisée, mais contient également les promesses du pouvoir d’une nouvelle philosophie de l’Internet. L’esprit de partage va transformer le monde en un Cerveau Social émergeant, un hybride mis en réseau de personnes et de logiciel. Nous sommes les Neurones en Réseau connecté par les synapses du Logiciel Social. Il s’agit d’une saut de l’évolution, un petit pas pour nous mais un pas de géant pour la société humaine. Avec ces nouvelles technologies « velues » fleurissant autour de nous , nous sommes en mesure de générer plus de connectivité et d’augmenter le débit de nos liens sociaux. Plus nous , neurones sociaux, serons ouverts et intensément connectés, meilleur sera l’environnement de partage, pour tous. Plus notre intelligence sera collective, plus la sagesse marquera nos actions. Les gens ont toujours trouvé de meilleures solutions par la conversation. Désormais, nous pouvons le mettre en ligne.

L’esprit de partage sera la politique exercée par la prochaine super puissance globale. Il ne s’agira pas d’un pays, mais d’un nouveau réseau humain relié par le Logiciel Social. Il s’agit peut-être d’un rêve lointain, de même que une politique publique de partage bien conçue n’est sans doute pas pour demain. Mais les idées que je soulève peuvent améliorer dès aujourd’hui les gouvernements. Nous pouvons intégrer nos systèmes démocratiques émergents comme déjà existants avec de nouvelles toponymies sociales (basées sur l’indexation sociale et collaborative d’information) pour permettre aux gens d’émettre des requêtes, de partager des données et remixer les informations pour des usages publics. L’intelligence collective d’un vaste environnement de partage équitable peut être le gardien du temple de nos droits, et le chien de garde des gouvernements. Dans le futur, la politique pourra être exercée de manière plus nuancée, par le biais de la micro-participation de la communauté de l’esprit du partage. Cette « Démocratie Émergente » se déroule plus en temps réel que lors de sessions parlementaires. Elle élargira la panoplie de nos choix, au-delà des options binaires offertes par référendums par « Oui » ou « Non ». La démocratie représentative en deviendra plus prompte à réagir et plus diligente, parce que nous nous représenterons nous-même au sein du système.

L’Esprit de Partage aura pour résultat une plus grande justice sociale. Dans un environnement de partage sain, tout signe d’injustice peut se retrouver amplifié afin d’attirer l’attention du public. Toute victime peut obtenir un support aussi effectif qu’instantané de ses pairs et des pairs de ses pairs. Les procédures de justice prendront la forme de pétitions émises par le biais de multiples canaux interconnectés. Par ces outils, chacun d’entre nous peut devenir mieux socialisé, et la société plus individualisée. Nous ne sommes plus forcés d’agir seuls. La démocratie émergente n’existera qu’une fois que l’Esprit de Partage sera devenu le bréviaire de la majorité. Puisque l’Esprit de Partage peut améliorer la communication, la collaboration comme la compréhension mutuelle, je crois qu’il a sa place au sein du système éducatif. L’Esprit de Partage peut s’appliquer à n’importe quel discours culturel, communauté de pratique (Community of Practice) ou contexte de résolution de problème. C’est également un antidote à la dépression sociale, la perte du sens du partage ne faisant que tirer notre société vers le bas. Dans les pays totalitaires actuelles ou passés, ce cycle décadent est encore plus visible. Le monde futur sera un hybride d’humain et de machine qui permettra des prises de décisions meilleures et plus rapides, n’importe où, n’importe quand. Le flot d’information entre les esprits deviendra plus flexible et plus productif. Ces vastes réseaux de partage créeront un nouvel ordre social : une Révolution de l’Esprit.

Crédit photo : Joi Ito (Creative Commons By)




#FREEBASSEL Lettre de soutien au syrien Bassel Khartabil

Depuis plus de trois mois, nous sommes sans nouvelles du syrien Bassel Khartabil, arrêté à Damas dans des conditions qui semblent sommaires et arbitraires.

Acteur reconnu de la communauté open source, cette dernière se mobilise pour obtenir sa libération ou tout du moins des informations sur les causes et les conditions de sa détention.

Nous avons traduit la lettre de soutien que vous pouvez signer sur cette page.

Joi Ito - CC by

#FREEBASSEL

URL d’origine du document

Juin 2012 – FreeBassel.org
(Traduction Framalang : Goofy et Ju)


Le 15 mars 2012, Bassel Khartabil a été incarcéré suite à une vague d’arrestations dans le quartier de Mazzeh à Damas (Syrie). Depuis cette date, sa famille n’a reçu aucune explication sur sa détention ni aucune information sur les conditions de sa captivité. Toutefois, sa famille vient d’apprendre par un détenu libéré qu’il est incarcéré dans la section de haute-sécurité de Kafer Sousa à Damas.

Bassel Khartabil, un Syrien de 31 ans né en Palestine, est un ingénieur en informatique reconnu pour ses compétences dans le développement de logiciels open source qui contribuent à l’élaboration d’Internet. Il a commencé sa carrière il y a dix ans en Syrie comme directeur technique d’un certain nombre d’entreprises locales en travaillant sur des projets culturels tels que la réhabilitation du site archéologique de Palmyre et le magazine Forward Syria.

Depuis, Bassel s’est fait connaître dans le monde entier par son engagement résolu en faveur du Web ouvert, sa capacité à enseigner aux autres les technologies de l’information, et l’aide bénévole qu’il apporte à chaque occasion. Bassel est le responsable principal d’un projet open source pour le Web appelé Aiki Framework. Il est bien connu au sein des communautés techniques en ligne au titre de contributeur bénévole pour des projets aussi importants pour Internet que Creative Commons, Mozilla Firefox, Wikipedia, Open Clip Art Library, Fabricatorz, et Sharism.

Depuis son arrestation, le précieux travail de Bassel comme contributeur bénévole, que ce soit en Syrie ou dans le monde entier, s’est interrompu. Son absence a été durement ressentie pour les communautés qui dépendent de lui. En outre, sa famille et sa fiancée (qu’il devait épouser en avril dernier) ne vivent plus que dans une attente angoissante.

Bassel Khartabil est incarcéré injustement depuis bientôt quatre mois sans aucun procès et sans qu’aucun motif d’inculpation n’ait été retenu contre lui.

Nous, signataires de la campagne #FREEBASSEL, exigeons immédiatement des informations sur ses conditions de détention, sa santé et son état psychologique.

Nous demandons instamment au gouvernement syrien de remettre en liberté immédiatement Bassel Khartabi, membre de la communauté globale open source, qui pour les siens est un fils et un époux, et qui pour la communauté est un ingénieur informatique de renommée mondiale.

-> Signer cette lettre de soutien

Crédit photo : Joi Ito (Creative Commons By)




Ce qui s’est passé la nuit dernière, dans un cinéma de Melbourne

Inauguré en 1936, L’Astor Theatre est un cinéma bien connu des habitants de Melbourne. En janvier dernier on y a programmé un film qui a bien failli ne pas être projeté.

Pourquoi ? Parce que le cinéma actuel est en train de faire sa « révolution numérique » et que comme on peut dès lors facilement copier un film, les distributeurs ont mis plus un système complexe de protection (l’équivalent des DRM pour la musique) qui peut s’enrayer et laisser les propriétaires des salles démunis et impuissants face au problème.

C’est le témoignage d’une des personnes qui gèrent le cinéma Astor que nous vous proposons ci-dessous[1].

Thomas Hawk - CC by-nc

Ce qui s’est passé la nuit dernière

What Happened Last Night

Tara Judah – 26 janvier 2012 – The Astor Theatre Blog
(Traduction Framalang : Antistress, Lamessen, Penguin, HgO, Étienne, ZeHiro, kabaka, Penguin, Lamessen)

Nous avons tous des nuits que nous préférerions oublier. Mais parfois, il est préférable d’en parler le lendemain matin. Et étant donné que nous avons une relation étroite (nous le cinéma, vous le public), c’est probablement mieux de vous dire ce qui s’est passé et, plus important, pourquoi ça c’est passé ainsi.

La nuit dernière nous avons eu un retard imprévu, non désiré et désagréable lors de notre projection de Take Shelter – la première partie de notre mercredi de l’horreur.

J’utilise les mots imprévu, non désiré et désagréable parce que nous aimerions que vous sachiez que c’était aussi désagréable pour vous que pour nous – et aussi que c’était quelque chose de totalement hors de notre contrôle. En tant que cinéma il y a de nombreux aspects de votre expérience que nous maîtrisons et qui sont sous notre responsabilité ; l’atmosphère des lieux lorsque vous vous rendez à l’Astor est quelque chose sur lequel nous travaillons dur et pour lequel nous déployons tout notre talent, même si là aussi de nombreux facteurs extérieurs entrent en jeu. Mais parfois ces facteurs extérieurs que nous essayons d’accommoder sont tels que la situation nous échappe et, par conséquent, tout ce que nous pouvons faire est d’essayer de corriger le problème du mieux que nous le pouvons et le plus rapidement possible.

Le paysage de l’industrie cinématographique change rapidement. La plupart d’entre vous le sait déjà parce que nous partageons avec vous ces changements sur ce blog. L’année dernière, nous avons ainsi installé un nouveau projecteur numérique ultramoderne, un Barco 32B 4K. Les raisons qui nous y ont conduit étaient multiples et variées. Qu’elles aient été endommagées voire détruites avec le temps, ou rendues, volontairement ou non, indisponibles par leur distributeurs, un nombre croissant de bobines 35 mm disparaît réduisant ainsi le choix de notre programmation (et je ne vous parle même pas des différents problèmes de droits de diffusion des films).

L’arrivée de la projection numérique et l’accroissement de la disponibilité de versions numériques des films cultes et classiques nous ont effectivement offerts quelques belles opportunités de vous présenter des films autrement confinés au petit écran (dont Taxi Driver, Docteur Folamour, South Pacific, Oklahoma ! et Labyrinthe, pour n’en citer que quelques uns). Les grands studios des industries culturelles sont donc en train de se diriger vers ce qui a été salué comme étant une « révolution numérique ». Le terme lui-même est effrayant. Tandis que la projection numérique possède de nombreux avantages, elle recèle également des pièges. Ce que nous observons en ce moment est le retrait des bobines de film de 35 mm en faveur de la projection numérique, le plus souvent au format DCP (Digital Cinema Package).

Or contrairement aux pellicules de 35mm qui sont des objets physiques, livrés en bobines et qui sont projetées grâce à un projecteur mécanique, les DCP sont des fichiers informatiques chargés à l’intérieur d’un projecteur numérique qui, par bien des aspects, se résume à un ordinateur très sophistiqué. Puisque le fichier est chargé dans le projecteur, le cinéma peut en conserver une copie ad vitam aeternam, s’il y a assez d’espace sur son serveur. C’est pourquoi, après avoir eux même engendré cette situation, les studios et les distributeurs verrouillent les fichiers pour qu’ils ne puissent être projetés qu’aux horaires planifiés, réservés et payés par le cinéma. Ceci signifie que chaque DCP arrivé chiffré que vous ne pouvez ouvrir qu’avec une sorte de clé appelée KDM (Key Delivery Message), Le KDM déverrouille le contenu du fichier et permet au cinéma de projeter le film. Il dépend évidemment du film, du projecteur du cinéma mais aussi de l’horaire, et n’est souvent valide qu’environ 10 min avant et expire moins de 5 min après l’heure de projection programmée. Mis à part le fait évident que le programme horaire des projections doit être précisément suivi, cela signifie aussi que le projectionniste ne peut ni tester si le KDM fonctionne, ni vérifier la qualité du film avant le début de la projection. Ce n’est à priori pas un probléme. Mais lorsqu’il y en a un…

Lorsqu’il y a un problème, nous obtenons ce qui s’est produit la nuit dernière.

Le KDM que nous avions reçu pour Take Shelter ne fonctionnait pas. Nous avons découvert cela dix minutes environ avant la projection. Comme nous sommes un cinéma, et que nous avons des projections le soir, nous ne pouvions pas simplement appeler le distributeur pour en obtenir un nouveau, car ils travaillent aux horaires de bureau. Notre première étape fut donc d’appeler le support téléphonique ouvert 24h sur 24 aux Etats-Unis. Après avoir passé tout le processus d’authentification de notre cinéma et de la projection prévue, on nous a dit que nous devions appeler Londres pour obtenir un autre KDM pour cette séance précise. Après avoir appelé Londres et avoir authentifié de nouveau notre cinéma et notre projection, on nous a dit qu’ils pouvaient nous fournir un autre KDM, mais pas avant que le distributeur ne l’autorise aussi. Cela voulait dire un autre délai de 5-10 minutes pendant que nous attendions que le distributeur confirme que nous avions en effet bien le droit de projeter le film à cet horaire. Une fois la confirmation reçue, nous avons attendu que le KDM soit émis. Le KDM arrive sous la forme d’un fichier zip attaché dans un mail, qui doit donc être ensuite dézippé, sauvegardé sur une carte mémoire et copié sur le serveur. Cela prend à nouveau 5-10 minutes. Une fois chargé, le projecteur doit reconnaître le KDM et débloquer la séance programmée. Heureusement, cela a fonctionné. Néanmoins, jusqu’à ce moment-là, nous ne savions absolument pas, tout comme notre public, si le nouveau KDM allait fonctionner ou non, et donc si la projection pourrait ou non avoir lieu.

Il ne s’agit que d’un incident dans un cinéma. Il y a des milliers et des milliers de projections dans des cinémas comme le nôtre à travers le monde, qui rencontrent les mêmes problèmes. Si nous avions projeté le film en 35 mm, il aurait commencé à l’horaire prévu. Le projectionniste aurait préparé la bobine, l’aurait mise dans le projecteur et alignée correctement avant même que vous vous ne soyiez assis, zut, avant même que nous n’ayions ouvert les portes pour la soirée. Mais c’est une situation que l’industrie du cinéma a créée et qu’elle va continuer de vendre comme étant supérieure au film 35mm.

Je ne dis pas qu’il n’y a pas d’avantages au cinéma numérique, mais je dis qu’il y a aussi des problèmes. Et pire encore, des problèmes qui sont hors de notre contrôle et qui nous font paraître incompétents.

Nous employons des projectionnistes parfaitement formés au cinéma Astor, vous savez, le genre qui ont plus de 20 ans d’expérience chacun, qui avaient une licence de projectionniste (à l’époque où ce genre de chose existait), et si une bobine de film venait à casser, ou que le projecteur avait besoin de maintenance, ou si une lampe devait être changée, ils étaient qualifiés et capables de résoudre le problème sur le champ.

Avec le numérique cependant, il n’existe pas de compétence dans la résolution des problèmes : cela nécessite avant tout des appels téléphoniques, des e-mails et des délais. Le fait que moi, qui n’ai reçu que la formation la plus élémentaire et la plus théorique en projection, je sois capable d’être une partie de la solution à un problème, démontre clairement comment l’industrie s’est éloigné de l’essence même du média cinéma.

Nous ne disons pas que le numérique c’est le mal, mais nous voulons que vous sachiez ce qui est en jeu. L’industrie du cinéma est déterminée à retirer les pellicules de la circulation, ils déclarent ouvertement qu’il n’y aura plus de pellicules dans le circuit de distribution cinématographiques dans quelques années. Il existe déjà des cas aux Etats-Unis où certains studios ont refusé d’envoyer des bobines de films 35 mm aux cinémas. La pression mise sur les cinémas indépendants pour, dixit, se convertir au numérique est un sujet qui mérite toutefois un autre billet, mais une autre fois.

Ce que j’aimerais vous apporter ici, c’est notre ressenti de la nuit dernière : l’industrie cinématographique est en train de changer et ce changement nous fait aujourd’hui perdre le contrôle. Nous sommes en relation avec vous, notre public, mais j’ai l’impression que quelqu’un essaie de nous séparer. Nous voulons continuer à vous donner l’expérience que vous attendez et que vous méritez quand vous venez dans notre cinéma, et nous voulons que vous sachiez que, même si on ne peut pas vous promettre que cela ne se reproduira pas, nous ferons tout ce qui est en notre pouvoir pour continuer à nous battre pour cette relation, et le premier pas pour réparer les dégâts causés par la nuit dernière est d’être honnête sur ce qui s’est passé, et pourquoi cela s’est passé ainsi.

Ecrit par Tara Judah pour le cinéma Astor.

Notes

[1] Crédit photo : Thomas Hawk (Creative Commons By-Nc)




Ce que le libre apporte à la plus ancienne religion du livre

Croire ou être de telle ou telle religion c’est d’abord s’inscrire dans son histoire et sa tradition. C’est aussi évidemment la vivre et l’éprouver au sein de sa communauté dans le temps présent de son propre chemin personnel et spirituel. On puise dans le passé, dont subsistent ici avant tout des traces écrites, pour s’y forger individuellement et collectivement hic et nunc sa propre connaissance et expérience des choses.

Ce double mouvement peut être favorisé ou au contraire freiné par le contexte social et culturel d’une époque.

C’est ici que le Libre peut éventuellement trouver sa place, comme en témoigne cet entretien avec Aharon Varady, à l’initiative d’un projet original et probant autour du judaïsme[1].

Josh Evnin - CC by-sa

Le potentiel et les promesses du judaïsme open source

The Potential and Promise of Open-Source Judaism

Alan Jacob – 12 juin 2012 – The Atlantic
(Traduction Framalang : Goofy, Lamessen, Isammoc, pbegou, Hikou, Aa)

L’effort pionnier d’une communauté pour rendre ses matériaux de culte plus largement disponibles et adaptables.

Les nouvelles technologies sont naturellement et généralement controversées, mais sans doute nulle part autant qu’au sein des communautés religieuses. Pour de nombreux chefs religieux (et leurs disciples), les nouvelles technologies de l’information sont des produits corrosifs pour la vie en communauté : les méthodes traditionnelles sont sûrement meilleures. Pour d’autres, les nouvelles technologies offrent la possibilité d’étendre l’influence des institutions religieuses, d’attirer davantage de gens dans leur communauté.

On pourrait penser qu’une religion hautement traditionnelle comme le judaïsme – où les pratiques principales sont si anciennes et patinées par la coutume – resterait suspicieuse face à la technologie. Mais Aharon Varady ne le voit pas de cet oeil : pour lui, les technologies numériques peuvent venir soutenir les pratiques traditionnelles. Varady est un homme aux dons multiples qui, entre autres, dirige le projet Open Siddur. Un siddour est un livre de prière juif qui contient les prières quotidiennes, et le projet Open Siddur travaille à créer la première base de donnée complète de liturgie juive et d’oeuvres en lien avec la liturgie – et à fournir une plateforme en ligne pour que chacun puisse ajouter son propre siddour. De cette façon Varady espère « libérer le contenu créatif des pratiques spirituelles juives afin d’en faire une ressource commune destinée à être adoptée, adaptée, et redistributée par les particuliers et les groupes ». Pour lui, l’ouverture est la clef du succès du projet.

Je vois le projet Open Siddur comme une manière profondément réfléchie et innovante d’essayer de faire en sorte que les nouvelles technologies et la vie religieuse moderne se renforcent mutuellement, plutôt que d’être hostiles ou à contre-courant. J’ai donc proposé à Aharon de répondre à quelques questions sur les idées soutenant son travail, et il a accepté volontiers. Voici notre conversation.

Vous décrivez Open Siddur comme un projet sur la « religion open source » Que voulez-vous dire par là ?

Varady : Il y a quelques années, après avoir fondé le projet Open Siddur, j’ai pensé que je devrais écrire une déclaration sur mon site internet à propos de ce que je faisais. Pendant les six années précédentes j’avais travaillé en tant qu’urbaniste, donc quelques annonces devaient être écrites pour définir un contexte professionnel et permettre à d’anciens amis de me retrouver sur Google. Je voulais placer mon travail dans un contexte laïc plus large, parce que c’était indéniablement un projet juif et religieux. En même temps c’était un projet à rapprocher des « digital humanities », un projet de transcription collaborative, une concrétisation au XXIème siècle des idées posées au XIXème par William Morris, un projet de culture libre et de logiciel open source. J’ai donc écrit que je « faisais des recherches sur la religion open source en général, et en particulier, comment le mouvement de la culture libre peut aider à établir des passerelles entre la créativité et recherche de sens individuelles et la tradition et la pertinence culturelle ».

J’étais au courant de la façon dont Douglas Rushkoff et d’autres parlaient de la religion open source et je pensais que cela ne menait nulle part. (Un bon article existe sur Wikipedia qui résume leurs efforts). Je n’étais pas intéressé par la théorisation et la théologisation de nouvelles religions inspirées par l’esprit du mouvement open source. J’étais plutôt intéressé par la façon dont la culture libre et les stratégies des licences libres pourraient améliorer l’accessibilité et la participation au contenu créatif que j’ai hérité de mes ancêtres dans cette ère de transition d’un format analogique imprimé à un format digital indexé. Il me semblait à la fois évident et nécessaire de poursuivre la numérisation des oeuvres existantes dans le domaine public, et d’élargir le réseau d’étudiants, de chercheurs, de praticiens, et des communautés qui déjà adoptaient, adaptaient et distribuaient leur inspiration créative et leur savoir… mais qui le faisaient seulement par le canal très restrictif d’oeuvres sous copyright.

La problématique essentielle est de savoir comment garder un projet collaboratif comme le judaïsme culturellement vivant, à une époque où le travail créatif des participants du projet – prières, traductions, chants etc. – sont immédiatement restreints dans leur réutilisation créative par un « tous droits réservés ». Le fait est que l’engagement profond dans les projets collaboratifs n’est pas seulement limité par des problèmes technologiques : ceux-ci peuvent et ont été surmontés. Il est limité par une conception juridique qui fait l’hypothèse que les créateurs seraient intéressés avant tout par la propriété de leurs oeuvres.

En utilisant la culture libre et les licences libres, n’importe qui souhaitant participer au judaïsme (ou à n’importe quelle religion) comme à une culture vivante, collaborative et créative, peut le faire. Il existe des licences spécifiques exploitant le copyright pour assurer aux artistes, aux auteurs, aux traducteurs etc, que leur travail leur sera attribué et restera partagé jusqu’à son entrée dans le domaine public. Cela parce qu’aux États-Unis et dans de nombreux autres pays, la fin du copyright se situe à la mort du créateur, plus 70 ans. Pour les travaux destinés à être utilisés par une culture, adaptés à différents contextes, c’est trop long. Le résultat est que beaucoup d’œuvres éphémères, imprimées ou numériques, ne sont pas partagées, ont une distribution très limitée et entrent dans le domaine public dans une complète obscurité, inconnues et oubliées.

Y a-t-il des formes contrastées de, si l’on peut dire, la religion propriétaire, comme pour le code propriétaire ?

Varady : Je le pense, mais dans ma réflexion la question de savoir si une religion réfléchit sur ses propres contenus intellectuels et créatifs comme à une propriété me fait vraiment me demander si c’est une religion ou une sorte de culte d’entreprise. Si vous croyez vraiment que vous avez une sagesse éclairée et une pratique pour la suivre, ne voudriez-vous pas chercher les moyens les plus larges pour partager cette connaissance et par cela changer le monde ? Il y a des groupes dont le business model consiste à soumettre leurs adhérents à une sorte de redevance progressive pour être initiés à leurs connaissances qu’il est interdit de divulguer, Mais il y a d’autres groupes qui souhaitent avant tout ce que ces connaissances puissent être ensuite redistribuées ou partagées.

Pour moi, le problème est que sous le régime du copyright, c’est la situation où tous les gens qui participent à des projets collaboratifs se trouvent. Ils créent une œuvre et par défaut elle n’est pas disponible pour que d’autres la réutilisent à des fins créatives. Donc ce qui aurait pu être une collaboration devient une activité onéreuse de recherche et de négociation. À moins que nous n’ayons un professeur particulièrement éclairé, nous n’avons probablement jamais appris comment utiliser le copyright pour mieux partager nos idées. De bien des manières on nous enseigne que nos idées créatives sont des marchandises et c’est corrosif pour nos projets collaboratifs et leurs cultures. Je peux constater cette attitude même à l’intérieur des maisons d’éditions d’hétérodoxes établis. Là où j’aurais pu m’attendre à un empressement à fournir des moyens pour que le public adopte, adapte, remixe et diffuse ses idées, ils se voient eux-mêmes comme les intendants responsables de leur propriété intellectuelle. Les communautés religieuses sont-elles synonymes de places de marché passives peuplées de consommateurs dont l’expérience religieuse est déconnectée et aliénée de leur esprit créatif initial, ou peuvent-elles engager créativement leurs membres dans un mouvement visionnaire ? Cela engage vraiment la façon dont la religion est vue : est-ce un projet collaboratif ou une sorte de performance artistique passive à observer ?

Les cultures doivent respirer la créativité, comme nous respirons de l’oxygène, et pour que chaque culture reste en vie, ses membres doivent être autorisés à faire preuve de créativité, non pas comme des artistes solitaires, mais comme des penseurs engagés fabriquant la pensée avec les outils de création dont ils ont hérités et qui leur ont été partagés.

Les modèles open-source que vous avez développés sont ils spécifiquement importants pour la pratique du judaïsme ? Est-ce qu’une religion comme le judaïsme qui est si profondément connectée à sa propre histoire de textes bénéficie par des voies particulières des ressources que vous avez développées ?

Varady : Nous ne développons pas de nouveaux modèles. Nous utilisons plutôt les moyens légaux existants pour partager un travail créatif selon les modalités de copyright introduites par la culture libre et le mouvement open source. La loi juive a été aux prises avec les problèmes liés à la propriété intellectuelle depuis que les technologies de reproduction textuelle contribuent à marchandiser ce qui était autrefois une tradition orale qui s’appuyait sur l’attribution et le soutien de la communauté aux chercheurs d’élite et aux érudits. Je dirais que notre projet met en avant un modèle de collaboration à l’époque numérique, où le coût de reproduction peut être réduit à zéro, et où le coût de distribution est limité seulement par notre désir et nos intentions de partager.

Chaque projet – qu’il soit initié par une petite organisation à but non-lucratif ou par une civilisation vieille de 3500 ans – bénéficierait de la numérisation de ses archives. Ces archives sont vastes et en grande partie dans le domaine public, mais seulement une fraction a été transcrite, et une partie encore plus réduite a vue ses données sémantiques formatées dans un standard ouvert compatible avec d’autres projets de « digital humanities » . C’est sur cela que nous travaillons pour la littérature informée et inspirée par la pratique spirituelle juive. Cela ne diminue pas l’importance de l’art d’interprétation, de la forme des polices de caractères, ni des pièces principales de l’art littéraire – J’adorerais que notre projet puisse aider à réhabiliter toutes ces oeuvres.

Y a-t-il d’autres éléments de la foi et de la pratique juive qui font de votre projet un bon point pour elle ?

Varady : Tefillah – et les formes diverses de la pratique spirituelle juive – sont de parfaits éléments de mon point de vue. D’une part, la pratique elle-même se situe à l’intersection entre la tradition reçue, la diversité des coutumes locales ayant évolué à travers l’histoire juive, et l’intimité de l’expérience et des pensées découvertes de manière personnelle. Ce sont des textes et de l’art : les liturgies, les commentaires, et les traductions sont les contenus créatifs dont nous avons hérités. La pratique régulière du tefillah, ainsi que de toute autre pratique intégrale, suppose que dans la structure prévue, les pratiquants développent une relation profonde et durable avec une partie d’eux-même qui suggère l’acquisition d’une connaissance plus large.

Permettre aux pratiquants de fabriquer leurs propres outils personnalisés pour développer cette relation, respecte à la fois la tradition dont ils ont hérités et la rigueur que leur propre chemin demande. En donnant les ingrédients aux gens pour fabriquer leur propre livre de prière, pour maintenir et peut-être partager via une base de données en ligne de prières, j’espère qu’ils seront capables de s’engager dans leur pratique d’une façon qui respecte honnêtement l’intégrité de la voix profondément enfouie en eux, tout en respectant l’authenticité des nombreuses autres voix qui leur parlent à travers la vaste histoire et la culture profondément créative dans laquelle ils sont immergés. Il est parfois difficile de percevoir cette dimension de l’histoire et de la créativité en regardant une page d’un livre de prières en noir et blanc. La voir, cependant, est une libération, et aide à amener les gens à un stade de compréhension qui je l’espère révèlera mieux la tradition orale à travers la tradition écrite.

Est-ce que la foi juive et sa pratique posent des challenges particuliers pour ce type d’outils collaboratifs en ligne que vous développez ? Je pense à tous les défis depuis les problèmes techniques – des navigateurs internet qui ne peuvent pas lire les textes hébreux, par exemple – jusqu’aux problèmes qui découlent des pratiques particulières des communautés juives et de leurs besoins.

Varady : Quand j’ai commencé à rêver de ce projet en 2000, j’étais un programmeur open source en Perl à Philadelphie qui voulait son siddour personnalisé et j’ai pensé que ça serait plus facile de faire ce travail si je trouvais d’autres personnes pour collaborer avec moi. Et j’ai trouvé des gens, rapidement. Ce que nous avons découvert, c’est qu’indépendamment de notre passion pour le projet, il n’existait pas encore d’encodage standard pour les voyelles en hébreu, pour la cantillation, ni les marques de ponctuation. Nous avons dû attendre jusqu’en 2006, lorsque le projet Unicode a encodé et fixé tous ces signes diacritiques. Il y avait eu quelques années auparavant une fonte numérique développée et partagée sous licence libre qui soutenait le nouvel encodage unicode et qui avait correctement positionné toutes ces marques diacritiques (Ezra SIL SR). Il s’est encore passé quelques années avant qu’un éditeur de texte hors-ligne open source puisse traiter l’écriture de droite à gauche avec un positionnement correct des diacritiques (Libre Office). Avec certaines avancées dans les navigateurs internet il devint possible d’utiliser n’importe quelle police dans un navigateur. Les libres Mozilla Firefox et Chromium (Google Chrome) ont été les premiers navigateurs à intégrer les polices en hébreu avec un positionnement correct des diacritiques. Je maintiens un site internet où nous repérons quels navigateurs restent en échec sur ce sujet.

Et ce n’est que l’hébreu. Notre projet a l’intention de soutenir la localisation dans tous les langages où des oeuvres liturgiques et para-liturgiques juives ont été créées. Cela inclut d’autres langues qui s’écrivent de droite à gauche, comme l’arabe, le persan et l’amharique. Ce que nous aimerions particulièrement avoir est un outil d’OCR open source qui peut scanner et transcrire le texte hébreu et ses diacritiques avec une très grande précision. Sinon, nous aimerions avoir un outil qui peut appliquer des diacritiques hébraïques fondées sur un ensemble de règles et un glossaire d’exceptions.

À ce jour, nos défis ont été complètement technologiques (k’ayn ayin hara), et dans une moindre mesure nous avons rencontré tous les problèmes typiques d’une start-up open source : attirer et cultiver une communauté de bénévoles passionnés avec des niveaux d’expérience et d’expertise différents. Je suis vraiment intéressé par le soutien que ce projet a reçu de la part de la communauté juive. Bien sûr, je voudrais voir un soutien plus clairement affirmé à la culture libre et aux stratégies open source de la part de consultants dans le monde de l’éducation juive, ainsi que davantage de demandes de la part de philanthropes pour que les dollars qu’ils dépensent pour financer des projets culturels ou communautaires soient conditionnés à ce que les sources des projets soient partagées avec des licences libres. C’est logique pour moi, mais les financiers ne comprennent pas pour l’instant que des sommes importantes sont gaspillées par des projets culturels qui ont dépensé de l’argent pour du travail que d’autres bailleurs de fonds ont déjà payé mais qui n’ont pas été explicitement partagés ou diffusés avec des licences libres.

Notre projet est sans doute l’avocat le plus visible pour la culture libre et les licences libres et je suis heureux de voir d’autres projets techniques éducatifs juifs qui ont déjà compris et utilisent l’open source (voyez l’application PocketTorah, et le projet Sefaria en développement). Ce n’est pas un raz de marée, mais c’est un démarrage important. Les projets les plus faciles pour collaborer sont d’autres projets libres comme la Wikisource en hébreu. Il n’y a pas de compétition lorsque nous sommes tous en train de collaborer.

À la demande d’Aharon, cette interview est publiée sous licence Creative Commons BY 3.0.

Notes

[1] Crédit photo : Josh Evnin (Creative Commons By-Sa)




La petite fille muette réduite au silence par Apple, les brevets, la loi et la concurrence

Maya est une petite fille de 4 ans qui ne peut pas parler.

Muette, jusqu’au jour où ses parents lui installent une application iPad qui lui permet pour la première fois d’entrer réellement en communication avec les autres.

Tout irait pour le mieux dans le meilleur de monde si cette application ne se trouvait pas attaquée par des concurrents pour viol de brevets et si Apple, sans même attendre la fin du procès, ne décida soudainement de retirer l’application de son store, avec toutes les terribles conséquences potentielles pour Maya et les autres enfants dans son cas[1].

Une histoire racontée par la mère de Maya. Une histoire nécessairement subjective et dans l’émotion, mais qui révèle une situation contemporaine où des logiques contradictoires finissent par mettre l’humain entre parenthèses…

PS : On vous épargnera le couplet affirmant péremptoirement qu’avec un logiciel libre sur plateforme libre cela ne se serait pas produit 🙂

Katie Tegtmeyer - CC by

Maya, réduite au silence

The Silencing of Maya

Uncommon Sense – 11 juin 2012
(Traduction Framalang : Goofy, Lamessen, Clochix)

Il y a onze semaines, j’ai parlé ici des problèmes qui menacent la voix de ma fille. Maya a quatre ans et ne peut pas parler.

Elle utilise une application, Speak for Yourself (SfY), pour communiquer, et les créateurs de cette application sont poursuivis en justice pour viol de brevet par Prentke Romich Company (PRC) et Semantic Compaction Systems (SCS), deux entreprises bien plus grosses qui créent des terminaux pour communiquer (mais pas d’applications pour iPad). Vous pouvez lire ici l’article original, et vous trouverez les nombreux articles de presse suscités par cette affaire. Maya est sur le point de devenir une victime bien réelle, très humaine et pour tout dire adorable des lois sur les brevets.

Après ce billet, deux choses importantes sont arrivées. D’abord, j’en ai appris un peu plus sur les lois relatives aux brevets. Bien que dans le pire des scénarios (dans notre cas, un jugement défavorable à Speak for Yourself) le juge puisse supprimer l’application, il était aussi tout à fait possible que PRC et SCS obtiennent juste un dédommagement pécuniaire. Cela m’a permis de me relaxer un peu et de ne plus être terrorisée à l’idée que SfY (sur laquelle Maya compte) puisse soudainement lui être arrachée ou disparaître. L’autre nouvelle, de loin la plus excitante, est que Maya a fait des progrès stupéfiants dans son utilisation de l’application. Dans mon premier billet, j’imaginais un futur dans lequel Maya pourrait réellement « parler » avec des phrases, et partager ses pensées… À présent, quelques semaines seulement plus tard, nous vivons ce futur. Elle demande poliment des choses, en tapant sur la tablette « Je veux un gâteau s’il te plaît ». Elle fait des blagues, comme regarder par la fenêtre le soleil radieux, taper « aujourd’hui il pleut » et éclater de rire (que voulez-vous que je vous dise, les enfants de quatre ans ne font pas les meilleures blagues). Et il y a deux jours, elle a regardé mon mari lorsqu’il est entré et a tapé « Papa, je t’aime. ».

Cela change la vie. Vraiment.

Maya peut nous parler, distinctement, pour la première fois de sa vie. Nous sommes suspendus à chacun de ses mots. Nous avons appris qu’elle aime égrener les jours de la semaine, est très intéressée par la météo, et aime prétendre que ses poupées sont en train de conduire le bus scolaire (souvent) et de travailler (parfois). Cette application ne lui a pas seulement permis d’exprimer ses besoins, mais aussi ses pensées. Elle nous a offert la possibilité de connaître notre enfant à un niveau totalement différent. J’étais tellement occupée à profiter dans la joie de cette nouvelle réalité que j’en avais presque oublié le procès en cours.

Jusqu’à lundi dernier. Quand Speak for Yourself a été retiré de l’Appstore iTunes…

Il a disparu ! Il n’existe plus.

Nous y sommes.

Conformément à ce court document, voila ce qui s’est passé : PRC/SCS a contacté Apple et a demandé que Speak for Yourself soit retiré de l’Appstore iTunes, affirmant que l’application violait ses brevets. à son tour, Apple a contacté SfY et a demandé une réponse à ces accusations. L’avocat de SfY a répondu, expliquant à Apple pourquoi cette demande n’était pas fondée, renvoyant Apple vers la procédure judiciaire en cours, et soulignant que PRC/SCS n’avait pas demandé au tribunal une injonction ordonnant le retrait de l’application de la boutique. Pendant des mois, il ne s’est rien passé… Mais le 4 juin Apple a informé SfY que l’application avait été retirée, en raison du conflit non résolu avec PRC/SCS.

Alors maintenant, que va-t-il arriver à la voix de Maya ?

Pour le moment, nous avons toujours l’application, chargée par précaution sur son iPad et présent sur mon compte iTunes, et Maya ne sait absolument pas que quelque chose a changé. Dave et moi en revanche, en sommes bien conscients. Nous vivons dans la crainte de cette menace imminente. Avec le retrait de SfY de la boutique iTunes, l’équipe SfY a perdu la possibilité d’envoyer des mises à jour ou corrections aux gens qui utilisent actuellement cette application. À ce stade, une mise à jour du système d’exploitation des iPads par Apple (qui fait des mises à jours relativement régulièrement) pourrait rendre SfY inutilisable (parce que si le nouveau système d’exploitation n’était pas compatible avec le code de SfY, l’équipe n’aurait pas la possibilité de reconfigurer l’application pour la rendre compatible avec le nouvel OS et envoyer la version mise à jour). Notre application peut cesser de fonctionner, et Maya serait à nouveau incapable de parler, personne ne serait en mesure de nous aider.

Mais il y a une autre menace, peut-être encore plus sombre. Qu’est ce qui se passerait si PRC/SCS contactait Apple et leur demandait de supprimer à distance les copies de Speak for Yourself qui ont déjà étés achetés, en faisant valoir que l’application a (prétendument) enfreint leurs brevets illégalement, et précisant qu’ils veulent complètement supprimer son existence ? Avant la semaine dernière, je n’aurais (naïvement) jamais pensé qu’une démarche aussi agressive, à l’encontre de centaines de jeunes innocents muets soit imaginable. Maintenant, cela devient un véritable souci. Avant la semaine dernière, j’aurais (naïvement) pensé que même si une telle demande était formulée, Apple ne l’aurait jamais accepté sans une injonction de justice les forçant à le faire. Désormais, il semble que ce soit tout à fait possible.


La suppression de Speak for Yourself ne semble pas juste. Actuellement ça parait même totalement injuste. Et franchement, ça dépasse mon entendement. Je ne suis pas une femme de loi, et il y a deux choses sur la légalité de ces événements que je ne comprend tout simplement pas.

D’abord, je ne comprend pas pourquoi PRC/SCS serait allé demander à Apple le retrait de l’application de l’App Store. Il y a déjà des discussions entre PRC et SfY au tribunal. Pourquoi n’y a-t-il pas eu une injonction déposée auprès du tribunal pour stopper la vente de l’application ? Cela aurait permis un procès en bonne et due forme, et un juge impartial aurait pu décider si le retrait était justifié ou non.

Et puis, je ne comprend pas pourquoi Apple a décidé de retirer l’application. Ils ont reçu une réponse d’un avocat, expliquant que les allégations de violation n’étaient pas valides et que le tribunal n’avait pas ordonné le retrait de l’application de l’App store. Cette application n’est pas un jeu, c’est une nécessité, une voix irremplaçable pour les personnes handicapées. Comment Apple a pu décider de la retirer aussi arbitrairement ?

Je ne suis pas impartial, mais je ne vois pas non plus comment Prentke Romich pourrait penser que procéder à ce retrait est raisonnable ou éthique. PRC est une société qui a près de cinquante ans d’âge et dont l’intégralité de la clientèle est composée d’enfant et d’adultes qui ne peuvent pas parler. Leur devise (mise en évidence en haut de leur Page Facebook) est « Nous croyons que tout le monde mérite une voix ». Comment peuvent-ils concilier l’énoncé de leur mission et le retrait stratégique de Speak for Yourself du marché, bloquant l’accès à de nouveaux utilisateurs muets et provoquant potentiellement le retrait de l’application pour des utilisateurs actuels qui l’utilisent comme leur unique voix ?

Ma fille ne peut pas parler sans cette application.

Elle ne peut pas nous poser de questions. Elle ne peut pas nous dire qu’elle est fatiguée, ou qu’elle veut un yaourt pour le déjeuner. Elle ne peut pas dire à son père qu’elle l’aime.

Personne ne devrait avoir le pouvoir de lui retirer ça.

Qu’est ce qui va se passer si on perd SfY ? Je n’en ai aucune idée. Comme je l’ai déjà expliqué, nous avons essayé d’autres applications de communication et nous n’avons jamais trouvé quelque chose qui corresponde aussi bien à Maya. Fait intéressant, nous avons examiné avec soin la possibilité d’acheter un appareil de communication de PRC, et rencontré l’un de leurs représentants en novembre, neuf semaines avant un message sur mon mur Facebook me présentant SfY (et sept semaines avant son apparition dans l’AppStore). Nous avons examiné leurs dispositifs, et nous avons été déçu de constater qu’ils n’étaient pas adaptés pour Maya. Pour nous, ce n’était pas un choix entre un dispositif coûteux contre un application « pas chère ». Il s’agissait d’un dispositif inefficace (pour Maya) face à une application qu’elle comprenait et adoptait immédiatement. La seule application, le seul système qu’elle ait immédiatement adopté comme son propre moyen de communication.

Cette application est sa seule voix.

Le fait que la capacité de ma fille à parler soit suspendu au verdict d’une guerre de brevet entre deux entreprises dépasse mon entendement. C’est une question de brevet, une question d’argent, une question juridique, une question de business. Il n’y a plus de place pour l’humain dans ce business contre business arbitré par le judiciaire. La décision de PRC de se battre pour faire retirer cette application de l’AppStore n’est pas seulement une action agressive contre Speak for Yourself, C’est une attaque indirecte contre mon enfant, les autres enfants qui utilisent cette application, et ceux qui étaient prêts à l’utiliser mais ne peuvent maintenant plus le faire.

Si vous voulez prêter votre voix à ce combat, diffusez cette histoire. Ce n’est pas normal, et les gens devraient en avoir connaissance.

NdT : Vous trouverez en fin d’article d’origine une liste de liens connexes ainsi qu’un billet complément rédigé dans la foulée.

Notes

[1] Crédit photo : Katie Tegtmeyer (Creative Commons By)