Logiciel libre et développement durable, même combat ?

416style - CC-byAu détour d’une conférence sur les tendances 2010 de l’Open Source à l’OpenWorldForum, j’ai assisté à la présentation, captivante, des enjeux croisés de l’écologie et du logiciel libre, résumé en « FreenIT » par un duo peu ordinaire. En effet, l’un s’annonce comme journaliste et passionné d’environnement et l’autre (respectivement) comme ingénieur expert en « innovation ouverte et logiciel libre ». Leur présentation s’attachait à mettre en valeur les avantages intrinsèques des logiciels libres dans la quête d’une informatique écologiquement responsable vers laquelle l’industrie et les grandes entreprises se tournent enfin [1].

Enthousiasmé par leur démonstration, je pris contact avec eux à l’issue de la présentation, pour évoquer la possibilité de faire passer leur message jusqu’à vous chers lecteurs, dans la droite lignée de nos explorations de la société, à la recherche des applications de la culture du libre. Après les « AMAP », qui mettent de l’écologie dans les assiettes de collectifs qui s’auto-organisent pour échapper aux injonctions des grandes surfaces, voici donc le « Green IT » qui met de l’écologie derrière nos écrans.

On retrouve, dans ce texte de synthèse rédigé pour le Framablog, les notions clés du succès en matière de développement durable, tel que le fameux « penser global, agir local », que l’on retrouve dans le logiciel libre sous la forme d’un « bidouiller dans son coin, et penser aux autres », ou encore une évocation du « leadership par l’exemple » qui prévalut dès le début en matière politique sur Internet, cet espèce de laisser-faire, un peu utopique, sans laisser-aller. Enfin, je citerai encore la notion d’énergie grise, qui vient malheureusement contrebalancer les discours commerciaux des fabriquants en matière de décroissance de la consommation énergétique des nouvelles générations de composants informatiques.

Logiciel libre et Green IT : même combat ?

Frédéric Bordage et François Letellier – GreenIT.fr

Les connaissances des communautés open source et les principales caractéristiques des logiciels libres sont particulièrement bien adaptées à la profondeur et à l’urgence des enjeux du développement durable. Démonstration.

L’humanité fait face à trois problèmes environnementaux majeurs : le dérèglement climatique, l’écroulement de la biodiversité et l’épuisement des stocks de ressources non renouvelables. La prise de conscience a été (trop) longue, et l’urgence aujourd’hui est réelle : nous n’avons qu’une génération pour trouver et mettre en œuvre les solutions à ces défis. Quel rapport entre ce constat, iconifié par des personnages tels que le Commandant Cousteau, Al Gore ou Nicolas Hulot, et notre quotidien d’informaticiens ? Que peuvent les geeks face à ces enjeux planétaires ?

Toujours poussés plus loin vers les mondes virtuels, nous avons tendance à oublier qu’octets et instructions consomment substrats et énergie. Une consommation qui se traduit par des nuisances que notre écosystème ne peut pas absorber indéfiniment. Les informaticiens peuvent, s’ils le souhaitent, réduire rapidement l’empreinte de l’informatique sur l’environnement. Mais plus encore, la communauté du logiciel libre détient des savoirs transversaux qui font défaut aux acteurs du développement durable. Explication.

Freen IT as in Free & Green IT

Le courant de pensée du « Green IT » cherche à réduire l’empreinte écologique des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC). Pour réduire l’empreinte des TIC, il faut se concentrer sur l’essentiel. Contrairement au discours marketing des éditeurs et des constructeurs, les phases de fabrication et de fin de vie d’un ordinateur consomment plus d’énergie et génèrent nettement plus de nuisances environnementales que la phase d’utilisation. En clair : si vous décidez de remiser tous vos serveurs et postes de travail, encore fonctionnels, pour les remplacer par d’autres nettement moins énergivores… vous faites fausse route. Les constructeurs vous remercieront, pas la planète. En effet, l’énergie grise liée aux équipements informatique ne cesse de croître, quand leur consommation en fonctionnement s’affiche à la baisse.

Les deux grands défis du « Green IT » consistent à :

  • prolonger la durée d’utilisation des matériels existants;
  • et à réduire les besoins, en termes d’énergie et de ressources, sur la phase d’utilisation.

Ce qui signifie mettre le holà à la gloutonnerie des logiciels. Microsoft Office 2010 sous Windows Vista nécessite par exemple 70 fois plus de ressources qu’Office 97 sous Windows 98… Les documents produits sont-ils 70 fois plus percutants ou créés 70 fois plus vite ? Non. La gabegie logicielle est indéfendable.

Le logiciel libre à la rescousse

C’est la couche logicielle qui pilote les besoins en ressources matérielles d’un ordinateur. Or, d’un point de vue technique, les logiciels libres sont architecturés autour d’un noyau qui répond à 80% des besoins essentiels. Autour de ce noyau viennent se connecter des extensions qui répondent aux besoins moins répandus. Cet écosystème évolue. Si une fonction devient incontournable, elle est intégrée au noyau. Cette architecture modulaire et évolutive minimise les ressources matérielles (puissance processeur, mémoire vive, etc.) nécessaires. On obtient donc des logiciels performants même sur des matériels modestes ou anciens, ce qui permet d’allonger la durée d’utilisation du matériel… ou de redonner une seconde vie à un matériel d’occasion.

Généralement alliée à une gratuité d’accès, la parcimonie des logiciels libres (systèmes d’exploitation en tête) rend viable la filière du reconditionnement des équipements d’occasion. Le « Libre » apporte une réponse pragmatique, ici et maintenant, aux deux premiers défis du « Green IT » : faire durer le matériel, économiser les ressources. En outre, le découplage entre logiciel et support technique (qui peut être fourni par différents acteurs de la communauté) évite l’obsolescence programmée imposée par des éditeurs propriétaires et monopolistiques. En raccourcissant la durée de leur support technique, ces derniers poussent en effet à la consommation de nouvelles versions de logiciels plus gourmands, et donc de matériels plus puissants pour les faire tourner.

Au delà des aspects techniques, les communautés du libre reposent sur une organisation pyramidale dont les processus sont transparents. Ces deux propriétés garantissent un travail rapide et efficace qui pousse les chefs de projet et les développeurs à bien faire leur travail (un code efficace par exemple) et à prendre leurs responsabilités. Le pouvoir du créateur du logiciel est contrecarré par le pouvoir des utilisateurs. Les utilisateurs peuvent « forker » un projet du jour au lendemain. On ne peut donc pas verrouiller les utilisateurs et leur imposer un rythme de mise à jour.

D’autre part, le modèle économique du libre est quantitatif. Seule l’adhésion du plus grand nombre garantit au créateur du logiciel des revenus confortables et pérennes. Les communautés open source ont dissocié les revenus liés au service d’une part, de ceux potentiels liés à la vente de copies du logiciel d’autre part. Ainsi distribué gratuitement, et facilement localisé, les logiciels open-source peuvent toucher rapidement le plus grand nombre. Ouverture et gratuité facilitent une adoption large et rapide.

Des principes valables pour le développement durable ?

A-t-on intérêt à appliquer ces principes – architecture modulaire, méritocratie éclairée par le contre-pouvoir des utilisateurs, standardisation, découplage des revenus directs du produit, etc. – aux problématiques du développement durable ? Tout porte à le croire.

D’une part, nous n’avons qu’une génération pour diviser notre empreinte écologique par un facteur 4 [2]. Jamais l’humanité n’a fait face à un défi d’une telle ampleur. Pour tenir ce pari, nous devons aller plus vite que jamais auparavant dans l’histoire humaine. Le modèle d’adoption – très rapide – des logiciels libres doit donc être une source d’inspiration pour les acteurs du développement durable.

Que nous apprennent les communautés open source ? Sans standard, point de salut. La (presque) totalité des logiciels libres s’appuient sur des standards reconnus (qu’ils ont contribué à faire émerger et / ou à forger) pour s’assurer de la pérennité des développements. On touche ici au caractère « durable » des développements. Pour s’imposer dans le temps, les solutions du développement durable devront s’appuyer sur la même approche de standards ouverts. Et ce d’autant plus que les problématiques sont mondiales. Par exemple, pour être efficaces (c’est à dire économiser de l’énergie), les compteurs électriques intelligents devront tous parler le même protocole. Or, seul un protocole normalisé et ouvert sera adopté rapidement.

D’autre part, pour aboutir rapidement, ces standards devront être forgés par une méritocratie éclairée. L’échec de Copenhague l’a démontré, la recherche d’un consensus mondial est impossible en l’état. En revanche, rien n’empêche un ensemble de pays de proposer une solution pertinente, dont l’évolution sera dictée par toutes les parties prenantes.

Enfin, d’un point de vue plus philosophique, l’architecture technique d’un logiciel libre montre que ses créateurs sont « près de leurs ressources ». Ces « décroissants du logiciel » montrent à leur façon qu’une débauche de moyens n’est pas toujours nécessaire pour atteindre un objectif. En d’autres termes, le développement ne sera réellement durable que s’il ponctionne le strict minimum des ressources disponibles. Cette ascèse est déjà une règle fondamentale d’un grand nombre de projets open source.

Pour conclure, il nous semble évident que :

  • les logiciels libres constituent une réponse pertinente pour réduire l’empreinte environnementale des TIC;
  • que les modes d’organisations des communautés correspondent bien aux enjeux mondiaux du développement durable;
  • et que les principes fondamentaux des projets open source garantissent une adoption rapide et durable des solutions, un point clé des enjeux du développement durable.

Votre avis ?

Frédéric Bordage et François Letellier contribuent au blog collectif GreenIT.fr qui fédère la communauté francophone des acteurs du Green IT.

Notes

[1] Crédit photo : 416style – Creative Commons Paternité

[2] Voir « Facteur 4 » dans le glossaire pointé.




Prix unique du livre, même numérique ?

Michael Mandiberg - CC-by-sa Nouvel exemple du refus des tenants d’industries du siècle dernier de considérer l’ère du numérique (ouverte par l’informatique et Internet [1]) comme une opportunité nouvelle et non comme une menace passagère, les sénateurs examineront bientôt une proposition de loi visant à imposer une recette sociale adaptée à l’économie matérielle d’objets, au commerce que l’on qualifiait encore il y a peu de « virtuel », des œuvres numériques, disponibles en-ligne et à volonté.

Tel est en effet l’objectif de cette proposition de loi : appliquer le prix-unique du livre également sur Internet. Si, naïvement, l’idée peut sembler bonne de prime abord, puisqu’elle a sûrement contribué à sauver les petites librairies françaises, elle dénote surtout une incompréhension chronique par la classe politique et les marchants de culture, de la notion de fichier d’ordinateur, ce support numérique réplicable en un instant et sans véritable coût à l’échelle de la population mondiale.

Sans en arriver aux extrémités répressives qu’instaure la loi HADOPI II, ce nouveau mouvement législatif se traduit par une énième tentative de limitation des fantastiques possibilités d’une économie nouvelle, dans le but de la faire entrer dans le moule rassurant des précédents modèles. Ici encore, au lieu d’explorer et d’exploiter au mieux ce qu’Internet rend possible, le législateur s’entête à refuser le potentiel d’un réseau numérique mondial, en s’entêtant aveuglément à transposer avec le minimum de réflexion possible ce qui marchait bien avant. D’autres pays plus pragmatiques vivent avec le Net, s’y adaptent et connaissent (est-ce lié ?) les plus forts taux de croissance de la planète depuis ces dix dernières années, mais pendant ce temps, nos sénateurs ont à cœur de préserver les recettes du passé, quitte à gâcher, pour un temps, celles du futur.

Si le Framablog parle rarement d’économie, nous vous parlons plus régulièrement d’œuvres libres, partagées par leurs auteurs à grande échelle via Internet. Or, cette loi ignore tout simplement la question et entre en contradiction avec l’essence même des licences libres, confirmant pour le moins que si la voie est libre, la route semble encore bien longue avant que les paradigmes du libre ne soient connus, compris et reconnus en haut lieu.

À l’heure de la sortie imminente de deux nouveaux Framabooks, Framasoft se joint donc aux inquiétudes soulevées par ses partenaires Adullact et AFUL dans leur dernier communiqué commun :

Le prix unique du livre numérique doit-il s’opposer à la création libre ?

14/10/2010 – URL d’origine

L’ADULLACT et l’AFUL s’inquiètent de la proposition sénatoriale de loi sur le prix [unique] du livre numérique, dont la rédaction actuelle menace sans nécessité la création sous licence libre. Leurs représentants au CSPLA s’en expliquent dans ce communiqué.

Nous avons eu récemment connaissance de la proposition de loi faite au Sénat par Mme Catherine DUMAS et M. Jacques LEGENDRE [2] relative au prix [unique] du livre numérique.

Nous comprenons le souci de la représentation nationale de préserver la filière du livre dans le monde numérique [3], en reprenant une formule qui s’est montrée efficace pour le livre imprimé traditionnel [4].

Cependant le monde numérique n’est pas le monde des supports matériels traditionnels et, s’il pose les problèmes que nous connaissons depuis plusieurs années, notamment en ce qui concerne la multiplication des copies illicites, c’est précisément parce qu’il obéit à des lois économiques nouvelles. En un mot : une fois l’œuvre créée, la production de copies peut se faire à un coût essentiellement nul.

Cela n’implique nullement qu’il soit légitime de faire ces copies sans l’accord des titulaires des droits, mais cela implique la possibilité et, de fait, l’existence de nouveaux modèles de création et d’exploitation des œuvres, modèles qui sont tout aussi légitimes que les modèles traditionnels issus du monde de l’imprimé.

Pour ne citer qu’un exemple, l’association Sésamath produit des livres numériques "homothétiques" (selon la terminologie de l’exposé des motifs), disponibles sous licence Creative Commons By-Sa. Cette licence implique que ces livres peuvent être exploités commercialement par quiconque, quelle que soit la forme que pourrait prendre cette exploitation, mais que les livres sont toujours cédés avec cette même licence sans contrainte nouvelle. Cela exclut en particulier toute contrainte de prix, ce qui est essentiel à la dynamique de création mutualisée et de maximisation du public recherchée par les auteurs.

Il ne s’agit nullement d’un phénomène marginal, même s’il est ignoré par certains rapports officiels [5]. Les versions imprimées des livres de Sésamath représentent environ 15% du marché qui les concerne, ce qui est loin d’être négligeable. Ces œuvres participent déjà au rayonnement de la France dans plusieurs pays francophones. C’est manifestement un modèle de création qui se développe : il a d’ailleurs fait l’objet des travaux d’une Commission Spécialisée [6] du Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique (CSPLA) où nous siégeons tous deux.

Il y a donc tout lieu de s’inquiéter de la compatibilité de la proposition de loi avec ces nouveaux modèles.

Ainsi l’article 2 prévoit la fixation d’un prix par le diffuseur commercial. Certes, les licences ouvertes – par exemple Creative Commons By-Sa – tout en permettant la diffusion gratuite et non commerciale, n’excluent nullement la diffusion commerciale, qu’elle soit le fait des créateurs initiaux ou de tiers. Mais le principe même de ces licences est par nature exclusif de toute fixation de prix puisqu’elles sont choisies par l’auteur précisément pour donner la liberté d’en décider, sans contrôle amont de l’aval de la chaîne de diffusion.

Cette loi n’a pas l’intention, on peut l’espérer, de tuer dans l’œuf ces nouveaux modes de création et d’exploitation, ce qui ne serait guère dans l’intérêt de notre pays, des créateurs concernés ou du public. Il faut donc préciser que la fixation du prix du livre numérique ne s’applique pas aux œuvres numériques libres ou ouvertes. Cela peut être réalisé très simplement par un amendement à l’article 2.3 qui prévoit déjà quelques cas d’exemption, sans aucunement porter atteinte aux modes d’exploitation commerciale que la loi vise à encadrer, au bénéfice des titulaires de droit qui souhaitent une telle protection.

Le monde du numérique et les modèles économiques associés sont complexes et mouvants, et la prudence doit probablement prévaloir avant d’y figer quoi que ce soit. Du moins faut-il préciser avec soin quels objets sont visés par le législateur. Il nous semble important que les nouveaux modèles de création et d’exploitation aient le droit de se faire entendre au même titre que les modèles traditionnels. Il y va de la compétitivité économique et culturelle de notre pays dans un univers bouleversé par le numérique. Le meilleur témoin de l’intérêt économique et social de ces modèles est le soutien que leur apportent les collectivités territoriales par leur adhésion à l’association ADULLACT présidée par l’un de nous.

Le rapport Patino préconise [7] de "mettre en place des dispositifs permettant aux détenteurs de droits d’avoir un rôle central dans la détermination des prix". Nous ne demandons rien d’autre.

Bernard LANG
Membre titulaire du CSPLA
Vice-président de l’AFUL
bernard.lang@aful.org, +33 6 62 06 16 93

François ELIE Membre suppléant au CSPLA
Président de l’ADULLACT
Vice-Président de l’AFUL
francois@elie.org, +33 6 22 73 34 96

Notes

[1] Crédit photo : Michael Mandiberg – Creative Commons Paternité Partage à conditions initiales

[2] http://www.senat.fr/leg/ppl09-695.html

[3] Le rapport de M. Bruno Patino, sur le livre numérique http://www.culture.gouv.fr/culture/actualites/conferen/albanel/rapportpatino.pdf s’inquiéte du moyen d’étendre la loi Lang au numérique (page 45).

[4] Sur ce point, discutable, voir Mathieu Perona et Jérôme Pouyet : Le prix unique du livre à l’heure du numérique http://www.cepremap.ens.fr/depot/opus/OPUS19.pdf

[5] C’est d’autant plus regrettable que les modèles explorés par Sésamath sont cités dans le monde entier comme précurseurs et innovants.

[6] http://www.cspla.culture.gouv.fr/travauxcommissions.html, Commission sur la mise à disposition ouverte des œuvres.

[7] C’est sa quatrième recommandation.




Les sous-titres faciles d’Universal Subtitles

Universal Subtitles - CC-by-sa

Framatube, comme les lecteurs assidus de ce blog le savent déjà, est une initiative lancée il y a environ deux ans, dans le but de regrouper des vidéos en rapport avec le logiciel libre et sa culture, pour en favoriser la diffusion.

Framatube s’appuie pour cela aujourd’hui sur la plateforme Blip.tv et, pas de mystère, sur le travail de bénévoles chargés de produire des sous-titres lorsque la vidéo est dans une langue étrangère, l’équipe Framalang entrant alors dans la danse [1].

Dans ce dernier cas, le travail nécessaire pour proposer la vidéo sous-titrée va au delà de la simple traduction : il faut préalablement transcrire la bande-son pour la traduire, puis synchroniser les sous-titres obtenus avec la bande-son, incruster les sous-titres et finalement encoder le tout dans un format libre. Cela demande un travail important, qui nécessite une motivation de longue haleine et plus de travail que les habituelles 6 ou 7 heures par traduction d’article publiée sur le Framablog.

D’autant que, les sous-titres étant au final incrustés dans la vidéo, tout ce travail ne peut être réutilisé pour proposer de nouvelles traductions dans d’autres langues.

Pour prendre l’analogie du logiciel, le code source qui pourrait permettre d’améliorer ou de modifier facilement le résultat n’est pas fourni : paradoxal pour un projet Framasoft !

Heureusement, la Participation Culture Foundation (fondation à but non lucratif à laquelle on doit notamment le logiciel de télévision par Internet Miro) développe « Universal Subtitles » un outil en-ligne qui simplifie grandement la tâche.

Ce projet se place sous le parrainage de la Mozilla Foundation, autre fondation à but non lucratif à qui l’on doit le fameux navigateur web Firefox et qui a initié le projet Mozilla Drumbeat pour promouvoir des initiatives comme celle-ci, visant à garder le Web Ouvert.

L’objectif d’Universal Subtitles est pour le moins ambitieux, offrir à chaque vidéo disponible sur le web un support de sous-titrage collaboratif, où chacun puisse participer au sous-titrage dans sa langue d’une vidéo rencontrée sur le web.

La solution retenue est habile puisqu’elle consiste, à partir d’une vidéo préexistante sur le Web :

  1. à proposer des outils permettant de réaliser un sous-titrage de manière communautaire dont les données sont hébergées sur les serveurs du projet,
  2. à générer un simple bout de code mélangeant JavaScript et HTML5 à ajouter sur son site pour afficher un lecteur vidéo personnalisé pour afficher les sous-titres à la volée en surimpression de la vidéo.

Les avantages sont nombreux :

  • en associant la transcription et ses traductions aux vidéos, il devient possible d’indexer, analyser et traduire l’information contenue dans ces vidéos de façon automatique (les vidéos pourront être indexées par les moteurs de recherche aussi finement que les textes);
  • le travail manuel de sous-titrage se trouve facilité et le résultat peut à tout moment être modifié, complété et amélioré par la communauté;
  • tout cela contribuant à généraliser le sous-titrage et la traduction des vidéos, bénéficiant au plus grand nombre d’une part et augmentant d’autant l’accessibilité de ce support de communication. Les personnes atteintes de handicaps visuels ou auditifs pouvant à nouveau (comme aux débuts du web) bénéficier de versions textes lisibles à son rythme ou par un vocalisateur.

Et puis, cela promet de belles batailles concernant les sous-titres communautaires de clips musicaux…

Yostral, l’un des piliers de Framalang, a testé le système et publié un journal sur LinuxFr.org que nous reproduisons ici avec son aimable autorisation :

Je viens de tester le site UniversalSubtitles.org, qui se veut le « Wikipédia des sous-titres ».

Le but est simple : faciliter le sous-titrage dans n’importe-quelle langue de n’importe-quelle vidéo se trouvant sur le web.

Voyant les problèmes que nous avons à Framalang pour être efficace en sous-titrage vidéo, chacun faisant une étape dans son coin, sauf la traduction qui se fait sur wiki, pas adapté à ça, j’ai donc fait un petit test sur une simple vidéo, en français, pour voir les possibilité de travail collaboratif de traduction et de sous-titrage.

La première étape consiste bien sûr à « importer » une vidéo. En fait on travaille directement sur une vidéo déjà en ligne. Donc pas d’upload sur le site, pas de transcodage, rien. Il suffit simplement de donner l’adresse de la vidéo souhaitée. Pour le moment, les format supportés sont Ogg, WebM, FLV et donc les sites Youtube et Blip.TV (Dailymotion et Vimeo sont en cours).

Cette vidéo apparaît ensuite dans leur « Widget » de traduction. Une page je suppose remplie de HTML5 et de javascript, qui offre une interface relativement conviviale, claire et avec des raccourcis clavier. C’est succinct, mais suffisant pour faire ce qu’on lui demande. C’est donc ici que se déroule la première des trois étapes qui mènent au sous-titrage original de la vidéo : taper les sous-titres correspondant à la vidéo. Pour ceux qui ont 42 doigts, pas de soucis, vous laissez filer la vidéo et vous entrez le texte en temps réel… pour les autres, on peut toujours faire des pauses et naviguer avant/arrière tout simplement.

La seconde étape est la synchronisation du texte que vous avez tapé précédemment. Là, la vidéo défile et on doit appuyer sur une touche à chaque fois que l’on veut que le sous-titrage passe à la ligne suivante. Ici, faut être concentré ! Bien sûr, on peut mettre en pause, revenir en arrière, mais le mieux est de faire défiler et synchroniser au fur et à mesure. Faisable, mais pas évident, surtout sur la longueur.

La troisième étape est le peaufinage, où on peut ajuster les sous-titres plus précisément. Si on s’est un peu endormi à l’étape précédente, c’est ici qu’on se réveille.

Au final on nous donne un lien permanent vers la vidéo et ses sous-titres, ainsi qu’un bout de code pour l’intégration dans une page web. La vidéo est toujours la même au même endroit et seuls les sous-titres, qu’on peut se télécharger en .srt, sont sur le site d’UniversalSubtitles.org.

À partir de cette page, on peut rajouter simplement des sous-titres dans d’autres langues, calés sur la VO. Ça veut dire qu’une fois la transcription faite et synchronisée, en anglais ou autre, la traduction en français est vraiment simplifiée : on a juste à la rentrer dans les cases en dessous de chaque ligne de sous-titres de la langue originale. On peut bien sûr la stopper puis la reprendre plus tard. On voit également sur cette page les langues disponibles liées à la vidéo et l’avancement des traductions.

Bref, c’est vraiment du sous-titrage collaboratif. Les outils sont minimalistes mais efficaces. On peut tout ré-éditer, sauvegarder, exporter. Et on peut même uploader un fichier .srt, pour ceux qui ont plus souvent l’occasion de traduire hors ligne plutôt que connectés à Internet.

Comme je l’ai déjà dit, les outils sont, pour le moment en tout cas, assez minimalistes. Par exemple on ne peut pas régler les sous-titres : la police, la couleur, l’emplacement… limitation du HTML5 ou pas encore implanté dans ce programme ? On verra. Mais ça risque de poser parfois des gros problèmes de visibilité des sous-titres. Il m’est arrivé à plusieurs reprises, sur les vidéos qu’on a placées sur Framatube, de devoir rajouter une bande noire en-bas, ou les placer en haut, pour pouvoir lire convenablement les sous-titres pour des raisons de contraste avec le fond, qui peut varier…

Un autre bémol, c’est qu’il faut s’enregistrer : il faut soit un compte Twitter, soit un compte OpenID, soit un compte Google… En fait ça ne crée pas de compte à proprement parler, mais se sert de l’existant, ce qui est vraiment un moindre mal.

En tout cas c’est un bel outil qui va nous rendre bien des services pour nos sous-titrages.

Test fait avec une vidéo de Fred Couchet, de l’April, vidéo hébergée sur Blip.tv : http://universalsubtitles.org/videos/JFyBckvaWyCE/fr/

( {"base_state": {"language": "fr"}, "video_url": "http://blip.tv/file/get/Framasoft-FredericCouchetLeRoleDeLAPRILAuxMunicipalesDe2008975.ogv"} )

Notes

[1] Le Framablog de Framasoft, qui publie les travaux des projets Framatube et Framalang, tout cela n’est pas sans rappeler un certain Batman, avec sa Batmobile garée dans sa Batcave… Mais nous nous éloignons déjà du sujet.




Geektionnerd : Soutenez Framasoft (1/2)

Le lancement de la campagne “1000 10 1” a inspiré nos illustrateurs favoris. Ainsi, vous avez déjà pu admirer l’illustration inédite d’L.L. de Mars sur le billet d’annonce de la campagne, puis l’arbre de la connaissance selon Harrypopof affiché sur Framasoft.net, et cette semaine, le Geektionnerd participe au mouvement avec un billet éloquent, et… coloré !

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Et ce n’est pas fini, Gee nous a également gratifié d’une magnifique bannière illustrant le slogan de Framasoft :

Soutenez Framasoft - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Cette bannière sera bientôt disponible parmi les autres dans notre générateur de bannières.

En attendant, voici le code pour l’ajouter facilement à un site :

 <a href="http://soutenir.framasoft.org"><img src="https://framablog.org/public/_img/geektionnerd/Gee_banniere_1000_10_1_couleurs_cc-by-sa_600.jpg" alt="Soutenez Framasoft - http://soutenir.framasoft.org" style="margin: 0pt auto;" title="Soutenez Framasoft - Simon Gee Giraudot - CC by-sa"></a> 

L’illustration est également déclinée en format badge :

Soutenez Framasoft - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

 <a href="http://soutenir.framasoft.org"><img src="https://framablog.org/public/_img/geektionnerd/Gee_badge-1000_10_1_couleurs_cc-by-sa_180.jpg" alt="Soutenez Framasoft - http://soutenir.framasoft.org" style="margin: 0pt auto;" title="Soutenez Framasoft - Simon Gee Giraudot - CC by-sa"></a> 

Enfin, d’autres illustrations hautes en couleurs feront bientôt leur apparition ici ou là…

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Proposition de traduction de la licence « Creative Commons Zero 1.0 »

GnuckX - CC0 En juillet dernier, Framasoft animait le plus long atelier de l’histoire des Rencontres Mondiales du Logiciel Libre : un traducthon courant pendant toutes les rencontres.

En effet, fidèles au poste dans la chaleur cuisante d’une salle de classe au dernier étage de l’ENSEIRB, des bénévoles de Framalang, Benjamin Jean de VeniVidiLibre.org, Alexis Kauffman et moi-même accueillions les courageux visiteurs ayant trouvé leur route jusqu’au traducthon 2.0, pour la plupart venus avec la ferme intention de nous aider à traduire le livre libre : « Imagine there is no Copyright ».

Et c’est ainsi qu’en à peine 5 jours, malgré la chaleur, les difficultés de réseau et une coupure de courant [1], l’ouvrage fut intégralement traduit, par plusieurs dizaines de bénévoles.

L’idée de traduire ce livre était venue à Alexis après l’avoir lu en version papier italienne, couverte par une licence CC-by-nd (Creative Commons attribution, sans dérivation). L’attribution nous permis de remonter à une version anglaise, couverte par une CC-by-nc-nd (ajoutant une clause de réutilisation non commerciale seulement), ce qui pouvait sembler paradoxal vu qu’Alexis l’avait acheté son livre… Toutefois, une mention supplémentaire s’ajoute, sur le site officiel, à la licence de la version originale :

No article in this book may be reproduced in any form by any electronic or mechanical means without permission in writing from the author.

Qui peut se traduire par :

Aucun article de ce livre ne peut être reproduit par quelque moyen électronique ou mécanique que ce soit, sans la permission écrite de l’auteur.

La suite du puzzle allait donc se résoudre en contactant l’auteur, ce qui est, d’une manière générale, la chose à faire en cas de doutes sur une licence [2].

Contacté, l’auteur nous répondit qu’il souhaitait que son œuvre soit au plus près possible du domaine public (ce qui est cohérent avec le titre de l’ouvrage). Benjamin Jean proposa donc la licence « Creative Commons Zero », ce qui convint très bien à l’auteur.

La licence CC0 a en effet été créée pour uniformiser mondialement la notion de domaine public, ou permettre de s’en approcher au plus près dans les juridictions, comme la France, où il n’est pas possible d’y placer soit même son œuvre.

Toutefois, à sa création la CC0 n’était pas applicable en France pour des raisons juridiques levées depuis, mais elle le demeurait pour l’instant pour une seconde raison, l’absence de version française. Il nous fallait donc remédier à ce petit inconvénient avant de pouvoir sortir notre prochain Framabook, et c’est ainsi que l’équipe de traduction de choc qui se cache derrière cette page, se mit à l’œuvre.

Nous sommes donc fier aujourd’hui de vous présenter la traduction, par Framalang et VVL, de la CC0 [3] ! Cette traduction est une contribution que nous avons bien entendu adressée à Creative Commons afin d’étoffer un peu le paysage des licences françaises touchant de domaine public, s’ajoutant ainsi à la récente licence « Information Publique Librement Réutilisable » utilisable uniquement par les organismes du secteur public dans le cadre de leurs démarches « OpenData » [4].

Creative Commons Zéro 1.0 – Domaine Public [5]

CC0 1.0 Universal – Public Domain Dedication

CreativeCommons.org – 17 décembre 2007
Traduction Framalang : Julien R., Barbidule, Goofy, Martin G., Siltaar, mben

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Déclaration d’Intention

Les lois de la plupart des législations des états du monde accordent automatiquement des Droits d’Auteur et Droits Voisins (définis ci-dessous) au créateur et au(x) titulaire(s) de droits ultérieur(s) (ci-après, le « titulaire ») d’une œuvre originale protégeable par le droit de la propriété littéraire et artistique et/ou une base de données (ci-après, une « Œuvre »).

Certains titulaires souhaitent renoncer de façon définitive à ces droits sur une Œuvre dans le but de contribuer à un pot commun de travaux créatifs, culturels et scientifiques (les « Biens Communs ») que le public, de façon certaine et sans craindre d’actions ultérieures pour contrefaçon, a la possibilité d’utiliser comme base de travail, de modifier, d’incorporer dans d’autres travaux, de réutiliser et de redistribuer aussi librement que possible sous quelque forme que ce soit et à quelque fin que ce soit, y compris, et sans réserves, à des fins commerciales. Ces titulaires peuvent contribuer aux Biens Communs dans le but de promouvoir les idéaux de la culture libre et la production de travaux créatifs, culturels et scientifiques, ou pour acquérir une renommée ou une plus grande diffusion de leur Œuvre, notamment grâce à l’utilisation qui en sera faite par d’autres.

Pour ces raisons et/ou d’autres, et sans attendre aucune rémunération ou compensation supplémentaire, la personne associant la CC0 à une Œuvre (le « Déclarant »), dans la mesure où il ou elle est titulaire des Droits d’Auteur et des Droits Voisins de l’Œuvre, fait volontairement le choix d’appliquer la CC0 à l’Œuvre et de distribuer publiquement l’Œuvre sous les termes de cette licence, en toute connaissance de l’étendue de ses Droits d’Auteur et Droits Voisins sur l’Œuvre, ainsi que de la portée et des effets juridiques de la CC0 sur ces droits.

1. Droit d’Auteur et Droits Voisins

Une Œuvre mise à disposition sous la CC0 peut être protégée par les droits d’auteur et les droits voisins ou connexes (le « Droit d’Auteur et les Droits Voisins »). Le Droit d’Auteur et les Droits Voisins comportent, notamment, les droits suivants :

  1. Le droit de reproduire, adapter, distribuer, interpréter, diffuser, communiquer, et traduire une Œuvre ;
  2. Les droits moraux conservés par le ou les auteur(s) ou interprète(s) originaux ;
  3. Les droits relatifs à la diffusion et à la vie privée rattachés à l’image ou au portrait d’une personne représentée dans une Œuvre ;
  4. Les droits protégeant contre la concurrence déloyale à l’égard de l’Œuvre, sujets aux limitations prévues dans le paragraphe 4(a) ci-dessous ;
  5. Les droits protégeant l’extraction, la dissémination, l’utilisation et la réutilisation des données contenues dans une Œuvre ;
  6. Les droits relatifs aux bases de données (tels que ceux découlant de la Directive 96/9/CE du Parlement Européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données, et de toute transposition au niveau national, y compris de toute version amendée ou révisée de cette directive) ;
  7. Tous autres droits similaires, équivalents ou correspondants partout dans le monde, basés sur des lois ou traités applicables, et toutes les transpositions nationale de ceux-ci.
2. Renonciation

Dans toute la mesure permise par la loi, mais sans l’enfreindre, le Déclarant annonce par la présente abandonner, céder et renoncer ouvertement, complètement, définitivement et irrévocablement, à tous ses Droits d’Auteur et Droits Voisins sur l’Œuvre ainsi qu’aux prétentions et intérêts à agir associés , qu’ils soient à cet instant connus ou inconnus (y compris les prétentions et intérêts à agir associés nés ou à naître), (i) partout dans le monde, (ii) pour la durée maximale prévue par les lois ou traités applicables (y compris les prolongations futures de cette durée), (iii) sur n’importe quel support actuel ou futur et quel que soit le nombre de copies, et (iv) pour toutes fins, y compris, et sans réserves, les fins commerciales, publicitaires ou promotionnelles (la « Renonciation »). Le Déclarant procède à la Renonciation au bénéfice de chacun des membres du plus large public et au détriment des héritiers et successeurs du Déclarant, avec la ferme volonté que cette Renonciation ne puisse faire l’objet d’aucune révocation, récision, résiliation, annulation, conclusion, ou de toute autre action en justice ou injonction susceptible d’interrompre la jouissance paisible de cette Œuvre par le public telle que prévue par la Déclaration d’Intention du Déclarant.

3. Licence Publique Supplétive

Dans le cas où une partie quelconque de la Renonciation et pour quelque raison que ce soit est jugée juridiquement nulle ou sans effet en vertu de la loi applicable, la Renonciation doit être préservée de la manière permettant la prise en compte la plus large de la Déclaration d’Intention du Déclarant. De plus, dans la mesure où la Renonciation est ainsi jugée, le Déclarant concède par la présente à chaque personne concernée une licence pour l’exercice des Droits d’Auteur et Droits Voisins du Déclarant sur l’Œuvre, gratuite, non transférable, non sous-licenciable, non exclusive, irrévocable et inconditionnelle (i) partout dans le monde, (ii) pour la durée maximale prévue par les lois ou traités applicables (y compris les prolongations futures de cette durée), (iii) sur n’importe quel support actuel ou futur et quel que soit le nombre de copies, et (iv) pour toutes fins, y compris, et sans réserves, les fins commerciales, publicitaires ou promotionnelles (la « Licence »). La licence sera réputée effective à la date à laquelle le Déclarant a appliqué CC0 à l’Œuvre. Dans le cas où une partie quelconque de la Licence, et pour quelque raison que ce soit, est jugée juridiquement nulle ou sans effet en vertu de la loi applicable, une telle invalidité partielle ou ineffectivité n’invalidera pas le reste de la Licence, et dans un tel cas le Déclarant déclare par la présente qu’il ou elle (i) n’exercera aucun de ses Droits d’Auteur ou Droits Voisins subsistant sur l’Œuvre et (ii) ne fera valoir aucune prétention ni intérêt à agir associés relatifs à l’Œuvre, ce qui serait opposé à la Déclaration d’Intention du Déclarant.

4. Limitations et exonérations de responsabilité
  1. Aucun droit sur une marque déposée ou un brevet détenu par le Déclarant n’est abandonné, cédé, licencié ou affecté d’une quelconque manière par le présent document;
  2. Le Déclarant propose la mise à disposition de l’Œuvre en l’état, sans déclaration ou garantie d’aucune sorte, expresse, implicite, légale ou autre, y compris les garanties concernant la commercialité, ou la conformité, les vices cachés et les vices apparents, dans toute la mesure permise par la loi applicable;
  3. Le Déclarant décline toute responsabilité dans la compensation des droits d’autres personnes qui peuvent s’appliquer à l’Œuvre ou à toute utilisation de celle-ci, y compris, et notamment, mais pas exclusivement, les Droits d’Auteur et Droits Voisins de toute personne sur l’Œuvre. En outre, le Déclarant décline toute responsabilité quant à l’obtention des consentements, autorisations et autres droits requis quelle que soit l’utilisation de l’Œuvre;
  4. Le Déclarant comprend et reconnaît que Creative Commons n’est pas partie prenante de ce document et n’a aucune responsabilité ni obligation à l’égard de la CC0 ou de l’utilisation de l’Œuvre.

Notes

[1] Notre travail étant réparti sur plusieurs documents EtherPad, cet incident généralement atroce dans une salle informatique se révéla joyeusement anecdotique.

[2] Petit aparté à ce propos, Framasoft organise, lors de la prochaine Ubuntu Party parisienne qui aura lieu du 5 au 7 novembre prochain, un atelier de libération d’œuvres non logicielles, qui consistera justement à contacter les auteurs d’œuvres numériques, publiées sur Internet sans licences précises et dont le Copyright par défaut bloque une idée de réutilisation… L’atelier est prévu pour le samedi 6 novembre à partir de 11h30.

[3] Oui, il fallait suivre pour les acronymes 😛

[4] L’annonce de RegardsCitoyens.org saluant la création de cette licence. Une analyse plus poussée sur le blog de Veni Vidi Libri.

[5] Crédit photo : GnuckX (Creative Commons Zero 1.0)




Avec Uniflow, Canon invente la photocopieuse qui espionne, refuse et dénonce

Timshell - CC-by-nd En l’absence de l’habituel maître des lieux
Les lutins du Framablog font bien de leur mieux
Écumant le web, en quête de sujets sérieux
Ils espérent que ces billets vous rendront joyeux
À défaut de nous aider à ouvrir les yeux
Sur des technologies qui derrière un vœu pieu
Menacent nos libertés et nos échanges précieux

« On arrête pas le progrès » aimait à répéter mon grand père, mais aujourd’hui, je me demande ce qu’il aurait pensé des dernières inventions de Canon…

En effet, si l’esprit du hacker est de bidouiller une technologie pour en trouver de nouveaux usages, les grandes firmes s’ingénient elles bien souvent à limiter les possibilités de leurs produits, pour créer une illusion de contrôle.

Dans notre cas, Canon a créé des photocopieuses qui inspectent au plus près les documents qu’on leur donne à reproduire, et s’y refusent si ces derniers contiennent l’un des mots de la liste noire située sur le serveur central des installations Uniflow.

Tout d’abord, ces photocopieuses illustrent exactement la menace qui plane sur la neutralité d’Internet. Imaginez qu’il ne soit plus possible de se parler qu’à l’aide de textes envoyés d’une photocopieuse à une autre et vous aurez un bon aperçu de comment fonctionne Internet. En effet, chaque message y circule, par petits bonds, d’un ordinateur à un autre entre votre machine et celle à laquelle vous tentez d’accéder de l’autre côté du réseau. Chaque machine rencontrée photocopie simplement les messages qu’elle reçoit vers la sortie qui les rapprochera de leur destination. Pour l’instant, les routeurs de l’Internet transportent les messages de manière aussi neutre qu’une simple photocopieuse, sans le moindre soupçon d’analyse de contenu. Mais Canon vient donc de briser la neutralité des photocopieuses, en créant un système de « deep photocopy inspection » bien sûr associés à un système centralisé de censure.

Ensuite, comme le remarquait Benoit Sibaud sur Identi.ca, nous nous trouvons là devant un cas concret d’informatique déloyale, telle que définie par l’April, où des utilisateurs se trouvent confrontés à des systèmes soit-disant « de confiance », et qui sous prétexte de sécurité ne remplissent tout simplement plus la tâche pour laquelle ils sont conçu si les conditions arbitraires d’une entité tierce de contrôle ne sont pas réunies.

Je parlais d’une illusion du contrôle, car comme toujours le moyen mis en œuvre pour « sécuriser l’usage » est aisément contournable, les documents n’étant (pour l’instant) analysés qu’à l’aide d’un logiciel OCR, incapable donc de percevoir les notes manuscrites, ou les mots (volontairement) mal orthographiés.

Alors à quoi bon mettre en place des systèmes aux performances finalement ridicules au regard du niveau stratégique de l’objectif ? Et quel peut être l’objectif d’imprimantes allergiques à certains mots ?

Tout d’abord, déployer un système à l’efficacité embryonnaire c’est toujours faire un premier pas, ça finance la génération suivante et ça piège les non avertis… [1] Ensuite dans le cas présent, on peut pallier les manques du système en contraignant le reste de l’environnement, et si on trouve une application admise par les contrôleurs et les contrôlés ça pourrait même rendre service.

Mais pourquoi empêcher d’imprimer ? Pour pallier, d’une certaine manière, au « trou analogique ». Le trou analogique c’est le nom donné à un phénomène simple : aussi sophistiqué que puisse être le système de protection d’un fichier (chiffrement, DRM), pour qu’il soit lu il faut bien à un moment le rendre présentable pour un humain. Et à partir de là, il est toujours possible de renumériser les données… Un MP3, même plombé par un DRM, quand il finit par être lu, rien ne m’empêche de l’enregistrer avec un dictaphone, si j’ai peur de ne pas m’en souvenir tout seul. Dans notre cas, l’intérêt est donc de combler en partie le trou analogique, en évitant que des copies papiers de documents identifiés comme « secrets » ne soient créées.

Toutefois, ça peut vite devenir comique, si une entreprise empêche l’impression de documents contenant le nom de ses clients par exemple, espérons qu’ils ne traitent pas avec Apple, Orange ou même Canon, sinon ils vont vite finir par ne plus pouvoir imprimer grand chose.

Néanmoins, après les imprimantes qui mentent sur leur niveau d’encre et les imprimantes qui laissent des micro-traces pour s’identifier sur toutes leurs copies, Canon invente aujourd’hui les imprimantes qui choisissent ce qu’elles impriment… [2]

Canon promet une sécurisation à base de mots-clés pour ses scanners et imprimantes

Canon promises keyword-based document scanning and printing security

Alan Lu – 12 octobre 2010 – ITPro.co.uk
Traduction Framalang : Siltaar, Julien R., KooToX, Daria

Canon a fait une démonstration d’Uniflow 5, la dernière version de son système de gestion de documents, capable d’empêcher les utilisateurs d’imprimer ou de copier des documents contenant certains mots, grâce à un système de sécurité intelligent basé sur des mots-clés.

Uniflow est un système de gestion de documents qui permet, depuis longtemps, de contrôler imprimantes, scanners et photocopieurs de manière centralisée. Cela permet de conserver le compte des impressions de chaque utilisateur à des fins de facturation. C’est indispensable dans les professions qui facturent les clients à l’heure ou à la quantité de travail, comme les avocats et les architectes. Le système requiert à la fois un serveur Uniflow sur votre réseau et des périphériques d’imagerie Canon, compatibles Uniflow.

La dernière version d’Uniflow possède un système de sécurité intelligent, basé sur des mots-clés. Une fois configuré par un administrateur, le système peut empêcher un utilisateur d’imprimer, scanner, copier ou faxer un document contenant un des mots-clés prohibés, tel que le nom d’un client ou le nom de code d’un projet.

Le serveur enverra alors par courriel à l’administrateur une copie PDF du document en question, au cas où un utilisateur s’y essaie. Le système peut aussi optionnellement informer l’utilisateur par courriel que sa tentative a été bloquée, mais sans identifier le mot-clé responsable, maintenant ainsi la sécurité du système.

La détection des mot-clés d’Uniflow 5 se base sur un système de reconnaissance optique de caractères (OCR), dont la licence est détenue par la firme belge Iris. Cette technologie est plus communément utilisé pour retranscrire des documents scannés en textes éditable sur ordinateur. Canon Angleterre a confirmé qu’un utilisateur éclairé et déterminé ayant repéré un des mots-clés peut contourner le système en remplaçant une lettre par une autre ou un chiffre ressemblant comme avec « z00 » au lieu de « zoo ».

Néanmoins, l’intérêt de cette fonctionnalité est immédiatement perceptible pour les secteurs traitant des documents sensibles, que se soit pour des raisons légales, concurrentielles ou commerciales. Les représentants de Canon n’ont pu avancer de date quant à la commercialisation des produits Uniflow 5.

Notes

[1] Toute ressemblance avec une loi visant à contrôler les usages sur Internet serait fortuite.

[2] Crédit photo : Timshell (Creative Commons Attribution NoDerivs).




« 1000 10 1 » : une campagne originale, un soutien indispensable

L.L. de Mars - Licence Art Libre

« Des paris ambitieux pour soutenir le logiciel libre, remportés grâce à vous », voilà en somme ce qui pourrait définir l’action de Framasoft depuis sa création, il y a presque dix ans.

De la création d’un annuaire en mode collaboratif au traducthon des RMLL qui a vu cet été Framalang traduire un nouveau Framabook en 5 jours, Framasoft s’est souvent lancé sur de longues routes, tant que la voie était libre pour tous.

L’année dernière, pour assurer la survie de l’association, Framasoft a consacré une certaine énergie à réaliser un appel aux dons. En dépassant l’objectif fixé des 30 000 euros, cette campagne a permis à Framasoft d’envisager l’avenir plus sereinement, et même de recruter un nouveau permanent quand l’occasion s’est présentée, pour épauler PYG dans ses tâches d’administration, lui permettre de prendre ses premières vacances depuis son arrivée à Framasoft, mais aussi développer de nouveaux projets.

Cette année, déjà plus de 20 000 euros de dons sont venus soutenir notre action et nous encourager dans cette voie. Toutefois, si cela aurait peut-être pu suffire par rapport à l’année dernière, grâce entre autre à la création de la boutique EnVenteLibre (diffusant des Framakeys, des Framabooks, des Framashirts, et des CD d’Ubuntu !), et à la réalisation de nouveaux Framabooks, notre budget cette année ne se trouve plus équilibré.

Pour nous sortir de ce mauvais pas, nous avons réfléchi à une nouvelle campagne, un peu plus originale et nommée “1000 10 1”. L’originalité tient au fait que son objectif n’est pas de réunir une certaine somme d’argent, mais un certain nombre de donateurs. L’objectif est en effet de réunir 1000 personnes, qui donneraient chacune 10 euros par mois, pendant au moins 1 an. Rappelons tout de suite que Framasoft étant une association reconnue d’intérêt général ces dons sont déductibles de l’impôt sur le revenu, et qu’ainsi l’opération ne devrait pas représenter plus de 40 € à terme pour le généreux donateur, et qu’il est bien sûr possible de donner moins – ou plus ! – sur la nouvelle version de notre site de soutien.

De plus, parce que vos dons sont précieux, Framasoft a négocié bec et ongles avec une nouvelle banque et obtenu de s’affranchir de Paypal pour tous les dons qui seront collectés à partir d’aujourd’hui.

Ensuite, et un peu en réponse à ce billet, nous avons également déployé sur le nouveau site de soutien des boutons Yooook et Flattr, pour encourager le développement de cette économie de la contribution que nous appelons de nos vœux.

Et enfin, Framasoft s’engage, dès l’objectif de la campagne “1000 10 1” atteint, à retirer définitivement la célèbre et controversée pub Google des pages de l’annuaire !

L.L. de Mars - Licence Art Libre

Nous comptons donc sur vous pour que cette mauvaise passe ne devienne pas une impasse, et que Framasoft continue encore longtemps sa route vers :

  • des FramaDVD : École, Collège/Lycée, Université, TPE/PME, Wikipedia ;
  • des Framakeys : École, Wikipedia, Économie sociale et solidaire (spéciale associations) ;
  • des Framabooks : « Le C en 20h », « Producing OpenSource Software », « Subversion », « Imagine there’s no Copyright »…
  • la Framanews : entre tootella.org et rezo.net ;
  • Framacces : un serveur OpenID hébergé par Framasoft, accompagnant la mise en place d’une porte OpenID sur tous les sites du réseau ;
  • Framasoft 2.0 : la fameuse refonte de l’annuaire en Drupal ;
  • plus d’associations et de produits libres dans EnVenteLibre ;
  • des Framakits de promotion du libre par Framasoft ;
  • le projet Framaphonie visant à soutenir le développement du Libre en Afrique (entre autres);
  • et quelques autres projets logiciels dont nous vous reparlerons bientôt.

L’équipe Framasoft. [1]

Notes

[1] Crédit photo : L.L. de Mars (Licence Art Libre)




Développer en public

Steve Jurvetson - CC by Voici, révélé sur son blog par Bradley M. Kuhn (cadre dirigeant à la FSF impliqué dans le projet GNU), l’un des meilleurs ingrédients pour la réussite d’un projet de logiciel libre : rendre son développement public, dès la conception. C’est du moins l’enseignement qu’il retire d’un échange qu’il a eu avec Loïc Dachary, pionnier du logiciel libre, fondateur de la FSF France, d’EUCD.info ou encore de la plateforme d’hébergement de projets libres Gna! [1].

Or, si l’idée peut sembler simple, sa réalisation est loin d’être anecdotique et porte à de nombreux débats, comme le synthétise ici Bradley. Mais surtout, ce qui se dessine au travers de cette réflexion, c’est un élément fondamental de la définition de ce qu’est un projet libre, un projet ouvert, un projet pérenne : c’est un projet dont on partage les idées et la conception, en plus des sources. Bradley Kuhn oppose, en filigrane, à cette vision, celle de grands projets (qui se clament bien souvent eux-même « OpenSource ») dont en effet seul le code est publié. Des projets opposant une résistance aux contributions extérieures, et qui peuvent alors presque paradoxalement sembler hermétiques, fermés…

Plusieurs exemples viennent aisément en tête car c’est entre autres l’un des principaux reproches fait à Chromium, la version « OpenSource » du navigateur Google Chrome. Mais LibreOffice, le récent fork d’OpenOffice, illustre parfaitement la conclusion de Bradley, quand la communauté d’un projet de logiciel libre finit par n’avoir d’autre choix que de partir sur un embranchement définitif des fichiers sources pour en ouvrir au public le développement, et plus le code seulement.

Où sont les octets ? [2]

Where Are The Bytes?

Bradley M. Kuhn – 11 juin 2010 – EBB.org
(Traduction Framalang : Barbidule, Loquemunaine, Goofy)

Il y a quelques années, j’avais envisagé de me lancer dans un projet de logiciel libre. Il n’a pas vu le jour, mais j’ai appris au passage des choses bonnes à savoir. Quand j’ai pensé à démarrer ce projet, j’ai fait comme à mon habitude : j’ai demandé à quelqu’un qui en savait plus que moi. J’ai donc téléphoné à Loïc Dachary, qui a initié de nombreux projets de logiciels libres, pour lui demander conseil.

Avant même que je puisse ne serait-ce qu’évoquer mon idée, Loïc m’a demandé : « Tu as une URL » ? J’étais abasourdi. Ben, je n’ai pas encore commencé, répondis-je. Bien sûr que si, reprit-il, puisque tu m’en parles c’est que tu as commencé. Le plus important, c’est que tu me dises où sont les octets.

Loïc m’expliqua ensuite que la plupart des projets échouent. Le plus difficile dans un projet de logiciel libre est de le pousser à un stade suffisamment avancé pour qu’il puisse survivre même si ses créateurs initiaux le quittent. Donc, selon la théorie de Loïc, la tâche la plus urgente à accomplir au démarrage d’un projet, c’est de générer ces octets, dans l’espoir qu’ils se fraieront un chemin jusqu’à une équipe de développeurs qui contribueront à maintenir le projet actif.

Mais qu’est-ce qu’il entend par « octets » au juste ? Il veut tout simplement dire que vous devez exposer vos réflexions, votre code, vos projets, vos idées, presque tout en fait sur une adresse publique où tout le monde pourra les voir. Montrez vos octets, montrez-les à chaque fois que vous en créez si peu que ce soit. C’est la seule chance de survie de votre projet de logiciel libre.

Le premier objectif d’un projet de logiciel libre est de rassembler des développeurs. Aucun projet ne peut avoir de succès à long terme sans une base diversifiée de développeurs. Le problème c’est que le travail initial de développement et le planning du projet finissent trop souvent enfermés dans la tête d’un petit noyau de développeurs. C’est dans la nature humaine : comment puis-je passer mon temps à expliquer à chacun ce que je suis en train de faire ? Si je le fais, quand trouverai-je le temps de faire vraiment avancer les choses ? Ceux qui dirigent les projets de logiciels libres savent résister à ce désir naturel et font ce qui peut sembler contre-intuitif : ils exposent leurs octets publiquement, même si cela les ralentit un peu.

Ce processus est d’autant plus nécessaire à l’ère des réseaux. Si quelqu’un veut créer un programme qui remplisse sa mission, son premier outil est le moteur de recherche : il s’agit de savoir si quelqu’un d’autre a déjà fait le boulot. L’avenir de votre projet dépend entièrement du fait que chaque recherche de ce type aide des développeurs à découvrir vos octets.

Début 2001 j’ai demandé à Larry Wall quel était le projet le plus difficile parmi tous ceux sur lesquels il a travaillé. Sa réponse fut immédiate : "quand j’ai développé la première version de Perl5," m’a dit Larry, "j’avais l’impression que je devais coder tout seul et le faire tourner par mes propres moyens". Bien sûr, Larry est un gars tellement doué qu’il peut se permettre de créer à lui tout seul un programme que tout le monde voudra utiliser. Bien que je ne lui aie pas demandé ce qu’il ferait aujourd’hui dans une situation pareille, je devine – particulièrement quand on voit comment le développement de Perl6 est devenu public – qu’il utiliserait plutôt les nouveaux outils en ligne, tels que DVCS, pour montrer plus vite et plus souvent ses octets, et chercher à impliquer plus tôt davantage de développeurs[3].

Il est vrai que la priorité de la plupart des développeurs est de tout cacher. "On publiera quand ce sera prêt", ou bien – pire encore – "le noyau dur de l’équipe travaille bien ensemble ; rendre le projet public maintenant ne ferait que nous ralentir". En vérité, c’est un mélange dangereux de peur et de narcissisme, exactement la même pulsion que celle qui pousse les développeurs de logiciels non-libres à les conserver propriétaires.

Les développeurs de logiciels libres ont la possibilité de dépasser la réalité fondamentale de tout développement logiciel : le code est mal fichu, et n’est généralement pas terminé. Malgré tout, il est essentiel que la communauté puisse voir ce qu’il se passe à chaque étape, dès le noyau initial du code et au-delà. Quand un projet est perçu comme actif, cela attire les développeurs et donne au projet une chance de succès.

Quand j’étais à la fac, une des équipes d’une classe de génie logiciel s’est complètement plantée. C’est arrivé alors même qu’un des membres de l’équipe avait passé près de la moitié du semestre à coder par lui-même, nuit et jour, sans se soucier des autres membres de l’équipe. Durant l’évaluation finale, le professeur lui fit remarquer : « un développeur de logiciel, ce n’est pas un pilote de chasse ». L’étudiant, ne voyant pas le rapport, plaisanta : « Ouais, je sais, au moins le pilote de chasse, il a un copilote ». En vérité, il ne suffira pas d’une personne ou deux, ou même d’une petite équipe, pour faire aboutir un projet de logiciel libre. Le projet ne marchera que s’il est soutenu par une communauté importante qui évitera tout point individuel de défaillance.

Il n’en reste pas moins que la plupart des projets de logiciels libres sont voués à l’échec. Cependant, il n’y a aucune honte à balancer quelques octets, pour inciter les gens à y jeter un oeil, quitte à laisser tomber si la mayonnaise ne prend pas. Toute la recherche scientifique fonctionne ainsi, et il n’y a pas de raison pour que l’informatique fasse exception. Garder un projet privé, c’est garantir son échec ; le seul intérêt, c’est que vous pouvez dissimuler le fait que vous avez essayé. Comme le disait mon directeur de thèse lorsque je me faisais du souci quant à la réussite de ma recherche : un résultat négatif peut être aussi intéressant qu’un résultat positif. Ce qui est important, c’est d’être sûr que tous les résultats seront publiés et que le public pourra les examiner.

Quand j’ai commencé à parler de cette idée il y a quelques semaines, certains m’ont répondu que les premiers programmes GNU, les logiciels fondateurs de notre communauté ont d’abord été développé en privé. C’est vrai, mais le fait que les développeurs du projet GNU aient procédé de cette façon ne veut pas dire que c’est la bonne. Nous disposons désormais des outils pour faire facilement du développement en public, et nous devrions le faire. De mon point de vue, aujourd’hui nous ne sommes pas vraiment dans l’esprit du logiciel libre tant que le projet, y compris les discussions sur sa conception, les plans et les prototypes, ne sont pas développés publiquement. Le code (quelque soit sa licence) qui n’est que balancé à intervalles plus ou moins réguliers mérite d’être repris par une communauté qui rende son développement public.


Mise à jour (2010-06-12) : J’ai complètement oublié de parler de « The Risks of Distributed Version Control » par Ben Collins-Sussman, qui date de cinq ans maintenant mais qui est toujours d’actualité. Ben fait un constat similaire au mien, et remarque que certaines utilisations de DVCS peuvent avoir les effets que j’encourage les développeurs à éviter. Je pense que DVCS est comme n’importe quel autre outil : il peut être mal utilisé. Il faut éviter de s’en servir comme Ben le signale, et DVCS, lorsqu’il est utilisé correctement, aide dans le processus de développement public de logiciel.

Notes

[1] Fonctionnant tout comme GNU Savannah grâce au logiciel Savane dont il est le principal développeur.

[2] Crédit photo : Steve Jurvetson (Creative Commons By). Cette photo, intitulée « mémoires primitives » est un gros plan sur une barrette de mémoire vive du milieu du siècle dernier. On y voit un quadrillage de « fins » fils de laiton, tricoté à la main avec de petits anneaux de ferrite à chaque intersection, le tout noyé dans de la colle. L’ensemble, qui pouvais occuper le volume d’un magazine papier, était capable de conserver plusieurs centaines de … bits de mémoire. Le circuit tricoté ici représente ainsi 38 octets de mémoire vive, et il est assez vertigineux de constater que 50 ans plus tard, on stocke environ 25 millions de fois plus d’information dans le volume de chaque anneau de ferrite.

[3] Notez que rendre son code public au milieu des années 1990 était plus difficile (d’un point de vue technologique) que maintenant. Ceux qui n’ont pas connu les archives shar ne s’en rendent pas compte. 🙂