Le transit, c’est important 🙂

Non, nous n’allons vous parler de fibres (quoique). C’est du transit d’Internet que nous allons parler. Ou plutĂŽt, nous allons laisser StĂ©phane Bortzmeyer en parler.

Son article nous a sĂ©duits, aussi bien par la thĂ©matique abordĂ©e (on ne se refait pas, quand les GAFAM menacent l’avenir d’Internet, on aime bien que ce soit dit 😃) que par son aspect didactique, truffĂ© d’hyperliens permettant Ă  tout un chacun de le comprendre. Nous le reproduisons ici, avec son aimable permission et celle de la licence (libre, bien sĂ»r) de l’article, la GFDL et avec quelques photos en plus (dont un chaton, je viens de dire qu’on ne se refaisait pas 😁).

Stéphane Bortzmeyer est bien connu du milieu technique pour ses articles sur les RFC (Request For Comments) et autres articles techniques plutÎt que pour des textes à destination de la famille Dupuis-Morizeau mais ses fiches de lecture pourraient bien les intéresser.

Carte de l’Internet : vous ĂȘtes ici.

Le transit Internet est-il vraiment mort ?

À la rĂ©union APRICOT / APNIC du 20 fĂ©vrier au 2 mars, Ă  HĂŽ-Chi-Minh-Ville, Geoff Huston a fait un exposĂ© remarquĂ©, au titre provocateur, « The death of transit ». A-t-il raison de prĂ©dire la fin du transit Internet ? Et pourquoi est-ce une question importante ?

Deux petits mots de terminologie, d’abord, s’inscrivant dans l’histoire. L’Internet avait Ă©tĂ© conçu comme un rĂ©seau connectant des acteurs relativement Ă©gaux (par exemple, des universitĂ©s), via une Ă©pine dorsale partagĂ©e (comme NSFnet). Avec le temps, plusieurs de ces Ă©pines dorsales sont apparues, l’accĂšs depuis la maison, l’association ou la petite entreprise est devenu plus frĂ©quent, et un modĂšle de sĂ©paration entre les FAI et les transitaires est apparu. Dans ce modĂšle, le client se connecte Ă  un FAI. Mais comment est-ce que les FAI se connectent entre eux, pour que Alice puisse Ă©changer avec Bob, bien qu’ils soient clients de FAI diffĂ©rents ? Il y a deux solutions, le peering et le transit. Le premier est l’Ă©change de trafic (en gĂ©nĂ©ral gratuitement et informellement) entre des pairs (donc plus ou moins de taille comparable), le second est l’achat de connectivitĂ© IP, depuis un FAI vers un transitaire. Ces transitaires forment donc (ou formaient) l’Ă©pine dorsale de l’Internet. Le modĂšle de l’Internet a Ă©tĂ© un immense succĂšs, au grand dam des opĂ©rateurs tĂ©lĂ©phoniques traditionnels et des experts officiels qui avaient toujours proclamĂ© que cela ne marcherait jamais.

Mais une autre Ă©volution s’est produite. Les utilisateurs ne se connectent pas Ă  l’Internet pour le plaisir de faire des ping et des traceroute, ils veulent communiquer, donc Ă©changer (des textes, des images, des vidĂ©os
). À l’origine, l’idĂ©e Ă©tait que l’Ă©change se ferait directement entre les utilisateurs, ou sinon entre des serveurs proches des utilisateurs (ceux de leur rĂ©seau local). Le trafic serait donc Ă  peu prĂšs symĂ©trique, dans un Ă©change pair-Ă -pair. Mais les choses ne se passent pas toujours comme ça. Aujourd’hui, il est de plus en plus frĂ©quent que les communications entre utilisateurs soient mĂ©diĂ©es (oui, ce verbe est dans le Wiktionnaire) par des grands opĂ©rateurs qui ne sont pas des opĂ©rateurs de tĂ©lĂ©communication, pas des transitaires, mais des « plates-formes » comme les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon). La communication entre utilisateurs n’est plus pair-Ă -pair mais passe par un intermĂ©diaire. (On peut parler d’un Minitel 2.0.)

Non, on n’a pas trop envie d’un Internet Ă  la Minitel 2.0

Bon, mais quel rapport avec l’avenir de l’Internet ? Mes lect·eur·rice·s sont trĂšs cultivé·e·s et savent bien que le Web, ce n’est pas l’Internet, et que le fait que deux utilisateurs de Gmail passent par Gmail pour communiquer alors qu’ils sont Ă  100 mĂštres l’un de l’autre n’est pas une propriĂ©tĂ© de l’Internet. (Les ministres et la plupart des journalistes n’ont pas encore compris cela, mais ça viendra). L’Internet continue Ă  fonctionner comme avant et on peut toujours faire du BitTorrent, et se connecter en SSH avec un Raspberry Pi situĂ© Ă  l’autre bout de la planĂšte (notez qu’il s’agit de l’Internet en gĂ©nĂ©ral : dans la quasi-totalitĂ© des aĂ©roports et des hĂŽtels, de nombreux protocoles sont interdits. Et ces malhonnĂȘtes osent prĂ©tendre qu’ils fournissent un « accĂšs Internet »).

C’est lĂ  qu’on en arrive Ă  l’exposĂ© de Huston. Il note d’abord que les sites Web qui ne sont pas dĂ©jĂ  chez un GAFA sont souvent hĂ©bergĂ©s sur un CDN [un rĂ©seau de diffusion de contenu, Note du Framablog]. Ensuite, il fait remarquer que les GAFA, comme les CDN, bĂątissent de plus en plus leur propre interconnexion. À ses dĂ©buts, Google Ă©tait une entreprise comme une autre, qui achetait sa connectivitĂ© Internet Ă  un fournisseur. Aujourd’hui, Google pose ses propres fibres optiques (ou achĂšte des lambdas) et peere avec les FAI : encore un peu et Google n’aura plus besoin de transit du tout. Si tous les GAFA et tous les CDN en font autant (et la plupart sont dĂ©jĂ  bien engagĂ©s dans cette voie), que deviendra le transit ? Qui pourra encore gagner sa vie en en vendant ? Et si le transit disparaĂźt, l’architecture de l’Internet aura bien Ă©tĂ© modifiĂ©e, par l’action de la minitĂ©lisation du Web. (Je rĂ©sume beaucoup, je vous invite Ă  lire l’exposĂ© de Huston vous-mĂȘme.)

Notez que Huston n’est pas le premier Ă  pointer du doigt cette Ă©volution. Plusieurs articles moins flamboyants l’avaient dĂ©jĂ  fait, comme les dĂ©jĂ  anciens « The flattening internet topology: natural evolution, unsightly barnacles or contrived collapse? » ou « Internet Inter-Domain Traffic ». Mais Huston rĂ©ussit toujours mieux Ă  capter l’attention et Ă  rĂ©sumer de maniĂšre percutante un problĂšme complexe.

Alors, si Huston a raison, quelles seront les consĂ©quences de la disparition du transit ? Huston note qu’une telle disparition pourrait rendre inutile le systĂšme d’adressage mondial (dĂ©jĂ  trĂšs mal en point avec l’Ă©puisement des adresses IPv4 et la prĂ©valence du NAT), voire le systĂšme de nommage mondial que fournit le DNS. Le pair-Ă -pair, dĂ©jĂ  diabolisĂ© sur ordre de l’industrie du divertissement, pourrait devenir trĂšs difficile, voire impossible. Aujourd’hui, mĂȘme si 95 % des utilisateurs ne se servaient que des GAFA, rien n’empĂȘche les autres de faire ce qu’ils veulent en pair-Ă -pair. Demain, est-ce que ce sera toujours le cas ?

Mais est-ce que Huston a raison de prĂ©dire la mort du transit ? D’abord, je prĂ©cise que je suis de ceux qui ne croient pas Ă  la fatalité : ce sont les humains qui façonnent l’histoire et les choses peuvent changer. DĂ©crire la rĂ©alitĂ©, c’est bien, mais il faut toujours se rappeler que c’est nous qui la faisons, cette rĂ©alitĂ©, et que nous pouvons changer. Essayons de voir si les choses ont dĂ©jĂ  changĂ©. Huston aime bien provoquer, pour rĂ©veiller son auditoire. Mais il faut bien distinguer l’apparence et la rĂ©alitĂ©.

Les observateurs lĂ©gers croient que tout l’Internet est Ă  leur image. Comme eux-mĂȘmes ne se servent que de Gmail et de Facebook, ils expliquent gravement en passant Ă  la tĂ©lĂ© que l’Internet, c’est Google et Facebook. Mais c’est loin d’ĂȘtre la totalitĂ© des usages. Des tas d’autres usages sont prĂ©sents, par exemple dans l’Ă©change de donnĂ©es entre entreprises (y compris via d’innombrables types de VPN qui transportent leurs donnĂ©es
 sur Internet), les SCADA, BitTorrent, la recherche scientifique et ses pĂ©taoctets de donnĂ©es, les rĂ©seaux spĂ©cialisĂ©s comme LoRa, les chaĂźnes de blocs, et ces usages ne passent pas par les GAFA.

Peut-on quantifier ces usages, pour dire par exemple, qu’ils sont « minoritaires » ou bien « un dĂ©tail » ? Ce n’est pas facile car il faudrait se mettre d’accord sur une mĂ©trique. Si on prend le nombre d’octets, c’est Ă©videmment la vidĂ©o qui domine et, Ă  cause du poids de YouTube, on peut arriver Ă  la conclusion que seuls les GAFA comptent. Mais d’autres critĂšres sont possibles, quoique plus difficiles Ă  Ă©valuer (le poids financier, par exemple : un message d’une entreprise Ă  une autre pour un contrat de centaines de milliers d’euros pĂšse moins d’octets qu’une vidĂ©o de chat, mais reprĂ©sente bien plus d’argent ; ou bien le critĂšre de l’utilitĂ© sociale). Bref, les opĂ©rateurs de transit sont loin d’ĂȘtre inutiles. L’Internet n’est pas encore rĂ©duit Ă  un Minitel (ou Ă  une tĂ©lĂ©vision, l’exemple que prend Huston qui, en bon australien, ne connaĂźt pas ce fleuron de la technologie française.)

La photo d’un chaton est-elle plus utile socialement qu’un contrat de plusieurs milliers d’euros ? Vous avez deux heures.

Merci Ă  Antoine Fressancourt, JĂ©rĂŽme Nicolle, Pierre Beyssac, RaphaĂ«l Maunier, Olivier Perret, ClĂ©ment Cavadore et Radu-Adrian Feurdean pour leurs remarques intĂ©ressantes. Aucune de ces conversations avec eux n’est passĂ©e par un GAFA.

Cet article est distribué sous les termes de la licence GFDL

Stéphane Bortzmeyer

Crédits :




LibertĂ©s numĂ©riques : un guide Framabook pour nos vies numĂ©riques !

Notre Framatophe a prĂ©parĂ© un manuel de l’Internet Ă  l’intention des Dupuis-Morizeau, cette sympathique famille de français moyens que nous chahutons chouchoutons Ă  longueur d’annĂ©e. Ce n’est surtout pas un livre « pour les nuls » (ça va couper, chĂ©rie) mais un bouquin pour ne plus surfer idiot.

Tiens, mĂȘme nous qu’on est des geeks, on a appris des trucs.

Comme tous les Framabook, le livre numĂ©rique se tĂ©lĂ©charge librement et gratuitement, et sa version papier peut s’acheter facilement !

Sauf que ce guide pratique a un avantage de plus : celui d’ĂȘtre disponible ici sous forme de documentation, une documentation que vous pouvez amĂ©liorer en allant sur ce git.

Pour mieux comprendre comment tout ceci a été conçu, allons papoter avec son auteur, Christophe Masutti, aussi connu sous le sobriquet de Framatophe !

 

Internet pour les quarks : l’interview

Framatophe, on va se tutoyer, hein
 Peux-tu te présenter en expliquant tes diverses activités au sein de Framasoft ?

Je suis arrivĂ© dans l’aventure Framasoft Ă  l’occasion d’un livre, la biographie de Richard Stallman retravaillĂ©e avec lui-mĂȘme. Comme cela m’avait pas mal occupĂ©, et comme j’ai quelques compĂ©tences en la matiĂšre, j’ai d’abord travaillĂ© sur le projet Framabook. Petit Ă  petit, les membres de Framasoft sont devenus des amis, j’ai intĂ©grĂ© le conseil d’administration et je crois bien que c’est de pire en pire, avec toutes ces nouvelles idĂ©es rĂ©volutionnaires (dĂ©googliser Internet, il fallait ĂȘtre gonflĂ©, pour laisser passer cela, non?), j’ai une deuxiĂšme vie, quoi
 De maniĂšre plus pratique, cette annĂ©e, je suis surtout occupĂ© par la co-prĂ©sidence de Framasoft, le comitĂ© ressources humaines, les partenariats/stratĂ©gie, le projet Framabook, le projet Framalibre, et puis partout oĂč je peux ĂȘtre utile, comme les autres Framasoftiens, donc.

Tu nous prĂ©sentes un manuel pour les Dupuis Morizeau
 C’est encore un de ces trucs « pour les nuls » oĂč on va se sentir minables si on fait les choses pas bien ?

Vous aurez remarquĂ©, dans ma prĂ©sentation ci-dessus, que je ne mets en avant aucune compĂ©tence technique en matiĂšre d’informatique. J’en ai un petit peu, certes, comme ceux qui comme moi ont depuis plus de trente ans un ordinateur entre les mains (la « vraie » gĂ©nĂ©ration Y), mais ce n’est pas du tout pour cela que je m’implique dans le Libre. DĂšs lors, en ouvrant cet ouvrage, n’ayez surtout pas peur d’un quelconque jugement.

C’est Madame Michu qui faisait office de canard boiteux, la sempiternelle dĂ©calĂ©e, incapable d’envoyer correctement un courriel, alors que finalement on peut bien vivre sans cela. Pire encore, Madame Michu renvoyait comme en miroir la suffisance des jeunes geeks, eux-mĂȘmes caricaturĂ©s Ă  l’extrĂȘme, symboles puĂ©rils d’une jeunesse qui finalement n’existe mĂȘme pas.

Nous sommes divers. Nous utilisons nos terminaux, nos ordinateurs, nos tĂ©lĂ©phones portables comme nous l’avons appris, ou pas. Pourtant, pour bien des gens, ces machines restent des boĂźtes noires. C’est le cas des Dupuis-Morizeau, une famille imaginaire que nous citons souvent Ă  Framasoft. Elle correspond, je crois, assez bien Ă  une rĂ©alitĂ© : des personnes qui utilisent les rĂ©seaux et les outils numĂ©riques, souvent mĂȘme avec une certaine efficacitĂ©, mais qui ne sont pas autonomes, dĂ©pendent des services des grands silos numĂ©riques du web, et sont dĂ©munis face Ă  tout ce contexte anxiogĂšne de la surveillance, des verrous numĂ©riques, des usages irrespectueux des donnĂ©es personnelles
 C’est Ă  eux que s’adresse cet ouvrage, dans l’intention Ă  la fois de dresser un petit inventaire de pratiques numĂ©riques mais aussi d’expliquer les bonnes raisons de les mettre en Ɠuvre, en particulier en utilisant des logiciels libres.

Est-ce que tu as Ă©crit/dirigĂ© ce manuel parce que tu es un Dupuis-Morizeau ? Parce que tu l’as Ă©tĂ© ? Parce que tu les cĂŽtoies ?

Lorsque vous interrogez autour de vous tous ces Dupuis-Morizeau, il ne fait aucun doute que, au moins depuis l’Affaire Snowden, une prise de conscience a eu lieu. Mais comment agir concrĂštement ? J’ai tentĂ© plusieurs approches. La pire, c’est lorsque j’ai moi-mĂȘme dĂ©couvert les logiciels libres. J’avais beau saouler littĂ©ralement mon entourage pour l’utilisation de GNU/Linux ou n’importe quel logiciel libre « Ă  la place de
 », l’effet produit, Ă©tait parfois tout Ă  l’inverse de celui souhaitĂ©. Pourquoi ? parce que changer les pratiques uniquement en vertu de grandes idĂ©es, qu’elles soient libristes ou non, n’est jamais productif.

Changer des pratiques est d’abord un processus crĂ©atif : il peut ĂȘtre motivĂ©, certes, mais il ne faut pas perdre de vue qu’il est toujours vĂ©cu de maniĂšre individuelle. Il ne vaut donc que s’il correspond Ă  un mouvement collectif auquel l’individu adhĂšre parce qu’il a une raison de le faire et de s’inventer des moyens de le rendre acceptable. Si vous voulez que la population laisse tomber le « tout voiture » au profit du vĂ©lo, il faut non seulement faire valoir les avantages Ă©cologiques et en matiĂšre de santĂ©, mais aussi structurer le changement en crĂ©ant des pistes cyclables en quantitĂ© et proposer aux habitants de s’approprier l’espace collectif autour du vĂ©lo ; bref, un amĂ©nagement urbain rien qu’à eux, ces futurs cyclistes qui se reconnaĂźtront alors en tant que tels.

En matiĂšre de numĂ©rique, c’est un peu la mĂȘme chose. Nous avons les idĂ©es, nous avons l’effet structurel : les logiciels libres existent, il y a des annuaires (Framalibre !), nous avons mĂȘme d’excellentes raisons collectives d’adopter le logiciel libre (cf. l’affaire Snowden et toutes les questions liĂ©es). Ce qui manque, c’est la chaĂźne qui permet aux utilisateurs de s’approprier les usages. Pour cela, une des mĂ©thodes pourrait consister Ă  ouvrir ces boites noires que reprĂ©sentent les machines informatiques, vulgariser les principes, et faire le lien avec certains logiciels libres emblĂ©matiques. De cette maniĂšre, on accompagne l’utilisateur Ă  la fois dans la connaissance technique, avec un bagage minimaliste, dans la stratĂ©gie qu’il va devoir lui-mĂȘme mettre en Ɠuvre pour rĂ©pondre Ă  son besoin (connaĂźtre les formats de fichiers, choisir les bons logiciels, sĂ©curiser ses Ă©changes, etc.) et adopter de nouvelles pratiques en fonction de ce besoin.

Bon mais concrĂštement, qu’est-ce que je vais trouver dans cet ouvrage ? Des grandes thĂ©ories ? Des conseils pratiques ? De la vulgarisation ?

Un peu de tout cela oui. Et en mĂȘme temps cet ouvrage est conçu comme un temps de respiration. Installer, configurer, sauvegarder, souscrire, tĂ©lĂ©charger, surfer, cliquer ici, cliquer lĂ , pourquoi, comment
 on s’arrĂȘte. On respire. Ce livre, c’est un compagnon, un guide. Ce n’est pas vraiment un manuel dans lequel on va trouver des recettes toutes faites. Il donne des exemples concrets de ce que font certains logiciels mais il explique d’abord pourquoi il est intĂ©ressant de les utiliser. Il explique de quoi est composĂ©e une URL avant de montrer quelle extension de Firefox il serait bon d’installer.

Il y a donc clairement des partis pris. Les spĂ©cialistes de logiciels libres trouveront trĂšs certainement beaucoup de choses Ă  redire au sujet du choix des logiciels mentionnĂ©s. Ce n’est pas Ă  eux que je m’adresse : quand j’ai lu sur un forum qu’il est « simple de configurer Thunderbird pour qu’il se connecte en IMAP sur un serveur en utilisant une sĂ©curitĂ© SSL sur le port 993 », je me suis dit qu’il Ă©tait peut-ĂȘtre intĂ©ressant, avant de formuler cette phrase, d’expliquer ce qu’est un protocole de communication et quelques Ă©lĂ©ments autour du chiffrement. On ne peut pas libĂ©rer les pratiques numĂ©riques en laissant les utilisateurs dans l’ignorance des principes gĂ©nĂ©raux de l’environnement technique dans lequel ils Ă©voluent. Cette ignorance est justement l’un des ressorts stratĂ©giques des monopoles de logiciels et de services (elle fait aussi le beurre de certains « experts en dĂ©cisions SI »).

Ce compagnon est aussi le fruit de mes propres dĂ©marches personnelles. Comme beaucoup d’autres, j’ai commencĂ© par bidouiller en Basic sur des machines dotĂ©es de 16Ko de RAM pour les plus accessibles Ă  un porte-monnaie modeste, et un peu plus tard, alors que le Minitel ne me suffisait pas, j’ai cherchĂ© Ă  Ă©tablir des connexions avec des modems RTC. Aujourd’hui, si la synchronisation de ses contacts entre un service Google et son smartphone ne fonctionne pas, on trouve cela complĂštement anormal
 Mais qui serait nostalgique de l’époque maudite oĂč il fallait se farcir les spĂ©cifications techniques de ses appareils (selon les marques) pour pouvoir envoyer un simple courriel ? Il n’en demeure pas moins que si nous sommes dĂ©munis en pareils cas, ce n’est pas parce que nous ne cherchons pas Ă  comprendre comment fonctionne tel programme, mais parce que les mauvaises pratiques induisent des faiblesses. Voici un exemple trĂšs courant. Monsieur Dupuis-Morizeau n’arrive plus Ă  accĂ©der au webmail de sa boite Machin, il change pour une boite Truc qui lui offre la possibilitĂ© de tĂ©lĂ©charger ses messages depuis la boite Machin. Ayant perdu le second mot de passe, lorsqu’il revient Ă  la premiĂšre boite il ne comprend plus oĂč sont ses messages. PerplexitĂ©, frustrations, nervosité  ce sont ces Ă©tats que ce guide souhaite aussi changer en reconstruisant une forme d’autonomie numĂ©rique.

Tu as mis des blagues ou ton cÎté universitaire a repris le dessus ?

Alors, d’abord, trĂšs nombreux sont les universitaires dotĂ©s d’un sens de l’humour et avec un esprit dĂ©sopilant. Qu’est-ce que c’est que cette caricature ? Tiens la derniĂšre entendue : « que dit un canard si on l’atomise ? » : « quark, quark ».

Donc lĂ  normalement vous ĂȘtes morts de rire, non ? (si vous savez qui en est l’auteur, je suis preneur de l’info)

Quant Ă  moi, comme on peut le voir je suis trĂšs mauvais en la matiĂšre et on me dit souvent que ma blague favorite est trop longue (et elle aussi a Ă©tĂ© dessinĂ©e, d’ailleurs, vous voyez ce qu’il nous faut subir dans cette asso, NDLR).

Alors forcĂ©ment personne ne pourra se tordre de rire Ă  la lecture de l’ouvrage
 Ah si, peut-ĂȘtre en introduction, en note de bas de page, un trait d’humour noir, histoire de faire espĂ©rer le lecteur pour qu’il tourne la page suivante.

Il n’ y avait pas dĂ©jĂ  des ouvrages sous licence libre qui faisaient le job ? Qui auraient pu ĂȘtre mis Ă  jour sans tout rĂ©Ă©crire ?

Il y a un livre, Ă©crit rĂ©cemment par Tristan Nitot, intitulĂ© Surveillance://. Il n’est pas sous licence libre, c’est son seul dĂ©faut. Dans cet ouvrage, Tristan va mĂȘme jusqu’à expliquer comment paramĂ©trer un service de Google pour (tenter de) sauvegarder un peu d’intimitĂ© numĂ©rique. C’est en partie cette section de son livre qui m’a inspirĂ© : il est bon d’expliquer les enjeux du numĂ©rique mais il faut bien, Ă  un moment donnĂ©, fournir les clĂ©s utiles aux lecteurs pour mettre au mieux Ă  profit les sages conseils promulguĂ©s prodiguĂ©s.

Tu avais lancĂ© ce projet d’écriture comme un projet collectif, mais ça n’avait pas vraiment pris
 Tu peux expliquer pourquoi, Ă  ton avis ? C’est plus simple d’ĂȘtre dans son coin ? Je croyais que chez Frama on Ă©tait les champions du travail collectif ? 🙂

Oui, c’est vrai. Le projet date d’il y a presque trois ans. D’ailleurs Ă  deux reprises je reprends des petites parties de ce que certains avaient dĂ©jĂ  Ă©crit. C’est marginal, mais en tout cas ils sont crĂ©ditĂ©s. Le projet collectif n’avait pas pris essentiellement pour deux raisons :

  1. un manque de temps de ma part pour agrĂ©ger une communautĂ© autour du projet (et on sait combien cela peut ĂȘtre chronophage),
  2. il est difficile de faire Ă©merger collectivement une adhĂ©sion totale au fil directeur d’un ouvrage qui se veut « grand public », car il y a autant de conceptions du lectorat et de la vulgarisation qu’il y a de contributeurs.

Le projet a traĂźné  Puis la rĂ©fection de Framalibre m’a pris pas mal de temps, en plus du reste. C’est lorsque j’ai compris ce qu’il manquait Ă  une liste de logiciels libres que je me suis mis Ă  Ă©crire cet ouvrage, et le premier jet a durĂ© 4 semaines. C’était mĂ»r, mĂȘme si ce n’est pas parfait, loin de lĂ .

Comment se sont passĂ©es les relations avec ton Ă©diteur ? Pas trop d’engueulades ;p ? En vrai, on peut dire que tu as eu des scrupules Ă  proposer cet ouvrage au groupe Framabook ?

Oui, c’est juste. Comme je suis trĂšs impliquĂ© dans la collection Framabook, je ne voulais pas « imposer » ma prose. Par ailleurs, n’étant pas sĂ»r de l’intĂ©rĂȘt rĂ©el, je voulais d’abord proposer l’ouvrage en mode restreint, auto-Ă©ditĂ©. Mais des lecteurs framasoftiens m’ont persuadĂ© du contraire, alors


Ce livre, c’est un point final ou un dĂ©but ? Que faire dans un, deux ou cinq ans, si des informations deviennent obsolĂštes ?

C’est un dĂ©but. Clairement. D’une part il va falloir surveiller l’obsolescence des logiciels mentionnĂ©s (mĂȘme si la plupart sont des logiciels particuliĂšrement connus depuis longtemps et qui ont fait leurs preuves). Mais les enjeux et le contexte changent aussi : les raisons qui font qu’il est utile (mais pas indispensable) d’utiliser un client de courriel local (voir chapitre 3) ne seront peut-ĂȘtre plus valables d’ici deux ans. Cet ouvrage devra donc bĂ©nĂ©ficier de versions amĂ©liorĂ©es. D’autre part, un ou deux chapitres peuvent encore ĂȘtre Ă©crits.

L’autre ambition de l’ouvrage est de figurer sous une forme de documentation (ici) de maniĂšre Ă  ĂȘtre accessible le plus rapidement possible. C’est aussi pour cela qu’il sera important de veiller aux mises Ă  jour.

Et si je pense ĂȘtre capable de l’amĂ©liorer, je fais quoi, je t’envoie un courriel ?

Ce serait super ! L’aide est toujours bienvenue. Pour cela le mieux est encore d’utiliser mon dĂ©pĂŽt sur Framagit qui gĂ©nĂšre automatiquement la version « documentation » citĂ©e ci-dessus. Ou bien vous pouvez ouvrir un simple commentaire (dans les « issues » du projet) ou mĂȘme carrĂ©ment pousser des propositions de modification avec Git. Oui, je sais que cette mĂ©thode est loin d’ĂȘtre tout public, mais lĂ  je n’invite pas les Dupuis-Morizeau, hein ? NĂ©anmoins si cela ne convient toujours pas, un courriel fonctionne aussi


Tu as choisi quoi, comme licence ?

La licence Art Libre. C’est une licence Copyleft qui me semble plus en phase avec la production d’Ɠuvres Ă©crites.

Et comme toujours sur le Framablog, tu as le mot de la fin


Un mot
 Ce sera l’expression « autonomie numĂ©rique », que je dĂ©finirais ainsi : la capacitĂ© d’un individu Ă  utiliser des dispositifs informatiques de production et de traitement de l’information sans contrĂŽle extĂ©rieur et tout en expĂ©rimentant son intimitĂ© dont lui seul fixe les limites d’un point de vue technique et relationnel. Respire, respire !

Pour aller plus loin :




Framaslides : reprenez en main votre Power, Point !

Pour le meilleur ou pour le pire, les diaporamas, slides et autres prĂ©sentations font partie de notre quotidien. Quitte Ă  devoir en faire et en voir, seul·e ou en groupe, autant disposer d’un outil en ligne pratique et respectueux de nos vies numĂ©riques, non ?

Ceci n’est pas un PowerpointÂź

Commençons par un point vocabulaire : demander un diaporama en prononçant les mots « Tu me fais un Powerpoint ? » c’est un peu comme si on disait « Tu me fais un Subway ? » lorsqu’on veut un sandwich. Non seulement on fait de la pub gratos Ă  une marque (si encore Microsoft vous payait…) ; mais en plus on court le risque de se polluer les cerveaux en apprenant Ă  nos subconscients que sandwich = Subway.

Et puis il faut ĂȘtre francs, le format de documents .ppt ou .pptx (utilisĂ© par Microsoft pour enchaĂźner vos diaporamas Ă  leur logiciel Powerpoint), ben c’est une plaie. Un format fermĂ©, difficilement compatible avec d’autres logiciels, et dĂ©passĂ©. Et cher, en plus, si vous voulez l’utiliser en ligne avec la suite « Office 365 »…

10 € par mois pour avoir le droit de vous filer mes donnĂ©es ?
C’est payant et je suis quand mĂȘme le produit ?
Microsoft, vous ĂȘtes des gĂ©nies.

 

Car aujourd’hui, les langages qui permettent de faire des sites web (le HTML, bien sĂ»r, mais aussi ses copaings CSS et Javascript), permettent de produire et de lire hyper facilement des prĂ©sentations (mĂȘme complexes), sans toucher Ă  une seule ligne de code, sans installer de logiciel ni d’application, juste Ă  l’intĂ©rieur de nos navigateurs web.

C’est justement, ce que permet le logiciel libre Strut. C’est donc Ă  ce logiciel que nous avons contribuĂ© afin qu’il ait toutes les fonctionnalitĂ©s dont nous rĂȘvions pour mieux vous proposer Framaslides !

Framaslides présenté en une framaslide !

Nous pourrions Ă©numĂ©rer les fonctionnalitĂ©s qu’offre Strut : formatage de texte et choix de couleurs, intĂ©gration d’images, vidĂ©os, sites web et formes, transitions, etc. Mais le plus simple, c’est encore de vous les montrer, non ?

Cliquez sur le cadre ci dessous et naviguez grĂące aux flĂšches droite et gauche (ou haut et bas) de votre clavier ;).

Cliquez, puis faites dĂ©filer les slides avec ↑ ↓ → ←

DĂ©jĂ , vous allez nous dire, c’est beau (et on vous remercie de nous le dire). Oui. Le seul souci c’est que Struts a Ă©tĂ© conçu comme un logiciel « perso ». On l’installe sur son ordinateur ou sur un coin de serveur (une brique inter.net, par exemple), on l’utilise, et il enregistre notre ou nos prĂ©sentation(s) dans le cache de notre navigateur web. Mais si on change d’ordinateur, de navigateur, ou si on nettoie l’historique et le cache de son navigateur web, pfuiiit ! Tout est perdu !

Tout ceci est normal : Strut a Ă©tĂ© conçu comme cela, et il faut rendre grĂące Ă  Matt Crinklaw-Vogt, son dĂ©veloppeur, pour le travail fourni. En revanche, si vous voulons que ce logiciel ait de nouvelles fonctionnalitĂ©s permettant d’autres utilisations, on fait comme tout·e libriste qui se respecte : on se relĂšve les manches et on contribue au code 😉 !

Framaslides, un service collaboratif

Nous avons donc demandĂ© Ă  Thomas (que nous avons embauchĂ© suite Ă  son stage oĂč il a menĂ© Ă  bien Framagenda) de relever le dĂ©fi ! Un peu comme une liste au pĂšre NoĂ«l, qui s’allonge au fur et Ă  mesure que la date approche…

Thomas, face Ă  ces demandes…

Dis, Thomas, ce serait pas gĂ©nial si on pouvait…

  • … enregistrer ses diaporamas en ligne ?
  • … du coup envoyer nos images Ă  Framaslides ?
  • … pour ça il me faut un compte, non ? Tu nous fais le gestionnaire de compte ?
  • … ben alors il nous permettra de gĂ©rer nos prĂ©sentations ?
  • … genre de crĂ©er un lien public pour celle-ci ?
  • … ou de proposer celle-lĂ  comme modĂšle ?
  • … ah mais j’aime pas ce que j’ai changĂ©, tu peux nous faire un systĂšme de rĂ©visions, hein, hein ?
  • … obah si on peut revenir en arriĂšre, ce serait bien de pouvoir collaborer ensemble, s’te plĂ©Ă©Ă©Ă©Ă© ???

Et le plus beau, c’est que le rĂ©sultat est lĂ . Autour de l’outil d’Ă©dition de prĂ©sentations qu’offre Strut, Thomas a conçu un outil permettant de crĂ©er, prĂ©senter et collaborer sur ses prĂ©sentations, en gĂ©rant aisĂ©ment son compte, ses images, ses groupes, et bien entendu ses Framaslides !

Et un aperçu du résultat de son travail, un !

Pour les plus techos d’entre nous, Thomas a mĂȘme pris le temps de faire un code propre, facile d’accĂšs, documentĂ© et de le dĂ©poser sur un Git aux petits oignons avec les tags et issues kivonbien… bref : un code qui est un appel aux contributions et collaborations ! Du coup, si vous maĂźtrisez du ImpressJS, du BackboneJS et du Handlebars (qui font tourner Strut) ; ou si vous ĂȘtes virtuose du Symphony3 (qui se trouve derriĂšre la surcouche « Framaslides » de Thomas), vos contributions seront grandement apprĂ©ciĂ©es 😉 !

Manuel change le monde avec Framaslides

Manuel Dupuis-Morizeau veut changer le monde. Il se dit que la premiĂšre Ă©tape, c’est de convaincre d’autres personnes de le rejoindre dans son envie
 Et pour cela, rien de tel qu’une prĂ©sentation de derriĂšre les fagots ! Ne voulant pas que ses idĂ©es soient confiĂ©es aux mains de Google Slides ou Microsoft Powerpoint 365, Manuel dĂ©cide de se lancer sur Framaslides.

Pour cela, il lui faut un compte Framaslides. C’est facile : dĂšs la page d’accueil, il clique sur le bouton « Se crĂ©er un compte », remplit le formulaire assez classique, puis attend l’email de confirmation (en vĂ©rifiant de temps en temps dans son dossier courriers indĂ©sirables, sait-on jamais)

On lui dit, Ă  Manuel, que 8 caractĂšres dans un mot de passe c’est bien trop peu ?

Une fois son compte validĂ©, Manuel est impatient de s’y mettre, il clique donc directement sur « CrĂ©er une prĂ©sentation ». LĂ , il dĂ©couvre l’interface d’Ă©dition des diaporama de Struts.

  • La colonne des diapositives (1) ;
  • Le mode expert (2) (s’il veut trifouiller du code) ;
  • Les boutons d’ajout de contenu (3) ;
  • Les boutons de choix des couleurs (4) ;
  • Les vues panorama et aperçu (5).

Il décide donc de créer ses premiÚres diapositives, ou slides, comme on dit !

#gallery-1 { margin: auto; } #gallery-1 .gallery-item { float: left; margin-top: 10px; text-align: center; width: 33%; } #gallery-1 img { border: 2px solid #cfcfcf; } #gallery-1 .gallery-caption { margin-left: 0; } /* see gallery_shortcode() in wp-includes/media.php */

Alors c’est bien gentil tout cela, mais il ne voit toujours pas comment faire les transitions… C’est lĂ  qu’il active le mode Panorama. Cela demande une petite gymnastique mentale, mais il voit vite comment ça peut marcher !

En fait, il faut s’imaginer qu’on dĂ©place ses slides dans l’espace !

Bon, aprÚs avoir regardé un aperçu, ce début semble prometteur à Manuel, alors faut-il le sauvegarder en utilisant le menu en haut à gauche.

Le menu, un grand classique indémodable.

Puis clique sur « retourner aux prĂ©sentations », dans ce mĂȘme menu.

Manuel se retrouve alors devant l’interface de gestion de ses Framaslides. L’outil a l’air assez explicite, en fait…

Au centre, il retrouve ses présentations, ses modÚles et ses collaborations, chacun sous leur onglet.

Et en haut Ă  droite une barre de recherche et d’outils qui lui permet de :

  • crĂ©er une nouvelle prĂ©sentation ;
  • voir ses prĂ©sentations (donc retourner Ă  l’Ă©cran principal de son compte) ;
  • gĂ©rer ses groupes de collaboration ;
  • gĂ©rer les images qu’il a tĂ©lĂ©versĂ©es en utilisant Framaslides ;
  • gĂ©rer les paramĂštres de son compte (mot de passe, etc.) ;
  • et se dĂ©connecter.

Tout cela rend Manuel assez curieux, il va donc aller voir son gestionnaire d’images, mais comme il n’en a tĂ©lĂ©chargĂ© qu’une, cela ne lui sert pas encore beaucoup. Il est quand mĂȘme rassurĂ© de savoir qu’il peut en effacer Ă  tout moment et garder la maĂźtrise de ses fichiers.

Par contre, Manuel a une idĂ©e brillante… se faire aider pour commencer Ă  changer le monde. Il dĂ©cide d’aller directement crĂ©er un nouveau groupe afin d’y inviter toute la famille Dupuis Morizeau !

Non, sĂ©rieusement Manuel : le mot de passe, plus il est long, plus il est bon…

Bon, l’histoire ne dit pas si Manuel rĂ©ussira Ă  changer le monde, mais on peut croire qu’il rĂ©ussira facilement Ă  crĂ©er sa prĂ©sentation avec d’autres membres de la famille et Ă  la partager le plus largement possible 😉

Pour aller plus loin :




Framalibre : l’annuaire du libre renaĂźt entre vos mains

Notre projet historique, l’annuaire de Framasoft, renaüt de ses cendres
 pour ouvrir encore plus grandes les portes du Libre.

Au commencement Ă©tait l’annuaire


OK : pas besoin de prendre un ton biblique non plus, mais il est vrai que c’est avec une Ă©motion toute particuliĂšre qu’on vous prĂ©sente cette refonte complĂšte du tout premier projet, celui qui a fait naĂźtre Framasoft ; et qui, mine de rien, a dĂ©fini notre identitĂ©.

Il y a 16 ans, en 2001, une prof de FRAnçais (Caroline d’Atabekian) et un prof de MAths (Alexis Kauffmann) commencent Ă  s’échanger des listes de logiciels gratuits pour les salles d’ordinateurs de leurs Ă©tablissements dont le budget informatique Ă©tait grevĂ© par les licences Windows.

Le projet plaĂźt, et il Ă©volue. On se rend compte que derriĂšre certains logiciels gratuits, il existe des licences libres, des contrats garants de nos libertĂ©s et du respect de certaines valeurs. Alors on dĂ©couvre le monde du Logiciel Libre, fait d’entraide (pour adapter les serveurs au succĂšs croissant du site) et de collaboration (Ă  cĂŽtĂ© des fiches pour les logiciels fleurissent les tutoriels d’utilisation).

Il faut attendre 2004 pour que ce premier site devienne un annuaire collaboratif de logiciels libres tel qu’on le connaĂźt aujourd’hui. Un outil pratique, fait par et pour des « non-pros » de l’informatique, conçu comme une porte d’entrĂ©e vers ce monde numĂ©rique oĂč les ĂȘtres humains et leurs libertĂ©s sont respectĂ©s. On y vient pour un besoin logiciel prĂ©cis, on y retourne pour la chaleur de la communautĂ©, et on se fait dĂ©licieusement contaminer par les valeurs du Libre.

#gallery-2 { margin: auto; } #gallery-2 .gallery-item { float: left; margin-top: 10px; text-align: center; width: 50%; } #gallery-2 img { border: 2px solid #cfcfcf; } #gallery-2 .gallery-caption { margin-left: 0; } /* see gallery_shortcode() in wp-includes/media.php */

« Framalibre – le reboot ? Euh
 Hum
 Oui-oui ! C’est pour
 demain ! »

Cela fait bien cinq ans que nous savons l’annuaire vieillissant, avec des notices trop dĂ©taillĂ©es qui deviennent vite obsolĂštes. Cinq ans que d’atermoiements en hĂ©sitations (« Faut-il vraiment repartir de zĂ©ro ? », se demandait-on avec des yeux de Chat PottĂ©), d’avancĂ©es en marches Ă  reculons, nous nous rendons compte qu’il n’est plus adaptĂ© ni au Libre (qui dĂ©sormais dĂ©borde largement du champ des seuls logiciels), ni Ă  nos usages (avec des contributions passant par un wiki, un forum, puis un Spip
 c’est pas lourd du tout du tout -_-).

Sauf que voilĂ  : on a toujours une urgence qui vient de tomber (entraĂźnĂ©e par un de nos serveurs), un nouveau Framabook ou une nouvelle Framakey sur le feu, un Internet Ă  DĂ©googliser
 Et puis il est difficile d’admettre que le SPIP qui a vaillamment permis notre annuaire (et donc notre page d’accueil) depuis tant d’annĂ©es n’était plus l’outil le mieux adaptĂ© et le plus accessible pour cet usage prĂ©cis


Il nous a donc fallu cinq ans (et de multiples abandons/blocages/coup de fouet/reprises du projet) pour vous proposer cette refonte, cette remise Ă  zĂ©ro de l’annuaire. Ne vous inquiĂ©tez pas, si vous aimez l’ancien, nous en avons gardĂ© une archive juste Ă  cette adresse archive.framalibre.org 😉 ! Cinq ans, et le travail conjoint de nombreux membres, salariĂ©s, mais surtout partenaires : Smile, dans un premier temps, pour leurs templates de visualisation
 Mais surtout Makina Corpus, entreprise toulousaine bien connue des visiteurs du Capitole du Libre, qui nous a fait un design et une intĂ©gration Drupal aux petits oignons et nous a accompagnĂ©s (avec Framatophe tenant vaillamment le cap) sur les derniers efforts que nous ne savions pas fournir nous-mĂȘmes.

Grùce à ce mécénat de compétences, voici un projet mené à terme !

Voici Framalibre, 2e du nom


Bon, c’est pas tout ça, mais est-ce que ça valait le coup d’attendre ? Que va-t-on trouver en guise d’annuaire Framasoft ?

DĂ©jĂ  on revient Ă  quelque chose de simple. Les notices sont claires, concises, et vous mĂšnent au plus vite vers le lien officiel de la ressource que vous consultez. Finies les notices hyper-dĂ©taillĂ©es et trop longues qui deviennent dĂ©suĂštes Ă  la moindre mise Ă  jour 😉 ! L’idĂ©e principale, c’est de trouver aisĂ©ment et comme on le souhaite : on peut rechercher une notice selon sa catĂ©gorie, utiliser le systĂšme de tags, ou mĂȘme se laisser porter par les suggestions, recommandations, les notices mises en avant, etc.

C’est aussi un annuaire qui facilite la collaboration. Avec un simple compte, vous pouvez voter pour les ressources que vous prĂ©fĂ©rez (et donc les mettre en valeur), corriger ou mettre Ă  jour une notice, en crĂ©er une nouvelle dans l’annuaire, ou plus simplement Ă©crire une chronique (un tutoriel, un tĂ©moignage, ou bien votre avis sur telle ressource
). Cet annuaire, c’est vous qui le ferez, nous avons donc fait en sorte qu’il vous soit le plus ouvert possible. Et, avec Drupal, gageons que nous pourrons, ensuite, ouvrir les donnĂ©es engrangĂ©es via un systĂšme d’API (ceci est un souhait, pas une promesse — mais ce serait cool, hein ?)


Enfin et surtout, Framalibre se veut un annuaire du Libre, en général, et non pas seulement du Logiciel Libre. Car nos vies numériques ne sont plus uniquement « virtuelles », et les libertés que nous défendons et nourrissons vont au-delà du logiciel.

Et voilĂ  le visage du nouvel annuaire !

DĂ©sormais, vous pouvez rentrer dans l’annuaire et y trouver :

  • des outils informatifs, catĂ©gorie S’informer,
  • des logiciels, du matĂ©riel et des jeux de donnĂ©es libres, dans S’équiper,
  • des livres, albums, films et autres Ɠuvres culturelles dans Se cultiver,
  • et mĂȘme les entreprises, collectifs, associations et autres initiatives du monde du Libre dans pour bien S’entourer.

Depuis 2004, le monde du Libre a bien grandi
 Il Ă©tait temps d’en agrandir une des portes d’entrĂ©e ;).

Ouvrons les portes et nos communautés !

Un annuaire, c’est un bouquet de fleurs capiteuses… Attiré·e par la douce odeur de THE information pratique que l’on vient y chercher, on s’enivre du nectar des autres notices Ă  disposition, on se perd dans la navigation et finit par dĂ©couvrir un nouveau champ de possibilitĂ©s et de libertĂ©s.

Nous ne comptons plus le nombre de fois, sur le stand d’une convention libriste, oĂč nous rencontrons un·e convaincu·e, arborant fiĂšrement le logo de sa « distro GNUnux » favorite sur son T-Shirt, et qui s’écrie plein·e de nostalgie :

« Oooh ! Framasoft ! Je me souviens, c’est sur votre site, lĂ , que j’ai dĂ©couvert mes premiers logiciels libres ! »

Nous, Ă  l’Ă©coute de telles exclamations (allĂ©gorie.)

C’est Ă  nous, dĂ©sormais, de prĂ©parer le terrain pour que les futures gĂ©nĂ©rations de libristes tombent dans la marmite de potion magique ! D’ailleurs, un Ă©norme merci aux personnes qui ont saisi les 400 premiĂšres notices avant la mise en production <3 ! Oh et au fait : vos comptes beta.framalibre.org fonctionnent dĂ©sormais sur framalibre.org 😉

C’est Ă  nous, donc, de contribuer Ă  cet annuaire et de le nourrir de ce qui nous intĂ©resse et que l’on souhaite partager. Que ce soit des notices, des chroniques, des corrections ou de simples votes : ce sont toutes vos contributions qui pourront faire le succĂšs de cette renaissance


Une Ă©quipe de modĂ©ration est dĂ©jĂ  en place (mais aura vite besoin de nouveaux bras) et des ateliers de contribution commencent Ă  s’organiser (dont un sur Toulouse, le 22 mars, avec le GULL Toulibre). En cette pĂ©riode oĂč le Libre est en fĂȘte, faites-vous une joie de mettre en valeur des Ɠuvres (logicielles, culturelles, matĂ©rielles, etc.) libres, parce que vous y contribuez ou en bĂ©nĂ©ficiez, ou simplement parce que vous les aimez et souhaitez les partager avec le plus grand nombre.

Nous, on va Ă©craser une petite larmichette d’Ă©motion sur cette page qui se tourne, et se remettre au boulot !

Allez, une nouvelle marmite pour tonton Richard !

Pour aller plus loin :




Les Gitlab Pages dĂ©barquent dans Framagit !

La crĂ©ation d’un site web depuis votre compte Framagit est beaucoup plus souple, et c’est une belle victoire pour le libre !

Attention : ce billet comporte des Ă©lĂ©ments techniques
 Si vous avez un compte Framagit et/ou si vous vous intĂ©ressez Ă  la crĂ©ation d’un site web statique depuis un dĂ©pĂŽt Git, il est fait pour vous ! Si vous n’avez pas tout compris Ă  cette phrase, la suite va vous paraĂźtre dĂ©licieusement absurde :p !
NB : l’Ă©dition communautaire de Gitlab est la version libre de la forge logicielle Gitlab, qui existe aussi en version non-libre, appelĂ©e version entreprise. Bien Ă©videmment, nous utilisons la version libre pour fournir le service Framagit 🙂
NB : les adresses IP pour utiliser votre propre domaine ont changé. Il faut maintenant faire pointer votre domaine vers les adresses 2a01:4f8:231:4c99::42 et 176.9.183.74 (ou faire un enregistrement CNAME vers frama.io).

Qu’est‐ce que GitLab Pages ?

À l’instar des pages Github, les pages GitLab permettent Ă  toute personne possĂ©dant un dĂ©pĂŽt sur une instance de GitLab de crĂ©er un site Web via un gĂ©nĂ©rateur de site statique (Jekyll, Middleman, Hexo, Hugo, Pelican
) et de l’hĂ©berger sur l’infrastructure dudit GitLab.

La compilation du site est effectuĂ©e lors du push vers le dĂ©pĂŽt GitLab, via le systĂšme d’intĂ©gration continue de GitLab, puis le rĂ©sultat est publiĂ© Ă  l’endroit idoine pour ĂȘtre accessible via le Web. Il est possible d’utiliser un nom de domaine personnel (il n’est pas obligatoire d’utiliser une adresse du style https://username.gitlab.io), ainsi qu’un certificat personnel.

Et ça sert ?

Oui !

Les pages GitHub sont trĂšs souvent utilisĂ©es par les dĂ©veloppeurs pour fournir une page de prĂ©sentation de leurs projets, mĂȘme les plus gros : Ruby on Rails, Django, React


Les pages GitLab sont donc susceptibles d’ĂȘtre tout autant utilisĂ©es que les pages GitHub. La demande est lĂ .

Mais on avait pas déjà un truc comme ça ?

Tout Ă  fait ! J’avais crĂ©Ă© Fs Pages pour fournir un service similaire mais plus limitĂ© que les Gitlab Pages car Gitlab ne souhaitait pas les intĂ©grer Ă  leur Ă©dition communautaire.

Il Ă©tait possible de publier un site statique via Fs Pages mais la gĂ©nĂ©ration du site devait se faire avant de pousser le code : point de gĂ©nĂ©ration automatique. De plus, il n’Ă©tait pas possible d’utiliser un nom de domaine personnel. Votre site statique rĂ©pondait uniquement via l’adresse https://votre_utilisateur.frama.io.

Le long chemin de la libération

Nous n’allons pas refaire l’historique complet de la libĂ©ration des Gitlab Pages, surtout que celui-ci est disponible sur LinuxFr. Mais un petit rĂ©sumĂ© succinct ne fera pas de mal.

Tout a commencĂ© par un tweet de votre serviteur demandant Ă  Gitlab s’il Ă©tait envisageable d’avoir les Gitlab Pages dans l’Ă©dition communautaire de Gitlab (pas la peine de chercher les tweets en question, j’ai fermĂ© mon compte twitter). Gitlab a ouvert un ticket pour discuter de cela.

Gitlab a exposé au fil du temps trois arguments :

  • seules les fonctionnalitĂ©s utiles aux instances de moins de 100 utilisateurs peuvent aller dans l’Ă©dition communautaire (et pour eux, cela n’Ă©tait pas le cas de Gitlab Pages)
  • https://gitlab.com, qui utilise la version entreprise — donc avec les Gitlab Pages — est libre d’utilisation pour tout un chacun, et contrairement Ă  Github, les dĂ©pĂŽts privĂ©s sont gratuits
  • les Gitlab Pages sont une fonctionnalitĂ© qui ajoute une rĂ©elle plus-value Ă  l’Ă©dition entreprise : comment vendre leur produit si une des fonctionnalitĂ©s majeures est dĂ©jĂ  dans l’Ă©dition communautaire ?

Il est Ă  noter que Gitlab nous a proposĂ© d’utiliser la version entreprise avec un rabais, ce qui est tout Ă  leur honneur, mais comme nous ne souhaitons utiliser que du logiciel libre, nous avons dĂ©clinĂ© (Ă©videmment 😀)

La communautĂ© a fait valoir que Gitlab Pages n’intĂ©ressait pas que les grandes instances, qu’utiliser https://gitlab.com ou Github revenait au mĂȘme puisque cela Ă©quivaut Ă  utiliser du logiciel propriĂ©taire, proposa un financement participatif pour financer la libĂ©ration et enfin avança que les Gitlab Pages feraient une bonne publicitĂ© Ă  Gitlab, les dĂ©veloppeurs utilisant de plus en plus frĂ©quemment ce genre de solution pour hĂ©berger leurs sites ou leurs blogs. Et mĂȘme si j’ai horreur de cet argument de notoriĂ©tĂ©, force m’est d’avouer qu’il a su faire mouche (ainsi que les plus de 100 « 👍 » du ticket) : la libĂ©ration fut annoncĂ©e peu de temps aprĂšs celui-ci !

En tout, la discussion a duré prÚs de onze mois. Les échanges furent cordiaux et la communauté, opiniùtre, a su faire valoir ses arguments.

Bref, une bien belle victoire pour le libre qui voit lĂ  un logiciel apprĂ©ciĂ© se doter d’une nouvelle fonctionnalitĂ© trĂšs attendue !

Bon, et maintenant ?

Depuis la mise Ă  jour de Framagit du 2 mars dernier, toute personne possĂ©dant un dĂ©pĂŽt sur Framagit peut, via les Gitlab Pages, crĂ©er et hĂ©berger un site sur notre infrastructure, que ce soit en sous-domaine de frama.io (comme moi 😊) ou avec un domaine privĂ© (auquel cas il faudra faire pointer un enregistrement DNS vers les IPs de frama.io : 144.76.206.44 et 2a01:4f8:200:1302::44 ou crĂ©er un enregistrement DNS de type CNAME vers frama.io.), avec ou sans certificat.

La documentation de Gitlab sur l’utilisation des Gitlab Pages (en anglais) est trĂšs complĂšte et propose mĂȘme un grand nombre de modĂšles sur lesquels vous baser. D’Hugo Ă  Pelican en passant par des pages statiques dĂ©veloppĂ©es Ă  la main, il y en a pour tous les goĂ»ts !

Il n’y a que deux ombres au tableau :

  • l’utilisation de certificats Let’s Encrypt n’est pas aisĂ©e mais un ticket est ouvert chez Gitlab pour intĂ©grer directement Let’s Encrypt aux Gitlab Pages
  • il n’y a pas de redirection automatique vers la version sĂ©curisĂ©e (https) de votre site, quand bien mĂȘme vous fourniriez un certificat ou que vous utilisiez un sous-domaine de frama.io (ce qui vous fournit automatiquement une version https de votre site grĂące Ă  notre achat d’un certificat wildcard (certificat valant pour le domaine et tous ses sous-domaines)). Un ticket est cependant ouvert chez Gitlab Ă  ce sujet. En attendant, pour rediriger vos visiteurs vers la version https de votre site, vous pouvez nĂ©anmoins inclure ce petit bout de JavaScript dans vos pages :
    <script>
    var loc = window.location.href+'';
    if (loc.indexOf('http://')==0){
        window.location.href = loc.replace('http://','https://');
    }
    </script>

Le framablog n’Ă©tant pas un blog technique, nous ne Ă©tendrons pas plus sur les ficelles de Gitlab Pages : on va laisser ça pour notre site dĂ©diĂ© Ă  la documentation de nos services.

Au 20 mars, nous sommes dĂ©jĂ  31 (oui, bon, ok, sur 7 560 utilisateurs, ça fait peu) Ă  avoir commencĂ© Ă  bidouiller sur les Gitlab Pages de Framagit (contre 53 quand nous proposions FsPages). Continuez comme ça ! 🙂

Crédits image :




28 ans d’existence du World Wide Web : vous reprendrez bien un peu d’exploitation ?

À l’occasion du 28e anniversaire du World Wide Web, son inventeur Tim Berners-Lee a publiĂ© une lettre ouverte dans laquelle il expose ses inquiĂ©tudes concernant l’évolution du Web, notamment la perte de contrĂŽle sur les donnĂ©es personnelles, la dĂ©sinformation en ligne et les enjeux de la propagande politique.

Aral Balkan, qui n’est plus Ă  prĂ©senter sur ce blog, lui rĂ©pond par cet article en reprenant le concept de Capitalisme de surveillance. Comment pourrions-nous arrĂȘter de nous faire exploiter en coopĂ©rant avec des multinationales surpuissantes, alors que cela va Ă  l’encontre de leurs intĂ©rĂȘts ? RĂ©ponse : c’est impossible. À moins de changer de paradigme


Article original d’Aral Balkan sur son blog :  We did not lose control, it was stolen

Traduction Framalang : Dark Knight, audionuma, bricabrac, dominix, mo, Jerochat, Luc, goofy, lyn, dodosan et des anonymes

Aral Balkan est un militant, concepteur et dĂ©veloppeur. Il dĂ©tient 1/3 de Ind.ie, une petite entreprise sociale qui travaille pour la justice sociale Ă  l’ùre du numĂ©rique.

Nous n’avons pas perdu le contrĂŽle du Web — on nous l’a volĂ©

12 mars 2017. Le Web que nous avons fonctionne bien pour Google et Facebook. Celles et ceux qui nous exploitent ne respectent pas nos vies privĂ©es et en sont rĂ©compensé·e·s chaque annĂ©e par des chiffres d’affaires atteignant des dizaines de milliards de dollars. Comment pourraient-ils ĂȘtre nos alliĂ©s ?

Le Web que nous connaissons fait parfaitement l’affaire pour Google. CrĂ©dit photo : Jeff Roberts 

Pour marquer le vingt-huitiĂšme anniversaire du World Wide Web, son inventeur Tim Berners-Lee a Ă©crit une lettre ouverte distinguant trois « tendances » principales qui l’inquiĂštent de plus en plus depuis douze mois :

1.    Nous avons perdu le contrÎle de nos données personnelles

2.    Il est trop facile de répandre la désinformation sur le Web

3.    La propagande politique en ligne doit ĂȘtre transparente et comprise

Il est important de noter qu’il ne s’agit pas seulement de tendances et que ce phĂ©nomĂšne est en gestation depuis bien plus de douze mois. Ce sont des symptĂŽmes inextricablement liĂ©s Ă  l’essence mĂȘme du Web tel qu’il existe dans le contexte socio-technologique oĂč nous vivons aujourd’hui, que nous appelons le capitalisme de surveillance.

C’est le rĂ©sultat d’un cercle vicieux entre l’accumulation d’informations et celle du capital, qui nous a laissĂ© une oligarchie de plateformes en situation de monopole qui filtrent, manipulent et exploitent nos vies quotidiennes.

Nous n’avons pas perdu le contrĂŽle du Web — on nous l’a volĂ©

Google et Facebook ne sont pas des alliĂ©s dans notre combat pour un futur juste : ils sont l’ennemi.

Tim dit que nous avons « perdu le contrÎle de nos données personnelles ».

C’est inexact.

Nous n’avons pas perdu le contrĂŽle : la Silicon Valley nous l’a volĂ©.

Ceux qui nous exploitent, les Google et les Facebook du monde entier, nous le volent tous les jours.

Vous vous le faites voler par une industrie de courtier·e·s de donnĂ©es, la publicitĂ© l’industrie de la publicitĂ© comportementale (« adtech ») et une longue liste de startups de la Silicon Valley qui cherchent une porte de sortie vers un des acteurs les plus Ă©tablis ou essaient de rivaliser avec eux pour possĂ©der une partie de votre personnalitĂ©.

Tim touche au cƓur du problĂšme dans son billet : « Le modĂšle commercial actuel appliquĂ© par beaucoup de sites Web est de vous offrir du contenu en Ă©change de vos donnĂ©es personnelles. » (1)

En revanche, aucun exemple ne nous est donnĂ©. Aucun nom. Aucune responsabilité n’est attribuĂ©e.

Ceux qu’il ne veut pas nommer – Google et Facebook – sont lĂ , silencieux et en retrait, sans ĂȘtre jamais mentionnĂ©s, tout juste sont-ils dĂ©crits un peu plus loin dans la lettre comme des alliĂ©s qui tentent de « combattre le problĂšme Â»Â de la dĂ©sinformation. Il est peut-ĂȘtre stupide de s’attendre Ă  davantage quand on sait que Google est un des plus importants contributeurs aux standards rĂ©cents du Web du W3C et qu’avec Facebook ils participent tous les deux au financement de la Web Foundation ?

Ceux qui nous exploitent ne sont pas nos alliés

Permettez-moi d’énoncer cela clairement : Google et Facebook ne sont pas des alliĂ©s dans notre combat pour un futur juste, ils sont l’ennemi.

Ces plateformes monopolistiques font de l’élevage industriel d’ĂȘtres humains et nous exploitent pour extraire jusqu’Ă  la moindre parcelle qu’ils pourront tirer de nous.

Si, comme le dĂ©clare Tim, le principal dĂ©fi pour le Web aujourd’hui est de combattre l’exploitation des personnes, et si nous savons qui sont ces exploiteurs, ne devrions-nous pas lĂ©gifĂ©rer fermement pour refrĂ©ner leurs abus ?

Le Web, Ă  l’instar du capitalisme de surveillance, a remarquablement rĂ©ussi.

La Web Foundation va-t-elle enfin encourager une rĂ©gulation forte de la collecte, de la conservation et de l’utilisation des donnĂ©es personnelles par les Google, Facebook et consorts ? Va-t-elle promouvoir une forme de rĂ©glementation visant Ă  interdire la privatisation des donnĂ©es du monde entier par ces derniers de façon Ă  encourager les biens communs ? Aura-t-elle le cran, dont nous avons plus que jamais besoin, de rejeter la responsabilitĂ© Ă  qui de droit et de demander Ă  contrer les violations quotidiennes de nos droits humains perpĂ©trĂ©es par les partenaires du W3C et de la Web Foundation elle-mĂȘme ? Ou est-il insensĂ© de s’attendre Ă  de telles choses de la part d’une organisation qui est si Ă©troitement liĂ©e Ă  ces mĂȘmes sociĂ©tĂ©s qu’elle ne peut paraĂźtre indĂ©pendante de quelque maniĂšre que ce soit ?

Le Web n’est pas cassĂ©, il est perdu.

Le Web est perdu mais il n’est pas cassĂ©. La distinction est essentielle.

Le Web, tout comme le capitalisme de surveillance lui-mĂȘme, a rĂ©ussi de façon spectaculaire et fonctionne parfaitement pour les entreprises. En revanche, la partie est perdue pour nous en tant qu’individus.

Google, Facebook, et les autres « licornes » multimilliardaires sont toutes des success stories du capitalisme de surveillance. Le capitalisme de surveillance est un systĂšme dont, comme le cancer, la rĂ©ussite se mesure Ă  la capacitĂ© d’évolution rapide et infinie dans un contexte de ressources finies. Et tout comme le cancer à son paroxysme, le succĂšs du capitalisme de surveillance aujourd’hui est sur le point de dĂ©truire son hĂŽte. D’ailleurs, lĂ  encore comme le cancer, non sans nous avoir volĂ© d’abord notre bien-ĂȘtre, notre pouvoir et notre libertĂ©. Le problĂšme est que parmi les critĂšres de rĂ©ussite du capitalisme de surveillance ne figurent absolument pas notre Ă©quitĂ©, notre bien-ĂȘtre, notre capacitĂ© d’action ni notre libertĂ© individuelle. Nous ne sommes que du bĂ©tail Ă  exploiter, une source infinie de matiĂšres premiĂšres.

Le Web que nous avons n’est pas cassĂ© pour Google et Facebook. Ceux qui nous exploitent sont rĂ©compensĂ©s Ă  hauteur de dizaines de milliards de chiffre d’affaires pour s’ĂȘtre introduits dans nos vies. Comment pourraient-ils ĂȘtre nos alliĂ©s ?

Tim suggÚre que « nous devons travailler avec les entreprises du Web pour trouver un équilibre qui redonne aux personnes un juste niveau de contrÎle de leurs données. »

Quoi de plus naïf que de nous suggérer de travailler avec les plus gros exploiteurs du Web pour leur rendre cette tùche plus difficile et donc réduire leurs bénéfices ? (2)
Quelle raison Google ou Facebook pourraient-ils avoir de rĂ©parer le Web que nous avons alors qu’il n’est pas cassĂ© pour eux ? Aucune. Absolument aucune.

Tim Ă©crit : « Pour construire le web, il a fallu notre participation Ă  tous, et c’est Ă  nous tous, dĂ©sormais, de construire le web que nous voulons – pour tous. »

Je ne suis pas d’accord.

Il a fallu la Silicon Valley (subventionnĂ©e par le capital-risque et suivant le modĂšle commercial de l’exploitation des personnes) pour construire le Web que nous avons.

Et maintenant c’est Ă  nous, qui n’avons aucun lien avec ces entreprises, nous qui ne sommes pas de mĂšche ou qui ne sommes pas sponsorisé·e·s par ces entreprises, nous qui comprenons que le Big Data est le nouveau nerf de la guerre, de faire pression pour une rĂ©glementation forte, de contrer les abus des exploiteurs et de jeter un pont entre le Web que nous avons et celui que nous voulons : du capitalisme de surveillance vers un monde de souverainetĂ© individuelle et de biens communs.

Pour aller plus loin

Notes

(1) Le problĂšme est que mĂȘme si vous payez effectivement pour des produits ou des services, il est trĂšs probable qu’ils violeront tout de mĂȘme votre identitĂ© numĂ©rique, Ă  moins qu’ils ne soient conçus par Ă©thique pour ĂȘtre dĂ©centralisĂ©s et/ou amnĂ©siques.^^

(2) Avant de vous laisser croire que je m’en prends Ă  Tim, je prĂ©cise que ce n’est pas le cas. Par deux fois je l’ai rencontrĂ© et nous avons discutĂ©, je l’ai trouvĂ© sincĂšrement honnĂȘte, passionnĂ©, humble, attentionnĂ©, quelqu’un de gentil. Je pense rĂ©ellement que Tim se soucie des problĂšmes qu’il soulĂšve et veut les rĂ©soudre. Je pense vraiment qu’il veut un Web qui soit un moyen d’encourager la souverainetĂ© individuelle et les communs. Je ne crois pas, nĂ©anmoins, qu’il soit humainement possible pour lui, en tant qu’inventeur du Web, de se dĂ©tacher assez du Web que nous avons afin de devenir le dĂ©fenseur du Web que nous voulons. Les entreprises qui ont fait du Web ce qu’il est aujourd’hui (un poste de surveillance) sont sensiblement les mĂȘmes qui composent le W3C et soutiennent la Web Foundation. En tant que leader des deux, les conflits d’intĂ©rĂȘts sont trop nombreux pour ĂȘtre dĂ©mĂȘlĂ©s. Je ne suis pas jaloux de la position peu enviable de Tim, dans laquelle il ne peut pas dĂ©lĂ©gitimer Google et Facebook sans dĂ©lĂ©gitimer les organisations qu’il conduit et au sein desquelles leur prĂ©sence est si importante.

En outre, je crois sincĂšrement que Tim pensait avoir conçu le Web en lien avec sa philosophie sans rĂ©aliser qu’une architecture client/serveur, une fois immergĂ©e dans un bain de culture capitaliste, aurait pour rĂ©sultat des pĂŽles (les serveurs) se structurant verticalement et s’unifiant — pour finalement devenir des monopoles — comme les Google et Facebook que nous connaissons aujourd’hui. A posteriori, tout est clair et il est facile de faire la critique de dĂ©cisions d’architecture qui ont Ă©tĂ© prises 28 ans plus tĂŽt en soulignant les dĂ©fauts d’un systĂšme que personne n’aurait cru capable de grandir autant ni de prendre un rĂŽle central dans nos vies. Si j’avais conçu le Web Ă  l’époque, non seulement j’aurais étĂ© un prodige, mais j’aurais probablement pris exactement les mĂȘmes dĂ©cisions, sans doute en moins bien. Je ne possĂšde rien qui ressemble au cerveau de Tim. Tim a suivi son intuition, et il l’a fait de façon trĂšs Ă©lĂ©gante en Ă©laborant les choses les plus simples qui pourraient fonctionner. Cela, ainsi que le fait de l’avoir partagé avec le monde entier, et sa compatibilitĂ© avec l’architecture du capitalisme, ont Ă©tĂ© les raisons du succĂšs du Web. S’il y a une leçon Ă  retenir de cela, c’est que les protocoles sociaux et Ă©conomiques sont au moins aussi importants que les protocoles rĂ©seau et que nous devons leur consacrer autant de rĂ©flexion et de notoriĂ©tĂ© dans nos alternatives.^^




Demain, les dĂ©veloppeurs
 ?

En quelques annĂ©es Ă  peine s’est Ă©levĂ©e dans une grande partie de la population la conscience diffuse des menaces que font peser la surveillance et le pistage sur la vie privĂ©e.

Mais une fois identifiĂ©e avec toujours plus de prĂ©cision la nature de ces menaces, nous sommes bien en peine le plus souvent pour y Ă©chapper. Nous avons tendance surtout Ă  chercher qui accuser
 Certes les coupables sont clairement identifiables : les GAFAM et leur hĂ©gĂ©monie bien sĂ»r, mais aussi les gouvernements qui abdiquent leur pouvoir politique et se gardent bien de rĂ©guler ce qui satisfait leur pulsion sĂ©curitaire. Trop souvent aussi, nous avons tendance Ă  culpabiliser les Dupuis-Morizeau en les accusant d’imprudence et de manque d’hygiĂšne numĂ©rique. C’est sur les utilisateurs finaux que l’on fait porter la responsabilitĂ© : « problĂšme entre la chaise et le clavier », « si au moins ils utilisaient des mots de passe compliquĂ©s ! », « ils ont qu’Ă  chiffrer leur mails », etc. et d’enchaĂźner sur les 12 mesures qu’ils doivent prendre pour assurer leur sĂ©curitĂ©, etc.

L’originalitĂ© du billet qui suit consiste Ă  impliquer une autre cible : les dĂ©veloppeurs. Par leurs compĂ©tences et leur position privilĂ©giĂ©e dans le grand bain numĂ©rique, ils sont Ă  mĂȘme selon l’auteur de changer le cours de choses et doivent y Ɠuvrer.
Les pistes qu’expose Mo Bitar, lui-mĂȘme dĂ©veloppeur (il travaille sur StandardNotes, une application open source de notes qui met l’accent sur la longĂ©vitĂ© et la vie privĂ©e) paraĂźtront peut-ĂȘtre un peu vagues et idĂ©alistes. Il n’en pointe pas moins une question intĂ©ressante : la communautĂ© des codeurs est-elle consciente de ses responsabilitĂ©s ?

Qu’en pensent les spĂ©cialistes de la cybersĂ©curitĂ©, les adminsys, la communautĂ© du dĂ©veloppement ? — les commentaires sont ouverts, comme d’habitude.

Article original : The Privacy Revolution that never came
Traduction Framalang : tripou, david, goofy, audionuma, MO, lyn., Luc et un anonyme.

La rĂ©volution de la vie privĂ©e n’a jamais eu lieu

Voici pourquoi les dĂ©veloppeurs de logiciels dĂ©tiennent la clef d’un nouveau monde

par Mo Bitar


Actuellement, c’est la guerre sur les rĂ©seaux, et ça tire de tous les cĂŽtĂ©s. Vous remportez une bataille, ils en gagnent d’autres. Qui l’emporte ? Ceux qui se donnent le plus de mal, forcĂ©ment. Dans cette campagne guerriĂšre qui oppose des mĂ©ga-structures surdimensionnĂ©es et des technophiles, nous sommes nettement moins armĂ©s.

Des informations. C’est ce que tout le monde a toujours voulu. Pour un gouvernement, c’est un fluide vital. Autrefois, les informations Ă©taient relativement faciles Ă  contrĂŽler et Ă  vĂ©rifier. Aujourd’hui, les informations sont totalement incontrĂŽlables.

Les informations circulent Ă  la vitesse de la lumiĂšre, la vitesse la plus rapide de l’univers. Comment pourrait-on arrĂȘter une chose pareille ? Impossible. Nos problĂšmes commencent quand une structure trop avide pense qu’elle peut le faire.

Telle est la partie d’Ă©checs pour la confidentialitĂ© que nous jouons tous aujourd’hui. Depuis le contrĂŽle de l’accĂšs Ă  nos profils jusqu’au chiffrement de nos donnĂ©es en passant par un VPN (rĂ©seau privĂ© virtuel) pour les rediriger, nous ne sommes que des joueurs de deuxiĂšme zone sur le grand Ă©chiquier des informations. Quel est l’enjeu ? Notre avenir. Le contrĂŽle de la vie privĂ©e c’est le pouvoir, et les actions que nous menons aujourd’hui dĂ©terminent l’Ă©quilibre des pouvoirs pour les gĂ©nĂ©rations et sociĂ©tĂ©s Ă  venir. Quand ce pouvoir est entre les mains de ceux qui ont le monopole de la police et des forces armĂ©es, les massacres de masse en sont le rĂ©sultat inĂ©vitable.

Alors, oĂč se trouve la rĂ©volution sur la confidentialitĂ© de nos informations que nous attendons tous ? Ce jour d’apothĂ©ose oĂč nous dĂ©ciderons tous de vraiment prendre au sĂ©rieux la question de la confidentialitĂ© ? Nous disons : « Je garde un Ɠil dessus, mais pour le moment je ne vais pas non plus me dĂ©ranger outre mesure pour la confidentialitĂ©. Quand il le faudra vraiment, je m’y mettrai ». Ce jour, soit n’arrivera  jamais, soit sous une forme qui emportera notre pays avec lui. Je parle des États-Unis, mais ceci est valable pour tout pays qui a Ă©tĂ© construit sur des principes solides et de bonnes intentions. BĂątir un nouveau pays n’est pas facile : des vies sont perdues et du sang est inutilement versĂ© dans le processus. Gardons plutĂŽt notre pays et agissons pour l’amĂ©liorer.

Les gouvernements peuvent ĂȘtre envahissants, mais ni eux ni les gens ne sont mauvais par nature : c’est l’Ă©chelle qui est problĂ©matique. Plus une chose grandit, moins on distingue les actions et les individus qui la composent, jusqu’Ă  ce qu’elle devienne d’elle-mĂȘme une entitĂ© autonome, capable de dĂ©finir sa propre direction par la seule force de son envergure.

Alors, oĂč est notre rĂ©volution ?
— Du cĂŽtĂ© des dĂ©veloppeurs de logiciels.

Les dĂ©veloppeurs de logiciels et ceux qui sont profondĂ©ment immergĂ©s dans la technologie numĂ©rique sont les seuls actuellement aptes Ă  dĂ©jouer les manƓuvres des sur-puissants, des sans-limites. Il est devenu trop difficile, ou n’a jamais vraiment Ă©tĂ© assez facile pour le consommateur moyen de suivre l’Ă©volution des meilleurs moyens de garder le contrĂŽle sur ses informations et sa vie privĂ©e. La partie a Ă©tĂ© facile pour le Joueur 1 Ă  tel point que le recueil des donnĂ©es s’est effectuĂ© Ă  l’Ă©chelle de milliards d’enregistrements par jour. Ensuite sont arrivĂ©s les technophiles, des adversaires Ă  la hauteur, qui sont entrĂ©s dans la danse et sont devenus de vĂ©ritables entraves pour le Joueur 1. Des technologies telles que Tor, les VPN, le protocole Torrent et les crypto-monnaies rendent la tĂąche extrĂȘmement difficile pour les sur-puissants, les sans-limites. Mais comme dans tous les bons jeux, chaque joueur riposte plus violemment Ă  chaque tour. Et notre Ă©quipe perd douloureusement.

MĂȘme moi qui suis dĂ©veloppeur de logiciels, je dois admettre qu’il n’est pas facile de suivre la cadence des derniĂšres technologies sur la confidentialitĂ©. Et si ce n’est pas facile pour nous, ce ne sera jamais facile pour l’utilisateur lambda des technologies informatiques. Alors, quand la rĂ©volution des donnĂ©es aura-t-elle lieu ? Jamais, Ă  ce rythme.

Tandis que nous jouissons du luxe procurĂ© par la sociĂ©tĂ© moderne, sans cesse lubrifiĂ©e par des technologies qui nous libĂšrent de toutes les corvĂ©es et satisfont tous les besoins, nous ne devons pas oublier d’oĂč nous venons. Les rĂ©volutions de l’histoire n’ont pas eu lieu en 140 caractĂšres ; elles se sont passĂ©es dans le sang, de la sueur et des larmes, et un dĂ©sir cannibale pour un nouveau monde. Notre guerre est moins tangible, n’existant que dans les impulsions Ă©lectriques qui voyagent par cĂąble. « OĂč se trouve l’urgence si je ne peux pas la voir ? » s’exclame aujourd’hui l’ĂȘtre humain imprudent, qui fonctionne avec un systĂšme d’exploitation biologique dĂ©passĂ©, incapable de pleinement comprendre le monde numĂ©rique.

Mais pour beaucoup d’entre nous, nos vies  numĂ©riques sont plus rĂ©elles que nos vies biologiques. Dans ce cas, quel est l’enjeu ? La maniĂšre dont nous parcourons le monde dans nos vies numĂ©riques. Imaginez que vous viviez dans un monde oĂč, dĂšs que vous sortez de chez vous pour aller faire des courses, des hommes en costume noir, avec des lunettes de soleil et une oreillette, surveillent votre comportement, notent chacun de vos mouvements et autres dĂ©tails, la couleur de vos chaussures ce jour-lĂ , votre humeur, le temps que vous passez dans le magasin, ce que vous avez achetĂ©, Ă  quelle vitesse vous ĂȘtes rentré·e chez vous, avec qui vous vous dĂ©placiez ou parliez au tĂ©lĂ©phone – toutes ces mĂ©tadonnĂ©es. Comment vous sentiriez-vous si ces informations Ă©taient recueillies sur votre vie, dans la vraie vie ? Menacé·e, certainement. Biologiquement menacé·e.

Nos vies sont numĂ©riques. Bienvenue Ă  l’Ă©volution. Parcourons un peu notre nouveau monde. Il n’est pas encore familier, et ne le sera probablement jamais. Comment devrions-nous entamer nos nouvelles vies dans notre nouveau pays, notre nouveau monde ? Dans un monde oĂč rĂšgnent contrĂŽle secret et surveillance de nos mouvements comme de nos mĂ©tadonnĂ©es ? Ou comme dans une nouvelle vieille AmĂ©rique, un lieu oĂč ĂȘtre libre, un lieu  oĂč  on peut voyager sur des milliers de kilomĂštres : la terre promise.

Construisons notre nouveau monde sur de bonnes bases. Il existe actuellement des applications iPad qui apprennent aux enfants Ă  coder – pensez-vous que cela restera sans consĂ©quences ? Ce qui est aujourd’hui Ă  la pointe de la technologie, comprĂ©hensible seulement par quelques rares initiĂ©s, sera connu et assimilĂ© demain par des enfants avant leurs dix ans. Nous prĂ©tendons que la confidentialitĂ© ne sera jamais gĂ©nĂ©ralisĂ©e parce qu’elle est trop difficile Ă  cerner. C’est vrai. Mais oĂč commence-t-elle ?

Elle commence lorsque ceux qui ont le pouvoir de changer les choses se lĂšvent et remplissent leur rĂŽle. Heureusement pour nous, cela n’implique pas de se lancer dans une bataille sanglante. Mais cela implique de sortir de notre zone de confort pour faire ce qui est juste, afin de protĂ©ger le monde pour nous-mĂȘmes et les gĂ©nĂ©rations futures. Nous devons accomplir aujourd’hui ce qui est difficile pour le rendre facile aux autres demain.

Jeune nerd à qui on vient de demander de sauver le monde, dessin de Simon « Dr Gee » Giraudot, Licence Creative Commons BY SA

DĂ©veloppeur ou dĂ©veloppeuse, technophile
 vous ĂȘtes le personnage principal de ce jeu et tout dĂ©pend de vos dĂ©cisions et actions prĂ©sentes. Il est trop fastidieux de gĂ©rer un petit serveur personnel ? Les gĂ©nĂ©rations futures ne seront jamais propriĂ©taires de leurs donnĂ©es. Il est trop gĂȘnant d’utiliser une application de messagerie instantanĂ©e chiffrĂ©e, parce qu’elle est lĂ©gĂšrement moins belle ? Les gĂ©nĂ©rations futures ne connaĂźtront jamais la confidentialitĂ© de leurs donnĂ©es. Vous trouvez qu’il est trop pĂ©nible d’installer une application open source sur votre propre serveur ? Alors les gĂ©nĂ©rations Ă  venir ne profiteront jamais de la maĂźtrise libre de leurs donnĂ©es.

C’est Ă  nous de nous lever et de faire ce qui est difficile pour le bien commun. Ce ne sera pas toujours aussi dur. C’est dur parce que c’est nouveau. Mais lorsque vous et vos ami⋅e⋅s, vos collĂšgues et des dizaines de millions de dĂ©veloppeurs et dĂ©veloppeuses auront tous ensemble fait ce qui est difficile, cela restera difficile pendant combien de temps, Ă  votre avis ? Pas bien longtemps. Car comme c’est le cas avec les Ă©conomies de marchĂ©, ces dizaines de millions de dĂ©veloppeurs et dĂ©veloppeuses deviendront un marchĂ©, aux besoins desquels il faudra rĂ©pondre et Ă  qui on vendra des produits. Ainsi pourra s’Ă©tendre et s’intensifier dans les consciences le combat pour la confidentialitĂ©.

Pas besoin d’attendre 10 ans pour que ça se produise. Pas besoin d’avoir dix millions de dĂ©veloppeurs. C’est de vous qu’on a besoin.

 

  • Vous pouvez faire un premier pas en utilisant et soutenant les services  qui assurent la confidentialitĂ© et la propriĂ©tĂ© des donnĂ©es par dĂ©faut. Vous pouvez aussi en faire profiter tout le monde : rendez-vous sur Framalibre, et ajoutez les outils libres et respectueux que vous connaissez, avec une brĂšve notice informative.



Sur la piste du pistage

La revue de presse de Jonas@framasoft, qui paraüt quand il a le temps. Épisode No 3/n

Facebook juge de ce qui est fiable ou non

Le nouvel algorithme de Facebook, qui permet de mettre en avant (ou relĂ©guer aux oubliettes) les informations sur votre mur, cherche Ă  faire du fact-checking. C’est logique : plutĂŽt que de donner la maĂźtrise Ă  l’utilisateur de ses fils de donnĂ©es, pourquoi ne pas rafistoler les bulles de filtre que le rĂ©seau social a lui-mĂȘme crĂ©Ă©es ?

Un article à lire chez Numérama.

Le pistage par ultrasons contribue à nous profiler et permet de repérer les utilisateurs de Tor

Les annonceurs et les spĂ©cialistes du marketing ont la possibilitĂ© d’identifier et de pister des individus en insĂ©rant des frĂ©quences audio inaudibles dans une publicitĂ© diffusĂ©e Ă  la tĂ©lĂ©vision, sur une radio ou en ligne. Ces ultrasons pouvant ĂȘtre captĂ©s Ă  proximitĂ© par les micros des ordinateurs ou des smartphones, vont alors interprĂ©ter les instructions (…) Les annonceurs s’en servent pour lier diffĂ©rents dispositifs au mĂȘme individu et ainsi crĂ©er de meilleurs profils marketing afin de mieux diffuser des publicitĂ©s ciblĂ©es dans le futur.

L’annĂ©e derniĂšre, des chercheurs ont expliquĂ© que des attaquants pourraient pirater ces ultrasons pour pirater un dispositif (ordinateur ou smartphone). Cette fois-ci, ce sont 6 chercheurs qui ont expliquĂ© que cette technique peut Ă©galement servir Ă  dĂ©sanonymiser les utilisateurs de Tor.

Un article Ă  lire chez Developpez.com

Les parents allemands ne veulent pas de la poupée qui espionne leurs enfants

D’aprĂšs cet article signalĂ© par l’indispensable compte Twitter de Internet of Shit

Les chercheurs expliquent que les pirates peuvent utiliser un dispositif Bluetooth inclus dans la poupĂ©e My Friend Cayla pour Ă©couter les enfants et leur parler pendant qu’ils jouent.

La commissaire europĂ©enne Ă  la Justice, Ă  la Consommation et Ă  l’ÉgalitĂ© des sexes, Vera Jourova, a dĂ©clarĂ© Ă  la BBC :  » je suis inquiĂšte de l’impact des poupĂ©es connectĂ©es sur la vie privĂ©e et la sĂ©curitĂ© des enfants ».

Selon les termes de la loi allemande, il est illĂ©gal de vendre ou dĂ©tenir un appareil de surveillance non-autorisĂ©. Enfreindre la loi peut coĂ»ter jusqu’Ă  2 ans de prison.

L’Allemagne a des lois trĂšs strictes pour s’apposer Ă  la surveillance. Sans doute parce qu’au siĂšcle dernier le peuple allemand a subi une surveillance abusive, sous le nazisme puis sous le rĂ©gime communiste de l’Allemagne de l’est.

Euh, et en France, tout va bien ?

image par Cathie Passion (CC BY-SA 2.0)