Open source ? Logiciel libre ? Les deux mon capitaine ?

Gianca - CC by-saNous reproduisons ici un article de la FSF de Stallman expliquant pourquoi de son point de vue il est plus que préférable, sémantiquement parlant, d’utiliser l’expression « logiciel libre » plutôt que « Open Source ».

Chez les francophones le débat est atténué parce que « libre » ne peux également signifier « gratuit » mais aussi parce que le monde de l’entreprise semble avoir adopté « logiciel libre » dans sa grande majorité.

Il n’empêche que cette polémique interne, de celles qu’affectionnent tant la communauté, est loin d’être stérile dans la mesure où elle permet à tout un chacun de mieux se positionner par rapport à sa propre définition d’un logiciel libre ainsi qu’au mouvement qui lui est associé[1].

Par exemple c’est toute l’approche pragmatique Windows de Framasoft qui se trouve interpellée par cette citation de Stallman extraite d’un autre billet blog : « Si vous n’avez pas la liberté pour principe, vous trouverez toujours une bonne raison de faire une exception. Il y aura toujours des moments où, pour une raison ou pour une autre, il y a un avantage pratique à faire une exception. »

Bonne lecture…

Pourquoi l’« Open Source » passe à coté du problème que soulève le logiciel libre

Why Open Source misses the point of Free Software

Richard Stallman – dernière mise à jour : 19 juin 2007
(Traduction : Mathieu Stumpf)

Quand on dit qu’un logiciel est « libre », on entend par là qu’il respecte les libertés essentielles de l’utilisateur : la liberté de l’utiliser, de l’étudier et de le modifier, et de redistribuer des copies avec ou sans modification. C’est une question de liberté, pas de prix, pensez donc à « liberté d’expression » (ndt : « free speech » en anglais), et pas à « bière gratuite » (ndt : « free beer » en anglais).

Ces libertés sont d’une importance vitale. Elles sont essentielles, pas juste pour les enjeux individuels des utilisateurs, mais parce qu’elles promeuvent la solidarité sociale, que sont le partage et la coopération. Elles deviennent encore plus importantes à mesure que de plus en plus notre culture et les activités quotidiennes sont numérisés. Dans un monde de sons, d’images et de mots numériques, le logiciel libre devient de plus en plus nécessaire pour la liberté en général.

Des dizaines de millions de personnes à travers le monde utilisent maintenant le logiciel libre ; les écoles des régions de l’Inde et de l’Espagne enseignent maintenant à tous les étudiants à utiliser le système d’exploitation libre GNU/Linux. Mais la plupart des utilisateurs n’ont jamais entendu parler des raisons éthiques pour lesquelles nous avons développé ce système et bâti la communauté du logiciel libre, parce qu’aujourd’hui ce système et la communauté sont plus souvent décrits comme « open source » (ndt : à code source ouvert) et attribués à une philosophie différente dans laquelle ces libertés sont à peine mentionnées.

Le mouvement du logiciel libre a fait campagne pour la liberté des utilisateurs d’ordinateur depuis 1983. En 1984 nous avons lancé le développement du système d’exploitation libre GNU, pour pouvoir ainsi éviter d’utiliser un système qui refuse la liberté à ses utilisateurs. Durant les années 80, nous avons développé la majeure partie des composants essentiels d’un tel système, tout autant que la GNU General Public License, une licence conçue spécifiquement pour protéger la liberté pour tous les utilisateurs d’un programme.

Cependant, tous les utilisateurs et les développeurs de logiciel libre n’étaient pas en accord avec les buts du mouvement du logiciel libre. En 1998, une partie de la communauté du logiciel libre s’est mise à part et a commencé à faire campagne au nom de l’« open source ». Le terme fut originellement proposé pour éviter une possible incompréhension du terme « logiciel libre » (ndt : « free software ») mais il fut bientôt associé avec des points de vue philosophique complètement différents de ceux du mouvement du logiciel libre.

Certains des partisans de l’« open source » considéraient cela comme « une campagne marketing pour le logiciel libre » qui plairait aux cadres des entreprises en citant les avantages pratiques, tout en évitant les idées de bien ou de mal qu’ils pourraient ne pas aimer entendre. D’autres partisans rejetèrent catégoriquement les valeurs morales et sociales du mouvement du logiciel libre. Quel que fut leur point de vue, pendant leur campagne sur l’« open source » ils ne mentionnèrent ou ne préconisèrent pas ces valeurs. Le terme « open source » devint rapidement associé avec la pratique de ne citer que les valeurs pratiques, tel que faire des logiciels puissants et fiables. La plupart des défenseurs de l’« open source » se sont ralliés à celui-ci depuis, et cette pratique est celle dont ils se servent.

Pratiquement tous les logiciels « open source » sont des logiciels libres ; les deux termes décrivent pratiquement la même catégorie de logiciel. Mais ils représentent des vues basées sur des valeurs fondamentalement différentes. L’« open source » est une méthodologie de développement ; le logiciel libre est un mouvement social. Pour le mouvement du logiciel libre, le logiciel libre est un impératif éthique, parce que seul le logiciel libre respecte la liberté de l’utilisateur. En revanche, la philosophie de l’« open source » considère uniquement les questions pratiques en termes de performance. Cela signifie que les logiciels non-libres sont des solutions sous-optimales. Pour le mouvement du logiciel libre cependant, les logiciels non-libres sont un problème social et migrer vers les logiciels libres est une solution.

« Logiciel libre ». « Open source ». Si ce sont les mêmes logiciels, le nom utilisé pour les qualifier est-il important ? Oui, parce que des mots différents véhiculent des idées différentes. Bien qu’un programme libre avec n’importe quel autre nom vous donnerait la même liberté aujourd’hui, l’établissement de la liberté de manière durable dépend par dessus tout de l’enseignement de la valeur de la liberté. Si vous voulez aider à faire cela, il est essentiel de parler de « logiciel libre ».

Nous, dans le mouvement du logiciel libre, nous ne considérons pas le mouvement « open source » comme un ennemi ; l’ennemi est le logiciel propriétaire. Mais nous voulons que les gens sachent que nous représentons la liberté, alors nous n’acceptons pas d’être incorrectement assimilés aux défenseurs de l’« open source ».

Malentendus courants sur le « logiciel libre » et l’« open source »

Ndt : Le paragraphe suivant traite de l’amalgame qui existe dans le terme « logiciel libre » dans la langue anglaise. En effet, en anglais on parle de « free software », le mot « free » pouvant s’interpréter aussi bien par « libre » que par « gratuit ». En français cet amalgame n’existe pas.

Le terme de « free sofware » souffre d’un problème de mauvaise interprétation : une signification fortuite, « un logiciel que vous pouvez avoir gratuitement » correspond au terme aussi bien que la signification voulue, « un logiciel qui donne certaines libertés à l’utilisateur ». Nous traitons ce problème en publiant la définition de logiciel libre, et en disant « Pensez à la liberté d’expression, pas à la bière gratuite » (ndt : « Think of free speech, not free beer. »). Ce n’est pas une solution parfaite, cela ne peut pas complètement éliminer le problème. Un terme correct non ambigu serait meilleur, s’il n’avait pas d’autres problèmes.

Malheureusement, toutes les alternatives en anglais ont leurs propres problèmes. Nous avons étudié de nombreuses alternatives que les gens nous ont proposées, mais aucune n’est aussi clairement « juste » pour que changer soit une bonne idée. Tous les remplacements suggérés pour « free software » ont des problèmes de sémantique, ce qui inclut « open source software ».

La définition officielle d’un « logiciel open source » (qui est publiée par l’Open Source Initiative est trop longue pour être citée ici) était indirectement dérivée de nos critères pour le logiciel libre. Ce n’est pas la même elle est un peu plus laxiste à quelques égards, en conséquence de quoi les défenseurs de l’open source ont accepté quelques licences que nous considérons inadmissibles par les restrictions qu’elles imposent aux utilisateurs. Néammoins, elle est assez près de notre définition dans la pratique.

Cependant, la signification évidente de « logiciel open source » est « Vous pouvez regardez le code source » et la plupart des gens semble penser que c’est ce que cela signifie. C’est un critère beaucoup plus faible que celui du logiciel libre, et beaucoup plus faible que la définition officielle de l’open source. Elle inclut beaucoup de programmes qui ne sont ni libres, ni open source.

Puisque cette signification évidente d’« open source » n’est pas la signification que ceux qui la préconisent entendent, le résultat est que la plupart des gens se méprennent sur le terme. Voilà comme Neal Stephenson définit l’« open source » :

Linux est la signification du logiciel « open source », simplement que quiconque peut obtenir des copies des fichiers de son code source.

Je ne pense pas qu’il a délibérément cherché à rejeter ou contester la définition officielle. Je pense qu’il a simplement appliqué les conventions de l’anglais pour trouver une signification du terme. L’état du Kansas à publié une définition similaire :

Utiliser le logiciel open source. Le logiciel open source est un le logiciel pour lequel le code source est librement et publiquement disponible, bien que les accords de licence spécifiques changent quant à ce qui est permis de faire avec ce code.

Les gens de l’open source essaient de traiter ceci en renvoyant à leur définition officielle, mais cette approche corrective est moins efficace pour eux qu’elle ne l’est pour nous. Le terme « free software » a deux significations naturelles, l’une d’entre elle est la signification escomptée, ainsi une personne qui aura saisi l’idée de « free speech, not free beer » ne pourra plus dès lors se tromper sur son sens. Ainsi il n’y a aucune manière succincte d’expliquer et de justifier la définition officielle d’« open source ». Cela rend encore pire la confusion.

Des valeurs différentes peuvent amener à des conclusions similaires… mais pas toujours

Les groupes radicaux dans les années 60 avaient une réputation pour le sectarisme : quelques organismes se sont scindés en deux en raison des désaccords sur des détails de stratégie et les deux groupes résultants se sont traités l’un l’autre comme des ennemis en dépit du fait qu’ils aient les mêmes buts et des valeurs de base semblables. La droite a fait grand cas de ceci et a utilisé cela pour critiquer la gauche toute entière.

Certains essaient de déprécier le mouvement du logiciel libre en comparant notre désaccord avec l’open source avec les désaccords de ces groupes radicaux. Ces personnes ne font que reculer. Nous sommes en désaccord avec le camp de l’open source sur les buts et les valeurs de base, mais leurs points de vue et les nôtres mènent dans beaucoup de cas au même comportement pratique, comme développer du logiciel libre.

En conséquence, les gens du mouvement du logiciel libre et du camp de l’open source travaillent souvent ensemble sur des projets pratiques tels que le développement de logiciel. Il est remarquable que de telles différences de point de vue philosophiques puissent tellement souvent motiver des personnes différentes à participer aux mêmes projets. Néanmoins, ces vues sont très différentes et il y a des situations où elles mènent à des actions très différentes.

L’idée de l’open source c’est que permettre aux utilisateurs de modifier et redistribuer le logiciel le rendra plus puissant et fiable. Mais ce n’est pas garanti. Les développeurs de logiciel propriétaire ne sont pas nécessairement incompétents. Parfois il produisent un programme qui est puissant et fiable, bien qu’il ne respecte pas les libertés des utilisateurs. Comment les activistes du logiciel libre et les supporters de l’open source vont réagir à cela ?

Un supporter de l’open source, un qui n’est pas du tout influencé par les idéaux du logiciel libre, dira, « Je suis surpris que vous ayez été capable de faire fonctionner ce programme si bien sans utiliser notre modèle de développement, mais vous l’avez fait. Comment puis-je avoir une copie ? ». Ce genre d’attitude incite des arrangements qui emportent avec eux notre liberté, la menant à sa perte.

L’activiste du logiciel libre dira « Votre programme est vraiment attrayant, mais pas au prix de ma liberté. Je dois donc faire sans. Au lieu de cela je soutiendrai un projet pour développer un remplacement libre. Si nous accordons de la valeur à notre liberté, nous pouvons agir pour la maintenir et la défendre.

Le logiciel puissant et fiable peut être mauvais

L’idée que nous voulons que le logiciel soit puissant et fiable vient de la supposition que le logiciel est fait pour servir ses utilisateurs. S’il est puissant et fiable, il les sert mieux.

Mais on ne peut dire d’un logiciel qu’il sert ses utilisateurs seulement s’il respecte leur liberté. Que dire si le logiciel est conçu pour enchaîner ses utilisateurs ? La fiabilité ne signifie alors uniquement que les chaînes sont plus difficiles à retirer.

Sous la pression des compagnies de film et de disque, les logiciels à usage individuel sont de plus en plus conçus spécifiquement pour imposer des restrictions. Ce dispositif malveillant est connu sous le nom de DRM, ou Digital Restrictions Management (ndt : Gestion Numérique des Droits) (voir DefectiveByDesign.org), et c’est l’antithèse dans l’esprit de la liberté que le logiciel libre vise à fournir. Et pas simplement dans l’esprit : puisque le but des DRM est de piétiner votre liberté, les concepteurs de DRM essayent de rendre difficile, impossible ou même illégal pour vous de modifier le logiciel qui met en application les DRM.

Pourtant quelques défenseurs de l’open source ont proposé des logiciels « DRM open source ». Leur idée est qu’en publiant le code source de leur programme conçu pour restreindre votre accès aux medias chiffrés, et en autorisant d’autres à le modifier, ils produiront un logiciel plus puissant et plus fiable pour limiter le droit des utilisateurs comme vous. Il vous sera alors livré dans des dispositifs qui ne vous permettent pas de le changer.

Ce logiciel pourrait être « open source » et utiliser le modèle de développement open source ; mais il ne sera pas un logiciel libre, étant donné qu’il ne respectera pas la liberté des utilisateurs qui l’utiliseront. Si le modèle de développement open source réussi à réaliser un logiciel plus puissant et fiable pour limiter vos droits, cela le rendra encore pire.

La crainte de la liberté

La principale motivation initiale pour le terme « logiciel open source » est que les idées éthiques du « logiciel libre » rend certaines personnes mal à l’aise. C’est vrai : parler de liberté, de problèmes d’éthique, de responsabilités aussi bien que de commodités, c’est demander aux gens de penser à des choses qu’ils préféreraient ignorer, comme leur conduite est-elle éthique ou non. Ceci peut déclencher un malaise et certains peuvent simplement fermer leurs esprits à cela. Il ne s’en suit pas que nous devrions cesser de parler de ces choses.

Cependant, c’est ce que les dirigeants de l’« open source » ont décidé de faire. Ils se sont figuré qu’en passant sous silence l’éthique et la liberté, et en ne parlant que des bénéfices immédiats de certains logiciels libres, ils seraient à même de « vendre » le logiciel plus efficacement à certains utilisateurs, particulièrement aux entreprises.

Cette approche à prouvé son efficacité, dans ses propres termes. La rhétorique de l’open source à convaincu beaucoup d’entreprises et d’individus à utiliser, et même à développer du logiciel libre, ce qui a étendu notre communauté, mais seulement au niveau superficiel et pratique. La philosophie de l’open source avec ses valeurs purement pratiques, empêche la compréhension des idées plus profondes du logiciel libre ; elle apporte beaucoup de monde dans notre communauté, mais ne leur enseigne pas à la défendre. Cela est bon, tant que les choses vont bien, mais ce n’est pas assez pour instaurer une liberté durable. Attirer des utilisateurs vers le logiciel libre ne fait que leur faire prendre une partie du chemin pour devenir des défenseurs de leur propre liberté.

Tôt ou tard, ces utilisateurs seront invités à retourner vers le logiciel propriétaire pour quelques avantages pratiques. D’innombrables compagnies cherchent à offrir une telle tentation, certaines offrent même des copies gratuites. Pourquoi les utilisateurs refuseraient-ils ? C’est seulement s’ils ont appris la valeur de la liberté que le logiciel libre leur donne, la valeur de cette liberté en tant que telle plutôt que la commodité technique et pratique de logiciels libres spécifiques. Pour diffuser cette idée, nous devons parler de logiciel libre. Une certaine quantité de l’approche « passer sous silence » avec les entreprises peut être utile pour la communauté, mais elle est dangereuse si elle devient si commune que l’amour de la liberté en vient à sembler comme une excentricité.

Cette dangereuse situation est exactement ce que nous avons. La plupart des gens impliqué dans le logiciel libre en disent peu sur la liberté, habituellement parce qu’ils cherchent à sembler « plus acceptables pour les entreprises ». Les distributeurs de logiciel montrent particulièrement ce modèle. Pratiquement tous les distributeurs de système d’exploitation GNU/Linux ajoutent des paquetages propriétaires au système de base libre, et ils invitent les utilisateurs à considérer cela comme un avantage, plutôt qu’un pas en arrière vis-à-vis de la liberté.

Les greffons logiciels propriétaires et particulièrement les distributions non-libres GNU/Linux, trouvent un sol fertile parce que notre communauté n’insiste pas sur la liberté de ses logiciels. Ce n’est pas une coïncidence. La plupart des utilisateurs GNU/Linux furent introduits au système par un discours « open source » qui ne leur a pas dit que la liberté était le but. Les aspects pratiques qui n’impliquent pas la liberté et les discours qui ne parlent pas de liberté vont de pair, l’un favorisant l’autre. Pour surmonter cette tendance, nous avons besoin de plus parler de liberté, pas l’inverse.

Conclusion

Alors que ceux qui préconisent l’open source amènent de nouveaux utilisateurs dans notre communauté, nous, activistes du logiciel libre, devons travailler encore plus pour porter l’attention de ces nouveaux utilisateurs sur les problèmes de liberté. Nous devons leur dire « C’est le logiciel libre et il te donne la liberté ! » plus souvent et plus fort que jamais. Chaque fois que vous dites « logiciel libre » plutôt qu’« open source » vous aidez notre campagne.

Apostille

Joe Barr a écrit un article intitulé Live and let license (ndt : Vivre et laisser licencier) qui donne sa perspective sur cette question.

Le paper on the motivation of free software developers (ndt : le papier sur la motivation des développeurs de logiciel libre) de Lakhani et Wolf dit qu’une fraction considérable est motivée par la perspective que le logiciel devrait être libre. Cela malgré le fait qu’ils ont examiné les développeurs de SourceForge, un site qui ne soutient pas le point de vue qui veut qu’il s’agit d’un problème éthique.

Copyright © 2007 Richard Stallman

Verbatim copying and distribution of this entire article is permitted in any medium, provided this notice is preserved.

La reproduction exacte et la distribution intégrale de cet article est permise sur n’importe quel support d’archivage, pourvu que cette notice soit préservée.

Notes

[1] Crédit photo : Gianca (Creative Commons By-Sa)




Brevets logiciels, dadvsi, école, haut débit : les représentants de six partis s’expriment en vidéo

01Net - Reportage vidéo - Présidentielle

Fort intéressant reportage vidéo de 01net :

Réunis à l’occasion d’un colloque du Club Sénat au Palais du Luxembourg, les représentants des candidats à la présidentielle ont confié à 01net. leur point de vue sur les grands dossiers techno et Internet.

On y parle souvent des logiciels libres (surtout en réponse à la question : faut-il breveter les logiciels ?) et de ses enjeux connexes avec quatre angles proposés :

  • Le haut-débit pour tous
  • Faut-il breveter les logiciels ?
  • Droits d’auteur : la loi DADVSI est-elle un texte mort-né ?
  • Quels moyens pour l’enseignement des NTIC à l’école ?

Casting :

  • Quitterie Delmas : Porte-parole des Jeunes UDF, membre du bureau politique de l’UDF
  • Vincent Feltesse : Secrétaire national aux NTIC du Parti Socialiste
  • Philippe Herlin : Responsable culture et communication du FN
  • Loïc Le Meur :Porte-parole Internet de Nicolas Sarkozy
  • Jérôme Relinger : Délégué TIC du PCF
  • Yann Wehrling : Porte-parole des Verts

Dérisoires petits commentaires personnels, à l’emporte-pièce, en brève de comptoir, et avec plein de trolls inside :

  • Pas mal la position de Vincent Feltesse sur l’école mais c’est pas non plus idiot de la part de Philippe Herlin de rappeler que c’est pas la panacée et que la priorité est ailleurs
  • Quitterie Delmas (ma nouvelle icône médiatique bobo-chic après Clémentine Autain mon icône bobo-altermondialiste) m’a un peu déçu
  • Assez mordant le Jérôme Relinger (et si d’après lui le seul défaut de l’autre c’est son compagnon, son seul défaut ne serait-il pas d’être communiste ?)
  • Je ne m’attendais pas à une position aussi ouverte du représentant du Front National
  • Plus ouverte et courageuse pour moi que celle de Bloïc Le Meur (et ses business angels quand on lui parle d’école)

Dernière réflexion un peu plus sérieuse cette fois : Tout ceci va globalement dans le bon sens (et c’est d’ailleurs souvent du bon sens) mais dans quelle mesure ces jeunes gens influent-ils sur le candidat qu’ils soutiennent ? Qu’en restera-t-il une fois élu(e) ?

Présidentielle : les projets des candidats pour Internet et la techno (1/2)

PS : C’est l’occasion pour moi d’annoncer la première réponse d’un candidat sur Candidats.fr. En l’occurrence c’est une candidate puisqu’il s’agit de Marie-Georges Buffet.




De l’art de ne pas être un bon rhéteur du libre

Combient de fois avons-nous tenté de convaincre notre auditoire de migrer vers du libre ? Et… d’essuyer malheureusement souvent une fin de non recevoir.

L’entreprise dépend bien entendu du contexte et du logiciel choisi. Dans l’ordre croissant de difficulté, il est a priori plus simple de substituer Firefox à Internet Explorer (voire OpenOffice.org Writer à MS Office Word) que de changer carrément de système d’exploitation.

Il n’empêche que quelle que soit la situation il y a, in my humble opinion, quelques erreurs classiques de communication à ne pas commettre.

  • Ne pas parler trop vite (cela a tendance à crisper votre interlocuteur)
  • Ne pas parler trop fort (cela a tendance à irriter votre interlocuteur)
  • Ne pas parler trop vite et trop fort (cela a tendance à exaspérer votre interlocuteur)
  • Ne pas utiliser de références absconses qui n’évoquent rien à votre interlocuteur si ce n’est qu’il le renvoit à sa propre ignorance (genre : noyau 2.6, LiveCD, et même Gnome 2.0 le jour de la sortie de Warty Warthog !)
  • Ne pas user d’expression qui induit un comportement absurde de la part de votre interlocuteur (genre : attends, comment peux-tu avoir la moindre opinion sur Ubuntu alors que tu ne l’as même pas essayé ?)
  • Ne pas porter de jugement à l’emporte pièce lorsque votre interlocuteur se montre réticent au changement ( genre : ok, reste dans ta caverne !)

Mélangez tout ces ingrédients et vous obtenez alors un dialogue de sourd où les protagonistes par réaction restent sur leur position en y mêlant ego et orgueil.

La preuve par l’exemple avec cet extrait de la série américaine (et donc planétaire) Veronica Mars.

Notre jeune geek a bien mérité cette réplique cinglante de la demoiselle qui clot le débat : I know what I like and I like what I know !




Linux : toujours libre mais moins « bénévole » ?

GNU/Linux - ContributeursUn bon gros troll bien poilu ? Non plutôt une interrogation furtive sur le caractère réel ou mythique du logiciel libre qui serait, dit-on, principalement développé par des bénévoles passionnés[1] sur leur temps libre.

Après une étude assez poussée des principaux contributeurs de la dernière version du noyau Linux, la 2.6.20, un récent article de LWN.net intitulé Who wrote 2.6.20? affirme :

at least 65% of the code which went into 2.6.20 was created by people working for companies

Au moins 65% du code inclu dans le noyau 2.6.20 a été créé par des personnes travaillant pour des sociétés.

C’est plus une conjecture qu’une réelle affirmation parce qu’il n’est pas toujours aisé de déterminer l’origine des contributeurs, ni de savoir si ils ont participé sur leur temps de travail ou non. La méthode de l’auteur est avant tout de prendre la terminaison de l’adresse mail des contributeurs. Si elle se termine par ibm.com alors il le fait entrer dans la catégorie "IBM". Si une telle adresse fait défaut mais qu’il est de notoriété publique qu’un tel travaille pour un tel alors il est mis lui aussi dans une case. Il va même jusqu’à envoyer directement un mail à certains contributeurs pour en savoir plus sur leur appartenance.

Cette hypothèse de travail vaut ce qu’elle vaut mais du coup l’article exhibe des tableaux avec une minorité de bénévoles (le champ None) et une majorité d’employés (pour des sociétés telles qu’IBM, Red Hat, Novell, Google, Intel, Nokia, Oracle, HP, etc..). Ce qui sous-entend que ces personnes ont développé sur leur temps de travail et donc ont été payées pour cela par leur employeur.

Il me semble évident que la majorité des logiciels libres sont encore le fruit du travail bénévole de développeurs sur leur temps libre (comme il semble tout aussi évident qu’on ne sait plus très bien ce qu’est un bénévole et son temps libre à l’ère de la société de l’information où heures de bureau et heures de travail ne coïncident plus vraiment).

Mais est-ce encore le le cas pour les gros gros projets comme le sont devenus Linux, Mozilla ou OpenOffice.org ? Et comme ce sont justement ces exemples-là qui sont le plus souvent cités pour expliquer et illustrer le logiciel libre au néophyte, ne devrions-nous pas nuancer cette image un peu romantique des développeurs bénévoles connectés les uns les autres via le réseau pour produire seuls un logiciel libre de haute qualité ?

Ne serait-il pas plus conforme à la réalité d’évoquer désormais pour eux une sorte de coopération ou convergence d’intérêts entre une communauté de bénévoles et des sociétés commerciales classiques pour produire de toutes les façons quelque chose d’ouvert qui reste dans le pot commun ?

Finalement le seul gros projet libre qui reste majoritairement bénévole ne serait-il pas… Wikipédia ?!

Notes

[1] On pourra lire à ce sujet L’Éthique hacker de Pekka Himanen.




Le logiciel libre est-il communiste ? Peut-être bien…

Petite traduction issue du projet Framalang initié justement sur ce blog (grand merci à Coeurgan et GaeliX). En ces temps de débats politiques en France, voilà qui ne devrait pas laisser indifférent 🙂
Précisons, pour la grille de lecture, que l’auteur de l’article original est américain. Précisons également qu’il fait directement référence à une citation de Bill Gates assimilant certains partisans du logiciel libre (et de la culture libre en général) à un genre de néo-communistes.
L’article, sous licence Creative Commons BY-SA, est de Terry Hancock et est issu du Free Software Magazine [1].

Copyright Mark Alan Stamaty

Le logiciel libre est-il communiste ? Peut-être bien…

Quelques personnes en vue ont qualifié le logiciel libre de "communiste" dans l’intention de raviver contre ce mouvement les fantasmes de la Guerre Froide – Une sorte d’arme secrète du FUD. Je me souviens personnellement de la paranoïa qui régnait pendant la Guerre Froide et je pensais à l’époque (je le pense toujours) que c’était "simplement stupide".

Plutôt que de réagir par un épidermique "C’est pas vrai", je propose d’accepter l’appellation et de voir où ce point de vue nous mène. Peut-être y a-t-il quelque chose de communiste dans le logiciel libre ? Je pense que nous allons voir d’ailleurs que l’idée sous-jacente du logiciel libre est bien plus radicale : Pas moins "communiste" que "capitaliste", mais pas plus pour autant.

La rhétorique éculée de la Guerre Froide

Le 6 août est connu comme étant "le jour de la paix". C’est assez ironique pour le jour qui commémore celui de 1945 où les États-Unis sont devenus le seul pays à utiliser une arme nucléaire sur des êtres humains vivants. On peut dire que cette dernière offensive de la Seconde Guerre mondiale était aussi la première offensive de la Guerre Froide. Nous avions coopéré difficilement avec les Soviétiques pour gagner la guerre, et quand ce fut terminé, notre machine politicienne débuta le "Nouveau Siècle Américain", avec le contrôle américain des armes nucléaires qui faisait office de bâton pour régir la marche du monde.

Quelques années plus tard, les soviétiques ont dépassé ce handicap; ce fut le début de la "menace rouge", la chasse aux sorcières anticommunistes du sénateur McCarthy commença, et le mot "communiste" devint plus qu’une classification académique d’une philosophie socio-économique particulière. Il devint une insulte, synonyme de "traître"; et si Bill Gates peut encore l’utiliser comme une raillerie pour décrire le mouvement du logiciel libre, c’est que nous ne sommes apparemment pas encore quittes avec cette paranoïa.

Mais finalement, c’est seulement un mot, une idée qui, bonne ou mauvaise, s’est appliquée à attirer des millions d’êtres humains pendant des décennies. Je crois que l’on peut progresser en introspection en considérant le logiciel libre d’un point de vue "communiste". Peut-être que sur certains points importants, le logiciel libre mérite le nom "communiste". Pas l’insulte, pas l’épouvantail de la menace totalitaire du parti communiste, mais le concept derrière le mot, le communisme qui a convaincu des millions de gens que cela pourrait être une bonne idée.

Soviet Propaganda - Wikipedia - Public Domain

Travailler ensemble est une bonne chose, n’est-ce pas ? L’idéal d’un objectif commun est très important dans l’expression des objectifs communistes. Mais peut-être que la seule chose que nous devrions craindre dans cette image est l’arme, le spectre de la contrainte d’État pour atteindre cette unité. Si les hommes travaillent librement ensemble, c’est tout à fait autre chose. (Affiche de propagande issue de Wikipedia Commons et tombée dans le domaine public).

Le communisme était une philosophie politique qui tentait de résoudre certains types de problèmes sociaux de l’occident capitaliste qui étaient (et sont toujours) très franchement de vrais problèmes : pauvreté, division en classes, et injustice sociale. Qu’appliqué à une échelle nationale au vingtième siècle, cela n’ait pas semblé résoudre ces problèmes représente un échec humain, mais pas vraiment l’incarnation du diable. Et vous n’avez pas encore donné à une idée une écoute équitable avant de l’avoir étudiée du point de vue de ses supporters. Les communistes eux-mêmes ne voient pas le contrôle de l’économie par l’État centralisé comme un objectif du communisme mais seulement comme un moyen. Marx soutenait même que l’idée était amenée "se faner".

Non, l’objectif du communisme, comme les communistes le voient, est de donner corps à l’idéal communiste.

Chacun donne selon ses capacités, chacun reçoit selon ses besoins.

De ce point de vue particulier, le logiciel libre correspond en effet. Car il n’y a souvent aucune rémunération matérielle directe et exclusive pour le travail réalisé. Les principales raisons pour créer des logiciels dans des communautés libres sont les capacités et les désirs des développeurs. Nous avons une "intérêt-ocratie", comme certains l’ont décrit, ceux qui s’intéressent assez au projet pour faire le travail déterminent la manière de le faire.

De la même manière, la nature immatérielle du logiciel et le coût de réplication du travail résultant proche de zéro mène naturellement à un fonctionnement dans lequel il n’y a aucune raison de ne pas prendre ce qui correspond à nos besoins.

Cette connexion essentielle et immuable entre le "don" de la production et "l’appropriation" de la consommation est cassée naturellement par la nature même du logiciel. Craignant les conséquences économiques de cette réalité dans une société qui se base sur la conservation de la masse et de la quantité (propriété naturelle de la matière, mais pas de l’information ), nos sociétés capitalistes ont construit des systèmes élaborés de contrôle du marché pour forcer le marché de l’information à imiter, contre sa nature, les propriétés du marché matériel.

Nous appelons ces contrôles, collectivement, le "régime de la propriété intellectuelle". Et ce qui a été un jour une mise en oeuvre simple, limitée à la fois en temps et en portée, est devenu énorme. Quand des enfants de douze ans et des citoyens âgés sont menacés de poursuites judiciaires et d’amendes d’un montant correspondant à ce qu’ils pourraient gagner dans les dix prochaines années pour le crime horrible d’écouter de la musique et la partager avec leurs amis; quand de grandes entreprises utilisent des armées d’avocats pour prendre le contrôle d’idées triviales à travers les brevets logiciels; quand des traités internationaux dépendent de l’application de contrôles de plus en plus stricts sur la dissémination de l’information; quand le simple acte d’écrire un logiciel capable de briser ces cadenas sur la liberté intellectuelle est considéré comme un crime, pouvons-nous réellement prétendre que les lois sur la propriété intellectuelle sont moins répressives que l’"économie contrôlée" des communistes ?

Le logiciel libre élimine ces contrôles artificiels, libérant le marché, et restituant aux produits immatériels leur comportement naturel. Un comportement qui embrasse curieusement les idéaux de la société communiste.

Libre échange communiste

En vérité, la stratégie des licences libres et tout le concept de production communautaire court-circuitent ce spectre politique, détruisant les frontières traditionnelles, car il met en œuvre les idéaux communistes sans les restrictions que les capitalistes leur opposent.

En temps que contrat social, les licences libres comme la GPL dessinent des frontières très différentes de la propriété personnelle sur le plan intellectuel, que celles dessinées par le capitalisme ou le communisme dans le monde matériel. On accorde beaucoup plus d’importance à la paternité qui est le carburant du "jeu des réputations" et qui laisse les excellents créateurs en position de créer. Mais la possibilité de contrôler l’usage et la reproduction du travail est refusée. En effet, grâce au copyleft, ce contrôle artificiel du marché est interdit à quiconque, assurant que le travail est libre pour être utilisé, réutilisé, amélioré et que ce travail amélioré soit partagé. Ce travail est possédé dans ce sens, non par un individu, mais par "la communauté".

Ainsi on peut le qualifier à la fois de communiste et de "libre échange", au moins d’un certain point de vue. Nous, occidentaux, avons été conditionnés pour croire que le libre-échange conduit toujours à la compétition, mais dans le cas du logiciel libre, le libre échange conduit à la coopération, ou pour parler plus crûment, au communisme (c’est-à-dire qu’il encourage les gens à agir en communauté et à garder la propriété en commun). On peut participer au logiciel libre avec peu ou pas de capital, donc il n’y a pas de raison de chercher de gros investissements de capital et partant il n’y a aucun besoin du "capitalisme" en tant que tel (contrairement au logiciel propriétaire, vous n’avez pas besoin d’une entreprise pour lancer un projet de logiciel libre).

C’est, bien sûr, l’élément qui ébranle les fondements de l’argumentaire capitaliste quant à l’importance des contrôles sur la propriété intellectuelle pour maintenir la production. Ils prennent pour conclusion certaine que la production est impossible sans investissement de capital et que les droits d’auteur sont le seul moyen d’avoir un retour sur cet investissement. Malgré cela, il est démontré que la production de logiciel libre est si efficace et réduit tant les coûts que l’investissement de capital devient presque sans objet pour tous les projets logiciels sauf une petite minorité. De ce fait, des moyens moins restrictifs de collecter des revenus, comme des contrats de service, des commissions reçues préalablement, et des investissements basés sur la valeur de l’usage personnel, se sont montrés utiles pour subvenir aux modestes besoins de fonds des projets de logiciel libre.

Contrairement aux a priori de notre société, "libre échange" ne veut pas forcément dire "capitalisme". Le "capitalisme" fait référence à une pratique spécifique d’accumulation de capitaux pour créer des entreprises. Dans le cas du marché matériel, le libre échange semble conduire invariablement au capitalisme, mais on ne peut pas vraiment affirmer qu’il en sera ainsi dans le monde de l’immatériel.

Dans le marché libre de la production basée sur la communauté (CBPP[2]), le travail est spontanément donné pour l’accomplissement du but pour le simple plaisir (ou égoïsme éclairé si vous préférez, ce qui est généralement mon cas ) de participer à l’effort communautaire, basé sur les compétences des contributeurs. Ceci arrive sans aucune intervention de l’État ni contrôle de marché. "Chacun donne selon ses capacités, chacun reçoit selon ses besoins." arrive sans contrainte d’État d’aucune sorte (c’est-à-dire dans un marché de libre-échange). On peut donc dire que le "CBPP" ou le développement de logiciels libres est un vrai cas de "marché de libre échange communiste" qui fonctionne.

Nous savons déjà que ce système fonctionne. Il a créé GNU. Il a créé Linux. Il a créé X. Il a créé Wikipedia. Ce système a accompli, avec très peu ou pas de capital, des choses qui coûtent à des entreprises des milliards de dollars de capital (comparé à Microsoft Windows, le système d’exploitation d’Apple (avant Darwin/OS X) et l’Encyclopedia Britannica). Et loin d’être des copies inférieures comme notre éducation capitaliste occidentale dit qu’ils doivent être, il semble qu’ils soient au moins aussi bons sinon meilleurs que leurs équivalents propriétaires. Dans certains cas (comme Internet lui-même), il n’y a pas d’équivalent propriétaire.

Une nouvelle révolution

Ce marché libre, cette économie de bazar ne ressemble pas vraiment aux vraies sociétés communistes du vingtième siècle. Mais il pourrait ressembler à la vision que Marx avait en tête d’une société communiste qui fonctionne, qui ne nécessite pas de contrôle du marché ou de répression pour fonctionner. Et ce n’est pas quelque chose que nous devrions être désireux de condamner, n’est-ce pas ?

Je pense que la seule raison pour laquelle les gens ne disent pas cela est qu’ils ont peur d’être étiquetés "communistes" à cause de la paranoïa historique. Mais je ne pense pas que nous devrions réagir de manière aussi superficielle. Nous devrions nous élever au dessus de cela, et réaliser que c’est exactement ce que nous sommes en train de faire avec le mouvement du logiciel libre et avec le bazar. Nous nous élevons au dessus de la conception dépassée qu’avait le vingtième siècle du "communisme" et du "capitalisme". Nous avons remplacé les deux de la manière dont tout vieux système devrait espérer être remplacé : en construisant quelque chose qui fonctionne encore mieux.

Longue vie à la révolution !

Terry Hancock

Notes

[1] L’illustration en tête d’article est de Mark Alan Stamaty

[2] ndt : CPBB pour "Community Based Peer Production




Souffrez-vous vous aussi du syndrome Bayrou ?

Faites ce que je dis ou faites ce que je fais ?

Y aurait-il un embarras, un décalage, un paradoxe, que dis-je un paradoxe une schizophrénie, entre un discours favorable aux logiciels libres et ce qui se trouve effectivement réellement dans nos ordinateurs ?

Sommes-nous nombreux à vanter les mérites du logiciel libre sans mettre nos (belles) théories en pratique ?
Sommes-nous nombreux à faire l’éloge des alternatives libres telles qu’OpenOffice.org, the Gimp ou carrément Linux tout en continuant à utiliser au quotidien Word et Photoshop sous Windows ?

Illustration.

Monsieur Bayrou, assis tranquillement derrière son ordinateur, répond aux questions d’un (cyber)journaliste sur la loi DADVSI[1]. Il nous affirme alors (et une fois de plus, mais je ne me lasse pas de l’entendre) tout le bien qu’il pense des logiciels libres. Son discours est rôdé, c’est une homme politique, candidat à la présidentielle de surcroit. Mais tout d’un coup, le journaliste, malicieux et faussement naïf, trouve une petite faille…

Le journaliste : Je ne fais pas le tour de l’écran pour vérifier que c’est bien des logiciels libres ? Pour vérifier qu’il y a bien une cohérence entre votre discours et vos actes…

François Bayrou : Y’aura, y’aura… Pour l’instant je fais comme tout le monde. Je suis à Microsoft, je suis à Word…

Le journaliste : Donc on est sur une revue d’intention plus que sur une réalité aujourd’hui de…

François Bayrou : Non, non. Ce que vous dites n’est pas sérieux. Et il faut apprendre à être sérieux (je vous dis ça gentiment). C’est pas parce que j’utilise des logiciels que tout le monde utilise parce que je n’ai pas eu le temps de me familiariser avec des logiciels libres (j’ai les bouquins là je peux vous montrer) que pour autant je ne perçois pas les enjeux qui sont derrière tout ça.

Fin de l’épisode et Monsieur Bayrou de conclure son propos, au demeurant fort intéressant, sur la loi DADVSI.

—> La vidéo au format webm

Oui… mais non !

Oui Monsieur Bayrou. Vous semblez effectivement percevoir les enjeux qui sont derrière tout ça et nous aimerions que la classe politique dans son ensemble s’interroge et se positionne plus souvent sur le sujet.

Mais non Monsieur Bayrou, la question de joindre les actes à la parole lorsque le logiciel libre est évoqué est on ne peut plus sérieuse. Vous manquez de temps (et la présence de livres n’y changera rien). Mais surtout vous nous dites, et ça fait mal, que vous faites comme tout le monde en utilisant les logiciels que tout le monde utilise (comprendre donc des logiciels propriétaires).

Comment voulez-vous donc alors que la donne s’en trouve modifiée ? Ne voyez-vous pas que ce que vous balayez d’un revers de la main en critiquant l’attitude du journaliste sont justement les principaux freins au développement du logiciel libre ?

Un effort salutaire et exemplaire

Aujourd’hui le logiciel libre est dans l’air du temps. Il va devenir très vite, hélas, politiquement correct. Mais défendre la planète est aussi politiquement correct. Est-ce pour cela qu’elle s’en trouve en meilleure santé ? Non, parce que les belles théories ne sont globalement pas mises en pratique. Il en va bien etendu de notre propre responsabilité mais il en va aussi de la responsabilité de ceux qui nous dirigent dont nous attendons actes concrets et valeur d’exemple.

Tentez de vous dégager un peu de disponibilité Monsieur Bayrou et osez véritablement le logiciel libre. Au delà de vos livres, vous rencontrerez alors toute une communauté prête à vous aider. Et si votre emploi du temps est vraiment serré, ce que je conçois fort bien, vous pouvez y aller en douceur et par étapes en commençant par exemple par substituer votre Word (et vos .doc) tout en restant sous Windows. Non seulement vos argument en la matière y seront plus convaincants mais vous encouragerez du même coup ceux qui ne bougent pas (et qui s’en excusent exactement comme vous) à en faire de même…

Notes

[1] Ce très court extrait est issu du projet web original PoliTIC’Show : celui d’interviewer longuement et méthodiquement tous les présidentiables (à ce propos la lecture par le journaliste de la biographie de Monsieur Le Pen prise sur Wikipédia devant l’intéressé lui-même est assez caustique).




J’entends le loup, le renard et la belette…

IceWeasel logo 1 draft

Je n’ai pas grand chose à dire. C’est juste que ça m’amusait de faire un tel titre.

Bon, y’a quand même un rapport. C’est que Debian a son "GNU Firefox" pour les prochaines versions de ses distributions Linux. Il s’appelle IceWeasel, qu’on peut traduire approximativement par "la belette givrée" (Ice pour Fire et Weasel pour Fox, you see what I mean ?) avec pour logo actuel rien d’officiel mais quelques propositions (voir illustrations ci-dessus et ci-dessous).

Je vous renvois sur ce billet pour de plus amples explications auquel j’ajoute trois nouveaux liens anglophones :

Qui a tort et qui a raison ? J’en sais trop rien, ça m’échappe un peu pour tout vous avouer. D’un côté Debian l’icône (pour ne pas dire le myhte) des distributions Linux. De l’autre Mozilla, peut-être le meilleur vecteur actuel de démocratisation du logicie libre.

Moi ce que je vois surtout c’est que ça ne va pas faciliter les choses pour, par exemple, les migrations Windows/Ubuntu (si Ubuntu adopte la belette, ce qui est assez probable).

Dialogue avec ma belle mère, fraîchement débarquée dans le monde Linux, et qui venait à peine de comprendre enfin ce qu’était un logiciel libre (merci Couchet) :

Mais il est où mon Firefox ?
Ben il est là mais il s’appelle IceWeasel !
Ah… Et pourquoi c’est pareil mais il s’appelle pas pareil ?
Euh…

IceWeasel logo 2 draft

< edit du 13 octobre >

3 nouveaux liens :




Etait-ce si indispensable ?

Café Pédagogique Microsoft

Dans la série Qui aime bien chatie bien, je n’ai pas trouvé si indispensable que cela de lire dans mes fil RSS de ce matin cette annonce promotionnelle de Microsoft relayée par le site associatif le Café Pédagogique (qui a une impact certain dans le monde éducatif).

La Café Pédagogique vous dira peut-être que c’est de l’info et que vu le nombre de suites MS Office installées dans les écoles c’est faire preuve de pragmatisme. D’accord mais pourquoi ne pas rappeler à cette occasion l’existence de la suite bureautique libre OpenOffice.org dont on sait bien qu’elle peut désormais constituer une véritable alternative à la suite bureautique propriétaire de Microsoft ?

A l’heure où l’administration française migre en masse vers OpenOffice et son format ouvert OpenDocument, il serait opportun de tout faire pour que l’Education Nationale ne soit pas le dernier de la classe !

Voici en tout cas l’intégralité de la news du Café :

Informatique : Microsoft propose ses "Indispensables Education"

Editeur d’équations, tableau des éléments chimiques, tutoriels pour les logiciels Office, calendriers, outils pour créer des tests : Microsoft propose gratuitement une gamme d’outils spécifiques à l’enseignement. Ils s’intègrent à la suite Office où ils constituent un nouveau menu.
Les "indispensables" s’adressent aux enseignants et aux élèves. A ces derniers, ils proposent des aides à l’apprentissage de la bureautique, des outils pour s’organiser et structurer leur travail.

Avec un lien qui pointe vers le site de Microsoft de l’opération où apparait tout de suite ceci :

Les Indispensables Education pour Microsoft Office peuvent être téléchargés gratuitement. Pour les utiliser, ils nécessitent d’avoir installé Microsoft Office 2003.
Afin de permettre aux établissements un déploiement plus général des Indispensables Education sur le maximum de postes réservés à la pédagogie, nous avons baissé le tarif Microsoft Education d’Office 2003 édition standard et Professionnelle jusqu’au 31 octobre 2006 pour toute commande minimum de 20 licences.

Autrement dit c’est "gratuit" mais uniquement si vous avez déjà la suite MS Office (version 2003, pas les antérieures faut pas pousser) qui elle n’est bien entendu pas gratuite. Heureusement si vous ne l’avez pas vous pouvez l’acheter à un tarif préférentiel, ouf !

On irrite toujours à jouer les donneurs de leçons libristes mais il m’aurait plu que le Café Pédagogique quitte un peu sa neutralité lorsqu’il s’agit de logiciels libres et d’éducation (quand bien même par ailleurs il s’agisse sans nul doute de la meilleure source continue d’information pour les enseignants).

L’un de ses trois objectifs est de faciliter l’intégration des TICE dans l’enseignement.Il n’est pas certain que faciliter l’intégration de Microsoft dans les TICE y participe.