Claude Bernard Lyon 1 offre les premières bourses Microsoft à ses étudiants

Stuartpilbrow - CC by-saL’université française ne doit plus pleurer sur le désengagement de l’État, le sauveur et bienfaiteur Microsoft est là pour y remédier.

Hier c’était Paris Descartes qui décidait de confier la communication numérique de ses étudiants à la firme de Redmond. Et aujourd’hui, fait unique dans les annales, ont vu le jour les premières bourses d’étudiants financées pour le privé.

C’est à l’Université Claude Bernard Lyon 1 que l’on doit cet acte pionnier et, vous l’aurez compris, c’est encore de Microsoft qu’il s’agit.

Extrait du communiqué de presse :

Alors qu’en novembre 2007, l’Université Claude Bernard Lyon 1 s’était engagée avec Microsoft France sur une série d’actions visant à rapprocher les deux structures en termes de partenariat économique, après plusieurs années de projets communs – l’Université et Microsoft France concrétisent aujourd’hui l’un de ses axes de partenariat qui était de contribuer financièrement au soutien d’étudiants boursiers, par le biais de la Fondation partenariale Lyon 1.

Cinq bourses sont accordées pour la rentrée universitaire 2009 à des étudiants débutants leurs études en première année de licence (…) La bourse d’un montant de 3 000 €, versée en une fois, doit permettre à des étudiants méritants d’entamer des études scientifiques dans de bonnes conditions financières.

(…) Ils recevront lundi 19 octobre 2009 à 14h30 dans la salle du conseil de l’Université leur bourse des mains d’Eric Le Marois, Directeur Education et Recherche de Microsoft France et de Lionel Collet, président de l’Université Lyon 1.

À l’issue de cette remise de bourse, Lionel Collet et Eric le Marois se prêteront au jeu des questions-réponses sur les thématiques des nouvelles technologies auprès de jeunes étudiants de l’Université.

Inclinons-nous et disons merci à la généreuse société américaine pour le soutien ainsi apporté au fleuron de notre jeunesse[1].

Quand on pense au coût annuel que représente la somme totale de toutes les licences Windows et MS Office de tous les postes de tous les établissements scolaires de France et de Navarre, on se dit que ces 5 bourses de 3 000 € ne méritent pas forcément une vaste opération de communication.

Il faut être naïf, malintentionné ou bien carrément parano pour n’y voir avant tout qu’une belle arnaque consistant à déshabiller l’élève Pierre pour habiller l’étudiant Paul sous l’œil bienveillant d’une puissance publique de moins en moins puissante et de moins en moins publique.

Notes

[1] Crédit photo : Stuartpilbrow (Creative Commons By-Sa)




Paris Descartes vend ses étudiants à Micro$oft !

TheeErin - CC by-saEncore un titre qui ne fait pas dans la dentelle ! Il ne vient pas de moi mais d’un tract qui est actuellement distribué sur le campus de l’Univesité Paris Descartes par le SNESup, le Syndicat national de l’enseignement supérieur. Tract que nous avons reproduit ci-dessous dans son intégralité.

Il est une conséquence indirecte (et non désirée) d’un vaste et ambitieux partenariat signé en juillet 2009 par Microsoft et la vénérable Université, partenariat « visant à développer des actions communes autour des nouvelles technologies » (liens html, pdf, vidéo[1] et… photo de famille !)

Ce qui frappe c’est la radicalité des mots et expressions employés (jusqu’à mettre un « $ » au « s » de Microsoft !). À la hauteur de l’exaspération suscitée par cette énième opération de marchandisation de l’éducation qui ne veut pas dire son nom ?

Je tenais cependant à apporter quelques éléments de réflexion qui sont autant de modestes tentatives de mise en perspective (en pensant aussi à un éventuel débat qui pourrait démarrer dans les commentaires) :

  • Les universités peuvent-elles résister à de telles offres dans le contexte économique actuel ? Prenez le temps de lire le communiqué de presse et vous constaterez avec moi la densité des services proposés, avec promesse de soutien de Microsoft à la future fondation de l’université (« soutien » étant pris ici dans tous les sens du terme). Même une direction rompue aux vertus du logiciel libre et sa culture aurait à mon avis du mal à ne pas sacrifier quelques unes de ses valeurs sur l’autel d’un certain pragmatisme dicté par le manque de moyens.
  • C’est le programme Live@edu de Microsoft qui est stigmatisé ici. Mais Google propose, à quelques nuances près, rigoureusement la même chose avec Google Apps Education. Ne serait-ce point « la guerre de l’informatique dans les nuages » qui pénètre ici directement le vulnérable secteur éducatif ? D’un côté on rend service aux étudiants, de l’autre on investit sur leur potentiel à… conserver les mêmes technologies une fois arrivés sur le marché du travail. Le plus dur étant d’entrer, parce qu’une fois que l’étudiant possède (sur vos serveurs) sa messagerie, son agenda, son espace de stockage, sa suite bureautique en ligne, ses documents, ses photos, ses habitudes de chat, etc. le plus dur est fait. Il lui sera alors fort difficile de migrer, même avec les meilleures volontés du monde ! Un dernier mot sur ces serveurs qui hébergent toutes ces données de nos étudiants : il est juridiquement et géographiquement presque impossible de les localiser !
  • Cet épisode interroge également sur la politique numérique française de l’éducation en général et du supérieur en particulier. Que ne nous avait-on pas dit et promis avec les ENT, les fameux Espaces numériques de travail ! À laisser Microsoft, Google et consors s’occuper de cela pour nous, nous sommes en présence d’un double aveu, celui d’un échec et d’une démission. Sans compter que dans l’intervalle sont apparus les réseaux sociaux qui risquent eux aussi de ringardiser les quelques ENT qui avec peine avaient tout de même réussi à se mettre en place (Facebook sera-t-elle la prochaine grosse société américaine à venir frapper aux portes de nos universités ?). On voit bien ici comment le public ne peut pas (ou plus) lutter contre le privé, et c’est fort inquiétant pour ceux qui demeurent attachés à la notion de biens communs. Dernier exemple en date, le risque de voir nos bibliothèques publiques numérisées par… Google et non pas nos propres moyens.

Sur ce je vous laisse avec ce tract qu’il me plait à imaginer entre les mains d’étudiants interloqués[2] mais conscients que cet accord peut en avantager quelques uns sur le court terme mais finir par freiner tout le monde sur le long terme.

Paris Descartes vend ses étudiants à Micro$oft !

SNESup – octobre 2009 – Tract


L’université s’apprête à signer avec Microsoft une convention d’utilisation du bouquet de services Live@edu. Il s’agit de confier à Microsoft le webmail des étudiants et des personnels volontaires. Une offre alléchante : gratuit, sans pub, avec 100 Go chacun, un chat intégré, un espace de stockage personnel, un accès au pack office web… et c’est compatible avec Linux, MacOS, Firefox ! Que demander de plus ?

Plus pour moins cher ?


Avec ce projet, l’université prétend offrir aux étudiants un service meilleur que le webmail actuel, pour un coût inférieur à ce que nos ingénieurs pourraient faire. Pourtant, les histoires d’externalisations sont toujours les mêmes : avant de signer le contrat, tout est rose, une fois signé on paye le prix fort. Un service a un coût, à long terme Microsoft nous le fera payer : Microsoft est un géant, qui nous imposera ses conditions s’il le souhaite.

Halte aux dealers !


Faciliter l’accès des étudiants au pack office web, c’est un cadeau empoisonné. Au lieu de former des utilisateurs avertis de l’informatique, l’université s’apprête à fabriquer des consommateurs dépendants des produits Microsoft. A la sortie de l’université, devenus accros, ils devront acheter au prix public les mêmes produits. L’université renonce donc à sa mission de formation pour servir les intérêts commerciaux d’une entreprise.


Aujourd’hui, les ingénieurs et les enseignants de Paris Descartes enseignent l’informatique via des logiciels libres : chacun peut ainsi utiliser les nouvelles technologies gratuitement et pour longtemps. Aurons-nous toujours cette liberté quand Paris Descartes sera pacsée avec Microsoft ?

Voulons-nous être les clients captifs de Microsoft ou rester des utilisateurs libres de l’informatique ?

Notes

[1] Pour rédiger cet article, je me suis tapé la vidéo de la conférence de presse jusqu’au bout et j’ai été assez stupéfait par la capacité de l’auditoire à ne pas poser les questions qui fâchent !

[2] Crédit photo : TheeErin (Creative Commons By-Sa)




Quand la Fondation Codeplex de Microsoft déchire la communauté

A priori nous devrions tous nous réjouir de voir Microsoft faire un pas significatif vers le logiciel libre avec la toute récente création de la Fondation Codeplex, dont l’objectif affiché dès la page d’accueil du site est de « permettre l’échange de code et une entente entre les éditeurs de logiciels et les communautés open source ».

Sauf que, le diable est dans les détails, l’entente proposée concerne donc explicitement les communautés open source et non la communauté du logiciel libre.

A partir de là, méfiance et vigilance nous dit Richard Stallman[1] dans l’article que nous avons traduit ci-dessous, en égratignant au passage le mythique Miguel de Icaza[2] (GNOME, Mono…), membre initial de la Fondation, qui en prend pour son grade en étant qualifié « d’apologiste Microsoft ».

Réponse immédiate de l’intéressé (toujours traduite ci-dessous) qui reproche vertement à Stallman de s’attaquer ainsi à ses propres alliés et de se complaire dans la paranoïa Microsoft, pratique pour fédérer ses troupes mais néfaste si l’on souhaite réellement aller de l’avant.

Au delà du conflit personnel qui frise parfois l’outrage, nous sommes face à une énième opposition entre le logiciel libre et l’open source.

L’avantage de l’open source c’est qu’il rend le logiciel libre enfin fréquentable pour des sociétés comme Microsoft qui l’ont longtemps ignoré puis dénigré. L’inconvénient, rappelé en exergue de ce blog, c’est d’aboutir à ce que le logiciel libre ne finisse par ne plus rien libérer d’autre que du code…

Codeplex… Perplexe ?

Lest CodePlex perplex

Richard Stallman – 5 octobre 2009 – FSF.org
(Traduction Framalang : Olivier Rosseler)

Eneko Astigarraga - CC by-saLa Codeplex Foundation ne fait pas l’unanimité au sein de notre communauté. En effet, le fait que des employés, ou ex-employés de Microsoft, plus l’apologiste Miguel de Icaza, dominent le comité de direction n’a rien de rassurant. Mais l’habit ne fait pas nécessairement le moine.

Le jour viendra où nous pourrons juger l’organisation pour ses actions (ainsi que sa communication). À l’heure d’aujourd’hui, nous pouvons seulement essayer d’anticiper ses actions, d’après ses déclarations et celles de Microsoft.

On remarque premièrement que l’organisation évite soigneusement de parler de la liberté des utilisateurs, elle emploie le terme « open source » et ne fait pas mention de « logiciel libre ». Ces deux termes définissent deux philosophies qui n’ont pas les mêmes valeurs : le logiciel libre promeut la liberté et la solidarité alors que l’open source s’intéresse uniquement aux aspects pratiques, telle que l’efficience et la fiabilité du logiciel par exemple. Voir Pourquoi l’« open source » passe à coté du problème que soulève le logiciel libre pour plus d’informations.

Il est évidemment préférable pour Microsoft d’affronter l’adversité concrète que représente l’open source plutôt que la position éthique que défend le mouvement du logiciel libre. En ne reconnaissant, et en ne critiquant, que l’open source, comme la société le fait depuis si longtemps, Microsoft poursuit deux objectifs : attaquer un concurrent tout en détournant l’attention d’un autre.

Codeplex applique strictement la même tactique. Son but déclaré est de convaincre les « éditeurs de logiciels commerciaux » de contribuer davantage à l’open source. Comme presque tous les logiciels open source sont aussi des logiciels libres, ces programmes seront certainement libres, mais la philosophie « open source » n’enseigne pas aux développeurs à défendre leurs libertés. S’ils ne comprennent pas l’importance de cette liberté, les développeurs seront plus enclins à succomber aux stratagèmes de Microsoft les encourageant à utiliser des licences plus faibles, ce qui reviendrait à mettre le doigt dans un engrenage, à accepter la cooptation de brevets et à rendre ainsi les logiciels libres dépendant d’éléments privateurs.

Cette fondation n’est pas le premier projet Microsoft à porter le nom de « Codeplex ». On retrouve aussi codeplex.com, une forge qui ne recense pas parmi les licences autorisées, la troisième version de la GNU GPL. Peut-être est-ce dû au fait que la GNU GPL v3 a été créée pour protéger les logiciels libres de la menace que représentent les brevets Microsoft au travers d’accords comme celui conclu entre Novell et Microsoft. Les intentions de la Codeplex Foundation vis à vis de la GPL v3 nous sont encore inconnues, mais le passif de Microsoft n’incite pas à l’optimisme.

Le terme « éditeurs de logiciels commerciaux » est lui-même ambigu. Par définition, toute entreprise a un but commercial, donc tout logiciel développé par une entreprise, qu’il soit libre ou privateur, est automatiquement commercial. Mais beaucoup associent faussement « logiciel commercial » et « logiciel privateur » (voir Termes prêtant à confusion, que vous devriez éviter (ou utiliser avec précaution)).

Cette confusion est grave, puisqu’elle implique qu’on ne peut pas faire commerce de logiciels libres. De nombreux éditeurs de logiciels contribuent déjà aux logiciels libres, et ces contributions commerciales sont très utiles. Peut-être que Microsoft souhaite ici renforcer cette fausse impossibilité dans l’esprit des gens.

Toutes ces considérations prises en compte, il nous apparait que Codeplex encouragera les développeurs à ne pas penser à la liberté. Il instillera subtilement l’idée que le commerce de logiciel libre ne peut se faire sans l’appui des éditeurs de logiciels privateurs commme Microsoft. Il pourrait aussi, cependant, convaincre certains fabricants de logiciels privateurs de publier plus de logiciels libres. Cette contribution servira-t-elle la liberté des utilisateurs ?

Ça ne pourra être le cas que si le logiciel libéré fonctionne correctement sur des plateformes libres, dans des environnements libres. Mais c’est à l’opposé de ce que Microsoft cherche à accomplir.

Sam Ramji, maintenant président de Codeplex, annonçait il y a quelques mois que Microsoft (son employeur d’alors) souhaitait promouvoir le développement d’applications libres qui encourageaient l’usage de Microsoft Windows. Peut-être que Codeplex cherche à corrompre les développeurs de logiciels libres pour qu’ils fassent de Windows leur plateforme principale. Codeplex.com héberge désormais de nombreux projets qui sont des extensions de logiciels privateurs. Ces programmes sont pris dans un piège similaire au Piège Java (voir Libre mais entravé – Le Piège Java).

Mais, même en cas de succès, les implications seraient limitées puisqu’un programme qui ne fonctionne pas (ou mal) dans le Monde Libre ne contribue pas à notre liberté. Un programme non-libre prive ses utilisateurs de leur liberté. Pour éviter de se retrouver ainsi lésés, nous devons rejeter les systèmes privateurs ainsi que les applications privatrices. Les extensions libres pour des programmes privateurs que l’on trouve sur Codeplex accroissent notre dépendance vis à vis de ces programmes privateurs, l’exact opposé de ce dont nous avons besoin.

Les développeurs de logiciels libres sauront-ils résister à ce travail de sape de nos efforts pour gagner plus de liberté ? C’est là que leur éthique devient cruciale. Les développeurs adeptes de la philosophie « open source », pour laquelle la liberté n’est que secondaire, n’attachent peut-être que peu d’importance à la liberté de l’environnement dans lequel leur logiciel est exécuté. Mais les développeurs se battant pour la liberté, la leur comme celle des autres, peuvent reconnaître le piège et l’éviter. Pour rester libre, la liberté doit être notre but.

Si la Codeplex Foundation souhaite devenir un vrai contributeur de la communauté du logiciel libre, elle ne peut se contenter d’extensions libres pour des paquets non-libres. Elle doit encourager le développement de logiciels portables capables de fonctionner sur des plateformes libres basées sur GNU/Linux et d’autres systèmes d’exploitation libres. Si elle essaie de nous leurrer dans une direction opposée, il nous faut absolument nous y refuser.

Mais que les actions de la Codeplex Foundation soient bonnes ou mauvaises, elles ne peuvent excuser les actes d’agression dont Microsoft s’est rendu coupable envers notre communauté. De sa tentative récente de vendre des brevets à des intermédiaires pour qu’ils fassent le sale boulot contre GNU/Linux, à sa croisade pour la promotion des menottes numériques (DRM), Microsoft n’a de cesse de s’en prendre à nous. Nous serions bien naïfs de le perdre de vue.

Copyright 2009 Richard Stallman
La reproduction exacte et la distribution intégrale de cet article est permise sur n’importe quel support d’archivage, pourvu que cette notice soit préservée.

Chacun sa vision

World Views

Miguel de Icaza – 5 octobre 2009 – Blog personnel
(Traduction Framalang : Olivier Rosseler)

Storem - CC by-saApparemment, Richard Stallman n’a rien de mieux à faire que de m’attaquer personnellement. Dans son dernier texte, il s’est trouvé une nouvelle lubie : me traiter d’apologiste de Microsoft car je ne participe pas à sa chasse aux sorcières.

J’ai simplement un point de vue différent du sien au sujet de Microsoft. Certains de ses employés sont des personnes vraiment bien, et je sais qu’ils sont nombreux au sein de l’entreprise à essayer de lui faire prendre une meilleure voie. Cela fait maintenant quelques années que j’en parle sur mon blog.

Au fond, nous voulons tous les deux la même chose : le succès du logiciel libre. Mais Richard, plutôt que d’utiliser son temps pour défendre sa cause, s’en prend à ses propres alliés car ils ne sont pas pareils que lui. À ses yeux, débiter des inepties, telles que Linus « ne croit pas en la Liberté », est tout à fait normal[3].

Tout est une question de point de vue

Il y a de cela quelques années, j’ai eu la chance d’échanger avec Benjamin Zander sur son monde des possibles. Son livre, « L’art des possibilités » m’a profondément marqué.

Benjamin y raconte cette histoire :

Deux vendeurs de chaussures sont envoyés en Afrique au début du XXe siècle en prospection.

Le premier envoie son télégramme : « Situation désespérée. Stop. Personne ne porte de chaussures ».

L’autre envoie : « Opportunité d’affaires. Stop. Ils n’ont pas de chaussures ».

Notre temps sur Terre étant limité, j’ai décidé d’occuper le mien à essayer de faire comme le deuxième vendeur. J’essaie de voir des possibilités quand d’autres ne voient aucun débouché.

J’aime mon boulot pour cette raison précise, parce que je travaille avec des amis qui défient sans cesse les probabilités et parce que nous avons toujours su faire mentir ceux qui nous critiquent. Chacun de mes collègues veut changer le monde et aucun d’entre nous ne se laisse décourager par la peur.

La peur est un frein puissant et empêche trop souvent les gens de proposer des solutions créatives. Je préfère largement travailler à l’élaboration de solutions constructives plutôt que de me plaindre.

La paranoïa est un secteur très actif. C’est la solution de facilité pour ceux qui ne savent pas mener leurs troupes en donnant l’exemple. Créez un bouc émissaire, enrobez votre histoire, mentez, ou propagez des semi-vérités, satanisez, voilà une bonne recette pour fédérer votre base.

La paranoïa de Richard

Le documentaire « Le pouvoir des cauchemars » offre une description passionnante de l’économie de la « sécurité », de ces entreprises qui vendent de la « sureté » aux personnes effrayées, de ces dirigeants qui se servent de la peur des gens pour atteindre leurs buts. La paranoïa de Richard n’est en rien différente.

Richard Stallman fait souvent appelle à des bouc émissaire pour rassembler ses troupes. Parfois il s’en prend à Microsoft, d’autres fois il invente des faits, ou sinon il s’en prend à sa propre communauté[4]. Ses élocutions simplistes n’ont rien à envier à celle de Georges W. Bush : le Bien contre le Mal, Nous contre Eux.

La Codeplex Foundation est née de l’effort de ceux, chez Microsoft, qui croit en l’open source. Ils s’acharnent, au sein de l’entreprise, à la changer. Encourager Codeplex est une formidable opportunité d’encourager Microsoft dans la bonne direction.

Mais Richard n’arrive pas à le comprendre.

Aux yeux de Richard, il n’y a rien de bon à tirer de ce monde. Moi, à l’opposé, j’y vois des possibilités et des opportunités.

Non seulement on a jamais attrapé de mouches avec du vinaigre, mais il y a aussi beaucoup de chaussures à vendre.

Notes

[1] Crédit photo : Eneko Astigarraga (Creative Commons By-Sa)

[2] Crédit photo : Storem (Creative Commons By-Sa)

[3] Votre ami Google vous donnera de nombreux exemples d’attaques contre les défenseurs et développeurs de l’open source / logiciel libre.

[4] Le problème « open source » contre « logiciel libre » qui n’en est pas un et la guerre « Linux » contre « GNU/Linux » débutée dans les années 90 mais qui nous poursuit encore.




Mon Université m’offre ma licence Microsoft Windows

James Wheare - CC byLorsque vous vous rendez sur le site de Microsoft, vous pouvez lire ceci : « MSDN Academic Alliance (MSDNAA) est une offre logicielle destinée à l’enseignement supérieur. Les établissements ayant souscrit à MSDNAA bénéficient des logiciels Microsoft pour la pédagogie (salles de cours, de TP, libre-service pour les étudiants,…) incluant de nombreux produits tels que Windows Vista, Windows XP, Windows Server 2008, Visual Studio 2008, Virtual PC, Visio… Ces logiciels peuvent également être installés sur les machines personnelles des étudiants et enseignants chez eux ! Le tout sans payer les licences des produits. »

Un étudiant d’un de ces établissements peut donc installer sur sa machine personnelle l’offre logicielle contenu dans cet accord, en particulier le logiciel d’exploitation Windows. Mais que se passe-t-il s’il cet étudiant compte s’acheter un nouveau PC pendant son cursus universitaire ? Il ira comme tout le monde dans un magasin spécialisé et achètera un ordinateur avec, encore trop souvent, un Windows préinstallé dedans[1]. Or il n’a aucune raison de le payer puisque son établissement peut le lui fournir gratuitement suite justement aux termes de l’accord MSDNAA !

C’est ce léger « bug dans le système » que souhaite exploiter l’équipe Racketiciel, dans sa dernière campagne Mon Université m’offre ma licence Microsoft Windows.

L’objectif est non seulement d’informer les étudiants pour qu’ils ne se retrouvent pas à payer deux fois leur système d’exploitation, mais aussi de continuer à alerter l’opinion sur la question de la vente liée afin de maintenir la pression sur les constructeurs.

Soutenant cette opération, nous relayons bien volontiers l’appel à la communauté ci-dessous.

Pour les libristes

URL d’origine du document

25 septembre 2009 – Racketiciel.info

Cher(e) Linuxien(ne), cher(e) BSDiste,

Nous, libristes, avons besoin d’une concurrence saine sur les systèmes d’exploitation.

C’est pourquoi nous, équipe racketiciel, nous nous battons contre la situation actuelle où la vente du matériel informatique est subordonnée à celle de la licence des logiciels préinstallés.

Aujourd’hui, nous sommes en train de lancer une campagne mondiale qui devrait marquer un pas de plus dans ce combat, et nous avons besoin de votre aide à tous.

Les actions

Sur le terrain juridique, plusieurs procès ont obligé les constructeurs à rembourser celui qui n’avait pas l’usage des logiciels, en partie grâce au guide du remboursement et à notre équipe accompagnement. Toujours sur le terrain juridique, quelques procès, initiés par l’UFC Que Choisir ou par le Ministère Public, ont obligé les constructeurs à afficher le prix de Microsoft Windows préinstallé. Sur le terrain politique, plusieurs questions au gouvernement ont été présentées par des députés, grâce au précieux travail d’explication de quelques membres de la communauté du libre. Sur le terrain administratif, les contacts sont réguliers avec la DGCCRF.

Le résultat

Ces derniers temps, vous avez peut-être noté l’apparition d’étiquettes dans le rayon informatique de certains magasins, annonçant une possibilité de se faire rembourser Microsoft Windows auprès du constructeur. C’est sans doute en grande partie le résultat de toutes ces actions.

Pour autant, c’est encore totalement insuffisant : l’affichage du prix de la licence n’est pas effectif auprès de l’appareil.

Néanmoins, cette possibilité de remboursement, présente pour certains constructeurs seulement, est irréversible : tout retour en arrière de leur part mettrait trop fortement en lumière la question de la vente subordonnée. Nous entendons profiter de cette évolution irréversible pour mettre la pression d’une manière différente.

C’est l’heure du combat sur le terrain économique

Nous lançons une campagne mondiale :
« Mon Université m’offre ma licence Microsoft Windows »

Les grandes écoles et les universités mettent souvent les licences Microsoft Windows à la disposition de leurs étudiants, y compris sur leur ordinateur personnel. Or, en magasin, les étudiants déboursent tout de même le prix de la licence lors de l’achat de leur ordinateur.

Le but de la campagne est donc d’inciter un maximum d’étudiants dans le monde entier à se faire rembourser la licence (dite OEM) du système Microsoft Windows préinstallé puisqu’ils bénéficient de la licence obtenue via leur institution.

Pourquoi ce type de campagne ?

Pour les étudiants sous Microsoft Windows (et ils sont les plus nombreux), c’est toujours quelques dizaines d’euros de pris. Pour nous, libristes, qui pâtissons à plein de la vente subordonnée, c’est l’effet de masse qui nous intéresse en faisant appel aux étudiants sous Windows. La pression économique sera d’autant plus forte sur les constructeurs, et la pression politique sur l’administration permettra d’imposer la simplification des procédures de remboursement voire de passer à l’optionnalité que nous réclamons.

À terme, l’abolition de la vente subordonnée libérera une place économique pour des offres commerciales autour de GNU-Linux et des autres systèmes libres, avec, nous l’espérons, leur plus large diffusion.

Quel peut être votre rôle ?

Nous cherchons parmi vous des étudiants volontaires pour relayer dans vos facs et écoles respectives l’information sur cette campagne par voie d’affiches, de mails ou tout autre moyen qui vous paraîtra approprié.

Nous comptons sur votre aide sans laquelle cette campagne est inconcevable ! Merci de vous signaler à l’adresse msdnaa@racketiciel.info en indiquant, dans le sujet du message :
Nom_du_Gull/Dépt/Ville/Sigle_Fac_ou_école.

Dans le corps de message, mettez l’adresse complète de votre unité universitaire dans laquelle vous pensez pouvoir relayer l’info (plusieurs si c’est dans vos cordes) et votre email de contact (si différent de celui utilisé pour nous écrire).

Un grand merci !

L’équipe racketiciel.

Notes

[1] Crédit photo : James Wheare (Creative Commons By)




De la contradiction d’avoir un iPhone

Mat Honan - CC byL’été dernier, me voici attablé à la terrasse d’un café, place de la Bastille, en compagnie de quelques membres influents de la blogosphère française. L’occasion d’évoquer Hadopi. Il allait de soit qu’ils étaient tous contre.

Un petit détail m’a frappé : ils étaient tous accompagnés de leur iPhone, qui d’ailleurs ne leur laissait que rarement plus de cinq minutes de répit. iPhone qui vers la fin de notre entretien est carrément devenu le sujet principal de conversation, lorsque le possesseur de je ne sais plus quelle toute nouvelle application issue de l’App Store a voulu en faire la démonstration aux autres[1].

Peut-on être un pourfendeur d’Hadopi et plus généralement un chaud défenseur des libertés numériques tout en possédant un iPhone ? Certes oui. Sauf que, comme vient nous le rappeler Bruno Kerouanton dans ce court et percutant article, nous sommes peut-être en situation de compromis, voire de compromission, avec quelques uns de nos idéaux, fussent-ils numériques[2].

Le paradoxe du citoyen consommateur

URL d’origine du document

Bruno Kerouanton – 14 septembre 2009 – Le Club des Vigilants
Licence Creative Commons By-Nc

Apple est loin d’être seule en cause mais le succès phénoménal de son iPhone illustre, à bien des égards, le paradoxe du citoyen consommateur contemporain.

D’un côté, il se dit écolo. De l’autre, il se jette sur un appareil dont la batterie est intégrée au téléphone, faisant de l’objet un produit jetable complexe à recycler.

D’un côté, il prône la liberté de téléchargement sur Internet, et le droit de dupliquer à l’infini films et œuvres musicales au grand dam des auteurs et de leurs ayants droit. De l’autre, il se précipite sur l’une des plateformes informatiques les plus verrouillées en termes de mesures anticopie.

D’un côté, il se méfie des monopoles. De l’autre, il utilise la plateforme de téléchargement AppStore qui centralise de manière obligatoire toute application disponible, préalablement soumise à la censure de l’éditeur californien.

D’un côté, il défend les logiciels libres et leur gratuité. De l’autre, il n’a jamais autant acheté de logiciels depuis la mise en place de l’AppStore.

D’un côté, il aime l’anonymat et le respect de la vie privée. De l’autre, il se rue sur l’iPhone qui est l’une des plateformes les plus intrusives, en termes de géolocalisation, mais également de suivi des habitudes d’utilisation et de consommation.

Le succès d’Apple tient à la technologie et à l’innovation. En offrant à ses clients un produit très en avance sur ses concurrents, en termes d’ergonomie et de fonctionnalités, ceux-ci sont prêts à en oublier les inconvénients, voire carrément à en occulter l’existence.

Ce comportement paradoxal doit être pris en compte dans le cadre de nouveaux enjeux sociétaux relatifs aux nouvelles technologies. Risques liés aux réseaux sociaux, difficulté de mise en application de réglementations de type Hadopi et bien d’autres thèmes d’actualité devraient être revus en tenant compte de cette surprenante tendance.

Notes

[1] Crédit photo : Mat Honan (Creative Commons By)

[2] Sur le même sujet on pourra aussi lire cet autre article du Framablog : iPhone 3G : tout ce qui brille n’est pas or.




Quand Google Adsense et logiciel libre ne font pas bon ménage

Google Adsense - OpenOffice.orgDifficile de dénoncer une situation dont nous sommes nous-mêmes complices. C’est pourtant ce que nous vous proposons de faire aujourd’hui avec cette petite enquête empirique abordant la question de la publicité contextuelle et du logiciel libre.

De quoi s’agit-il exactement ? Un bon exemple sera plus parlant (d’autant que c’est justement cet exemple qui a motivé la rédaction de ce billet).

L’exemple « OpenOffice.org »

Désactivons l’extension Firefox Adblock Plus et entrons « OpenOffice.org » dans Google.fr. Le résultat sera variable mais il risque fort de ressembler à ce qui m’est apparu sous les yeux ce 22 juillet 2009 (cf copie d’écran ci-dessus).

On retrouve bien ce qui était attendu : site officiel en tout premier lieu, sites de téléchargement connus (01net, Clubic), Wikipédia et… Framasoft 😉

Sauf que ces résultats attendus sont complètement encerclés par des résultats qu’on attendait moins !

Google Adsense - OpenOffice.org

Deux liens commerciaux en haut et quatre liens commerciaux à droite sont donc également proposés (dont les titres, présentations et noms de domaine sont évocateurs). Je me souviens du temps où ces liens renvoyaient plutôt vers le « concurrent » Microsoft Office mais là c’est une toute autre histoire.

J’en ai pris un au hasard, en l’occurrence « Open Office Gratuit ». Je clique une fois et je me trouve sur une page décrivant le logiciel. Pas de « qui sommes-nous », « contact » ou « mentions légales », il n’y aucun autre lien cliquable que celui du téléchargement. Je clique donc dessus et me voici devant cette invitation :

Google Adsense - OpenOffice.org

Je pense que vous avez saisi le problème. Des « petits malins » viennent se placer entre le logiciel et l’utilisateur pour taxer purement et simplement le téléchargement d’OpenOffice.org.

On remarquera à gauche, en petit et en gris peu visible, cette mention : « SMS 3€ – Appel 1,34€ + 0,34€ /min ». On remarquera également le mot « France », signifiant que le « service » est certainement également présent dans d’autres pays.

Je ne suis pas allé plus loin. Peut-être qu’un seul appel ne suffit pas. Peut-être aussi que la version d’OpenOffice.org qu’on me refourgue alors est une version altérée (pour ne pas dire vérolée) du logiciel. Je ne le saurais pas.

Je fais la moue. Mais peut-être n’ai-je pas eu de chance avec ce lien. J’en tente alors un autre (« Nouvel OpenOffice Gratuit »).

Et c’est exactement le même topo (code SMS, etc.). Sauf que cette fois-ci il y a une page « Informations légales » où l’on peut lire ceci :

Super Logiciel éditeur du site super-logiciel.com propose à ces clients via l’accès par SMS ou audiotel, de faciliter l’accès aux téléchargements libre de virus et spywares des logiciels libres, gratuits ou de démonstration proposés via une redirection sur les sites officiels après vérification par l’équipe de Super Logiciel.

Et c’est à peu près tout. Si ce qu’ils nous racontent est vrai, le téléchargement est bien issu du site officiel d’OpenOffice.org mais comme il est bien connu que les développeurs de logiciel libre s’amusent à cacher dans le code source de leurs programmes tout plein de virus et spywares, il est bon de vérifier que tel n’est pas le cas, ce qui vous coûtera (au moins) 3€. Difficile de faire plus hypocrite.

Je fais toujours la moue. Est-ce que tous ces liens utilisent la même technique du SMS à 3€ ? Et c’est parti pour un troisième lien (« Nouveau OpenOffice »).

Là encore un gros bouton « Téléchargement » m’accueille, et quand je clique dessus je ne suis plus redirigé mais, nouveauté, c’est directement un exécutable Windows (.exe) que l’on me propose de télécharger. La page offre une description du logiciel mais, comment dire, elle laisse un peu à désirer :

OpenOffice.org c’est une complète suite bureautique développée en bas de la logique collaboratrice du code ouvert, qui attend les besoins les plus importants du travail dans bureau.
Cet excellent logiciel est composé par un système de traitement de texte, un formulaire de calculs et un gérant des présentations par diapositives, un paquet de logiciels avec lequel OpenOffice.org est très compatible.

Le traduction automatique c’est bien mais ça n’est pas la perfection ! Tiens, il y a là aussi une page « Termes Juridiques ». Et très curieusement la qualité du français est alors plus que correcte cette fois-ci.

C’est long mais on y apprend des choses intéressantes. D’abord que le site appartient à VARULKO TRADING S.A. (évidemment inconnu au bataillon). Et puis aussi que « la demande ou le téléchargement de logiciels impliquent l’acceptation de ces Conditions d’utilisation ». Là aussi il y a du SMS à 3€ et comme il faut doubler l’opération, on doit donc a priori dépenser 6€ pour pouvoir installer OpenOffice.org.

Et puis plus loin :

Ainsi, l’utilisateur consent expressément à transmettre ses données. Celles-ci seront utilisées dans le but de lui envoyer des informations commerciales par tout moyen de communication, y compris par voie électronique ou télématique, concernant les produits et Services transmis par L’entreprise ou des entreprises de son Groupe.

L’utilisateur pourra exercer les droits d’accès, de rectification, d’annulation et d’opposition concernant ses données personnelles par le biais de l’envoi d’une communication écrite au siège social de L’entreprise sis à ADR Tower, 8th floor, Samuel Lewis Avenue and 58th Street, Obarrio Urbanization. Panama City Republic of Panama.

(…) L’entreprise ne garantit pas que les informations transmises à travers le Site Internet soient complètes et exactes.

(…) L’utilisateur s’engage à lire les Conditions d’utilisation à chaque fois qu’il accède au Site Internet ou au Service. De ce fait, l’accès au site et l’utilisation des Services par l’utilisateur impliqueront l’acceptation des modifications qui auraient été réalisées dans les Conditions d’utilisation ou le Site Internet.

Le coup de « l’entreprise qui ne garantit pas que les informations transmises à travers le site soient exactes », ça signifie qu’on peut vous raconter strictement n’importe quoi sans que vous ayez à vous en offusquer !

En tout cas, si je comprends bien l’exécutable de tout à l’heure doit se bloquer en phase d’installation pour vous demander là aussi un code SMS (sachant que vous venez de passer plusieurs bonnes minutes à télécharger puis à commencer l’installation). Et si vous n’êtes content vous n’avez plus qu’à prendre vos valises, direction le bureau des réclamations au… Panama !

La moue de tout à l’heure a laissé place à de la mauvaise humeur. Je dois en avoir le cœur net, allez un dernier lien pour la route (« OpenOffice » de eoRezo.com).

Tiens, encore une nouveauté, une déclaration à la CNIL en bas de page :

CNIL INFORMATIQUE ET LIBERTE : Les informations qui vous sont demandées sont indispensables pour la prise en compte de votre demande de fourniture des services EOREZO. En application de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 modifiée par la loi n°2004-801 du 6 août 2004, relative à l’informatique et aux libertés vous disposez du droit individuel d’accès et de rectification des informations qui vous concernent. En outre, en acceptant les Conditions générales et notamment son article 5 vous consentez à ce que ces informations puissent faire l’objet d’une exploitation commerciale, d’une communication à des tiers ou d’une cession, conformément à la réglementation applicable, sauf à ce que vous vous y opposiez formellement en écrivant à EOREZO, 14 rue de Lincoln 75008 PARIS.

De l’art de nous rassurer pour mieux nous arnaquer !

Comme pour les trois autres liens, il y a un omniprésent bouton « Télécharger Gratuitement ! ». Et au clic suivant vous vous trouvez devant ceci :

Google Adsense - OpenOffice.org

En plus de la demande de votre numéro de téléphone portable, il y a un cadre minuscule pour y lire les conditions d’utilisation. Or si vous copiez/collez ces conditions, vous allez vous rendre compte qu’elle peuvent remplir quatre pages entières aux caractères bien serrés ! (je n’ai pas résisté à vous la proposer en pièce-jointe ci-dessous). Amusez-vous donc à les lire convenablement dans ce cadre lilliputien !

Et comme pour le site précédent c’est du pur délire juridique se résumant à : vous êtes responsable de tout, nous ne sommes responsables de rien et nous pouvons tout faire de vos données tant que vous ne nous dites pas expressément par voie postale que vous ne nous autorisez pas à le faire.

Extraits (qui font peur) :

Les logiciels eoRezo et/ou tout logiciel de sociétés accessibles par l’intermédiaire d’eoRezo, sont fournis avec les composants EoEngine et Software Update. Ces modules sont nécessaires pour aboutir à l’installation des logiciels eoRezo et/ou de tout logiciel de sociétés tierces accessibles par l’intermédiaire d’eoRezo.

Les dits composants peuvent faire apparaître sur l’écran de l’utilisateur des messages publicitaires ou autre information de la part d’eoRezo ou de tiers (avec qui eoRezo a conclu les accords correspondants) dans le but d’expliquer les services proposés par eoRezo ainsi que le bon mode d’utilisation, ou tout autre service, promotions, offres commerciales susceptibles d’intéresser l’Utilisateur. Les composants restent actifs à tout moment afin de contrôler et d’assurer la fourniture du service eoRezo, et d’autres fonctions telles que celles décrites dans le présent paragraphe. L’utilisateur autorise l’accomplissement des actions des composants ainsi que l’affichage de messages publicitaires. (…) L’Utilisateur autorise les mises à jour et/ou les installations automatiques des logiciels eoRezo et de tout logiciel de sociétés tierces accessibles par l’intermédiaire d’eoRezo.

Les services proposés par eoRezo associés aux logiciels téléchargés, peuvent modifier les paramètres de votre navigateur WEB (bookmark, page d’accueil, onglet). Certains logiciels proposés par eoRezo peuvent modifier les paramètres de votre navigateur pour faciliter l’accès aux services de contenu et de recherche. Dans le menu du site www.eorezo.com, vous pouvez trouver la procédure permettant de désinstaller le service eoRezo.

La société EOREZO tranchera souverainement tout litige relatif à l’interprétation du présent règlement. Il ne sera répondu à aucune demande téléphonique concernant l’interprétation ou application du présent règlement.

Ici donc en plus d’installer leur version d’OpenOffice.org, vous allez vous retrouver avec une surcouche logicielle d’eoRezo qui ne fait pas dans la dentelle !

Il me reste encore deux liens à parcourir. Mais n’en jetez plus, j’abandonne. Je ne voudrais pas que ma mauvaise humeur se transforme en colère ou en déprime (ou les deux).

Il faut croire que cela marche en tout cas puisque au moins six de ces sites ont acheté le mot clé « OpenOffice.org » dans Google Adsense (la régie publicitaire de Google), pour justement le faire apparaitre quand un internaute tape cette occurrence dans le moteur de recherche.

Notons au passage que Google n’est pas seul en cause parce que Bing, le nouveau moteur de rechercher de Microsoft, propose également ces annonces lorsque l’on entre « OpenOffice.org ». Si nous insistons sur Google c’est parce qu’il domine et de loin le marché.

Google Adsense - OpenOffice.org

Des dommages collatéraux qui font potentiellement très mal

Mais résumons-nous.

Est-ce que tout ceci est bien moral ? Non, et plutôt deux fois qu’une !

Est-ce que tout ceci est bien légal ? En théorie oui, du moment que vous respectez la licence (les magazines vendent bien leur CD avec OpenOffice.org dessus après tout).

Ainsi le lien cité plus haut qui, d’après ses dires, ne faisait que rediriger vers les packs du site officiel du logiciel, ne semble pas hors-la-loi (quand bien même il se sucre au passage avec ses appel surtaxés pour ouvrir la vanne du téléchargement). Pour les autres j’en suis carrément moins persuadé mais il faudrait aller au bout du processus pour pouvoir l’affirmer à 100%.

Ce qui est certain ce qu’on en profite au passage pour capter vos données personnelles (à commencer pas votre numéro de téléphone). Mais cela peut être pire encore si un logiciel non désiré vient s’installer à votre insu ou, ce que je n’ai pu constater ici mais qui doit bien exister, si c’est la carte bancaire que l’on doit utiliser pour lever le blocage.

Admettons cependant (bien que j’en doute fortement) que tous ces liens restent dans le cadre de la légalité, sachant que les conditions d’utilisation ont été rédigées justement pour les absoudre de tout. Le problème est également ailleurs. Il est du côté de l’utilisateur et surtout du côté de l’image (de marque) du logiciel libre qui est susceptible d’en prendre alors un sacré coup.

Imaginez qu’un internaute « peu aguerri » ait entendu parler d’OpenOffice.org. « Installe-le et utilise-le en lieu et place de MS Office, c’est un logiciel libre, c’est différent du logiciel propriétaire, il a un petit supplément d’âme, etc. en plus il est d’excellente qualité et en plus il est téléchargeable gratuitement sur Internet », lui avait-on dit avec confiance et enthousiasme.

Que fait alors notre internaute peu aguerri une fois rentré chez lui ? Il s’en va taper « OpenOffice.org » dans Google bien sûr. Certains me diront qu’il faut être un peu « neuneu » sur les bords pour cliquer sans précautions sur les liens commerciaux de Google. Certes mais on peut faire remarquer que Google prend un malin plaisir à brouiller les cartes en proposant des liens commerciaux graphiquement assez proches des liens non commerciaux (même si effectivement ils sont bien indiqués comme tels). Et puis surtout c’est oublier qu’en matière d’Internet on a tous été un peu neuneu à nos débuts.

Donc notre internaute ne se méfie pas, clique… et se retrouve embarqué sur l’un des sites décrits précédemment, où il risque de se faire arnaquer dans les petites (quelques euros) ou les plus grandes largeurs (usage de ses données personnelles, surcouche désormais tapie dans les bas-fonds de l’ordinateur, etc.).

Quels que soient les conséquences de sa mésaventure, il risque fort de l’associer au logiciel libre quand bien même il finisse par comprendre de quoi il a été victime. Et c’est alors un bilan désastreux pour ceux, comme Framasoft, qui font la promotion du logiciel libre auprès d’un large public, puisqu’on avait au départ une personne assez curieuse et motivée pour faire une recherche Google sur un logiciel libre dont on lui avait loué pour la première fois l’existence.

Un Framasoft au bord de la crise de nerfs

Le problème c’est que Framasoft est mal placé pour jouer les donneurs de leçon puisque nous participons indirectement à ces arnaques ! Pire encore, nous gagnons de l’argent dessus !!!

En effet, nous utilisons le service Google Adsense sur le site phare qui abrite notre service phare, à savoir l’annuaire de logiciels libres, depuis le jour où nous nous sommes rendus compte que sans salarié(s) on ne s’en sortait plus (pour de plus amples explications). Or que se passe-t-il lorsque nous arrivons sur notre notice d’OpenOffice.org, je vous le donne en mille, on retrouve ces liens « frauduleux » :

Google Adsense - OpenOffice.org

Un affilié ne peut pas contrôler les publicités que va afficher Google sur son site. La seule chose qu’il nous est autorisé de faire est de dresser une liste noire de noms de domaine interdits. C’est ce que nous faisons (et la liste commence à être longue) mais il nous est impossible de suivre en temps réel la chose tant ces sites sont nombreux (témoignant de la vitalité de ce types d’arnaque).

Or si l’affichage des annonces rapportent des sous, le clic vers ces annonces rapportent beaucoup plus. Nous sommes donc en pleine schizophrénie : nous souhaitons sensibiliser au logiciel libre mais nous nous finançons pour partie « grâce » à ceux qui tombent dans le piège de ces arnaques via notre site, alors même que c’est ce public, très « grand public », que nous souhaitons toucher en priorité !!!

C’est une position intenable (et indéfendable) sur la durée.

Que peut-on faire ?

Pour ce qui concerne Framasoft en particulier, dans la mesure où le travail de notre salarié nous est indispensable, il nous faut trouver au plus vite d’autres sources de financement. C’est d’ailleurs aussi pour cela que nous avons lancé notre campagne de soutien. Et la somme atteinte aujourd’hui, bien qu’insuffisante, nous laisse assez optimiste car elle témoigne de l’attachement à ce que nous sommes et ce que nous faisons.

Pour ce qui concerne le logiciel libre en général, il convient d’informer (d’où la présence de ce billet), de rappeler l’existence d’outils masquant ces annonces (comme l’extension Firefox Adblock plus) ou appelant à s’en méfier (comme l’extension Firefox Web Of Trust), d’être toujours plus nombreux à migrer vers des OS libres, de tout faire pour que des solutions de types Ad Bard s’imposent, mais aussi peut-être de dénoncer ces sites à un quelconque organisme (à commencer par Google himself ?) si tant est qu’on puisse réellement y faire quelques chose et réussir à les interdire (sans oublier qu’en cette période Hadopi Loppsi, il convient de marcher sur des œufs avec la notion d’interdiction sur Internet).

Si la publicité affichée était réellement pertinente comme par exemple l’annonce d’une formation OpenOffice.org distillée par une SSLL, il n’y aurait pas de problème puisque l’on continuerait à promouvoir le logiciel libre en question. Mais ce jour est encore loin notamment parce que ces sociétés émergentes n’ont pas forcément le budget à mettre dans ces régies publicitaires.

N’oublions pas cependant qu’il ne s’agit que d’un seul exemple, celui d’un unique mot clé concernant l’un des plus célèbres logiciels libres en circulation. Retrouve-t-on les mêmes liens commerciaux à l’affut d’autres logiciels, non libres cette fois-ci, comme certains freewares ? Il semblerait bien que oui, mais même si l’arnaque est rigoureusement identique, l’effet est peut-être atténué parce que jamais ces logiciels gratuits n’ont osé parler d’éthique. Retrouve-t-on la même situation avec d’autres logiciels libres ? J’ai fait quelques tests rapides et a priori la réponse est provisoirement négative (sauf pour Gimp, cf ci-dessous).

Google Adsense - OpenOffice.org

Il n’empêche que « la menace plane » et que tout site de promotion du logiciel libre devrait aujourd’hui peser très attentivement le pour et le contre si jamais il envisage « la tentation Google », sachant donc que les conséquences peuvent aller à l’encontre même de ce que l’on souhaite défendre et diffuser.

Qui se sent morveux se mouche, et Framasoft a un gros rhume en ce moment.

Et place aux commentaires, où, masochistes que nous sommes, on vous aura vraiment donné le bâton pour se faire battre ! Mais ne tapez pas trop fort, si les manifestations de soutien se poursuivent, on devrait pouvoir annoncer la suppression de la pub Google en guise de prochain cadeau de Noël.




Des bienfaits en tout point positif de la concurrence d’Apple et Microsoft à l’école

La Classe - Spécial IUFM - Avril 2009 - Page 16Petit cours d’économie libérale sur les vertus de la compétition.

Plusieurs sociétés se font concurrence sur le même marché. L’offre se multiplie, les prix baissent, et c’est le consommateur ravi qui en profite. La mécanique est bien huilée, et ce ne sont pas les quelques crises conjoncturelles et situations de monopole qui apparaissent de temps en temps qui doivent nous faire douter du bien fondé du modèle. Le discours dominant n’a de cesse de nous le rappeler, accompagnant toute critique d’une réponse ferme et définitive : il n’y a pas d’alternative.

Que se passe-t-il lorsque le marché se trouve être l’éducation ? On prend certes un peu plus de précautions, mais la logique est rigoureusement la même puisque, on vous l’a déjà dit, il n’y a pas d’alternative.

Et c’est ainsi que l’on peut tranquillement mettre entre les mains des jeunes enseignants (en l’occurrence des professeurs des écoles stagiaires à l’IUFM), des articles sans nuances comme celui que nous allons vous présenter et commenter aujourd’hui.

Paru en avril 2009, il est issu d’un hors-série « gratuit » spécial IUFM du journal La Classe dont l’éditeur, le groupe Martin Media, se présente comme un « professionnel de l’enseignement primaire ». Vous pouvez le télécharger à cette adresse du site (l’article en question se trouvant en page 16-17).

Tout de suite, on annonce la couleur :

Titre : Des bienfaits de la concurrence

Sous-titre : Apple et Microsoft s’immiscent dans l’éducation… Et c’est en tout point positif !

On eût aimé un peu plus de retenue mais il n’y a pas d’altern…

L’idée c’est donc de vous raconter comment l’activisme éducatif de ces deux géants bénéficie à l’école. Ce qui n’interdit pas quelques éclairs de lucidité (bien vite balayés d’un revers de plume) :

J’entends d’ici les mauvaises langues : sensibiliser les élèves permet de toucher les enseignants ainsi que les parents. Personne ne contredira cette vérité économique. Cependant, cette pénétration s’accompagne d’actions innovantes.

Les mauvaises langues n’ont rien à dire puisque fleurissent les actions innovantes. Pour rappel le mot « innovation » (et toutes ses déclinaisons) a été annexé par Microsoft et son partenaire le Café Pédagogique.

Mais point de procès d’intention. Regardons un peu les « actions innovantes » exposées. Il y a du podcasting chez Apple, de l’ENT et la suite MS Office 2007 offerte « sans frais » aux enseignants chez Microsoft. Et c’est tout. Autrement dit rien qui n’augure de la qualité pédagogiquement innovante de ces actions.

Microsoft organise, entre autres, des conférences sur ce thème, présentant ainsi aux enseignants la manière d’utiliser efficacement ces plateformes dans le monde scolaire. (…) En effet l’une comme l’autre propose des ressources TICE à télécharger en ligne ainsi que des formations à l’intention des enseignants du primaire et du secondaire.

Conférences, formations et ressources TICE proposées directement par Microsoft et Apple. Nous ne disposons certainement d’aucune compétence interne pour devoir ainsi nous reposer sur les épaules ces deux géants américains.

Les enseignants peuvent ainsi juger de l’impact de l’informatique sur les apprentissages, et inviter leur collectivité à investir dans un parc Apple (avec une remise de 8%).

Nous ne sommes pas chez Auchan mais c’était tout de même important de préciser le montant de la remise. VRP Apple pour votre collectivité, ça vous dirait ? Ce n’est pas rémunéré mais à vous la gloire d’avoir fait économiser 8% à votre commune !

Quant aux offres de types AbulÉdu – Ryxeo, évidemment nous ne saurons rien.

Ces actions démontrent les intérêts tout à la fois pédagogique et commercial de ces entreprises. Mais, elles font aussi évoluer l’utilisation des technologies dans le domaine de l’enseignement.

Il y a certes évolution, mais est-elle nécessairement positive ? Quant au « pédagogique », il est peut-être de trop.

Et pour finir, la caution d’un drôle de témoignage d’un formateur IUFM :

« Apple travaille depuis un certain temps avec l’Éducation nationale (…) Pour Microsoft, cette volonté est plus récente, mais il tend à développer cette relation (…) Cela dynamise fortement l’intégration des TICE dans la pratique pédagogique des professeurs, et aboutit aussi à une multiplication des logiciels libres. »

Les deux derniers mots de l’article seront donc, ô surprise, pour les logiciels libres. Mais quel étrange contexte pour leur apparition ! Les agissements des uns aboutiraient donc à la multiplication des autres ? J’eus été l’auteur, je serais allé au bout de ma démarche en concluant ainsi : « cela dynamise fortement l’intégration des TICE dans la pratique pédagogique des professeurs, et aboutit aussi à freiner la multiplication des logiciels libres ».

Il n’empêche qu’ils sont cités. Et c’est le petit grain de sable dans la machine parce que peut-être, finalement, qu’il existe quand même des alternatives (des alternatives bien moins compétitives que coopératives). En les ignorant nous avons un article en apparence factuel et objectif. En les prenant en considération, nous sommes alors face à un texte bien moins neutre qu’il n’y parait. Manipulation et propagande ne sont plus très loin…

Cher nouveaux collègues, abonnez-vous à « La Classe » si bon vous semble mais n’oubliez pas d’élargir votre horizon TICE avec d’autres sources d’information (pourquoi pas le Framablog par exemple, l’abonnement est plus que gratuit, il est libre).

Vous y lirez alors que lorsque Apple ou Microsoft s’immiscent dans l’éducation (sans oublier Google), ce n’est pas forcément « en tout point positif », cette intrusion, pas toujours désirée, impactant non seulement les logiciels libres mais, aussi et surtout, les mentalités.

Histoire de ne pas payer cet article gratuit au prix fort…




Difficile de supporter Microsoft quand il supporte ainsi l’ODF

Ndanger - CC by-saLa lecture régulière du Framablog nous apprend, si ce n’est à nous méfier, en tout cas à être très prudent face aux effets d’annonce de Microsoft. Et pourtant, en avril dernier, un brin naïf je titrais : Le jour où la suite bureautique MS Office devint fréquentable ? en évoquant le support imminent du format ouvert OpenDocument (ou ODF) dans le tout nouveau service pack 2 de la version 2007 de la célèbre suite propriétaire de la firme de Redmond.

A posteriori je me rends compte qu’il aurait peut-être mieux valu attendre les tests techniques avant de témoigner d’un quelconque enthousiasme. Ce que n’ont pas manqué de pointer certains commentateurs lucides[1] du billet en question.

Or justement les premiers tests poussés ont été effectués. Et le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils ne sont pas bons. C’est ce que nous expose l’ODF Alliance dans un article traduit ci-dessous pas nos soins.

Dit autrement sur un mode plus familier, Microsoft s’est légèrement foutu de notre gueule. Sauf qu’on n’est pas là pour rigoler parce que les enjeux sont très importants. En effet Microsoft possède aussi son format bureautique, l’Office Open XML (ou OOXML), qu’elle tente par tous les moyens d’imposer, avec la complicité de l’ISO.

Que dans ce contexte le gouvernement, en publiant (enfin) récemment une nouvelle version de travail du Référentiel Général d’Interopérabilité (RGI), n’ait rien trouvé de mieux à faire que de… ne pas choisir et donc légitimer de fait le format OOXML, est un véritable camouflet infligé à ceux qui se battent pour dénoncer de tels agissements. Merci à l’April de « dénoncer une capitulation du gouvernement français qui soigne le marché de Microsoft au détriment de l’objectif d’interopérabilité » (même si à titre personnel je souhaite qu’on aille plus loin que la mise en ligne d’un simple communiqué).

Loin de l’opinion (qu’on a déjà eu du mal à intéresser à l’Hadopi), la guerre des formats bureautiques entre l’ODF et l’OOXML se poursuit. On se croirait dans le film Le bon, la brute et le truand, Microsoft jouant à la fois le rôle de la brute et du truand.

Le support du format ODF par Microsoft laisse à désirer

Microsoft’s ODF Support Falls Short

Communiqué de presse (Marino Marcich et Beth Dozier) – 19 mai 2009 – ODF Alliance
(Traduction Framalang : Yonnel et Daria)

Les conclusions de l’ODF Alliance montrent qu’on est encore loin d’une réelle interopérabilité.

En ce jour, l’OpenDocument Format (ODF) Alliance signale que de sérieuses carences dans le support d’ODF par Microsoft doivent être corrigées pour assurer une meilleure interopérabilité avec les autres logiciels qui supportent ODF.

« Le support d’ODF représente un test important, sur le long terme, de l’engagement de Microsoft pour une réelle interopérabilité », a déclaré le directeur général de l’ODF Alliance, Marino Marcich. « Malheureusement, de graves défauts ont été identifiés dans le support ODF de Microsoft. Le fait de mettre potentiellement en circulation des millions de fichiers ODF non-interopérables et incompatibles avec le support ODF que garantissent d’autres éditeurs ne peut que mener à la décomposition du standard. »

Le 28 avril 2009, Microsoft a publié le Service Pack 2 pour Office 2007, qui donne aux utilisateurs la possibilité d’ouvrir et de sauvegarder des fichiers ODF. Pourtant, un premier test du support d’ODF dans Office 2007 (voir l’analyse) a révélé de graves défauts qui, sans correction, iraient à l’encontre de l’interopérabilité basée sur les standards ouverts que le marché, et en particulier les gouvernements, exige.

« Un bon nombre de tests d’interopérabilité de base entre Microsoft Office 2007 et diverses suites logicielles compatibles avec ODF ont révélé que le niveau d’interopérabilité est bien loin des exigences gouvernementales partout dans le monde », a ajouté Marcich. « Par exemple, même les fonctions de tableur les plus basiques, comme l’ajout des nombres de deux cellules, étaient simplement supprimées dans un fichier ODF qu’on a ouvert et re-sauvegardé dans Microsoft Office 2007. Un document créé dans une autre application supportant l’ODF, puis re-sauvegardé dans Microsoft Office 2007, a un rendu différent (disparition de puces, numéros de page, tableaux et autres objets, polices altérées), compliquant sérieusement la collaboration avec Office 2007 sur un fichier ODF. On a même découvert que certains plugins créés par d’autres que Microsoft offraient un meilleur support ODF que le récent Microsoft Office 2007 SP2. C’est tout sauf un moyen d’arriver à l’interopérabilité demandée par le marché autour de ce format. »

« Les historiques de modifications sont essentiels pour le travail collaboratif, et les formules sont l’essence des feuilles de calcul. L’échec de Microsoft de supporter l’un comme l’autre dans le SP2 est révélateur de sa volonté concrète d’arriver à une réelle interopérabilité », a poursuivi Marcich. « Compte tenu des lacunes dans le support de l’ODF, il faut que les gouvernements continuent d’exiger que Microsoft implémente le support pour une bonne utilisation avec les logiciels d’autres éditeurs. »

Malgré ces problèmes, Marcich a noté l’intérêt croissant pour l’ODF. « Le fait que Microsoft se soucie fortement désormais du support de l’ODF suggère que le débat public autour des formats de documents n’est pas prêt de se terminer », a conclu Marcich. « Ce qui est clair, c’est que l’époque où les informations publiques étaient emmurées dans un format fermé, imposant l’achat d’un logiciel particulier, est en train de toucher à sa fin, en grande partie grâce au courage et à la vision de gouvernements à la pointe dans le soutien de l’ODF, qui ont bien voulu prendre position sur ce problème important de politique publique. »

À propos de l’ODF Alliance : L’OpenDocument Format Alliance est une organisation de gouvernements, d’institutions universitaires, d’ONG et d’entreprises qui a pour but d’informer les responsables politiques, les responsables informatiques et le public sur les bénéfices et les opportunités offerts par le format ODF.

MS Office 2007 Service Pack 2 avec support ODF : comment est-ce que cela fonctionne ?

Résumé des premiers résultats de tests sur le support ODF de Microsoft

Le support de Microsoft pour le format OpenDocument (ODF) représente un test important, et sur le long terme, de son engagement à aller vers une réelle interopérabilité. Avec le SP2, Microsoft devient instantanément la suite bureautique ODF avec la plus grande part de marché. Toutefois, le fait de mettre en circulation des millions de fichiers ODF non-interopérables et incompatibles avec le support ODF que garantissent d’autres éditeurs ne peut que mener à la décomposition du standard. Dans les faits, cela mettrait fin à l’interopérabilité basée sur les standards ouverts en bureautique.

Vous trouverez ci-dessous un résumé des principaux défauts du support ODF de Microsoft, identifiés après les premiers tests. Sans corrections, c’est la divergence qui prédominera, au lieu d’une convergence autour d’un format d’échange ouvert et éditable, que le marché, y compris et surtout les gouvernements, réclame. Pour être constructif, nous avons fait plusieurs recommandations pour que Microsoft puisse enfin réellement honorer son engagement de support interopérable pour l’ODF.

Interopérabilité pour le tableur ODF

Lors de la lecture d’une feuille de calcul ODF, MS Office Excel 2007 efface les formules, ce qui casse l’interopérabilité avec tous les autres tableurs qui supportent l’ODF. Adapté pour la lecture, le support Microsoft pour le travail collaboratif sur les feuilles de calcul ODF est comme inexistant dans la pratique.

Une feuille de calcul de test créée dans Google Docs, KSpread, Symphony, OpenOffice, et le plugin Sun 3.0 pour MS Office, par exemple, n’est pas correctement interprétée par MS Excel 2007. La raison en est que les formules utilisées pour faire des calculs dans un tableur (par exemple ajouter des nombres dans plusieurs cellules d’une colonne) sont tout simplement effacées dans MS Excel 2007. Au lieu d’effectuer les opérations, ce qui reste lors du chargement de la feuille de calcul dans MS Excel 2007 est la dernière valeur de la cellule de la dernière sauvegarde.

La même feuille de calcul de test, ouverte puis enregistrée dans toutes les applications, à part MS Excel 2007 (par exemple entre KSpread et Google Docs), est correctement interprétée. La plupart des autres tableurs ODF sont parfaitement capables d’interopérer. La bonne approche pour Microsoft aurait été de faire de même, pour assurer aux utilisateurs de MS Office la possibilité de partager des feuilles de calcul avec d’autres suites bureautiques supportant ODF.

Les plugins ODF pour Microsoft Office édités par des tierces parties se sont révélées proposer un meilleur support ODF que le récent Microsoft Office 2007 SP2. MS Excel 2007 traite bien les feuilles de calcul ODF lorsqu’elles sont chargées par l’intermédiaire du plugin Sun 3.0 pour MS Office ou du « OpenXML/ODF Translator Add-in for Office », mais ce n’est pas le cas lorsque l’on utilise le support intégré d’Office 2007 SP2.

Bien que les formules de calcul pour ODF 1.0/1.1 (la version supportée par Office 2007, selon Microsoft) sont spécifiques à chaque implémentation, elles ont pourtant convergé vers des formules de calcul de plus en plus interopérables. Microsoft a participé au vote à l’OASIS à l’époque de l’approbation d’ODF 1.0/1.1. ODF 1.2, qui devrait bientôt passer au vote pour approbation comme un standard OASIS, définira les formules de calcul à l’aide d’OpenFormula.

En fait, les feuilles de calcul créées dans Excel 2007 SP2 ne sont pas conformes à ODF 1.1, car Excel 2007 encode mal les formules avec des numéros de cellules. Selon la section 8.3.1 de l’ODF 1.1, les adresses de cellules dans les formules doivent commencer par un crochet ouvert et se terminent par un crochet fermé. Dans Excel 2007, les adresses de cellules ne sont pas comprises entre ces crochets obligatoires, ce qui pourrait pourtant être facilement corrigé.

Pour de plus amples lectures, voir Mise à jour de l’interopérabilité des feuilles de calcul ODF, par Rob Weir/IBM, sur , et À propos du fiasco du support ODF de Microsoft, par Ditesh Gathani.

Cryptage

Microsoft Office 2007 ne supporte pas le cryptage (protection par un mot de passe) dans les fichiers ODF.

Un utilisateur de MS Office 2007 connaissant le mot de passe ne peut pas ouvrir un document protégé par un mot de passe, créé dans n’importe quelle autre suite majeure supportant ODF.

La protection par mot de passe est une fonctionnalité interopérable, supportée par et entre les autres suites majeures supportant ODF, dont KOffice, Open Office et Lotus Symphony.

Dans l’autre direction, les fichiers ODF créés dans MS Office 2007 ne peuvent pas être protégés par un mot de passe. Les utilisateurs de MS Office 2007 ont un message d’avertissement, « Vous ne pouvez pas utiliser la protection par mot de passe avec le format ODF. »

Le cryptage et la protection par mot de passe sont pourtant pleinement spécifiés dans ODF 1.0/1.1 (item 17.3 de la spécification). Il en résulte qu’une mauvaise définition de cette fonctionnalité dans ODF ne peut pas être invoquée comme une explication plausible. Microsoft devrait implémenter immédiatement le support du cryptage. ODF 1.2 apportera le support des signatures numériques. Microsoft devrait ajouter le support des signatures numériques dès que ODF 1.2 sera approuvé.

Pour de plus amples lectures, voir Maintenant Microsoft essaie de fragmenter ODF, par Jomar Silva/ODF Alliance.

Historique de modifications

Microsoft Office 2007 ne supporte pas l’historique de modifications dans ODF.

L’historique de modifications est essentiel au travail collaboratif. Le fait de ne pas supporter cette fonctionnalité empêche une vraie collaboration sur un fichier ODF entre utilisateurs de MS Office 2007 et des autres logiciels compatibles ODF qui eux supportent bien cette fonctionnalité (OpenOffice.org, StarOffice, Lotus Symphony et Google Docs, entre autres).

L’historique de modifications est spécifié dans ODF 1.0/1.1, donc là encore l’absence de définition de cette fonctionnalité dans ODF ne peut pas être invoquée comme une explication plausible. Microsoft devrait implémenter le support interopérable de l’historique de modifications immédiatement.

Le support d’ODF uniquement dans MS Office version 2007

MS n’a pas implémenté le support natif pour ODF dans Office 2003 ou ses prédécesseurs.

La grande majorité des utilisateurs de Microsoft Office, dont la plupart des gouvernements, utilisent actuellement encore Office 2003 ou ses prédécesseurs.

Pour bénéficier du support natif d’ODF, les utilisateurs gouvernementaux de MS Office seront obligés de passer à MS Office 2007.

Pour les utilisateurs d’Office 2003 et ses prédécesseurs, Microsoft a promis de continuer à supporter le « OpenXML/ODF Translator Add-in for Microsoft Office », et le plugin Sun 3.0 est également disponible pour les utilisateurs de MS Office. Alors que ces plugins égalent ou dépassent les performances du support de MS Office 2007 SP2, ils ne peuvent pas se substituer sur le long terme à un support complet, natif, et interopérable.

L’engagement de supporter les futures versions d’ODF

L’annonce de Microsoft concernant la sortie du Service Pack 2 ne contient aucune promesse de mise à jour du support d’ODF dans les prochaines versions.

Microsoft traîne les pieds depuis plus de 3 ans (ODF 1.0 a été approuvé comme standard OASIS en mai 2005, et comme standard ISO en mai 2006 ; ODF 1.1 par l’OASIS en février 2007), malgré les appels répétés de gouvernements partout en Europe et ailleurs pour l’implémentation du support d’ODF.

L’implémentation de versions incompatibles et de bas niveau des standards ouverts empêchera l’interopérabilité en bureautique, surtout si l’on prend en compte la base potentiellement importante d’utilisateurs d’ODF.

Microsoft est bien connu pour ses implémentation de bas niveau de standards ouverts. Comme par exemple Java dans Internet Explorer, où Microsoft a pré-installé une version incompatible avec des extensions propriétaires, pour ensuite ne plus s’en occuper en ne la mettant pas à jour au fur et à mesure de l’évolution de la technologie Java.

ODF 1.2, qui inclut le support des formules de calcul, des métadonnées et de la signature numérique, sera bientôt examiné pour devenir un standard OASIS, et est consultable par tous sur le site web de l’OASIS OpenDocument Technical Committee (auquel Microsoft participe).

Microsoft et d’autres éditeurs supportant ODF devraient s’engager publiquement à mettre à jour leur implémentation en suivant la dernière version d’ODF. Une nouvelle version d’ODF devrait être obligatoirement supportée dans n’importe quelle version (ou Service Pack) de MS Office parue après la sortie d’une nouvelle version d’un standard ODF.

Notes

[1] Crédit photo : Ndanger (Creative Commons By-Sa)