Et l’homme créa la vie… mais déposa un brevet dans la foulée

Liber - CC by-saGrande première : des chercheurs américains sont récemment parvenus à créer une cellule bactérienne vivante dont le génome est synthétique.

Il n’en fallait pas plus pour que la presse vulgarise l’évènement en nous posant cette spectaculaire question : et si l’homme venait de créer la vie ?

C’est aller un peu vite en besogne nous précise le célèbre scientifique français Joël de Rosnay : « Craig Venter, l’auteur de la fameuse publication dans Science, n’a pas créé la vie, il a fait un copier coller du génome d’une bactérie qui existe dans la nature ». Mais il reconnaît cependant que « c’est la première fois qu’un être vivant n’a pas d’ancêtre, qu’il a pour père un ordinateur ».

Nous voici donc en présence d’un être vivant dont le père serait partiellement un ordinateur. Or qui manipule cet ordinateur ? Craig Venter et son équipe, et si l’homme est avant tout un biologiste c’est également un homme d’affaire, ce ne sont pas des fonds publics mais privés qui financent ses recherches. Ainsi Le Monde nous révèle que « Venter, qui aurait déjà investi 40 millions de dollars dans ce projet, a déposé un portefeuille de brevets pour protéger son concept de Mycoplasma laboratorium, hypothétique machine à tout faire des biotechnologies ».

Une vie qui n’est alors qu’information et données entrées dans un ordinateur mais dont l’exploitation et l’accès sont strictement contrôlés et réservés aux entreprises qui l’ont enfantée. Cela ressemble à de la mauvaise science-fiction. C’est pourtant peut-être le monde qui nous attend demain. Et l’Apocalypse arrivera plus tôt que prévu[1].

Sauf si… sauf si on insuffle là aussi un peu d’esprit « open source », nous dit cet article du The Economist traduit ci-dessous.

Avoir ou non la possibilité de « hacker la vie », telle sera l’une des questions fondamentales de ce siècle.

Et l’homme créa la vie…

And man made life

20 mai 2010 – The Economist Newspaper
(Traduction Framalang : Martin, Olivier et Don Rico)

La vie artificielle, porteuse de rêves et de cauchemars, est arrivée.

Créer la vie est la prérogative des dieux. Au plus profond de sa psyché, malgré les conclusions rationnelles de la physique et de la chimie, l’homme a le sentiment qu’il en est autrement pour la biologie, qu’elle est plus qu’une somme d’atomes en mouvement et en interaction les uns avec les autres, d’une façon ou d’une autre insufflée d’une étincelle divine, d’une essence vitale. Quel choc, alors, d’apprendre que de simples mortels ont réussi à créer la vie de façon artificielle.

Craig Venter et Hamilton Smith, les deux biologistes américains qui en 1995 ont démêlé pour la première fois la séquence d’ADN d’un organisme vivant (une bactérie), ont fabriqué une bactérie qui possède un génome artificiel – en créant une créature vivante sans ascendance (voir article). Les plus tatillons pourraient chipoter sur le fait que c’est seulement l’ADN d’un nouvel organisme qui a été conçu en laboratoire, les chercheurs ayant dû utiliser l’enveloppe d’un microbe existant pour que l’ADN fasse son travail. Néanmoins, le Rubicon a été franchi. Il est désormais possible de concevoir un monde où les bactéries (et à terme des animaux et des plantes) seront conçues sur ordinateur et que l’on développera sur commande.

Cette capacité devrait prouver combien l’Homme maîtrise la nature, de façon plus frappante encore que l’explosion de la première bombe atomique. La bombe, bien que justifiée dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale, n’avait qu’une fonction de destruction. La biologie, elle, s’attache à « mettre en culture » et « faire croître ». La biologie synthétique, terme sous lequel on regroupe cette technologie et des tas d’autres moins spectaculaires, est très prometteuse. À court terme, elle devrait permettre d’obtenir de meilleurs médicaments, des récoltes moins gourmandes en eau (voir article), des carburants plus écologiques, et donner une nouvelle jeunesse à l’industrie chimique. À long terme, qui peut bien savoir quels miracles elle pourrait permettre d’accomplir ?

Dans cette perspective, la vie artificielle semble être une chose merveilleuse. Pourtant, nombreux sont ceux qui verront cette annonce d’un mauvais œil. Pour certains, ces manipulations relèveront plus de la falsification que de la création. Les scientifiques n’auraient-ils plus les pieds sur terre ? Leur folie conduira-t-elle à l’Apocalypse ? Quels monstres sortiront des éprouvettes des laboratoires ?

Ces questionnements ne sont pas infondés et méritent réflexion, même au sein de ce journal, qui de manière générale accueille les progrès scientifiques avec enthousiasme. La nouvelle science biologique a en effet le potentiel de faire autant de mal que de bien. « Prédateur » et « maladie » appartiennent autant au champ lexical du biologiste que « mettre en culture » et « faire croître ». Mais pour le meilleur et pour le pire, nous y voilà. Créer la vie n’est désormais plus le privilège des dieux.

Enfants d’un dieu mineur

Il est encore loin le temps où concevoir des formes de vie sur un ordinateur constituera un acte biologique banal, mais on y viendra. Au cours de la décennie qui a vu le développement du Projet Génome Humain, deux progrès qui lui sont liés ont rendu cet événement presque inévitable. Le premier est l’accélération phénoménale de la vitesse, et la chute du coût, du séquençage de l’ADN qui détient la clé du « logiciel » naturel de la vie. Ce qui par le passé prenait des années et coûtait des millions prend maintenant quelques jours et coûte dix fois moins. Les bases de données se remplissent de toutes sortes de génomes, du plus petit virus au plus grand des arbres.

Ces génomes sont la matière première de la biologie synthétique. Tout d’abord, ils permettront de comprendre les rouages de la biologie, et ce jusqu’au niveau atomique. Ces rouages pourront alors êtres simulés dans des logiciels afin que les biologistes soient en mesure de créer de nouvelles constellations de gènes, en supposant sans grand risque de se tromper qu’elles auront un comportement prévisible. Deuxièmement, les bases de données génomiques sont de grands entrepôts dans lesquels les biologistes synthétiques peuvent piocher à volonté.

Viendront ensuite les synthèses plus rapides et moins coûteuses de l’ADN. Ce domaine est en retard de quelques années sur l’analyse génomique, mais il prend la même direction. Il sera donc bientôt à la portée de presque tout le monde de fabriquer de l’ADN à la demande et de s’essayer à la biologie synthétique.

C’est positif, mais dans certaines limites. L’innovation se porte mieux quand elle est ouverte à tous. Plus les idées sont nombreuses, plus la probabilité est élevée que certaines porteront leurs fruits. Hélas, il est inévitable que certaines de ces idées seront motivées par une intention de nuire. Et le problème que posent les inventions biologiques nuisibles, c’est que contrairement aux armes ou aux explosifs par exemple, une fois libérées dans la nature, elles peuvent proliférer sans aide extérieure.

La biologie, un monde à part

Le club informatique Home Brew a été le tremplin de Steve Jobs et d’Apple, mais d’autres entreprises ont créé des milliers de virus informatiques. Que se passerait-il si un club similaire, actif dans le domaine de la biologie synthétique, libérait par mégarde une bactérie nocive ou un véritable virus ? Imaginez qu’un terroriste le fasse délibérément…

Le risque de créer quelque chose de néfaste par accident est sans doute faible. La plupart des bactéries optent pour la solution de facilité et s’installent dans de la matière organique déjà morte. Celle-ci ne se défend pas, les hôtes vivants, si. Créer délibérément un organisme nuisible, que le créateur soit un adolescent, un terroriste ou un État-voyou, c’est une autre histoire. Personne ne sait avec quelle facilité on pourrait doper un agent pathogène humain, ou en choisir un qui infecte un certain type d’animal et l’aider à passer d’une espèce à une autre. Nous ne tarderons toutefois pas à le découvrir.

Difficile de savoir comment répondre à une telle menace. Le réflexe de restreindre et de bannir a déjà prouvé son efficacité (tout en restant loin d’être parfait) pour les armes biologiques plus traditionnelles. Mais celles-ci étaient aux mains d’états. L’omniprésence des virus informatiques montre ce qu’il peut se produire lorsque la technologie touche le grand public.

Les observateurs de la biologie synthétique les plus sensés favorisent une approche différente : l’ouverture. C’est une manière d’éviter de restreindre le bon dans un effort tardif de contrer le mal. Le savoir ne se perd pas, aussi le meilleur moyen de se défendre est-il de disposer du plus d’alliés possible. Ainsi, lorsqu’un problème se présente, on peut rapidement obtenir une réponse. Si l’on peut créer des agents pathogènes sur ordinateur, il en va de même pour les vaccins. Et à l’instar des logiciels open source qui permettent aux « gentils sorciers » de l’informatique de lutter contre les « sorciers maléfiques » (NdT : white hats vs black hats), la biologie open source encouragerait les généticiens œuvrant pour le bien.

La réglementation et, surtout, une grande vigilance seront toujours nécessaires. La veille médicale est déjà complexe lorsque les maladies sont d’origine naturelle. Dans le cas le la biologie synthétique, la surveillance doit être redoublée et coordonnée. Alors, que le problème soit naturel ou artificiel, on pourra le résoudre grâce à toute la puissance de la biologie synthétique. Il faut encourager le bon à se montrer plus malin que le mauvais et, avec un peu de chance, on évitera l’Apocalypse.

Notes

[1] Crédit photo : Liber (Creative Commons By-Sa)




Geektionnerd : I like to Movim Movim !

Le projet MOVIM (pour My Open Virtual Identity Manager) vise à créer une plateforme sociale complète, opensource et totalement décentralisée dans le plus grand respect de ses utilisateurs.

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Bienvenue à Simon Descarpentries, deuxième permanent chez Framasoft

Simon DescarpentriesFramasoft est fière d’annoncer officiellement l’embauche d’un deuxième permanent pour l’association du même nom qui organise et anime son réseau de sites et de projets.

Simon Descarpentries, alias Siltaar, vient donc épauler Pierre-Yves Gosset, dont nous souhaitons ainsi endiguer l’apparition des premiers cheveux blancs 😉

Simon n’est pas un inconnu pour nous puisqu’il est un fidèle membre de notre forum et fait partie de longue date des traducteurs de Framalang. Il s’est de plus illustré récemment en contribuant à la réussite de l’action de sensibilisation à la Cité des Sciences ainsi qu’à la mise en place de notre premier Traducthon lors de l’Ubuntu Party de Paris.

Pour en savoir plus, nous vous invitons à parcourir sa fiche de présentation en tant que membre de l’April. Déjà un beau CV du haut de ses 26 ans et des compétences et une polyvalence qui nous seront des plus utiles dans le contexte actuel.

Pourquoi un deuxième permanent ? La réponse est assez simple. Il suffit d’avoir la curiosité de jeter un œil sur notre Rapport moral 2009, que nous publions par la même occasion, pour constater que nous n’avons pas chômé et que l’activité multiforme du réseau est en forte croissance.

Framasoft c’est aujourd’hui des dizaines de projets collaboratifs auxquels participent régulièrement près d’une centaine de bénévoles. Ce sont ces derniers qui « font » Framasoft mais sans l’intendance assurée dans les coulisses par l’association en général et Pierre-Yves en particulier, nous n’en serions jamais arrivés là. Toutefois Pierre-Yves a tant et si bien travaillé qu’on se retrouve presque mécaniquement en surchauffe, nous obligeant soit à réduire fortement la voilure soit à poursuivre l’aventure en prenant quelques risques.

Avons-nous en effet les moyens de cette nouvelle ambition ? La campagne de dons ayant été un succès (cf le Rapport moral), nous pouvons aujourd’hui nous le permettre. Quant à demain rien n’est moins sûr, mais ce n’est pas le premier pari que nous faisons. Et puis, soyons optimistes, plus le temps passe, plus le logiciel libre et ses idées pénètrent la société, plus il y a de chances de rencontrer adhésion et soutien.

Welcome Simon !




Activisme et Hacktivisme sur Internet

José Goulã - CC by-saUn billet très court qui s’interroge furtivement sur l’efficacité réelle ou supposée de l’activisme sur Internet.

Lorsque d’un simple clic, vous décidez d’adhérer au groupe de l’apéro Facebook de votre ville, non seulement cela ne vous engage pas à grand-chose mais en plus l’action proposée est plutôt vide de sens. D’autant que rien ne nous dit que vous vous rendrez bien le jour J sur le lieu du rendez-vous.

Est-ce de l‘activisme ?

Non.

En revanche lorsque vous mettez les pieds dans un projet de logiciels libres, vous voici embarqué dans une aventure riche et complexe tendant vers un objectif commun : l’amélioration collective du code[1]. Il y a un cadre, une finalité, des outils techniques et des modes opératoires bien précis pour y arriver.

Et si les mouvements de résistance aux brevets logiciels, à l‘ACTA , à DADVSI, à Hadopi… ont pu rencontrer quelques succès, c’est aussi voire surtout parce qu’ils se sont fortement inspirés des modèles d’organisation et de développement du logiciel libre.

Est-ce que cette fois-ci c’est de l’activisme ?

Oui, mais c’est surtout de l’hacktivisme.

Tout ça pour dire qu’à l’ère du réseau, mettre un peu d’hacktivisme dans son activisme participe à augmenter vos chances de réussite 😉

À quoi bon être hacktiviste ?

What’s the Point of Hacktivism?

Glyn Moody – 5 juin 2010 – Open…
(Traductions Framalang : Olivier Rosseler)

Grâce à l’Internet, rien de plus aisé que de participer à de grands débats ; crise environnementale, oppression, injustice. C’est même trop simple : d’un clic votre e-mail s’en va, on ne sait où, d’un clic voilà votre avatar affublé de ce magnifique bandeau de protestation. Si vous pensez que ça a un quelconque effet, lisez le blog Net Effect tenu par Evgeny Morozov, vous changerez rapidement d’avis (d’ailleurs, lisez-le tout court, il est très bien rédigé).

Alors, à quoi bon ? En fait, ce genre d’hacktivisme peut avoir des effets, Ethan Zuckerman en parle très bien dans son article Overcoming apathy through participation? – (not)my talk at Personal Democracy Forum (NdT : Vaincre l’apathie par la participation ? ma présentation (pas de moi) au Personal Democracy Forum). Il y développe une idée qui me parle tout particulièrement :

Si l’on émet l’hypothèse que l’activisme, comme la majorité de ce qui se fait en ligne, est caractérisé par une distribution de Pareto, on peut alors supposer que pour 1000 sympathisants plutôt passifs on a 10 activistes vraiment engagés et 1 meneur qui émerge. Et si l’assertion « la participation engendre la passion » est vraie, cette longue traine (NdT : de la distribution de Pareto) pourrait être un terrain glissant ascendant d’où émergent plus de meneurs que dans les mouvements classiques.

Les lecteurs les plus attentifs auront fait le lien avec le succès des modèles open source qui permettent aux meneurs naturels de se démarquer de tous les participants. Cette méthode a déjà fait ses preuves, tous ceux à qui on n’aurait pas donné leur chance autrement et qui ont pu ainsi prouver leur valeur en sont témoins. Pour moi, cela justifie amplement la nécessité d’encourager l’hacktivisme, dans l’espoir de faire émerger quelque chose de similaire dans d’autres sphères.

Notes

[1] Crédit photo : José Goulã (Creative Commons By-Sa)




Crazy As de Julandrew, Hope de Kendra Springer + 98 autres chansons à découvrir

Kendra Springer - YouTubeQu’est-ce que j’écoute en ce moment ?

Je n’ai qu’une seule source : le top 100 de la semaine du site Jamendo[1], ce qui me permet de découvrir d’un seul clic de souris[2] plein d’artistes intéressants dont le dénominateur commun est de proposer leur musique en libre diffusion sous licence Creative Commons ou Art Libre.

La sélection correspond donc à ce préfèrent à priori les utilisateurs de la plateforme musicale. Et c’est idéal pour accompagner une session Internet, d’autant que, dans l’ensemble, le style est plutot tranquille et « cool » (à la limite du easy listening diront ses détracteurs).

Ainsi j’aime bien cette la ballade Crazy As de Julandrew ainsi que le piano doux et apaisant de Hope par Kendra Springer (imaginez-vous tomber nez-à-nez avec cette fée au détour du bois !).

Le premier morceau est sous licence Creative Commons By-Nd et le second sous Creative Commons By-Nc-Sa. On a donc le droit de faire commerce du premier et de modifier le second sans pour cela demander d’autorisation à l’auteur.

Évidemment, et à l’opposé d’un « esprit Hadopi », tout ceci favorise la Remix Culture chère à Lawrence Lessig. Du coup on retrouve ces deux chansons sur de nombreuses vidéos YouTube. Ma préférée est certainement celle de MisStrawberryFields, une jeune et spontanée italienne (qui ressemble à mes élèves) ayant choisie de nous présenter divers objets qui jonchent sa chambre !

Mais il y a aussi des « œuvres culturelles libres » parmi la sélection (c’est-à-dire compatibles avec les quatre libertés des licences des logiciels libres). J’ai ainsi pu relevéEmptiness par Alexander Blu, Winter princess par Zero-project, Struttin’ par Tryad, Cellule par Silence, Me and my submarine par Kämmerer, ou encore Effortless par Josh Woodward.

Faites passer le mot à votre voisin qui « nicke les industries culturelles en téléchargeant illégalement », il y a de la qualité en dehors des majors du disque.

À bon entendeur de musique en libre diffusion, salut…

Notes

[1] Startupattitude vs Rockattitude, quand on évoque Jamendo on ne peut s’empêcher de penser à son « frère ennemi » Dogmazic. Ils vont bien (cf le dynamisme de l’extraordinaire projet Automazic) et vous invitent même à rejoindre leur association qui a fait peau neuve. Si je m’amusais à faire des comparaisons douteuses, je dirais que, dans le milieu de la musique ouverte, Dogmazic est à Jamendo ce qu‘Arduino est à l’iPad, ou encore ce que le disquaire du coin est à la FNAC !

[2] En lançant un player flash qui streame du mp3, ce qui implique de ne pas être allergique à ces deux formats controversés du Web.




Refaire le monde, une rue après l’autre, avec OpenStreetMap

Pelican - CC by-saSavez-vous pourquoi j’aime les animaux du zoo de Berlin ? Parce qu’ils témoignent du fait qu’on peut faire mieux que Google !

Comparons la carte du zoo selon Google et selon OpenStreetMap. Cela saute aux yeux non ? Le zoo de Berlin made by Google reste désespérément vide (et ses voitures espionnes ne peuvent y pénétrer) tandis qu’il fait bon flâner dans les allées du zoo d’OpenStreetMap[1].

Bon, évidemment, il faut savoir que Murmeltiere signifie Marmotte en allemand, mais pour Pinguine, nul besoin d’explication de texte 😉

« S’il te plaît, dessine-moi un monde libre ! » Tel est, au sens propre, le projet un peu fou d’OpenStreetMap auquel nous avons déjà consacré plusieurs billets. Jetez un œil sur cette extraordinaire animation illustrant une année d’édition planétaire dans OpenStreetMap et vous partagerez peut-être ma fascination pour le travail réalisé par toutes ces petites fourmis, c’est-à-dire toi, plus moi, plus eux, plus tous ceux qui le veulent !

Remarque : Vous trouverez sous la traduction, en guise de bonus, un extrait vidéo de notre chroniqueuse télé préférée Emmanuelle Talon évoquant l’aide qu’a pu fournir OpenStreetMap aux secours portés à Haïti juste après le triste séisme.

OpenStreetMap : Refaire le monde, une rue après l’autre

OpenStreetMap: Crowd-sourcing the world, a street at a time

Nate Anderson – 1 juin 2010 – ArsTechnica.com
(Traduction : Joan et Goofy)

Wikipédia et son modèle « crowdsourcing » (NdT : la production de contenu assurée par des milliers d’internautes amateurs plutôt que par quelques professionnels) ont rendu possible un bien commun formidable, mais tout le monde sait qu’il faut se tenir sur ses gardes : s’il s’agit de quelque chose d’important, ne faites pas confiance à l’encyclopédie en ligne sans vérifier l’information par ailleurs. Un tel modèle « crowdsourcing » aurait-il du succès pour la construction d’une carte détaillée des rues du monde ?

Il y a quelques années, cette même question a conduit à la création d’OpenStreetMap.org, une carte de la planète que tout le monde peut modifier, conçue comme un wiki. Plusieurs amis britanniques en ont eu en effet assez de la politique protectionniste en matière d’échanges de données (Ordnance Survey, l’équivalent britannique de l’IGN, a mis au point des cartes extrêmement détaillées de la Grande-Bretagne à l’aide de fonds publics, mais l’utilisation de ces données à des fins personnelles requiert l’acquisition d’une licence). Ils décidèrent donc de remédier au problème.

La question évidente était « pourquoi réinventer la roue ? ». Des cartographies excellentes de Google, Microsoft et d’autres avaient déjà une avance significative et était la plupart du temps utilisables gratuitement. Mais les services de localisation étaient en plein boom et étaient tous basés sur des données cartographiques. Le fait qu’il n’existe aucune carte du monde de qualité, gratuite et libre restait un problème.

On peut lire dans la foire aux questions d’OpenStreetMap que « La plupart des bidouilleurs connaissent la différence entre gratuit et libre. Google Maps est gratuit mais pas libre. Si les besoins en cartographie de votre projet peuvent être satisfaits en utilisant l’API Google Maps, alors tant mieux. Mais cela n’est pas le cas de tous les projets. Nous avons besoin de données cartographiques libres pour permettre aux développeurs, aux acteurs sociaux et autres de mener à terme leurs projets sans être limités par l’API Google Maps ou par ses conditions d’utilisation. ».

Une carte du monde détaillée à la rue près peut sembler un projet démesurément ambitieux, mais OpenStreetMap a vu sa côte de popularité exploser. Alors qu’à son lancement le projet ne mobilisait qu’une poignée d’amis, c’est plus de 250 000 personnes qui contribuent dorénavant à la cartographie. En peu de temps, la carte a atteint un niveau de précision incroyable, en particulier en Europe où le projet a été lancé.

Regardons l’Allemagne par exemple, où la cartographie libre est devenue un véritable phénomène de société. Le zoo de Berlin (Zoologischer Garten Berlin) est bien entendu renseigné dans Google Maps, mais il n’a que peu de détails (alors même que, contrairement à OpenStreetMap, il dispose de cartes satellitaires). Des habitants motivés de la région ont utilisé les outils d’OpenStreetMap pour faire mieux que Google et cartographier tous les animaux du zoo. Si vous voulez repérer votre itinéraire jusqu’à la tanière du « Großer Panda », c’est possible. Même les toilettes sont utilement indiquées.

Le zoo de Berlin selon OpenStreetMap :

OpenStreetMap - ArsTechnica - Berlin Zoo

La version de Google Maps :

OpenStreetMap - ArsTechnica - Berlin Zoo Google

Une plateforme !

À mesure que le succès de la carte allait grandissant, il devenait clair qu’il manquait quelque chose pour que les développeurs puissent vraiment s’exprimer. Les données cartographiques en tant que telles avaient beaucoup de valeur, mais cette valeur ne pouvait-elle pas être décuplée en créant une plateforme complète de cartographie ? Une plateforme qui pourrait supporter la charge d’applications commerciales, proposer des services de routage côté serveur, faire du geocoding ou du geocoding inversé (NdT : retrouver latitude et longitude à partir de nom de rues), et concevoir des outils pour manipuler les données et créer les applications qui les utilisent…

C’est ainsi que CloudMade a vu le jour. Après un an de développement (l’essentiel du travail ayant été fait par des programmeurs ukrainiens), la plateforme de cartographie fournie par CloudMade est maintenant utilisée par 10 500 développeurs. Chaque semaine, la plateforme récupère les dernières données d’OpenStreetMap, ce qui fait émerger quelque chose d’inédit : la possibilité pour les utilisateurs frustrés de corriger les erreurs agaçantes sur les cartes locales, et de voir leurs modifications diffusées dans les applications en l’espace d’une semaine.

Les correctifs sont effectués « par des gens qui connaissent leur environnement » indique Christian Petersen, vice-président de CloudMade. Alors que l’on pourrait penser que le gros du travail est réalisé dans des zones comme les États-Unis ou l’Europe, Petersen précise que « 67% de la cartographie est réalisée en-dehors de ces deux régions. ».

CloudMade espère subsister financèrement en fournissant un accès gratuit aux services qui utilisent sa plateforme : en échange ils lui verseront une partie de leurs recettes publicitaires. (les développeurs peuvent également payer par avance s’ils le souhaitent).

Lorsque ce fut possible, une cartographie de base a été importée de banques de données libres comme TIGER, du bureau de recensement américain. Mais dans de nombreux lieux, la plus grande partie de la carte a été fabriquée à la main, en partant d’une feuille blanche. Les résultats sont impressionnants. Un coup d’œil à la carte révèle de nombreux détails sur des endroits comme Mumbai et La Paz, bien que les lieux très reculés comme les îles de Georgie du Sud près de l’Antarctique n’aient pas encore de données.

Des obstacles inattendus sont apparus en cours de route. En Chine par exemple, l’état place de sévères restrictions sur la cartographie privée. « Faire des affaire en Chine reste un défi » rapporte Petersen.

Et il y a parfois des modifications problématiques sur des cartes sensibles comme celle de l’île de Chypre qui connait une partition de son territoire.

Mais Petersen est convaincu que l’approche « par le peuple » de la cartographie fonctionne bien. Mieux que les alternatives commerciales en fait. « La passion est la plus forte », les entreprises commerciales de cartographie pratiquent la collecte d’informations sur un endroit donné une fois par an environ, et mettent à jour leurs cartes encore moins souvent. Lorsque les utilisateurs locaux s’impliquent, les modifications sont faites rapidement.

Nettoyez votre quartier

La précision des données a été mise à l’épreuve la semaine dernière lorsque l’entreprise Skobbler a dévoilé un outil de guidage GPS « turn-by-turn » pour iPhone, basé sur la plateforme CloudMade. Vu le prix des logiciels de navigation GPS concurrents, cela semble révolutionnaire.

Les gens sont-ils prêts à corriger leurs propres cartes ?

OpenStreetMap - ArsTechnica - SkobblerMalheureusement, le logiciel ne fonctionne pas très bien. Les « plantages » du logiciels ont été courants durant nos tests, les temps de réponse sont importants, et l’interface n’est pas intuitive. Les utilisateurs lui ont donné une note de 2 sur 5. Même le communiqué de presse officiel contenait un passage qui en disait long : « Bien que nous soyons conscients de ne pas être encore tout à fait prêts pour concurrencer les solutions commerciales, nous y arriverons bientôt. » a déclaré Marcus Thielking, co-fondateur de Skobbler.

De tels soucis peuvent être corrigés. Mais il y a un problème plus sérieux : les clients vont-ils faire confiance à un logiciel qui les encourage à cliquer sur une coccinelle pour rapporter les problèmes de cartographie ? (le clic positionne une alerte dans OpenStreetMap qui permettra aux utilisateurs locaux d’identifier et corriger les erreurs.)

Les utilisateurs pourraient rechigner à contribuer à la conception d’une carte censée leur servir de référence. Mais on disait la même chose de Wikipédia. Il est acquis que la carte est en constante amélioration, CloudMade indique que 7 017 modifications sont enregistrées par heure.

Le processus est très addictif. Un rapide coup d’œil dans mon quartier m’a révélé une petite erreur – sur la carte, une route se poursuivait par erreur dans un chemin privé à environ un pâté de maisons de chez moi. J’ai créé un compte sur OpenStreetMap, zoomé sur la zone problématique, et cliqué sur « Modifier ». Une fenêtre d’édition en flash est apparue, superposant la carte OpenStreetMap à une image par satellite issue de Yahoo. Le problème a été résolu en quelques glisser-déposer et clics, et le tour était joué – j’avais apporté ma pierre à l’édifice. (OpenStreetMap offre de nombreux outils de modification, et CloudMap en propose d’autres souvent plus élaborées. Tous impactent les mêmes données sous-jacentes.).

Ajout d’une déviation sur le Pont de Brooklyn :

OpenStreetMap - ArsTechnica - Brooklyn Bridge

Vingt minutes plus tard, après avoir précisé les contours de l’étang d’un parc du voisinage, ajouté la caserne de pompiers et corrigé une rue qui traversait quelques maisons, j’ai malheureusement dû passer à autre chose. Le niveau de détail de la carte est déjà très impressionnant et la modifier était une expérience agréable. Disposer d’une telle ressource libre et gratuite sur Internet est une très bonne chose. Et si CloudMade pouvait s’associer à d’excellents développeurs et produire du code de haute qualité, cela pourrait également devenir quelque chose extrêmement utile.

Bonus Track

Chronique d’Emmanuelle Talon – La Matinale de Canal+ – 18 janvier 2010

« Qu’est-ce que c’est OpenStreetMap ? C’est en quelque sorte le Wikipédia de la cartographie. »

—> La vidéo au format webm

Notes

[1] Crédit photo : Pelican (Creative Commons By)




La fin du Web ouvert – Apple ou la banlieue riche du Web

Dirk Hartung - CC byQuelques rares voix discordantes ont réussi tant bien que mal à émerger du concert de louanges médiatiques qui a accompagné la sortie toute récente de l’iPad en France.

Pourquoi je n’achèterai pas un iPad nous a ainsi expliqué Cory Doctorow. L’iPad, c’est de la merde ! surenchérissait Tristan Nitot dont la formule lapidaire est d’autant plus marquante que le garçon est d’ordinaire calme et courtois (il s’en justifie plus longuement sur Mac4Ever).

Et puis il y a eu également ce brillant exposé d’Affordance.info, dont le titre La boutique contre le bazar en rappelle un autre. Ce billet s’appuyant tout du long sur un article du New York Times qui anticipe rien moins que la mort du Web tel que nous le connaissons, nous avons eu envie d’en savoir plus en le traduisant ci-dessous[1].

La mort du Web ouvert

The Death of the Open Web

Virginia Heffernan – 17 mai 2010 – The New York Times
(Traduction Framalang : Barbidule et Goofy)

Le Web est une gigantesque et foisonnante zone commerciale. Son organisation est anarchique, ses espaces publics sont assaillis par la foule et les indices de friche industrielle se multiplient avec ses liens morts et ses projets à l’abandon. Les spams et les logiciels malveillants ont rendu insalubres et invivables des secteurs entiers. Les petits dealers et ceux qui vous harcèlent traînent dans les allées. Une population de racaille excitée et polyglotte semble régner sur les principaux sites.

Les gens qui ne trouvent pas le Web à leur goût – trop affreusement barbare – sont pourtant bien obligés d’y vivre : c’est là qu’on peut chercher du travail, des ressources, des services, une vie sociale, un avenir. Mais maintenant, avec l’achat d’un iPhone ou d’un iPad, il existe une solution, une banlieue résidentielle bien tenue qui vous permet de goûter aux possibilités offertes par le Web sans avoir à vous frotter à la populace. Cette banlieue chic est délimitée par les applications de l’étincelant App Store : de jolies demeures proprettes, à bonne distance du centre Web, sur les hauteurs immaculées de la Résidence Apple. À travers l’exode vers des applications coûteuses et d’accès réservé de ceux qui protestent contre le Web « ouvert », nous sommes témoins de la décentralisation urbaine vers des banlieues résidentielles, un équivalent en ligne de la fuite des Blancs (NdT : White flight : désigne l’exode des populations blanches – souvent les plus aisées aux Etats-Unis – de plus en plus loin du centre-ville, à mesure que s’y installent les classes inférieures, souvent composées de minorités).

Il existe une similitude frappante entre ce qui s’est passé pour des villes comme Chicago, Detroit et New York au 20ème siècle et ce qui se produit aujourd’hui pour l’Internet depuis l’introduction de l’App Store. Comme les grandes métropoles américaines modernes, le Web a été fondé à parts égales par des opportunistes et des idéalistes. Au fil du temps, tout le monde s’est fait un nid sur le Web : les étudiants, les nerds, les sales types, les hors-la-loi, les rebelles, nos mamans, les fans, les grenouilles de bénitier, les amis des bons jours, les entrepreneurs à la petite semaine, les starlettes, les retraités, les présidents et les entreprises prédatrices. Un consensus se dégage pour affirmer que le Web est entré dans une spirale dangereuse et qu’il faudrait y remédier, Mais assez bizarrement il existait peu de quartiers réservés en ligne – comme celui que Facebook prétend incarner (mais sans vraiment le faire).

Mais une sorte de ségrégation virtuelle est désormais à l’œuvre. Webtropolis est en train de se stratifier. Même si, comme la plupart des gens, vous surfez encore sur le Web à partir d’un poste de travail ou d’un portable, vous avez sans doute remarqué les pages à péage, les clubs réservés aux membres, les programmes d’abonnement, les paramètres pour les données privées, et tous ces systèmes qui créent différents niveaux d’accès. Ces espaces nous donnent l’impression d’être « à l’abri » – pas seulement à l’abri des virus, de l’instabilité, des sons et lumières indésirables, du porno non sollicité, des liens sponsorisés, et des fenêtres publicitaires intrusives ; ils nous préservent aussi des interfaces sommaires, des commentateurs fâcheux et anonymes, ainsi que des opinions et des images excentriques qui font du Web un lieu perpétuellement étonnant, stimulant et instructif.

Quand une barrière est érigée, l’espace dont l’accès devient payant se doit, pour justifier le prix, d’être plus agréable que les espaces gratuits. Les développeurs appellent ça « une meilleure expérience utilisateur ». Derrière les accès payants, comme sur Honolulu Civil Beat, le nouveau projet du fondateur d’eBay, Pierre Omidyar, ou sur le Times de Londres de Ruppert Murdoch, la valeur ajoutée monte en flèche. De sympathiques logiciels accueillent ces Messieurs-Dames qui ont payé ; on leur fournit les services d’un majordome, et d’autres avantages. Les plateformes Web avec entrée payante ressemblent plus à une boutique qu’à un bazar.

Ce qui tout aussi remarquable, si ce n’est plus, c’est que de nombreuses personnes sont en train de quitter totalement le Web ouvert. C’est ce que les 50 millions d’utilisateurs de l’iPhone et de l’iPad s’apprêtent à faire. En choisissant des machines qui ne prennent vie que lorsqu’elles sont affublées d’applications de l’App Store, les utilisateurs d’appareils mobiles Apple s’engagent dans une relation plus distante et inévitablement plus conflictuelle avec le Web. Apple examine de près chaque application, et prend 30% des ventes ; le contenu gratuit et l’énergie du Web ne correspondent pas aux standards raffinés de l’App Store. Par exemple, l’application « Chaîne météo Max », qui transforme la météo en film interactif palpitant, offre une meilleure expérience en matière de climat que météo.com, qui ressemble à un manuel encombré et barbant : espaces blancs, listes à puces tarabiscotées, et images miniatures.

« L’app Store est sûrement l’une des plateformes logicielles les plus attentivement surveillées de l’histoire », écrit dans le Times le chroniqueur technologies Steven Johnson. Pourquoi cette surveillance ? Pour préserver la séparation entre l’App Store et le Web ouvert, bien sûr, et pour accroître l’impression de valeur des offres qu’il propose. Car au final, tout est affaire d’impression : beaucoup d’apps sont au Web ce que l’eau en bouteille est à l’eau du robinet : une manière nouvelle et inventive de décanter, conditionner et tarifer quelque chose qu’on pouvait avoir gratuitement auparavant.

Les apps étincellent tels des saphirs et des émeraudes, pour ceux qui sont blasés par l’aspect camelote de sites géants comme Yahoo, Google, Craiglist, eBay, YouTube et PayPal. Cette étincelle vaut de l’argent. Même pour le moins snob, il y a quelque chose de rafraîchissant à être délivré de la barre d’adresse, des pubs, des liens et des invitations pressantes – qui nous rappellent en permanence que le Web est une mégalopole surpeuplée et souvent affolante dans laquelle vous n’êtes qu’un passant parmi d’autres. Avoir l’assurance que vous ne serez ni bousculé ni assailli ni agressé – c’est précieux également.

Je comprends pourquoi les gens ont fui les villes, et je comprends pourquoi ils fuient le Web ouvert. Mais je pense que nous pourrions bien le regretter un jour.

Notes

[1] Crédit photo : Dirk Hartung (Creative Commons By-Sa)




Geektionnerd : iPed, contrefaçon chinoise de l’iPad

L’iPed, clone chinois de l’iPad, aurait-il sa place dans la fameuse exposition de l’INPI « Contrefaçon, la vraie expo qui parle du faux » ?

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)