dotSUB.com ou le meilleur du pire web 2.0

Nous en savons quelque chose à Framasoft, il n’est pas toujours facile de sensibiliser le grand public aux logiciels libres. Mais il en va de même pour l’usage général d’internet où nombreux sont mes proches qui se contentent du mail et de parcourir la toile comme une grande vitrine à regarder passivement quand bien même ils se construisent leur propre parcours via les liens hypertextes.

Combien sommes-nous en effet à comprendre et utiliser les fils RSS pour faire venir l’info pertinente à nous et non plus l’inverse ? Combien sommes-nous à comprendre que derrière Wikipédia il y a un outil extraordinaire qui s’appelle un wiki (et qui sera enseigné dans quelques années à même l’école) ? Plus généralement combien sommes-nous à appréhender véritablement ce que l’on appelle le web 2.0 ou les réseaux sociaux ou le read/write web (appellez-le comme vous voulez) et qui constitue réellement une nouveauté et un progrès ?

Il y a de nombreuses causes à cette méconnaissance mais je crois qu’elle commence avec le piètre niveau d’anglais de trop nombreux francophones (dont je suis). C’est pourquoi je fus dans un premier temps très agréablement surpris de voir quelques unes des plus intéressantes petites vidéos anglophones explicatives sur le sujet enfin sous-titrées en français.

Les voici donc ci-dessous. La première concerne le RSS, la deuxième le wiki et la troisième le web 2.0 dans son ensemble. Elles sont courtes, percutantes et pédagogiquement de très bonne facture. Faites passer et diffuser…

Mais… car il y a un mais, on se retrouve avec un nouvel exemple de ce que j’appelle péremptoirement le web 2.0 mais libre 0.2 (en fait ici on est proche du libre 0.0).

Le sous-titrage nous vient du site dotSUB.com et l’outil en ligne qui permet d’obtenir cela est simple et puissant (voir cette demo pour s’en convaincre). Le hic c’est qu’on cumule pas mal de petits problèmes de liberté en utilisant leur service. D’abord il y a le format flash omniprésent et l’impossibilité de récupérer la vidéo sous-titrée dans un autre format (au format flash aussi du reste). Mais surtout la traduction effectuée est entièrement la propriété de dotSUB.com.

En effet si vous décidez de vous inscrire pour participer à une traduction (ce qui est on ne peut plus louable et généreux) il vous faut d’abord accepter les Terms of Use et la Privacy Policy (vous savez, les trucs qu’on ne lit jamais à de rares exceptions près comme ceux qui ont une forte culture du libre !). Et là ça n’a pas l’air d’être très ouvert leur truc. On vous fait miroiter qu’un jour peut-être on tirera des revenus des vidéos sous-titrées (mais on ne sait pas encore comment) mais c’est peut-être pour mieux s’accaparer votre travail.

Extrait du Terms of Use :

You understand that the film or video translation you perform is considered to be a "work made for hire" that has been specially commissioned by the contributor and dotSUB LLC, with the contributor and dotSUB LLC being deemed the sole authors of the translation and the owners of the translation and any proceeds that result from the translation. If it is determined that your translation work is not a "work made for hire," then you assign to dotSUB LLC exclusively and irrevocably, forever and anywhere in the Universe, all rights (including, without limitation, all copyrights and renewals and extensions of such copyrights) that you may have in and to your translation. You also understand that dotSUB LLC’s rights in and to the film or video translation you perform extend to every medium of storage, transmission, and display, whether past, present, or future. In return for the consideration that you receive for your translation work, you also waive any "moral rights" that you may have as an author of the translation, as well as any "rental and lending rights" that you may now have or that may be granted by law in the future.

Petite traduction du passage central : vous attribuez à dotSUB LLC exclusivement et irrévocablement, pour toujours et partout dans l’Univers tous les droits (incluant, et sans limitation, tous les droits d’auteur et renouvellements et extensions de tels droits) que vous pouvez avoir dans et sur votre traduction.

Pour toujours et partout dans l’Univers, ils ont de l’humour non ?

C’est d’autant plus étonnant que les vidéos présentées ici sous toutes sous licences Creative Commons. Faudrait mettre nos amis juristes sur le coup pour voir un peu si tout ceci est bien réglo…

Quant à la Privacy Policy, voici le dernier paragraphe intitulé Changes to policy

dotSUB reserves the right to change this Privacy Policy at anytime. In the event that we make a material change to our policy we will post a notice of the change on this page, and will notify you of the change when you log in to your dotSUB account.

Autrement dit cette Privacy Policy ne vaut pas grand chose puisqu’on peut la modifier à tout moment (mais on est gentil on vous préviendra quand même à ce moment là).

Pff… On voudrait rendre les utilisateurs captifs que l’on ne s’y prendrait pas autrement. Encore un bel exemple de l’Esclavage 2.0. Le Libre n’a plus qu’à se retrousser les manches pour proposer un outil similaire à la communauté. Notre petit groupe de traducteurs Framalang en serait plus que ravi !




De l’inexorable déclin de l’empire musical

Qui est en crise ? La musique ou l’industrie musicale ?

Le second aimerait laisser croire que c’est du premier qu’il s’agit mais j’ai ma petite idée sur la question et cet article du célèbre magazine Rolling Stone traduit par nos soins[1] ne fait que renforcer mon impression.

On notera qu’il n’est pas fait mention des modèles alternatifs que pourraient constituer toutes les initiatives actuelles autour de la musique en libre circulation sous licences Creative Commons ou apparentées. Mais la période est propice et nulle doute qu’il naîtra quelque chose d’intéressant de ce petit chaos dont il est difficile de ne pas rendre l’industrie musicale principalement responsable.

Un système fortement propriétaire et monopolistique opposé à une pratique généralisée du piratage dont sortirait vainqueur un troisième larron qui porterait haut la main les couleurs de la liberté, cela nous vous rappelle rien ?[2]

4 pesos - Libertinus - CC BY-SA

Le déclin de l’industrie du disque

The Record Industry’s Decline

Rolling Stone – Brian Hiatt et Evan Serpick – 19 juin 2007

Les ventes de disques plongent et il n’y a pas d’espoir à l’horizon : Qu’est-ce qui a flanché.

Pour l’industrie du disque, ce fut l’une des rares bonnes nouvelles : le nouvel album de Linkin Park s’est vendu à 623 000 exemplaires au cours de sa première semaine en mai, le meilleur démarrage de l’année. Mais c’est loin d’être suffisant. Au cours du même mois, la maison de disque du groupe, Warner Music Group, a annoncé qu’elle allait se séparer de 400 personnes et sa valeur boursière s’est difficilement maintenue à 85% de son maximum de juin l’année dernière.

Les ventes globales de CD se sont effondrées de 65% pour cette année jusqu’à maintenant et ceci après 7 ans d’une érosion presque constante. Face à un piratage à grande échelle, l’attrait grandissant des consommateurs pour les singles numériques face aux albums qui dégagent plus de marge et d’autres maux, l’industrie du disque a plongé dans un déclin historique.

Les principaux labels se battent pour réinventer leurs modèles économiques, certains se demandent même s’il n’est pas déjà trop tard. "Le business du disque est terminé" dit l’avocat de la musique Peter Paterno, qui représente Metallica et Dr Dre. "Les labels ont des avantages formidables… c’est juste qu’ils ne peuvent pas en tirer de l’argent". Une source haut placée dans l’industrie du disque, qui désire rester anonyme, va même plus loin : "Nous avons un business agonisant. Il n’y aura bientôt plus de grand label."

En 2000, les consommateurs américains ont acheté 785.1 millions albums, l’année passée ils en ont acheté 588.2 millions (un nombre qui regroupe les ventes de CD et les albums téléchargés), d’après Nielsen Soundscan. En 2000, les 10 meilleures ventes d’albums aux Etats-Unis représentaient 60 millions d’exemplaires, en 2006 les 10 meilleures n’en totalisaient plus que 25 millions. Les ventes de musique numérique augmentent, les fans ont achetés 582 millions de singles numériques l’an passé, en hausse de 65% par rapport à 2005 et ont acheté pour 600 millions de dollars de sonneries, mais les nouvelles sources de revenus ne compensent pas les pertes.

Plus de 2000 employés de maisons de disque ont été mis à la porte depuis 2000. Le nombre de majors est tombé de cinq à quatre quand Sony Music Entertainment et BMG Entertainment ont fusionné en 2004 et deux des labels restant, EMI et Warner, ont flirté avec leur propre fusion pendant des années.

Environ 2 700 magasins de musique ont fermé à travers le pays en 2003, d’après le groupe d’étude Almighty Institute of Music Retail. L’année dernière, la chaîne Tower Records (89 magasins), qui représente 2,5% des ventes au détail, a mis la clé sous la porte et Musicland, qui chapeautait plus de 800 magasins sous la marque Sam Goody, entre autres, a fait banqueroute. Environ 65% des ventes de musique se font maintenant dans les magasins généralistes comme Wal-Mart et Best Buy, qui proposent moins de variété que les magasins spécialisés et font moins d’effort pour promouvoir les nouveaux artistes.

Il y a encore quelques années, de nombreux dirigeants de l’industrie pensaient que leurs problèmes pourraient être réglés avec des plus gros hits. "Il n’y avait rien qu’un bon hit ne puisse faire pour ces gens-là" nous confie une source qui a travaillé en étroite collaboration avec les grands patrons plus tôt dans cette décennie. "Ils se rendaient compte que les choses allaient mal et ne faisaient qu’empirer, mais je ne suis pas sûr qu’ils avaient la bande passante pour trouver des solutions. Maintenant, peu d’entres eux sont encore à la tête de ces entreprises."

De plus en plus de patrons de maisons de disque maintenant semblent se rendre compte que leurs problèmes sont structurels : Internet paraît être la rupture technologique ayant le plus de conséquence pour l’économie de la vente de musique depuis les années 20, quand les enregistrements phonographiques ont remplacé les partitions comme centre des profits de l’industrie. "Nous devons collectivement comprendre que les temps ont changé", dit Lyor Cohen, PDG de Warner Music Group USA. En juin, Warner a annoncé un accord avec le site web lala.com qui permettra aux consommateurs d’écouter en ligne l’essentiel de leur catalague gratuitement, en espérant que cela les poussera à payer pour des téléchargements. C’est là la dernière des plus récentes tentatives des majors, qui aurait semblé impensable il y a quelques années :

  • En mai, l’une des quatre majors, EMI, a commencé à permettre à l’iTunes Music Store de vendre son catalogue les protections anti-copies sur lesquels les labels ont insisté pendant des années.
  • Quand YouTube a commencé à montrer des clips sans permission, les quatre labels ont signé des accords de licence plutôt que de lancer des poursuites pour violations de droits d’auteur.
  • Au désarroi de certains artistes et managers, les labels s’obstinent sur des accords avec de nombreux artistes grâce auxquels ils touchent un pourcentage sur les tournées, les produits dérivés, les produits sponsorisés et d’autres sources de revenus sans liens avec la musique enregistrée.

Qui a donc tué l’industrie du disque comme nous la connaissions ? "Les maisons de disque ont créé cette situation elles-mêmes", dit Simon Wright, PDG de Virgin Entertainment Group, qui dirige les Virgin Megastores. Bien que certains facteurs ne relèvent pas du contrôle des labels, de l’avènement d’Internet à la popularité des jeux-vidéo et des DVD, beaucoup dans l’industrie voient les sept dernières années comme une série d’opportunités sabotées. Parmi les plus importantes, disent-ils, se trouve l’incapacité qu’ont eu les labels à gérer le piratage en ligne à son balbutiement en faisant la paix avec le premier service de partage en ligne : Napster. "Ils ont jeté des milliards et des milliards de dollars par la fenêtre en attaquant Napster, c’est à ce moment que les labels se sont tués eux-mêmes", dit Jeff Kwatinetz, PDG de l’entreprise de management The Firm. "L’industrie du disque avait alors une opportunité incroyable. Tout le monde utilisait le même service. C’était comme si tout le monde écoutait la même station de radio. Ensuite Napster a fermé et ses 30 à 40 millions d’utilisateurs se sont tournés vers d’autres services de partage."

Les choses auraient pu être différentes : sept ans auparavant, les grands patrons de l’industrie du disque se sont réunis pour des discussions secrètes avec le PDG de Napster, Hank Barry. Lors d’une rencontre le 15 Juillet 2000, les dirigeants, y compris le PDG de la maison mère d’Universal, Edgar Bronfman Jr., le chef de Sony Corp, Nobuyuki Idei, et celui de Bertelsmann, Thomas Middelhof, se sont réunis avec Barry dans un hôtel à Sun Valley, Idaho et lui ont annoncé qu’ils voulaient conclure des accords de licence avec Napster. "M Idei a commencé la réunion", se souvient Barry, maintenant directeur de l’entreprise de droit Howard Rice. "Il disait que Napster était ce que les clients voulaient."

L’idée était de laisser les 38 millions d’utilisateurs de Napster libres de télécharger pour un abonnement mensuel, à peu près 10$, dont les revenus seraient partagés entre le service et les labels. Mais finalement, malgré une offre publique de 1 milliard de dollars de Napster, les compagnies ne sont jamais parvenues à un accord. "Les maisons de disque devaient sauter de la falaise, mais elles n’arrivaient pas à réunir le courage nécessaire", dit Hilary Rosen, qui était alors directrice de la Recording Industry Association of America. "Beaucoup de gens disent, ‘Les labels étaient des dinosaures et des idiots, c’était quoi leur problème ?’ Mais leurs revendeurs leur disaient, ‘Vous feriez mieux de ne rien vendre en ligne moins cher qu’en magasin’ et ils y avaient des artistes qui leur disaient ‘Ne déconnez pas avec les ventes de Wal-Mart.’ " ajoute Jim Guerinot, qui s’occupe de Nine Inch Nails et Gwen Stefani, "Innover signifiait cannibaliser leur marché principal."

Pis encore, les maisons de disque ont attendu presque deux ans après la fermeture de Napster le 2 juillet 2001 avant de donner leur accord à une plateforme légale de téléchargement, une alternative aux services d’échanges non-autorisés : l’iTunes Music Store d’Apple, qui a ouvert au printemps 2003. Avant cela, les labels ont lancé leurs propres services à abonnement : Pressplay, qui ne proposait au début que Sony, Universal et EMI et MusicNet, qui n’offrait que les catalogues de EMI, Warner et BMG. Ces services ont échoué. Ils étaient onéreux, n’offraient peu ou pas de possibilité de graver des CD et n’étaient pas compatibles avec beaucoup de lecteurs MP3 du marché.

Rosen et d’autres voient cette période entre 2001 et 2003 comme désastreuse pour le business. "C’est à ce moment-là que nous avons perdu les utilisateurs" dit Rosen. "Le peer-to-peer a pris le dessus. C’est à ce moment-là qu’on est passé d’une situation où la musique avait une vraie valeur dans l’esprit des gens à une autre où elle n’avait plus de valeur économique mais uniquement émotionnelle.

A l’automne 2003, la RIAA a lancé ses premières poursuites pour violation des droits d’auteur contre des personnes partageant des fichiers. Ils ont depuis attaqué plus de 20 000 fans de musique. La RIAA maintient que les poursuites sont faites pour passer le message que le téléchargement non autorisé peut avoir des conséquences. "Ce n’est pas fait pour punir" dit le président de la RIAA, Mitch Bainwol. Mais le partage de fichiers ne disparaît pas pour autant, le nombre d’utilisateurs de logiciels de peer-to-peer a augmenté de 4,4% en 2006, avec environ 1 milliard de chansons téléchargées illégalement par mois, d’après le groupe d’étude BigChampagne.

Malgré les maux de l’industrie, les gens écoutent toujours au moins autant de musique qu’avant. Les consommateurs ont acheté plus de 100 millions iPods depuis leur commercialisation en novembre 2001 et l’économie des tournées est florissante, atteignant un record l’année passée avec 437 millions de dollars. Et selon l’organisme NPD Group, l’audimat de la musique enregistrée, que ce soit depuis les CD, les téléchargements, les jeux-vidéo, les radios satellites, la radio terrestre, les flux en ligne ou d’autres sources, a augmenté depuis 2002. Le problème auquel fait face l’industrie est de convertir cet intérêt en argent. "Comment se fait-il que les gens qui font la musique fassent banqueroute alors que l’utilisation des produits explose ?" se demande Kwatinetz de chez Firm. "Le modèle est mauvais."

Kwatinetz voit d’autres compagnies, plus petites, depuis les entreprises de management comme la sienne, qui maintenant fait aussi maison de disque, aux pièces rapportées comme Starbucks, s’inviter. Paul McCartney a récemment abandonné sa longue relation avec EMI Records pour signer avec le jeune Hear Music de Starbucks. Le géant des jeux-vidéo Electronic Arts a aussi lancé son label, utilisant la valeur promotionnelle de ses jeux et le renaissant CBS Records va vendre la musique utilisée dans les émissions de la chaîne CBS.

Accorder des droits sur la musique aux jeux-vidéo, aux films, aux émissions de télévision et aux services avec abonnement en ligne devient une source de revenue grandissante. "Nous nous attendons à devenir un organisme qui accorde des contrats de licence" dit Cohen de Warner, qui en mai a lancé une nouvelle division, Den of Thieves NdT : L’antre des voleurs, dédiée à la production d’émissions de télévision et autres contenus vidéo basés sur ses droits musicaux. Et les maisons d’édition cherchent à augmenter leurs parts dans le business en pleine croissance de la publication musicale qui collecte les redevances liées aux droits d’auteur auprès des radios et d’autres sources. La société qui s’occupe de percevoir les droits liés aux spectacles vivants, ASCAP, annonce des revenus records de 785 millions de dollars pour 2006, en hausse de 5% par rapport à 2005. "Tous les indicateurs sont au vert" d’après Martin Bandier, PDG de Sony/ATV Music Publishing, qui contrôle la publication des Beattles. "La publication de musique va prendre une part de plus en plus importante dans le business" dit-il. "Si je travaillais pour une maison de disque, je serais en train de m’arracher les cheveux. Le monde de l’édition musicale est dans la confusion la plus totale, à la recherche d’une échappatoire.

Presque chaque acteur de l’industrie du disque est touché. "L’un des grands secteurs américains a été durement touché", dit Bainwol de la RIAA, qui accuse le piratage, "depuis les paroliers jusqu’aux accompagnateurs ou aux gens qui travaillent pour les labels. Le nombre de groupes en contrat avec les labels a été sérieusement atteint, en baisse de presque un tiers."

Les temps sont durs pour les employés des maisons de disque. "Les gens se sentent menacés" dit Rosen. "Leurs amis se font virer de tous côtés." Adam Shore, directeur de Vice Records, alors affilié à Atlantic Records, disait à Rolling Stone en janvier que ses collègues vivent une "crise existentielle." "Nous avons de super disques, mais nous ne sommes vraiment pas sûrs que les gens vont les acheter" dit-il. "On a un peu l’impression de perdre la foi."

Notes

[1] Nos soins ce sont nos p’tits gars (et filles) de Framalang of course !

[2] L’illustration est une photographie de Libertinus intitulée 4 pesos issue de Flickr et sous licence Creative Commons BY-SA.




L’iPhone n’est pas encore sous GPLv3, étonnant non ?

Il fallait être particulièremenr rétif aux nouvelles technologies, genre mon père, pour ne pas avoir été au courant vendredi dernier de la sortie simultanée de l’iPhone (hou, hou, hou) et de la version 3 de la licence GNU GPL (clap, clap, clap).

L’occasion de traduire[1] à la volée[2] le corps de l’intéressant communiqué de la FSF qui concatène judicieusement les deux événements[3].

iPhone - DRM - DefectiveByDesign.org

L’iPhone enferme les utilisateurs, la GPLv3 les libère.

iPhone restricts users, GPLv3 frees them

BOSTON, Massachusetts, USA-Jeudi 28 Juin 2007

Vendredi, 29 juin, tout le monde aux Etats-Unis n’attendra pas dans les files d’attente pour acheter un iPhone à 500$. En fait, des centaines de milliers d’aficionados du numérique autour du globe ne seront pas du tout dans les files, car le 29 juin marque la sortie de la version 3 de la GNU General Public License (GPL). La version 2 de la GPL gouverne la plus grande part des logiciels libres qui est en train de remodeler radicalement l’industrie et de menacer le modèle technologique propriétaire représenté par l’iPhone.

L’auteur de la GPL est le Professeur Richard M. Stallman, président et fondateur de la Fondation pour le Logiciel Libre (Free Software Foundation ou FSF), et créateur du projet GNU. Avec sa première révision de la licence en seize ans, la version 3 de la GPL s’attaque aux plus récentes tentatives pour ôter la liberté du logiciel libre – et notablement, la version 3 attaque la "Tivoization" – et ceci pourrait être un problème pour Apple et son iPhone.

Maintenant, de la Chine à l’Inde, du Venezuela au Brésil, des Tivos aux téléphones cellulaires : le logiciel libre est partout, et il est en train de bâtir lentement un mouvement mondial d’utilisateurs demandant à avoir le contrôle sur leurs ordinateurs et les équipements électroniques qu’ils possèdent.

Tivoization et l’iPhone ?

La "Tivoization" est un terme forgé par la FSF pour décrire des équipements qui sont construits avec du logiciel libre, mais qui utilisent des mesures techniques qui empêchent l’utilisateur de faire des modifications au logiciel – une liberté fondamentale des utilisateurs du logiciel libre – et une attaque sur le logiciel libre que la GPLv3 pourra arrêter.

L’iPhone laisse les gens perplexes : contient-il du logiciel sous licence GPL ? Quel impact la GPLv3 aura sur les perspectives à long terme pour des équipements comme l’iPhone qui sont construits pour frustrer leurs propriétaires ?

Peter Brown, directeur exécutif de la FSF a dit, "Demain, Steve Jobs et Apple sortent un produit criblé de logiciel propriétaire et de restrictions numériques : criblé / invalide, parce qu’un équipement qui n’est pas sous le contrôle de son propriétaire, fonctionne contre les intérêts de son propriétaire. Nous savons qu’ Apple a bâti son système d’exploitation, OS X, et son navigateur internet Safari, en utilisant des travaux couverts par la GPL – il serait intéressant de voir dans quelle mesure l’iPhone utilise du logiciel sous GPL.

La version 3 de la GNU GPL sera publiée à 12:00 pm (EDT) – six heures avant la sortie de l’iPhone – mettant un terme à dix-huit mois de discussions et de commentaires publics, en révision de la plus populaire des licences du logiciel libre.

Notes

[1] Pour la traduction Framalang (alias ici Vincent et Daria) a encore frappé.

[2] Traduction non officielle.

[3] L’illustration est issue du site DefectiveByDesign.org.




Créer un digg-like francophone de la culture libre ?

FSDaily - screenshot

Dans notre récent appel à soutien nous évoquions une frustration liée à un manque de disponibilité généralisée pour démarrer des projets qui dorment depuis trop longtemps dans nos cartons. Ainsi en va-t-il d’un "digg-like francophone de la culture libre" dont on vient vous demander avis parce que si vous le jugez pertinent il ne serait pas trop chronophage à mettre en place puisqu’ensuite nous bosserions tous dessus !

Présentation et explication par moi-même interviewé par la célèbre journaliste finlandaise Céline Hükksse, venue spécialement d’Outokumpu pour l’occasion. C’est un peu longuet mais c’est tout à l’honneur du professionnalisme de Céline Hükksse que d’avoir souhaité faire ainsi le tour complet du sujet (et plus si affinités).

Bonjour aKa. Alors, parlez-nous un peu de ce nouveau projet ?

Bonjour Céline. Le pitch ce serait de mettre en ligne et alimenter ensemble un digg-like francophone de la culture libre.

Nous estimons qu’un tel site pourrait avoir son utilité en faisant microsoft office de tri sélectif dans la masse à croissance exponentielle de ressources crées chaque jour sur internet. Outre ses avancées dans le monde logiciel (où il reste encore beaucoup à faire), nous pensons également que la culture libre est à terme susceptible de modifier en profondeur des pans entiers de la société (on voit bien comment aujourd’hui il en arrive à titiller le politique et même parfois l’économique) avec toutes les actions et résistances que cela implique.

Dans ce contexte il nous semble intéressant d’avoir à disposition une sorte d’observatoire en temps réel de notre slogan la route est longue mais la voie est libre permettant aux convaincus de se tenir au courant et aux autres de… rallier la Cause 🙂

Certes, mais au fait c’est quoi un digg-like ?

Un Digg-like, est un « nom provenant du célèbre site web digg.com et du terme anglo-saxon like (semblable), qui est utilisé pour qualifier les sites web utilisant la même formule que digg.com. Ces sites ont tous une interface de soumission où chaque utilisateur inscrit peut proposer un site web intéressant ou un billet d’un blog qui mérite d’être connu. Par la suite, les nouvelles proposées se retrouvent dans la section "en attente" du digg-like et c’est le rôle des utilisateurs de la faire passer en page principale en votant pour cette nouvelle lorsqu’elle est vraiment intéressante et pertinente. Un algorithme tenant compte du nombre de vote selon le temps ainsi que d’autres facteurs (dépendant du digg-like) détermine si la nouvelle passe en page principale. »

C’est bien dit non ? Bon d’accord c’est pas de moi c’est de Wikipédia. Retenons en tout cas qu’il s’agit de soumettre rapidement (j’allais dire à la volée) des articles de sites ou de blogs et que ce sont les visiteurs eux-mêmes qui choisissent de mettre collectivement tel ou tel lien en lumière.

Quelle serait la différence avec digg.com ?

Avant tout la langue française. Je n’ai ainsi jamais vu une seule news francophone atteindre le haut de l’affiche de digg.com.

Il y aurait du reste beaucoup à dire sur non seulement cette prédominance de l’anglais mais surtout sur la prédominance d’articles rédigés par des américains (quand bien même issus de la contre-culture). En fait c’est la quasi-totalité du web 2.0 qui est américain et cela pose quelques questions en terme de pluralisme et de vision du monde. Mais là n’est pas le propos. Dites-moi si je m’égare Céline…

Vous vous égarez en effet. Soit OK pour digg.com mais alors quelle serait la différence avec des digg-like francophones déjà présents comme scoopeo.fr ou wikio.fr ?

La thématique et la sensibilité des visiteurs / utilisateurs / éditeurs. Le choix assumé et délibéré de proposer majoritairement des news autour de la culture libre en général ou du logiciel libre en particulier. Ce serait notre niche en quelque sorte.

Je n’ai ainsi que très rarement vu de telles news arriver en accueil des sites que vous citez et qui ont fait le choix compréhensible d’être le plus généraliste possible. Le risque est alors de se retrouver avec des liens souvent plus anecdotiques que réellement intéressants (Scoopeo) ou reprenant simplement les dépêches d’agences et des grands médias (Wikio). Enfin une dernière chose, nous n’avons de Loïc Le Meur dans notre équipe capable de lever 4 millions d’euros pour le projet 😉

Accepté. Mais, plus dur, quelle serait la différence avec linuxfr.org ?

Linuxfr est notre référence absolue en matière de news francophones autour de linux et des logiciels libres et il est tout à fait légitime de se demander ce que ce projet pourrait apporter de plus. Ce qui fait selon moi la sève de DLFP c’est non seulement la qualité des dépêches mais également les nombreux pour ne pas dire fameux commentaires apportés par les lecteurs sous ces dépêches. C’est généralement très instructif même lorsque la polémique (ou le troll) s’installe. Ils font un peu n’achetez pas microsoft office de baromètre non officiel de la culture geek à l’instant t. Et du coup il arrive que la dépêche LinuxFr soit souvent plus riche et intéressante que le contenu même de la dépêche ! J’en profite du reste pour tirer un grand coup de chapeau aux modérateurs pour le soin apporté à la présentation et aux liens connexes de ces dépêches.

Commentaires, culture geek, modération et donc workflow, c’est là que se trouvent les principales différences selon moi. Notre projet de Digg-like n’aura pas pour vocation à suciter des commentaires sous les liens (quand bien même ce soit techniquement possible). Du coup, un peu tel un saut de puce, on y passera mais sans y faire une longue halte comme sur LinuxFr. La thématique culture libre est aussi a priori plus vaste que la culture geek revendiquée par LinuxFr qui ne sort que rarement du champ GNU/Linux et logiciels libres. Enfin l’absence de modération aura théoriquement pour conséquence d’avoir une plus grande exhausitivité, une plus grande réactivité et autorisera aussi les liens moins factuels comme les prises de positions, les coups de gueules, ou des choses plus légères mais qui méritent peut-être mention sur les blogs ou ailleurs.

Il faut aussi je pense prendre acte qu’avec l’avénement des blogs qui autorisent tout un chacun à avoir son propre espace web on va se retrouver (ou plutôt on se retrouve déjà) avec tout plein de ressources intéressantes mais éparses et un tel projet peut aider à y accéder plus aisément.

Cela pourra également être intéressant pour les auteurs mêmes des liens candidats. Ils ont mis en ligne leur article qu’ils ont envie de faire connaître et diffuser ? Alors il leur suffira de passer sur le site et de proposer dans la foulée leur info (en un lien et trois lignes de description) qui sera tout de suite publiquement visible dans la catégorie des "news en attente". D’autres passeront et si ils jugent la news petinente et digne d’être distribuée alors ils voteront pour elle et pouf, ça y est, elle se retouvera en tête de gondole !

Bien, bien. Mais, toujours plus dur, quelle serait la différence avec fsdaily.com ?

Nous y voilà 😉

Il n’y aurait pas beaucoup de différences avec fsdaily.com (d’où est issue l’illustration de ce billet) puisque c’est un peu ça ce que nous voulons mettre en place justement. Les deux différences seraient donc le français et l’extension à la culture libre.

Pour me tenir au courant de l’actualité du libre je n’ai pas besoin de ça puisque mon lecteur de fil RSS m’apporte tout sur un plateau chaque matin.

Ah que j’aimerais tenir ce plateau !

N’importe quoi !

Euh… Oui, moi aussi j’ai un lecteur de fil RSS où s’accumulent les Linuxfr, Standblog, etc. sans oublier… Digg et FSDaily (quitte à ne plus trouver le temps de tout lire et faire le tri). Mais d’abord vous serez peut-être surpris d’apprendre que nous sommes encore peu nombreux à utiliser cette technique qui fait de nous, qu’on le veuille ou non, des power users en la matière. D’ailleurs à ce propos nous pourrions faire bon usage des fil RSS de notre futur Digg-like. Nous pourrions bien sûr les rajouter à notre propre lecteur mais également alimenter tout le réseau Framasoft (et tous les autres sites qui le souhaitent) non seulement avec le fil RSS principal (qui donne les news les plus votées) mais également avec des fil RSS de tags ou de catégories spécifiques. Toutes les combinaisons seront potentiellemet possibles.

Et puis je ne pense pas qu’on puisse circonscire l’info autour du libre à nos uniques abonnements RSS sachant que le libre se démocratise chaque jour un peu plus et que de plus en plus de monde, venus de divers horizons, agissent, proposent ou s’emparent du débat. Sans oublier qu’on se sent parfois un peu seul, snif, avec notre lecteur RSS. Ici il y a une dimension collective et communautaire de types échanges de liens et de bonnes infos, et peut-être aussi une volonté d’apporter et partager de l’information qui fait sens dans un monde où les grands médias se focalisent souvent trop sur l’évenementiel et le spectaculaire.

Enfin il y a toujours cette spécificité de la culture libre…

Mais, mon bon monsieur, c’est quoi cette "culture libre" au juste ?

C’est un peu une question piège ! En fait je n’en sais trop rien.

Nous voilà bien !

Le plus simple est encore de citer quelques exemples. Il y a bien entendu les logiciels libres et des initiatives très proches comme Wikipédia. Il y a aussi les Creative Commons (ce qui n’empêche pas le débat !) et dans son sillage tout ce qui touche aux créations culturelles et artistiques avec des initiatives comme In Libro Veritas ou Dogmazic. Il y a tout ce qui gravite autour de la propriété intellectuelle, de l’interopérabilité, des brevets, du droit d’auteur… Ce qu’à l’occasion de la loi DADVSI on a appelé les libertés numériques. A la frontière je mettrais bien des actions comme Critical Mass, le Bookcrossing ou encore les Réseaux d’échanges réciproques de savoirs mais ceci n’engage que moi.

Il y aura aussi peut-être à terme son influence sur le politique (la démocratie participative tout ça…), sur le sociologique (tout système trop pyramidal tout ça…) et sur l’économique (la dualite monde marchand et monde non marchand chère à François Bayrou tout ça…). Sans oublier le relationnel et une certaine éthique. Et tant que j’y suis un peu de commerce équitable et une pincée d’écologie. Un véritable art de vivre en construction quoi !

Méfiez-vous le librocentrisme vous guette ! Ne seriez-vous pas également un peu idéaliste sur les bords ?

Oui un peu et j’assume cette naïveté. Ce n’est pas autrement qu’a réussi le projet fou mais surtout impossible Wikipédia.

De toutes les façon ce seront les participants qui alimenteront le site et donc ce seront eux qui donneront le ton. C’est un des paris du projet que d’arriver tout de même à un truc cohérent malgré ou plutôt grâce à la possibilité offerte à chacun d’y placer et de voter pour la news de son choix.

Justement, faites-vous donc une confiance aveugle en la sagesse des foules ? Qu’est-ce qui va me garantir que les news qui ont le plus de votes seront les plus intéressantes ? Et puis d’abord les sites à la sauce web 2.0, il faut du monde pour que cela fonctionne.

Oula, ça en fait des questions !

La première chose à dire c’est que je préfère de loin l’expression réseau social à web 2.0, ça fait plus associatif et moins… start-up ! Ensuite, n’est pas Wikipédia qui veut, non je ne fais pas une confiance aveugle à la sagesse des foules et rien ne nous garantit a priori que les news qui auront le plus de votes seront les plus intéressantes. Je dirais que c’est la beauté du jeu mais je crois cependant que Framasoft possède tout de même quelques bonnes cartes en main.

Digg, del.icio.us, Flickr, YouTube… ça tourne effectivement bien parce qu’ils bénéficient à plein de l’effet réseau lié à la très forte fréquentation. C’est à nuancer mais on peut tout de même affirmer que la qualité est ici liée à la quantité dans la mesure où les utilisateurs ont un choix plus ample pour sélectionner leurs favoris. Flickr avec 3 pékins qui se partagent 12 photos, non seulement ça ne le fait pas mais ce n’est tout simplement plus Flickr.

Tout ça pour dire que nous n’aurions pas bien entendu la prétention de rivaliser avec les exemples ci-dessus mais je pense que l’échelle de fréquentation du réseau Framasoft est tout de même suffisante pour permettre au site de bien se lancer en lui offrant de suite une certaine visibilité. Une visibilité propre à susciter curiosité et, j’espère, intérêt mais également propre à inviter chaque jour un peu plus de monde à rejoindre le projet en votant et proposant des news. Je pense également que l’expérience et la forte culture du libre de certains de nos utilisacteurs (dont les membres de notre forum) seront un plus pour fédérer le projet, s’approprier l’outil et proposer de la qualité.

C’est d’ailleurs un peu là que réside, en toute fausse modestie, l’un des atouts du réseau Framasoft. Dans cette capacité à fédérer et mettre en place des projets (le dernier en date c’est la joyeuse petite équipe de traducteurs compétents et réactifs de chez Framalang dont on peut voir souvent des traces sur ce blog) parce qu’il y a du monde qui passe, un monde qui pense comme nous que la route est longue mais la voie est libre, et un monde qui se sent d’autant plus en confiance qu’on est là depuis un petit bout de temps et que , je crois, on a déjà fait pas mal de petites choses pour la diffusion du logiciel libre et son état d’esprit.

Je ne dis pas que chez nous ça prend à tous les coups, loin de là et on a connu quelques beaux ratés. Mais ça peut prendre à cause des arguments du paragraphe précédent. Autant de bonnes raisons d’essayer de ne pas mettre tout de suite la clé sous la porte 😉

Arrêtez vous allez m’émouvoir.

Telle était bien mon intention !

Euh, revenons à nos moutons. Comment allez-vous mettre en place techniquement un tel site ? Digg n’a, à ma connaissance, jamais voulu montrer le code source de la plate-forme qui gère son site.

Et pour cause ! Digg n’a pas placé son outil sous licence libre pour les mêmes raisons que l’écrasante majorité de tous les sites étiquettés web 2.0. Pour être le premier (voire l’unique) dans son secteur, attirer du monde et ce faisant rendre chaque jour son outil un peu plus pertinent au fur et à mesure de la croissance de l’audience.

Imaginez qu’ils aient dès le départ libéré leur code ? Alors il y aurait eu risque de se retrouver avec une myriade de petits Digg-like, Flickr-like, del.icio.us-like ou YouTube-like dont aucun n’auraient vraiment émergés. Et alors adieu veau, vache, cochon, couvée et revente à prix d’or à Yahoo! (del.icio.us, Flickr) ou Google (YouTube). C’est ce que j’appelle le "web 2.0 mais libre 0.2" (dont je n’arrive pas à trouver le temps pour en faire un billet blog).

Pourquoi 0.2 et pas carrément 0 ?

Pour la beauté de la formule qui n’a rien à envier à la vôtre !

Mouais… mais encore ?

Parce qu’il y a tout de même une dimension collective et collaborative dans l’élaboration et l’édition de ces sites. Et surtout, ouf nous sommes sauvés, parce qu’il reste l’inévitable Wikipédia qui non seulement garantit la licence libre des articles mais également de son outil de travail à savoir le moteur wiki Mediawiki.

Un autre truc que j’aime bien chez Wikipédia, et qui nous concerne indirectement ici, c’est qu’il garantit le pluralisme des langues.

Soit mais alors pour notre problème technique…

C’est là que, tel Zorro, la communauté du libre intervient. Il y a une demande, il y a un besoin, mais un digg.com qui ne coopère pas. Qu’à cela ne tienne nous allons créer un outil similaire from skratch. Et c’est ainsi qu’est né le très libre Pligg qui n’a plus grand chose à envier à son modèle (pour s’en convaincre il suffit d’aller faire un tour sur fsdaily.com). Tout ça pour dire qu’on tient l’outil et merci pour eux 😉

Il est effectivement fondamental de bien tenir son outil… Autre chose, avez-vous déjà choisi le nom de baptême de votre projet ?

Non car nous sommes prudents voir superstitieux. Mais rien ne nous empêche de demander aussi les avis pour cela. On avait bien pensé à Frama.licio.us mais c’est un peu obscur pour le néophyte et puis c’est moins un del.icio.us-like qu’un digg-like que l’on souhaite créer.

Et puis, vu la teneur même du sujet, pourquoi ne pas sortir des noms en FramaTruc pour une fois ?!

Bonne chance en tout cas. Sur le papier cela semble aussi cohérent que pertinent.

Merci Céline… Puis-je, euh, à mon tour me risquer à vous poser une question ?

Mais bien sûr. Faites, je vous en prie.

Euh… comment dire… êtes-vous libre ce soir ?

Décidément vous aimez les extensions du domaine du libre vous ! Je suis libre de refuser vos avances inappropriées oui. Ne seriez-vous pas en train de vous égarer à nouveau ?

Je le crains… Rassurez-moi, vous couperez cela au montage ? Vous savez ma femme, tout ça…

Bien entendu. Vous pouvez compter sur moi ! Un dernier mot ?

Oui. Pour que la mayonnaise prenne et que la sagesse des foules ne nous entraîne pas au départ un peu partout c’est-à-dire un peu nulle part, il est important selon moi de ne pas lancer le site à vide.

Si il y a quelques lecteurs disponibles dont l’assentiment pour ce projet confine à l’enthousiasme, nous les invitons à se manifester pour constituer ensemble une petite équipe de premiers utilisateurs (aKa AT framasoft.net). Nous chercherons alors ensemble à mieux définir et cirsconscrire le champ de cette culture libre (en échangeant points de vue, liens et fils RSS préférés). A charge également pour l’équipe, et c’est très important pour ne pas louper l‘inauguration officielle (peut-être en septembre prochain ?), d’alimenter les premiers liens, tags, et catégories du site afin de faire tout de suite comprendre de quoi il s’agit à ceux qui découvriront le projet, puis voteront, puis proposeront à leur tour des news.

Monsieur aKa, malgré vos égarements bien français, je vous remercie.

Merci à vous, ce fut un plaisir. Bon retour à Outokumpu.




Quand le gouvernement allemand décide de participer à Wikipédia

Wolks! - Gusstav - CC BY

Une grande première qui risque de faire jurisprudence 🙂

Excellente initiative en effet que celle du gouvernement allemand qui va, via un institut, former et rémunérer des experts pour participer à Wikipédia dans le champ précis des ressources renouvelables (qui englobent les plus connues énergies renouvelables).

On notera également la mention du don conséquent de Deutsche Telekom à Wikipédia pour la bonne et simple raison qu’ils réutilisent des articles de l’encyclopédie sur leurs propres sites web.

Encore une brillante illustration du cercle vertueux du libre !

Une traduction de Framalang (Coeurgan, Daria, Olivier et Yostral).[1]

Un financement d’état pour le Wikipedia allemand

German Wikipedia receives state funding

Torsten Kleinz (trad. en. Craig Morris) – heise online – 26 juin 2007

Pour la première fois, l’édition allemande de l’encyclopédie en ligne Wikipedia recevra des fonds de l’Etat. L’Allemagne mettra en effet de côté une partie de son budget pour améliorer les articles de Wikipedia sur les ressources renouvelables. Dans les prochaines années, ce sont plusieurs centaines d’articles qui seront écrits dans cet objectif.

Dans le domaine des ressources renouvelables, "un grand nombre de mots-clés sont très bien documentés dans le Wikipedia Allemand", explique Andreas Schütte. Schütte est le directeur exécutif de l’organisme des ressources renouvelables allemand (FNR : Fachagentur Nachwachsende Rohstoffe). Cet organisme est financé par le Ministère allemand de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Protection des consommateurs pour conduire des recherches sur les ressources renouvelables dans l’idée de lancer des produits sur le marché. Schütte ajoute qu’un grand nombre de mots-clés dans le Wikipedia Allemand pointent vers de très courts articles, ne sont pas à jour ou n’existent même pas.

Les entrées sur ce sujet seront améliorées sous la direction du Nova Institut, issu du secteur privé. L’Institut prévoit de recruter des experts extérieurs pour écrire des articles sur les ressources renouvelables pour Wikipedia. Ces experts recevront d’abord une formation à Wikipedia car la collaboration à des projets communautaires peut comporter des pièges. L’Institut cherche donc quelqu’un maîtrisant bien Wikipedia, pour gérer la coordination du projet. Les partenaires du projets ont lancé un appel à candidature pour ce poste. Les experts en Wikipedia peuvent postuler immédiatement.

La difficulté sera de persuader des experts ayant réalisé de bonnes choses dans d’autres projets de s’investir dans l’encyclopédie communautaire. Comme le directeur du projet l’a dit à Heise Online, "Les articles de ces experts sont normalement écrits, publiés et édités dans les magazines normaux ou même sur d’autres sites Web. Mais Wikipedia est radicalement différent : les articles grandissent continuellement grâce aux données de différents auteurs qui souvent restent anonymes. Le produit final change fréquemment, et des tierces parties peuvent publier leurs propres textes ou même changer les vôtres." Les futurs auteurs devront donc recevoir une formation pour les aider à travailler sur Wikipedia.

Dans le même temps, les planificateurs du projet espèrent que la popularité de Wikipedia va les aider. "Il y a assez de publications papier sur ce sujet. Mais si vous voulez chercher quelque chose vous irez probablement sur Wikipedia " dit Gerlach. Des articles sur les fibres végétales, les quotas européens en biocarburant, et les fibres synthétiques qui contiennent aussi des fibres naturelles seront ajoutés à la version allemande de Wikipedia. Mais avant que les premiers articles soient écrits, les dirigeants du projet prévoient une longue période de préparation.

L’organisation Wikimedia Deutschland (composée de bénévoles assurant la promotion des projets en langue allemande hébergés par la Wikimedia Foundation) épaulera le projet, grâce à la bonne connaissance que ses membres ont de Wikipedia. Une telle collaboration est sans précédent pour l’encyclopédie libre. Même s’il n’y aura pas de participation financière aux coûteux serveurs de Wikipedia, l’organisation recevra au moins un soutien financier pour les futures améliorations du contenu de Wikipedia. Jusqu’à maintenant, Wikipedia et ses projets connexes ont principalement reçu des fonds provenant de fondations. Au mois de juin, l’organisation allemande a reçu la plus grosse contribution de son histoire quand Deutsche Telekom a donné à l’association 20 000 euros. L’entreprise de télécommunication a dit avoir fait cette donation parce que des articles provenant de Wikipedia ont été intégrés à ses propres sites Web.

Notes

[1] L’illustration est une photographie de Gusstav intitulée Wolks! issue de Flickr et sous licence Creative Commons BY.




Firefox : bilan et perspectives – Entretien avec la présidente de la Mozilla Foundation Mitchell Baker

Mitchell Baker - by Will Pate - CC BY-NC

Le navigateur Firefox est certainement l’une des plus belles réussites en matière de logiciel libre. Nous avons voulu en savoir plus en traduisant l’une des rares (et denses) interviews accordée à APC Magazine par la présidente de la Mozilla Foundation Mitchell Baker dont on peut lire ceci sur le Standblog.

Mitchell est vraiment une femme extraordinaire. Elle est réservée, presque timide, ne cherche pas la reconnaissance du public. Par contre, elle a une éthique et une volonté incroyables. Il y a quelques années, le torchon brûlait entre Netscape et Mozilla.org. La direction de Netscape voulait plus de contrôle et a mis une pression phénoménale sur Mitchell pour qu’elle plie. Devant sa volonté de respecter l’esprit du projet et le travail des contributeurs externes, la direction de Netscape l’a licenciée avec pertes et fracas et a tenté de nommer la vice-présidente de Netscape à la tête de Mozilla.org. Mitchell ne s’est pas laissée faire. Ne pouvant rien faire contre le licenciement (aux Etats-Unis, la loi est clairement du coté de l’employeur), elle s’est accrochée à Mozilla.org et a continué son boulot de Chief Lizard Wrangler (Dompteuse de lézards en chef, son titre officiel) à titre bénévole pendant plusieurs années, jusqu’à monter la Mozilla Foundation. Combien d’entre nous auraient accepté d’être licencés pour ne pas avoir à faire quelque chose qui leur déplait ? Combien auraient continué bénévolement le travail une fois licencié, parce que c’était la chose à faire ? Cette obstination à vouloir faire faire marcher le projet Mozilla malgré les aléas a été un exemple pour beaucoup de contributeurs et n’est pas étranger au fait que Peter et moi ayons pris la décision de monter Mozilla Europe au moment de notre licenciement.

Mitchell est véritablement quelqu’un de bien, et le projet Mozilla a une chance inouïe d’avoir une personne pareille à sa tête.

Une traduction collective[1] de notre groupe de travail Framalang pour une relecture finale assurée par Tristan Nitot himself avec l’aimable autorisation d’APC Magazine[2].

APC Magazine - Future of Firefox

Mozilla CEO speaks out on future of Firefox

Le 7 mai 2007- Dan Warne – APC Magazine

Selon la présidente de la Fondation Mozilla, Mitchell Baker, Firefox n’est encore qu’au début de son cycle de vie. Dans cette interview en tête-à-tête avec APCMag.com, elle parle des origines et du futur de Firefox.

Comment 12 personnes ont fait Firefox 1.0

J’ai eu cette chance rare de parler en tête à tête avec la présidente de la Fondation Mozilla, Mitchell Baker, après son discours d’ouverture du CeBIT à Sydney. J’ai été très surpris de découvrir que si peu de personnes étaient impliquées dans la création de Firefox 1.0.

Dan Warne (APC) : Firefox connaît, à ce qu’il semble, un succès phénoménal, mais on a du mal à s’imaginer à quel point le projet était petit au début et quelle ampleur il a pris depuis.

Mitchell Baker : Oui, le projet Mozilla a commencé en 1998 et était à l’origine hébergé au sein de Netscape, une organisation virtuelle. Nous songions déjà depuis un certain temps à devenir une organisation indépendante, et en 2003, nous avons décidé qu’il était temps d’obtenir un financement initial, de nous donner les actifs et de nous baptiser Mozilla.

Mais à nos débuts, mêmes les machines de développement dont nous disposions étaient réduites à la portion congrue, puisqu’il n’existait pas encore de financement viable à l’époque.

La fondation a donc débuté avec dix ou onze employés et nous avons élargi nos rangs avec deux ou trois employés supplémentaires dans les 15 mois qui ont suivi. Quand nous avons sorti Firefox, donc, nous avions à tout casser 15 employés, c’était vraiment peu.

Dan Warne (APC) : C’est une équipe incroyablement réduite pour un produit si complexe.

Mitchell Baker : On était peut-être même 12. On n’était vraiment pas nombreux, à l’époque. C’a été le grand saut pour chacun de nous : nous espérions que quelque chose ressortirait de cette aventure.

Avant de lancer Firefox 1.0, nous étions assez convaincus de tenir quelque chose et que notre produit, tout comme le moment pour le sortir, étaient bons. Peut-être qu’à l’été 2004, déjà, voire en mai ou juin, nous savions d’après le niveau d’intérêt que suscitait notre technologie et le nombre de personnes l’utilisant que vous avions vu juste.

Mais nous étions à mille lieues d’imaginer ce qui s’est passé lors du lancement effectif de Firefox 1.0 et la façon dont il a décollé. C’était inattendu et imprévisible. A mon sens, c’est difficile de prédire un démarrage pareil. On aurait dit que d’un coup il sortait de nulle part, même si nous y travaillions depuis longtemps.

Une des questions qui nous a demandé le plus de réflexion lors de la conception de Firefox 1.0, ç’a été de trouver comment en faire un produit au maximum pensé pour l’utilisateur. Cela représentait un grand changement pour nous. Dès le départ, Firefox a été conçu pour votre grand-mère ou votre grand-père, une personne intelligente pas forcément à la pointe de la technologie. Comment s’y prendre pour que cette personne apprécie Internet ?

On a donc intégré cette notion au produit, mais alors qu’on entrait dans la dernière ligne droite, nous avons dû résoudre d’autres problèmes, comme par exemple l’apparence lors du premier démarrage. Je crois qu’aujourd’hui, Firefox est bien connu pour sa zone de recherche et sa page de démarrage toute simple, etc., mais ces caractéristiques sont le fruit d’une longue, d’une très longue discussion entre nous.

Dan Warne (APC) : Vraiment ? Ca paraît une telle évidence.

Mitchell Baker : Oui, parce que ç’a été l’une nos toutes premières décisions pour rendre le programme davantage orienté utilisateur, pas dans la conception du produit, mais dans sa présentation.

Nous avons très longuement discuté pour décider si la page d’accueil devait être un portail, tenter de déterminer les réelles attentes des utilisateurs, et savoir si nous devions conserver la page de Mozilla "aidez-nous à écrire le code, voici notre système de référencement de bugs", comme c’était le cas avant, etc.

Finalement, nous sommes parvenus à la conclusion que l’ancienne page d’accueil n’était pas adaptée, et que s’il existe un point commun entre tous les utilisateurs, c’est bien qu’ils effectuent des recherches. Les gens se servent du web pour des tas de trucs différents, mais les recherches, au moins, on savait que tout le monde en fait.

C’est ce qui a décidé notre choix de proposer la fonction de recherche sur la page d’accueil, et il se trouvait que Google était intéressé par un partenariat pour une page d’accueil commune. Voilà comment on en est arrivé à notre page d’accueil. C’a été à mes yeux une bonne décision, parce qu’en effet beaucoup l’apprécient, et que si l’on regarde les pages d’accueil personnalisées des uns et des autres, ont s’aperçoit qu’elles sont toutes très différentes et qu’à part la fonction recherche, c’est aujourd’hui encore difficile de leur trouver un point commun.

Nous avons aussi établi des accords avec les moteurs de recherche concernant les revenus générés par les recherches. Ainsi, alors que les parts de marché de Firefox décollaient – je crois qu’elles progressaient de 1% par mois durant les X premiers mois -, il s’est évidemment avéré que beaucoup plus de personnes que prévu l’utilisaient, et que la combinaison recherches, page d’accueil et outil de recherche a vraiment été un plus.

Grâce à cela, Firefox a attiré un nombre inattendu d’utilisateurs, lesquels effectuaient des recherches en plus grand nombre. Nos espoirs de trouver un modèle viable commençaient donc à se concrétiser, tout allait bien et cela nous rapportait plus d’argent que ce à quoi nous nous attendions au début.

Comment Firefox génère 55 millions de dollars par an

Vous êtes-vous déjà demandé comment Firefox est devenu un navigateur si complet sans disposer d’équipes de développeurs payées pour s’atteler aux tâches laborieuses ? La Fondation Mozilla, grâce à Firefox, génère chaque année des dizaines de millions de dollars, lesquels sont réinjectés dans le développement de projets. Qui est ce généreux donateur ? J’ai posé cette question à la présidente de Mozilla, Mitchell Baker.

Dan Warne (APC) : Je voulais vous interroger à propos de l’argent que vous gagnez grâce à l’outil de recherche de Firefox, car à peu près tout le monde sait que Google paye pour l’intégration de ses fonctionnalités de recherche au navigateur, mais personne ne connaît vraiment les sommes que verse Google.

Mitchell Baker : Je me dois d’apporter plusieurs précisions sur cette question : tout d’abord, Google ne sont pas les seuls. Concernant un des points sur lequel nous avons été pionniers, tout le monde pense aussitôt à Google parce qu’il s’agit du choix par défaut, l’outil de recherche et le moteur qui apparaît en page d’accueil, mais en fait, la véritable innovation ç’a été d’offrir un choix multiple à l’utilisateur.

Si l’on y regarde de plus près, on se rend compte qu’il y a Google, certes, mais aussi Yahoo juste à côté. Ce choix va peut-être de soi pour la plupart des gens, aujourd’hui, mais ça n’était pas le cas lorsque nous avons signé nos premiers accords. Google est l’outil de recherche par défaut, mais nous avons été intransigeants sur le fait que le choix devait être possible, que d’autres moteurs de recherche, qui d’après nous intéresseraient les utilisateurs, devaient être disponibles par défaut, et enfin que les utilisateurs devaient pouvoir ajouter ceux qu’ils voulaient.

Il est très facile d’ajouter un moteur de recherche. C’était un élément fondamental pour les libertés de choix des utilisateurs. Nous avons donc des accords avec des compagnies autres que Google. Nous sommes une organisation à but non lucratif, nos chiffres sont donc audités et rendus publics. L’exercice 2006 n’est pas encore terminé, aussi rien n’est-il encore public, mais les chiffres pour 2005 tournent autour de 55 millions de dollars.

Dan Warne (APC) : Mazette ! Ca fait est un sacré paquet d’argent. Avec 55 millions de dollars, vous avez de quoi accomplir quantité de choses !

Mitchell Baker : Oui, c’est une première pour un projet open source comme le nôtre, je pense. Bien sûr, ce revenu étant imposable la fondation n’en perçoit pas autant, mais c’était néanmoins inattendu et fort bienvenu. Grace à ces gains, nous avons la possibilité d’accomplir énormément de choses, ce qui est important puisque le navigateur est un outil des plus fondamentaux pour Internet.

Nous avons essayé de le faire avec presque rien et nous y sommes plutôt bien parvenus avec Firefox 1.0. Les réussites se sont multipliées et il nous aurait été difficile de poursuivre sur cette voie avec si peu d’argent. Ce partenariat a donc été une aubaine, car les utilisateurs l’apprécient, et qui plus est la fonction de recherche est utile, contrairement à d’autres la vente de boutons pour l’interface du navigateur : ça aurait pu rapporter de l’argent, mais ça n’a aucune utilité pour l’utilisateur.

Un jour, nous trouverons peut-être une nouvelle innovation que les utilisateurs apprécieront, ce qui serait certes formidable, mais en attendant il existe déjà mille façons de générer des revenus grâce à un navigateur.

Selon les stratégies commerciales conventionnelles, il faut absolument diversifier ses revenus, ce qui dans l’idéal serait une bonne chose, mais pas au détriment du produit.

Dan Warne (APC) : Beaucoup d’applications en ligne sont en effet allées trop loin par le passé et ont fini par agacer leurs utilisateurs à cause d’accessoires envahissants.

Mitchell Baker : C’est vrai… alors en fin de compte, ou devrais-je dire dès le début, on s’est retrouvés avec des tas gens qui adoraient Firefox – et parfois je me dis que c’est bizarre de parler de tous ces gens qui se passionnent pour un logiciel, qui débordent d’enthousiasme qui sont prêts à s’investir à fond pour permettre à d’autres de l’adopter, le construire et le créer. Mais le fait est, ça existe pour de bon (rires).

Nous avons donc vu notre base d’utilisateurs croître, nous avons vu l’enthousiasme et – encore un mot galvaudé – la "passion" liés à Firefox se développer au-delà du cercle restreint de notre communauté de développeurs pour toucher un nombre incroyable de gens – et ça, c’est un atout qui n’a pas de prix. Et puis il y a aussi ce sentiment de confiance que suscite Firefox – on se dit : "Oui, c’est un bon navigateur, meilleur que celui dont je me servais avant, mais en plus je lui fais confiance.

Mais c’est à mon sens l’aspect le plus fondamental de Firefox, à la fois grâce à l’immense qualité du produit et grâce à ceux qui savent que nous sommes une organisation œuvrant pour le bien commun, que nous n’essayons pas de maximiser nos profits et que nous ne tentons pas de générer des richesses énormes pour un nombre de personnes restreint. L’actif appartient au public.

Je pense que nombreux sont ceux qui ignorent la nature open source du projet et n’ont aucune idée de la façon dont il est développé, mais qui néanmoins ont le sentiment que le résultat final est à l’image de son mode de conception, que sa réalisation est fortement basée sur la communauté, très centrée sur l’utilisateur – d’une manière ou d’une autre, ça doit se ressentir.

Dan Warne (APC) : Il me semble que l’une des particularités les plus attrayantes de Firefox, c’est l’écosystème des modules complémentaires. Je trouve d’ailleurs assez amusant de voir Microsoft se donner un mal fou pour proposer une offre similaire, mais leur écosystème d’extensions regorge de "payez 30 dollars pour enregistrer ceci", "payez 50 dollars pour enregistrer cela" C’est une démarche très commerciale, et d’après moi, c’est bien la preuve qu’il est très difficile de reproduire une offre comme la vôtre à moins d’être open source soi-même.

Mitchell Baker : C’est exact. Tout d’abord, l’intérêt pour le bien commun en opposition à la richesse personnelle des actionnaires est quelque chose de très difficile à reproduire, car ce sont deux types d’organisations fondamentalement différentes, chacune régie par des contraintes légales qui les conduisent dans des directions opposées. Il est donc par définition impossible de calquer l’une sur l’autre.

Le cadre dans lequel nous opérons, en nous axant sur une action volontaire décentralisée, modérée par une discipline stricte et axée sur le contrôle qualité, est également très ardu à reproduire. Microsoft a certainement eu différentes sources partagées et quelques initiatives plus ou moins fondées sur la collaboration ou le partage, et tant mieux pour eux. C’est une avancée, certes, mais ça n’a aucune commune mesure avec une démarche qui repose sur la mise en partage des ressources accompagnée par une structure décisionnelle, et non commandée par une structure à hiérarchie classique et mue par des impératifs de profit.

Comment alors égaler notre capacité à enrichir Firefox, améliorer la qualité de notre technologie et à permettre à qui veut de résoudre d’éventuels problèmes en retouchant une partie du code de Firefox ? C’est loin d’être à la portée de tous.

Firefox bientôt dans votre portable

La plupart des fanas de technologie se demandent pourquoi les navigateurs des téléphones portables sont médiocres à ce point. La présidente de la Fondation Mozilla, Mitchell Baker, y a réfléchi aussi et s’est demandée comment l’on pourrait adapter Firefox aux plateformes mobiles.

Dan Warne (APC) : Je souhaitais aborder avec vous le sujet de l’adaptation de Firefox aux appareils mobiles, un domaine que Firefox n’a pas encore exploré, alors qu’Opera, et même Microsoft dans une certaine mesure, a réussi à s’y imposer. Allez-vous vous développer dans cette direction ?

Mitchell Baker : Oui, mais il s’agit d’un choix sur le long terme, ça ne se fera pas dans les prochaines semaines ni les prochains mois. La mission que s’est impartie la Fondation Mozilla, c’est d’améliorer l’expérience Internet, laquelle se fera de plus en plus sur des appareils autres que les PC. Si nous ne sommes pas présents dans ce secteur, nous ne serons pas à la hauteur de la philosophie que nous avons contribué à imposer.

C’est donc quelque chose qui devra se faire. Nous avons eu pour projet de nous pencher de plus près sur la question, mais nous avons choisi de nous intéresser d’abord à notre technologie et de la fignoler afin qu’elle soit le mieux adaptée pour cela. Nous y travaillons, mais cela demande du temps.

Nous cherchons aussi un moyen satisfaisant permettant de refléter toute la richesse du web sur un petit appareil avec les contraintes actuelles, mais nous n’avons pas encore la solution. Il n’existe pas de réponse évidente, car le web et ses fonctionnalités s’accroissent sans cesse. Nous y travaillons assidûment.

Nous procédons en ce moment à une expérience qui est clairement une expérience qui gravite autour du PC mais adaptée aux portables (ce n’est pas donc une stratégie purement mobile), mais nous menons des expériences axées sur les liens qu’entretiennent les utilisateurs de Firefox et leurs appareils mobiles. Nous savons que les gens apprécient Firefox pour ses modules complémentaires, la possibilité de le personnaliser et celle d’obtenir des informations précises grâce à Firefox et aux extensions.

Dans cette expérience en cours, que nous avons baptisée Joey, nous cherchons un moyen d’apporter aux utilisateurs les informations auxquelles ils aiment avoir accès sur leur appareil mobile. Certes il est déjà possible d’aller sur le web et d’envoyer des tas de trucs par SMS, mais quelles nouvelles fonctionnalités peut-on inventer ? Firefox offre déjà la possibilité de le personnaliser et de rassembler certains types d’informations, alors comment faire pour que Firefox permette à celui qui l’utilise de connaître une expérience plus riche avec son portable ?

Dan Warne (APC) : Envisagez-vous alors une sorte de service côté serveur qui aiderait à pré-formater le contenu pour les portables, etc. ?

Mitchell Baker : Il y a plusieurs pièces imbriquées – il y aura une partie logiciel côté serveur, une autre côté client. C’est un projet que nous allons lancer en laboratoire incessamment. Je pense que nous avons beaucoup à découvrir dans ce domaine, ce sera donc expérimental dans un premier temps, pas forcément au sein d’un projet de produit, mais une façon de commencer à récolter des infos puisque actuellement dans beaucoup de pays les utilisateurs d’appareils mobiles sont en contact avec un opérateur téléphonique et pas directement avec un vendeur de logiciel.

Donc, même si nous tenions un super produit pour faire ce que à quoi nous sommes les plus doués, c’est-à-dire toucher les Hommes, il n’existe aujourd’hui aucun moyen de l’implanter sur la plupart des appareils. Encore un point auquel nous nous attelons, et si rien ne change, peut-être que la possibilité d’obtenir différentes sortes d’informations prendrait son sens, mais rien n’est fait.

Opera est peut-être plus adapté que nous en tant que fournisseur des opérateurs car de par notre ADN nous nous concentrons sur les consommateurs et les individus. Ainsi, nous menons cette expérience tout en peaufinant notre technologie, et nous voyons ce que ça donne.

Dan Warne (APC) : Firefox a la réputation, je ne sais pas si c’est positif ou négatif, d’avoir un moteur de rendu complexe, et je pense que cela a beaucoup joué quand Apple a choisi le cœur du moteur de rendu KHTML utilisé dans le navigateur Konqueror de Linux. Ils ont déclaré à l’époque que s’ils avaient préféré KHTML à Gecko (le cœur du moteur de rendu de Firefox), c’était qu’il est très léger. Est-ce vrai que Firefox est intérieurement très lourd et pourrait se révéler difficile à faire entrer dans un appareil mobile ?

Mitchell Baker : Eh bien, tous sont difficiles à faire entrer dans un appareil mobile, alors mettons les choses au clair. Opera a fait du très bon boulot pour intégrer quelque chose d’utile dans un appareil mobile, mais leur outil est incomplet et ne possède pas les possibilités de Firefox. Adapter un outil complet à un appareil portable n’est pas une mince affaire, aussi ne peut-on comparer les deux.

Il faut cependant reconnaître, à mon sens, que WebKit d’Apple est pour l’instant plus facile à aborder que notre équivalent technologique.

Mais c’est en partie parce que notre équivalent technologique, Gecko, est accompagné de tout un ensemble d’autres outils qui permettent la création de nos communautés. Donc, pour les extensions, le langage de XUL et toute un tas d’autres choses, c’est notre technologie qui à la primauté.

Plus de fonctionnalités offrent plus de possibilités, mais un logiciel plus réduit a l’avantage d’être plus facile d’accès. Voilà pourquoi quand on envisage d’approcher un nouveau marché, nous savons que nous avons certains avantages, à mon sens inégalables. Elaborer une communauté comme la nôtre, c’est probablement impossible à faire (pour un concurrent propriétaire).

Malgré cela, nous devrions redoubler d’efforts et travailler plus intelligemment pour rendre notre code le plus facile d’accès possible, pour qu’il soit aisé de le développer et de mettre à profit (en tant que développeur) tous les avantages qu’offrent Firefox et la technologie Mozilla.

Des entreprises qui envisagent à nouveau d’adopter Firefox plutôt que de passer à IE7 ?

Avec les changements radicaux apportés par Microsoft, à la fois à l’interface utilisateur et au moteur de rendu d’IE7, un plus grand nombre d’entreprises envisagent à nouveau d’adopter Firefox, d’après Mitchell Baker, présidente de la Fondation Mozilla.

Dan Warne (APC) : Il se passe quelque chose avec l’adoption de IE7. Ce que nous voyons sur le site APC – dont on peut penser qu’il réunit presque exclusivement des adeptes de la première heure, férus de technologie et lecteurs enthousiastes – c’est que beaucoup utilisent encore IE6 au lieu d’IE7. Pensez-vous que Microsoft soit allé trop loin dans les changements avec IE7, ce qui a peut-être incité les utilisateurs à rester sous IE6 ? Et cette stratégie quelque peu malheureuse a-t-elle infléchi votre façon de voir les choses quant à la manière d’effectuer des changements dans Firefox ? Pensez-vous par exemple qu’il est nécessaire que chaque évolution se fasse plus en douceur ?

Mitchell Baker : D’abord, précisons un point ou deux : je ne suis certainement pas experte en ce qui concerne Microsoft. Je regarde IE de temps en temps, mais ce n’est pas un navigateur que j’aurais… très envie d’utiliser.

Dan Warne (APC) : (rires)

Mitchell Baker : Firefox a justement été conçu pour rendre très facile la migration à partir de IE, donc nous savons que nombreux sont ceux qui ne se rendent presque pas compte de la différence.

Des utilisateurs appartenant à de grandes entreprises m’ont confié qu’en voyant IE7, ils envisageaient de nouveau de basculer vers Firefox ou vers le support de Firefox, parce que le passage de IE6 à Firefox pourrait, dans leur cas, être plus facile que le passage de IE6 à IE7.

C’est donc un sujet de discussion intéressant. Je n’ai pas lancé d’études sophistiquées, mais quand on commence à entendre ce genre de propos, qu’on n’entendait pas tellement avant (on entendait seulement "oh non, je préfère ne rien changer.")

Mais les écueils commis par Microsoft ne nous éclairent en aucune façon sur notre plan produit. Nous sommes leaders depuis plusieurs années dans le domaine des navigateurs et de l’aide apportée aux utilisateurs pour comprendre Internet.

Pour répondre à la question de fond, nous portons un grand intérêt à un certain groupe d’utilisateurs, adeptes de la première heure et utilisateurs avancés, pour qui obtenir toujours plus de nouveautés est une exigence et une motivation, et qui se lassent très facilement. Nous avons là une importante fraction de la communauté Firefox, très vive et très active, pour qui l’innovation, les avancées et les nouvelles possibilités sont des exigences primordiales.

Dan Warne (APC) : Un des sujets qui nous tient à cœur, nous, les adeptes de la première heure, c’est le taux de pénétration de Firefox. Combien de personnes l’utilisent, aujourd’hui ?

Mitchell Baker : Au mieux, nous estimons notre socle d’utilisateurs est si situe entre 75 et 100 millions d’utilisateurs… c’est beaucoup ! Ces chiffres ne sont pas exacts car il y a des corrélations entre différentes données, mais si l’on prend 15 % du web mondial, qu’on regarde le nombre de personnes qui téléchargent des mises à jour de sécurité, et que l’on tente de corréler cela, c’est en gros ce qu’on obtient. Chaque méthode d’estimation nous donne à peu près les mêmes résultats.

Dan Warne (APC) : Alors, est-ce compliqué de faire plaisir à tout le monde ?

Mitchell Baker : La plupart de ces gens ne sont pas des utilisateurs avancés et n’apprécient pas d’avoir affaire à des changements permanents au sein d’un outil complexe. Nombreux sont ceux qui ne savent pas distinger Firefox et l’interface de Firefox du contenu dynamique provenant d’une page web.

L’aspect complexe et effrayant que peut représenter le Web pour certains nous pousse à nous concenter sur la façon de conduire notre projet de manière à continuer à leur donner accès aux richesses du web, qui est en mutation constante, à introduire les nouvelles idées exigées et générées par la communauté zélée de nos adeptes de la première heure, tout en continuant à offrir un produit que le consommateur ordinaire puisse utiliser.

Voilà le fil directeur de nos efforts, et c’est tout à fait différent des décisions que Microsoft peut prendre ou ne pas prendre.

Bien sûr, nous utilisons le système de modules complémentaires pour satisfaire beaucoup de ces besoins, et je pense donc que de plus en plus d’idées nouvelles apparaîtront sous forme d’extensions, que nous pourrons peut-être même développer ou promouvoir pour tester des projets expérimentaux tels que The Coop, afin de déterminer, avec l’aide des adeptes de la première heure ou des gens qui ont un intérêt pour un outil particulier, ce qui fonctionne à merveille, ce qui marche bien, et comment ne garder que le meilleur pour l’incorporer au noyau de Firefox, de façon que le consommateur ordinaire, de son côté, puisse y accéder sans être terrifié.

Pourquoi n’existe-t-il pas encore de bloqueur de pub intégré par défaut dans Firefox ?

Les utilisateurs les adorent, alors pourquoi Firefox n’a-t-il pas encore intégré des fonctionnalités de blocage de pub ? La présidente de la fondation Mozilla, Mitchell Baker, est circonspecte sur la raison de cette absence…

Dan Warne (APC) : A propos de modules complémentaires, je suis sûr que nombreux sont ceux qui souhaiteraient savoir pourquoi vous n’avez pas intégré un bloqueur de pub dans Firefox ?

Mitchell Baker : Je l’ignore. Il faudrait que je me renseigne, en fait !

Dan Warne (APC) : Ah oui ? J’avais pensé, en élaborant ma liste de questions, que c’était parce que le web survit plus ou moins grâce aux revenus générés par la pub et que vous ne vouliez pas vous mettre certains acteurs du web à dos. Mais je n’ai pas vraiment d’idée, ce qui explique pourquoi j’étais curieux.

Mitchell Baker : A vrai dire, je n’en sais trop rien. Peut-être parce qu’ils sont trop complexes techniquement, mais là encore, il faudrait que je pose la question.

Dan Warne (APC) : Pas de souci. Ca m’intriguait, parce qu’il existe des extensions appréciées qui remplissent cette fonction.

Mitchell Baker : C’est exact. Je suppose que certaines de ces extensions sont assez complexes d’utilisation. J’ai vu qu’elles demandaient quel élément on veut bloquer etc. Combien d’utilisateurs ordinaires seraient capables de s’en servir, je me le demande.

Dan Warne (APC) : Je pense que la plupart des gens se contentent de télécharger la liste automatique qui possède les réglages nécessaires et qui a été pré-définie par quelqu’un d’autre.

Mitchell Baker : Ce serait peut-être une solution pour en faire une meilleure extension, en effet. Il n’empêche que je ne puis vous répondre sans étudier plus avant la question.

Firefox 3.0 – "lock-in branding", ça veut dire quoi, au juste ?

L’arrivée de la version de Firefox 3.0, dont le nom de code est Gran Paradiso, parle d’une chose curieuse dans les notes de sortie de la version alpha : "ability to lock-in branding". (NdT : possibilité de verrouiller une marque) Est-ce que Firefox va devenir un panneau d’affichage sur votre PC, un peu comme IE4 ?

Dan Warne (APC) : Autre question à propos des exensions. Nous avons jeté un coup d’oeil aux notes de sortie de la version alpha, et l’un des détails que nous avons remarqué, c’est le support du rajout de marques dans Firefox, j’ai supposé que c’était, par exemple, pour que Dell puisse pré-installer Firefox sur leur PC et avoir un petit logo Dell dans Firefox ou quelque chose comme ça ? Je ne sais pas ce que ça veut dire exactement, mais j’espère que ça ne sera pas comme à l’époque d’IE4 quand Microsoft a permis de poser une marque sur c-h-a-q-u-e élément d’IE4 et vous vous retrouviez avec un navigateur dégoûtant avec des écritures géantes et des logos partout.

Mitchell Baker : (Rires) Non, non, rassurez-vous, c’est pour nous quelque chose d’inconcevable !

A propos de marque, les noms de code, comme vous le savez peut-être, sont des noms de parcs. Firefox 3.0 porte le nom de code Gran Paradiso, et il existe un parc Gran Paradiso. Récemment, quand nous cherchions les noms de codes, nous nous sommes rendus sur le site du parc Gran Paradiso, là, en bas de la page se trouvait un bouton "Téléchargez Firefox", je me suis écriée "Bingo ! C’est le nom de code qu’il nous faut !"

Dan Warne (APC) : Oh, c’est une coïncidence marrante, non ? Examinons les notes de Gran Paradiso alpha sur le web et voyons ce qu’elles disent. (Se tourne vers le chargé des relations publiques d’Edelman) Je peux utiliser votre portable deux secondes ?

Chargé des relations publiques : Bien sûr. (A Mitchell Baker) Je suis désolé mais… il n’y a pas Firefox sur ce portable.

Mitchell Baker : C’est donc à ce moment là que je sors en claquant la porte (rires).

Chargé des relations publiques : Je voulais l’installer moi-même, mais je n’ai pas l’accès requis.

Mitchell Baker : A cette machine ?

Chargé des relations publiques : Oui, malheureusement.

Mitchell Baker : Quel genre de machine est-ce ? Où est votre supérieur ? Il est venu plus tôt aujourd’hui… là, je vais me plaindre (rires).

Dan Warne (APC) : Ok, donc il y a marqué à propos de Gran Paradiso : "ability to lock in branding."

Mitchell Baker : D’accord… Ce qui est important, à mon avis, c’est de déterminer ce que signifie "branding" dans ce cas précis. On se sert parfois du terme "branding" pour désigner un ensemble d’éléments.

Par exemple, une compagnie de téléphone, T-Online, a distribué une version de Firefox en Allemagne dans laquelle la page d’accueil est celle de T-Online, il porte les deux marques. Le but, c’était qu’il soit simple pour T-Online de distribuer le navigateur avec leur page d’accueil.

Mais finalement, quand il faut faire une mise à jour, c’est extrêmement complexe, et s’assurer que lors lors d’une mise à jour la page d’accueil soit toujours celle de T-Online et pas celle par défaut pour notre version allemande, qui est celle de Google je crois, c’est très compliqué.

Je pense que "branding" englobe tout ce qui touche à ce genre de contraintes.

Dan Warne (APC) : Un peu comme le "branding" pour les téléphones portables, qui met tout sur le téléphone aux couleurs de l’opérateur ?

Mitchell Baker : Voilà, c’est ça. Ce n’est donc pas ce que vous craigniez.

Firefox va s’attaquer à Flash et Silverlight

Firefox 3.0 apporte un nouveau moteur de rendu graphique, nom de code : "Cairo" – un indice terriblement appétissant qui montrerait que Firefox pourrait s’avanturer sur le territoire d’Adobe Flash, avidement convoité par Microsoft ? Figurez-vous que la réponse est oui… La présidente de Mozilla, Mitchell Baker, m’affirme que les graphismes et le rendu vidéo font absolument partie de ses projets futurs pour Firefox.

Dan Warne (APC) : Autre chose que j’ai vu dans les notes de Gran Paradiso : quelques mentions au sujet du moteur de rendu Cairo. D’après ce que j’ai pu en lire, c’est un moteur de rendu de bonne qualité qui accélère les graphismes vectoriels évolutifs.

Mitchell Baker : Oui, les graphismes en 2D pour le moment.

Dan Warne (APC) : L’échéance est peut-être encore loin, mais je me demandais si vous alliez entrer en compétition avec Flash et Silverlight ?

Mitchell Baker : Les graphismes, c’est un domaine du web qui pourrait être amélioré, c’est évident, aussi nous concentrons-nous tous sur ce point. Nous nous concentrons dessus avec une technologie complètement ouverte, alors que Silverlight est complètement propriétaire, bien sûr, tout comme Flash, bien qu’Adobe prenne doucement la voie du libre.

Nons avons donc – je pense à Brendan et sa feuille de route – proposé à Adobe de montrer plus de signes d’ouverture auxquels afin que nous puissions participer au projet. Nous aimerions beaucoup que sorte une version libre de Flash, mais c’est à Adobe de prendre cette décision, pas à nous.

Comme nous nous intéressons tous aux graphismes et qu’en fin de compte, si Flash devait rester aussi propriétaire que la technologie Microsoft, il nous faudrait poursuivre nos efforts pour développer des graphismes de manière interopérable.

Mais il est clair qu’en ce qui concerne les graphismes, c’est Flash qui règne en maître.

Dan Warne (APC) : On se demande pourquoi Microsoft prend la peine de développer Silverlight pour entrer si tard dans la compétition.

Mitchell Baker : Certes, mais c’est un domaine crucial. Nous, nous faisons la même chose, et c’est à cause de Flash. Le fait qu’il s’agisse d’une technologie propriétaire, ça nous pose problème. Pourquoi est-ce si important, me direz-vous ? D’accord, ça n’est pas vivant – c’est sur le web, mais ça ne provient pas du web, on ne peut pas y faire de recherches, il ne profite pas de toutes les fonctionnalités du navigateur, on ne peut pas en prendre le contrôle, ça vit dans une petite boîte.

Ils s’efforcent sans doute de le faire sortir de sa boîte, mais pour vraiment l’intégrer au reste du web, certaines de ces capacités devraient être dans le client web, c’est-à-dire le navigateur. Nous nourrissons donc toujours des espoirs de ce côté-là, mais nous continuons malgré tout à développer nous-mêmes nos capacités graphiques.

Dan Warne (APC) : C’est super. Est-ce que cette technologie intégrerait des capacités pour la vidéo également ?

Mitchell Baker : Nous nous y intéressons, donc nous avons quelques pistes. L’une d’elles, c’est que le web basé sur le texte autour duquel les navigateurs se sont développés est en mutation, et le rôle de la vidéo ne va cesser de gagner en importance.

Dan Warne (APC) : On a vraiment assisté à une explosion durant les six à douze derniers mois, pas vrai ?

Mitchell Baker : Oui, une fois que les possibilités sont là, ça roule tout seul. Pour certaines d’entre elles, la question qui se pose, c’est que faut-il au navigateur pour être à la hauteur, tant au niveau des applications visibles par l’utilisateur qu’à celui la technologie interne.

Nous étudions donc ces deux aspects pour tenter de dégager une solution. On se rend compte que l’audio ne pose pas de problème particulier, mais que pour la vidéo, c’est beaucoup plus complexe.

Dan Warne (APC) : Ca ne m’étonne pas. Une combinaison sans fin de CODEC…

Mitchell Baker : Il faut se débrouiller. Parmi ces outils, certains sont brevetés, alors on n’a d’autre choix que de s’en accomoder. Nous nous penchons sur le problème, mais nous n’avons pas encore franchi tous les obstacles.

Dan Warne (APC) : Vous arrive-t-il souvent d’avoir une idée, de vouloir la concrétiser, mais de découvrir qu’un brevet a déjà été déposé pour une création similaire ?

Mitchell Baker : Et bien, c’est toujours le risque. Pour l’instant, nous n’avons pas trop été confrontés à ce genre de situation.

Microsoft et les développeurs de Firefox

Y a-t-il une nouvelle idylle entre Microsoft et les développeurs de Firefox ? Chez le Microsoft nouveau, soucieux des autres et partageur, on en a fait des caisses quand on a invité des développeurs de Firefox dans les laboratoires de compatibilité avec Vista, lors du développement du méga-OS. Nous avons demandé à la présidente de Mozilla, Mitchell Baker, comment ça s’était passé.

Dan Warne (APC) : Autre évènement intéressant qui s’est produit il y a quelque temps : l’invitation très publique qu’a faite Microsoft aux développeurs de Firefox pour visiter les laboratoires de compatibilité Vista. Je me souviens avoir demandé à Microsoft à l’époque s’ils pouvaient me donner plus de précisions à ce propos, et voilà en gros ce qu’on m’a répondu : "Nous avons envoyé une invitation à nos concurrents. Qu’ils l’accepter ou pas, à eux de voir, mais s’ils la déclinent, ce n’est pas notre problème." Avez-vous des commentaires à faire sur comment ça s’est passé ?

Mitchell Baker : Il faut reconnaître que Microsoft a fait un effort et que c’était bienvenu. Il y a beaucoup de domaines dans lesquels nous aimerions travailler avec eux, notamment la compatibilité avec Vista. Certes, il est probable qu’ils posent des conditions d’ordre légal, mais quoi qu’il en soit, ils ont reconduit cette proposition. Nous avons accepté et ils ont reçu l’équipe de Mozilla, ce qui je pense nous a été utile. Voilà qui mérite d’être souligné.

Microsoft a opéré son retour dans le monde des navigateurs, à présent, et doit à nouveau prêter attention au web. Nous les rencontrerons sûrement pour discuter de la définition des standards, et c’est certainement là que nous verrons si Microsoft cherchera encore à imposer sa propre technologie propriétaire aux dépens de technologies ouvertes et opérationnelles. Ça arrive souvent dans les réunions de définition des standards. C’est là qu’ils montreront leur vrai visage et nous serons sans doute vite fixés.

Dan Warne (APC) : C’est intéressant. Y a-t-il eu des problèmes entre Firefox et Vista ? Parce que j’ai installé Firefox sur toutes les bêtas de Vista, et je n’ai jamais rencontré de problème.

Mitchell Baker : Super ! Nous avons pas mal travaillé, j’essaie de me souvenir sur quoi… Je crois qu’il y a des différences lors de l’installation.

Dan Warne (APC) : C’est fort possible, vu tous les changements de permissions etc. qu’on trouve dans Vista.

Mitchell Baker : Oui. En fait, le produit de base fonctionnait à merveille , mais on a dû procéder à quelques ajustements et modifier le processus d’installation. Je crois qu’ensuite nous avons encore dû changer deux ou trois trucs. Ce n’était donc pas pour à l’occasion de la sortie de Firefox 2.0, mais pour assurer la compatibilité avec Vista. Néanmoins, je le répète, nous n’avons pas touché aux fonctionnalités de base, seulement à quelques pièces annexes.

La stratégie pour mettre Firefox sur plus d’ordinateurs

Mozilla ne possèdant pas autant de tentacules que la pieuvre géante Microsoft pour assurer la distribution de logiciels, c’est par le bouche à oreille que Firefox a gagné ses parts de marché. Mais que faire maintenant pour faire entrer Firefox dans davantage encore de foyers ? Nous avons posé la question à la présidente de Mozilla, Mitchel Baker.

Dan Warne (APC) : La dernière fois que nous nous sommes parlés, je vous avais demandé quelle était la stratégie de distribution de Firefox. C’était je crois était à peu près au moment de la sortie de Firefox 1.0, et voilà ce que vous m’aviez répondu : "Nous ne faisons pas de commerce, nous préférerions travailler avec les utilisateurs plutôt que les grosses entreprises, et espérons que les utilisateurs le choisiront d’eux-mêmes", ce qu’à l’évidence ils ont fait en masse.

Toutefois, pourriez-vous m’en dire plus à propos de votre stratégie de distribution ? J’aimerais aussi savoir si vous cherchez à conclure des accords avec les fabriquants de PC pour qu’ils pré-installent Firefox, par exemple ?

Surtout maintenant que Dell va pré-installer Ubuntu sur certains de ses ordinateurs… Cela signifie sans doute que Firefox sera sur chaque PC Dell équipé de Linux.

Mitchell Baker : C’est fort probable !

Dan Warne (APC) : Donc, penchons-nous sur l’un de vos principaux distributeurs : Google. Qu’ont-ils à y gagner ? comment distribuent-ils Firefox, et payent-ils pour de bon une commission de 1 dollar aux blogueurs chaque fois que quelqu’un télécharge Firefox à partir d’un lien placé sur leur blog ?

Mitchell Baker : Si vous voulez connaître la ligne officielle de Google, vous devriez vous adresser à eux directement. En tout cas, la réponse consiste sans doute en une variation sur le thème "Firefox, c’est bon pour l’humanité."

Dan Warne (APC) : J’imagine qu’une entreprise ayant autant de moyens et d’autonomie que Google peut se le permettre sans se soucier que les actionnaires leur reproche de jeter l’argent par les fenêtres.

Mitchell Baker : Oui, mais je ne suis pas sûre que ça revienne à jeter l’argent par les fenêtres, justement.

Dan Warne (APC) : Désolé, ça n’était pas un reproche. Ce que je voulais dire, c’est que souvent les actionnaires sont très critiques sur la manière dont est utilisé l’argent s’ils ne voient pas un retour à court terme pour une société.

Mitchell Baker : D’accord, mais il est aussi assez évident que la cible numéro un de Microsoft, c’est Google – ce dont ils ne se cachent pas. Difficile de dire qu’ils jettent l’argent par les fenêtres quand on pense aux batailles que Google mène. Là, il faut tenir compte de Microsoft dans l’équation.

Dan Warne (APC) : Et à propos des autres moyens de distributions… les pré-installations sur PC par exemple ?

Mitchell Baker : Nous avons essayé d’autres solutions pour la distribution et continuons à les explorer. Firefox a été inclus dans les lignes de productions de quelques PC, dont l’une se trouve en Europe, je crois, mais c’est encore récent et nous ne savons pas encore ce que cela va donner.

Être intégré à la distribution de PC serait intéressant, mais de manière générale nous réussissons très bien à assurer nous-même notre distribution – le bouche à oreille, le marketing ou tout nos atouts qui peuvent attirer les gens vers nous, voilà de loin ce qui est le plus efficace. Cela étant, nous n’écartons aucune possibilité.

Le personnage de cartoon de Mozilla Japon, "Foxkeh", et d’autres développements de Firefox dans la région Asie/Pacifique

Certains développeurs majeurs de Mozilla travaillent dans un petit bureau de développement en Nouvelle-Zélande. Ils sont responsables de la réalisation de fonctionnalités clés dans Firefox 3.0. De plus, Mozilla Japon a créé un renard encore plus mignon que Firefox… son personnage de style manga s’appelle Foxkeh.

Dan Warne (APC) : Maintenant que vous êtes implantés en Australie – dans la région Asie/Pacifique –, avez-vous lancé des initiatives au sein de l’APAN (Asia & Pacific Advanced Network), ou avez-vous des contacts intéressants avec des organisations de la région ?

Mitchell Baker : Depuis de nombreuses années, nous avons une communauté active au Japon, et ce groupe est centré sur la communauté, avec une très petite organisation, Mozilla Japon, qui est à but non lucratif. Dès que nous avons commencé a gagner de l’argent,nous avons commencé, il y a environ un an, à investir dans Mozilla Japon, ce qui nous a permis d’engager sept ou huit personnes, parmie elles quelques développeurs et quelques assistants, qui accomplissent un travail intéressant.

Par exemple, ils ont créé Foxkeh. C’est une petite mascotte imaginée par les gens de Mozilla Japon pour rendre Firefox accessible et promouvoir sa diffusion sur le marché.

Ils font, entre autres, de l’excellent travail sur les extensions et conçoivent la documentation en japonais.

Il y a quelques années, nous avons fait un premier pas très discret en Chine. C’était un petit projet qui marchait bien, hébergé par la Chinese Academy of Sciences, et ces derniers mois nous avons décidé que nous devrions nous engager davantage en Chine.

Nous avons embauché du monde pour nous aider. J’y étais il y a quelques mois, et il y a un groupe d’utilisateurs en Chine, peut-être un million, ce qui est minime pour une population comme la Chine. Mais c’est un noyau d’utilisateurs et de blogueurs intéressés et enthousiastes, et certains d’entre eux nous portent un grand intérêt.

Notre sentiment est donc le suivant : Lançons-nous, voyons qui est là et qui est déjà intéressé. Tâchons de savoir si avec plus d’investissement de notre part davantage d’internautes s’intéresseraient à nous. Voyons si la conception de l’Internet à laquelle nous travaillons rencontre un écho ici. Si c’est le cas et qu’il existe une communauté, alors tâchons de les aider.

Cela devrait être un de nos imprtantes expériences pour l’année à venir.

Dan Warne (APC) : Existe-t-il d’autres contributeurs en Australie ou dans cette région du monde ?

Mitchell Baker : Quelques-uns, oui. Depuis de nombreuses années, nous avons un contributeur exceptionnel, Robert O’Callaghan, qui est originaire de Nouvelle-Zélande et qui vit aux Etats-Unis – ou plutôt qui vivait aux Etats-unis – depuis longtemps et qui cherchait à tout prix un moyen de rentrer au pays.

Il est donc rentré en Nouvelle-Zélande et travaille pour nous — nous avons même créé un petit bureau en Nouvelle-Zélande.

Dan Warne (APC) : C’est vrai ?

Mitchell Baker : Oui, car lorsqu’on a un contributeur vraiment génial, qui est également bon pédagogue, qui veut jouer un rôle de mentor et peut attirer autour de lui quelques autres personnes brillantes, c’est pour nous une chance inestimable.

En fait, la démo des applications hors-ligne qu’on vous a montrée ce matin, et qui montrait l’application Web Zimbra fonctionnant sans connexion Internet, elle a été réalisée par notre bureau de Nouvelle-Zélande.

Dan Warne (APC) : Impressionnant ! Est-ce que vous réalisez également des projets en Australie ?

Mitchell Baker : Pas en ce moment. L’une de nos plus anciens collaborateurs est maître de conférences en Australie, à l’université du Queensland, et il est impliqué dans le projet depuis 2000. C’est un mathématicien, ou au moins un spécialiste dans un domaine pour lequel les équations mathématiques sont importantes.

Il existe un langage appelé MathML, et à cette époque, il a décidé que Firefox devait l’intégrer. Depuis lors, il a contribué au projet, et c’est grâce à lui que nous pouvons être crédibles dans ce domaine.

Dan Warne (APC) : Exact… je me suis toujours demandé pourquoi Mozilla gérait totalement les équations mathématiques.

Mitchell Baker : Tout cela, c’est grâce à Roger Sidje de l’université du Queensland. Au début, il a en bavé un bout de temps.

Dan Warne (APC) : Ah oui ?

Mitchell Baker : Eh bien, n’oubliez pas qu’on était en 2000 ; à l’époque, introduire le rendu d’éléments aussi complexes et différents à l’intérieur du moteur central de rendu, c’était très difficile.

Dan Warne (APC) : Ca revient presque à comme réécrire un moteur de rendu HTML complètement différent, car les équations mathématiques se présentent parfois sous une forme très complexe.

Mitchell Baker : C’est exact, et il a été actif depuis lors. Dès que nous avons commencé à gagner de l’argent, nous avons organisé une réunion Firefox des collaborateurs clés et des non-salariés du monde entier, et Roger nous a donc rendu visite plusieurs fois car il joue un rôle prépondérant chez nous.

La bataille concernant les distributions Linux utilisant la marque Firefox

La guerre des mots sur l’usage de la marque Firefox – nom et graphisme du logo – a suscité la controverse, certains commentateurs allant même jusqu’à dire que Firefox n’était pas réellement "libre". Mais d’après la présidente de Mozilla, il existe une explication plus rationnelle et il y a eu un malentendu.

Dan Warne (APC) : J’étais en Chine il y a peu de temps, et j’y ai rencontré les gens de Red Flag Linux qui travaillent avec Intel sur un nouveau système d’exploitation, appelé MIDINUX, pour appareils mobiles pour Internet.

Ils m’ont expliqué que Red Flag Linux était en fait la distribution Linux la plus utilisée à l’échelle mondiale – davantage même qu’Ubuntu – de par l’immensité de la population chinoise. Pourtant, j’ai découvert qu’il est quasi impossible de la télécharger, à cause de l’extrême lenteur des serveurs de téléchargement Red Flag et de leur manque de fiabilité – de plus, elle est uniquement disponible pour le moment en chinois et en espagnol, ce qui à mon avis limite son intérêt pour le reste du monde.

Quoi qu’il en soit, les gens de Red Flag m’ont donné des CD d’installation et nous les avons distribué sur le disque vendu avec APC. Nous l’avons installé pour l’essayer – Firefox y est intégré, et son icône est remarquablement similaire à l’icône Internet Explorer. (Rires).

Mitchell Baker : Tiens, c’est curieux…

Dan Warne (APC) : Et le lecteur multimédia open source a aussi l’icône de Windows Media Player !

Mitchell Baker : Eh bien, il faut vraiment que nous y jetions un coup d’œil, c’est vraiment… intéressant.

Dan Warne (APC) : C’est étrange parce qu’ils ont fait en sorte que le système d’exploitation entier ressemble à Windows XP – c’est comme s’ils avaient pris toutes les icônes et les trucs de Microsoft, et les avaient appliqués à un logiciel open source.

Mitchell Baker : Le logiciel open source et Windows XP, c’est pourtant le jour et la nuit.

Dan Warne (APC) : Tout à fait ! Mais évidemment, ils avaient l’impression que les gens étaient plus à l’aise avec Windows XP, alors ils l’ont fait ressembler à l’OS de Microsoft. C’était très bizarre.

Mitchell Baker : En effet.

Dan Warne (APC) : Sur ce sujet particulier, il y a eu une controverse importante au sujet de l’utilisation de la marque Firefox dans les différentes distributions Linux. De quoi s’agit-il ?

Mitchell Baker : Certaines des distributions Linux distribuent le code Firefox, mais pas le produit Firefox – pas la marque Firefox, par exemple. Certaines des distributions Linux sont très à cheval sur la loi concernant les marques, et donc elles fournissent le navigateur sous une autre marque qui permet à leurs groupes de travailler dans un cadre au sein duquel ils se sentent à l’aise.

Dan Warne (APC) : En tant que présidente de Mozilla, pensez-vous que cela soit nécessaire ? Est-ce que Mozilla entamerait des actions légales contre un système d’exploitation Linux utilisant la marque Firefox ?

Mitchell Baker : Ce n’est pas le fait qu’il intègre Firefox qui nous pose problème, mais plutôt si un groupe de logiciel libre réalise des changements significatifs du code et le distribue en tant que Firefox. Ce serait problématique, et c’est parfois une divergence de point de vue qui nous oppose à certains distributeurs Linux. C’est un problème assez complexe, mais au bout du compte, ce qui nous importe, c’est que lorsque que quelqu’un distribue Firefox, nous voulons savoir exactement de quelle version il s’agit, et être sûrs que tous les patchs de sécurité soient appliqués à cette version.

Voilà ce qui nous intéresse. S’ils tout le monde se contentait de distribuer un Firefox sans modification, nous laisserions faire, mais les distributions Linux distribuent bien évidemment le produit. C’est donc à ce moment-là que nous avons établi certaines règles : vous pouvez fournir les programmes que vous voulez, mais si ce n’est pas notre programme, alors appelez-le autrement.

Dan Warne (APC) : Ce qui est plus que juste.

Mitchell Baker : Eh bien, oui, mais ç’a été source de conflits.

Dan Warne (APC) : Je dois avouer que je n’avais jamais entendu une explication aussi claire sur le problème. Je pensais qu’il s’agissait d’une sorte de guerre de territoire typique de l’industrie technologique – de petits produits open source se transforment en gros succès et commencent à agir selon une logique plus commerciale.

Mitchell Baker : Oh non, pas du tout. Nous tenons à distribuer notre produit sous notre marque, c’est tout. Nous avons cependant une clause spéciale qui autorise des distributions à apporter des modifications à Firefox sans pour autant devoir changer son nom, car certaines modifications sont nécessaires pour pouvoir installer notre navigateur sur certaines distributions Linux.

Donc, nous acceptons même de pour distribuer "Firefox" quand le code n’est pas à 100% conforme au nôtre, mais à condition que nous ayons convenu d’un accord et que nous connaissions la nature des modifications.

Mais lorsqu’il y a des différences dans les fonctionnalités, on finit par rencontrer des problèmes lors des mises à jour, par exemple. Il y a longtemps, nous nous sommes rendu compte que certaines distributions fournissaient des versions différentes de Firefox, dont certaines fondamentalement différentes, aussi ne pouvions-nous pas assurer le fonctionneraient correct des mises à jour. Voilà ce qui nous tenait à cœur, donc.

Le travail de Mozilla sur le Web 3.0 : les applications web qui fonctionnent aussi hors-ligne

Si vous êtes fanas de technologie, vous aurez déjà essayé bon nombre d’applications web… Gmail, Google Spreadsheets, Zimbra… Michael Arrington de TechCrunch en a fait un fond de commerce en les testant. Mais les visions de nirvana du Web 2.0 s’effondrent quand vous vous trouvez sans connexion à un réseau. Tout d’un coup vous vous retrouvez avec votre bon vieux Microsoft Office. La présidente de la Fondation Mozilla Mitchell Baker dit que faire fonctionner les applications web hors-ligne est une priorité pour Firefox et les versions actuelles intègrent déjà une partie de ces fonctionnalités !

Dan Warne (APC) : Votre discours d’ouverture au CeBIT, le 1er mai, traitait du fonctionnement d’applications web hors-ligne, sans connexion internet. C’est extrêmement intéressant parce que tout le monde attend l’arrivée d’un sauveur qui remplacerait Microsoft Office. Mais pour le moment, tous ceux qui ont utilisé une de ces nouvelles suites bureautiques en ligne sont conscient qu’on ne peut pas les utiliser à bord d’un avion, ou depuis tout autre lieu dépourvu de connexion Internet.

Mitchell Baker : C’est vrai. L’idée principale, c’est que nous investissons beaucoup dans le web lui-même en tant plateforme. Mais quelles sont les capacités du web, et sont-elles suffisamment solides pour offir des alternatives viables aux technologies propriétaires comme Silverlight, par exemple ?

Et sont-elles aussi assez robustes pour rendre le web attractif en comparaison des applications de bureau, parce que c’est la plateforme qui nous intéresse.

Ainsi, les applications hors-ligne sont capables de fonctionner hors-ligne un certain temps – c’est un des atouts qui devrait aller de l’avant la plateforme web. Nous avons déjà accompli une bonne partie du travail, et donc , tout le code de base ou presque – les bases de données et le stockage sont nécessaires pour le support des applications web hors-ligne – est déjà présent dans les versions actuelles de Firefox.

Ces fonctionnalités sont présentes depuis Firefox 2, mais les gens l’ignorent et ne s’en servent pas. Nous nous sommes dit que nous devrions faire une démonstration pour que les gens voient de quoi il s’agit. Nous sommes à présent assez au point et disposons d’assez de ressources pour pouvoir le faire. Notre équipe néo-zélandaise qui y travaille sont impressionants.

Mal nous a donc paru le choix idéal pour procéder à cette démo, et il a donc travaillé avec Zimbra, sur quoi il avait bien sûr déjà travaillé en tant que développeur open source. Il nous a livré une très jolie démonstration des capacités de cette technologie.

Ensuite, on a travaillé sur notre site Mozilla Developer Center (developer.mozilla.org) pour expliquer de quoi il s’agit est et fournir de l’aide. Ainsi vous pouvez trouver des infos sur les applications hors-ligne – ce dont nous sommes assez fiers. Nous proposons pas mal de documentation de qualité . Un échantillon de code devrait s’y trouver, mais je ne suis pas sûre qu’il y soit déjà.

L’idée, c’est que toutes les fonctionnalités pour les applications hors-ligne soient disponibles pour la sortie de Firefox 3, et que les sites Web offrent rapidement des applications tirant parti du fonctionnement déconnecté, de sorte que les utilisateurs réalisent l’immense intérêt de la chose.

Dan Warne (APC) : Très intéressant. Et donc la dernière question… combien de temps avant Firefox 3 ?

Mitchell Baker : (Rires) Notre objectif, c’est de le sortir pour la fin de l’année mais nous ne le saurons pas avant les bêtas. C’est quand nous aurons réalisé une certaine quantité de tests que nous pourrons donner une meilleure estimation de la date de sortie.

Nous avons besoin d’entre 50 et 100 000 utilisateurs, donc peut-être 70 000 personnes, pour vraiment avoir une idée d’où nous en sommes. C’est dans ces cas-là que nous trouvons que les tests open sources sont un avantage phénoménal. Quand nous en sommes aux bêtas et que nous atteignons ce nombre grâce au web, nous pouvons tester notre produit dans des conditions réelles sur une très vaste échelle. Même si vous automatisez des tests, vous ne pouvez pas automatiser à une telle échelle.

Donc quand vous atteignez ce nombre de personnes vous recevez beaucoup d’informations qui vous en disent bien plus que tout ce que vous pensiez auparavant. Donc c’est quand nous pouvons commencer à évaluer le nombre de bêtas seront nécessaires (inaudible).

Dan Warne (APC) : Je serai l’un d’entre eux. Merci beaucoup pour avoir partagé vos pensées aussi généreusement.

Notes

[1] Merci à Daria, Don Rico, HL, Olivier, Penguin et Yostral pour cette traduction d’envergure réalisée en un temps record dans la joie et la bonne humeur.

[2] Crédit photo : Will Pate sous licence Creative Commons BY-NC. La ressemblance entre le logo Firefox et la coupe de cheveux de Mitchell Baker ne serait que purement fortuite !




Une journée sans logiciel libre…

Kinnéidigh Garrett - CC byPetite traduction pédagogique sans prétention illustrant la paralysie qui affecterait Internet si le logiciel libre n’était plus là, permettant par là-même au grand public de se rendre compte par la négative de son importance et de sa diffusion[1].

En fait si le logiciel libre n’existait pas il faudrait l’inventer…

A Day Without Open Source

William Hurley – 9 mai 2007
(Traduction Framalang : HL et Don Rico)

J’étais à une conférence quand deux techniciens entrèrent dans la salle de bar, l’un favorable au logiciel libre, l’autre résolument contre. Ils mirent le moulin en route après quelques verres et Mr Contre remarqua d’une voix forte : « Le logiciel libre, je voudrais bien que ça dégage ! Ça crée plus de problèmes que ça n’a d’avantages.» Déclarations avec lesquelles, de toute évidence, j’ai quelques difficultés. Bon, je sais que la plupart des gens ne comprennent pas le rôle du logiciel libre dans notre monde, ou ignorent combien de services que nous tenons pour acquis disparaitraient sans sa présence. Si vous êtes membre du club, vous voyez probablement où je veux en venir.

Imaginons qu’au douzième coup de minuit, tout logiciel libre s’évapore comme par magie. Qu’est-ce qui fonctionnerait encore demain ? Pour commencer, Internet « disparaîtrait » pour l’utilisateur moyen. La plupart des serveurs de nom de domaines (DNS) fonctionnent sous des logiciels libres comme BIND, qui transforme www.framablog.org en une adresse IP du serveur adéquat. On perdrait en route la majorité des utilisateurs de base d’Internet. Bien sûr, BIND n’est pas le seul logiciel libre pour les DNS. Et toutes les solutions logicielles pour DNS ne sont pas libres.

Mais supposons que les DNS fonctionnent toujours, ou que par hasard vous avez mémorisé 72.14.207.99 au lieu de www.google.com. Même si les serveurs de noms de domaines fonctionnaient, Google disparaîtrait complètement d’Internet. Google tourne essentiellement sous Linux – qui est sans doute le plus populaire des systèmes d’exploitation libres de la planète. Pas de souci. Vous n’avez qu’à aller voir chez Yahoo!, Pas vrai ? Eh bien non. Yahoo! est l’un des plus grands consommateurs d’un autre système d’exploitation très répandu issu du libre : FreeBSD. A présent, vous vous êtes résigné à essayer 207.68.172.246. Nous savons tous qu’ils n’utilisent pas de logiciel libre, et qu’ils s’échinent depuis un bout de temps sur cette fonction de recherche.

OK, MSN est là, paré à la manoeuvre, alors maintenant lançons une recherche. J’ai entendu un remix sympa de Shakira à la radio ce matin, c’est ce que je vais rechercher. MSN me renvoie une liste de sites qui proposent la chanson… Je clique dessus… et… rien. Pas de dance music ? Pas de rythmes latinos ? Plus de 60% des sites Internet tournent sous Apache, un serveur web issu du libre. Avant même que je ne clique sur un lien, mes chances de succès ont été réduites à 4 sur 10.

Sur les 118 023 363 sites recensés jusqu’à présent par NetCraft ce mois de mai, un petit peu plus de 70 millions ne fonctionneraient plus si le logiciel libre venait à disparaître. Certes, Apache n’est pas le seul seveur web issu du libre et… Vous connaissez la suite. Je pourrais continuer des heures et des heures sur vos transactions en ligne, qui ne pourraient être sécurisées sans OpenSSH et OpenSSl et tous les autres services auxquels des utilisateurs ont recours tous les jours et qui, selon ce scénario, n’existeraient pas.

Le logiciel libre n’est pas une nouvelle tendance. Ce n’est pas un phénomène de mode éphémère. Il est partout, que vous le reconnaissiez ou non. De Linux intégré aux nouveaux routeurs sans fil en passant par Firefox, le navigateur libre le plus utilisé au monde, le logiciel libre est la force motrice d’Internet et d’innombrables autres technologies.

Vous savez déjà que je suis un inconditionnel du libre, mais vous, qu’en pensez-vous ? J’aimerais connaître votre avis sur la façon dont la disparition du logiciel libre vous affecterait.

Notes

[1] Crédit photo : Kinnéidigh Garrett (Creative Commons By)




10 règles d’or pour rejoindre les développeurs d’un logiciel libre

TheAlieness GiselaGiardino - CC by-saJe ne sais si c’est un regret mais je ne suis pas développeur. Du coup ma connaissance du logiciel libre est exogène et non endogène et par là-même inévitablement partielle. C’est pourquoi je suis souvent à l’affût d’informations sur les modes opératoire des projets communautaires libres qui me permettent de combler certaines lacunes et parfaire ma culture en la matière. J’y trouve également des sources d’inspiration pour notre propre projet qui est celui d’animer collectivement le réseau Framasoft avec quelque part le même état d’esprit qu’une communauté de développeurs open source.

Tout ça pour dire que cette nouvelle traduction concerne avant tout ceux qui voudraient rejoindre pour la première fois la communauté d’un logiciel libre mais également tous ceux qui en fins observateurs souhaitent un peu mieux comprendre comment ça marche de l’intérieur. Parce qu’effectivement, et Framasoft est là pour en témoigner en aval, force est de constater que le logiciel libre ça marche et même plutôt bien 🙂

Nous avons conservé tout le long l’expression open source utilisée par l’auteur. Même si parfois sujet à précision voire controverse, elle est ici pour nous pleinement synonyme de logiciel libre (free software).

Je signale au passage que sur le même thème notre dynamique petite équipe de traduction (baptisée Framalang) a entrepris une autre chantier autrement plus ambitieux : traduire le livre de Karl Fogel Producing Open Source Software dont nous espérons la matérialisation en un joli Framabook dans le courant de l’été[1].

10 règles d’or pour démarrer avec l’open source

10 golden rules for starting with open source

Tobias Schlitt – 19 avril 2007
(Traduction Framalang : Daria, Olivier et Yostral)

Êtes-vous nouveau en open source ? Si ce n’est pas le cas, vous rappelez-vous encore ce que c’était, quand vous avez commencé pour la première fois avec l’open source? J’ai récemment essayé de me rappeler ces jours… c’était en 2001, quand j’ai découvert PEAR et que, peu de temps après, j’ai commencé à travailler sur mes propres paquets pour PEAR…

Je suis presque sûr d’avoir violé au moins 9 des 10 règles que je vais essayer d’écrire ici, règles que vous devriez connaître et prendre à coeur si vous voulez faire partie de la communauté open source. En tout cas, vous devrez garder ces règles en tête si vous voulez entrer dans la communauté PHP, mais je suis presque sûr que cela s’applique aussi à d’autres communautés.

Si vous voulez vous lancer tout de suite dans le développement open source, soyez sûr de lire les règles suivantes avant d’aller plus loin. Je suis sûr que vous avez beaucoup, beaucoup de grandes idées à l’esprit et que vous ne pouvez pas attendre pour en parler et les réaliser. Mais, prenez d’abord une grande respiration et lisez les règles suivantes, pensez-y, prenez-les à coeur, puis recommencez et repensez-y encore…

1. Collez à votre niveau de Karma

L’open source n’est pas une démocratie. Vous avez entendu autre chose ? C’est faux. Gardez toujours à l’esprit : l’open source n’est pas une démocratie. Chaque développeur a un certain niveau de Karma (inexprimé et inexprimable), ce qui lui permet de décider (ou même de dicter) des choses et d’utiliser certaines infrastructures de la communauté (comme leur système de versionnage , leurs serveurs…). Pensez au Karma comme à votre niveau de points dans un jeu de rôle. Plus le nombre de niveau auxquels vous avez joué augmente, plus vous résolvez des énigmes, plus votre niveau de Karma s’élève. Mais prenez garde, il peut aussi baisser si vous n’agissez pas correctement.

Cela étant, si vous êtes nouveau dans cette communauté, votre niveau de Karma est de 0, par défaut. Vous devrez toujours garder cela en tête. Donc, qu’est-ce que c’est tous ces trucs autour du Karma ? Le Karma représente essentiellement la confiance que la communauté a en vous. Il n’est pas possible de mesurer le Karma avec un nombre ou même de le deviner, parce qu’il y a tellement de facteurs influençant votre Karma, et votre niveau de Karma est différent pour chaque individu de la communauté. Par exemple votre niveau d’expérience technique influence habituellement grandement votre Karma : plus vous en savez à propos du sujet de votre projet et au sujet de l’environnement technique, plus votre Karma sera élevé. Un autre facteur est la quantité de travail que vous investissez dans le projet : si vous êtes membre de ce projet depuis longtemps et que vous avez déjà passé des milliers d’heures à travailler dessus, votre Karma sera probablement élevé aussi.

Il y a beaucoup d’autres facteurs qui influencent votre Karma de développeur open source, comme vous allez l’expérimenter dans les prochaines semaines et prochains mois. Ce que vous devez avant tout vous rappeler est ceci : si vous êtes nouveau dans la communauté votre niveau de Karma est de 0 (ou proche). Pour augmenter votre Karma vous avez besoin de montrer à la communauté que vous êtes digne de confiance. Vous y parviendrez en respectant simplement les 9 règles suivantes.

2. L’information est le Karma

La première chose que vous voudriez probablement faire c’est poser une question ou proposer une idée cool à la communauté. Il y a de bonnes chances pour que vous le fassiez sur une liste de diffusion, qui est le moyen de communication le plus commun dans le monde de l’open source. Evitez de faire cela tout d’abord ! Les gens se fatiguent vraiment très vite si vous leur demandez quelque chose qui est évident à leurs yeux ou si vous proposez une idée/posez une question qui a été proposée/posée par d’autres avant (surtout si cela est déjà arrivé plusieurs fois).

Donc, que devrez-vous effectivement faire avant de poster une question ? Cherchez l’information ! Essayez Google, les sites des projets, les archives des listes de diffusion, la sphère des blogs du projet et toutes les ressources que vous pourrez imaginer. N’effectuez pas une seule recherche, mais affinez votre recherche pour voir s’il n’y a vraiment rien de relatif à votre question. Il n’y a rien? Essayez encore de chercher ! Il n’y a vraiment rien ? Ok, alors allez-y et écrivez votre billet. Mais soyez sûr de lire les 8 règles suivantes avant de le faire !

Et que faire si vous avez une idée ? Faites la même chose que ce que vous devez faire pour les questions ! Regardez si quelqu’un d’autre n’a pas eu la même idée ou une idée similaire. Vous ne trouvez rien ? Vraiment sûr ? Faites alors des recherches sur le sujet. N’écrivez pas simplement quelque chose comme « Ne serait-il pas cool de… » ou « J’ai eu l’idée de… ». Effectuez des recherches sur le sujet dont vous voulez parler avec pédantisme. Comment d’autres projets (peut-être dans d’autres langages ou sur d’autres systèmes d’exploitations) résolvent-ils la question ? N’y a-t-il rien de similaire qui existe ? Pensez aux autres besoins des utilisateurs. Est-ce que c’est quelque chose spécialement pour vous ? Alors commencez à écrire une prétendue proposition. Choisissez un sujet explicite pour votre billet (pas seulement « J’ai une idée » ou quelque chose comme ça). Commencez à écrire une spécification : quel est votre problème ? Quelle est votre idée pour le résoudre ? Comment cela s’intégre-t-il dans le projet ? Qu’est-ce qui est nécessaire pour le faire ? Soyez prolixe sur tout cela. Dans la plupart des cas, les autres personnes ont une perspective complètement différente de la situation globale.

3. S’y habituer

Un point très important avant que vous ne commenciez à devenir un « contributeur » est de vous habituer à ce avec quoi vous travaillez et au sujet dont vous parlez. Vous n’aurez probablement jamais utilisé certains des outils qui sont employés couramment pour le projet, ou bien les outils utilisés sont différents de ceux dont vous avez l’habitude. Habituez-vous à ces outils et, plus important encore, habituez-vous au projet lui-même. Connaître tous les processus qui sont mis en oeuvre dans votre communauté est un point important. Devenir un habitué des outils qu’ils utilisent l’est encore plus.

L’un des ces outils importants est GNU patch, un outil qui applique des modifications (communément appelé un diff pour difference) à une version existante du code. Générer un patch est en général réalisé avec l’outil GNU diff. Si vous voulez produire un patch pour du code, vous aurez probablement besoin de cet outil. Beaucoup de projets utilisent un système de versionnage pour archiver leur code source. Les programmes les plus courants sont CVS et son petit frère plus récent SVN. Habituez-vous à ces systèmes et utilisez les activement ! Ces deux systèmes vous autorisent à extraire (check out en anglais) une certaine version de la source, à la manipuler et automatiquement à génerer un diff pour vos changements.

Si vous avez déjà fait ça, continuez et lisez les 7 prochaines règles !

4. Ne vous surestimez pas

Vous êtes un geek cool. Vous faites du développement depuis des années et, dans votre entourage, vous êtes un des gars les plus intelligents. C’est super. Mais ne présumez pas que cela vaut aussi pour le projet que vous voulez rejoindre. L’open source est habituellement réalisée par des gens qui sont extrêmement intéressés par le sujet, qui sont parfois beaucoup plus intelligents que vous et qui ont probablement une centaine de fois plus d’expérience que vous dans ce sujet spécifique. Restez calme et soyez plutôt timide qu’arrogant. Réfléchissez aux réponses données par les membres du projet, même si vous les trouvez stupides de prime abord ou si elles vous semblent grossières. Etudiez les sujets dont les gens parlent avant d’écrire une réponse. Prenez les réponses à vos demandes sérieusement, même si elles peuvent vous sembler illogiques.

5. Agir signifie Karma

Comme dit auparavant, le Karma est une valeur appréciable, qui dépend d’une centaine de facteurs. Un de ces facteurs est la comparaison entre ce que vous dites et ce que vous faites. Si vous avez une idée pour un projet et que vous êtes capable de la réaliser : allez-y et mettez la en œuvre. Si vous avez besoin d’une fonctionnalité, vous la ferez probablement de toute façon et utiliserez votre patch pour votre usage personnel. Si cela fonctionne, allez à la règle 2 et attachez votre patch à la proposition que vous avez écrite ! Cependant, avant d’agir, finissez de lire les 5 règles suivantes.

6. Soyez amical et ouvert

La plupart des développeurs open source avec qui vous traiterez auront probablement fait de l’open source depuis des années. Ils sont déjà stressés par des utilisateurs qui attendent que quelque chose se passe mal et par les nouveaux développeurs qui ne collent pas aux règles que vous êtes en train de lire. Souvenez-vous de ceci quand vous lisez leurs mails. Ces gars ne sont pas inamicaux ou grossiers, ils sont seulement occupés et ennuyés. Vous arriverez dans un état, où vous aurez à lire 20 listes de diffusion avec des milliers de posts, garder un oeil sur le grand nombre de lignes de code, intervenir dans beaucoup de discussions et interagir avec beaucoup de personnes différentes. Quand vous lirez les mails, prenez juste l’essence objective des mots que vous lisez et ignorez la tonalité que vous pourriez ressentir.

7. S’énerver est mauvais !

Cette règle[2] est presque la même que la règle 6, mais c’est toujours très important. Lisez chaque conversation avec attention. Je connais ce sentiment assez bien, lorsque vous pensez que votre interlocuteur « est un idiot ». Il ne l’est pas ! Il n’y a pas d’idiot ici. Il a juste un point de vue différent du votre, ou a une base technique différente. Restez calme, réfléchissez à votre réponse pendant quelques minutes/heures/jours, puis écrivez-la quand vous ne serez plus en colère. Essayez d’énoncer vos arguments avec des mots polis et expliquez en détails pourquoi vous avez une opinion différente. Si vous sentez votre colère revenir pendant que vous écrivez, gardez votre réponse et revoyez-la encore plus tard. Les discussions enflammées sont vraiment une mauvaise chose et polluent les canaux de communication de votre projet. Elles ne cesseront jamais d’être mais c’est ainsi. La seule chose que vous pouvez faire contre cela, c’est de ne pas y prendre part.

8. Respecter le code étranger

Chaque partie du code que vous verrez a été écrite dans un but précis. Si vous parcourez le code d’autres personnes, vous penserez souvent « Quoi !!! ». Ne changez pas immédiatement le code pour qu’il fonctionne comme vous l’attendez personnellement. Prenez contact avec le développeur qui a écrit le code (par exemple en utilisant « svn blame », voir la règle 3). Discutez de votre point de vue avec lui. Ne faites pas cela en public tant que cela n’affecte pas une grande partie du projet. Si vous le faîtes, référez-vous au système de communication générale de votre projet et annoncez le problème à cet endroit. Souvenez-vous à tout prix des règles 2, 3 et 4. Si vous ne pouvez pas décider si un problème y a sa place, prenez contact avec des gens du projet que vous connaissez déjà et demandez-leur de l’aide. Si vous êtes sympa et que vous leur décrivez ce que vous voulez, ils vous aideront sûrement.

9. N’attendez rien

L’open source signifie habituellement travailler sur la base du volontariat. Ces gens fournissent (pour la plupart) des logiciels gratuits, donc ils ne font pas d’argent avec ce qu’ils réalisent de leurs mains. Ils le font pour différentes raisons. Certains sont juste idéalistes, d’autres veulent simplement partager quelque chose, d’autres veulent se faire connaître, d’autres veulent faire de l’argent avec les services qu’ils fournissent en plus et d’autres encore ont tout en même temps à l’esprit ou encore d’autres raisons… Quelle que soit leur raison pour faire de l’open source, ils le font gratuitement. Gardez toujours cela à l’esprit quand vous leur soumettez une requête.

Par exemple « les demandes de fonctionnalités » sont une bonne chose. Elles donnent aux développeurs une idée de ce dont ils pourraient aussi avoir besoin. Cependant, la majorité des développeurs open source implémenteront seulement les fonctionnalités dont ils ont aussi besoin, ou dans lequel ils voient un défi technique intéressant. Ne soyez pas ennuyé s’ils refusent d’implémenter une fonctionnalité dont vous auriez besoin. C’est leur strict droit de le refuser, jusqu’à ce que vous les payez pour le faire. Si une demande de fonctionnalité est refusée ou n’est pas implémentée, allez-y, implémentez-la vous-même ou envisagez de payer un développeur pour son implémentation. Les développeurs open source ont aussi besoin d’argent pour vivre et ils ne refuseront probablement pas de vous fournir un patch en échange d’un salaire. Quoi qu’il en soit, ils pourraient encore ne pas inclure votre idée dans leur projet ou l’implémenter d’une façon différente. Ne soyez pas fâché ! Ils ont le droit de le faire ! Essayez de faire avec leur conclusion ou essayez de les convaincre de le faire différemment, mais souvenez-vous toujours de respecter les 8 règles précédentes quand vous le faites.

Peu importe ce qui a été décrit avant, reconsidérez toujours votre idée plusieurs fois. Attendre quelque chose d’un développeur open source n’est pas la manière dont les choses marchent habituellement. Le faire vous-même est ce qui habituel.

10. Apprendre est tout

L’idée la plus importante derrière l’open source est l’apprentissage. Les gens fournissent leurs sources de manière ouverte pour permettre à d’autres personnes d’apprendre de leurs sources et d’apprendre des contributions des autres. C’est la même chose pour n’importe quel savoir ou connaissance fourni à propos du projet. Regardez simplement cet article et réfléchissez aux raisons pour lesquelles j’ai pu l’écrire ? C’est exact, c’est parce que je veux partager mon expérience de la communauté open source avec toute personne la découvrant et parce que je veux avoir des retours des autres, pour voir où je pourrais encore avoir des faiblesses et ce à quoi je n’ai pas prêté attention, pour le moment.

Soyez sûr d’apprendre quelque chose de chaque ligne que vous lisez, que ce soit du code ou une conversation. Vous pouvez apprendre de tout le monde, même si cela vous permet seulement d’apprendre comment une chose ne doit pas être faite…

Pendant que j’écrivais ces 10 règles, que je considère très importantes à lire pour chaque nouveau développeur open source, j’avais déjà d’autres règles en tête. Mais restons en là avec ces 10 règles, pour donner un point de départ. Si je pense à d’autres choses qui s’avèreraient être un ajout réellement intéressant, je les ajouterai plus tard. Nous verrons. Merci pour tous vos retours et j’espère que ce billet sera utile à chaque nouveau…

Kore m’a aussi conseillé de me référer à De la bonne manière de poser les questions, qui lui a rappelé ce billet, lorsqu’il le relisait. Je n’ai pas lu cet article avant (mais peut-être un autre semblable), mais cela a vraiment l’air approprié. Si vous avez d’autres ressources, n’hésitez pas à laisser un commentaire !

Notes

[1] Crédit photo : TheAlieness GiselaGiardino (Creative Commons By-Sa)

[2] NdT : Le titre original était Flaming is bad. Vous trouverez une explication du flaming sur Wikipédia.