De quelques causes réelles de l’effondrement des Majors

Hryck - CC byVoici un article d’Ars Technica qui parle d’un livre qui n’a que peu de chances d’être traduit.

Il nous a semblé pourtant intéressant de vous le proposer ici en ces temps d’Hadopi dans la mesure où la thèse est d’expliquer que la crise de l’industrie musicale cherche ses causes bien en amont du problème du « piratage » et du P2P.

N’oublions pas en effet par exemple que lorsque nous sommes passés du vinyl au CD, les prix ont plus ou moins doublé[1] alors que la part réservée aux artistes n’a elle pas bougé !

Edit : Cet article a été reproduit dans le journal Vendredi du 15 mai 2009 (image scannée).

Crever le p***** d’abcès : comment le numérique a tué la musique à gros sous

"Lancing the f***ing boil": how digital killed Big Music

Nate Anderson – 24 mars 2009 – Ars Technica
(Traduction Framalang : Olivier et Don Rico)

Dans son livre Appetite for Self-Destruction: The Spectacular Crash of the Record Industry in the Digital Age (NdT : Envie d’auto-destruction : la chute spectaculaire de l’industrie du disque à l’ère du numérique), Steve Knopper se penche sur le music business. Ars se plonge dans le livre, qui affirme que l’effondrement des majors n’est pas (essentiellement) dû au P2P.

Contrairement aux idées reçues, même les grands pontes du music business ont le sens de l’humour, comme cela transparaît souvent dans le nouveau livre de Steve Knopper, Appetite for Self-Destruction: The Spectacular Crash of the Record Industry in the Digital Age. Dans l’histoire que raconte Knopper, la cause du déclin des maisons de disques n’est pas seulement la technologie ou les programmes de partage ; c’est surtout une question de personnalités, et son livre regorge d’anecdotes dépeignant les dirigeants des majors.

En voici une que l’on trouve vers la fin du livre :

La tension autour du SDMI atteignit un pic à la fin août, à la Villa Castelletti, un somptueux hôtel dans un vignoble vallonné à une trentaine de kilomètres de Florence. Tous les cadres étaient réunis dans une cour de la villa, au loin, on entendait de temps à autre des coups de fusil destinés à éloigner les oiseaux des vignes. La réunion suivait son cours et Al Smith (Vice-président de Sony Music), comme à son habitude, était en rogne, en désaccord avec une proposition du président de session, Talal Shamoon. Finalement, Smith quitta la réunion. À peine trois secondes plus tard, un énorme Pan ! retentit. Les membres de la SDMI se regardèrent fébrilement. Shamoon dit alors du tac au tac : « Je crois qu’une place vient de se libérer chez Sony Music ».

C’est amusant, mais aussi assez navrant – pas à cause des oiseaux et des fusils, mais parce que cette réunion se tenait dans le cadre de l’extrêmement coûteuse Secure Digital Music Initiative, que les majors ont initiée en 1998 pour coller des DRM sur la musique. Ces grandes réunions se sont tenues partout dans le monde (dans des lieux comme la Villa Castelletti qui sont loin… d’être donnés) pour finalement accoucher d’un procédé de tatouage numérique soi-disant "inviolable". Le groupe a alors lancé un concours et invité des équipes à cracker SDMI ; le professeur d’informatique Ed Felten a rapidement mis à mal quatre procédés de tatouage numérique différents. La SDMI la ensuite menacé pour le dissuader de rendre ses résultats publiques, le professeur a alors riposté en les attaquant en justice, et pour finir toute l’affaire a été finalement abandonnée. Tout comme la SDMI.

Si l’industrie du disque avait abordé la musique numérique comme elle a abordé le CD, sans cette obsession pour les protections anti-copies, en acceptant un nouveau format et en amassant de l’argent à la pelle, elle se porterait peut-être encore pour le mieux. Mais l’industrie en a décidé autrement, et, comme le raconte Knopper, elle en a payé le prix.

Bienvenue dans la jungle

L’industrie du disque n’est pas une industrie comme les autres et ne l’a jamais été. Prenons par exemple, juste pour illustrer, une anecdote à propos du label Casablanca dans les années 70 :

Danny Davis, le gars qui s’occupait de la promo, se souvient d’une fameuse discussion téléphonique avec un programmeur radio pendant qu’un collègue, muni d’un club de golf, détruisait tout sur son bureau avant d’y mettre le feu, et ce n’était pas une hallucination due aux drogues.

« On pouvait s’attendre à tout, chez Casablanca », raconte Bill Aucoin, qui était alors manager du groupe de rock le plus connu chez Casablanca, KISS. « Nos premiers bureaux étaient en fait une maison avec un cabanon à côté de la piscine. Dans ce cabanon, à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit, que vous fussiez promoteur de disque ou DJ, vous pouviez vous envoyer en l’air quand vous le vouliez. »

L’industrie a appris à frapper des hits (et donc de l’argent) dans les années 60 et 70, mais c’est le CD qui a fait des maisons de disque les monstres que l’on connait. Knopper consacre la moitié de son livre à expliquer le boom du CD, et n’évoque Napster qu’au bout de 113 pages. C’est parce que, de son point de vue, on ne peut comprendre la chute des labels à l’ère de la distribution numérique qu’en étudiant le précédent changement de format majeur et les énormes profits qu’il a apportés à l’industrie.

Si vous avez suivi Battlestar Galactica récemment, ou si vous lisez Nietzsche, vous connaissez les théories traitant de la nature cyclique de l’Histoire, et c’est sous cet angle que Knopper présente son histoire. À l’arrivée du CD, nombreux furent les dirigeants des maisons de disque à le détester. L’un d’entre eux raconte, même maintenant : « Je pensais que (les ingénieurs qui l’avait produit) aurait pu trouver un moyen d’éviter le piratage ».

Mais avec du recul, ces petits disques de plastique ont été une véritable mine d’or. Les gens ont adoré ce nouveau format, et nombreux furent ceux qui rachetèrent toute leur collection en CD, et les prix de la musique enregistrée grimpèrent en flèche. Comment l’industrie a-t-elle répondu à cette aubaine ? En entubant les artistes.

Knopper raconte comment les labels ont écrit de nouveaux contrats pour ce nouveau format, des contrats où figuraient des « réductions d’emballage » et des « indemnités de marchandise gratuite » plus élevées. En plus de ces déductions, les taux de royalties touchés par les artistes ont été réduits. « Après que les labels ont inventé ces nouvelles déductions », ajoute Knopper, « l’artiste moyen touchait 81 cents par disque. À l’époque des vinyles, les artistes touchaient un peu plus de 75 cents par disque. Donc les labels vendaient les CD huit dollars plus cher que les vinyles, mais les artistes ne gagnaient que six cents de plus par album. »

Ces pratiques ont alimenté un boom du CD qui a duré de 1984 à 2000, date à laquelle le sol a commencé à se dérober sous les pieds de l’industrie. Après deux décennies de musique à prix d’or, et d’investissement minimum pour des singles de bas-étage, les labels se sont engraissés en pondant à la chaîne des albums ne contenant que deux tubes. Les autres chansons pouvaient être médiocre, mais les fans qui cherchaient un tube particulier achetaient l’album quoiqu’il arrive (j’en veux pour exemple le fait que j’ai un jour eu en ma possession un exemplaire de l’album Tubthumper de Chumbawamba).

Le succès de Napster a bien montré à l’industrie du disque que le nouveau format majeur était arrivé. Avec tout le blé qu’ils s’étaient fait lors du précédent changement de format, on aurait pu croire que l’industrie serait enchantée de voir débarquer un nouveau système à même de faire consommer plus de musique à plus de fans encore plus vite. Leur priorité numéro 1 aurait dû être de faire de la musique numérique leur nouveau CD, mais ça ne s’est pas passé comme ça. L’industrie a simplement souhaité la mort du numérique.

Une spirale infernale

Le nombre d’interviews que Knopper a réalisées pour le livre est impressionnant ; elles lui permettent de mettre à nu les personnalités qui se cachent derrière l’industrie du disque. Par conséquent, il a aussi à sa disposition de nombreuses anecdotes aussi obscures qu’instructives, comme celle du dirigrant de Liquid Audio (vous vous souvenez de ça ?), Gerry Kearby. Kearby voulait créer l’anti-Napster, un distributeur de musique en ligne légal, qui utiliserait donc des DRM. Mais au moment de négocier avec les labels, personne n’a vraiment voulu s’engager.

Kearby raconte à Knopper l’instant où il a compris que ça ne marcherait jamais. « Un jour, dans un moment de pure sincérité, (un représentant de Sony) m’a dit, « Écoute Kearby, mon rôle, c’est de te couler. Nous ne voulons pas que tu réussisses, à aucun prix. » Certains étaient plus curieux que les autres, pas de doute là-dessus. Mais, au fond, on aurait dit des vendeurs de carrosses cherchant à repousser l’avènement de la voiture aussi longtemps que possible. »

Un des défauts de ce livre, c’est que cette triste histoire d’incompétence numérique est déjà largement connue. Appetite for Self-Destruction n’apporte rien de nouveau pour ceux qui suivent les sites comme Ars Technica. En voici un résumé : après l’affaire Napster, les labels ont commencé à faire joujou en traînant les pieds avec leurs propres services tout pourris (si je vous dis PressPlay ?) mais ne se sont jamais sérieusement mis à la distribution numérique. Il a fallu que Steve Jobs et l’iPod propulsent Apple aux commandes, une position qui leur a permis de lancer l’iTunes Music Store avec le contenu des maisons de disques et d’offrir les chansons pour 1$. Les DRM, que les labels ont imposés, ont assis la position de leader d’Apple sur le marché de la musique aux USA (ils refusaient de mettre leur système Fairplay sous licence, et l’iPod était le lecteur le plus vendu). Les labels n’ont compris que tardivement ce qui s’était passé, après quoi ils ont tenté de mettre des bâtons dans les roues d’Apple en permettant à des magasins comme Amazon de vendre de la musique sans DRM. Il parle aussi un peu de Kazaa, du fiasco que fut le rootkit de Sony BMG, et de la futilité de la campagne de poursuite lancée par la RIAA.

Mais pour l’essentiel des ces informations, on les trouve ailleurs, et pas seulement sous forme d’articles sur les différents blogs ou sites d’information qui ont couvert les évènements. Des auteurs comme Steven Levy dans le livre The Perfect Thing (iPod) ou Joseph Menn dans All the Rave (Napster) abordent les mêmes sujets, mais de manière bien plus détaillée.

Mais même si Appetite for Self-Destruction ne nous sert essentiellement que du réchauffé, ce qui le différencie, c’est l’accent qu’il met sur les personnes, un aspect trop souvent ignoré par les articles techniques. Après lecture, vous n’éprouverez certainement aucune compassion pour les maisons de disque, mais vous comprendrez mieux les grands pontes qui tiraient les ficelles, et les choix qu’ils ont fait à la lumière de leur propre histoire dans l’industrie de la musique.

Knopper réussit aussi très bien à établir un parallèle entre l’épisode Napster/iTunes/P2P et les grandes années du CD (même s’il en résulte un chapitre long et parfois fastidieux sur les boys band qui semble secondaire par rapport au sujet traité). C’est délibéré, et il le fait pour étayer sa propre thèse comme quoi la majorité des problèmes que rencontrent les maisons de disques avec la musique dématérialisée prennent leurs racines dans ces deux décennies passées à s’engraisser sur les ventes de CD. Ils n’étaient tout simplement pas prêts ou pas désireux de s’adapter à un nouveau monde où la musique s’achète à la carte et où les morceaux sont moins chers.

Knopper cite Robert Pittman, co-fondateur de MTV. « Voler de la musique, ce n’est pas tuer la musique », d’après Pittman. « Quand je discute avec les gens de l’industrie de la musique, ils admettent pour la plupart que le problème est surtout qu’ils vendent des chansons et plus des albums. Le calcul est vite fait. »

« Je me suis rendu compte que dans le milieu, nous étions tous à côté de la plaque », confiait Barney Wragg, cadre chez Universal après avoir quitté le label en 2005 (Wragg est entré l’année suivante chez EMI comme responsable de la musique numérique).

Et James Mercer, chanteur du groupe indépendant the Shins, y va encore plus franchement. « Vous voyez tous ces articles à propos de la débacle de l’industrie du disque », dit-il. « Quand on se penche sur toutes les erreurs commises, c’est un peu comme crever ce putain d’abcès et le désinfecter. Merde, c’est vraiment pas une catastrophe pour les groupes. »

Le piquant de ces citations et l’énorme travail d’interview réalisé font de Appetite for Self-Destruction une lecture passionnante. Pas grand chose de neuf pour les inconditionnels de technologie ou les fanas de droit, mais il résume bien quarante ans de personnalités et d’histoire de l’industrie de la musique pour qui veut comprendre comment l’industrie en est arrivée là.

Notes

[1] Crédit photo : Hryck (Creative Commons By)




La Free Software Foundation récompense les Creative Commons

John Sullivan - CC by-saAnd the winner is… Chaque année la Free Software Foundation (ou FSF) organise une petite cérémonie de prix pour récompenser un projet et une personnalité qui auront fait chacun dans leur domaine avancer « la cause ».

C’est ainsi que les années précédentes ont été primés des projets aussi prestigieux que Groklaw ou Wikipédia, et des personnalités qui font autorité comme Miguel De Icaza, Guido van Rossum, Alan Cox, Theo de Raadt ou encore Lawrence Lessig, l’inspirateur des… licences Creative Commons.

Et pour 2009, dans la catégorie personnalité de l’année… j’ai nommé… Wietse Venema (créateur de Postfix), et dans la catégorie projet de l’année… zut, l’enveloppe ne veut pas s’ouvrir… les Creative Commons, dont on salue l’influence sur cette culture libre en mouvement qui n’en pas fini d’essaimer.

Vous trouverez ci-dessous la traduction d’un extrait du communiqué de la FSF annonçant l’événement[1].

Wietse Venema et les Creative Commons lauréats des Free Software Awards de 2008

Wietse Venema and Creative Commons announced as winners of the annual free software awards

FSF – 24 mars 2009 – Boston, Massachusetts, USA
(Traduction Framalang : Don Rico)

La Free Software Foundation (FSF) a annoncé les résultats des Free Software Awards pour l’année 2008 à l’occasion de la conférence LibrePlanet, qui rassemble le monde GNU/Linux et s’est tenue les 21 et 22 mars au Harvard Science Center de Cambridge, Massachusetts.

Les Creative Commons ont été distingués dans la catégorie Projects of Social Benefit (NdT : Projet d’intérêt général), et Wietse Venema dans la catégorie Advancement of Free Software (NdT : Prix pour le développement du logiciel libre). La cérémonie était présentée par le fondateur et président de la FSF, Richard Stallman.

Chaque année, la FSF décerne le prix pour les Projets d’intérêt général à une initiative qui profite de façon intentionnelle et significative à la société dans son ensemble grâce au logiciel libre, ou par la mise en pratique des idées du mouvement du logiciel libre.

Depuis leur création en 2001, les Creative Commons ont permis la constitution d’un corpus sans cesse croissant de travaux scientifiques, pédagogiques et artistiques que chacun peut partager et utiliser comme base de travail. Les Creative Commons ont également contribué à alerter l’opinion sur les méfaits des régimes de copyright sans cesses plus restrictifs. Richard Stallman a remis le prix des Projets d’intérêt général à Mike Linksvayer, le vice-président des Creative Commons.

À cette occasion, ce dernier a déclaré : « C’est un immense honneur. Ce sont les Creative Commons qui devraient remettre un prix à la Free Software Foundation et à Richard Stallman, car sans eux les Creative Commons ne pourraient exister. »

En recevant cette récompense, les Creative Commons rejoignent au palmarès des FSF Awards Groklaw (2007), Sahana (2006), et Wikipédia (2005).

Notes

[1] Crédit photo : Matt Hins (Creative Commons By-Sa)




Cent millions de photos sous licence Creative Commons sur Flickr

Joi - CC byCertains lecteurs me demandent parfois comment je m’y prends pour sélectionner les photographies illustrant les billets du Framablog. Il n’y a pas de secret. Je les sélectionne généralement à partir de cette page du site Flickr en restreignant la recherche aux licences Creative Commons (avec « autorisation d’utilisation commerciale » et « autorisation de modifier, adapter ou développer le contenu »). Exemple avec les tags sky, africa et sad.

Étant un adepte de Flickr depuis quelques années maintenant, j’ai pu observer la qualité croissante des photographies sous licence Creative Commons de l’annuaire, qualité qui allait de pair avec la quantité. Aujourd’hui le blog des Creative Commons est fier de nous annoncer que l’on a dépassé le cap symbolique des cent millions d’images, en offrant à quelques généreux donateurs le très beau livre de portraits de Joi Ito, photographe et accessoirement président actuel de Creative Commons[1].

Fêtons les 100 millions de photos sous Creative Commons de Flickr avec le livre Free Souls de Joi Ito

Celebrate 100 Million CC Photos on Flickr with Joi Ito’s Free Souls

Fred Benenson – 23 mars 2009 – Creative Commons Blog
(Traduction Framalang : Poupoul2)

Durant les dernières semaines, nous avons gardé un oeil attentif sur le nombre de photos de Flickr placées sous licence Creative Commons. Nos calculs nous montrent que Flickr a dépassé le cap des 100 millions de photos sous licences CC quelque part pendant la journée du samedi 21 mars 2009. A la date de lundi (NdT : 23 mars 2009), 100 191 085 photos sous licence CC étaient recensées.

Ces photos ont été utilisées dans des centaines de milliers d’articles de Wikipédia, de messages postés sur des blogs, et même dans des articles de presse traditionnelle; autant d’exemples de créations nouvelles qui n’auraient autrement pas vu le jour sans nos licences publiques standardisées. L’intégration des licences CC dans Flickr est à la fois l’une des premières et l’une des meilleures, non seulement elle permet aux utilisateurs d’associer chaque photo à une licence différente, mais Flickr propose une incroyable page de découverte par licence CC, qui répartit les recherches de matériel licencié CC par licence. Vous pourrez par exemple visualiser toutes les photos de New York sous licence CC Paternité, triées par niveau d’intérêt.

Afin de fêter dignement ce jalon historique de Flickr, nous offrons à douze de nos donateurs à 100$ une copie du livre Free Souls de Joi Ito (président de Creative Commons). Toutes les photos de Joi ne sont pas placées sous la plus permissive de nos licences, Paternité, mais elles sont également disponibles au téléchargement sur Flickr. En donnant à Creative Commons aujourd’hui, vous apportez votre support au travail que nous réalisons et vous recevrez l’une des 1024 copies du livre de Joi en édition limitée.

Notes

[1] Crédit Photo : Joi Ito (Creative Commons By)




The Copyright Song

Daphné Kauffmann - The Copyright SongNina Paley est la femme à tout faire du film d’animation Sita Sings the Blues, que nous évoquions récemment dans un billet annonçant aussi bien sa « libération » que ses rocambolesques déboires avec les ayant-droits de la bande musicale.

Elle nous offre ici un petit refrain tout à fait charmant qui, sait-on jamais en ces temps d’Hadopi, pourrait bien devenir aussi célèbre et fédérateur que la Free Software Song de Richard Stallman !

Vous en trouverez les paroles ainsi que leur traduction ci-dessous. Et dans la mesure où Nina nous invite à créer nos propres interprétations de sa chanson, j’ai mis mon écrivain, blogueuse, musicienne de sœur à contribution pour initier le mouvement. Sous l’œil bienveillant (et parfois un peu décalé) de sa webcam artisanale, elle nous en propose trois « copies » : un version « soft », une version « hard » et une version française de sa composition.

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The Copyright Song

URL d’origine du document

Nina Paley – 17 mars 2009 – Licence Creative Commons By-Sa
(Traduction et sous-titrage Framalang : Joan et Yostral)

Copying isn’t theft
Stealing a thing leaves one less left
Copying it makes one thing more
That’s what copying’s for.

Copying isn’t theft
If I copy yours, you have it too
One for me and one for you
That’s what copies can do.

If I steal your bicycle,
You have to take the bus
But if I just copy it,
There’s one for each of us!

Making more of a thing
That is what we call copying
Sharing ideas with everyone
That’s why copying…
…Is fun!

Traduction

Copier n’est pas voler
Voler une chose en enlève une
La copier en rajoute une
C’est à ça que sert la copie.

Copier n’est pas voler
Si je copie la tienne, tu l’as toujours
Une pour moi et une pour toi
C’est le pouvoir des copies.

Si je vole ton vélo,
Tu devras prendre le bus
Mais si je ne fais que le copier,
On en aura un chacun !

Multiplier une chose
C’est ce qu’on appelle copier
Partager ses idées avec tout le monde
C’est ce qui fait que copier…
…Est fun !

Premiers remix par Daphné Kauffmann

Version « soft » :

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Version « hard » :

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Version française :

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Copier n’est pas voler
Si on me vole, je n’ai plus rien
Si on copie, je n’ai pas moins
Copier c’est partager

Copier n’est pas voler
Je copie le tien, tu en gardes un
Et on a chacun le sien
C’est tout l’art de copier

Si je te vole ton vélo
Tu dois prendre le métro
Mais si j’en fais une copie
Tu en gardes un aussi

Faire d’une chose deux
C’est ce qu’on appelle la copie
On partage ses idées ainsi
C’est pourquoi copier…
…c’est mieux !

Paroles sous licence Creative Commons By-Sa par Daphné Kauffmann




Promenons-nous dans New York en photographiant pour Wikipédia

La « culture libre » non seulement c’est bien en théorie mais c’est également tout à fait sympathique et convivial en pratique. Et ça fait descendre dans la rue le sourire aux lèvres pour se rencontrer, échanger et participer ensemble à la construction de biens communs.

Le 4 octobre dernier avait lieu la « chasse au trésor » Wikis Take Manhattan! Et le trésor en question consistait à rapporter de la ballade new-yorkaise des photographies, bien entendu sous licence libre (Creative Commons By-Sa), pour alimenter Wikipédia (et StreetsWiki).

Je ne sais pas pourquoi je pense à cela mais nous sommes tout d’un coup très loin du vieux dispositif qui consiste à suivre docilement un guide assermenté et rémunéré pour un parcours imposé dans un lieu touristique balisé en prenant tous, quand on y est autorisé, les mêmes photos qui ne serviront qu’à soi.

Et comme il est dit en conclusion du reportage de l’évènement, sous-titré par Framalang : « On adore l’Internet, la culture libre, et les logiciels libres… Tout se recoupe au bout du compte ».

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Le bien commun : l’assaut final – Un documentaire de Carole Poliquin

Nombreux sont ceux qui pensent qu’en France le projet de loi « Création et Internet » (ou Hadopi) n’est pas qu’une simple question technique et juridique pour endiguer le « piratage », mais se situe bien au delà, sur le front politique et sociétal de la défense des biens communs contre une « marchandisation » croissante des activités humaines, ici la culture[1].

C’est pourquoi il nous a semblé intéressant de proposer aux lecteurs de passage un « vieux » documentaire que vous n’avez peut-être pas eu l’occasion de voir à sa sortie en 2002 (durée : 1 heure).

Il a pour titre Le bien commun : l’assaut final et a été réalisé par la québécoise Carole Poliquin (dont nous avons obtenu accord pour diffusion).

Voici ce qu’en disait Bernard Langlois dans le journal Politis :

Sur le fond, c’est une charge très argumentée, très démonstrative contre la mondialisation libérale, nourrie de reportages et de témoignages recueillis au Canada, au Mexique, aux États-Unis, en Inde, en France. Avec les exemples très parlants de la marchandisation en cours de tous ces « biens publics mondiaux » que sont l’eau, les semences, la santé, les gênes, les connaissances et pratiques ancestrales ou nouvelles… Un thème que nous connaissons bien, autant de tristes réalités d’aujourd’hui.

C’est la forme qui est originale, avec un parti pris d’humour en contrepoint très réussi. Carole Poliquin a repris le thème et le découpage de la Genèse, ces sept jours qui bâtirent le monde ; mais ici ce n’est pas Dieu, c’est « l’homme d’affaires » qui se donne une semaine pour asservir le monde au profit, pour créer enfin ce « marché total » qu’on nous propose comme horizon. À chaque jour son thème (l’eau, les semences etc.). Chaque soir de la semaine, l’homme d’affaires reprend son Boeing, volant dans les étoiles vers sa prochaine mission, tandis qu’une voix off commente : « Et l’homme d’affaires se dit que cela était bon pour ses actionnaires ».

On notera que vous pouvez acheter le DVD de ce documentaire directement depuis son site officiel (ou en France chez Voir et Agir), non seulement pour en obtenir une version de qualité, des bonus, etc. mais également pour soutenir l’action de Carole Poliquin et l’aider à produire de nouveaux sujets comme son dernier en date Homo Toxicus[2].

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Peut-être le trouverez trop simpliste, trop « altermondialiste », ou trop… réaliste ? Peut-être aurez-vous envie d’y ajouter un « huitième jour » autour de la création numérique (logiciels, œuvres de l’esprit…) ? Peut-être êtes-vous agréablement ou désagréablement surpris de sa mise en lumière sur le Framablog ? Il ne tient qu’à vous de vous exprimer dans les commentaires ci-dessus 😉

Notes

[1] Ce « front des biens communs » fait écho à deux livres de référence du Framablog (disponible tous deux en libre téléchargement) : Du bon usage de la piraterie de Florent Latrive et Cause commune de Philippe Aigrain.

[2] Résumé du documentaire Homo Toxicus de Carole Poliquin (2008) : « Une expérience planétaire est en cours et nous en sommes les cobayes. Chaque jour, des tonnes de substances toxiques sont libérées dans l’environnement sans que nous en connaissions les effets à long terme pour les êtres vivants. Certaines d’entre elles s’infiltrent à notre insu dans nos corps et dans celui de nos enfants. En même temps que notre patrimoine génétique, nous transmettons aujourd’hui à nos enfants notre patrimoine toxique. Dans une enquête inédite, menée avec rigueur et humour à partir de ses propres analyses de sang, la réalisatrice explore les liens entre ces substances toxiques et l’augmentation de certains problèmes de santé comme les cancers, les problèmes de fertilité et l’hyperactivité. Les conclusions sont troublantes… »




Quand le logiciel libre et Wikipédia donnent de l’espoir à François Bayrou

François Bayrou n’est pas totalement inconnu sur le Framablog. Nous l’avions ainsi gentiment taquiné à propos d’un syndrome qui porte désormais son nom et que nous connaissons assez bien pour en être parfois atteints, à savoir faire la promotion du logiciel libre tout en restant sur du logiciel propriétaire, parce que pas encore le temps, parce que difficile de rompre avec ses habitudes, etc.

Mais nous l’avions surtout apprécié lors de son intervention aux RMLL 2006 de Nancy où il nous exposait sa « vision des deux mondes » (marchand vs non marchand).

Il récidive ici au cours de l’émission de France Info Parlons Net ! du 27 février dernier, en se faisant, au passage et malgré lui, le défenseur d’un Wikipédia critiqué (sans grande imagination) par les journalistes de l’assistance.

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Morceaux choisis :

Pourquoi est-ce que je suis intéressé par l’univers des logiciels libres ? Pourquoi est-ce que je suis intéressé par l’univers wiki ? Parce que ce sont des modèles de société non marchands. Ça ne veut pas dire qu’il n’y a pas des gens qui à partir du logiciel libre ne font pas du marchand, ne créent pas des activités économiques, mais Wikipédia, pour prendre un exemple, c’est tout de même impressionnant qu’il y ait une encyclopédie de centaines de milliers de pages sur tout sujet, sans que personne n’ait été là pour des raisons marchandes.

(…)

Mais pour l’essentiel, ne prenez le petit défaut ou la petite faille, prenez le fait massif. Il y a là une encyclopédie, free, libre d’accès, à disposition de tout le monde, qui a été développée par des esprits généreux qui ont simplement voulu faire partager à d’autres ce qu’ils savaient. Vous ne trouvez pas que c’est intéressant. Vous ne trouvez pas que c’est intéressant que on ait des logiciels, des systèmes d’exploitation, qui soient constamment enrichis, bénévolement ou gratuitement. Et donc pour moi il y a là un projet de société qui est intéressant au moins à regarder et à réfléchir parce qu’il veut dire que la loi du profit ne commande pas tout. Qu’elle n’est pas totalement absente, on n’est pas naïf, bien sûr que les raisons économiques sont à prendre en compte. Mais elles ne doivent pas prendre la place de toutes les autres raisons de vivre : raison de chercher, raison d’enseigner, raison de transmettre, raison de s’élever, raison de créer, etc.

(…)

C’est important pour beaucoup de ceux qui vous écoutent sur le Net en particulier. Il y a là quelque chose qui donne de l’espoir dans la nature humaine. Alors comme tout, pas que de l’espoir. Mais il y a là quelque chose qui permet d’avoir une autre vision de l’avenir de l’humanité que cet avenir écrasé qu’on nous promet par ailleurs. Parce que si vraiment, ce que je crains, on est en train en France de mettre en place un réseau d’influence et de pouvoir sur des secteurs entiers de la société, où est la capacité de résistance ? Si vous êtes un citoyen moyen, un jeune garçon, une jeune fille ? Qu’est-ce que vous pouvez faire ? Vous défilez une fois, et après il n’y a plus de défilés comme vous le savez. Bon et bien il y a là, dans cette culture civique, quelque chose qui donne de l’espoir, qui en tout cas à moi me donne de l’espoir.

Ce n’est pas pour polémiquer mais, en ces temps troubles d’Hadopi, lorsque l’on entend ce type de discours, lorsque l’on relit le rapport Rocard commandé par Ségolène Royal, ou plus généralement lorsque l’on se remémore les réponses apportées par les candidats 2007 au questionnaire de l’April, on se dit que, dans le domaine précis qui nous préoccupe ici, on n’a pas forcément hérité du meilleur des présidents possibles…




Et les artistes dans tout ça ?

Dno1967 - CC byLe choix actuel de la répression et des verrous numériques est peut-être une solution à court terme pour l’industrie musicale mais il place les artistes en position plus que délicate vis-à-vis de leurs fans. Difficile en effet de ne pas réaliser que, le temps passant, les intérêts des uns et des autres sont de plus en plus divergents.

Dans le très tendu climat du moment (crise des ventes, « piratage » généralisé…), il est alors assez logique de voir des musiciens prendre ouvertement leur distance avec la logique des Majors et se regrouper pour faire entendre leur voix (sic !). C’est déjà le cas en Angleterre où quelques grands noms de la chanson britannique[1] se sont tout récemment réunis au sein de la Featured Artists Coalition (FAC) afin de « prendre le contrôle de leur musique et défendre leurs droits d’auteur face aux opportunités que représentent les technologies digitales ». C’est l’objet de notre traduction ci-dessous issue d’un article dédié du journal The Independent.

« La révolution digitale a balayé le vieux business de la musique des années soixante et a changé pour toujours la relation entre les artistes et les fans », explique le batteur du groupe Blur, David Rowntree. « Nous sommes à la recherche d’une nouvelle donne, basée sur l’équité, avec nos fans, l’industrie du disque et les gouvernements ». À rapprocher de ce que disait Mike Masnick dans sa très éclairante conférence consacrée au « cas Trent Reznor ».

Et en France, me direz-vous, où sont donc nos artistes, alors même qu’ils sont les premiers impliqués dans le projet de loi « Création et Internet » qui se discute en ce moment même à l’Assemblée ?

Force est de constater qu’on ne les entend pas beaucoup, comme si la majorité d’entre eux restaient prostrés dans une sorte de silence gêné, ayant par trop conscience des effets dévastateurs produits par des discours dont Thomas Dutronc offre une magnifique caricature.

Quitte à tomber dans l’excès inverse, nous lui préférons les propos du documentariste Grand François qui donnent peut-être plus à réfléchir :

—> La vidéo au format webm

Mais revenons à nos anglais qui se rebiffent…

Ce n’est pas un crime de télécharger disent les musiciens

It’s not a crime to download, say musicians

Arifa Akbar – 12 mars 2009 – The Independent
(Traduction Framalang : Poupoul2)

Des musiciens, dont Robbie Williams, Annie Lennox, Billy Brag, David Rowntree (Blur) et Ed O’Brien (Radiohead) ont déclaré hier soir que le public ne devrait pas être poursuivi pour avoir téléchargé illégalement de la musique sur Internet.

la Featured Artists Coalition, qui intègre 140 des plus grandes stars pop et rock de Grande Bretagne a indiqué, lors de son inauguration, que des entreprises telles que MySpace ou Youtube devraient être mises à contribution, lorsqu’elles utilisent leur musique à des fins publicitaires.

Brag a déclaré à The Independent que la plupart des artistes ont voté contre toute tentative visant à criminaliser le téléchargement illégal de musique par le public.

Les musiciens exprimeront leur point de vue à Lord Carter, qui a suggéré que les particuliers qui se livrent au téléchargement illégal devraient être amenés devant les tribunaux.

Alors qu’Annie Lennox n’a pas pu assister à l’inauguration, elle a adressé un message de soutien, tout comme Peter Gabriel, tandis que David Gray, Fran Heal (Travis), Nick Mason (Pink Floyd) et Mick Jones (The Clash) ont fait une apparition.

Brag s’est exprimé comme membre clé de cette coalition, qui a été créée afin de donner une voix collective aux artistes qui veulent défendre leurs droits dans le monde numérique. Elle s’engage en faveur d’un marché plus équitable pour les musiciens, au moment où il peuvent utiliser Internet pour créer des liens directs avec leurs fans. « Ce que j’ai déclaré pendant l’inauguration est que l’industrie culturelle en Grande Bretagne poursuit son chemin vers la criminalisation de notre public, celui qui télécharge illégalement des mp3 », a-t-il déclaré.

« Si nous suivons l’industrie culturelle sur cette voie, nous ne ferons rien d’autre que de participer à ce mouvement protectionniste. Cela revient à essayer de remettre le dentifrice dans son tube ».

« Les artistes devraient être détenteurs de leurs propres droits, et devraient décider à quel moment leur musique peut être utilisée gratuitement, et à quel moment ils devraient être payés. »

Les artistes souhaitaient dire à Lord Carter : « Nous voulons nous ranger aux côtés du public, des consommateurs ».

O’Brien a déclaré « qu’il s’agit d’une période charnière pour l’industrie », ajoutant que « de nombreux droits et sources de revenu sont charcutés, et nous avons besoin de faire entendre notre voix. Je pense que tous les intervenants principaux veulent entendre ce que nous avons à dire. »

Notes

[1] Crédit photo : Dno1967 (Creative Commons By)