La Blockchain, au-delà du Bitcoin

Il existe déjà sur le Bitcoin et la nombreuse famille des monnaies virtuelles une abondante littérature qui évoque les espoirs et les fantasmes que génèrent les crypto-monnaies. Mais pour qui n’est encore ni utilisateur dans ses paiements ni prosélyte convaincu, il n’est pas si facile de comprendre le principe de fonctionnement qui sous-tend le succès grandissant de cet argent dématérialisé sans intermédiaire.

Pour savoir ce qui se passe en coulisses, il est nécessaire d’appréhender correctement ce qu’est la blockchain. C’est bien délicat, et rares sont les explications limpides qui nous permettent de saisir l’essentiel. L’article « Chaîne de blocs » de Wikipédia utilise très vite des prérequis dont ne disposent probablement pas les Dupuis-Morizeau : « système cryptographique », « base de données distribuée », « nœud de stockage », etc.

Heureusement, il arrive que nous rencontrions un article qui présente des qualités de clarté telles que nous nous faisons un devoir de le partager. Qui plus est, nous y découvrons que le bitcoin n’est qu’un exemple aujourd’hui notoire des très nombreuses possibilités d’application de la blockchain dans des domaines très variés, ce qui pourrait à moyen terme changer beaucoup de choses dans notre vie quotidienne…

L’auteur, Jean-Paul Delahaye est un universitaire, mathématicien et informaticien, chercheur à l’Université de Lille 1. Nous le remercions d’avoir accepté que nous reprenions ici, mis à jour pour les données numériques, son texte déjà publié en 2014 sur le blog de Scilogs.

La puissance de la blockchain

jp_DelahayeImaginez qu’au centre de la place de la Concorde à Paris, à côté de l’Obélisque on installe un très grand cahier, que librement et gratuitement, tout le monde puisse lire, sur lequel tout le monde puisse écrire, mais qui soit impossible à effacer et indestructible. Cela serait-il utile ?

Il semble que oui.

– On pourrait y consigner des engagements : « je promets que je donnerai ma maison à celui qui démontrera la conjecture de Riemann : signé Jacques Dupont, 11 rue Martin à Paris ».

– On pourrait y déposer la description de ses découvertes rendant impossible qu’on en soit dépossédé  : « Voici la démonstration en une page que j’ai trouvée du Grand théorème de Fermat …».

– On pourrait y laisser des reconnaissances de dettes qui seraient considérées valides tant que celui à qui l’on doit l’argent n’a pas été remboursé et n’est pas venu l’indiquer sur le cahier.

– On pourrait y donner son adresse qui resterait valide jusqu’à ce qu’une autre adresse associée au même nom soit ajoutée, annulant la précédente.

– On pourrait y déposer des messages adressés à des personnes qu’on a perdues de vue en espérant qu’elles viennent les lire et reprennent contact.

– On pourrait y consigner des faits qu’on voudrait rendre publics définitivement, pour que l’histoire les connaisse, pour aider une personne dont on souhaite défendre la réputation, pour se venger, etc.

Pour que cela soit commode et pour empêcher les tricheurs d’écrire en se faisant passer pour vous, il faudrait qu’il soit possible de signer ce qu’on écrit. Il serait utile aussi que l’instant précis où est écrit un message soit précisé avec chaque texte déposé sur le grand cahier (horodatage).

Imaginons que tout cela soit possible et qu’un tel cahier soit mis en place, auquel seraient ajoutées autant de pages nouvelles que nécessaire au fur et à mesure des besoins. Testaments, contrats, certificats de propriétés, récits divers, messages adressés à une personne particulière ou à tous, attestations de priorité pour une découverte, etc., tout cela deviendrait facile sans avoir à payer un notaire, ou un huissier. Si un tel cahier public était vraiment permanent, infalsifiable, indestructible, et qu’on puisse y écrire librement et gratuitement tout ce qu’on veut, une multitude d’usages en seraient imaginés bien au-delà de ce que je viens de mentionner.

Un tel objet serait plus qu’un cahier de doléances ou un livre d’or, qui ne sont pas indestructibles. Ce serait plus qu’un tableau d’affichage offert à tous sur les murs d’une entreprise, d’une école ou d’une ville, eux aussi temporaires. Ce serait plus que des enveloppes déposées chez un huissier, coûteuses et dont la lecture n’est pas autorisée à tous. Ce serait plus qu’un registre de brevets, robuste mais sur lesquels il est coûteux et difficile d’écrire. Ce serait plus que les pages d’un quotidien qui sont réellement indestructibles car multipliées en milliers d’exemplaires, mais sur lesquelles peu de gens ont la possibilité d’écrire et dont le contenu est très contraint.

Place de la Concorde ?

Bien sûr, ce cahier localisé en un point géographique unique ne serait pas très commode pour ceux qui habitent loin de Paris. Bien sûr, ceux qui y rechercheraient des informations en tournant les pages se gêneraient les uns les autres, et gêneraient ceux venus y inscrire de nouveaux messages. Bien sûr encore, faire des recherches pour savoir ce qui est écrit dans le cahier (telle dette a-t-elle été soldée ? Telle adresse est-elle la dernière ? etc.) deviendrait vite impossible en pratique quand le cahier serait devenu trop gros et que ses utilisateurs se seraient multipliés.

Ces trois inconvénients majeurs :
a) localisation unique rendant l’accès malcommode et coûteux ;
b) impossibilité de travailler en nombre au même instant pour y lire ou y écrire ;
c) difficulté de manipuler un grand cahier…
… peuvent être contournés. L’informatique moderne avec la puissance de ses machines (y compris les smartphones) et ses réseaux de communication est en mesure de les surmonter.

D’ailleurs cette idée d’un grand cahier informatique, partagé infalsifiable et indestructible du fait même de sa conception est au cœur d’une révolution qui débute. Nous la baptiserons la  «révolution de la blockchain » (nous allons expliquer pourquoi) ou plus explicitement et en français : « la révolution de la programmation par un fichier partagé et infalsifiable ».

L’idée de Nakamoto

Le nom proposé vient de la blockchain du bitcoin, la monnaie cryptographique créée en janvier 2009, et qui a depuis connu un développement considérable et un succès réel très concrètement mesurable : la valeur d’échange des devises émises en bitcoins dépasse aujourd’hui 5 milliards d’euros. Au cœur de cette monnaie, il y a effectivement un fichier informatique infalsifiable et ouvert. C’est celui de toutes les transactions, baptisé par Satoshi Nakamoto son inventeur : la blockchain. C’est un fichier partagé, tout le monde peut le lire et chacun y écrit les transactions de bitcoins qui le concerne, ce qui les valide. La blockchain existe grâce à un réseau pair à pair, c’est-à-dire géré sans autorité centrale par les utilisateurs eux-mêmes. Certains de ces utilisateurs détiennent des copies de la blockchain, partout dans le monde. Ces centaines de copies sont sans cesse mises à jour simultanément, ce qui rend la blockchain totalement indestructible, à moins d’une catastrophe qui toucherait en même temps toute la terre. Ce fichier a été rendu infalsifiable par l’utilisation de procédés cryptographiques qui depuis sa création en 2009 se sont révélés résister à toutes les attaques : personne jamais n’a pu effacer ou modifier le moindre message de transaction auparavant inscrit dans la blockchain du bitcoin.

Bitcoin_Block_Data

C’est possible, cela existe !

Le rêve du grand cahier de la place de la Concorde est donc devenu possible, et en réalité ce que l’informatique moderne, les réseaux et la cryptographie ont su créer dans le monde numérique est bien supérieur à tout ce qu’on aurait pu tenter de faire avec du papier, du métal ou tout dispositif composé d’objets physiques. En particulier :

a) l’accès à la blockchain, grâce aux réseaux, se fait instantanément de n’importe où dans le monde, pourvu qu’on dispose d’un ordinateur ou simplement d’un smartphone ;

b) des milliers d’utilisateurs peuvent y lire simultanément sans se gêner ;

c) chacun peut gratuitement et sans limitation ajouter de nouveaux messages de transactions selon un procédé qui assure la cohérence et la robustesse du fichier blockchain.

La taille de la blockchain du bitcoin s’accroît progressivement, mais reste manipulable par les formidables machines dont nous disposons tous aujourd’hui. Elle comporte aujourd’hui 54 giga-octets (5,4 10^10 caractères), ce qui est l’équivalent d’environ 54 000 ouvrages de 200 pages. Cela semble énorme, mais nos ordinateurs sont maintenant assez puissants pour cela.

L’exploration par son ordinateur de ce qui est inscrit donne librement accès à tout le contenu de cette blockchain quasi-instantanément de n’importe quel endroit du monde. C’est d’ailleurs, dans le cas du bitcoin, ce qui permet de calculer le solde des comptes. Les systèmes de signatures cryptographiques garantissent que les messages de transaction que vous inscrivez sur la blockchain concernant vos comptes ont été écrits par vous. L’ordre des inscriptions fournit aussi une datation (horodatage) des transactions et donc les ordonne. Tout cela est fait, sans qu’aucune autorité centrale ne s’en occupe, puisque ce sont certains des utilisateurs (appelé « mineurs » dans le cas du bitcoin) qui en opèrent la surveillance, et qui se contrôlent mutuellement, assurant l’honnêteté des sauvegardes et leur cohérence.

L’exemple d’une monnaie est la plus spectaculaire et la plus visible aujourd’hui des merveilles que réalise une blockchain. Qu’on ait pu ainsi créer une monnaie, grâce à un fichier partagé, semble incroyable. Cela d’autant plus qu’il s’agit d’une monnaie d’un nouveau type : elle ne repose sur aucune autorité émettrice, autorise des transactions quasi-instantanées gratuitement d’un point à l’autre du globe.

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De nombreuses variantes

Au-delà du miracle que constitue cette monnaie (nous ne reviendrons pas sur le détail de son fonctionnement), c’est l’ensemble de tout ce que rend possible ce type d’objet qu’est une blockchain que nous voulons évoquer, car il semble bien qu’un nouveau monde économique, social, législatif, politique et monétaire en résulte. Aujourd’hui, nous n’en avons pas pris la mesure.

Le bitcoin utilise une blockchain qui lui est propre et ne sert a priori qu’à inscrire des transactions, mais l’idée de cette blockchain peut se décliner d’une multitude de façons donnant naissance à autant d’applications nouvelles. Nous avons sans doute pour l’instant entrevu que quelques aspects de ce que de tels dispositifs autorisent. Il s’agit rien moins que de l’apparition d’un nouveau type d’objets réels, aussi durs que le métal, contenant des informations d’une complexité sans limites. Nos ordinateurs aux extraordinaires capacités de calcul y accèdent instantanément grâce aux réseaux, explorant rapidement ce qui s’y trouve, y déposant de nouveaux messages éventuellement cryptés, et les extrayant aussi rapidement. Ces nouveaux objets du fait de leur nature numérique et de leurs propriétés de robustesse et d’ubiquité — ils existent partout dans le monde à la fois — ont des propriétés qu’aucun objet du monde n’a jamais possédées.

Il existe aujourd’hui des centaines de variantes du modèle bitcoin. Ce sont essentiellement d’autres monnaies — on parle de crypto-monnaies — qui chacune s’appuie sur une blockchain particulière. Cependant depuis qu’on a compris que l’idée de Nakamoto était beaucoup plus générale, d’autres systèmes avec blockchain sont apparus ou sont en cours de développement.

Une révolution en marche

Certaines des idées évoquées au départ peuvent se mettre en place soit grâce à une nouvelle blockchain, soit en essayant d’utiliser la blockchain du bitcoin qu’on détournera de sa fonction première pour lui faire réaliser des opérations non prévues par Nakamoto. Dom Steil un entrepreneur s’occupant du bitcoin et auteur de nombreux articles sur les nouvelles technologies a exprimé assez clairement l’idée de cette révolution :

« La blockchain est intrinsèquement puissante du fait que c’est la colonne vertébrale d’un nouveau type de mécanisme de transfert et de stockage distribué et open source. Elle est le tiers nécessaire pour le fonctionnement de nombreux systèmes à base de confiance. Elle est la feuille universelle d’équilibrage utilisée pour savoir et vérifier qui détient divers droits numériques. De même qu’Internet a été la base de bien d’autres applications que le courrier électronique, la blockchain sera la base de bien d’autres applications qu’un réseau de paiement. Nous en sommes aux premiers instants d’un nouvel âge pour tout ce qui est possible au travers d’un réseau décentralisé de communications et de calculs. ». Voir ici.

Jon Evans un ingénieur informaticien et journaliste spécialisé dans les nouvelles technologies partage cet enthousiasme :

« La technologie blockchain au cœur du bitcoin est une avancée technique majeure qui, à terme, pourrait révolutionner l’Internet et l’industrie de la finance comme nous les connaissons ; les premiers pas de cette révolution en attente ont maintenant été franchis. »

« La « blockchain » —le moteur qui sert de base au bitcoin— est un système distribué de consensus qui autorise des transactions, et d’autres opérations à être exécutées de manière sécurisée et contrôlée sans qu’il y ait une autorité centrale de supervision, cela simplement (en simplifiant grossièrement) parce que les transactions et toutes les opérations sont validées par le réseau entier. Les opérations effectuées ne sont pas nécessairement financières, et les données ne sont pas nécessairement de l’argent. Le moteur qui donne sa puissance au bitcoin est susceptible d’un large éventail d’autres applications. »  ( ici et ici )

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La machine qui inspire confiance

comment la technologie derrière le Bitcoin pourrait changer le monde

Namecoin, Twister, Ethereum

Parmi les blockchain autres que celle du bitcoin et ayant pour objets des applications non liées à la monnaie, il faut citer le Namecoin un système décentralisé d’enregistrement de noms : on écrit sur la blockchain du Namecoin des paires (nom, message). Un des buts de Namecoin est la mise en place d’un système d’adresses pour les ordinateurs connectés au réseau internet qui pourrait se substituer au système actuel DNS (Domaine name system) en partie aux mains d’organisations américaines. Les créateurs de cette blockchain affichent les objectifs suivants : protéger la libre parole en ligne en rendant le web plus résistant à la censure ; créer un nom de domaine «.bit» dont le contrôle serait totalement décentralisé ; mémoriser des informations d’identité comme des adresses email, des clefs cryptographiques publiques. Ils évoquent aussi la possibilité avec cette blockchain d’organiser des votes ou des services notariés. Malheureusement cette blockchain est peu commode car les dépôts d’informations y sont payants (en namecoin), et même si les coûts sont très faibles, ils compliquent beaucoup son utilisation. Voir ici.

Plus récemment a été créé Twister, un système concurrent de Twitter (le système de micro-blogging bien connu) mais totalement décentralisé et donc libre de toute censure ou contrôle. La blockchain de Twister ne sert dans ce cas pas à stocker toute l’information de la plateforme de micro-bloging  (qui est distribuée sur un réseau pair à pair évitant que les nœuds du réseau aient à gérer de trop gros volumes de données)  mais seulement les informations  d’enregistrement et d’authentification. Voir ici.

Un projet plus ambitieux car se voulant le support possible d’applications complexes basé sur une notion de contrat (smartcontract) est en cours de développement : il se nomme Ethereum. La blockchain associée à Ethereum émettra une monnaie (l’éther) sur le modèle de bitcoin, mais ce ne sera qu’une des fonctions de cette blockchain. Voir ici.

Une autre avancée toute récente a été proposée par Adam Back, inventeur déjà d’une monnaie électronique précurseur du bitcoin. Back a constaté que le bitcoin ne peut évoluer que très lentement car les décisions pour ces évolutions se font selon un processus qui exige un accord difficile à obtenir de la part de ceux qui travaillent à le surveiller et qui ne sont pas organisés en structure hiérarchique —c’est un problème avec les applications totalement décentralisées dont le contrôle n’est aux mains de personne. Il a aussi noté que beaucoup d’idées innovantes proposées par des blockchain nouvelles n’ont qu’un succès limité. En valeur, le bitcoin reste très dominant parmi les monnaies cryptographiques. Avec une équipe de chercheurs, il a mis au point une méthode liant les blockchains les unes aux autres. Ce système de « sidechain » permettra de faire passer des unités monétaires d’une chaîne A vers une autre B. Elles disparaîtront de la chaîne A pour réapparaître sur la chaîne B et pourront éventuellement revenir dans A. Chaque blockchain est un petit univers où il est utile de disposer d’une monnaie (par exemple sur Namecoin, il y a une monnaie). Cependant faire accepter une nouvelle monnaie et stabiliser son cours est difficile et incertain. De plus chaque blockchain est une expérience comportant des risques qui sont d’autant plus grands qu’elle est récente et innovante. Le système des sidechain une fois mis en place (ce n’est pas si simple et aujourd’hui aucune sidechain ne fonctionne) permettra de tester rapidement de nouvelles idées. Chacune pourra « importer » la monnaie d’une autre blockchain, sans doute la monnaie bitcoin qui est la mieux installée et celle pour laquelle la confiance est la plus forte. Le système est conçu pour que la chaîne qui « prête » de l’argent à une autre ne risque pas plus que ce qu’elle prête et donc ne prenne qu’un risque limité.

« Une forme d’anarchie à base numérique va poursuivre son développement »

On le voit, la complexité (de nos puces, de nos machines, de nos applications, de nos réseaux informatiques) a créé un univers où les nouveaux objets indestructibles que sont les blockchains changent les règles du jeu : moins de centralisation, moins d’autorité, plus de partages sont possibles. Une forme d’anarchie à base numérique va poursuivre son développement. Le monde qui en sortira est difficile à imaginer, mais il se forme et même si on peut le craindre autant que certains l’appellent de leurs vœux, il sera là bientôt.

 

Liens mentionnés par l’auteur de l’article
D’autres liens intéressants sur la question et autour

Crédits Images

  • « Bitcoin accepted here », Francis Storr (CC BY-SA 2.0)
  • Schéma des blocs par Matthäus Wander (CC BY-SA 3.0) via Wikimedia Commons
  • The trust machine, image de couverture du magazine The Economist du 30 octobre 2015,



Les géants du Web nous veulent du bien

Lourdement mises en cause pour avoir laissé les agences gouvernementales accéder aux données de leurs clients, les grandes entreprises du Web ont vite senti qu’elles risquaient gros à passer aux yeux du monde entier pour des complices de l’espionnage de masse. Elles ont donc défendu leur position avec une belle énergie en clamant leur bonne foi : elles auraient été les victimes non consentantes des intrusions de la NSA.

Dans cette recherche d’une crédibilité essentielle pour leur survie économique — car à chaque utilisateur perdu c’est la monétisation d’un profil qui disparaît, elles multiplient les déclarations hostiles aux pressions, de plus en plus fortes aux USA, pour limiter voire interdire le chiffrement de haut niveau, comme pour leur imposer des portes dérobées. C’est ce que nous pouvons voir dans cette compilation réunie par l’EFF.

L’Electronic Frontier Foundation est une organisation non gouvernementale qui mène depuis vingt-cinq ans un combat sur de multiples fronts pour les libertés numériques, comme le fait La Quadrature du Net, qui est un peu son équivalent pour la France et l’Europe.

À lire cette suite d’extraits choisis, on hésite un peu à donner pleine absolution à toutes ces entreprises à but parfaitement lucratif. Ces déclarations sont-elles sincères, et surtout sont-elles concrètement suivies d’effets ? Sciemment ou non, elles ont laissé l’espionnage s’installer au cœur de leur activité, et même au cœur d’un système d’exploitation hégémonique. Aujourd’hui elles voudraient préserver le chiffrement comme outil indispensable aux transactions économiques, soit. Mais on sait bien que par ailleurs elles n’ont guère de scrupules à faire commerce de nos données privées. Ce que ces entreprises états-uniennes redoutent surtout c’est que l’administration Obama (elle-même sous la pression des agences d’espionnage) « tue le business ».
Quoi qu’il en soit, l’EFF trouve en elles des alliées inattendues puissantes pour faire pression sur le plan politique : l’enjeu est de taille et peut justifier une aussi paradoxale alliance de circonstance. En effet, le chiffrement fort, attaqué par de nombreux gouvernements dans le monde sous prétexte de sécurité, demeure un rempart qui protège nos libertés numériques.

Où en sont les grandes entreprises du numérique sur la question du chiffrement ?

Une comparaison des positions affichées par 21 des plus importantes entreprises du numérique

Article original sur le site de l’EFF : Where Do Major Tech Companies Stand on Encryption?
Traduction Framalang : Luke, Obny, goofy, KoS, Niilos, McGregor

En ce moment même une bataille décisive fait rage autour du chiffrement.

Les services de police essaient d’imposer des « portes dérobées » (backdoors) pour accéder à nos données et nos communications sensibles, tandis que les groupes de défense des libertés individuelles répliquent par une campagne intitulée SaveCrypto. Quant au président Obama, il s’efforce de trouver un compromis, en évitant de donner à ces demandes la force d’une loi, mais en continuant de façon informelle à faire pression sur les entreprises pour qu’elles fournissent un accès sans chiffrement aux données qu’elles récoltent.

Où en sont donc les entreprises du numérique sur ce front ?

Elles sont les seules à être à la fois en position de connaître et de résister aux pressions officieuses exercées par le gouvernement pour qu’elles donnent accès aux données de leurs utilisateurs. Nous leur offrons sur un plateau de gigantesques quantités de données sensibles tout en leur faisant confiance pour qu’elles les gardent en sécurité. Quelles sont les entreprises qui souhaitent afficher publiquement leur opposition aux portes dérobées ?

Nous avons rassemblé les politiques publiques des 21 plus importantes entreprises du numérique pour que vous puissiez les comparer. Certaines des déclarations proviennent de notre rapport annuel Who has your back et quelques-unes de blogs et de rapports sur la transparence issus des entreprises..

Voyez plutôt vous-même :

Adobe

Adobe n’a aménagé de « porte dérobée » pour aucun gouvernement – ni étranger ni américain – dans ses produits et ses services. Toutes les demandes du gouvernement pour obtenir des données de nos utilisateurs doivent passer par la grande porte (c’est-à-dire en menant suivant une procédure légale valide auprès du département juridique approprié d’Adobe). Adobe s’oppose vigoureusement à toute législation aux USA ou à l’étranger qui affaiblirait de quelque manière que ce soit la sécurité de nos produits ou la protection de la vie privée de nos utilisateurs.

Amazon

Alors que nous reconnaissons qu’il est légitime et nécessaire pour les autorités de mener des enquêtes sur le crime et les activités terroristes, qu’il est nécessaire de coopérer avec les autorités quand elles respectent le cadre légal pour mener de telles investigations, nous sommes opposés à une législation qui interdirait les technologies de sécurité et de chiffrement ou les soumettrait à une demande d’autorisation, cela aurait pour effet d’affaiblir la sécurité des produits, systèmes et services qu’utilisent nos clients, qu’ils soient des particuliers ou des entreprises.

Apple

De plus, Apple n’a jamais travaillé avec quelque agence gouvernementale de quelque pays que ce soit pour créer des « portes dérobées » dans nos produits ou services. Nous n’avons non plus jamais permis à un quelconque gouvernement d’accéder à nos serveurs. Et nous ne le ferons jamais.

L’entreprise Apple mérite d’être saluée pour sa prise de position encore plus ferme contre les portes dérobées sur son nouveau site consacré au respect de la vie privée qui explique la politique de l’entreprise. Cette nouvelle déclaration indique :

Le chiffrement sécurise des milliers de milliards de transactions en ligne chaque jour. Que ce soit en passant commande ou en payant, vous utilisez du chiffrement. Vos données sont transformées en un texte indéchiffrable qui ne peut être lu que si on dispose de la bonne clé. Depuis plus de dix ans nous protégeons vos données avec SSL et TLS [liens ici] dans Safari, FileVault pour Mac, et le chiffrement qui existe par défaut dans iOS. Nous refusons également d’ajouter des portes dérobées au moindre de nos produits parce qu’elles sapent les protections que nous avons mises au point. Et nous ne pouvons déverrouiller votre appareil pour personne parce que vous seul en avez la clé, votre unique mot de passe. Nous sommes résolus à utiliser un chiffrement fort parce que vous devez avoir la certitude que les données que contient votre appareil et les informations que vous partagez avec d’autres sont protégées.

Comcast

Comcast ne soutient pas la création de portes dérobées extra-légales ou l’insertion délibérée de failles de sécurité, dans les logiciels open source ou autres, pour faciliter la surveillance sans procédure légale appropriée.

Dropbox

Les gouvernements ne devraient jamais installer de portes dérobées dans les services en ligne ou compromettre les infrastructures pour obtenir des données personnelles. Nous continuerons à travailler pour protéger nos systèmes et pour changer les lois afin d’établir clairement que ce type d’activité est illégal.

Nous constatons également que partout dans le monde, des administrations essaient de limiter les mesures de sécurité comme le chiffrement sans pour autant faire de progrès sur le renforcement de la protection légale que méritent les gens. Il en résulte les gouvernements demandent actuellement des informations sur une toute petite partie de nos clients, mais cherchent de plus en plus à perturber l’équilibre entre vie privée et sécurité publique d’une manière qui concerne tout le monde.
Comme nous le disions précédemment, les autorités ont parfois besoin d’accéder aux données privées pour protéger les citoyens. Cependant, cet accès devrait être réglementé par la loi et non en réclamant des « portes dérobées » ou en affaiblissant la sécurité de nos produits et services utilisés par des millions de clients respectueux de la loi. Ceci devrait concerner chacun d’entre nous.

Pinterest

Pinterest s’oppose aux portes dérobées contraintes et soutient les réformes visant à limiter les demandes de surveillance de masse.

Slack

La transparence est une valeur clé pour nous et une caractéristique importante de Slack lui-même. C’est cet engagement pour la transparence qui amène mon dernier point – Slack s’oppose aux portes dérobées des pouvoirs publics de toutes sortes, mais particulièrement aux exigences des gouvernements qui pourraient compromettre la sécurité des données.

Snapchat

La confidentialité et la sécurité sont des valeurs essentielles chez Snapshat, et nous nous opposons fermement à toute initiative qui viendrait affaiblir la sécurité de nos systèmes. Nous nous engageons à gérer vos données de manière sécurisée et mettrons à jour ce rapport tous les six mois.

Sonic

Enfin, nous déclarons publiquement notre position concernant l’inclusion forcée de portes dérobées, failles de sécurité volontaires ou divulgation de clés de chiffrement. Sonic ne soutient pas ces pratiques.

Tumblr

Sécurité : nous croyons qu’aucun gouvernement ne devrait installer de portes dérobées dans les protocoles de sécurité du web, ou encore compromettre l’infrastructure d’internet. Nous combattrons les lois qui permettraient cela, et nous travaillerons à sécuriser les données de nos utilisateurs contre de telles intrusions.

Wickr

Nous croyons au chiffrement robuste et généralisé et exhortons le gouvernement des États-Unis à adopter des normes de chiffrement fort pour assurer l’intégrité de l’information des particuliers, des entreprises et des organismes gouvernementaux à travers le monde.

WordPress

Certains gouvernements ont récemment cherché à affaiblir le chiffrement, au nom de l’application de la loi. Nous sommes en désaccord avec ces suggestions et ne croyons pas qu’il soit possible d’inclure une quelconque faille de sécurité délibérée ou autres portes dérobées dans les technologies de chiffrement, même pour le « seul » bénéfice des services de sécurité. Comme l’a dit un sage, « il n’existe pas de faille technologique qui puisse être utilisée uniquement par des personnes bienveillantes respectueuses de la loi ». Nous sommes entièrement d’accord.

Yahoo

Nous avons chiffré beaucoup de nos principaux produits et services pour les protéger de l’espionnage des gouvernements et autres acteurs. Ceci inclut le chiffrement du trafic entre les centres de données de Yahoo ; l’utilisation de HTTPS par défaut sur Yahoo Mail et la page d’accueil de Yahoo ; et l’implémentation de règles de bonne pratique en matière de sécurité, y compris le support de TLS 1.2, de la Confidentialité persistante et d’une clé RSA 2048 bits pour la plupart de nos services tels que la page d’accueil, la messagerie et les magazines numériques. Nous avons également mis en place une extension de chiffrement de bout en bout (e2e) pour Yahoo Mail, disponible sur GitHub. Notre but est de fournir une solution de chiffrement e2e intuitive à tous nos utilisateurs d’ici la fin 2015. Nous sommes engagés sur la sécurité de cette solution et nous opposons aux demandes de l’affaiblir délibérément ainsi que tout autre système de chiffrement.

Credo Mobile, Facebook, Google, LinkedIn, Twitter, WhatsApp, et la Wikimedia Foundation ont tous signé une lettre proposée par l’Open Technology Institute (OTI) qui s’oppose à l’affaiblissement volontaire des mesures de sécurité :

Nous vous exhortons à rejeter toute proposition poussant les entreprises américaines à affaiblir délibérément la sécurité de leurs produits… Que vous les appeliez portes avant ou portes dérobées, le fait d’introduire délibérément des vulnérabilités à usage gouvernemental dans des produits sécurisés à l’intention du gouvernement rendra ces produits moins sécurisés face à d’autres attaquants. Tous les experts en sécurité qui se sont exprimés sur cette question sont d’accord, y compris ceux du gouvernement.

Que pouvons-nous en conclure ? Il existe une très forte opposition des entreprises technologiques aux portes dérobées imposées.

La semaine dernière, l’EFF, accompagnée d’une coalition formée d’entreprises technologiques et de groupes de défense des libertés, a lancé SaveCrypto.org, une pétition en ligne où les parties concernées peuvent faire savoir au président Obama que l’administration devrait se prononcer en faveur d’un chiffrement fort. Alors qu’Obama a clarifié sa position initiale, il a aussi promis de répondre à toute pétition qui recueillerait plus de 100 000 signatures. Cela signifie qu’il est encore temps pour de l’influencer.

Dans une ère de piratage omniprésent et de violation des données sensibles, il est temps pour le président Obama d’écouter les utilisateurs d’Internet et les entreprises qui se battent pour la sécurité des utilisateurs et leur vie privée.

Vous pouvez ajouter votre voix à la pétition ci-dessous.
https://savecrypto.org/

ViePrivee




La question des bonnes pratiques au sein d’une communauté

Sarah Sharp, dont nous avons traduit récemment le billet d’adieu à l’équipe du noyau Linux ne se contente pas de pointer ce qui dysfonctionne dans les rapports humains au sein des équipes de développement. Elle propose ici toute une série de bonnes pratiques, selon elle nécessaires, qui visent à améliorer la qualité des échanges quotidiens, du moins à rendre vivable et acceptable le travail ensemble.
Il est certain qu’une liste aussi copieuse peut surprendre, et même être rejetée d’un haussement d’épaules au motif que c’est typique du « politiquement correct » à l’américaine… Cette longueur et cette précision s’expliquent sans doute par l’expérience désagréable de Sarah : les situations qu’elle a vécues lui ont imposé d’aller bien plus loin qu’un simple code de conduite, qui sert trop souvent d’alibi aux communautés.
On trouvera donc un peu de tout dans ces recommandations classées par étapes progressives : du simple bon sens dont on s’étonne qu’il soit nécessaire de le formaliser (mais justement ce bon sens ne va plus de soi, parfois), mais aussi des vues très pertinentes sur le fonctionnement optimal d’une communauté qui rappellent l’ouvrage de Karl Fogel Produire du logiciel libre (un Framabook !).
Ces propositions, malgré leur caractère un peu idéaliste, nous amènent à interroger nos pratiques, car les communautés libristes, si elles sont loin d’être des champs de bataille, sont rarement de longs fleuves tranquilles.

Qu’est-ce qui fait une bonne communauté ?

Billet original de Sarah Sharp publié sur son blog : What makes a good community

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Photo © Sarah Sharp licence CC-BY-NC-SA

Parvenir à faire vivre une communauté hétérogène est un processus progressif. Il n’existe pas de raccourci. En ce qui concerne le changement culturel, chaque niveau doit être atteint avant de passer au suivant. Il vaut également la peine de préciser que chaque étape doit bénéficier à l’ensemble des membres de la communauté et pas uniquement à quelques contributeurs.

Niveau 0 : respect fondamental de l’humain

Pour pouvoir attirer des participants très divers, vous devez avoir la réputation d’être une communauté accueillante, régie par une série de règles sociales explicites et acceptées. Il ne suffit pas d’avoir un code de bonne conduite. Ceux qui pilotent la communauté doivent le soutenir et il doit être imposé.

Une communauté accueillante de niveau 0 fait preuve des caractéristiques suivantes :

  • chacun est encouragé à faire des retours sincères et directs sur les questions techniques ;
  • les contributeurs sont invités à résoudre les conflits entre personnes de manière saine ;
  • les interactions quotidiennes dans la communauté sont généralement au niveau DISCON 1(*) (c’est super, tout va bien), et tombent occasionnellement au niveau DISCON 2 (insultes non personnelles) ou DISCON 3 (utilisation de grossièretés) ;
  • les contributeurs qui atteignent régulièrement le niveau DISCON 4 (insultes personnelles) sont encouragés à modifier leur comportement ;
  • les contributeurs qui atteignent le niveau DISCON 5 (menaces) sont fermement invités à cesser leur participation ;
  • les harceleurs récidivistes sont exclus des conférences et bannis des réseaux de discussion ;
  • les petits nouveaux et petites nouvelles sont informé.e.s sur les « brebis galeuses » et sur les personnes dont les retours sont sans intérêt ;
  • un code de conduite explique clairement quels sont les comportements encouragés et les comportements dissuadés ;
  • dès que de petites hostilités apparaissent, les membres de la communauté arrêtent ce qu’ils font, écoutent et s’excusent ;
  • la communauté dans son ensemble, y compris les responsables et les community managers, fait respecter les normes de communication.

Niveau 1 : embarquement

La phase suivante pour améliorer la diversité est de comprendre comment embarquer de nouveaux passagers. Si seulement entre 1 et 10 % des nouveaux venus ont une personnalité originale et que 90 % des personnes sont boulées dès leur première contribution, eh bien, vous ne pouvez pas espérer que toutes sortes de gens adhèrent à la communauté, n’est-ce pas ? Il est donc essentiel d’expliquer le mode de fonctionnement implicite de votre communauté, de sorte que les candidats de toute origine (qui sont souvent effrayés à l’idée de bouleverser l’ordre établi) sachent où ils mettent les pieds.

Dans une communauté accueillante de niveau 1, on trouve :

  • une documentation précisant par quels moyens interagir avec la communauté (irc, liste de diffusion, suivi des tickets (bug tracker), etc.) ;
  • des réunions dans la vraie vie pour encourager le travail en réseau avec les nouveaux membres ;
  • des discussions par vidéo ou en direct pour mettre un visage sur les noms et encourager l’empathie et la camaraderie ;
  • une documentation de base concernant les contributions relatives à la compilation, au fonctionnement, aux tests et au perfectionnement ;
  • un système de tests facilement accessible sur le Web pour les nouvelles contributions ;
  • des tutoriels détaillés et maintenus à jour ;
  • un guide de bonnes pratiques pour le code (ce qui est demandé, ce qui est facultatif et qui écouter quand il y a un désaccord entre les développeurs) ;
  • le planning des sorties (les releases des produits) et des dates-limites pour ajouter des fonctionnalités ;
  • des moyens pour faire un retour sur les contributions ne concernant pas le code (rapport de bug, documentation, tutoriels, tests, planification d’événements, graphismes).

Niveau 2 : contributions significatives

L’étape suivante consiste à savoir quoi faire de ces nouvelles recrues motivées. Si elles sont arrivées là en dépit d’une culture technologique malsaine, il y a de grandes chances pour qu’elles soient persévérantes, intelligentes, et à la recherche d’un défi. Si vous n’avez pas de vastes projets significatifs auxquels elles pourraient contribuer, elles s’en iront vers des cieux plus brillants.

Dans une communauté accueillante de niveau 2, on trouve :

  • des listes de tâches réservées aux nouveaux ;
  • de gros projets indépendants ;
  • des mentors accueillants et disponibles ;
  • des programmes pour payer les nouveaux venus (des stages, un summer of code, etc.) ;
  • des contributeurs chaleureusement remerciés, avec la reconnaissance explicite de ce qui a été réussi et de ce qui pourrait être amélioré ;
  • un canal de communication informelle pour trouver des idées avec les nouveaux (irc, liste de diffusion… n’importe quoi tant que ça fonctionne) ;
  • un code de conduite qui encourage les développeurs à être animés de bonnes intentions.

Niveau 3 : accompagnement

L’étape suivante pour une communauté, c’est de se demander comment retenir de nouveaux participants très divers. Comment allez-vous promouvoir ces nouveaux profils originaux afin de leur permettre d’avoir un impact sur la communauté au niveau de la gouvernance ? Si vos dirigeants ont atteint leur date de péremption, si l’on voit toujours les mêmes vieilles têtes, les gens partiront dès qu’ils voudront être plus présents dans la prise de décisions. Si des personnes brillantes quittent votre communauté, vous devriez peut-être mettre au point une façon de les garder parmi vous.

Dans une communauté accueillante de niveau 3 :

  • les avis critiques sont récompensés et les questions des nouveaux sur les points flous sont encouragées ;
  • les responsables et/ou les personnes qui font la maintenance tournent selon un planning défini ;
  • les arrêts et les vacances sont encouragés, ainsi les nouveaux « mainteneurs » ont plus de chance d’acquérir de nouvelles compétences ;
  • Les membres de la communauté rédigent des tutoriels sur la revue des correctifs (patch), la gestion des diffusions, et l’aspect social du développement de logiciel ;
  • des mentors pour les nouveaux intervenants lors des conférences sont épaulés par des mentors ;
  • le code de conduite encourage à éviter le burn-out et aussi à respecter les personnes qui quittent le projet.

Niveau 4 : empathie et vigilance

Une fois que vous avez réglé le problème des départs et que des moyens sont mis en œuvre pour éviter le burn-out des développeurs, il est temps de s’attaquer au problème qu’évite la majorité des geeks : la question des relations sociales. Vos leaders ont des opinions différentes, comme cela devrait être le cas dans toutes les bonnes communautés ! Néanmoins, il faut prendre des garanties pour éviter que celui qui parle le plus fort finisse par gagner par épuisement des autres, et pour que les personnes moins connues ou minoritaires puissent être entendues.

Dans une communauté accueillante de niveau 4 :

  • les développeurs, les chasseurs de bugs et tous les autres contributeurs sont sur un pied d’égalité ;
  • on effectue des mises au point sur des questions non techniques, telles que des discussions sur des problèmes culturels ou politiques avec un suivi clair de la part des responsables ;
  • la documentation est en constante amélioration ;
  • les dirigeants montrent leur capacité à reconnaître leurs erreurs et à modifier leur comportement face aux critiques ;
  • les community managers font des rappels au code de conduite quand c’est nécessaire ;
  • le code de conduite insiste sur la nécessité d’écouter les différents points de vue ;

Niveau 5 : diversité

Une fois que vous avez mené tous ces changements culturels, vous pouvez chercher activement encore plus de personnes originales et avoir l’espoir de les garder parmi vous.

Dans une communauté accueillante de niveau 5 :

  • le comité décisionnaire (quel que soit son nom) comprend au moins 30 % de nouveaux, et il y a une rotation des habitués ;
  • la recherche de nouveaux leaders se fait en dehors des réseaux et des têtes connues ;
  • la communauté participe à des programmes promouvant la diversité ;
  • la diversité n’est pas seulement une action de relations publiques, les développeurs cherchent réellement de nouvelles perspectives et s’efforcent de reconnaître leurs propres privilèges ;
  • lors des conférences, le genre de l’intervenant ne doit pas être un problème ;
  • lors des conférences, on peut s’occuper des enfants, savoir si les plats sont végétariens ou pas, et lire un règlement intérieur clair ;
  • la politique concernant l’alcool encourage les participants à prendre du bon temps plutôt qu’à se saouler ;
  • le code de conduite protège explicitement la diversité parmi les développeurs et présente l’éventail de leurs droits ;
  • le comité chargé de faire s’appliquer le code de conduite inclut des représentants de la diversité issus de la communauté.

Ce qui m’agace le plus c’est quand une communauté saute des étapes. « Hé, nous avons un code de conduite et on accueille les enfants mais les harceleurs notoires sont invités à nos conférences ! », « Nous voulons participer à un programme pour la diversité, mais nous n’avons aucun mentor ni aucune idée de ce qu’un contributeur pourrait faire sur le long terme ! ».

— Eh bien, faites d’abord votre révolution culturelle, s’il vous plaît !

Sarah-Sharp
Photo Sarah Sharp  © pcofficina.org licence CC BY-NC-ND

—-

* DISCON (DEFCON Insult Scale for DIScussion – Échelle d’insulte DEFCON pour les discussions) est une échelle fictive qui s’inspire de DEFCON (le niveau d’alerte militaire des forces armées des États-Unis).




Une contributrice du noyau Linux jette l’éponge

Sarah Sharp a de multiples passions sympathiques comme on peut le voir sur la page où elle se présente : développeuse, cycliste, jardinière… et geek. Si nous choisissons aujourd’hui de lui donner un écho francophone, c’est parce qu’elle est libriste de longue date et qu’elle a travaillé pendant sept ans dans l’équipe qui gère et maintient le kernel Linux, c’est-à-dire le noyau du système.

Dans un billet sans acrimonie ni attaque ad hominem, elle explique nettement pourquoi elle a cessé d’apporter sa contribution à ce haut niveau de programmation : lassée d’un mode de communication qui tolère et justifie la brutalité entre ses membres, elle regrette que l’équipe du kernel n’ait pas su évoluer vers des rapports humains plus acceptables.

Elle soulève ici une question désagréablement lancinante, celle du délicat respect de chacun ; il n’est pas indifférent qu’une fois encore ce soit une femme qui estime n’avoir plus sa place au sein d’une équipe de développement. Puisse cet exemple nourrir la réflexion et contribuer à faire évoluer un peu les esprits.

Notez que ce texte critique qui a eu un certain retentissement a été suivi d’un volet plus « constructif » de Sarah Sharp, dans lequel elle propose cinq niveaux et appelle à un changement culturel de fond dans les communautés libristes , ce qui est certes plus complexe que de s’abriter derrière l’alibi d’un code de conduite…

 

Tourner la page

par Sarah Sharp, article original sur son blog : Closing a door.
Traduction Framalang : Sphinx, audionuma, r0u, goofy, line

Sarah Sharp, programmeuse
Voilà un an que ce billet est dans mon répertoire de brouillons. Ce n’était jamais le bon moment pour le publier. je m’inquiétais toujours des contrecoups. Cela fait un bon moment que je tourne autour de l’idée d’évoquer ce sujet en public, mais mon propre refus de reconnaître ce problème a fini par me ronger complètement. Alors le voici.

En un mot : je ne suis plus développeuse du noyau Linux. J’ai transféré en douceur la maintenance du pilote du contrôleur USB 3.0 en mai 2014. En juin 2015, j’ai mis fin à mon rôle de coordinatrice du programme d’ouverture aux femmes du logiciel libre (OPW), et j’ai évolué pour aider à coordonner le programme Outreachy. Le 6 décembre 2014, j’ai animé ce que j’espère être ma dernière présentation sur le développement du noyau Linux. On m’a demandé de coordonner la conférence Linux Plumbers à Seattle en août 2015 et j’ai refusé. La fin de mon mandat au Linux Advisory Board approche et je ne serai pas candidate à ma réélection.

Si j’avais le choix, je n’enverrai jamais plus un correctif, un rapport de bug ou une proposition sur les listes de discussion du noyau Linux. Mes boîtes de réception personnelles ont regorgé de messages de cette liste et je les ai ignorés. Mon travail actuel sur l’activation des modes graphiques dans l’espace utilisateur nécessitera peut-être que j’envoie occasionnellement des correctifs du noyau, mais je sais que je vais passer au moins une journée à craindre les éventuels retours destructeurs de l’interaction avec la communauté qui gère le noyau avant d’envoyer quoi que ce soit.

Je ne fais plus partie de la communauté du noyau Linux.

C’est le résultat d’une longue période de réflexion, et de beaucoup de temps passé à planifier ma succession. Je n’ai pas pris à la légère cette décision de me retirer. Je me suis sentie coupable, pendant longtemps, de ce retrait. Quoi qu’il en soit, j’ai finalement pris conscience que je ne pouvais plus contribuer à une communauté au sein de laquelle j’étais respectée sur le plan technique, mais où je ne pouvais pas demander à être respectée en tant que personne. Je ne pouvais plus travailler avec des gens qui encouragent les nouveaux venus à envoyer des correctifs, et réclament ensuite le droit pour les « mainteneurs » de cracher n’importe quelle grossièreté qu’ils considèrent nécessaire pour conserver une honnêteté affective radicale. Je ne voulais plus travailler professionnellement avec des gens qui s’en sortent malgré leurs blagues subtilement sexistes ou homophobes. Je me sens désarmée devant une communauté qui a un « code de résolution des conflits » qui ne contient même pas une liste explicite de comportements à éviter et une communauté qui n’a pas la volonté de faire appliquer ce code.

J’ai le plus grand respect pour les efforts techniques accomplis par la communauté du noyau Linux. Elle a développé un projet qui se concentre sur le respect des meilleurs standards de code qui existent. La focalisation sur l’excellence technique, la surcharge de travail des mainteneurs et la collaboration entre personnes qui proviennent de différentes cultures et normes sociales sont trois facteurs qui expliquent que les mainteneurs du noyau Linux sont souvent directs, grossiers voire brutaux pour que le travail soit fait. Les meilleurs développeurs du noyau Linux se crient souvent dessus pour corriger mutuellement leur comportement.

Ce type de communication ne me convient pas du tout. J’ai besoin d’une communication qui puisse être brutale sur le plan technique tout en étant respectueuse sur le plan personnel. J’ai besoin que quelqu’un puisse me corriger lorsque je fais une erreur (qu’elle soit technique ou sur le plan social) sans pour autant me faire descendre en tant que personne. Nous sommes humains, nous commettons des erreurs et nous les corrigeons. Nous nous énervons envers quelqu’un, nous sur-réagissons, et puis nous nous excusons et essayons de travailler ensemble pour trouver une solution.

J’aurais préféré que la communication au sein de la communauté du noyau Linux se passe de manière plus respectueuse. J’aurais préféré que les mainteneurs du noyau Linux communiquent de façon plus saine quand ils sont contrariés. J’aurais préféré que davantage de personnes assurent la maintenance du noyau Linux, ainsi ils n’auraient pas eu à être aussi brusques et directs.

Malheureusement, les changements de comportement que j’aimerais voir dans la communauté du noyau Linux ne se produiront sans doute pas de sitôt. Plusieurs développeurs seniors du noyau Linux approuvent le fait que les mainteneurs puissent être durs sur les plans technique et personnel. Même si à titre personnel ce sont des gens charmants, ils ne veulent pas que le mode de communication du noyau Linux change.

Cela veut dire qu’ils font passer les besoins affectifs des autres développeurs du noyau Linux (faire tomber la pression en se défoulant sur les autres, en étant brutal, impoli ou grossier) avant mes propres besoins affectifs (le besoin d’être respectée en tant que personne, et de ne pas être la cible de violence psychologique ou d’injures). C’est une dynamique perverse qui privilégie la position des mainteneurs établis au mépris du respect fondamental de l’être humain.

Je ne publie pas ce message à l’attention des développeurs du noyau. Je ne publie pas ce message pour pointer du doigt des personnes précises. Je publie ce message parce que je suis affligée pour la communauté dont je ne souhaite plus faire partie. Je poste ce message car je suis triste à chaque fois que quelqu’un me remercie de revendiquer de meilleures normes pour la communauté, parce que j’ai finalement abandonné l’idée de changer la communauté du noyau Linux. Le changement de culture est un processus long et douloureux et je n’ai plus l’énergie pour prendre une part active à ce changement de mentalité dans la communauté du noyau.

J’ai l’espoir que la communauté du noyau Linux évoluera avec le temps. J’ai participé à cette évolution, et la documentation, les tutoriels et les programmes que j’ai initiés (comme les stages noyau Outreachy) continueront à se développer en mon absence. Je reviendrai peut-être un jour, lorsque les choses iront mieux. J’ai une carrière de plusieurs décennies devant moi. Je peux attendre. En attendant, il existe d’autres communautés du logiciel libre, plus amicales, où je peux jouer ma partition.

Lorsqu’une porte se ferme, une autre s’ouvre, mais souvent nous restons si longtemps et avec tant de regrets devant la porte fermée que nous ne voyons même pas celle qui vient de s’ouvrir devant nous.

— Alexander Graham Bell

 

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Crédits image :

  • Photo  © Sarah Sharp licence CC-BY-NC-SA



Libre@Toi, une webradio libre et bien davantage

Dans le milieu associatif et libriste, Libre@Toi commence à se faire un nom. Bien que sa visibilité publique soit encore récente, ce jeune projet est prometteur et représente l’aboutissement de l’activité opiniâtre d’une petite équipe qui met son énergie à concrétiser ses idéaux, depuis plus d’un an.

On peut déjà par exemple revoir des émissions comme l’atelier de Genma sur le chiffrement, parcourir la série des Liberté, égalité, surveillés d’Olivier…

Vous vous en doutez, lecteurs du Framablog, une association qui veut porter les valeurs du logiciel libre sur d’autres domaines de la société, ça nous parle… C’est pourquoi, à l’occasion d’un évènement prochain qui inaugurera ses activités, nous avons proposé à ses membres une petite centaine de questions. Ils ont tenu à répondre à plusieurs voix, et c’est tant mieux.

0.1 C’est quoi Libre@toi ? Faut mettre un astérisque au bout peut-être ?

Olicat : Libre@Toi*, c’est une plate-forme d’échanges, de partages et de pratiques. C’est un éventail étendu de possibles à s’approprier et à redistribuer. C’est aussi une invitation, d’où l’ *. Libre@Toi*
– *de créer,

– *d’inventer,

– *de t’informer,

– *de démonter,

– *de ne rien faire…

En gros, le principe est de fournir un cadre expérimental et pratique qui permettrait à quiconque de reprendre le contrôle des outils, concepts et techniques. Ce qu’on vise, c’est que chacun dispose des éléments qui lui permettront de se déterminer, peu importe le sujet. Se déterminer, c’est à dire faire un choix, adopter un positionnement politique. Or, ce qu’on observe, c’est qu’aujourd’hui la plupart des choix sont opérés par défaut, en déni des alternatives et possibles disponibles. Nous voulons être l’écho de ces possibles.

Pour arriver à ça, on a imaginé une plate-forme transmédia, un outil, qui distribue un contenu différent et adapté au support utilisé, chacun se répondant de façon cohérente et permettant de prolonger l’expérience et inscrire dans la durée les informations et ou compétences transmises.

Ainsi, une émission de radio abordant un thème particulier sera « éditorialisé » sur le site web et pourra donner lieu à une conférence, ou encore un atelier. Les travaux réalisés en atelier pourront eux aussi alimenter un wiki tandis que la conférence, filmée, alimentera les contenus multimédias du site.

J'ai fini par trouver la sortie du labyrinthe, l'équipe de Libratoi m'a aidé.
goofyPetitJ’ai fini par trouver la sortie de ce labyrinthe, l’équipe de Libr@Toi* m’a aidé.

4.21 C’est qui le chef ? Vous seriez pas un peu anarchistes quand vous parlez d’« horizontalité » plutôt que de « verticalité » ?
Clara : on est tous directeurs, comme ça y a pas de soucis hiérarchiques, chacun est responsable de lui-même, c’est déjà beaucoup.

Alexandre : les décisions sont prises en groupe. En fait, selon les sujets abordés, un chef naturel se dégage le temps du traitement du dossier. Chacun ses compétences, pas de lutte de pouvoir.

OliCat : la direction de l’association est collégiale, le système induit est donc l’autogestion. Comme le dit Alexandre, et compte tenu des compétences spécifiques de chacun, une personnalité prend assez naturellement le lead sur les autres en fonction des sujets. En revanche, les angles de traitement sont toujours déterminés de façon collégiale, peu importe le support qui sera envisagé (radio / web / conférence). Après, j’ai rien contre le fait d’être taxé « d’anarchistes ».

libratoi_changer-le-monde

5. Vous venez d’horizons assez différents, qu’est-ce qui vous motive pour avancer ensemble ?

Clara : tout à fait modestement, l’idée de changer le monde

Alexandre : tout comme Clara…et montrer à ceux qui se sentent isolés dans leurs valeurs que d’autres pensent comme eux et sont prêts à agir!

OliCat : Changer le monde est en effet le résultat visé. 🙂 Mais au fond, ce que nous croyons, c’est surtout que le monde a déjà changé, mais que les dynamiques qui lui permettraient d’émerger sont écrasées par les structures dominantes (idéologiques, intellectuelles, religieuses, politiques…) déjà obsolètes, mais qui s’accrochent…

7. C’est quoi votre « tiers-lieu », c’est où ça ? (à Paris, je parie)

Alexandre : à Paris, effectivement, mais nous avons pour ambition de nous déplacer dans toute la France… Les locaux sont à Paris mais l’avantage du web par rapport à la FM c’est que nous sommes audibles partout !

En fait, pour être précis, ce qu’on désigne par le tiers-lieu au fond, c’est la plate-forme elle même qui intègre le lieu, la radio, le site web (les sites en fait).

42. Qu’est-ce que c’est,  un lieu « libre et open source  » ? Un endroit pour boire des bières ?

Clara : on n’allait pas avoir un lieu privé et sous licence (IV) quand même ! vive la bière libre !

Alexandre : open-source de bière, littéralement, ça fait rêver !

OliCat : on parle de Libre et d’OpenSource parce qu’on a tous fait une école de commerce, et il paraît que c’est porteur…
Plus sérieusement, libre et open source parce que chacun des deux concepts exprime exactement la vision du monde que nous avons et que nous souhaitons promouvoir. C’est aussi pour que toutes les idées et compétences se croisent. Mais attention hein ! Après, c’est libre@toi d’adhérer ou pas. Notre credo, c’est que peu importent les choix, ils doivent être opérés en conscience de ce qui existe par ailleurs. Et enfin, oui ! J’espère qu’on y boira plein de bières.

42bis. Que représentent pour vous les valeurs du Libre ? Vous pensez qu’elles peuvent investir d’autres champs que celui du logiciel ?

OliCat : Oui, nous pensons vraiment que l’intérêt que certains portent par exemple aux problématiques environnementales procède des mêmes ressorts idéologiques que l’utilisateur de logiciels libres. Et là encore, pour nous, il s’agit de politique. Les valeurs du libre sont pour nous, le ciment du monde à construire.

Clara : ben oui, la conso par exemple, alimentaire ou autre :  savoir exactement ce que tu consommes, savoir  que ça va pas t’empoisonner, que ça a pas été fabriqué par des esclaves à l’autre bout de la planète ou que ta carte de fidélité à Supermarkettruc va pas servir à t’envoyer des pubs-à-la-con à ton insu, par exemple… La santé, aussi : on dit qu’on te soigne ou qu’on prévient tes maladies, mais qu’est-ce qui te garantit que t’es pas un produit du marché par la même occasion ? Aujourd’hui, on te brandit le spectre de l’épidémie pour te forcer la main sur les vaccins, celui de la chimio pour le cancer, ou des antilipidiques pour ton cholestérol,  en te disant que t’es un mauvais citoyen si tu te rebelles ! Tu fais surtout partie de marchés captifs qui génèrent le plus de thunes à la big pharma… L’environnement aussi : quelle est ta capacité réelle à choisir  l’air que tu respires, l’eau que tu bois, la terre sur laquelle tu veux faire pousser tes légumes, l’électricité qui fait tourner ton ordi, le carburant que tu mets dans ton réservoir de voiture ?

12. Oui hein soi-disant vous voulez libérer des tas de trucs et puis si on regarde bien dans vos projets, vous voulez faire des *ateliers* ! Bravo la mentalité du XIXe siècle, vous voulez nous faire travailler en fait ?

Alexandre : ouaip!

Clara : façon de lutter contre la société de consommation, la reine du prêt-à-penser massmédiatique avec ses guide-lists où on te donne point par point ce qu’il faut faire ou ne pas faire..et pis, l’union fait la force…et pis , on n’est pas des gourous…

OliCat : oui, c’est vrai qu’on est super réac sur le coup. Pas très tendance 2015 où les choses se gobent. Même la ministre de l’Éducation Nationale veut « offrir l’excellence à tous ». Pour Libre@Toi*, en effet, acquérir de l’autonomie, surtout dans le contexte actuel, ça implique des efforts. Et nous sommes convaincus que la promesse d’acquisition de plus de contrôle et d’autonomie est un moteur suffisant pour intégrer l’effort comme une nécessité finalement attrayante.

Par exemple, nous allons proposer un atelier « brique internet » avec nos amis de Franciliens.Net (fournisseur associatif d’accès à l’Internet), un bon moyen d’appréhender plein de notions (un peu de réseau, qu’est-ce qu’un VPN, que signifie s’autohéberger, etc.) qui elles-mêmes pourront se décliner en ateliers dédiés. Coté électronique fun, après sondage, il semble que ça amuserait pas mal de monde de fabriquer la télécommande conçue par Mitch Altman, celle qui coûte 10$ de matériel et permet d’éteindre toutes les TV. On aura également des initiations à Linux et aux logiciels libres, à la cryptographie. Il y aura différentes formes d’atelier. Des courts, et d’autres qui permettront de conduire la réalisation d’un projet sur deux ou trois séances. Sur les autres thématiques que celles informatiques et numériques que nous aborderons, nous avons quelques idées que nous devons formaliser en lien avec nos partenaires et intervenants.

33. Que pensez-vous apporter de plus par rapport à d’autres lieux associatifs parisiens ? Vous allez organiser des conférences, vous trouvez qu’il n’y en a pas assez déjà ?

Alexandre : nous allons organiser des conférences, mais à taille humaine, avec beaucoup d’interactivité. Notre plus est la diffusion de ces conférences sur la Voix du L@T. Et puis nous frayons depuis assez longtemps dans le secteur pour promettre à tous de beaux rendez-vous.

OliCat : précisément, Libre@Toi* est né du constat que les initiatives, certaines pertinentes, d’autres moins, existent et adressent toutes les problématiques et thèmes qui nous portent. Seulement, le système que toutes ces structures constituent est atomisé, presque exclusif. Les geeks parlent aux geeks, les pros environnement ou écolos s’adressent aux écolos. Chacun ses codes, ses lieux et souvent une communication clivante. Ce que nous souhaitons, c’est unir au maximum ces énergies très positives en faisant qu’au L@T* (le lieu physique), madame Michu (la fameuse) Mme Dupuis-Morizeau qui bouffe bio rencontre Goffi qui développe SaT, un système de communication Libre et décentralisé. Les luttes — c’est de cela qu’il s’agit dans les deux cas – n’ont pas convergé, c’est le défi de Libre@Toi* d’y parvenir.

6. oh les Libre@toi, je vois le nombre de domaines que vous voulez aborder pour changer le monde : « informatique libre, cyberculture, nouvelles technologies, écologie, arts nouveaux, alter-consommation, initiatives relevant de l’économie sociale et solidaire… », vous avez un planning, une toudouliste ? Quelles sont les priorités ? Parce que la libération du monde c’est pas pour demain matin…

OliCat : Si en fait, c’est pour demain. Le lancement de la plate-forme Libre@Toi*

Clara : si déjà chacun prend conscience de sa capacité à choisir, ou plutôt de ce que ses choix impliquent pour le monde, il se libère déjà lui-même, non?

Alexandre : le truc génial dans le libre c’est que tous les sujets se rejoignent à un moment donné… parce que le but est le même ! Et ce qui est encore mieux c’est que chacun d’entre nous est familier avec un ou plusieurs de ces secteurs.

10. Est-ce qu’il faut adhérer à votre association pour participer aux événements/actions/conférences/ateliers ?

Alexandre : Il y aura bien sûr une adhésion proposée avec différents niveaux d’implication et d’évènements proposés. Mais ce serait contraire à nos valeurs de réserver nos différentes activités aux seuls membres !

libratoi_webradio

13. Pourquoi commencer par une webradio, vous voulez retrouver l’esprit des radios libres ? C’est pas un peu has been ?

Clara : d’abord c’est sur une radio libre qu’on s’est rencontrés, c’était même une radio pirate à ses tout débuts (avant qu’on naisse ou presque, hein), et on a l’esprit d’équipe. Ensuite, la radio, tu peux l’écouter en faisant autre chose en même temps, c’est quand même un avantage certain pour un cerveau soumis de plus en plus à des contraintes multitâches.

Alexandre : Radio Libre ça n’existe pas, en fait il y a toujours une direction d’antenne, quelle que soit sa forme. Pour répondre, la radio est notre porte-voix, le moyen de faire connaître à tous et mettre en avant les sujets que nous défendons, que nous débattons… Et puis cela permet de sortir d’une localisation parisienne pour parler aussi bien aux Parisiens, qu’aux Marseillais, Nantais, etc.

OliCat : oui, tout ça. Et puis c’est vrai qu’on aime bien causer dans le micro. Sinon, comme le disait en clôture des assises de la radio en novembre 2013, on pense que  « La radio est un outil démocratique majeur et indispensable à notre société. La mission d’informer sur les grandes fractures et évolutions du monde, exige toujours de l’engagement et souvent du courage. » (discours de clôture des Assises de la radio, organisées le 25 novembre 2013)

99. Qui c’est qui va causer, dans la webradio ? Vous cherchez des zanimateurs ?

Alexandre : l’équipe de départ est déjà formée, et nous en sommes très fiers. Nous sommes des amis et nous nous connaissons depuis longtemps, nous avons beaucoup de points communs et beaucoup de différences ! La base est solide pour commencer, c’est très important, et la communication est très active entre nous. Au fur et à mesure nous ferons venir effectivement de nouveaux animateurs pour proposer l’antenne la plus riche possible.

OliCat : bien sûr, la grille accueillera à terme de nouveaux animateurs. Nous discutons actuellement avec des membres de certaines structures qui partagent nos valeurs et qui souhaitent contribuer aux programmes de Libre@Toi. Je ne les citerai pas pour le moment mais j’espère des annonces prochaines.

105.5 Vous allez diffuser la radio sur le web dans un format accessible et téléchargeable ? il faudra un lecteur particulier ou bien le navigateur suffira ? Ce sera des podcasts, du streaming ? du direct ? Et on pourra l’écouter sur un smartphone ? (une appli est prévue ?)

OliCat : bien sûr, écouter la webradio ne nécessitera rien de particulier côté client. Le site web intègre un player et l’ensemble est responsive. Peu importe le smartphone, l’écoute des programmes est possible pour tous sans avoir à installer quoique se soit. Par ailleurs, il est également possible de sélectionner son flux (ogg / mp3) et d’utiliser son player favori. VLC pour n’en citer qu’un 🙂

Nous prévoyons le développement d’une application Libre@Toi dans le futur mais qui ne se résumera pas à un player radio. Quand nous en serons à cette étape, cela signifiera que nous aurons acquis une légitimité et une audience suffisante. Nous avons hâte d’y être 🙂

87.5 Avec quels outils techniques vous faites fonctionner la radio ? Vous avez tout  monté vous-mêmes ? Vous avez un hébergeur qui va pouvoir servir vos 512 000 auditeurs ?

OliCat : Le cœur de la radio, c’est Airtime, une plate-forme open source qui permet de diffuser la radio en streaming en source directe ou planifiée. Il repose sur les librairies liquidsoap, le serveur de diffusion est icecast.

Concernant le site lui-même, nous avons opté pour Newscoop, un CMS open source qui provient du même éditeur, Sourcefabric. Newscoop est un très beau produit qui s’adresse tout particulièrement aux rédactions avec une structure et une gestion des contenus qui cadrent exactement avec notre volonté de mixer sons / images /vidéos et texte pour décliner les thèmes abordés.

L’améliorer et le modifier est de mon point de vue à la portée de n’importe quel développeur ou intégrateur web. Pour moi qui ne suis ni l’un ni l’autre, c’est un peu plus compliqué 🙂 En revanche l’intégration d’Airtime (player, planning dynamique, etc) est super simple.

Concernant l’hébergement, il est assuré par la société D4 dont William, l’un des fondateurs de Libre@Toi est le co-fondateur. Nous sommes ambitieux mais pas non plus (trop) mégalos. En fonction des premières statistiques d’écoute et de leur progression, nous ferons le nécessaire pour satisfaire les besoins en bande passante. D’autant que l’enrichissement de notre grille va être progressif, septembre sera pour nous un premier palier. Nous visons une grille complète d’ici la fin de l’année. C’est ensemble que le 02 avril 2015 nous avons signé et transmis nos statuts en préfecture, cette projection nous semble cohérente..

Et pour finir, oui, nous avons tout monté tout seuls !

8. Vous pensez pérenniser l’activité au point d’en faire une SCOP ou SCIC — comment comptez-vous financer le projet à moyen et long terme ?

OliCat : Le souhait de pérenniser l’activité est inscrit dans les statuts de l’association que nous publierons dans la version à venir du site. Le but, en effet, est d’être les propres incubateurs du modèle qui nous permettra, demain, de contribuer aux financements de projets libres (logiciel, hardware, sociaux…), salarier des gens, etc.  l’association a été créée pour cela. Au final, nous construirons peut-être une coopérative d’activités. Honnêtement, on ne sait pas quelle forme ça prendra. Le modèle économique, pour l’instant, est de croiser les sources de financements possibles des structures associatives, avec des propositions de services, qui eux seront payants. Plus tard, nous souhaitons que Libre@Toi puisse offrir un espace dédié à l’accueil de conférences organisées par d’autres associations issues du monde du libre et des alters.

11. Il est où, le crowdfunding ? Z’avez pas fait un crowdfunding ?

OliCat : En fait, on a fait le pari assez con de solliciter de la part de ceux qui rencontreraient le projet décrit sur libratoi.org, une adhésion #oupas à ce qu’on racontait, avec un objectif de démarrage de 3000€. Passer par une plate-forme de crowdfunding a été une option vite évacuée. Le côté ultra codifié du machin nous a saoulé. Et surtout, on avait rien à donner en contrepartie sinon la promesse de démarrer le projet libre@toi.

Eh bien l’histoire nous a donné raison, le délai ultra court de 3 semaines nous a effectivement permis de réunir la somme de 3000€ et même plus, le site web n’incrémentant que les dons paypal. Nous allons publier les comptes à l’issue de cette période de souscription et détailler chacun des postes de dépense. Cette expérience a été géniale et encourageante, nous avons eu des soutiens très hétérogènes, à l’image de ce qu’on veut faire de Libre@Toi.

12. Aux dernières nouvelles, vous avez trouvé des locaux pour diffuser la Voix du L@t, et héberger les évènements divers, mais aussi des actions à mener avec d’autres associations ?

Oui ! L’association va s’installer au cœur du projet « Les Grands Voisins » porté par l’association Aurore qui a signé avec l’APHP et la mairie de Paris, une convention d’occupation des 3,5ha, soit 60000m2 de locaux laissés vacants suite à la fermeture de l’Hôpital Saint-Vincent de Paul dans le 14ème arrondissement.

Nous allons donc disposer de 35m2 pour accueillir notre salle de rédaction ainsi que notre studio de radio. Par ailleurs, en vue de l’organisation des événements Libre@Toi* (ateliers, formations, tables rondes et autres conférences) nous utiliserons des espaces mutualisés gérés par l’association YesWeCamp qui est en charge de l’animation du lieu.

L’idée derrière cette organisation consiste en ce que les événements ne soient pas privatisés au seul bénéfice des associations ou collectifs organisateurs présents sur le site, mais qu’ils contribuent à la dynamique d’ensemble du lieu qui se veut participatif et ouvert sur la ville.

Nous avons aussi engagé les démarches pour qu’une branche de Libre@Toi* soit certifiée organisme de formation. Une envie que nous avions qui se justifie désormais avec notre arrivé sur ce site puisque qu’en coordination avec Aurore, nous allons organiser des ateliers d’insertions, notamment par la radio. À savoir, Aurore gère sur place un centre d’hébergement de 600 places.

Parmi les autres projets que nous mènerons en parallèle du développement de La Voix du L@T et nos différentes activités, il y a la mise en place d’une radio interne au lieu. De la mise en place technique à la formation des personnels d’Aurore et d’autres intervenants, l’objectif est de les rendre autonomes sur la gestion de ce média.

Enfin, concernant notre installation, nous avons imaginé un dispositif de co-construction participatif de notre mobilier à base de matériel de récupération et de déchets qui grâce à l’impulsion de Zone-Ah sera porté par l’association UpCycly. Nous souhaitons conclure par une grosse fête d’inauguration qui mixera tables rondes, happenings, mini-concerts, etc.

1515. Et c’est pour quand ce grand lancement ?

L’inauguration aura lieu autour du 15 octobre. Pour en savoir plus le moment venu, stay tuned, comme on dit à la radio : restez à l’écoute de La Voix du L@T !

Nous à Framasoft, nous sommes très heureux quand des initiatives comme la vôtre se concrétisent et se développent en synergie (novlang alert!) avec d’autres courants libristes. Un plein succès à Libr@Toi et ses nombreux projets !




Ne plus supporter la pub sur le Web

C’est un débat déjà ancien et qu’on croyait devenu de basse intensité, mais qui prend ces derniers temps une acuité nouvelle : la publicité sur le Web, toujours plus intrusive, toujours plus vorace, toujours plus dévoreuse de notre confidentialité, est-elle une sorte de mal nécessaire ou une pure nuisance à éradiquer ?

La publicité est le plus souvent justifiée par son pouvoir économique. Publier sur le Web n’est pas gratuit, que ce soit pour les médias d’envergure, les associations ou les particuliers. La tentation est donc grande de disposer sur les pages web avec une discrétion variable des bandeaux publicitaires, des annonces adsense, des calamités visuelles de toutes sortes… car l’inventivité des agences de pub est illimitée.

Rien d’étonnant que de nombreux internautes installent systématiquement un bloqueur de pub, en une course elle aussi perpétuelle pour remplacer Adblock Plus par Adblock Edge puis par uBlock puis par uBlock origin (et puis je vous mets une pincée de Ghostery ?) et puis… mesures et contre-mesures se succèdent dans un paysage visuel qui ressemble à un champ de bataille : des sites demandent gentiment — ou intiment l’ordre — de désactiver les bloqueurs, tandis que le petit peuple du Libre échange frénétiquement les adresses des adbloqueurs les plus efficaces.

Faut-il se résigner à cette guerre fastidieuse et accepter qu’une part au moins du web, puisse dépendre de la publicité comme le suggère Tristan Nitot dans un article récent ? Ou bien faut-il faire table rase de tout argument en faveur de la publicité sur le web,  comme Clochix dans le « coup de gueule » qu’il publie sur son blog en réponse à Tristan ?

C’est la diatribe de Clochix que nous reproduisons ici, non pour attiser une polémique (car les contradicteurs se connaissent bien et s’apprécient) mais pour permettre un échange dans nos colonnes et en commentaires.

Deux précisions importantes :

  • Clochix après le petit buzz qu’il a créé reconnaît volontiers que son article n’est pas complet, en particulier parce qu’il n’a a pas pris le temps d’aborder les modes de monétisation alternatifs. S’il désire ajouter des éléments, nos colonnes lui seront ouvertes. [MISE À JOUR] Nous avons à peine le temps de publier que déjà Clochix vient de compléter avec un nouvel article : Comment se protéger, comment participer.
  • Tristan quant à lui a reconnu qu’il aurait dû préciser que sa défense (relative) de la publicité concernait essentiellement les grands sites de médias, la presse en ligne. Il va sans dire que ses commentaires et réactions sont bienvenus ici ou naturellement sur son blog.

— mais c’est surtout vous lecteurs du Framablog dont nous attendons que vous participiez à ce débat : bloquez-vous tout ou partie des publicités, pourquoi ? Avez-vous recours au financement par la publicité de votre présence sur le Web ? Avez-vous trouvé des modes de financement alternatifs qui vous permettent de vous dégoogliser ?

Nous vous rappelons que le Framablog ainsi que tous le services de Framasoft vous sont proposés débarrassés de toute pollution publicitaire, grâce aux donateurs qui sont l’unique ressource de l’association. Merci de votre soutien !

 

Faut-il bloquer les publicités ?

par Clochix

clochix_himselfJ’ai été si outré par quelques phrases portées à ma connaissance cette semaine que je reprends le clavier le temps d’un rapide coup de gueule. Dans le 28e chapitre de son prochain livre, qu’il prépublie sur son carnet, Tristan conseille de ne pas bloquer la réclame dans son navigateur. Une fois n’est pas coutume, je ne peux pas être moins d’accord avec lui, surtout au vu de ses arguments.

J’encourage pour ma part tou·te·s les internautes à bloquer par tous les moyens les publicités qui envahissent certains sites. Quelques raisons en vrac de refuser la réclame sur le Web :

  • la publicité est bien plus efficace si elle est ciblée. De ce fait, nombre de régies publicitaires ne se contentent pas d’afficher des bandeaux colorés, mais tracent toutes vos habitudes, afin de cerner votre profil et d’augmenter la probabilité que vous cliquiez sur leurs affiches. Par exemple en vous bombardant de réclames pour des régimes si elles détectent que vous complexez sur votre poids. Les publicités espionnent ce que vous faites, vous traquent de site en site. Pour préserver votre intimité, bloquez les publicités !
  • grâce à ces profils, les publicités créent des envies, déclenchent des actes (des achats par exemple) que vous n’aviez pas décidés consciemment. C’est une forme de manipulation, de viol de votre libre-arbitre. Pour conserver votre libre-arbitre, bloquez les publicités !
  • les publicités rendent la navigation sur de nombreux sites désagréables. Leur poids ralentit considérablement le chargement, leurs couleurs criardes, voire leurs animations, distraient l’œil de sa lecture. Parfois une publicité apparue soudainement intercepte un de vos clics et vous entraîne sur un site que vous ne souhaitiez pas visiter. Lorsque votre connexion internet est de faible qualité, par exemple sur un ordiphone, la publicité rend la navigation particulièrement désagréable. Pour votre confort, bloquez la publicité !
  • le poids de publicité ralentit le chargement des pages, mais augmente aussi la quantité de données téléchargées. Si vous n’avez pas une connexion illimitée (sur mobile), vous risquez de payer pour le chargement des publicités. Et même si vous avez une connexion illimitée, ces publicités pèsent dans le trafic réseau de votre opérateur, consomment beaucoup de bande passante, qu’à un moment ou un autre il faut bien payer. Pour le bien-être de votre porte-monnaie, bloquez la publicité ! (et pour les ours polaires, car afficher les bannières Flash consomme de l’électricité, donc contribue au réchauffement de la planète) ;
  • la publicité affiche sur des sites auxquels vous faites confiance des contenus créés par des tiers qui eux ne sont pas forcément de confiance. Des ordinateurs sont régulièrement infectés par des logiciels malveillants diffusés via des publicités piégées affichés sur des sites anodins. Récemment encore, des sites de Yahoo ont diffusé à leur insu de tels logiciels malveillants. Bloquer Flash réduit considérablement la menace, mais pas totalement. Pour votre sécurité, bloquez la publicité !
  • TF1 est une entreprise qui vend à des annonceurs du temps de cerveau de ses téléspectateurs. Dans un modèle économique basé sur la publicité, vous devenez le produit dont le site fait commerce. Si un site vit essentiellement de la publicité, alors c’est que vous êtes la marchandise qu’il vend. (un célèbre évangéliste francophone utilise une métaphore porcine pour rappeler ce fait et encourager les internautes à payer les services qu’ils utilisent) Pour ne pas être une marchandise, bloquez la publicité !
  • certains médias dépendent de la publicité. Leur but est donc de maximiser le nombre de lecteurs de leurs articles. Quitte à recourir à des méthodes putassières, comme les titres sensationnalistes sans rapport avec le fond de l’article. Parfois, la rémunération des auteurs dépend du nombre de lecteurs de leurs articles. Dans certains médias, les journalistes sont donc encouragés à écrire des articles générant le plus de vues possibles. La qualité ne payant pas toujours, c’est le plus souvent un encouragement au sensationnalisme, aux approximations, à la création et monté en épingle de polémiques… À terme, tout cela décrédibilise les sites d’information et les journalistes dans leur ensemble. Un journaliste ne devrait pas être évalué sur sa capacité à faire gagner de l’argent aux annonceurs. On a vu également que certains annonceurs influent sur la ligne éditoriale des médias. Apple par exemple ne veut pas que ses publicités soient à côté d’informations tragiques. Va-t-on arrêter d’informer sur les guerres et autres catastrophes pour faire plaisir aux annonceurs ? Pour la survie du journalisme, bloquez la publicité !
  • un des gros problèmes du Web est la difficulté à rémunérer les auteurs qui le souhaitent. Il n’existe toujours pas de mécanisme simple, universel, respectueux de la vie privée, largement déployé, permettant de rémunérer l’auteur d’un article. Je suis persuadé que c’est une des plus grandes faiblesses actuelles du Web. Elle perdure notamment parce que le besoin n’est pas criant : la publicité joue ce rôle pour de nombreux sites, donc ils n’ont pas besoin d’inventer un meilleur système. Si de nombreux internautes bloquaient les réclames, le besoin d’inventer de nouveaux modèles économiques se ferait plus pressant. Et j’espère que ces modèles seraient plus vertueux. Pour encourager le Web à évoluer, bloquez la publicité !
  • je vous épargne le couplet politique rappelant que la publicité est un moyen de propagande pour un modèle de société suicidaire et encourage les discriminations en véhiculant d’innombrables clichés. Si vous avez du cœur, bloquez la publicité !

stoplapub

Je trouve par ailleurs discutables les arguments de Tristan pour encourager ses lecteurs et lectrices à ne pas remettre en question les modèles économiques fondés sur la vente de l’attention des citoyens :

« En effet, la publicité est la principale si ce n’est l’unique façon pour l’immense majorité des sites Web de se rémunérer »

Je brandis aussitôt ma pancarte pour demander les chiffres permettant d’affirmer que « l’immense majorité des sites Web » se rémunère grâce à la réclame. Wikipédia ne fait à ma connaissance pas appel à la publicité, pas plus que des millions de sites personnels, les sites vitrines qui présentent une entreprise, une association ou autre. Je ne suis pas sûr que l’existence de la majorité des sites Web dépende de la réclame. Le Web ne mourra pas si demain nous bloquons toutes et tous les réclames. Si j’ai bonne mémoire, la publicité était absente des premiers sites qui m’ont fait aimer le Web, qui m’ont fait découvrir ses potentialités pour la liberté d’expression, le débat d’idée ou le partage de connaissances. Le Web peut parfaitement se passer de la publicité.

« En bloquant la publicité (…) les sites n’auront plus les moyens de publier du contenu original et de qualité ».

Je ne suis pas du tout sûr du lien entre la publication de contenu « original et de qualité » et les sites vivant de la vente de temps de cerveau disponible. Intuitivement (oui, ça n’est pas scientifique), j’aurais plutôt l’impression que les sites tirant l’essentiel de leurs revenus de la publicité sont plutôt des fermes à contenu, qui ne publient rien d’original mais pompent des informations publiées par d’autres en les affublant de titres putassiers pour « faire du clic ».

C’est d’autant plus gênant que l’histoire prouve que la presse indépendante est une condition essentielle pour avoir une démocratie en bonne santé…

Euh, quel est le rapport entre le financement de sites Web par la publicité, une presse indépendante, et la choucroute ? Le Canard enchainé, symbole de la presse indépendante française, a publié il y a quelques jours son bilan financier 2014. Le journal est toujours en excellente santé. Or, il ne me semble pas qu’il se rémunère en infligeant des placards publicitaires à ses lecteurs. Sur le Web, l’équivalent du Canard, Mediapart, est également résolument sans publicité, et n’a pas l’air de s’en porter plus mal. Tout comme des dizaines de médias indépendants qui enquêtent et informent, Basta, CQFD, Fakir, Politis et tant d’autres. Bien sûr, de nombreux sites de diffusion d’information, comme Le Figaro, Libération ou le Monde, affichent de la publicité, et en dépendent en partie. Mais peut-on qualifier ces entreprises, propriété d’oligarques, de médias indépendants essentiels à la démocratie ? Lorsqu’un marchand d’arme ou un quelconque affairiste s’achète des médias, le fait-il afin de garantir l’existence d’un des piliers indispensables de la démocratie, ou pour défendre ses intérêts ? Le ménage en cours dans les médias du groupe Bolloré n’est que le dernier exemple de l’indépendance toute relative des organes contrôlés par des financiers. Par ailleurs, bien conscients de l’importance des médias pour la démocratie, les citoyens français consacrent une partie de leurs impôts à financer la presse. D’après Wikipédia, nous avons versé en 2012 1.2 milliards d’aides à la presse. Le Figaro de Serge Dassault a été subventionné à hauteur de 18.2 millions d’euros. Nous participons donc déjà, via ces aides, via la redevance audio-visuelle, à la survie de la presse (et à l’enrichissement d’éditocrates qui nous crachent à la gueule à longueur de temps). Est-il indispensable, pour sauver la démocratie, de s’infliger également les encarts promotionnels qui débordent de leurs sites ?

Je m’égare un peu, et ne voudrais pas y passer toute la journée, donc, pour conclure, un dernier conseil : bloquez les publicités ! Merci de votre attention.




Aujourd’hui, je dégooglise ma famille !

Dégoogliser le monde ? Oui, mais par où commencer ? Une fois qu’on a soi-même fait un premier effort pour se désintoxiquer des services prédateurs si pratiques, on souhaite qu’autour de soi aussi l’assuétude générale s’atténue et que peu à peu se dessine une autre tendance : que chacun ait la possibilité de reprendre la main sur sa vie numérique.

— Commençons par nos proches !

Telle est la démarche modeste et pragmatique qu’a choisie Nathanaël Leprette. Un drôle de numéro, comme vous allez le découvrir dans l’interview qui suit : une sorte de généreux citoyen du monde, un globe-trotter humanitaire… ce n’est pas un hasard si ce libriste convaincu a aussi retroussé ses manches pour proposer à son cercle familial des adresses mail personnalisées, un hébergement. Et ce n’est sans doute qu’un début…

Chez Framasoft, nous sommes ravis de voir poindre, s’épanouir et se multiplier de telles initiatives, parce que ce sont précisément ces intermédiaires convaincus et disposant d’un minimum de compétences techniques qui peuvent aider le mieux à diffuser la dégooglisation. Comme Nathanaël aujourd’hui, nombreux sont les lecteurs de ce blog qui peuvent franchir le pas ou ont déjà commencé à le faire, seuls ou dans un réseau familial, associatif, professionnel…

Faites-nous part de vos projets et de vos succès de dégooglisation quelle qu’en soit l’échelle, vous donnerez des idées aux autres et le mouvement s’accroîtra d’autant plus vite !

Bonjour Nathanaël, tu fais quoi dans la vie ?

nathanaelLepretteJe suis volontaire un peu partout sur des projets très différents mais je n’ai plus de travail rémunéré depuis trois ans et demi (parfois je paie même pour être volontaire… en Asie, c’est devenu courant). Je vis en autofinancement, sur mes épargnes, un voyage à petit budget donc 🙂

J’ai travaillé dès que j’ai pu pour mettre des sous de côté. J’ai étudié mais n’ai jamais vraiment exercé le métier d’ingénieur en Thermique du Bâtiment et Énergies Renouvelables auquel mon diplôme m’a pourtant formé.

Je voyage pour partager avec mes frères et sœurs du monde entier. Je suis parti pour les connaître. J’avais prévu un tour du monde en trois ans, cela fait 3 mois que les trois ans sont écoulés et je n’ai pas encore complètement quitté l’Asie.

Je retourne bientôt en Iran pour y apprendre pendant un an les langues perses et arabes. J’y travaillerai aussi sans doute un peu. Et puis je veux renouveler mon projet Ecole, World y Camino qui jusqu’alors m’emmenait dans les écoles du monde à la rencontre des enfants pour leur ouvrir une fenêtre sur l’ailleurs et leur proposer de participer à un relais international de dessins d’enfants.

Pour proposer des services comme l’hébergement de pages et la gestion d’adresses mail, il faut tout de même avoir des compétences que tout le monde n’a pas dans ta famille, je suppose. Tu peux nous dire comment tu t’y es pris techniquement pour pouvoir faire cette sympathique proposition à tes proches ?

J’ai eu cette idée dès le début en fait. Je veux dire, dès que j’ai compris ce qu’est Internet et le monde libre. Je suis un visiteur de Framasoft depuis de très nombreuses années (vers 2004 au moins) et j’ai toujours préféré utiliser Firefox et VLC. OpenOffice portait un autre nom à l’époque et Libre Office n’existait pas encore… « Le logiciel libre » est un concept qui m’attirait avant même de bien le comprendre. Le déclic s’est fait à la suite de deux vidéos qui ne parlaient pas de Logiciels Libre mais d’Internet, celle très connue de Benjamin Bayart sur le Minitel 2.0 et celle de Michel Serres, plus confidentielle, Les nouvelles technologies : révolution culturelle et cognitive.

C’est une phrase expliquant qu’une adresse de courriel devrait être du genre quiATquoiDOToù ou quiATnomdecompanieDOTcom qui m’a fait tilt et je me suis dit :

ça serait bien une adresse en @leprette.fr pour ma famille.

Sauf qu’à l’époque je découvrais. J’ai d’abord fait ma propre éducation, je suis passé aux Logiciels Libres, je me suis intéressé au problème des réseaux sociaux (j’ai eu assez tôt un compte Facebook mais l’ai quitté depuis). J’ai apporté mon soutien à un projet qui n’existe plus aujourd’hui qui s’appelait Beedbox (un projet d’autohébergement) que je rêvais de voir travailler en collaboration avec les réseaux sociaux décentralisés comme Movim ou Jappix, ou encore mieux acentralisé comme Newebe.

Le dernier déclic quant aux logiciels libres c’est quand Stéphane Laborde, l’auteur de la Théorie Relative de la Monnaie, fait la remarque dans un de ses podcasts que fondamentalement, ce n’est pas le logiciel qui est libre mas bien l’utilisateur du logiciel qui se voit attribuer des libertés grâce aux licences dites libres. Je crois que le raccourci que nous faisons tous de « logiciel sous licence libre » en « logiciel libre » a ralenti ma compréhension du phénomène et mon adhésion. Si le premier gars qui m’a parlé de Linux quand j’étais ado m’avait parlé des libertés utilisateurs plutôt que des logiciels, j’aurais basculé 5 ans plus tôt, lorsque j’ai quitté Windows pour Mac.
Et puis je me suis lancé. J’ai découvert l’hébergement web en mettant en place mon propre blog ainsi que celui de ma mère qui raconte ses histoires d’expat’ avec beaucoup d’humour.

Après des déboires avec HostPapa, j’ai migré chez OVH en début d’année et j’en ai profité pour acheter le nom de domaine leprette.fr en le gardant sous le coude pour plus tard. Le plus tard est venu quelques mois après, quand j’ai résidé quelque temps en Arabie Saoudite. C’est là que j’ai travaillé sur ce projet, en mai 2015.

lpretteOffre1

Ils sont nombreux, les Leprette potentiellement intéressés par ta proposition ? Et combien ont déjà dit banco ?

Les Leprette ne sont pas bien nombreux, une grosse centaine je crois et si je limite à ma famille (ceux qui ont reçu le message au sujet de leprette.fr), une quarantaine peut-être. Ensuite, combien prendront connaissance de l’offre, comprendront sa justification et son intérêt, pour eux avant tout, mais aussi pour l’Internet dans son ensemble, je l’ignore, mais sans doute très peu dans un premier temps. Peut-être qu’à force de recevoir petit à petit des courriels en xxx@leprette.fr, ils commenceront à se poser des questions, à aller lire la page web, etc.
Aujourd’hui, nous sommes 6 à utiliser une adresse en leprette.fr.
lepretteOffre2

Tu n’as pas un peu peur que ça ne te donne beaucoup de boulot : entre expliquer, dépanner, aider à installer, initier, encourager à franchir le pas, accompagner…

Je suis prêt à prendre le temps nécessaire pour les accompagner et les aider. Ils savent que, si je n’ai ni compte facebook, ni twitter etc, je réponds toujours à mes emails le plus rapidement possible. Certains savent même que je réponds à des invitations skype.

J’offre à ma famille un moyen simple de participer à la décentralisation dans l’Internet mais j’ai choisi pour l’heure la simplicité, j’ai pris un hébergement partagé chez OVH. Le jour où je serai sédentaire avec une connexion qui le permet, je me lancerai le défi de tout autohéberger.

Les explications des services sont toutes sur la page web leprette.fr. Il me manque deux inscrits pour changer de formule chez OVH et simplifier les explications en omettant mes problèmes de MYSQL et FTP…

Pour l’heure il n’y a donc aucun problème d’installation ni, à priori, de dépannage.

Et ensuite ? Que proposeras-tu à moyen ou long terme si tout se passe idéalement ? Élargir la base d’utilisateurs au-delà du cercle familial, proposer des solutions de réappropriation de ses données plus complètes (owncloud, cozy…) ? Autre chose ?

Le futur est très excitant. J’aimerai vraiment un jour pouvoir m’autohéberger mais ce n’est pas pour tout de suite et ça semble compliqué, surtout concernant le serveur de courriel. Les courriels risquant d’être facilement considérés comme spam (j’ai lu ça un jour, je n’ai jamais poussé plus loin, on verra).

Idéalement, ce serait top que chaque membre puisse même s’autohéberger chez lui et que je puisse administrer à distance leur « leprettebox » en cas de problème, mais aujourd’hui ce n’est pas pensable. Je ne sais même pas d’ailleurs si je peux rediriger des sous-nomdedomaine vers une adresse ip spécifique, celle de la box d’un membre de ma famille, et encore moins ce qu’il en serait pour les emails…

kittens
Des chatons tout excités à l’idée de fournir un jour des lepretteBox !

En attendant que tout cela soit réalisable, je continuerai avec un système de centralisation familiale avec un serveur leprette.fr, que j’espère un jour être « dédié » et qui hébergerait des cozy-cloud. Du côté de chez kimsufi j’ai trouvé des offres viables pour moi économiquement si je demande à chacun 5€/mois (l’offre d’aujourd’hui, email et espace web est à 5€/an). le KS-3 pour un minimum de 4 utilisateurs et jusqu’à 8 utilisateurs. Pour cette offre là, je n’ai pour l’heure que deux intéressés, ce qui n’est pas suffisant pour démarrer un serveur. Il m’en faudrait deux de plus pour qu’on puisse se lancer. Si cela devait arriver, alors deux questions se poseront à moi, quid du backup ? (il me faudrait un KS-1 de Kimsufi avec 2To de DD mais ils n’acceptent pas de changer leurs offres), et surtout, comment faire pour gérer les courriels ? Je suppose que je ne pourrais pas continuer avec l’offre d’OVH, il faudra les héberger sur le même serveur, ce sera à moi d’apprendre…

Je donne des coups de main de temps à autre à cozycloud. Je ne perds pas l’idée d’un réseau social familial. J’espère y voir arriver un jour Newebe ou Movim bien sûr, et même d’y installer une instance de LibreOffice online pour qu’on puisse travailler sur ses propres documents directement depuis son cozy, rêvons un peu !

Enfin, il y aura bien sûr un serveur de crypto-monnaie Ucoin pour aider les membres de ma famille à prendre en main leur participation à l’économie du libre en utilisant une Monnaie Libre, un dividende universel, dont la création monétaire est distribuée (pas de préfixe « re ») sous la forme d’un revenu de base entre tous les membres (tel que décrit par la « Théorie Relative de la Monnaie »).

[ Placement de produit : ci-dessous pub gratuite pour Cozy ]

Une des utilisatrices de @leprette.fr et qui utilise aussi un cozy (je l’ai inscrite pour l’heure à la béta de cozy-cloud) m’a confié « Je suis super contente, tu ne peux pas savoir, un cadeau de Noël quand ce n’est pas Noël ». Elle m’expliquait récemment :

« Je communique assez peu sur internet mais je ne fais pas assez attention quand j’utilise l’internet, tout en étant tellement incapable de me protéger. Je supporte très mal l’idée que des inconnus puissent s’introduire dans mon univers et dans ma vie privée. Je veux que l’on ne puisse ni identifier ni influencer mes enfants ou mes choix. Bref je vais pouvoir enfin faire une page perso et partager avec mes amis.

Avec le métier que je fais, on nous demande une totale neutralité de parole et d’opinion, le respect des coutumes et usages du pays hôte, et une stricte confidentialité de nos données. J’ai besoin d’un accès sécurisé à mes données quand je voyage, le cloud c’est une bonne idée, c’est pratique, mais, jusqu’ici je n’avais pas confiance. Souvent, je ne peux pas me permettre de me promener avec un ordi ou un disque dur qui contienne trop d’informations sur moi, mes livres, mes musiques, mes courriels… Donc j’ai bien regardé le cozy cloud et je suis définitivement intéressée. Tu me diras comment faire ? »

succesLeprette

Avec cozy, elle aura tout ce dont elle a besoin sauf l’accès à ses livres. Pour l’heure, il manque une application de lecture d’ebook. J’en parle ici, j’ai même trouvé un ebook reader en node.js en développement histoire de ne pas partir de zéro. Si quelqu’un dans le coin savait l’adapter à cozy, ce serait super cool !

Tu peux compter sur nous pour transmettre ces suggestions au cozygang. Comme il est de tradition dans nos interviews, je te laisse le mot de la fin…

Il me semble que j’ai oublié une évidence… le jour où Leprette.fr sera sur un serveur dédié, des petits services à la framasauce fleuriront. Car derrière chaque Français se cache un paysan. Je cultiverai le jardin Leprette.fr en suivant les tutos de Framasoft !

 

Crédit photos




Action politique et biens communs en Catalogne

Le mois dernier, les médias ont abondamment montré et commenté la victoire électorale des militants de la mouvance « Indignés ». Ils ont en revanche plus parcimonieusement évoqué le programme, l’esprit et les convictions des responsables qui vont bientôt être aux commandes de Barcelone.
Le témoignage de l’universitaire Mayo Fuster Morell suggère que les valeurs et les pratiques du Libre ne sont pas étrangères à cette victoire, ce qui pourrait — rêvons un peu — servir d’exemple à d’autres pays européens confrontés à l’austérité. Ce relatif investissement du Libre dans le champ de la politique a de quoi nous réjouir : voilà longtemps que le Libre n’est pas seulement du code ou de l’art. Culture et objets libres gagnent aussi du terrain désormais. À Barcelone, on en est peut-être au libre citoyen.

Les communs à la conquête de Barcelone !

Une victoire de David sur Goliath

Par Mayo Fuster Morell
Article original : http://www.onlinecreation.info/archives/1135
Traduction Framalang : Piup, Obny, sebastienc, line, goofy, r0u

mayoFustellLe 24 mai, les candidats de la liste « Barcelone en commun » (Barcelona en Comú) ont remporté les élections municipales en réunissant sur leur nom un quart des suffrages exprimés. « Maintenant Madrid », une candidature aussi liée à l’éthique des communs, est devenue une force clé pour la gouvernance de la ville de Madrid. Ce ne sont que deux des nombreuses surprises survenues hier lors des élections municipales et régionales en Espagne. Ces villes pourraient donner le signal d’un changement politique plus vaste. Les résultats électoraux ont ouvert la voie à un scénario optimiste pour une chance de victoire aux élections nationales à la fin de cette année, ou même à un mandat plus ambitieux encore, une coalition européenne des pays du Sud contre l’austérité.

Irruption de candidatures citoyennes

Le Parti populaire et le Parti socialiste restent les principaux partis politiques, comme c’est le cas depuis la transition démocratique de la fin des années 70, mais le pouvoir politique habituel a encaissé une grosse claque. La part de ces deux formations a chuté de 65 % lors des précédentes élections il y a 4 ans à 52 % au niveau national. Le renouvellement ou plutôt le changement des forces politiques en présence a été provoqué […] par la création de nouveaux partis : tel est le cas pour les « Citoyens », qui se sont imposés avec force comme un nouveau protagoniste de poids dans la vie politique. Cette irruption des candidatures citoyennes a été aussi impressionnante que rapide. Elle a contribué à l’augmentation d’au moins 5 points de la participation au scrutin.

Seulement quatre ans après que les Indignés du mouvement du 15 mai se sont mobilisés pour « une vraie démocratie maintenant » en opposition aux hommes politiques « qui ne nous représentent pas » et à la « dictature des marchés », l’impact de leur mouvement est désormais si visible qu’il ne peut plus être démenti. Les listes de candidature sont pleines de personnes venant du réseau des mouvements sociaux. Pour en donner une idée, Ada Colau, militante connue pour ses actions contre l’expulsion des activistes et des squatters va être le prochain maire de Barcelone. C’est l’ironie de l’Histoire : une militante anti-expulsion « expulse » les politiciens traditionnels de la mairie. Si l’on regarde la trajectoire des leaders du mouvement, on peut également dire que le cycle a démarré avec le mouvement anti-mondialisation (l’origine de Colau ou de Pablo Iglesias, le leader de Podemos/Yes we can), mais qu’il a réussi à mobiliser une fois encore la génération qui s’est battue contre le régime de Franco pour ramener la démocratie en Espagne (c’est de là que vient Manuela Carmena de « Madrid maintenant », une juge en retraite et très probable future maire de Madrid).

En ce qui concerne leurs programmes, la première chose à souligner est la place centrale réservée aux plans d’urgence pour secourir les citoyens qui étouffent sous les politiques d’austérité, tels que la mise en œuvre de différentes variantes d’un revenu de base, et la révision de la privatisation des services publics. Un code d’éthique existe pour contrôler les personnels politique en ce qui concerne la transparence, la fin de leurs privilèges (par ex. une limitation des indemnités à 29 000 € par an) et leur engagement à soutenir les initiatives citoyennes.

Au-delà du poids politique, c’est fascinant d’un point de vue organisationnel. En moins d’un an et sans aucun lien avec les mondes politique, économique, judiciaire ni avec le pouvoir médiatique existant, des citoyens ordinaires joignant leurs forces ont été capables de conquérir des positions importantes dans le système politique. Une victoire de David contre Goliath. Pour cela, ils ont associé le financement participatif, les programmes collaboratifs, les assemblées de voisinage, et le vote en ligne. Ils ont aussi, comme le leader de Podemos, bâti leur succès sur la popularité obtenue par leur propre programme télé.

Que disait la chanson ? « Prenons d’abord Barcelone, puis nous prendrons Manhattan ? » En effet, certains travaillent là-dessus. Une délégation d’activistes de New-York a parcouru l’Espagne pendant la campagne afin d’apprendre de cette expérience et « d’exporter » un tel soulèvement du peuple dans leurs propres villes. Il y a de nombreuses leçons et idées à en tirer. Voici quelques sources d’inspiration que je vous suggère d’envisager, pour démarrer un processus similaire dans d’autres pays.

L’effet CC

Un des combats citoyens (surtout chez les jeunes) qui a précédé et ensuite nourri le mouvement du 15 mai a vu le jour en réaction contre une loi imposée par le gouvernement, réprimant le partage en ligne et la culture libre (Loi Sinde de décembre 2010). Dans une large mesure, ce mouvement de culture collaborative sur le Web a réagi comme le fit Lessig en 2008, qui est passé des « Creative Commons » à « Change Congress » (« Changeons le Congrès ») . Au départ concentré sur les politiques sectorielles en lien avec la propriété intellectuelle et la régulation d’Internet, il a évolué pour appréhender le fait que défendre ces libertés est nécessaire pour transformer le système politique dans son ensemble. Au cours de cette évolution, les modèles de la culture libre et du travail collaboratif sont devenus une voie à suivre pour organiser la protestation politique.

[…]

En somme, les secteurs ayant de l’expertise dans les méthodes de co-création et coopérant grâce aux ressources en ligne ont un grand potentiel politique.

 

Le modèle « d’innovation cachée » de Wikipédia

Même s’il existe de grandes innovations dans les structures, il faut que le discours soit « simple » voire « strict ». Mako Hill a étudié comment Wikipédia a pu réussir en 2001 alors que d’autres tentatives de création d’encyclopédie en ligne avaient échoué. Une de ses conclusions est que Wikipédia a adopté un concept très simple à comprendre, tout en étant très innovant dans son fonctionnement. Il s’est fermement accroché à la notion traditionnelle d’encyclopédie : une idée vieille de plusieurs siècles qui est simple à comprendre. De la même façon, on peut dire la même chose ici. Le discours qui a pu faire grossir les votes en faveur d’un profond changement politique en Espagne n’est ni avant-gardiste ni particulièrement innovant, mais il est populaire, compréhensible par chacun et relié aux besoins fondamentaux. Quelques points se rapprochent de la démocratie radicale proche de Laclau et Mouffe. C’est un « combat » de bon sens, pour obtenir une hégémonie. Pendant ce temps, des modèles plus avant-gardistes, comme les nouveaux partis ayant un discours « innovant » et une identité sur Internet tels le Parti pirate ou le Parti X, sont pertinents en terme de conception d’organisation mais ne parviennent pas à mobiliser les votes du grand public (aux dernières élections européennes, le parti X a recueilli 0,64 % des voix). En somme, il faut des méthodes innovantes associées à un discours pour le peuple, en lien avec un programme portant sur les besoins fondamentaux.

La base et le sommet

Ces principes d’organisation ne sont ni du sommet vers la base, ni de la base vers le sommet, ils sont « de la base et du sommet ». Pour être plus précis : « un sommet facilement identifiable travaillant pour une base disséminée ». Ces forces s’appuient sur des leaders forts, mais aussi sur le développement d’une base collaborative et libre d’agir. Un concept-clé est le « débordement ». Il se réfère à la capacité de perdre le contrôle du processus, et à la liberté d’agir laissée à ceux qui s’engagent dans le processus. L’augmentation de la créativité des actions et des soutiens hors du contrôle du « parti » semble être un des points pertinents dans le succès de ces méthodes (c’est le cas pour le mouvement de création graphique autour des candidatures). De plus, il n’existe pas de frontière précise entre qui est membre du « parti » et qui ne l’est pas, il n’y a pas de rituels pour dire qui est dedans et qui n’y est pas, c’est l’implication personnelle au travers de l’action qui permet d’être membre. Les leaders ont tout de même une présence forte, leurs visages sont devenus des symboles-clé du processus (c’est-à-dire que sur le bulletin de vote ne figure pas le logo du parti mais la photo du leader). Des symboles visuels sur un Internet visuel mais, même avec Internet, la télévision reste toujours un moyen-clé de communication. En particulier, l’association des leaders et de la télévision est un moyen-clé de communication vers les milieux populaires, ceux qui ne sont pas touchés par les mouvements sociaux de la classe moyenne relayés par Internet. La crédibilité des leaders se construit sur leur capacité à communiquer et sur un engagement social de longue date. Les candidatures féminines – peu importe leur âge – (les femmes sont en tête de liste dans des villes comme Barcelone, Madrid et Valence) ont une plus grande capacité à augmenter les votes car elles transmettent l’idée de changement et dirigent de façon plus démocratique. Comme le dit le prochain maire de Barcelone, Ada Colau (une Zapatiste d’origine) : « conduite par l’obéissance aux ordres du peuple ». La position du leader est construite « pour » la base et non « au-dessus » d’elle. En somme, un leader social et très reconnaissable, mais une participation disséminée et non contrôlée.

Une fois encore, ce ne sont que trois visions « impressionnistes » du processus d’émancipation du peuple en Espagne. Il reste encore beaucoup à venir. 2015 est l’année du changement, cela continuera donc. En attendant, il est temps de fêter cela. Je vous laisse avec la rumba « run run » chantée par le prochain maire de Barcelone :

defendreBienCommun
Ci-dessus, Ada Colau, dans un clip de campagne très joyeux. Le refrain de la rumba dit : « défendre le bien commun ». Pour voir et entendre la vidéo sur YouTube : https://www.youtube.com/watch?v=wB6NDWKDyKg

 

Ce texte est diffusé avec la licence d’origine : CC BY-NC-SA 2.5 IT