Windows 7 comme les 7 « péchés » de Microsoft

Copie d'écran - Windows7Sins en françaisLe 26 août dernier la Free Software Foundation (FSF) lançait la campagne Windows7sins en vue d’alerter l’opinion sur le fait que Windows avait beau avoir changé, (le symbole du logiciel propriétaire qu’est) Microsoft demeurait toujours le même.

Grâce aux efforts communs et conjoints de Framasoft (traduction Framalang) et de l’April (relecture et mise en ligne[1]), le site de la campagne est désormais traduit en français.

Cette campagne joue sur le numéro du dernier système d’exploitation pour se décliner en sept « péchés », malheureusement « capitaux » à freiner le développement et la diffusion du logiciel libre :

  1. Empoisonnement de l’éducation
  2. Invasion de la vie privée
  3. Comportement monopolistique
  4. Verrouillage
  5. Blocage abusif des standards
  6. Soutien des DRM
  7. Menaces sur la sécurité de l’usager

Vous en trouverez quelques extraits ci-dessous mais nous vous invitons surtout à parcourir le site.

Remarque : Cette campagne a été diversement reçue par les internautes anglophones. Encore une critique de Microsoft, occupez-vous plutôt de mettre en avant les qualités du logiciel libre, envoyer une lettre aux 500 plus grandes sociétés américaines ne sert à rien[2], a-t-on ainsi pu entendre ça et là. À vous ne nous dire (avec écoute et courtoisie) dans les commentaires si nous avons néanmoins bien fait de traduire le site.

Les 7 « péchés » de Windows 7

Péché 1 : Empoisonnement de l’éducation

À ce jour, on apprend à la plupart des enfants, dont l’éducation implique des ordinateurs, à utiliser le produit d’une seule entreprise : Microsoft. Cette firme dépense de fortes sommes pour que les groupes de pression et les commerciaux corrompent les services d’éducation. Une éducation qui mise sur la puissance des ordinateurs devrait ouvrir la voie de la liberté et de l’autonomie, et non ouvrir un boulevard au monopole insidieux d’une entreprise.
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Péché 2 : Invasion de la vie privée

Microsoft utilise des logiciels avec des noms fallacieux comme Windows Genuine Advantage pour inspecter le contenu des disques durs de ses utilisateurs. Les termes de la licence utilisateur que l’on est obligé d’accepter avant de pouvoir utiliser Windows préviennent bien que Microsoft se réserve le droit de faire ça sans avertissement.
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Péché 3 : Comportement monopolistique

Pratiquement tous les ordinateurs achètés sont vendus avec Windows pré-installé, et non par un libre choix. Microsoft impose ses dictats aux revendeurs de matériel informatique, pour qu’ils ne proposent pas de PC sans Windows pré-installé, bien que de très nombreux clients le leur demandent. Même les ordinateurs disponibles avec d’autres systèmes d’exploitations pré-installés tel que GNU/Linux incluaient souvent Windows au départ.
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Péché 4 : Verrouillage

Microsoft essaie régulièrement de contraindre ses utilisateurs à faire des mises à jour, en supprimant le support des versions précédentes de Windows et d’Office, et en augmentant le niveau du matériel requis. Pour beaucoup de gens, cela signifie qu’ils doivent mettre leur ordinateur au rebut juste parce qu’il n’est pas à la hauteur des exigences techniques requises par les nouvelles versions de Windows.
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Péché 5 : Blocage abusif des standards

Microsoft a essayé de bloquer le passage au standard libre pour les formats de documents, parce que des standards comme OpenDocument Format menaceraient le contrôle exercé pour le moment sur l’utilisateur avec les formats propriétaires de Word. Elle s’est lancée dans des manoeuvres en sous-main, qui peuvent aller jusqu’à la corruption de fonctionnaires, pour essayer de stopper de telles initiatives.
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Péché 6 : Soutien des DRM (Digital Restrictions Management)

Avec Windows Media Player, Microsoft collabore avec les grandes firmes des médias pour imposer des restrictions sur la copie de médias avec leur système d’exploitation. Par exemple, à la demande de NBC, Microsoft est capable d’empêcher les utilisateurs de Windows d’enregistrer des émissions télévisées qu’ils ont pourtant le droit d’enregistrer légalement.
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Péché 7 : Menaces sur la sécurité de l’usager

Windows a une longue histoire de failles de sécurité, ouvrant la porte à la diffusion des virus et permettant à des utilisateurs distants de prendre le contrôle des ordinateurs d’autres usagers et de les transformer en robots spammeurs. Puisque le logiciel est secret, tous les utilisateurs dépendent de Microsoft pour régler ces problèmes – mais Microsoft tient à ses propres intérêts en matière de sécurité, pas à ceux de ses usagers.
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Extraits du site Windows7Sins en version française.

Notes

[1] Voir le communiqué de presse de l’April pour l’occasion. Sur le même site et en insistant sur la vente liée, l’April propose également un flyer de 8 pages, qu’elle s’est amusée à distribuer à l’entrée du tout nouveau Windows Café à Paris le jour de son inauguration.

[2] En fait non pas 500 mais 499 car la FSF n’a pas jugé pertinent d’écrire à Microsoft, arguant que la société ne comprendrait pas !




Coup de gueule : Windows 7 devrait être une mise à jour gratuite de Vista !

L'actu en patates - Copyright Martin VidbergTiens, on ne vous avait pas encore causé de la sortie du nouveau système d’exploitation Windows 7 !

Enfin « nouveau », c’est un bien grand mot puisqu’il s’agit avant tout de faire oublier l’ancien système d’exploitation, le désastreux Windows Vista, qui a réussi l’exploit de faire l’unanimité contre lui.

Et bien c’est chose faite avec ce billet d’humeur non dénué d’un certain humour[1].

Dans tout autre domaine que l’informatique, on aurait affaire à un pur scandale où tout le monde serait monté au créneau. Bravo à Microsoft pour son travail de sape sur le consommateur, qui ne sait visiblement plus distinguer la vessie de la lanterne.

PS : Mention spéciale au malicieux Goofy qui s’est bien amusé pour la traduction, et nous avec !

Que tout le monde s’éclate avec Windows 7 !

Let’s all be overjoyed about Windows 7

Dwasifar – 24 octobre 2009 – Blog personnel
(Traduction Framalang : Goofy)

Microsoft a réussi un joli coup.

Ils ont réussi à convaincre des millions de gens dans le monde de sortir leur argent pour se payer une merde enveloppée de papier de soie appelée Windows Vista, et voilà que trois ans plus tard, au lancement de Windows 7, Microsoft s’est arrangé pour que les gens tombent pratiquement en extase à l’idée de payer encore plus pour ne plus avoir à utiliser Vista. Et c’est ainsi que les gens considèrent Microsoft comme une sorte de héros salvateur. Comment diable ont-il réussi ce coup-là ? « On vous a fait payer un max pour un truc merdique déglingué, et maintenant voici une version vaguement réparée un peu moins merdique, et vous allez nous l’acheter encore plus cher ! » « Ouaaaiiis, super, merci Microsoft ! Vous êtes les meilleurs ! On vous adore ! » Mais bon dieu qu’est-ce qui se passe, là ?

C’est vrai, quoi : est-ce vous achèteriez n’importe quoi d’autre dans ces conditions ? Mettons que vous ayez acheté une voiture qui se révèle être une caisse à roulettes ; rien que des ennuis pendant trois ans. Au bout de ces trois ans, vous retourneriez chez le même concessionnaire pour acheter le même modèle, tout content de la bonne affaire parce qu’ils auraient éliminé quelques défauts de fabrication ? « Super, une Clio, c’est tellement mieux que la vieille 404 pourrie qui a calé au milieu des carrefours pendant trois ans ! Quelle magnifique offre promotionnelle vous me faites là en me la vendant plein pot ! Non, je ne veux rien de plus pour ce prix-là ! Tenez, mettez-la moi bien profond tout de suite, je vous ai apporté un peu de vaseline, mais vous êtes pas obligé de l’utiliser ! »

Eh bien ça se passe comme ça chez Microsoft. Ils vendent de la merde, et lorsqu’ils vendent quelque chose qui n’est pas tout à fait de la merde, ils deviennent des héros. Ça défie l’entendement. À quel niveau est-on tombé si en faisant payer quelqu’un encore une fois pour résoudre les problèmes causés par un premier achat, on devient Superman ? Et ce n’est pas la première fois que ça se produit. Ils nous ont déjà fait le coup, en passant de WinMe à XP. Je crois même qu’ils avaient déjà fait le coup aussi avec MS-DOS, mais je ne me souviens plus trop de quelles versions il s’agissait. Ce qui est flagrant et incompréhensible, c’est qu’on puisse encore vendre aux gens des produits moins merdiques après leur avoir vendu des produits vraiment merdiques.

Windows 7 devrait être une mise à jour gratuite de Vista. De n’importe quelle version de Vista, qu’elle soit Familiale ou Intégrale, qu’on l’ait achetée ici ou là. Microsoft a reconnu clairement que Windows 7 est ce que Vista aurait dû être. En fait, c’est même comme ça qu’ils en font la promo. Bon, si c’est la version qui aurait dû être fournie, alors il n’est pas trop tard : donnez-la aux clients auxquels vous l’avez promise il y a trois ans.

Et pendant qu’on y est, je n’arrive pas à croire qu’il est impossible de créer une mise à jour de XP vers Windows 7. Microsoft sait parfaitement que les gens ont évité Vista et conservé XP, particulièrement dans les entreprises. C’est pour cela qu’ils sortent Windows 7 à toute vitesse. Vous pourriez croire qu’une mise à niveau serait une priorité. Eh bien non, les gens sont contents de nettoyer leur machine et de faire une réinstallation complète du système d’exploitation pour avoir le privilège de passer à la version supérieure. Je suppose qu’avec l’habitude de réinstaller un système d’exploitation, on finit par considérer comme normal de le faire périodiquement.

C’est tellement trop la classe de faire ça en ce moment qu’on pourrait croire que Windows 7 est à la pointe des systèmes d’exploitation, tous les problèmes sont derrière, pas vrai ? Bon d’accord, et si on essayait de le faire tourner sans antivirus pendant disons une journée, hein ? Vous feriez ça ? Non ? Moi non plus, parce qu’il y a encore de tout petits problèmes de sécurité avec Windows 7. Au fait, et la défragmentation du disque ? Vous voulez essayer Windows 7 pendant un an sans défragmenter ? Moi non plus. Je pourrais continuer, mais à quoi bon. Tout le monde connaît tous ces problèmes, et pourtant tout le monde est tellement content de voir que Microsoft a réglé quelques-uns des problèmes de régression apparus lors du passage de XP à Vista, que personne ne s’inquiète des énormes défauts de conception inclus dans chaque édition de Windows, version 7 comprise.

Et pendant ce temps-là, Linux évolue tranquillement, même si les fanatiques de Windows bêlent en choeur que Windows 7 va écraser Linux. Eh non, les gars, désolé, ça va pas marcher. Dès que le battage médiatique va diminuer, vous allez encore vous retrouver avec Windows et ses classiques faiblesses intrinsèques. Et le développement de Linux est bien plus rapide que celui de Windows. Linux a rattrapé et dépassé XP il y a trois ans au moment où Vista est sorti. Il est au même niveau que Windows 7 aujourd’hui, et avant que Windows 8 ne se profile, Linux en sera déjà bien plus loin. Tant mieux pour Microsoft s’ils améliorent des trucs, c’est ce qu’ils devaient faire. Et ça risque de leur prendre du temps. Mais il n’y aucune raison de penser qu’ils vont pouvoir continuer indéfiniment à surfer sur une vaste base d’utilisateurs avec une technologie de deuxième choix, même s’ils ont pour le moment réussi à convaincre ces utilisateurs de se faire escroquer avec le sourire.

Notes

[1] Illustration de Martin Vidberg, le dessinateur de L’actu en patates, avec son aimable autorisation.




Drupal à la Maison Blanche !

Copie d'écran - WhiteHouse.gov - DrupalGrande nouvelle pour le logiciel libre : le site de la Maison Blanche, Whitehouse.gov, vient de basculer sous Drupal ! Du coup, son créateur et principal animateur, Dries Buytaert, s’enthousiasme ci-dessous sur son blog et il a bien raison.

Et d’ailleurs si vous avez la curiosité de vous promener un peu sur le site (sous Creative Commons By !), vous constaterez peut-être avec moi qu’en terme d’ergonomie et vélocité, c’est très impressionnant.

À des années-lumière du site d’une Segolène Royal « par exemple », mais aussi et surtout très loin du site de l’Élysée.

Pour ce qui concerne sa politique en général, je ne saurais m’exprimer et m’engager, mais il est évident que l’administration Obama est en train de faire beaucoup pour la reconnaissance, la diffusion et la légitimité du logiciel libre et/ou open source, d’autres billets du Framablog peuvent en témoigner.

Whitehouse.gov utilise Drupal

Whitehouse.gov using Drupal

Dries Buytaert – 25 octobre 2009 – Blog personnel
(Traduction Framalang : Vincent)

Une grande et sensationnelle nouvelle ! Le site phare du gouvernement des USA, Whitehouse.gov, vient d’être relancé sous Drupal. C’est un grand jour pour Drupal, et pour l’Open Source dans le gouvernement, et quelque chose dont chacun peut être très fier dans notre communauté.

Tout d’abord, je pense que Drupal est en parfaite adéquation avec la volonté du président Barack Obama d’avoir un gouvernement ouvert et transparent. Drupal fournit un mélange remarquable de fonctions de gestion de contenu web traditionnel et de fonctionnalités « sociales » qui permettent une participation et une communication ouverte. Cette combinaison est ce que nous appelons la « publication sociale » et c’est ce pourquoi autant de personnes utilisent Drupal. De plus, je pense que Drupal rentre bien dans l’optique de réduction des coûts et d’action rapide du président Barack Obama. La flexibilité et la modularité de Drupal permettent aux organisations de construire rapidement des sites, à un coût inférieur à d’autres systèmes. Autrement dit, Drupal correspond bien au gouvernement des USA.

Deuxièmement, ceci est un signal fort parce que les gouvernements se rendent compte que l’open source ne comporte pas de risques supplémentaires par rapport au logiciel propriétaire, qu’en quittant un logiciel propriétaire, ils ne sont plus enfermés dans une technologie particulière, et qu’ils peuvent bénéficier de l’innovation résultant des milliers de développeurs qui collaborent à Drupal. Cela prend du temps de comprendre ces choses et d’amener ce changement, et je félicite l’administration Obama de prendre cet important rôle de leader en considérant des solutions open source.

Etant l’un des plus grands utilisateurs de logiciels au monde, le gouvernement des USA n’est pas un nouvel utilisateur de Drupal. Plusieurs agences comme par exemple le Département de la Défense, le Département du Commerce, le Département de l’Education et l’Administration des Services Généraux utilisaient Drupal antérieurement. L’adoption de Drupal croît rapidement chez le gouvernement des USA. Toutefois, la transition de Whitehouse.gov sur Drupal va plus loin et au delà de toute autre installation de Drupal dans le gouvernement, et constitue un formidable témoignage pour Drupal et pour l’open source. Ceci va donner de la visibilité à Drupal à tout le gouvernement des Etats-Unis d’Amérique, et à d’autres gouvernements à travers le monde.

Personnellement, je suis enchanté par l’idée que Drupal puisse ainsi contribuer à aider les gouvernements à fournir une plus grande transparence, une plus grande vitesse et une plus grande flexibilité.




Éducation et logiciel libre : le témoignage d’un lycéen

Chapendra - CC byDeux paradoxales caractéristiques des débats sur l’éducation (et l’éducation est un débat permanent). 1. Ceux qui parlent le plus fort et décident ne sont pas, ou plus, professeur. 2. On ne donne que très rarement la parole aux principaux concernés : les élèves.

Pour éviter qu’il en aille de même sur ce blog qui évoque souvent la situation du logiciel libre dans l’éducation, nous avons choisi d’interviewer l’élève « Vanaryon » (repéré sur le Web via son fort intéressant blog). Il est en classe de Première et habite quelque part dans le Finistère.

C’est le deuxième entretien lycéen du Framablog, et comme il avait été dit la première fois, cet élève ne représente (malheureusement) en rien l’ensemble des élèves. Ce serait même a priori plutôt une exception qui confirme la règle d’une insuffisante culture sur les sujets de prédilection qui nous préoccupent ici au quotidien.

Il me plairait qu’à l’avenir ce ne soit plus malgré l’école mais grâce à l’école que des Vanaryon se découvrent de telles sources d’intérêt, pour ne pas dire de telles passions. Histoire d’être plus encore rassuré sur la capacité de la nouvelle génération[1] à assurer la nécessaire relève.

Remarque : On a été agréablement surpris au passage de constater que notre Framakey a participé à son « initiation » au logiciel libre.

Entretien avec Vanaryon

Bonjour Vanaryon, peux-tu rapidement te présenter…

Bonjour à toi ! Je suis un lycéen actuellement en classe de première S (SVT). L’informatique et les logiciels libres me passionnent, ainsi que les technologies web. Je suis le secrétaire de la junior association PostPro, qui fait la promotion du logiciel libre dans le domaine de la création vidéo.

Quels logiciels libres utilises-tu au quotidien ?

Actuellement, je n’utilise presque plus de logiciels propriétaires : seulement Flash Player et les pilotes Nvidia pour ma carte graphique (sous Linux). Donc tout le reste est libre : je tourne sous une Ubuntu 9.04. Les logiciels libres que j’utilise le plus sont Gajim, Mozilla Firefox, Novell Evolution, Rhythmbox ou encore Gedit et Nautilus.

Sinon, quand je ne suis pas sur un poste Linux, j’ai toujours une Framakey sur moi 😉

Comment as-tu découvert les logiciels libres et en quoi te semblent-ils intéressants ?

Ça remonte à assez longtemps, au début collège je crois. Je devais être en 5ème. Je venais de m’abonner à la revue Science & Vie Junior, et dans les astuces informatique ils présentaient la Framakey. À partir de ça j’ai pu découvrir Firefox, Thunderbird et Abiword, pour m’ouvrir sur d’autres logiciels libres peu à peu (OpenOffice, Notepad++, ClamWin).

À l’époque, je ne voyais pas du tout l’avantage des logiciels libres de par la philosophie qu’il y avait derrière, mais plutôt parce-qu’ils étaient gratuits et que je les trouvais plus accessibles que les logiciels Microsoft (d’ailleurs je ne devais même pas savoir que c’était un logiciel libre à l’époque).

Au cours de ton parcours scolaire as-tu souvent rencontré des logiciels libres ? Y a-t-il des professeurs qui t’en ont parlé, qui les ont utilisés en classe avec vous ?

Oui, assez souvent (mais pas assez à mon goût !). J’ai tout de même remarqué une certaine évolution au fur et à mesure des années et des classes (en primaire, je me souviens que j’utilisais Microsoft Word, mais il n’y avait rien d’autre sur les postes !). Ensuite, au collège, je découvrais StarOffice, The GIMP, puis OpenOffice.org. Mais c’était tout, il n’y avait rien d’autre. Puis lorsque j’allais quitter le collège, Mozilla Firefox fut installé sur tous les postes du CDI. Enfin arriva mon lycée, que je sentais pro-Microsoft, de leur infrastructure en passant par leur site web. Mais il faisait quand même des efforts pour nous proposer quelques logiciels ouverts (VLC, The GIMP et OpenOffice.org puis Mozilla Firefox cette année).

Cependant, ce n’est pas encore ça… Pour donner un exemple concret, cette année ils viennent d’acheter des nouveaux ordinateurs et ils ont déployé Microsoft Office 2007 : résultat, les élèvent préfèrent l’utiliser à OpenOffice.org, alors que l’année dernière c’était OpenOffice.org qui était privilégié par rapport à Microsoft Office 2000.

Au collège, un professeur d’art plastique m’avait en effet parlé de VirtualDub, pour faire du montage vidéo. Elle m’avait dit « c’est un logiciel libre de droits ». Déjà on sent qu’elle connaissait un peu la chose !

Utilisé en classe, oui, surtout pour VLC, qui reste un incontournable pour lire tous les médias. Sinon, malheureusement, les professeurs ont tendance à nous montrer des documents visionnés avec Microsoft Powerpoint, Word, mais aussi Adobe Reader ou encore Internet Explorer (on a encore la version 6 là où je suis…).

Au cours de ton parcours scolaire as-tu souvent rencontré la « culture libre » ? Y a-t-il des professeurs qui t’ont parlé ou ont utilisés des ressources sous licences libres de type Creative Commons ?

Non, jamais. Et c’est ça qui m’effraie : tous les documents donnés par les professeurs portent en général la mention « photocopie interdite », ou encore des petits copyrights en bas pour certains. En tout cas ils n’ont jamais parlé de culture libre, et encore moins de logiciel libre.

Wikipédia et les enseignants : ils aiment, ils n’aiment pas, ils n’en parlent pas ?

Les enseignants disent toujours que Wikipédia est un outil qui doit se fier à d’autres sources, car ils ne le considèrent pas comme fiable ! Et pourtant… pour le Français, de nombreux articles sur la littérature française sont validés comme étant de qualité !

Cependant, je trouve que certains professeurs paraissent bien hostiles lorsqu’ils expliquent ce qu’est Wikipédia…

Penses-tu que les logiciels propriétaires comme Windows et MS Office (Word, Excel…) sont trop présents à l’école. Et si oui que proposerais-tu pour améliorer la situation ?

Assurément ! Ils sont beaucoup trop présents ! Bon, c’est vrai qu’il n’y a pas que les logiciels Microsoft qui sont propriétaires sur les machines de l’école, mais aussi plein d’autres (je pense en particulier à Anagène, une antiquité utilisée en SVT). Mais le problème avec les logiciels Microsoft, c’est qu’ils sont partout ! De la suite bureautique qui nous pond des formats incompréhensibles par des versions plus anciennes de MS Office ou aux autres suites bureautique (je pense à Office 2007 qui a causé de nombreux problèmes avec le docx et autres), au navigateur web complètement buggé et dépassé qu’est Internet Explorer 6, en passant carrément par le système Windows en lui même…

Mais déjà, les professeurs ne sont-ils pas un peu conditionnés aux softs made-in-Microsoft ? Je pense surtout aux licences gratuites de MS Office qu’ils reçoivent. Une petite anecdote : ça m’avais fait bien rire à l’époque, quand j’étais en 3ème, mon professeur d’SVT, pour dire Mozilla Firefox nous avait sorti Godzilla Firefox, et pensait que c’était le fameux monstre. Peut-être faisait-il une confusion avec le logo de Mozilla qui est un dinosaure ?

Pour améliorer la situation, déjà il faudrait sensibiliser les utilisateurs (aussi bien professeurs qu’élèves), et je pense vraiment qu’il n’y a que les gérants informatique de l’établissement qui peuvent changer la situation en bannissant Windows, et en préférant Linux, ou encore laisser libre aux utilisateurs de booter sur l’OS de leur choix. Mais le gros problème c’est que de très (trop) nombreux logiciel nécessaires à certains programmes scolaires ne tournent que sous Windows.

Sur ton blog, tu t’es récemment inquiété du choix de ton lycée pour la solution Microsoft Live@edu (cf ce billet blog). En quoi ce choix est-il un mauvais choix ?

Rha, si je sortais tout ce que je pense pour répondre à ta question, ça en ferait trop ! Déjà parce-que ça renforce le monopole de Microsoft dans l’éducation, et permet de sortir ses applications web de l’établissement, qui arrivent dans les foyers même des élèves/professeurs. Quand un truc marche pas sur la plateforme Windows Live, les profs nous demandent quel navigateur on utilise et nous recommandent Internet Explorer… Désolant…

Et puis, ce n’est pas une manière de faire que de proposer cette plateforme à ses élèves, surtout que nos données sortent de l’établissement, et arrivent dans un data-center suisse (si je me souviens bien). Et mon lycée n’a donné aucune fiche à signer l’autorisant à céder mes informations à un tiers (ici mon nom, mon prénom, mon établissement). Et puis ça conditionne encore les gens à utiliser le réseau MSN, les blogs Windows Live ou encore le service SkyDrive.

Pourquoi ne pas déployer un serveur à l’intérieur même du lycée, avec une plateforme comme Elgg, que je trouve bien mieux conçue et beaucoup plus accessible ? Mais surtout ouverte et décentralisée ! Elle permet les mêmes choses, voir plus. Alors pourquoi choisir en permanence Microsoft (ils ont des aides financières, c’est pas possible ?!) ?

iPod, iPhone, ça te fait rêver ?

Pas vraiment, en fait je n’ai (encore) aucun produit Apple chez moi ! Tout le monde a des iPods, je n’en ai pas, et franchement ça ne me donne pas envie. Je ne renie pas le fait que l’iPhone est superbement bien conçu, mais je ne suis pas forcément pour les smartphones, et encore moins si ce n’est pas basé sur une architecture libre.

Et puis, quand ça lit pas le Ogg, c’est pas intéressant 😉

Certains caricaturent les jeunes et leur usage d’internet qui se résumerait à MSN, Facebook, World of Warcraft et du copier/coller de Wikipédia. Qu’as-tu envie de dire à ces gens là ?

Eh bien j’ai envie de dire qu’ils ont raison et qu’ils ont tort. Raison parce-que c’est quand même le cas de pas mal de jeunes (Skyblogs, MSN et Facebook comme tu le dis et pis tant qu’à y être l’exposé venant directement de Wikipédia !). Mais il n’y a pas qu’eux, et heureusement ! C’est vrai que pas mal de gens voient l’Internet sous cet angle là, mais une autre partie le voit différemment.

Le truc qui m’avait bien fait rire, c’est quand j’avais demandé à un ami quel était son navigateur web : il m’a répondu « Ben… Google ! ». En fait il parlait de sa homepage, et son butineur arborait une jolie icône en « E » bleue. Un autre ami pensait que Internet Explorer, c’était Internet, et que Mozilla Firefox c’était pas le vrai Internet… (ça vole haut !). M’enfin bon, depuis il est passé quand même à Mozilla Firefox tout ça parce-qu’un site pour télécharger des voitures dans TrackMania ne marchait pas sous son IE.

Est-il difficile d’expliquer à ses camarades ce qu’est un logiciel libre ? Penses-tu que la diffusion de la pratique du piratage et la confusion libre/gratuit compliquent la situation ? Les as-tu senti concernés par le débat sur l’Hadopi ?

Très difficile ! J’ai converti un ami à Linux, c’est déjà pas mal, et sensibilisé plusieurs : mais certains continuent à dire logiciel gratuit pour logiciel libre ou encore logiciel libre pour logiciel gratuit. C’est sûr qu’au début ça peut porter à confusion, mais au moins ils sont sensibilisés. Et puis il y a encore les pro-Microsoft qui ne veulent même pas savoir ce qu’est un logiciel libre, et restent bornés à ce qu’ils connaissent/utilisent.

Oui, certes, cette confusion avec le piratage complique la situation, et, résultat les gens ont téléchargé illégalement sans limites pendant plusieurs années. Ce qui a entraîné le gouvernement à faire un peu n’importe quoi avec Hadopi (enfin, les maisons de disque à pousser le gouvernement à faire n’importe quoi). Malheureusement.

Justement, j’avais un ami qui disait, qu’au début l’Hadopi c’était génial, que les artistes devaient pouvoir vivre de leur métier et tout le blabla, là je ne le contredis pas quand à la rémunération des artistes, mais ce qu’il ne comprenait pas c’est que les musiciens n’auront pas beaucoup plus avec cette loi qui n’est que dans l’intérêt des maisons de disque ! En tout cas, maintenant que cette même personne a commencé à télécharger illégalement, elle pense tout le contraire. Comme quoi : « faites ce que je dis, mais pas ce que je fais ! »…

Je vois que tu es également développeur sur ton temps… libre avec le projet KOLoad. Peux-tu nous en dire davantage ? (et au passage pourquoi ce choix de la licence CeCILL ?)

Oui, j’ai commencé à apprendre le HTML/CSS il y a un an (je maîtrise parfaitement ces langages maintenant), et je me met au JavaScript et PHP peu à peu. C’est pourquoi l’été dernier, en même temps d’apprendre le PHP, je codais pour m’entraîner sur ce que je venais d’assimiler. Et puis je me suis dit que KOLoad pouvait être utile à la communauté, donc je l’ai publié. Et puis au lieu d’utiliser SkyDrive comme tout le monde au lycée, j’aurais mon KOLoad sur mon serveur 😉 Cependant, je tiens à préciser qu’il ne sera pas maintenu (je suis actuellement sur des projets plus important, comme Movim, qui a pour but de créer un réseau social libre et décentralisé basé sur XMPP !).

J’ai choisi la licence CeCILL, tout simplement, parce-que KOLoad est basé sur listr, un projet de navigateur de fichiers en PHP, qui était lui-même publié sous la licence CeCILL. Pour ne rien changer, je l’ai donc gardée. Cette licence me paraissait bonne pour le logiciel libre, donc je ne me suis pas amusé à changer !

Penses-tu que ce serait une bonne idée de créer un « cours d’informatique » comme cela se discute actuellement ? Et si oui pour quel niveau et pour quel contenu ?

Mhh, si tu parles de cours informatique à l’école, ça peut être utile à hauteur d’une heure toutes les 2 semaines par exemple, histoire de faire découvrir des alternatives, de sensibiliser les jeunes sur le libre (tant qu’à y être !). Et puis de nos jour, ne pas savoir utiliser correctement un ordinateur est assez problématique pour son futur métier.

Pour ce qui est du niveau, pourquoi ne pas avoir plusieurs groupes qui feraient, pour les plus expérimentés, des choses plus poussées (bon, j’imagine que ça irait pas jusqu’à la programmation quand même !). Mais le truc que j’aurais adoré en tant que lycéen, c’est justement une option « programmation » ! Inutile pour la section que je fait actuellement, mais passionnant ! 🙂

Comment vois-tu l’avenir du logiciel libre ?

Comme la devise de Framasoft le dit si bien : on a encore du boulot pour sensibiliser et promouvoir, mais on remarque tout de même une petite progression au fil des années.

Le truc qui me fait peur c’est l’ascension des applications web, à intérêt commercial (je pense aux services Google). Le code est fermé pour celles-ci, et on arrive dans l’impasse de la centralisation. À mon avis, la communauté du logiciel libre devrait s’activer dans les applications web décentralisées, puisque c’est l’avenir de l’informatique, malheureusement à mon avis… (Le futur Chrome OS souligne bien ça).

Bonne chance pour la suite de tes études 😉

Merci ! Il y a du pain sur la planche 🙂

Notes

[1] Crédit photo : Chapendra (Creative Commons By)




Quand la Francophonie soutient le logiciel libre en Afrique

En septembre 2006, la francophonie réunie à Bucarest par l’OIF proposait sur le site officiel de l’évènement un très intéressant article intitulé Le choix des logiciels libres, que nous avons reproduit ci-dessous.

Il n’est donc pas étonnant mais tout à fait réjouissant de les retrouver dans ce petit reportage réalisé à Niamey au Niger par TV5 Québec Canada.

« Cette formation, qui va durer une semaine, permettra à une trentaine de nigériens issus de différents secteurs d’activités, l’administration publique en général, le secteur de l’éducation, le secteur privé, de bénéficier d’une formation de pointe en environnement libre. »

—> La vidéo au format webm

Le choix des logiciels libres

URL d’origine du document

Conformément aux Conférences ministérielles sur la culture (Cotonou, 2001) et sur la société de l’information (Rabat, 2003), la Francophonie favorise le développement, la diffusion et l’usage de logiciels libres…

La Francophonie favorise le développement, la diffusion et l’usage de logiciels libres pour éviter que les pays en développement ne se trouvent en situation de dépendance technologique vis-à-vis d’un fournisseur.

La liberté de choix technologique défendue par la Francophonie vise à favoriser une appropriation réelle et maîtrisée des technologies. Mettre en commun le savoir, le faire évoluer librement, l’enrichir par une dynamique collaborative et répondre ainsi au besoin légitime de tous de participer pleinement à l’édification de la société de l’information sont le fondement même du concept des logiciels libres.

L’expression « logiciel libre » fait référence à la liberté pour les utilisateurs d’exécuter le programme, d’étudier son fonctionnement et de l’adapter à leurs besoins, de redistribuer des copies, d’améliorer le programme et de publier les améliorations pour en faire profiter toute la communauté. Le choix de l’utilisation de normes et de standards ouverts permet d’éviter des incompatibilités techniques pouvant conduire à des pertes de données publiques.

Il s’oppose à toute restriction des échanges et encourage la diversité d’expression. Beaucoup plus qu’une solution technique, il défend le libre accès aux savoirs. Grâce à leur faible coût d’opération et surtout aux principes de liberté et de partage qu’ils sous-tendent, les logiciels libres représentent une opportunité pour soutenir le développement durable des pays francophones du Sud.

L’OIF a donc soutenu l’organisation des Rencontres africaines du logiciel libre (respectivement du 4 au 7 octobre à Ouagadougou et du 19 au 21 octobre à Libreville). Les Rencontres mondiales 2005 sur les logiciels libres de Dijon (France, 5-9 juillet) ont également été soutenues, ainsi que le 7e Forum international du logiciel libre de Porto Alegre (Brésil, 19-22 avril 2006).

L’AUF, en partenariat avec l’Association francophone des utilisateurs de Linux et logiciels libres, a mis en place un réseau de centres Linux et logiciels libres fondé sur le développement et l’utilisation de solutions technologiques et pédagogiques ouvertes dans les pratiques d’enseignement, de recherche ou de communication. Ces centres sont basés à Antananarivo, Bamako, Chisinau, Dakar, Hanoi et Rabat.

L’Intif met en place des Laboratoires TIC (Labtic), véritables espaces collectifs mutualisés servant de cadre à la démultiplication des transferts de compétences au niveau national, en associant les acteurs des secteurs public, privé et associatif. Les Labtic permettent ainsi de faire des formations tout en créant un environnement matériel et logiciel permettant aux stagiaires de poursuivre et de consolider leurs acquis de manière continue. Ces actions de formation favorisent une appropriation technologique réelle qui peut servir de base à une industrie nationale numérique. En 2006, 15 laboratoires sont en place auprès de partenaires locaux dans les pays en développement : Bulgarie, Burkina Faso, Cameroun, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée, Laos, Madagascar, Mali, Maroc, Mauritanie, Niger, Sénégal, Togo, Vietnam.




Claude Bernard Lyon 1 offre les premières bourses Microsoft à ses étudiants

Stuartpilbrow - CC by-saL’université française ne doit plus pleurer sur le désengagement de l’État, le sauveur et bienfaiteur Microsoft est là pour y remédier.

Hier c’était Paris Descartes qui décidait de confier la communication numérique de ses étudiants à la firme de Redmond. Et aujourd’hui, fait unique dans les annales, ont vu le jour les premières bourses d’étudiants financées pour le privé.

C’est à l’Université Claude Bernard Lyon 1 que l’on doit cet acte pionnier et, vous l’aurez compris, c’est encore de Microsoft qu’il s’agit.

Extrait du communiqué de presse :

Alors qu’en novembre 2007, l’Université Claude Bernard Lyon 1 s’était engagée avec Microsoft France sur une série d’actions visant à rapprocher les deux structures en termes de partenariat économique, après plusieurs années de projets communs – l’Université et Microsoft France concrétisent aujourd’hui l’un de ses axes de partenariat qui était de contribuer financièrement au soutien d’étudiants boursiers, par le biais de la Fondation partenariale Lyon 1.

Cinq bourses sont accordées pour la rentrée universitaire 2009 à des étudiants débutants leurs études en première année de licence (…) La bourse d’un montant de 3 000 €, versée en une fois, doit permettre à des étudiants méritants d’entamer des études scientifiques dans de bonnes conditions financières.

(…) Ils recevront lundi 19 octobre 2009 à 14h30 dans la salle du conseil de l’Université leur bourse des mains d’Eric Le Marois, Directeur Education et Recherche de Microsoft France et de Lionel Collet, président de l’Université Lyon 1.

À l’issue de cette remise de bourse, Lionel Collet et Eric le Marois se prêteront au jeu des questions-réponses sur les thématiques des nouvelles technologies auprès de jeunes étudiants de l’Université.

Inclinons-nous et disons merci à la généreuse société américaine pour le soutien ainsi apporté au fleuron de notre jeunesse[1].

Quand on pense au coût annuel que représente la somme totale de toutes les licences Windows et MS Office de tous les postes de tous les établissements scolaires de France et de Navarre, on se dit que ces 5 bourses de 3 000 € ne méritent pas forcément une vaste opération de communication.

Il faut être naïf, malintentionné ou bien carrément parano pour n’y voir avant tout qu’une belle arnaque consistant à déshabiller l’élève Pierre pour habiller l’étudiant Paul sous l’œil bienveillant d’une puissance publique de moins en moins puissante et de moins en moins publique.

Notes

[1] Crédit photo : Stuartpilbrow (Creative Commons By-Sa)




CaRMetal : Entretien avec Eric Hakenholz

CaRMetal - Copie d'écranCaRMetal est un excellent logiciel éducatif de géométrie dynamique. CaRMetal est un logiciel libre (sinon d’ailleurs il n’aurait jamais vu le jour puisqu’il est directement issu du code source d’un autre logiciel libre). CaRMetal est développé et maintenu par un professeur de mathématiques français fort expérimenté qui a des choses à dire.

Autant de bonnes raisons de rencontrer Eric Hakenholz pour un entretien témoignage riche et intéressant.

Remarque : Le Framablog poursuit ici sa série de mises en valeur et en lumière de projets éducatifs libres et de ceux qui les portent.

Entretien avec Eric Hakenholz

Eric bonjour, une rapide présentation personnelle ?

Je suis professeur de mathématiques depuis 1989. J’ai passé mes deux premières années d’enseignement dans une école française installée dans un lycée public australien (Melbourne). Grâce à ce poste d’enseignant, j’ai eu la chance de pouvoir travailler dès 89 dans un environnement très informatisé et d’être témoin de nombreuses pratiques pédagogiques liées à l’utilisation du réseau (les nombreux Mac Plus de l’établissement étaient tous interconnectés). J’ai programmé là-bas mon premier logiciel Mac : un traceur de courbes et de surfaces, dont l’interface paraîtrait aujourd’hui bien désuète.

J’ai passé ensuite douze années dans l’académie de la Réunion, où j’ai « milité » pour l’utilisation du logiciel Cabri-Géomètre par le biais de formations et de publications (sites, journal bimestriel abraCAdaBRI, développement de l’utilitaire Cabri File Exchange). En 2004, en arrivant dans l’académie de Toulouse, j’ai cherché s’il existait un autre logiciel de géométrie dynamique, libre et gratuit cette fois-ci, qui puisse rivaliser avec la puissance et la pertinence de Cabri : j’ai découvert cette année-là le logiciel C.a.R. (Compass and Ruler).

Qu’est-ce que le logiciel CaRMetal ?

C’est un logiciel de géométrie dynamique, un environnement qui permet notamment d’explorer de manière interactive les propriétés géométriques des figures. Dans ce type de logiciel, les utilisateurs peuvent effectuer des constructions géométriques et déplacer les objets sur lesquels se basent la construction.

Pendant ces déplacements les propriétés sont conservées, et de nombreuses constatations peuvent surgir à ce moment-là : le simple mouvement des figures permet de mettre en évidence de nombreuses propriétés géométriques qui seraient passées inaperçues dans un environnement papier-crayon.

CaRMetal - Copie d'écran

Lorsque j’ai découvert le logiciel C.a.R. de René Grothmann en 2004, je me suis aperçu qu’il contenait de nombreuses fonctionnalités très originales, avec une gestion très pointue des macro-constructions (possibilité de se créer des outils à partir de ceux déjà existants). Cependant, malgré tout l’émerveillement que me procurait la découverte des possibilités de C.a.R., je gardais un oeil assez critique sur la façon d’accéder aux fonctionnalités, sur l’interface utilisateur.

CaRMetal au départ (février 2006) était juste un « TP » motivé par mon envie d’apprendre le langage java. Mes années de programmation en Pascal et en C m’ont amené petit à petit à vouloir changer pour un langage objet multi-plateforme, sur un code qui puisse être exécuté aussi bien sur GNU/Linux, Macintosh ou Windows. Les sources du logiciel C.a.R., écrits en Java par un programmeur clair, rigoureux et doué, ont rempli à merveille leur rôle de tuteur pendant mes deux premiers mois d’apprentissage. Le but que je m’étais fixé au départ était de reprendre les algorithmes mathématiques de C.a.R. et de les installer dans une interface neuve, intuitive, et toute en manipulation directe. Les choses sont allées plus vite que je ne le pensais, et les premiers résultats m’ont encouragé à changer d’optique : ce qui n’était qu’un TP est rapidement devenu un vrai projet, que j’ai décidé de publier sur Internet et de mettre à jour régulièrement.

On développe aujourd’hui des interfaces avec le soucis de donner une réponse immédiate à l’action de l’utilisateur : on s’aperçoit qu’il est presque toujours possible, avec des efforts de programmation supplémentaires, de supprimer toute situation bloquante (comme un dialogue avec boutons ok ou appliquer) ou toute situation qui ralentirait l’action (comme l’obligation systématique de dérouler un menu et de chercher l’item). Développée dans ce sens, avec le soucis d’une organisation claire et rationnelle des outils, une interface graphique permet de travailler d’une façon beaucoup plus fluide, avec un gain de temps très sensible, et une impression de liberté pour l’utilisateur qui s’en trouve nettement améliorée.

C’est avec l’objectif de produire un logiciel qui réponde un peu à ces critères que j’ai programmé CaRMetal : les seules boîtes à dialogues qui existent sont celles relatives à l’enregistrement et l’ouverture des fichiers. En phase de construction ou d’édition des objets, aucun menu n’est à dérouler, l’accès aux fonctionnalités est sans étape intermédiaire et les modifications apportées à l’aspect des objets sont visibles immédiatement dans la fenêtre de travail.

Jusqu’en décembre 2007, je suivais de très près l’évolution du logiciel C.a.R. en incluant dans CaRMetal, version après version, les modifications que René apportait à son « moteur mathématique ». Mais à partir de cette date j’ai souhaité mettre la main sous le capot algorithmique, ce qui nécessitait l’abandon du copier-coller de C.a.R. vers CaRMetal, et plusieurs dizaines de fonctionnalités qui me tenaient particulièrement à coeur ont ainsi pu voir le jour.

CaRMetal - Copie d'écran

En quoi se distingue-il des autres logiciels de la catégorie ? Je pense en particulier à Geogebra lui aussi libre et sous Java.

L’interface utilisateur de CaRMetal se distingue de celle des autres logiciels pour toutes les raisons évoquées précédemment. Certains utilisateurs me disent aussi que, pour leurs élèves, les retours vidéos systématiques ainsi que le caractère graphique des palettes et de l’inspecteur rend pratiquement nul le temps de prise en main du logiciel. D’autres, en général des adultes habitués à des logiciels différents, disent que l’absence de menus-boutons classés par types d’objets les perturbent : je laisse donc le soin aux utilisateurs de se faire leur propre opinion !

Bien sûr il y a de nombreuses fonctionnalités originales qui ne se retrouvent que dans CaRMetal, mais dire uniquement ceci serait oublier un peu trop vite que c’est aussi le cas pour d’autres logiciels de géométrie dynamique, comme Geogebra (je pense notamment à sa récente fonctionnalité « tableur » qui ne se retrouve nulle part ailleurs, du moins dans une forme très proche de celle des tableurs).

Comparer les fonctionnalités est un exercice assez subjectif : chacun peut faire son propre tableau avec en ligne le nom des logiciels, en colonne ses propres fonctionnalités, et ainsi faire apparaître une belle et unique ligne entièrement cochée… Je préfère de loin m’intéresser à l’ergonomie et l’expérience utilisateur, mais je vais tout de même essayer de faire une liste non exhaustive de quelques fonctionnalités "exotiques" de CaRMetal :

  • Les diaporamas : CaRMetal peut transformer automatiquement (en un seul clic comme disent les commerciaux) un dossier contenant des figures en un mini site web. En cliquant sur les liens de la page générée, on charge des applets qui correspondent à chacune des figures.
  • Les objets magnétiques : Cela permet notamment de créer un point sur plusieurs objets ou un point tout simplement attiré par un ensemble d’objets, conformément à une zone d’attraction définie en pixels par l’utilisateur.
  • Les contrôles systèmes : on peut inclure dans la figure des curseurs systèmes, des menus déroulants, des boîtes à cocher, des boîtes d’entrées numériques et des boutons poussoir.
  • Le JavaScript : un éditeur graphique permet de créer des scripts utilisant l’intégralité du langage javascript, enrichi de commandes liées à la pratique de la géométrie dynamique. Le logiciel permet de lancer un script et de l’annuler dans une figure.
  • Attribution automatique des noms de points : avec un tableau numérique interactif, il est assez gênant d’avoir à utiliser le clavier. Un dispositif d’attribution de noms permet de sélectionner à la volée et au stylet les noms qu’on veut donner aux objets.
  • Le mode « tableau numérique interactif » (TNI) : un stylet sur un tableau interactif ne se comporte pas tout à fait comme une souris. On perd la notion de mouse over et par conséquent bon nombre d’informations que donne la souris lors du survol d’objets d’intérêts (retours vidéos). Va-t-on par exemple, en cliquant, créer un point à une intersection, ou va-t-on louper sa cible et créer un point libre à côté ? En mode TNI, un cliquer-glisser équivaut à un survol de souris, et un lâché de stylet correspond à un clic de souris. Dans ce mode, sur un tableau interactif, on garde le même confort visuel et la même précision que lorsqu’on construit à la souris.
  • Les exercices : le formateur peut créer une construction-exercice avec comme objectif de faire construire un objet-cible (un orthocentre par exemple). L’élève doit effectuer la construction et s’il la réussit correctement, le message bravo ! apparaît. Dans ce type de figure c’est le logiciel lui-même qui s’assure que le travail a été effectué sans erreur.

CaRMetal dérive du logiciel C.a.R. (Compass and Ruler) développé par un professeur allemand. C’est parce que ce dernier était un logiciel libre que vous avez pu récupérer les sources et le modifier pour l’adapter à vos besoin. Que cela vous inspire-t-il ?

Certains informaticiens qui vivent en free-lance de leurs productions n’ont pas envie de produire des algorithmes ouverts, de peur que ce qu’ils programment ne soit immédiatement repris et vendu par d’autres. De peur finalement que le bénéfice de leurs travaux, pour lesquels ils ont dépensé beaucoup d’énergie et monopolisé beaucoup de connaissances, aillent dans une autre poche que la leur. Même si je ne fais pas partie de ce monde-là, je peux comprendre cette démarche de protection, par fermeture, dans des secteurs pointus dominés par les majors, les requins et la course au profit. Je préfère de très loin cette démarche cohérente à celle de nombreuses boîtes informatiques entièrement habillées chez Microsoft, et qui d’un autre côté ne jurent que par l’open source, en utilisant abondamment ce label dans le seul but de faire du dollars à grands coups de copier-coller. Concernant l’open source, les choses ne sont donc pas si simples et si manichéennes…

C.a.R. est un logiciel libre, et pas seulement open source : il est sous licence GNU-GPL et par conséquent CaRMetal l’est aussi. René Grothmann, le concepteur de C.a.R., a développé son logiciel dans une démarche d’ouverture et de partage : le véritable esprit du libre est-là, dans un comportement plus éthique et moral que purement technique. Reprendre les sources de René, les adapter suivant mes préférences, ajouter de nouvelles fonctionnalités m’a permis de créer un autre logiciel, qui a son tour peut être repris, et amélioré dans le même esprit.

L’idée du libre me fait penser au chanteur folk américain Woody Guthrie, qui, prenant le contre-pied des copyrights déjà en vogue à son époque, écrivait ceci en 1930 dans un recueil de chansons : This song is Copyrighted in U.S., under Seal of Copyright #154085, for a period of 28 years, and anybody caught singin’ it without our permission, will be mighty good friends of ourn, cause we don’t give a dern. Publish it. Write it. Sing it. Swing to it. Yodel it. We wrote it, that’s all we wanted to do.

Rares sont les enseignants développeurs de logiciels libres, êtes-vous reconnu et soutenu par l’Institution ? Est-ce important pour vous ?


N’ayant jamais aimé jouer les commerciaux, je n’ai jamais rien demandé à personne pendant ces quatre années de développement. C’est peut-être la raison pour laquelle je n’ai jamais eu aucun soutien, aucune reconnaissance de la part de ma hiérarchie institutionnelle ici, dans l’académie de Toulouse.

Lorsque je lis par exemple des présentations de CaRMetal comme celle mise en ligne par l’académie de Poitier, cela me fait bien évidemment plaisir, et je ne cacherai pas qu’une petite reconnaissance du travail effectué, par ma hiérarchie toulousaine, me paraîtrait bien sympathique. Développer un logiciel comme celui-ci prend beaucoup de temps, et le temps n’est pas extensible… Pour la petite histoire, en dehors de mes 19h00 de cours hebdomadaire, il m’a été reproché l’an dernier de ne pas avoir voulu m’investir et participer à la vie informatique de mon établissement, comme personne ressource. Si l’absence de reconnaissance de ma hiérarchie locale n’est pour moi qu’un petit regret, ce genre de reproche-là, par contre, fait plutôt du mal.

Hors institution par contre, l’encouragement est très présent, avec des articles récents comme celui publié sur le portail des IREMs (Institut de Recherche sur l’Enseignement des Mathématiques), ou par exemple les travaux réalisés par l’IREM de La Réunion. L’IREM de Toulouse m’a contacté très tôt, en 2007, pour savoir si je voulais intervenir dans ses stages « Enseigner les maths au collège » et c’est avec grand plaisir que j’ai accepté, et que je donne dans ce cadre-là quelques heures de formation par an. Tout ce qui est écrit aussi au sujet de CaRMetal dans le monde du logiciel libre me donne bien sûr l’envie de continuer !

Que pensez-vous du label RIP et de l’initiative SIALLE visant à promouvoir le logiciel libre dans l’éducation ?


Sans même parler des critères d’attribution de ce label RIP (Reconnu d’Intérêt Pédagogique), on peut se demander si les enseignants ont vraiment besoin qu’on leur indique quelles ressources sont intéressantes pour eux, avec comme corollaire possible que les autres ne le sont pas. Une ressource pédagogique n’étant pas tout à fait comparable à un poulet sous cellophane, j’ai toujours été assez réservé sur la nécessité de labelliser quoi que ce soit dans notre métier d’enseignant. Pour bénéficier de ce label, il faut le demander, et ce n’est peut-être pas dans la culture de tous les développeurs libres du monde éducatif. Cependant, je n’irai pas jusqu’à affirmer que c’est pour cela que presque aucun logiciel libre n’est classé RIP !

Je n’ai jamais demandé le label RIP pour CaRMetal, qui ne fait donc pas partie de la liste : on constate par contre que cela convient tout à fait aux sociétés privées de e-learning qui cherchent à se faire estampiller leurs animations flash, et qui, par les temps qui courent, y arrivent plutôt bien.

Je vois par contre d’un tout autre oeil l’initiative SIALLE, qui montre que l’idée du libre fait aussi son chemin dans l’Education Nationale, même si tout cela reste très timide. C’est pour cette raison-là que lorsqu’on m’a contacté il y a deux ans pour faire partie de cette base de logiciels, j’ai donné mon accord immédiatement. Je regrette un peu l’aspect rigide de la base de données, avec des classements par étoiles qui ne sont issus en général que d’un ou deux avis, mais il reste que cette initiative a le mérite d’exister et qu’il faut l’encourager, et faire en sorte qu’elle prenne plus d’importance.

En mathématiques, il y a l’incontournable et très libre association Sésamath. Participez-vous, de près ou de loin, à ses travaux ?

Non, et c’est un de mes grands regrets… J’ai participé il y a trois ans, avec l’équipe de développeurs de mathenpoche, à une réunion qui s’était fixée pour objectif de jeter les bases du Labomep à venir. J’aurai dû continuer à collaborer sur ce projet avec ces collègues sympas et talentueux, mais je suis resté "en solo" sur CaRMetal, en ne traitant que l’infinie liste des choses à faire pour ce logiciel… On n’a qu’une vie et c’est dommage ! Je suis par contre, dans ma pratique pédagogique, un utilisateur très assidu de toutes les productions de cette association : les manuels, les démos, Mathenpoche, Sesaprofs, eBep’s etc.

Sésamath est un formidable ballon d’oxygène au milieu d’un monde de brutes. Je ne prendrai qu’un seul exemple, que je souhaite détailler : celui des manuels numériques. A l’occasion des nouveaux programmes de sixième estampillés « manuels numériques », les enseignants ont reçu en fin d’année dernière de nombreux spécimens, avec du Bordas, du Nathan, du Hachette et du Hatier comme s’il en pleuvait. Rien de très nouveau dans cette avalanche de papier glacé, mise à part la possibilité de vidéo-projeter le manuel. Il n’y a souvent aucune interactivité véritable dans les documents proposés : juste du texte, des images, et l’idée véhiculée qu’avec tout ça, on allait enfin pouvoir se sentir dans le vent.

Les choses se compliquent lorsque l’enseignant veut installer pour lui et pour sa classe les manuels numériques en question :

  • On commence par la case tiroir-caisse avec en moyenne 5,50€ par élève, si on a bien sûr déjà payé les 20€ par élève du manuel papier. Ceux qui souhaitent étudier de près les grilles de tarification des éditeurs, peuvent cliquer ici pour visualiser l’exemple de l’offre de la maison Hachette.
  • On part sur un site portail (KNE) pour télécharger son manuel, avec les codes d’accès achetés par l’établissement.
  • On installe une application nommée delivery (logiciel utilisé pour les ventes de magazines en ligne) qui a pour fonction de télécharger, lire, et cadenasser la ressource par l’utilisation d’un format propriétaire (.dly).

Pour un enseignant donné, le manuel ne s’installe qu’une seule fois, avec à la limite une autre installation possible sur une clé USB. Si cela vous rappelle quelque chose, c’est normal : il s’agit bien de DRMs appliquées à l’Education Nationale. J’allais oublier de signaler que l’installation de ces manuels numériques, quand on y arrive (de nombreux collègues rencontrent de grosses difficultés techniques pendant cette phase), ne peut se faire que sur windows ou mac. Amis linuxiens, bonjour. Les collègues qui ont opté pour le manuel sesamath 6e (mais aussi les autres !) peuvent aller librement sur le site, téléchargent sans code d’accès ce qu’ils veulent, d’où ils veulent, sous format pdf ou OpenOffice.org, le modifient comme ils le souhaitent, utilisent les démos interactives des chapitres, le site Mathenpoche, ainsi que tous les formidables outils produits par cette association.

Sésamath, c’est le choix de la pertinence et de la sérénité, très loin des contraintes, des contorsions techniques et des interdits que veulent nous imposer les marchands du temple par le biais de leurs relais institutionnels.

La situation du logiciel libre à l’école : excellente, bonne, peut mieux faire ?

Peut beaucoup mieux faire bien entendu… J’attends impatiemment que l’institution se mette enfin à étudier sérieusement les alternatives libres, mais avec des exemples récents comme celui des manuels numériques, on peut se dire qu’il y a encore beaucoup de travail à faire de ce côté-là.

Il serait pourtant possible d’imaginer des établissements entièrement équipés de clients linux sur les réseaux pédagogiques : l’offre logicielle, ainsi que la simplicité d’installation et d’utilisation des nouvelles distributions le permettrait dès maintenant. Il manque juste, pour se faire, une évolution des mentalités des acteurs du monde éducatif, et je ne parle pas que de l’institution : beaucoup de collègues, qui ne se sentent pas en confiance avec l’outil informatique, sont encore très attachés au système windows qui leur a été livré en standard avec leur machine. Je peux comprendre cela et je ne critique pas : je pense juste que la situation du logiciel libre à l’école va sûrement évoluer, mais pas aussi rapidement qu’on pourrait le croire…

Que manque-t-il à CarMetal selon vous et quels sont les améliorations que vous aimeriez voir figurer dans les prochaines versions ?

CaRMetal est un logiciel de géométrie plane qui simule assez bien la 3D, mais il lui manque certaines fonctionnalités pour qu’on puisse directement construire et manipuler des objets dans l’espace : c’est sur cette question-là que je travaille en ce moment, et une version qui véritablement 3D devrait voir le jour d’ici décembre.

Une autre amélioration en vue : le multi-fenêtrage de l’application devrait être remplacé, dans un avenir proche, par une navigation par onglets qui permettra un accès plus simple aux figures.

CaRMetal - Copie d'écran




Paris Descartes vend ses étudiants à Micro$oft !

TheeErin - CC by-saEncore un titre qui ne fait pas dans la dentelle ! Il ne vient pas de moi mais d’un tract qui est actuellement distribué sur le campus de l’Univesité Paris Descartes par le SNESup, le Syndicat national de l’enseignement supérieur. Tract que nous avons reproduit ci-dessous dans son intégralité.

Il est une conséquence indirecte (et non désirée) d’un vaste et ambitieux partenariat signé en juillet 2009 par Microsoft et la vénérable Université, partenariat « visant à développer des actions communes autour des nouvelles technologies » (liens html, pdf, vidéo[1] et… photo de famille !)

Ce qui frappe c’est la radicalité des mots et expressions employés (jusqu’à mettre un « $ » au « s » de Microsoft !). À la hauteur de l’exaspération suscitée par cette énième opération de marchandisation de l’éducation qui ne veut pas dire son nom ?

Je tenais cependant à apporter quelques éléments de réflexion qui sont autant de modestes tentatives de mise en perspective (en pensant aussi à un éventuel débat qui pourrait démarrer dans les commentaires) :

  • Les universités peuvent-elles résister à de telles offres dans le contexte économique actuel ? Prenez le temps de lire le communiqué de presse et vous constaterez avec moi la densité des services proposés, avec promesse de soutien de Microsoft à la future fondation de l’université (« soutien » étant pris ici dans tous les sens du terme). Même une direction rompue aux vertus du logiciel libre et sa culture aurait à mon avis du mal à ne pas sacrifier quelques unes de ses valeurs sur l’autel d’un certain pragmatisme dicté par le manque de moyens.
  • C’est le programme Live@edu de Microsoft qui est stigmatisé ici. Mais Google propose, à quelques nuances près, rigoureusement la même chose avec Google Apps Education. Ne serait-ce point « la guerre de l’informatique dans les nuages » qui pénètre ici directement le vulnérable secteur éducatif ? D’un côté on rend service aux étudiants, de l’autre on investit sur leur potentiel à… conserver les mêmes technologies une fois arrivés sur le marché du travail. Le plus dur étant d’entrer, parce qu’une fois que l’étudiant possède (sur vos serveurs) sa messagerie, son agenda, son espace de stockage, sa suite bureautique en ligne, ses documents, ses photos, ses habitudes de chat, etc. le plus dur est fait. Il lui sera alors fort difficile de migrer, même avec les meilleures volontés du monde ! Un dernier mot sur ces serveurs qui hébergent toutes ces données de nos étudiants : il est juridiquement et géographiquement presque impossible de les localiser !
  • Cet épisode interroge également sur la politique numérique française de l’éducation en général et du supérieur en particulier. Que ne nous avait-on pas dit et promis avec les ENT, les fameux Espaces numériques de travail ! À laisser Microsoft, Google et consors s’occuper de cela pour nous, nous sommes en présence d’un double aveu, celui d’un échec et d’une démission. Sans compter que dans l’intervalle sont apparus les réseaux sociaux qui risquent eux aussi de ringardiser les quelques ENT qui avec peine avaient tout de même réussi à se mettre en place (Facebook sera-t-elle la prochaine grosse société américaine à venir frapper aux portes de nos universités ?). On voit bien ici comment le public ne peut pas (ou plus) lutter contre le privé, et c’est fort inquiétant pour ceux qui demeurent attachés à la notion de biens communs. Dernier exemple en date, le risque de voir nos bibliothèques publiques numérisées par… Google et non pas nos propres moyens.

Sur ce je vous laisse avec ce tract qu’il me plait à imaginer entre les mains d’étudiants interloqués[2] mais conscients que cet accord peut en avantager quelques uns sur le court terme mais finir par freiner tout le monde sur le long terme.

Paris Descartes vend ses étudiants à Micro$oft !

SNESup – octobre 2009 – Tract


L’université s’apprête à signer avec Microsoft une convention d’utilisation du bouquet de services Live@edu. Il s’agit de confier à Microsoft le webmail des étudiants et des personnels volontaires. Une offre alléchante : gratuit, sans pub, avec 100 Go chacun, un chat intégré, un espace de stockage personnel, un accès au pack office web… et c’est compatible avec Linux, MacOS, Firefox ! Que demander de plus ?

Plus pour moins cher ?


Avec ce projet, l’université prétend offrir aux étudiants un service meilleur que le webmail actuel, pour un coût inférieur à ce que nos ingénieurs pourraient faire. Pourtant, les histoires d’externalisations sont toujours les mêmes : avant de signer le contrat, tout est rose, une fois signé on paye le prix fort. Un service a un coût, à long terme Microsoft nous le fera payer : Microsoft est un géant, qui nous imposera ses conditions s’il le souhaite.

Halte aux dealers !


Faciliter l’accès des étudiants au pack office web, c’est un cadeau empoisonné. Au lieu de former des utilisateurs avertis de l’informatique, l’université s’apprête à fabriquer des consommateurs dépendants des produits Microsoft. A la sortie de l’université, devenus accros, ils devront acheter au prix public les mêmes produits. L’université renonce donc à sa mission de formation pour servir les intérêts commerciaux d’une entreprise.


Aujourd’hui, les ingénieurs et les enseignants de Paris Descartes enseignent l’informatique via des logiciels libres : chacun peut ainsi utiliser les nouvelles technologies gratuitement et pour longtemps. Aurons-nous toujours cette liberté quand Paris Descartes sera pacsée avec Microsoft ?

Voulons-nous être les clients captifs de Microsoft ou rester des utilisateurs libres de l’informatique ?

Notes

[1] Pour rédiger cet article, je me suis tapé la vidéo de la conférence de presse jusqu’au bout et j’ai été assez stupéfait par la capacité de l’auditoire à ne pas poser les questions qui fâchent !

[2] Crédit photo : TheeErin (Creative Commons By-Sa)