Contribuer à un logiciel libre dans une formation en école d’ingénieur
Des étudiants de l’Université de Technologie de Compiègne effectuent, dans le cadre de leur cursus, des Travaux de Laboratoire consistant à avancer sur des tickets du projet Framadate (qui n’en manque pas), avec le soutien de leur enseignant Stéphane Crozat (dont on vous reparlera) et du CHATONS local Picasoft. Leurs travaux sont documentés dans un wiki et leur avancement dans des pads.
De la belle contribution utile !
Pour commencer, une petite présentation s’impose : je m’appelle Justine et je suis en première année de formation ingénieur en informatique à l’UTC (Université de Technologie de Compiègne). Lors de ce semestre, c’est-à-dire lors des quatre derniers mois, et dans le cadre de ma formation (ce travail, après évaluation, pourra m’apporter 5 crédits ECTS), j’ai eu l’occasion de contribuer au logiciel libre Framadate. Cet article se veut être un bilan de mon expérience.
Contribuer à un logiciel libre, était-ce différent d’un projet « classique » ?
À l’UTC, les étudiants sont évalués selon des barèmes différents d’une matière à l’autre. En informatique, l’évaluation comprend souvent un projet (qui ne correspond pas souvent à plus de 20% de la note finale). Ce projet a des objectifs largement pertinents, comme vérifier sur un cas pratique que les étudiants ont assimilé la théorie qui leur a été enseignée. Cependant, j’ai souvent éprouvé une certaine frustration vis-à-vis de ces projets. En effet, une fois rendu, évalué et donc noté, le projet tombe dans l’oubli : pas d’utilisation réelle, pas d’amélioration, une sorte de produit déjà mort à sa sortie. Ainsi, l’idée de travailler sur un logiciel libre, avec des utilisateurs bien réels derrière, m’a semblé extrêmement pertinente et bien différente des projets que j’avais déjà pu mener.
Est ce que ces différences ont entraîné des difficultés ?
Les premières difficultés rencontrées ont été celles posées par l’installation et la prise en main de l’environnement de travail, proposé par les suiveurs. Alors que la plupart du temps, pour mener à bien les projets classiques, les installations des environnements sont déjà faites sur les machines de l’UTC, cela n’était pas le cas cette fois. Composé de nombreux outils (principalement Docker et Git au sein de Linux), l’installation de notre environnement a été relativement lourde et laborieuse. Une fois installé, l’environnement est au premier abord difficile à prendre en main : de nombreuses lignes sont à exécuter dans l’interpréteur de commandes avant de pouvoir tester le code.
Mais les difficultés les plus compliquées à surmonter ont été celles posées par le projet en lui-même. D’abord parce que les langages utilisés (SQL, PHP orienté objet, Javascript, HTML via le moteur de templates Smarty…) ne m’étaient pas ou peu connus. Ensuite, et surtout, parce qu’il m’a paru très compliqué de m’insérer dans un projet déjà bien développé (dans un projet « classique » à l’UTC, on part de rien, on développe tout), projet dont l’architecture n’est pas (ou très peu) documentée. Sa compréhension a donc nécessité beaucoup de temps et d’efforts, j’y reviendrai.
Comment s’est organisée ta contribution ?
Cette contribution a été organisée selon une méthode de type agile : le travail est découpé en itérations de six heures chacune, une itération par semaine. Le semestre a ainsi été rythmé par des réunions de suivi hebdomadaires avec les suiveurs, Stéphane Crozat et Andrés Maldonado, chargés d’accompagner et d’évaluer le travail. Sur chaque itération, nous déterminions donc ensemble l’objectif à atteindre pour la semaine suivante, et je déterminais seule l’articulation de mon travail (combien d’heures je devais passer à réaliser telle tâche). La contribution s’est articulée en deux volets : un volet de développement (qui consistait en la résolution de trois issues ouvertes sur le projet) et un volet de documentation (via le wiki de l’association Picasoft).
Concrètement, qu’as-tu apporté à Framadate ?
Comme évoqué plus haut, l’architecture du projet n’était que très peu documentée. Ainsi, afin de travailler efficacement sur le projet, j’ai préféré commencer par passer plusieurs heures (concrètement une vingtaine) à explorer le projet et documenter au maximum ce que j’en comprenais (les classes implémentées, leur articulation au sein du projet…). Un travail étudiant comme celui-ci est aussi l’occasion d’apprendre à formaliser et documenter, mon travail est disponible ici.
Ce n’est que dans un second temps que j’ai réellement commencé mon travail de résolution d’issues, et donc de développement et de documentation du travail réalisé. J’ai préféré travailler ces deux volets en parallèle, afin de restituer le travail réalisé lorsque tout était encore frais dans mon esprit. J’ai ainsi pu travailler sur trois issues :
Issue #38 : collecter les adresses e-mail des sondés
L’idée est de permettre à l’administrateur de choisir de collecter (ou non) les adresses e-mail des sondés. Si l’administrateur choisit la collecte, alors la saisie d’une adresse de courriel valide (respectant le format e-mail) est obligatoire pour voter. La collecte s’accompagne d’une fonctionnalité permettant à l’administrateur de récupérer efficacement l’ensemble des adresses des personnes sondées.
Issue#324 (et #61) : Amélioration de l’option de collecte des adresses e-mail des personnes sondées. L’idée était d’améliorer le travail réalisé précédemment en passant la collecte des adresses de courriel sous quatre options différentes :
option 1 : la collecte est désactivée ;
option 2 : la collecte est activée ;
option 3 : la collecte est activée et la saisie est obligatoire ;
option 4 : la collecte est activée, la saisie est obligatoire et le vote doit être confirmé par un clic sur le lien envoyé dans un mail à l’adresse renseignée (cette dernière option n’a pas été implémentée car le service d’envoi d’e-mail est inutilisable au sein de l’installation).
Issue#208 : permettre la finalisation d’un sondage par l’administrateur
L’idée était d’ajouter une fonctionnalité pour l’administrateur de clôture de sondage et de lui permettre :
de sélectionner le choix retenu ;
de justifier son choix.
Chacune de ces résolutions d’issues a fait l’objet d’une merge-request. C’est un processus itératif très intéressant à découvrir au sein duquel on peut interagir avec les développeurs logiciel et web de Framasoft qui vont vérifier le travail proposé et en demander des corrections.
Tout au long de mon travail, j’ai pu ainsi interagir avec différents interlocuteurs : les suiveurs bien sûr, Stéphane Crozat et Andrés Maldonado, mais aussi Thomas Citharel, développeur logiciel web chez Framasoft, et Kyâne Pichou, diplômé de l’UTC. Je tiens à remercier tous ces interlocuteurs pour leur soutien et leurs conseils, je pense qu’il est indispensable d’être bien accompagnés dans ce processus de contribution afin qu’il soit efficace et utile à tous.
Finalement, quels sont les apports au sein de ta formation ?
Contribuer à Framadate m’a d’abord permis de gagner en compétences d’utilisation des outils utilisés (Docker, Git, Linux) et en développement web : interface, base de données,…. Mais cette contribution m’a surtout fait gagner énormément d’indépendance et d’autonomie vis-à-vis d’un projet déjà existant et bien développé, ce qui est très formateur et pertinent en amont de mon futur stage (six mois en entreprise à partir de septembre).
Que faudrait-il retenir de cet article ?
Contribuer à un logiciel libre au sein de la formation en école d’ingénieur constitue une expérience très pertinente pour compléter le profil théorique et « scolaire » d’un étudiant. Cette expérience permet de faire face à de nouvelles difficultés, et ainsi développer de toutes nouvelles aptitudes.
En savoir plus :
ECTS : European Credits Transfer System, calculés en fonction de la charge de travail de l’étudiant , ils permettent l’obtention des diplômes français (et européens).
Picasoft est le CHATON créé par les étudiants de l’UTC.
Un jeune libriste part à l’asso des mauvaises habitudes
Neil vient de finir un stage d’étudiant au terme duquel il a réussi à faire adopter des outils libres à une association. Il livre ici le récit de ses tribulations, c’est amusant et édifiant…
On aimerait bien qu’il y en ait beaucoup comme lui pour s’engager de façon aussi déterminée et efficace. Nous espérons entamer une série d’interviews de libristes qui comme lui sont particulièrement impliqué⋅e⋅s dans la diffusion des valeurs et des pratiques libristes.
Bonjour à tous,
N’ayant encore qu’assez peu d’expérience dans le domaine du libre et s’agissant de mon premier article sur Internet, je sollicite votre bienveillance et vous invite à me signaler toute éventuelle erreur ou mauvais usage des termes dans cet article.
Contexte
Les études
Avant de commencer, un peu de background. J’ai 20 ans et je suis en première année de BTS SIO (branche SLAM), formation post-bac orientée sur l’informatique de gestion et le développement d’applications.
Au bout d’un mois dans cette filière, j’ai senti qu’elle n’était pas pour moi en constatant notamment un retard assez grave dans les notions du référentiel. Mais pour des raisons financières (bourses, appartement, etc.) j’ai dû finir mon année, ce qui implique l’obligation de trouver un stage d’un mois en juin.
Le choix de l’association
J’ai donc choisi une association que je vais appeler Ciné-Asso, qui propose des tarifs réduits pour des séances au cinéma pour les établissements scolaires et ses adhérents. Ses responsables disaient avoir besoin de retravailler leur système d’information.
C’était pour moi une chance que de pouvoir mettre mes connaissances à disposition d’une association, ce qui m’attirait bien plus que les stages choisis par mes camarades de classe (stage en banque, en dépannage/réparation informatique, au supermarché, en startup French Tech qui développe sous WinDev1. Choix judicieux que de choisir un stage WinDev en BTS SIO : WinDev fait partie des logiciels étudiés et utilisés tout comme WordPress, Microsoft Visio, Win’Design, PC Wizard 2015 et plein d’autres. (Vous comprenez pourquoi je n’aime pas cette filière ?)
Et je préférais travailler pour une asso en rapport avec l’art et la culture. Le choix était donc déjà fait.
Un peu de technique
En ce qui concerne les outils utilisés, mon ordinateur tourne sous Debian Buster (prerelease) depuis Janvier 2018. Je code exclusivement sous Vim, mon éditeur préféré. Pour le développement web, j’utilise Apache et MariaDB côté serveur (en local, donc sur mon propre poste). J’utilise souvent MySQL Workbench (la version sous licence GPL par Oracle) pour éditer la BDD, sinon en CLI. Je travaille tout le temps avec draw.io (licence Apache), un logiciel vraiment pratique pour réaliser des schémas en tous genres, des cartes mentales aux modèles relationnels. Je m’estime par ailleurs libriste et refuse, lorsque la situation le permet, de travailler avec des logiciels propriétaires. Vous allez voir que défendre ses valeurs n’est pas facile…
Tâches assignées
Principalement deux tâches me seront confiées durant ce stage d’un mois :
Retravailler le site web de Ciné-Asso Leur site web tournait sous une très ancienne version de Joomla ! et franchement, ce n’était pas beau à voir. Bref, un site des années 2006. Ma mission sera de développer un site vitrine pour le remplacer, avec une gestion d’évènements planifiés (de séances de films, en l’occurrence) pour l’association. Cela inclut évidemment la formation des bénévoles à l’outil ;
Retravailler la base de données, reconstruire la base de données utilisée pour enregistrer les adhérents et les donateurs de l’asso. La base de données actuelle a été créée il y a 10 ans sous Access 2003 (si ce n’est 98…) et elle est encore utilisée jusqu’à présent. La base n’est pas relationnelle alors qu’elle devrait l’être. Résultat : 35 champs dans une table avec les adhérents et donateurs mélangés, des doublons, des couples sur un seul enregistrement et de sérieuses limites. Je vais donc devoir créer une nouvelle base, migrer toutes les données et former les bénévoles.
Le tout, donc, en un mois, avec la contrainte personnelle de n’utiliser que des logiciels libres.
Présentation de Ciné-Asso
Je vais donc vous présenter brièvement l’équipe de Ciné-Asso. De faux noms leur seront attribués afin de préserver leur anonymat.
M. Touron est le président de l’association. Un esprit juste et logique.
Mme Nougat est la trésorière et celle que je dois convaincre. Elle est très réticente à l’intégration de mon travail au sein de l’asso. Elle sera aussi l’une des principales utilisatrices du logiciel de gestion de base de données. J’ai donc intérêt à faire du bon travail afin de satisfaire ses attentes.
M. Réglisse s’occupe de la communication auprès des adhérents. Il utilise tout le temps l’outil informatique dans son travail, pas toujours comme il le faudrait.
Mme Caramel est une jeune bénévole qui soutient mes idées. Elle s’occupe principalement du site web.
M. Calisson est un bénévole octogénaire et maintient la base de données Access. C’est un autodidacte de l’informatique. Il racontait fièrement qu’il avait programmé en COBOL pour le gouvernement à une époque désormais révolue.
M. Prunelle est un prestataire de services extérieur à l’association et jouera un rôle crucial.
Une réunion est organisée entre deux ou trois bénévoles et moi deux fois par semaine afin de présenter l’avancée de mon travail et de m’ajuster à la demande. En dehors des réunions, je travaille en autonomie.
Un détail important à relever : aucun membre de Ciné-Asso n’est assez compétent en informatique pour s’occuper du côté technique du site après mon départ.
Le site web
J’ai consacré les 15 premiers jours à la réalisation du site web. Et parmi tous les CMS possibles, j’ai choisi… Allez, devinez… WordPress.
Vous avez le droit de jeter vos tomates pourries ; mais je n’avais aucune expérience, ni avec Drupal, ni avec Joomla! et je n’avais clairement pas le temps de tester les solutions (rappelons que j’ai seulement 15 jours pour finaliser le site, formations incluses). De plus, je connaissais déjà bien WordPress pour l’avoir utilisé par le passé. Et croyez-moi, j’ai regretté de ne pas avoir été assez curieux, car ces 15 jours mêlèrent ennuis et souffrance.
Le décor
On commence par le design. J’ai choisi la version gratuite d’un thème qui leur plaisait bien. Je leur conçois une jolie bannière d’en-tête (avec GIMP, bien évidemment). Au final, j’ai dû la refaire 16 fois dans une réunion de 4 heures pour satisfaire aux demandes de M. Touron, président. Mais passons. J’ai dû bidouiller le CSS afin de convenir à leurs attentes, au risque de tout casser à la prochaine mise à jour. En guise de solution, je leur ai demandé de tout mettre à jour, sauf le thème.
C’est sale, ça contourne le problème, mais je ne vois pas d’autre option dans le temps imparti ; de plus, les thèmes souffrent rarement d’une faille de sécurité. J’ai donc jugé le pari suffisamment sûr.
Travailler sur WordPress n’est pas jouissif. Ça me servira de leçon pour mes stages futurs.
Les plugins
Je choisis le plugin WP Theater pour programmer les séances de cinéma.
Évidemment, les fonctions les plus intéressantes sont payantes. Je me contente des fonctions de base et réussis à convenir à leurs demandes. M. Touron m’a proposé d’acheter la version payante du plugin, mais j’ai insisté en disant que n’était pas nécessaire et que pour le prix de la fonctionnalité, ça relevait plutôt de l’escroquerie.
Les deux semaines s’écoulèrent (trop) paisiblement avec quelques ajustements par-ci par-là. La formation fut terminée en une après-midi. L’intéressée, Mme Caramel, appréciait l’interface conviviale du logiciel.
Choses vues
En un mois, j’ai appris à connaître les membres de l’association : leur personnalité, leur empathie et surtout, leur usage de l’outil informatique. J’ai tout de même quelques anecdotes qui font peur.
M. Réglisse et Micro$oft Office
J’apprends que l’un des membres de l’association, M. Réglisse, utilise MS Office 2003 pour travailler sur les documents de l’asso. Malheureusement, ce logiciel de Micro$oft n’arrive plus à exporter en PDF sur son poste, pour une raison inconnue (tout autant à lui qu’à moi). Sans compter que Office 2003 ne lit pas les nouveaux formats MS Office (depuis 2007 : xlsx, docx, etc.) ni les formats libres (odt…). Et ainsi, à chaque fois que M. Réglisse souhaite lire ou éditer un fichier incompatible, il envoie ce fichier par mail à sa collègue qui le convertit en PDF (à l’aide d’Apache OpenOffice) et qui lui renvoie par mail, et ce depuis longtemps.
Il fallait quand même que je me retienne de sourire en écoutant ça.
On me demande conseil.
En bon libriste, j’explique que le logiciel est trop vieux et qu’il faut passer à LibreOffice gratuitement ou acheter le pack Office tous les 3 ans, en insistant bien sur la première option.
« Oui, mais j’ai déjà essayé, ça marche pas, y’a des bugs et c’est pas toujours compatible… » Finalement, j’ai réussi à le convaincre. Ça a changé un peu la mise en forme de ses fichiers et il ne s’est pas gêné de me faire remarquer qu’un pixel dépassait par-ci par-là, mais il devrait s’en satisfaire pour le moment.
Vive le libre !
M. Réglisse et le mailing
Dans les aventures de M. Réglisse, j’ai aussi celle où il souhaite envoyer une newsletter à tous les adhérents de l’association. Il ouvre sa base Access 2003, et demande au logiciel de lui donner tous les mails des membres de l’asso. Il ouvre Thunderbird en parallèle, crée un nouveau groupe… et ajoute tous les mails en les réécrivant un par un à la main ! On m’explique que c’était parce que certains mails peuvent avoir été entrés dans la base de données avec des erreurs (une virgule au lieu d’un point, par exemple…) et que copier coller pose alors des problèmes… Car la base de données ne détecte pas les erreurs de saisie…
Je promets à M. Réglisse que le mailing sera beaucoup plus facile avec ma solution.
La réunion à mi-chemin
Les réunions furent assez régulières avec moi au sein de l’asso, mais celle-ci fut de très loin la plus importante. Je rencontre M. Prunelle, expert en informatique, retraité. Il s’agit d’un prestataire de services extérieur à l’association, contacté par Mme Nougat dans l’idée de contrôler mon travail et de m’aiguiller. Pour la première fois, M. Calisson, mainteneur de la base de données, est présent. M. Prunelle commence donc par parler de son parcours ; il a fondé une entreprise d’informatique pendant sa jeunesse et a déjà programmé en COBOL et en assembleur, raconte-t-il avec nostalgie.
M. Prunelle joue un rôle crucial : il s’engage à maintenir mon travail à mon départ en tant que bénévole si le projet correspond à ses attentes. Il s’agit donc d’une personne avec laquelle je devrais collaborer.
Les deux premières heures
On parle beaucoup du site web. Je l’ai présenté, il était déjà globalement fini, prêt à être basculé en production. M. Prunelle approuve mon choix du CMS WordPress et raconte qu’il a de l’expérience avec. On discute des quelques bidouillages sur le CSS (peu nombreux mais hélas impératifs conformément aux demandes).
Mon code étant commenté et mes modifications légères et peu nombreuses, il les approuve et se propose même de les maintenir si ça casse après une mise à jour. Super, ça m’arrache une épine du pied !
Les deux dernières heures
J’aborde le sujet de la base de données. Il faut savoir que la trésorière, Mme Nougat, s’oppose assez fortement au fait que je travaille sur la BDD. Elle souhaite que je me consacre pleinement au site et veut plutôt confier la base à un intervenant extérieur aux frais de l’association. C’est d’ailleurs pour cela qu’elle a fait appel à M. Prunelle…
J’explique mon projet. Un intranet maison, développé from scratch, une BDD relationnelle. Le tout fait à la main. J’avais déjà préparé un schéma relationnel que je lui montre.
« Ta base m’a l’air bien, relationnelle, tout bien comme il faut, c’est du bon travail. Par contre, je ne suis pas trop d’accord avec ta solution pour l’hébergement de la base de données, Maria DB… Je connais de nom mais ce n’est pas très utilisé dans le domaine professionnel… »
Il sort son cahier. Puis son stylo. Je le remarque alors… Un stylo rose fluo, avec le fameux logo de WINDEV dessus. Gulp. Je sais ce qui m’attend.
M. Prunelle me demande alors d’aller voir sur une page cachée d’un site web sur lequel il avait récemment travaillé. Il m’épelle l’adresse, quelque chose du genre « xalex-xpert.com/xalex_expert ».
S’affiche alors une vieille interface de connexion sans TLS, et je reconnais rapidement WEBDEV, de la même boîte. Je fais la moue. J’explique alors que je ne souhaite travailler qu’avec des logiciels libres, par éthique. Un sourire en coin s’affiche sur le visage de M. Prunelle :
« Ha ha ha, moi aussi, quand j’avais ton âge, j’étais un rebelle et je votais à gauche ! Mais aujourd’hui sur le marché du travail, dans un contexte professionnel de l’industrie informatique, jamais je ne me permettrais de présenter une verrue de Linux chez un client ! »
Hein ? L’industrie professionnelle de l’informatique ? Le marché du travail ? Qui a parlé de Linux ? Une verrue ?
La rébellion gauchiste ? Ce n’est pas un #MercrediFiction ni une exagération. C’est mot pour mot ce qu’il m’a dit. Je suis resté bouche bée pendant quelques secondes avant de passer à l’offensive en défendant mes arguments.
Et là, tout de suite, la grosse condescendance. En puissance. Limite, s’il m’avait versé un coulis de caca sur la tête, ça aurait été plus respectueux.
« Non mais de toute façon voilà, c’est comme ça qu’on débute, on fait tous des erreurs, on progresse ensuite, moi j’en ai vu, c’est pas le premier, je sais comment ça se passe »
Et alors évidemment Mme Nougat s’incruste et en rajoute une couche…
« Moi je pense qu’on a la chance d’avoir un professionnel parmi nous, M. Prunelle sait ce qu’il faut faire. Quand on est jeune, on ne connaît pas le marché du travail, on ne sait pas comment bien faire les choses pour répondre aux demandes du client, c’est normal »
(Allez-y, pissez-moi dessus encore, j’aime ça.) Mais avant que je ne me fasse totalement recaler, M. Touron et Mme Caramel interviennent au moment opportun et insistent pour me laisser une chance. Ouf, c’est sauvé. Par contre, du coup, inutile de compter sur lui pour maintenir ma « verrue de Linux ». Plus qu’à me débrouiller tout seul.
Résultat, les deux solutions seront proposées au conseil d’administration et c’est le conseil qui tranchera. J’ai intérêt à bien faire le boulot.
La veille technologique, ou comment j’ai changé d’avis
Ok, j’ai donc 15 jours pour réaliser une solution convaincante à partir de rien, migrer la solution actuelle vers la mienne et enfin former les nouveaux utilisateurs… Bon, j’ai des bouts de code de prêts pour ça, je suis assez expérimenté en PHP pour me débrouiller comme un grand. Mais 15 jours…
État des lieux
Tout d’abord, le lendemain de la réunion, M. Calisson (mainteneur octogénaire de la BDD) s’est présenté à moi. Il a fait l’effort de se déplacer dans les locaux pour me proposer personnellement son aide.
Face à une telle bienveillance, je ne pouvais refuser. Il m’a donné une documentation utilisateur d’une vingtaine de pages (datant de quelques années), très détaillée, qui m’a beaucoup appris. Il a ensuite pris le temps de m’expliquer chaque détail flou de la base actuelle et décrit les attentes particulières de Mme Nougat, qui attend d’être convaincue par ma solution.
Il n’était pas obligé de faire tout ça et je lui en suis grandement reconnaissant. Avant de le rencontrer, je pensais que ça allait être un esprit conservateur qui considère que sa solution (une table, 35 champs, rappelons-le) est la meilleure de toutes… et je me suis bien trompé. Comme quoi, le code ne fait pas le développeur…
À l’aide, Mastodon !
Dans le doute, je fais appel au réseau des réseaux. Et dans la panade, je fais appel au Fediverse.
Amis, camarades, connaissances, merci à vous. Vous avez été d’un précieux soutien dans cette situation difficile, vous m’avez aiguillé quand M. Prunelle m’avait lâché. Je savais que je pouvais compter sur vous ! Et j’ai attentivement écouté vos conseils.
Alors que choisir ?
Je peux dire beaucoup de mal (à tort et à raison) de mes professeurs de BTS SIO, mais c’est l’un d’eux qui m’a conseillé Galette en premier (en l’occurrence, ce professeur revendique des valeurs libristes mais enseigne WinDev et Win’Design aux élèves, ironiquement. Il enseigne Merise aussi, en 2018. Mais passons !)
Galette est un CMS libre de gestion d’adhérents pour les associations, inscrit sur Framalibre, l’annuaire contributif où j’aurais dû chercher en premier. Le logiciel a été créé en 2004 et est toujours maintenu à l’heure actuelle via des mises à jour régulières. Il est utilisé par des dizaines d’associations et reste un choix à considérer pour un déploiement rapide et efficace.
La Fediverse m’ayant conseillé (entre autres) Galette, j’ai décidé de m’y intéresser de plus près. Je connaissais déjà Galette (de nom seulement) avant que mon professeur m’en parle, mais tout écrire de soi-même avait l’air tellement plus amusant…
Et la solution avait l’air vraiment sympa. Il m’a fallu quelques jours pour m’assurer qu’elle collait bien au cahier des charges de Mme Nougat, mais tout avait l’air d’aller comme il faut. Et comme je n’ai plus le temps, il vaut mieux choisir cette option plutôt que de partir de zéro et rendre un travail insatisfaisant ou incomplet.
Partons donc pour Galette !
Galette
Abordons un peu l’aspect technique. La formation WordPress et quelques autres tâches ayant un peu débordé sur le planning, il me reste 10 jours pour déployer la solution et former les utilisateurs.
Le cahier des charges
Je rencontre un problème. Le cahier des charges n’est pas respecté sur un point : les statistiques. L’asso a besoin de stats assez précises pour la comptabilité et Galette ne fournit que deux ou trois pauvres camemberts. Galette tournant sous PHP, je prends la décision d’écrire un plugin.
Le plugin
C’est ce qui va prendre le plus de temps. Je travaille dans un environnement avec lequel je ne suis pas familier du tout, même si c’est du PHP, car je n’ai jamais touché à des frameworks PHP ni utilisé une API conçue pour des plugins. Ma première rencontre avec Zend Framework se passe… mal. Très mal, au point où j’interroge directement la base de données avec des requêtes en dur pour faire le boulot.
J’aurais aimé apprendre comment m’en servir, mais « je n’ai pas le temps ». Bon, j’ai moins d’excuses pour le switch à 90 cases avec des requêtes SQL et les 80 lignes de HTML dans un string… Mais chut…
Blague à part, je commence à être vraiment à la bourre. Plus que quelques jours de stage déjà, et c’est fini. Je me débrouille comme je peux pour coder quelque chose qui fonctionne. Qui a parlé de maintenabilité ?
Le prochain qui passera derrière moi sera probablement un stagiaire de BTS SIO, ça lui fera les pieds 🙂 (Il va me retrouver et me tuer pour avoir écrit ça, et je ferai moins le malin quand je tomberai sur un cas similaire. Bon au moins, j’ai mis plein de commentaires)
La demande de dernière minute
J’ai présenté le plugin de stats à Mme Nougat et il a fallu s’adapter à une demande de dernière minute. Totalement justifiée cela dit, ça faciliterait grandement la comptabilité. Il s’agit encore de stats.
J’applique des quickfixes sur le code dégueulasse que j’ai pondu juste avant. Il me reste trois jours. (Comment ça, ce n’est pas une excuse ? Au moins ça fonctionne !)
Bon allez, on plie ça vite fait et on passe à l’importation, qui n’est même pas commencée !
Préparation pour la migration
Un peu plus de technique.
La base de données est sous forme de fichier. MDB (Access), format propriétaire. Elle pèse 8.5 Mo. J’ai des frissons dans le dos. J’utilise le paquet mdb-tools pour convertir la structure et les données en requêtes SQL et je crée une nouvelle DB en local (MariaDB) et j’importe le tout.
Vive le libre.
Voilà la table à 35 champs… Ma première tâche va être de séparer les entrées des couples (M. et Mme) qui ont été enregistrés en une seule entrée.
Sur le coup, LibreOffice Calc est mon ami. J’importe tous les enregistrements où Sexe=« M. et Mme » et je les sépare à coups de Chercher/Remplacer. Une fois le boulot fini, j’importe tous les autres adhérents enregistrés dans la base jusque là sur le tableur, c’est plus facile que sur Workbench. Et nous y voilà, un total de 1275 lignes.
La grande migration
Allez, c’est parti. Je saisis 1275 adhérents à la main, depuis l’interface de Galette.
Bien sûr que non. Vous croyez vraiment que j’allais faire ça manuellement ?
Je me remémore ce que disait l’un de mes professeurs de BTS SIO :
« Un développeur, c’est un branleur. Une quiche molle. Alors à un m’eng donné, il faut savoir optimiser son traitemeng ou on va se retrouver avec une KYRIELLE de travail à faire. »
Il reste 2 jours. Comptant un jour de formation et d’installation du logiciel, j’ai 24 heures pour réaliser la migration. Admettons que je prenne trois minutes par entrée (adhérent + contribution). (1275 x 3) / 60= 63h45 de travail. C’est hors limites !
La seule solution est donc d’automatiser le tout. Mais il ne s’agit pas d’un simple INSERT INTO dans une table, hélas. Galette utilise un système de champs dynamiques qui permet d’avoir des champs personnalisés par l’association. Il les gère d’ailleurs assez mal : lorsqu’on supprime un adhérent ou une contribution, les champs dynamiques associés ne se suppriment pas avec. Encore un bug à signaler, tiens. Mais passons.
Formatage des données
Je commence par ajouter un adhérent et une cotisation annuelle pour ce dernier et j’identifie dans la BDD les tables mises à jour. Il y en a trois : galette_adherents, galette_cotisations et galette_dynamic_fields.
Ensuite, ça reste quand même assez trivial. J’identifie à quoi correspondent les champs dans les tables et je prépare mes inputs selon mes besoins. Je n’oublie pas de m’adapter au logiciel. Exemple, Galette interdit les adresses mail dupliquées dans la BDD. Je supprime tous les duplicatas depuis LibreOffice avant de commencer quoi que ce soit. Puis vient le plus
pénible. Le formatage des inputs. LibreOffice est pratique pour ça, mais je préfère tellement Vim qui s’avère bien plus efficace quand on a l’habitude du logiciel.
Vérification des données
Je vérifie encore mes inputs. Les erreurs les plus courantes :
– Doubles espaces (un coup de regex et c’est fini)
– Accents dans les adresses mail
– Virgules à la place de points un peu partout
– Formatage pas toujours standardisé du numéro de téléphone… J’étale le champ adresse, unique jusque là, sur deux lignes. C’est long et pénible, un bon travail de stagiaire. Par superstition, j’enlève les guillemets placés inutilement dans les adresses physiques.
– Au passage, je découvre des adresses Yahoo, AOL, Cegetel, Alice, Wanadoo, Neuf et même quelques .gouv.*.
Ça fait un peu peur.
– Le champ galette_adherents.login_adh contient des caractères aléatoires servant d’identifiant pour l’adhérent. L’asso n’utilise pas cette fonctionnalité, mais pour ne pas contrarier Galette, je vais insérer des caractères aléatoires dedans : SUBSTRING(MD5(RAND()) FROM 1 FOR 15)
Ce n’est pas censé être un identifiant hexadécimal, mais ce n’est pas grave.
Enfin, je prends soin de distinguer les champs vides des champs NULL. On peut maudire SQL pour ça, je suppose.
Je termine la migration le 28 juin au soir, soit 24 heures avant la fin du stage. La journée de demain commencera à 09h00.
Déploiement de la solution
Ah oui, à ne pas oublier. Avant de former les utilisateurs, il faut d’abord déployer Galette sur leur réseau (en intranet). Je choisis l’utilisation de XAMPP sur l’un de leurs postes Windows.
Je configure le serveur DHCP de leur box pour que l’IP du poste en question soit fixe. Ma méthode est probablement discutable mais je ne vois pas d’autre option possible, surtout qu’héberger Galette sur le “cloud” ne leur aurait pas servi car ils ne travaillent sur la BDD qu’en local. Enfin, je déploie Galette, j’exporte la BDD depuis mon poste et je l’importe sur le leur. Je transfère aussi les fichiers de mon plugin. Évidemment, l’opération ne s’est pas déroulée sans accroc – surtout sur des postes Windows. J’ai perdu une à deux heures dans la migration.
L’imprévu fatidique
En formant l’une des deux bénévoles, on s’aperçoit ensemble que de nombreuses données de l’ancienne base sont erronées depuis quelques mois (suite à une maintenance de M. Calisson) et que ces erreurs ont été (évidemment) reportées sur la nouvelle base. Nous arrivons à une conclusion terrifiante : il faut repasser manuellement derrière chacune des 1275 adhésions à partir des bordereaux d’adhésion, conservés par précaution. Cette opération nous a coûté 4 à 5 heures. La bénévole a eu la gentillesse de m’apporter une pizza pour que je puisse finir mon travail d’esclave le plus vite possible sans sortir du bureau.
La formation
Vous imaginez qu’il ne me reste plus beaucoup de temps pour former les utilisateurs. La première bénévole était assez familière avec l’informatique, mais la deuxième ne l’était pas du tout – au contraire, elle détestait l’informatique. J’ai dû abréger beaucoup de points que je préciserai dans une documentation utilisateur à rédiger après mon départ. Ce fut très laborieux, mais l’essentiel a été vu. Il est 18h00, mon stage se termine et ma mission avec. Je remercie M. Touron qui m’offre une gratification de stage de 150 euros.
Le suivi
Le libre, c’est bien, mais quand il est encadré et suivi, c’est mieux. Le site web de l’association est hébergé par la Ligue de l’Enseignement, ce qui leur permet de profiter de tarifs très préférentiels. J’ai pu rencontrer l’un de leurs membres avec M. Touron dans le cadre de la migration du site de Joomla ! vers WordPress.
Ce monsieur, aux antipodes de M. Prunelle, était clairement fâché de mon choix de WordPress, en disant que les webmasters oublient souvent de mettre à jour le CMS et qu’il est généralement considéré comme une usine à gaz trouée par des failles de sécurité. Je ne peux qu’être d’accord avec lui sur ces points-là, malheureusement.
M. Touron aborde finalement la question de la gestion de la base de données (Galette, donc) et ce monsieur semble non seulement connaître le CMS, mais exprime sa satisfaction quant au choix d’un logiciel libre. Quand je lui ai dit que ce choix était par éthique, nous sommes rapidement partis dans une discussion libriste mentionnant La Quadrature du Net, l’April, Framasoft, les RMLL 2018 qui approchent à grands pas…
C’était ma première discussion avec un libriste dans la vraie vie et elle ne pouvait pas tomber à un meilleur timing. La personne idéale pour reprendre le projet était déjà trouvée, je peux dormir sur mes deux oreilles !
Ressenti personnel
Cet article est déjà beaucoup trop long, mais je tiens à exprimer mon ressenti sur ce stage. La rencontre avec M. Prunelle fut très parlante pour moi : j’ai réalisé à quel point les esprits peuvent être conservateurs dans le domaine de l’informatique.
Être libriste, c’est avant tout avoir des convictions que l’on défend au quotidien. Je ne m’attendais pas à entrer en conflit d’éthique avec qui que ce soit pendant ce stage, tout comme je ne m’attendais pas à rencontrer des personnes défendant les mêmes valeurs que moi. C’est aussi inciter les utilisateurs moins familiers vis-à-vis de l’outil informatique à découvrir les outils libres, faire face à leurs réticences dues à la peur de l’inconnu, à leur habitude d’utiliser des outils propriétaires et parfois, à leur manque de confiance en votre personne au prétexte de votre jeune âge et de votre supposé manque d’expérience.
Ce stage fut un véritable combat au nom de l’éthique et de mes propres convictions, mais il fut aussi porteur d’espoir : les libristes sont plus nombreux que je ne le pensais, et mon déplacement à mon tout premier meeting (les RMLL 2018) va probablement m’aider à mieux connaître (et sympathiser !) avec les différentes communautés et me permettre de définir plus précisément mon parcours professionnel en vue, dans l’idéal, d’un métier dans ce domaine.
Une trajectoire hors du commun au bénéfice du bien commun : on aimerait bien qu’il y en ait beaucoup comme elle pour s’engager de façon aussi déterminée et compétente. Son parcours méritait bien une interview.
Nous espérons entamer une série d’interviews de libristes qui comme elle sont particulièrement impliqué⋅e⋅s dans des projets et luttes complexes, au nom de l’intérêt général.
Bonjour, peut-on te demander de te présenter en quelques mots ?
– Je m’appelle quota_atypique, je suis venue pour vous mobiliser.
Bénévole depuis 2010 à La Quadrature du Net, je suis présidente de la Fédération FDN depuis un an et quelques semaines, et à la tête du groupe de travail de la même association en régulation des télécoms. Dans la vie, je suis doctorante en sciences de l’information et de la communication.
Peux-tu remonter un peu dans le temps et nous dire quand et pourquoi tu as mis le doigt dans l’engrenage de la contribution au Libre ?
Eh bien, ça remonte à… 2010 : je n’étais pas du tout dans le monde du libre à l’époque, mais déjà dans l’associatif – j’étais au CA du MAG-Jeunes LGBT. J’ai assisté à un cours sur la neutralité du Net qui m’a complètement retournée : le soir même j’étais sur le site de La Quadrature du Net !
Plus tard dans l’année, j’ai entamé une étude ethnologique de quelques semaines au hackerspace Le Loop, pour mon Master. J’étais adoptée par les hackers à la fin.
À l’été 2011, j’ai assisté à ma dernière Marche des Fiertés en tant qu’orga, et ensuite je suis partie au Chaos Communication Camp avec La Quadrature. Le virage était pris. Ça a littéralement changé ma vie 🙂
Ça fait un bon moment qu’on te voit t’impliquer sur des questions de « régulation des télécoms » mais je me demande bien de quoi il s’agit au juste, c’est très technique ? Tu peux nous expliquer ? C’est quoi l’enjeu ?
Ça fait trois ans. Je suis tombée dans la marmite de la régulation des télécoms en 2015, au tout début de ma thèse.
C’est technique à sa manière, en fait : ça parle plus de droit et d’économie que de télécoms. Je trouve que ça donne une entrée assez intéressante pour apprendre les télécoms, pour s’emparer des choses, autre que l’ingénierie télécom. Mais c’est indéniablement ardu, il y a beaucoup de jargon, même si l’ARCEP fait des efforts de pédagogie.
L’enjeu, c’est simple : vous avez d’un côté Internet, l’outil dont on s’est doté pour changer la société (ce que Benjamin Bayart explique bien). De l’autre, vous avez le capitalisme (oui, rien que ça). Le premier a été conçu pour permettre, structurellement, plus d’ouverture. Le deuxième pousse à la recherche d’intérêts personnels à court terme. Si l’on veut que le deuxième respecte le premier et en bonus les droits fondamentaux des gens, il va falloir lui tordre le bras.
Pour moi, l’enjeu fondamental de la régulation des télécoms c’est ça : enrayer les engrenages d’un système, qui, si on le laisse faire, ne laissera aucune place à l’intérêt général et à la sauvegarde de nos droits fondamentaux sur Internet. La régulation seule ne suffit pas. C’est vrai que si on changeait de système ça irait mieux, certes. Mais en attendant, c’est pas plus mal d’enrayer ça et c’est pour moi l’enjeu principal de la régulation.
C’est un sujet dense et compliqué et les textes sont tout sauf minces ! On n’acquiert pas ce savoir-faire du jour au lendemain, surtout quand ce n’est pas ta formation. Est-ce que tu peux nous raconter comment tu y es arrivée et quels conseils tu donnerais aux personnes qui voudraient suivre ta voie ?
Non mais c’est juste le Code des Communications Électroniques Européen qui est énorme. Les autres textes ne sont pas aussi horribles !
Si j’ai appris en grande partie seule, j’ai aussi été soutenue et poussée de l’avant. Je dois beaucoup aux copains, Benjamin Bayart en première ligne, pour avoir eu la patience d’expliquer le fonctionnement de mille choses, et surtout pour m’avoir répété et répété et répété : « tu es légitime » . L’environnement des FAI associatifs est très « capacitant » de ce point de vue, les gens qui y participent ont envie de t’expliquer des choses et vont te pousser devant.
Ce que je conseillerais à d’autres, c’est :
– de ne pas avoir honte de poser des questions à ceux qui savent : il faut bien commencer quelque part et, vraiment, la plupart du temps les fédérés sont ravis d’expliquer.
– de s’accrocher : il y a une part du travail qui est solitaire, personne ne peut lire les premiers documents à ta place, ça il faut le faire toi-même. Après tu peux aller voir Machin qui sait et lui demander si ton interprétation est bonne. Mais si t’as pas essayé, tu peux pas savoir et donc pas poser les questions pour progresser.
– de ne pas avoir peur du jargon, ni de lire beaucoup. Le jargon, ça s’explique, et la régulation c’est vraiment beaucoup de lecture.
– de travailler en équipe : ça m’a beaucoup aidée de fonder ce groupe de travail sur la régulation, parce qu’on s’entraidait : quand je savais quelque chose, j’expliquais, quand je ne savais pas, on m’expliquait. Le savoir et les analyses se construisent beaucoup dans la discussion.
Cela t’a amenée à fréquenter des institutions telles que l’ARCEP et le RIPE connues mais lointaines pour une bonne partie d’entre nous. Qu’est-ce que tu peux nous en dire ? Ça fait quoi de rencontrer ces personnes et d’évoluer dans ces milieux ?
Je fréquente peu le RIPE, bizarrement, même s’il y aurait des choses à faire. J’ai jamais réussi à m’incruster à un seul événement !
En revanche, oui, j’ai été amenée à fréquenter pas mal l’ARCEP.
Très personnellement ça m’a fait du bien. Je me suis construite quasi toute seule en ce qui concerne les télécoms, et avoir un dialogue aussi constructif avec des agents de l’ARCEP, qui venaient chercher mon avis, aussi – pas seulement celui de Benjamin, ça donne une forme de légitimité.
Ce qu’on fait à l’ARCEP ressemble à du lobbying classique auprès d’instances dirigeantes. Je suis assez partisane de la stratégie qui vise à démontrer par a+b qu’on a raison, calmement, sans forcément aller au fight et c’est ce que j’essaye de faire là. Ça veut pas dire qu’on passe notre temps à leur dire qu’ils ont raison ou qu’ils font bien les choses, ce n’est pas vrai. On dit aussi quand ça ne nous va pas. On est toujours entendus et je crois qu’on est écoutés – je crois que ça paye, d’argumenter solidement. Ça ne suffit pas pour changer les choses – sinon depuis trois ans on aurait vu des changements notables dans la régulation, mais le dialogue qu’on a installé avec l’Arcep, qui est assez franc, me semble sain. Et donc j’en suis contente.
Mais le boulot des FAI associatifs et de leur fédération, c’est juste d’agir sur les régulations et la législation ? Ou y’a aussi des actions plus physiques (genre monter sur les toits) ?
Oui, on monte sur les toits !
Le boulot de la Fédération est surtout d’agir sur le terrain en fait. Ça ne sert à rien de demander à accéder à la fibre optique si on n’opère pas dessus… Notre mission première est de construire le réseau qui fabrique le monde dont on veut. La deuxième est d’empêcher les opérateurs de tourner en rond – en utilisant notre place atypique de citoyens qui font du réseau – avec la régulation.
Donc oui, ça comprend monter sur des toits pour amener de l’Internet là où il n’y a rien, brancher des câbles, racker des routeurs dans des datacenters… il y a une partie physique. C’est avant tout une histoire de fabriquer de l’Internet, ce truc.
Les bénévoles de l’association Illyse installent une antenne pour qu’une « zone blanche » des monts du Lyonnais puisse accéder à Internet.
La FFDN vient tout juste de tenir son assemblée générale annuelle, cela doit être un événement important et riche pour vous, quel bilan en tires-tu ? Dans quelle direction va la fédération ?
D’un point de vue purement associatif, j’en tire un bilan mitigé, mais optimiste. On s’est beaucoup occupé des sujets -– clivants et moins clivants – internes à notre fonctionnement, et je trouve, pas assez des questions qui nous meuvent : c’est quoi nos grands sujets ? c’est quoi l’enjeu de telle et telle action ? C’est dommage, il ne faut pas qu’on perde ça de vue. En revanche, comme chaque année, j’ai la preuve qu’on travaille avec de très belles personnes, que les associations sont capables de vraiment tisser des choses incroyables en fabriquant de l’Internet. Ça donne espoir.
Où va-t-on ? Vers plus d’ouverture, on cherche à agrandir la brèche qu’on a ouverte dans le petit monde des télécoms, je crois. On a envie d’essaimer davantage (d’avoir plus de membres), on est très motivés pour faire bouger les lignes sur l’accès à la fibre optique et je suis assez convaincue qu’on fera bouger des choses, on a entamé un travail sur l’inclusion que je trouve important. Enfin, on a relancé les initiatives de formation. Il y a du travail !
Tu as été réélue coprésidente de la FFDN (félicitations !), qu’est-ce que ça fait d’occuper ce poste ? c’est une lourde responsabilité ? Qu’est-ce que tu retiens de cette première année et que veux-tu pour la prochaine ?
À la Fédération, la plus lourde responsabilité est pénale. C’est (notamment) moi que ça engage, l’action contentieuse de l’association, par exemple. Mais au quotidien, c’est en fait pas si prenant, les fédérés s’auto-organisent beaucoup. Il faut juste avoir un œil sur ce qui se fait, pour suivre. L’autre gros travail consiste à présider les réunions (parfois…) et l’AG formelle.
J’ai longuement parlé de ce que ça fait d’occuper ce poste, ici sur mon blog. Ce que je retiens de ma première année de mandat c’est qu’il s’agit d’un poste qui est difficile à définir (on attend à peu près tout et son contraire de toi), et qui est fatigant, non pas à cause de la charge de travail mais de la charge émotionnelle.
Je me vois plus comme un porte-parole, et c’est comme ça que j’utilise ce poste – c’est l’une des rares choses que j’aie compris devoir faire. Je donne plus de conférences, d’interviews, etc.
J’espère arriver à prendre un peu plus ma place l’année prochaine, avoir un peu plus de vision politique. J’apprends toujours : avec le temps, je pense qu’en mûrissant et en prenant plus de confiance je serai une meilleure présidente 🙂
D’ailleurs, si on veut contribuer à vos actions, on fait comment ? On va où ? (et est-ce que vous mordez ?)
On ne mord pas 🙂
Le meilleur moyen pour s’y mettre c’est de contacter le FAI associatif le plus proche de chez soi ! Il y a une carte sur db.ffdn.org.
La plupart des assos membres de la Fédération tiennent une permanence ou une réunion mensuelle. Certaines ont même un local ! Rien ne vaut le contact humain : venir, poser des questions, discuter…
Contrairement à ce qu’on peut penser, pour contribuer à un opérateur associatif, il n’y a pas besoin d’être forcément très bon en technique.
1/ Ça s’apprend
2/ On a aussi besoin de communicants, de graphistes, de gens doués en compta, en droit, en vidéo en…
Bref on a besoin de tout le monde. Viens, on verra après !
Lorsqu’on parcourt ton blog et qu’on suit tes réflexions on y décèle une forte influence de philosophes (Foucault, Platon, Kant et bien d’autres) que tu n’hésites pas à citer et utiliser pour soutenir ton travail et tes analyses. En quoi ces philosophes sont pertinents pour comprendre le numérique ? Quelle lecture tu en fais ?
Un jour, je me suis rendu compte que je n’allais pas pouvoir rattraper les ingénieurs qui m’entouraient sur leur terrain. Par contre, la philo, j’en ai fait à haute dose en prépa, et j’ai une solide culture dans le domaine, qui m’autorise à faire une lecture philosophique du monde sans trop me tromper et en étant à peu près légitime à le faire.
Ces philosophes sont pertinents dans l’analyse parce qu’ils fournissent des cadres de réflexion – pour peu qu’on les utilise rigoureusement, sans faire des enfants dans le dos à l’auteur. Ça permet de voir s’agencer des systèmes.
Aussi, le numérique est un outil pour faire société, on ne dit pas qu’Internet est le fil dont est tissé la société pour rien : au final les bonnes questions sont des questions de société. Moins de solutions d’ingénieurs qui répondent parfois élégamment à de faux problèmes et plus de : qu’est-ce que ça fait au tissu social ? À la démocratie ? Les philosophes se posent ces questions depuis le Ve siècle avant JC, ils sont de bon conseil.
Avant de t’investir dans le milieu libriste, tu avais déjà un engagement associatif et militant. Est-ce que tu peux nous parler de ton parcours ? Est-ce que ces combats t’accompagnent toujours et est-ce qu’ils sont faciles à mener en milieu libriste ? Comment tu vois la communauté libriste sous ces autres angles ?
Comme je le disais au début de l’interview, j’étais donc militante pour les droits LGBT avant. J’ai fait plusieurs choses. J’ai été administratrice du MAG-Jeunes LGBT au moins 4 ans, au cours desquels je m’occupais surtout d’animer une petite revue, la Magazette qui était lue par les adhérents. C’était passionnant, un vrai travail éditorial et une petite équipe : je tenais la ligne du journal, je faisais des interviews, je critiquais des spectacles… J’ai ensuite fait de l’accueil au local, pour les jeunes qui venaient nous voir. Ça a été un déchirement de rendre les clés du local, j’avais construit des choses fortes avec cette asso, et je lui dois beaucoup, aussi…
Je suis out depuis presque dix ans. Je suis toujours militante pour mes droits à titre privé – même si j’ai plus de mal à me situer dans l’éventail politique des luttes queer d’aujourd’hui.
J’ai hérité de cet engagement l’enracinement de mon travail militant dans celui d’Harvey Milk – c’est pour ça que je commence toujours avec « je suis venue pour vous mobiliser ». Je continue à penser que la visibilité de la différence est importante pour faire avancer les droits. Je me sers pour ça de mon titre de présidente. On peut être une meuf, on peut être queer ; on peut être le porte-voix d’opérateurs associatifs. C’est possible. Je suis contente de voir que d’autres présidentes dans la fédé ont été élues après moi. Mon but est d’ouvrir une brèche.
Enfin, je suis sensibilisée à la lutte contre les discriminations. Je sais ce que c’est que le sexisme et l’homophobie et j’essaye de balayer devant ma porte en amenant les garçons à penser et agir autrement, doucement. Le milieu du libre est très masculin, le milieu des télécoms est encore plus rude, je trouve. C’est loin d’être un hasard si peu de filles et de personnes LGBT l’investissent. Les fédérés sont très à l’écoute et progressent plus vite que le reste du milieu sur ces questions, et c’est génial, mais il y a encore tellement de travail…
Petite question Contributopia : dans le monde rêvé de la FFDN, et dans le tien, il y aurait quoi ? (vas-y, fais-toi plaisir, c’est open-bar utopique !)
Je vais parler juste en mon nom, ça va simplifier. Alors attention, voilà la liste de courses :
Un autre système économique moins écrasant – qui rendrait donc la régulation moins nécessaire, j’envisage parfaitement de me mettre au chômage
Des filles, partout. Aux postes de direction, dans tous les métiers, juste tellement partout que garçon ou fille pour exercer une activité, c’est plus un critère. Homo ou pas cesse d’être un critère aussi. En fait, de manière générale, j’aimerais que le numérique cesse d’être un truc d’hommes blancs cis. Ce truc sert à nous relier. Il n’y aucune raison de laisser le privilège de nous relier à une seule catégorie de la population, c’est pas fair-play.
Une infrastructure en communs : puisque Internet nous permet à tous de communiquer, pourquoi ça ne serait pas dans le giron par la puissance publique ? Genre comme l’eau, comme le rail, comme tout ce qui sert à tout le monde (on m’a dit : open-bar utopique !)
Un Internet qui ne sert plus à surveiller ou à vendre des trucs mais à apprendre ensemble et se parler : dans ce monde idéal, on a enfin gagné !
Je pourrais continuer encore, mais c’est pas mal, là.
On aime bien laisser le mot de la fin à nos invités, alors c’est à toi !
Je vais répéter ce que disait Benjamin :
à la fin, on gagne. La question est de savoir quand.
PeerTube : vers la version 1, et au-delà !
PeerTube est un logiciel libre permettant d’héberger et de partager des vidéos.
Ses principales différences avec YouTube, Dailymotion, Vimeo & co ?
PeerTube est libre : son code est un « commun » numérique, partagé avec tous et toutes, et non une recette secrète appartenant à Google (pour YouTube) ou à Vivendi/Bolloré (pour Dailymotion).
PeerTube est décentralisé : toute personne en ayant les compétences peut l’installer sur son propre serveur et mettre en place « sa » version de PeerTube (qu’on appelle une « instance »).
PeerTube n’impose pas de gouvernance : contrairement à YouTube, toute structure (individu, entreprise, association, communauté, etc.) ayant installé son instance PeerTube peut choisir sa thématique, les vidéos qu’elle héberge, qui peut s’y enregistrer pour disposer d’un compte, etc.
PeerTube est fédéré : contrairement à YouTube qui est un seul énorme silo contenant des milliards de vidéos, une instance PeerTube peut se connecter à d’autres instances de son choix et afficher leurs vidéos, sans avoir besoin de changer de site. Ainsi, avec PeerTube, vos vidéos ne sont plus isolées sur une seule machine : elles peuvent être cherchées et regardées depuis des centaines d’autres instances PeerTube.
PeerTube permet du streaming en pair-à-pair : contrairement à YouTube, qui est le seul « émetteur » de la vidéo, si 100 personnes regardent une même vidéo avec PeerTube, elles s’envoient de petits morceaux de la vidéo les unes aux autres, diminuant ainsi les coûts de diffusion pour la structure hébergeant l’instance.
[Vidéo de présentation de PeerTube, en anglais, avec les sous-titres français, sur Framatube. Pour la vidéo avec les sous-titres en anglais, cliquez ici. Réalisation : Association LILA (CC by-sa)]
Rappel des épisodes précédents : en novembre dernier, nous vous annoncions que Framasoft avait recruté Chocobozzz, le développeur du logiciel PeerTube (alors en version alpha), afin de lui donner les moyens de produire une version bêta du logiciel.
Nous vous avions alors sollicités pour nous aider à financer ce contrat de quelques mois (octobre 2017 à mars 2018). Grâce à l’aide précieuse de centaines de donatrices et donateurs, nous avons pu tenir notre engagement et publier la version bêta de PeerTube en mars 2018 (en respectant les délais, en plus !).
Depuis, les instances PeerTube ont fleuri. On compte aujourd’hui plus d’une centaines d’instances publiques déclarées (et sans doute bien plus non publiquement déclarées), hébergeant plusieurs milliers de vidéos !
Nous avons aussi pu éprouver sa robustesse lorsque nos amis de Datagueule ont publié leur film « Démocratie(s) » simultanément sur YouTube et PeerTube. Malgré des milliers de connexions, le logiciel a parfaitement tenu la charge. 🙂
Vers la version 1, et au-delà !
Cependant, force est de constater que PeerTube reste un logiciel encore non finalisé.
Par exemple la recherche n’est pas encore très fonctionnelle (si vous cherchez « Iinternet own boy » sur Framatube, aucun résultat n’est retourné, alors que si vous cherchez « internet’s own boy« , vous pourrez accéder à cet excellent documentaire sur la vie de l’hacktiviste Aaron Swartz).
PeerTube ne permet pas non plus encore d’intégrer un fichier de sous-titres à une vidéo, ou d’afficher son interface dans une autre langue que l’anglais, etc.
Bref, PeerTube fonctionne (bien), mais il reste encore de nombreuses améliorations à y apporter pour pouvoir le considérer comme une alternative sérieuse à YouTube.
Framasoft a donc fait le pari de prolonger le contrat de Chocobozzz jusqu’à la fin de l’année 2018, afin là encore de se donner les moyens d’atteindre son objectif, fournir une version 1 de PeerTube.
Mais là encore, se posait la question du financement de ce poste.
Comme nous avions déjà sollicité la communauté francophone (qui connaît plutôt bien l’association Framasoft et nous fait confiance depuis des années), nous ne souhaitions pas demander à cette communauté de mettre à nouveau la main au portefeuille.
Framasoft Need You!
Nous avons donc fait le choix de lancer une « classique » campagne de financement participatif. Mais de nous adresser avant tout au public non-francophone lors de son lancement.
En effet, les actions de Framasoft sont relativement inconnues à l’étranger. Évidemment parce que l’essentiel de nos travaux (maison d’édition Framabook, annuaire Framalibre, et bien entendu nos différents services libres de la campagne « Dégooglisons Internet ») sont publiés en français, mais aussi parce que nous communiquons et intervenons rarement à l’étranger (à quelquesexceptionsprès).
Nous souhaitons donc, avec cette campagne, sensibiliser le public non-francophone, en l’informant de l’existence de PeerTube (qui n’est pas un vaporware puisque déjà largement fonctionnel).
Par ailleurs, et de façon pas du tout anecdotique, nous souhaitons remercier l’association LILA qui, en parallèle de la réalisation de ZeMarmot (long métrage d’animation réalisé avec Gimp), a réalisé la magnifique animation que vous pouvez découvrir au début de cet article ou, bien entendu, sur la page de campagne. Cette vidéo a été réalisée uniquement avec des logiciels libres (Gimp, ça va de soi, mais aussi Synfig et Blender). Merci à Jehan et Aryeom pour leur colossal travail en un temps record ! N’hésitez pas à les remercier et à les encourager financièrement pour leurs travaux.
Notez que la vidéo est disponible sur Framatube (évidemment) afin de pouvoir la partager. Elle est naturellement sous licence libre (CC by-sa), ainsi que la musique (par Ken Bushima – CC by).
Vous pouvez bien évidemment participer financièrement à la campagne de financement participatif, mais si vous l’avez déjà fait fin 2017, vous aurez compris qu’on ne vous met pas la pression (d’autant que cette fois, il n’y aura probablement pas de défiscalisation possible).
Vous pouvez aussi nous aider à traduire certaines parties de la campagne, qu’il s’agisse de la page de campagne, de la FAQ, des sous-titres de la vidéo, ou du site joinpeertube.org, en vous signalant comme volontaire sur notre forum.
Nous sollicitons surtout votre aide pour partager l’information sur les médias sociaux (libres ou non), en utilisant si possible le hashtag #joinpeertube !
Si vous avez un oncle d’Amérique, une tante en Australie, une cousine au Chili, ou un frère en Allemagne, lui signaler l’existence de PeerTube nous serait d’une grande aide pour faire découvrir ce projet qui nous semble essentiel pour l’émancipation de toutes et tous.
Storify.com, service bien pratique qui permet de construire des histoires sous forme de pages web, à partir d’éléments divers (textes, tweets, vidéos, etc), fermera ses portes le 16 mai 2018. Framasoft, accompagné par d’autres acteurs, met à disposition une pré-version d’un logiciel permettant à des millions d’utilisateurs et utilisatrices, de ne pas rester sur le carreau.
Le jour où tout s’est arrêté
C’est l’histoire d’un tweet qui croise un autre tweet.
Au premier coup d’oeil, c’est l’amour, ils décident de vivre ensemble. Rien de trop ronflant au début, un petit fil sur Twitter ira bien. Mais la relation s’épanouit et ils décident un beau jour de sauter le pas, d’officialiser leur union : ils veulent vivre ensemble pour le reste de leurs jours et s’afficher au grand jour, pas juste auprès de leurs copains sur Twitter.
Comment faire ?
Storify ! Les deux tweets peuvent vivre au chaud sous un joli toit commun, avec pignon sur rue, et même inviter leurs amis… Enfin une vie hors de Twitter ! Tous les internautes peuvent désormais les trouver facilement, la maison est agréable à vivre, une unité, une esthétique… et pour ne rien gacher, le loyer est gratuit. Imaginez un peu ça : chauffage inclus, été comme hiver, tout ça pour que vos gazouillis un peu fouillis ne finissent plus en vague bouillie dans le Cyber-oubli… mais qu’ils soient lus et relus pour toute l’éternité !
Enfin presque.
Car l’éternité se raccourcit : le propriétaire du lotissement annonce qu’il vend tout. Adieu veau, vache, cochon, couvée de tweets… il va falloir trouver ailleurs où se loger. Storify ferme.
Le jour où tout a recommencé
C’est l’histoire d’un autre tweet, celui de Silvère Mercier, qui réagit à cette annonce:
J’apprends avec horreur que storify va fermer en mai 2018 L’impression qu’une partie de ma vie aussi, triste que ce magnifique outil de curation n’ait pas trouvé de modèle ! 😞😤😢 Tragédie du code fermé, les convaincre d’ouvrir pour en faire un communs ! https://t.co/hY5U1EaxML
Framasoft, qui passait par là, propose de « voir ce qui existe dans le libre » et de créer un « commonstory » : une sorte de lotissement en co-gestion où les murs appartiendraient à tout le monde.
Yannick François, qui passait aussi par là, mets la DINSIC dans le coup en lui faisant le joli compliment d’être un peu « les framasoft de l’état » (sic). Mais au fait, c’est quoi la DINSIC ? C’est la « Direction interministérielle du numérique et du système d’information et de communication de l’État » – merci Wikipédia ! Oui… mais encore ? Eh bien c’est un peu la DSI des DSI ministérielles, la direction qui anime la transformation numérique de l’État, et la politique d’ouverture des données publiques est portée par l’une de ses missions, Étalab. D’accord… mais quel rapport avec le logiciel libre? C’est simple : depuis la loi pour une République numérique de 2016, les logiciels produits par l’administration publique sont des documents administratifs qui doivent être « ouverts par défaut », ou « open source par défaut », comme l’explique très bien Lionel Maurel. (Si vous n’avez pas encore senti que mon ton devient corporate, ça ne saurait tarder : je travaille en ce moment pour la mission Étalab de la DINSIC.)
Et donc Henri Verdier, qui dirige la DINSIC, répond… « Go ! » et met Laurent Joubert sur le coup pour suivre le dossier.
Merci du compliment. Pourquoi pas soutenir ? Contactez nous 😉
Quelques semaines plus tard, nous nous retrouvons dans le bureau de Laurent avec Silvère, Pierre-Yves, Thomas Citharel (développeur chez Framasoft) et moi-même, fraîchement embarqué dans le programme Entrepreneur d’intérêt Général (EIG). Nous faisons un point sur le travail de Thomas qui a déjà développé un prototype nommé « Storia » permettant de créer un compte et de sauvegarder les « stories » de feu Storify.com. Il manque la peinture et le chauffage, mais c’est un super début, nous décidons de repartir de là.
Voici les besoins dont Thomas nous fait part : rencontrer de vrais utilisateurs, travailler sur le design, anticiper l’évolution et la maintenance du projet pour la suite.
Comment faire ? Nous proposons de faire un garagethon.
– Un quoi ?!
Un garagethon ! C’est comme un hackathon sauf qu’on travaille pour de vrai et que le nombre de personnes est limité au nombre de celles qui tiendraient dans un garage, soit une douzaine. (Toute ressemblance avec cette vision de quelques « gus dans un garage » n’est pas fortuite.)
Nous voici donc partis pour l’organisation d’une journée le 30 mars. Nous mobilisons nos contacts : Silvère pour trouver des utilisateurs aguerris, Thomas pour contacter des développeurs Elixir, le langage dans lequel est développé la partie serveur du projet, Pouhiou pour trouver des concepteurs UX/UI et des graphistes, moi-même pour mobiliser des volontaires du programme EIG qui s’intéresseraient à VueJS pour le développement de l’interface Web.
Le jour du Garagethon
Nous passons notre garagethon dans les locaux du Liberté Living Lab, nous avons pu y réserver une salle pour toute la journée. La salle est spacieuse et agréable, avec un espace à l’écart pour ceux qui souhaitent travailler en petit groupe.
Nous voici donc dans notre « garage » : Arnaud Rachez (datascientiste, EIG), David Panou (datascientiste, EIG), Gaël Dauvillier (BPI), Isabelle Degrange (BnF), Jean-Baptiste Le Dévéhat (concepteur UX/UI, EIG), Laurent Joubert (DINSIC), Louis Vinet (concepteur UX/UI), Silvère Mercier (ex-BPI), Tam Kien Duong (DINSIC), Thomas Citharel (développeur, Framasoft), Tristram Gräbener (ex-EIG, Codeurs en Liberté), Vincent Lara (Codeurs en Liberté), Xavier Damman (à distance, Open Collective).
Nous commençons la matinée par des présentations rapides, puis nous nous attaquons illico à l’exploration de storify.com, en tâchant d’expliciter nos besoins et notre expérience en tant qu’utilisateurs.
Ensuite, Thomas nous fait un point sur le prototype qu’il a développé, et nous commençons à y projeter les besoins évoqués plus tôt.
Après quelques pizzas bien méritées, nous avons une longue et intéressante entrevue à distance avec Xavier Damman, fondateur de Storify actuellement investi dans le projet Open Collective, dont le but est d’aider des projets ouverts à assurer leur financement… collectivement. Cet entretien permet de mettre le doigt sur des aspects structurants pour le projet qui nous occupe :
l’importance du nom (le premier nom était PublicTweet, nettement moins bon…) ;
l’importance du design : c’est un élément dont Xavier nous dit qu’il l’a sous-estimé au début ;
l’importance du juste degré de liberté accordé à l’utilisateur : il est tentant d’ajouter plein d’options (par exemple pour la mise en page) mais attention à ne pas retarder le moment de satisfaction de l’utilisateur.
Après cette entrevue captivante, nous nous répartissons en groupes : certains pour travailler sur des maquettes, d’autres sur l’exploration du code, d’autres encore sur la création d’éléments de documentation et d’un mini-site pour le projet, etc.
Le jour d’après
Et maintenant ?
Aujourd’hui, Framasoft annonce la sortie d’une version beta (= « en travaux ») de Framastory, un service pour vous permettre de sauvegarder vos anciennes Stories, destiné à évoluer avec vos retours, vos contributions. Attention : peinture fraîche ! Le calendrier nous presse car le site storify.com ne sera plus accessible à partir du 16 mai. Prenez bien note que pour l’instant, l’énergie a été concentrée sur le fait que vous puissiez importer vos stories existantes depuis Storify dans Framastory. La création de stories/picks dans Framastory est possible, mais encore très très largement « en travaux ». Les fonctionnalités et l’interface seront améliorées dans les semaines et mois qui viennent, mais Framasoft préfère publier le logiciel immédiatement, afin d’éviter aux utilisateurs et utilisatrices de Storify de perdre les heures passées à bichonner leurs stories.
D’autre part, Thomas Citharel publie un nouveau logiciel nommée PickWeaver, qui est le logiciel faisant tourner ce nouveau service.
PickWeaver est en version beta : comme pour tous les projets de Framasoft, les contributions sont les bienvenues !
Voilà. À vous de jouer ! Découvrez la nouvelle version d’un service de curation qui vous a été indispensable ou un nouveau service qui vous sera sûrement utile. Partagez avec nous les idées que vos avez pour rendre ce projet viable sur le court, le moyen, le long terme.
J’en profite ici pour remercier chaleureusement tous les participants de ce premier garagethon : l’ambiance était à la fois conviviale et productive, cela laisse augurer de belles choses pour la suite. Mention spéciale à Laurent Joubert qui nous a sustenté le midi.
Et n’hésitez pas à nous rejoindre si vous voulez contribuer.
Ce n’est qu’un combat, continuons le début !
RGPD : la Quadrature au carré
Le 16 avril dernier, la Quadrature du Net a lancé un appel inédit en France pour une action de groupe contre les GAFAM. Cette action s’appuiera sur l’application prochaine du Règlement général sur la protection des données (RGPD).
Sans attendre la date d’entrée en vigueur du RGPD (le 15 mai 2018), la Quadrature du Net propose à tous les utilisateurs des services numériques des GAFAM de souscrire en masse en vue de déposer une plainte auprès de la CNIL et obliger implicitement celle-ci à agir.
En effet, l’article 80 du RGPD permet aux associations « actives dans le domaine de la protection des droits et libertés des personnes » à entreprendre des actions collectives dans le cadre de la protection des données.
La personne concernée a le droit de mandater un organisme, une organisation ou une association à but non lucratif, qui a été valablement constitué conformément au droit d’un État membre, dont les objectifs statutaires sont d’intérêt public et est actif dans le domaine de la protection des droits et libertés des personnes concernées dans le cadre de la protection des données à caractère personnel les concernant, pour qu’il introduise une réclamation en son nom, exerce en son nom les droits visés aux articles 77, 78 et 79 et exerce en son nom le droit d’obtenir réparation visé à l’article 82 lorsque le droit d’un État membre le prévoit. (extrait de l’art. 80)
À ce titre, la Quadrature du Net se propose d’agir en tant que mandataire pour tous les citoyens-utilisateurs qui le désirent par l’intermédiaire d’un formulaire simple et rapide à remplir.
Pour permettre de comprendre les arguments sur lesquels repose la plainte, la Quadrature met à disposition un texte très clair. En résumé, il repose sur l’aspect illicite de l’échange de services contre le consentement systématique des utilisateurs permettant à ces entreprises d’extraire et inférer leurs données personnelles. Ce consentement est en effet soit déduit du silence de l’utilisateur (le fait d’utiliser le service impliquerait ce consentement) soit littéralement extorqué par une action « positive » (cliquer sur un bouton « j’accepte ») sous contrainte de ne pas accéder au service.
Les conséquences de l’extraction des données des utilisateurs sont connues et l’affaire Cambridge Analytica en a donné récemment une illustration convaincante. Le fait d’utiliser et vendre les données des utilisateurs dans un cadre qui n’a pas de lien direct avec le service pour lequel ils ont été contraint de les céder n’est pas le seul grief que la Quadrature du Net expose. Cette action collective vise aussi à mettre en lumière le lien évident entre le droit à ne pas monétiser les données personnelles et la liberté de conscience menacée par le traitement des informations relatives à la vie privée des citoyens, véritable porte ouverte à la segmentation sociale et la manipulation de l’information.
Pendant les 40 jours qui nous séparent de l’entrée en vigueur du RGPD, la Quadrature du Net publiera chaque semaine sur son site des documents et vidéos visant à expliquer les tenants et aboutissants de ce recours collectif.
Vous avez besoin de compter les visites sur vos sites sans fliquer vos visiteureuses ? On a un framachin pour vous !
Prenons un exemple rapide. Fred aime bien pondre des textes et il les sème un peu partout sur le vaste Ouèbe.
Cela lui pose deux problèmes.
Ses textes sont sur des sites différents avec parfois des adresses web (ou « URL ») longues comme un jour sans pain. Mais pour ça il a trouvé la parade, c’est frama.link, le raccourcisseur d’URL de Framasoft. Il a créé une adresse courte pour chacun de ses textes, et quand on lui demande où on peut lire sa prose, il donne cette URL plutôt qu’une adresse de 256 caractères biscornus. Pour avoir des adresses web encore plus courtes, il pourrait utiliser https://huit.re/.
L’autre souci de Fred, c’est qu’il est affreusement cabotin. Il écrit pour le plaisir, il publie sous licence libre, il a compris qu’il ne bouclerait pas ses fins de mois grâce à sa plume, mais il ne peut pas s’empêcher de se demander si quelqu’un⋅e lit réellement ce qu’il commet.
Fred est donc tout content quand Framasoft sort Framaclic (bon, il ne fait pas des triples saltos, mais il a un moment de jubilation).
C’est quoi ?
Framaclic est un raccourcisseur d’URL qui compte les clics. Voilà. Dit comme ça, on dirait que c’est drôlement simple, non ?
Eh bien, bonne nouvelle : c’est simple !
Bon, soyons justes, Frama.link avait déjà un compteur, rudimentaire. Il reconnaît l’auteur de l’URL courte via un petit cookie et est capable de lui fournir un comptage des clics. Seulement, ça ne marche que depuis l’ordinateur et le navigateur sur lesquels l’adresse courte a été créée (à cause du cookie).
Framaclic est basé sur Dolomon, comme DOwnLOad MONitor. Pas besoin d’avoir fait anglais première langue pour piger ça.
Fred se rend sur framaclic.org. Il crée un compte avec un mot de passe, histoire d’être seul à pouvoir accéder à ses statistiques (des fois qu’elles soient mauvaises).
Il fait une liste des adresses de toutes les ressources vers lesquelles il veut créer un lien : ses textes, son blog, son CV, ses galeries de photos, une BD de Simon qu’il adore partager avec ses collègues… Si la liste n’est pas exhaustive, ce n’est pas grave, il pourra en ajouter par la suite.
Comme il aime bien que les choses soient correctement rangées (rappel : cet exemple est une fiction), il crée des catégories et des étiquettes pour s’y retrouver. Surtout qu’il se dit que ce truc-là va drôlement lui rendre service et qu’il va finir par y mettre beaucoup d’adresses.
Ensuite, pour chaque adresse longue il en génère une courte (un « dolo »). Pas besoin de la conserver, Framaclic s’en charge.
Les dolos sont créés au fur et à mesure.
Pour suivre les visites sur une page précise, Fred peut créer un dolo pointant sur une petite image transparente (Dolomon vous en propose une) et insérer l’URL générée, comme on insère une image, dans sa page.
Mais il ne saura rien de plus : Framaclic n’enregistre que des statistiques anonymes, pas les adresses IP des visiteureuses.
Par contre, cela fait de beaux graphiques :
Et comme vos données vous appartiennent, vous pouvez les télécharger dans un fichier CSV, ce qui vous permettra de les manipuler à votre guise, de faire des camemberts colorés…
Ah, un dernier truc cool à savoir : Luc a fait un plugin Dolomon pour WordPress. Si vous avez un blog, vous pourrez créer vos dolos directement depuis votre article.
Contribuez
Comme tout logiciel qui n’a pas encore subi l’épreuve du feu (enfin, l’épreuve de l’utilisation massive), Dolomon comporte certainement quelques bugs ou nécessite un petit coup de polish pour en améliorer l’ergonomie : n’hésitez pas à contribuer en ouvrant des tickets !
Nous tenons au passage à lever notre chapeau à Luc, alias Framasky notre infatigable admin-sys, qui a codé Dolomon pour nos besoins internes, et l’a amélioré afin que l’on puisse l’ouvrir au public ;).
On ne va pas noyer le poisson : aujourd’hui est le jour rêvé pour lancer notre outil de bannières publicitaires. C’est dimanche, nos salarié·e·s se reposent, nos bénévoles ont une vie personnelle, vous allez donc pouvoir enflammer les z’internets en toute autonomie.
Vous croyez que c’est une blague…? Vous ne vous doutez pas à quel point nous sommes sérieuxses, dès qu’il s’agit de déconner.
La pub en ligne est partout, c’est une catastrophe numérique et écologique… On comprend pourquoi certaines personnes s’échangent de formidables astuces pour résister à l’agression publicitaire. L’ironie, c’est que la plupart des alternatives et connaissances qui nous permettent de faire respecter nos intimités numériques sont peu connues… et qu’elles manquent de pub !
Notre sérieux va vous surprendre
C’est parti d’une idée de JosephK. Oui, JosephK, un salarié de Framasoft qui déjà, pour la blague, avait codé le Bingo du Troll (à utiliser sans modération dès qu’un troll vous emmouscaille). Celui qui, récemment, a bidouillé un joli lifting pour le Framablog (vous avez remarqué comme il est plus aéré, plus lisible ?). JosephK, un des plus farouches opposants à la pub parmi nous, qui vient nous proposer :
Et si on montrait les mécanismes de la pub en ligne tout en faisant de la réclame pour les alternatives éthiques ?
Il y a des informations que nos navigateurs web diffusent en permanence : de quel site on vient (c’est le rôle du « référent »), ainsi que les versions de notre système d’exploitation et notre navigateur web (ce que transmet le « user agent »). Rien qu’avec ces infos-là, donc sans pister quiconque, on peut générer des bannières qui expliquent aux personnes utilisant des outils fermés comment mieux se libérer… « Tu viens de Facebook ? Essaie Framasphère ! » ou « Tu utilises Chrome ? Firefox est plus rapide et plus éthique ! »
Framadsense, parce que ça nous fait rire
Si on crée ce micro-outil pour nous, autant le mettre à disposition de tou·te·s, non ? Ainsi est né Framadsense, disponible à l’adresse https://sense.framasoft.org. Si vous voulez l’utiliser pour votre site web, il vous suffit :
D’aller sur Framadsense
De paramétrer le type de bannière que vous voulez (cocher des cases, quoi !)
De copier/coller le code généré à l’endroit de votre site où vous voulez insérer de la (fausse-)pub !
Sense3, le logiciel développé par JosephK, est un logiciel libre (forcément !) qui respecte notre vie privée, et dont les bannières affichent uniquement des projets libres et non lucratifs… voire des œuvres d’art, juste pour le plaisir de remplacer la pollution visuelle par de la culture ! Vous pouvez d’ailleurs proposer de nouvelles bannières en collaborant au code sur son dépôt (nous, on a juste fait les exemples les plus courants… venez pas nous gronder si votre projet libre favori n’y est pas encore !).
Voilà : même quand il s’agit de déconner, on en profite pour hacker les codes de la pub. Plus qu’un poisson, Framadsense est un vrai logiciel qui permet au moins qu’on se pose la question :
comment attirer l’attention de nos proches sur le fait que nos attentions sont sur-sollicitées ?
Vous avez le reste du (long) week-end pour y répondre (ou pour manger du chocolat).