Google m’a tuer

Stephen Brace - CC byVous vous réveillez un matin et constatez la disparition de la totalité de votre vie numérique !

Plus de mails, plus de contacts, plus de photos, plus de vidéos, plus de documents, plus de calendrier, plus de blog, plus de favoris, plus de flux RSS… tout, absolument tout, s’est évanoui !

De la science-fiction ?

Non, un simple compte Google désactivé unilatéralement et sans préavis par la société.

En l’occurrence le compte de Dylan M. (@ThomasMonopoly sur Twitter) qui avait décidé peu de temps auparavant de tout faire migrer sur son unique compte Google. Compte sur lequel étaient attachés les nombreux services qu’offre la firme de Mountain View (Gmail, Picasa, Google Docs, Calendar, Reader, Blogger, etc.).

Et ce sont donc ici 7 années digitales qui partent en fumée d’un simple clic. Adieu données personnelles. Ce n’est alors pas que votre identité numérique qui vacille, mais votre identité toute entière…

Cette triste ou effroyable histoire vraie est malheureusement riche d’enseignements. D’abord parce qu’elle peut arriver à n’importe quel possesseur d’un compte Google (ici on ne saura pas pourquoi le compte a été désactivé et rien ne pourra être fait pour le rétablir !). Mais aussi et surtout parce qu’elle en dit long sur ce que nous acceptons tacitement lorsque nous décidons de faire confiance à ces « sociétés du nuage » en nous inscrivant, le plus souvent gratuitement, à leurs services en ligne.

Et il va sans dire que Facebook, Twitter ou Apple ont toutes le droit d’en faire autant.

Exaspéré et désespéré, Dylan M. a conté sa mésaventure dans une longue lettre ouverte à Google, que vous trouverez traduite ci-dessous. Une lettre publiée sur… TwitLonger et non sur son blog, puisque ce dernier était sur Blogger et dépendait lui aussi de son compte Google !

De quoi faire réfléchir non seulement sur les pratiques du géant Google mais également sur le monde dans lequel nous avons choisi de vivre…

Je vous laisse, j’ai quelques sauvegardes urgentes à faire sur mon disque dur[1].

Edit du 17 août : Il y a une suite à cette histoire.

Cher Google…

Dear Google…

Thomas Monopoly – 22 juillet 2011 – TwitLonger
(Traduction Framalang : Marting, Slystone, Siltaar, Juu, Padoup et Goofy)

Cher Google,

Je voudrais attirer votre attention sur quelques points avant de me déconnecter définitivement de tous vos services.

Le 15 juillet 2011 vous avez bloqué la totalité de mon compte Google. Vous n’aviez absolument aucune raison de faire cela, même si votre message automatique me disait que votre systeme avait repéré une « violation ». Je n’ai en aucun cas violé les Conditions Génerales d’Utilisation, que ce soit celles de Google ou celles spécifiques au compte, et votre refus de me fournir une quelconque explication ne fait que renforcer ma certitude. Et je souhaiterais vous montrer les dégâts que votre négligence a causés.

Mon compte Google était lié à presque tous les produits que Google a développés, ce qui veut dire que j’ai aussi perdu tout ce qui était dans ces comptes. Je venais aussi d’entreprendre de tout regrouper sur un seul compte Google. En fait, j’avais réfléchi à tout cela voici quelques mois et avais décidé que Google était une entreprise sérieuse et digne de confiance. Donc j’ai tout importé de mes autres comptes Hotmail, Yahoo…, dans mon unique compte Gmail. J’ai passé environ 4 mois à migrer lentement toute ma présence en ligne : comptes email, informations bancaires, documents professionnels, etc., dans cet unique compte Google, l’ayant déterminé comme étant fiable. Cela signifie en termes d’informations environ 7 années de correspondances, plus de 4800 photographies et vidéos, mes messages Google Voice, plus de 500 articles enregistrés dans mon compte Google Reader pour mes études (lorsque j’ai fermé mon compte Reader d’origine pour tout regrouper dans mon unique compte portant mon nom, j’ai ré-enregistré plusieurs centaines d’articles et de flux moi-même, à la main, un par un dans ce nouveau compte, celui que vous avez fermé et dont j’ai maintenant perdu tous les articles). J’ai également perdu tous mes favoris, ayant utilisé Google Bookmarks.

J’avais migré mes favoris d’ordinateur à ordinateur pendant peut-être 6 ans, environ 200, et je les ai finalement tous envoyés sur Google Bookmarks, content d’avoir trouvé une solution pour les migrer et content de me préserver de leur perte. J’ai aussi perdu plus de 200 contacts. Nombreux sont ceux pour lesquels je n’ai pas de sauvegarde. J’ai aussi perdu l’accès à mon compte Google Docs avec des documents partagés et des sauvegardes de fichiers archivés. J’ai par ailleurs perdu l’accès à mon calendrier. Avec cela, j’ai perdu non seulement mon propre calendrier personnel avec des rendez-vous chez le médecin, des réunions et autres, mais j’ai aussi perdu mes calendriers collaboratifs que j’avais créés et pour lesquels plusieurs heures de travail humain ont été nécessaires, des calendriers communautaires qui sont maintenant perdus.

Aucun de ces calendriers n’était non plus sauvegardé. J’ai également perdu mes cartes Google Maps sauvegardées et mon historique de voyages. J’ai perdu mes dossiers de correspondances médicales et diverses notes très importantes qui étaient attachées à mon compte. Mon site Web, un compte Blogger pour lequel j’ai acheté le domaine via Google et que j’ai conçu moi-même, a été aussi désactivé et perdu. Pensez-vous réellement que je ferais sciemment quelque chose qui mettrait en péril autant de données personnelles et professionnelles ? Au fur et à mesure que les jours passent, je suis certain que je vais prendre connaissance d’autres choses que Google a détruites dans la désactivation injustifiée de mon compte. Je suis seulement trop en colère en ce moment pour réflechir correctement et tout passer en revue. Pourquoi quelqu’un confierait-il quoi que ce soit à « l’informatique dans les nuages » après ce que j’ai traversé ? C’est quelque chose qui me dépasse complétement.

Je voudrai aussi préciser que je suis en fait un client payant, au point que j’ai acheté mon domaine via Google et j’ai aussi acheté de l’espace de stockage supplémentaire.

J’aimerais attirer votre attention sur d’autres éléments : je suis en ce moment en train de soumettre ma candidature pour les études supérieures. Je recevais occasionnellement des courriels de professeurs et d’autres personnes que je n’attendais pas et dont je n’avais pas les coordonnées. Ceci entraînant qu’en plus de mes amis et de ma famille à l’étanger ou des gens qui ne pouvaient pas me joindre autrement, ces personnes recevront maintenant un message de Google leur signalant que mon adresse électronique n’existe pas. Et j’ose imaginer que certains d’entre eux n’auront pas le temps de trouver d’autres moyens de contacter un candidat à qui ils faisaient une faveur en faisant le premier pas.

J’aimerais attirer votre attention sur d’autres éléments : J’ai été ce que l’on pourrait appeler un supporter enthousiaste de Google en tant qu’entreprise. Étant un utilisateur de la première heure, on pourrait presque dire que j’ai été un apôtre du travail de Google. Google sortait ses produits prématurément, et je contribuais au feedback sur ces produits. Lorsque Google a réussi son coup politique en Chine en re-routant les serveurs vers Hong-Kong, j’ai applaudi et j’ai posté des articles à ce sujet sur tous mes réseaux sociaux, et j’ai fait la remarque, par ces mots, à plusieurs personnes que je connais : « Ils l’ont fait avec classe et dignité ». J’ai également convaincu l’entreprise pour laquelle je travaillais de migrer vers Google Business Apps et d’utiliser les Google Apps pour à peu près tout. Je les ai aussi encouragés à acheter de l’espace de stockage avec Picasa pour construire notre base de données d’images. De plus, j’ai convaincu presque toute ma famille et mes amis d’ouvrir un compte Google ou Gmail dans les deux dernières années, et j’ai montré aux gens comment les utiliser et leur ai expliqué les bénéfices de Chrome sur les autres navigateurs. J’ai même des actions Google.

J’aimerais attirer votre attention sur d’autres éléments encore : je ne suis pas fâché que Google ait suspendu mon compte s’ils pensent qu’il a été corrompu, mais je suis absolument furieux qu’ils aient suspendu mon compte sans me prévenir, sans même me donner une raison, et sans me donner quelque moyen que ce soit pour le réactiver, et ensuite ignorer toutes mes tentatives de trouver un interlocuteur. Aucun autre prestataire de service Internet ne se comporte ainsi. Je comprends que Google ne puisse pas offrir de l’aide personnalisée pour chaque demande de ses utilisateurs, mais quand une société comme Google a pris une position de monopole sur des pans entiers de l’Internet, elle a le devoir de se montrer responsable envers leurs clients quand des évènements comme ceux-ci arrivent. J’ai utilisé tous les forums d’aide : en vain. Et cela n’a fait que me mettre davantage en colère. Je ne vais pas prendre la peine de citer toutes les conversations absurdes que j’ai eues, elles sont trop nombreuses et elles vont seulement me rendre de plus mauvaise humeur.

La goutte d’eau qui a fait déborder le vase, c’est quand un « top contributeur » a déplacé le fil de la discussion du forum d’aide initial sur lequel je postais vers un autre forum sans ma permission. Puis, quelques jours plus tard, un autre « top contributeur » a laissé un message indiquant que le fil se trouvait dans le mauvais forum et a fermé la conversation, m’empêchant dorénavant au même titre que n’importe quelle autre personne d’y participer ou de faire des progrès. Les forums d’utilisateurs ne sont pas des sources d’information contrairement à ce que pense Google. Et la seule fois qu’un employé de Google a contribué dans mon fil, cela a été pour dire que ma question n’était pas posée dans le bon forum, et pour me dire que j’aurais dû poster dans le forum où je l’avais initialement placé. Cela s’est produit quand j’ai reposé sans arrêt les mêmes questions. En voici un exemple :

Moi : S’il vous plait, aidez-moi, mon compte a été désactivé et je ne sais pas pourquoi !

Utilisateur 1 : Connectez-vous simplement au tableau de bord et faites quelque chose.

Moi : Je ne peux pas, mon compte a été désactivé.

Utilisateur 2 : Salut, je viens juste de voir votre post. Pouvez-vous vous connecter à votre compte et me dire ce que quelque chose dit ?

Moi : Mais puisque JE VOUS DIS que JE NE PEUX PAS me connecter à mon compte !

Utilisateur 1 : Ok, ne vous énervez pas, pouvez-vous faire quelque chose qui implique que je sois connecté ?

Moi : Mais NON ! Je ne peux pas DU TOUT me connecter à mon compte !!!

Puis la conversation a été fermée par quelqu’un et j’ai abandonné, après 5 jours. Je comprends la philosophie qui est derrière les forums modérés par les utilisateurs eux-mêmes. Mais dans de nombreux cas, les problèmes sont hors de portée des autres utilisateurs. Je ne demande pas comment activer les émoticônes dans une signature Gmail ou comment modifier ma photo de profil. Mon problème est un problème grave pour lequel une voie de secours sérieuse devrait être disponible. Je pense mettre le doigt sur une critique valide des insuffisances de l’aide géré par les communautés d’utilisateurs en ligne. Google a mis en place une gestion type Ferme des Animaux sur son site avec des utilisateurs qui pour la plupart sont bien intentionnés mais complètement incapables de prendre des décisions à un niveau administrateur ou d’offrir de l’aide à un tel niveau.

Et cela peut fonctionner en douceur aussi bien pour l’utilisateur que pour l’entreprise, du moment que l’entreprise reste impliquée et prend ses responsabilités quand la résolution d’un problème est entièrement hors de portée d’un autre utilisateur. Google ne fait pas cela.

Je me fiche qu’un service Google soit gratuit. C’est Google qui adopte l’approche : « Vous n’aimez pas ? Tant pis, de toutes façons c’est gratuit ». Gratuit ou non, tous les utilisateurs sont dans l’orbite de Google et c’est en nous montrant des publicités que Google a gagné ses milliards de dollars. Il n’y a pas d’autre société côtée en bourse du niveau de Google qui ne propose pas un support simple et complet à ses utilisateurs.

En plus des forums, j’ai également rempli tous les formulaires et demandes que j’ai pu trouver, et tenté de contacter chaque bureau et même chaque personne dans les deux bureaux de Manhattan. Mais pas une seule personne n’a été capable de m’aider, ce que je trouve choquant et exaspérant comme dans un cauchemar kafkaïen. Un employé m’a même répondu qu’il ne savait pas ce que je devais faire, ajoutant : « honnêtement, je n’utilise même pas Google » !

Après avoir exploré tous les canaux possibles pour obtenir de l’aide, j’ai finalement été contacté tout à coup par un employé de Google qui a vu par hasard mes protestations sur Twitter, un service que j’ai utilisé suite à l’absence complète de support à la clientèle de Google. Il a dit qu’il allait essayer de contacter des personnes chez Google pour m’aider à restaurer mon compte. Après plusieurs échanges d’emails avec lui, il m’a rapporté qu’il avait parlé à quelqu’un de chez Google qui lui a dit que mon compte avait été désactivé, sans lui dire pourquoi. Il a essayé d’expliquer que ça devait être une erreur, mais ils ne pouvaient pas se l’expliquer eux-mêmes.

Alors Google, voici autre chose à laquelle je voudrais que vous réfléchissiez. L’un de vos propres employés est allé vers vous pour moi et vous a indiqué que vous aviez désactivé mon compte par erreur, et votre réponse a été : « Non, on est presque sûr que non ». Votre propre employé a dit : « Écoutez, j’ai parlé à cette personne et je pense qu’une erreur a été faite, vous devriez revérifier ou lui parler ». Et à nouveau, votre réponse a été « Non, on est presque sûr ». Alors, posez-vous la question, quelqu’un comme moi qui a vu son compte être désactivé se lancerait-il dans une telle campagne vociférante et bruyante pour parler à quelqu’un de chez Google afin de leur expliquer qu’une erreur a été commise et que des années de données importantes ont été détruites, quelqu’un comme moi qui aurait volontairement mené des activités illégales sur son compte ferait-il cela ? Vous avez seulement besoin de bon sens pour répondre.

D’autres éléments : J’ai eu des comptes Hotmail, Yahoo, AOL et Compuserve et jamais l’un de ces comptes n’a été désactivé. Lorsque l’une de ces entreprises pensait que mon compte était compromis, il m’en ont averti et j’ai changé mon mot de passe. Pourquoi Google ne m’a-t-il pas notifié, à l’adresse email alternative que j’ai fournie à l’inscription, avant de prendre la décision de désactiver mon compte ? Cela me laisse perplexe. Si vous dites que j’ai violé certaines Conditions Génerales d’Utilisation c’est votre droit, et dans ce cas il est justifié de résilier mon compte. Mais je vous demande maintenant un minimum de preuves de cette violation.

Concernant toute violation, je veux être tout à fait clair : je n’ai causé aucune infraction aux Conditions Génerales d’Utilisation. Si Google pense que quelque chose a été fait de mon côté, je les défie de me dire ce que c’est. Je n’ai d’aucune façon violé de Conditions d’Utilisation, c’est un fait. Je voudrais signaler que quelques jours avant que mon compte ne soit désactivé j’obtenais des messages d’erreur quand j’essayais d’accéder à Google.com via Chrome. Je sais que je ne suis pas la seule personne que je connais à qui cela est arrivé. Mes amis et membres de ma famille utilisant Chrome obtenaient des messages d’erreur en essayant d’accéder à Google.com. Je pense que c’était des avertissements de redirections ou de certificat du site. J’ajoute que mon compte Google Plus se comportait de façon étrange lui aussi avant la désactivation de mon compte. Mais je lance des vérifications antivirus régulièrement et je n’ai jamais eu de virus. Une quelconque « violation perçue » est une méprise de la part de Google, ceci aussi est un fait.

Vous avez coupé mes moyens de communication, perturbé ma vie personnelle et professionnelle, détruit de larges parties des mes données personnelles et professionnelles, m’avez accusé de quelque chose sans me dire de quoi, avez bloqué toute communication directe avec mon accusateur, et ne m’avez donné aucune possibilité de faire appel de cette décision ou de parler à quelqu’un des faits connus dans cette affaire. Cette entreprise se dirige vers une voie très, très menaçante, si elle continue ainsi.

Plusieurs appels ont été faits à l’ONU pour que l’accès à Internet, aux communications essentielles et aux services d’information deviennent des Droits de l’Homme. En Grèce, en Espagne, en France et en Scandinavie, cela a déjà été accordé. Ce ne sera pas long avant que des lois ne soient mises en place concernant les comptes personnels utilisés pour accéder à ces services de communication et d’information, et des lois régulant la sauvegarde des informations personnelles contenues dans ces comptes, comme les correspondances. Il est impardonnable qu’une entreprise telle que Google, qui fait tant de déclarations sur les bonnes pratiques dans les domaines de la communication et de l’information, n’ait pas pris d’elle-même l’initiative et ait à la place choisi de traîner les pieds tant qu’ils n’y sont pas contraints par les gouvernements.

Les entreprises comme Google profitent des lois actuelles et écrivent dans leurs Conditions Générales d’Utilisation des choses telles que :

« …vous accordez à Google le droit permanent, irrévocable, mondial, gratuit et non exclusif de reproduire, adapter, modifier, traduire, publier, présenter en public et distribuer tout Contenu que vous avez fourni, publié ou affiché sur les Services ou par le biais de ces derniers. »
(NdT : Tiré directement de la version française)

Ces conditions ne sont pas viables et je ne doute pas qu’elles seront modifiées à un moment ou à un autre à l’avenir. De nombreux grands médias, tel que le Washington Post, ont déjà commencé à scruter Google et d’autres entreprises qui ont choisi d’imposer de telles drastiques conditions à leurs clients. Voir Google agir de la sorte est infect et inexcusable.

Et je m’inquiète réellement de l’avenir de la dissidence sociale et politique qui devra se battre pour exister dans l’œil du cyclone formé par les réseaux sociaux et l’actuelle politique de Google. Un climat dans lequel la Responsable de la Vie Privée chez Google, Alma Whitten, a encensé YouTube comme un moyen pour les activistes politiques de poster du contenu de manière anonyme. Quelques mois plus tard, une nouvelle décision interne éliminait tranquillement toute possibilité de publier anonymement.

Je tiens aussi à mentionner qu’en aucun cas je n’ouvrirai un autre compte Google.

Comme je l’ai déjà dit, j’ai toujours été un apôtre et un fidèle de Google. Aujourd’hui c’est terminé. Je vais en finir avec les Google Apps qu’utilise mon entreprise et laisser tomber tous les autres produits Google que j’utilise, même les services comme Google News que je consultais auparavant plusieurs fois par jour. J’étais même sur le point de remplacer mon iPhone par un téléphone tournant sous Android. Au lieu de cela, je vais dépenser la même énergie que je consacrais à encenser Google à dénoncer cette entreprise que je considère désormais comme extrêmement nuisible et aux pratiques honteuses. Je vais écrire à mon sénateur, vendre mes actions et contacter ma banque à propos de l’argent que j’ai versé pour le domaine et l’espace de stockage qui sont à présent inaccessibles. Je vais faire pression sur Google par tous les biais possibles pour qu’ils m’expliquent ce qu’ils ont perçu comme une violation de leurs Conditions d’Utilisation. Ces conditions que Google nous présente lors de l’ouverture d’un compte : « Google se réserve le droit de clore votre compte à n’importe quel moment, pour n’importe quelle raison, avec ou sans préavis » ne sont pas des termes défendables (pour certains points, je pense qu’un tribunal pourrait conclure que ces termes sont inacceptables).

Google est une entreprise à qui les gens confient de nombreuses données personnelles dont ils dépendent fortement. C’est pourquoi Google doit fournir la preuve de ce qui cause la désactivation d’un compte. Une fois de plus, on ne peut pas prendre l’argent des gens et avoir un monopole sur des pans entiers de l’Internet sans montrer un minimum de responsabilité vis-à-vis de ses clients. J’ose espérer que Google sera forcé de fournir un moyen de récupérer ses données personnelles telles que sa correspondance ou ses contacts lors de la fermeture d’un compte.

Le fait que pour le moment Google n’offre pas cette option lorsqu’il désactive arbitrairement le compte d’un utilisateur ne fait qu’ajouter l’insulte aux dommages causés.

Quand je pense à tout le business que j’ai fait faire à Google, à tout l’argent que j’ai apporté à cette entreprise, à tous les gens que j’ai convertis de Yahoo ou d’Hotmail, à tous les prêches que j’ai faits envers Android, à tout le travail que j’ai consacré à la souscription de mon entreprise à Google Apps, ça me met en rage et je regrette tout ce que j’ai fait. Et je vais faire tout ce qui est humainement possible pour défaire toutes ces actions, ainsi que pour mettre Google sous pression pour qu’elle devienne une entreprise plus responsable.

Honte à vous et à vos associés ainsi qu’à vos employés qui tolèrent de telles pratiques d’entreprise déplorables, déshonorantes et répréhensibles !

Notes

[1] Crédit photo : Stephen Brace (Creative Commons By)




Le Framablog fête ses 1000 billets !

Shandi Lee - CC byBon ben voilà, ceci est (déjà) le millième billet du Framablog ! Il tombe un dimanche matin en plein mois d’août, il ne devrait pas y avoir beaucoup de convives au banquet[1]. La fête sera plus que confidentielle 🙂

L’aventure avait commencé ici, en septembre 2006, et contrairement à ce qui avait été annoncé on a beaucoup plus parlé du « Libre » que de Framasoft.

Par contre nous sommes restés relativement en phase avec à la phrase mise en exergue sur le bandeau : « mais ce serait peut-être l’une des plus grandes opportunités manqués de notre époque si le logiciel libre ne libérait rien d’autre que du code ».

Les digues de la résistance sont hautes et solides et il reste encore beaucoup à faire. Mais l’agent émancipateur logiciel libre est bien en train de produire ses effets et d’inspirer dans son sillage de toujours plus nombreux domaines de l’activité humaine.

C’est cette histoire en marche que nous essayons modestement de témoigner et de chroniquer ici depuis cinq ans, en assumant notre oscillation permanente entre la neutralité journalistique et le parti pris de ceux qui y croient.

Je dis « nous » parce que la plume de ce blog n’est pas uniquement tenue par son « dictateur bienveillant à vie ».

Il y a eu d’autres rédacteurs, tel l’auteur du Geektionnerd pour n’en citer qu’un. Il y a eu aussi tous ceux qui ont bien voulu que l’on reproduise leurs articles en ces lieux. Et puis surtout, ce qui constitue sans nul doute la plus forte valeur ajoutée du site, toutes ces traductions que nous devons à notre dream team Framalang. En y ajoutant les commentateurs, on a l’équipe au complet que je remercie chaleureusement comme il se doit pour son implication.

Ici comme ailleurs, la route est décidément fort longue mais ensemble la voie semble bel et bien toujours plus libre. Rendez-vous, soyons prudent, au prochain anniversaire, aKa.

PS : J’en ai profité pour mettre à jour la page « Best of » censée compiler non pas tant le meilleur du blog que des articles dont l’interet est susceptible de dépasser le temps éphémère de l’actualité.

PS2 : À propos de chiffre mille, je rappelle subrepticement l’existence de notre campagne de dons « 1000 10 1 », car là aussi il reste beaucoup à faire si nous ne voulons pas réduire la voilure.

Notes

[1] Crédit photo : Shandi Lee (Creative Commons By)




Unhosted : libre et salutaire tentative de séparer applications et données sur le Web

Michiel de JongIl est désormais possible de se passer de la suite bureautique Microsoft Office et du système d’exploitation Windows en utilisant de fiables alternatives libres (GNU/Linux et Libreoffice pour ne pas les nommer).

Mais quid du réseau social Facebook et des services Google par exemple ? Est-il possible de proposer des alternatives libres à ces applications dans les nuages du web qui demandent une énorme bande passante et nécessitent des batteries de serveurs, avec tous les coûts faramineux qui vont avec (et que ne pourra jamais se permettre le moindre projet libre qui commence avec cinq gus dans un garage) ?

L’enjeu est de taille car c’est de nos données qu’il s’agit et dont on fait commerce.

Une piste de solution, qui sur le papier semble tout autant lumineuse que triviale, serait de pouvoir séparer l’application web des données que cette application traite. L’application serait quelque part sur un serveur et les données ailleurs sur un autre serveur (chez vous par exemple).

Imaginez un Facebook où toutes les données de ses utilisateurs ne seraient plus sur le site et les serveurs de Facebook ! Facebook serait bien bien plus léger du coup à administrer (moins rentable aussi c’est sûr).

Finis la centralisation et le contrôle sur vos données qui retrouvent du même coup une liberté qu’elles n’auraient jamais dû perdre. Et le web (re)devient un meilleur web.

C’est l’objectif pour le moins ambitieux mais ô combien urgent et utile du projet Unhosted conduit par Michiel de Jong dont nous vous proposons une instructive et enthousiasmante interview ci-dessous.

On notera au passage que le projet collabore avec Libreoffice. À quand un « Google Docs Killer » basé sur unhosted ?

On remarquera également que le projet n’hésite pas à accorder de suite une forte importance au confort de l’utilisateur. Extrait : « Nous avons besoin que les utilisateurs finaux sautent le pas, or les utilisateurs finaux ne comprennent souvent pas bien les principes du logiciel libre, mais si on fait des applications vraiment agréables, ils viendront pour les applications, et resteront pour la liberté. »

Bonne lecture. La problématique exposée ici constitue certainement l’un de nos prochains combats. En fait la bataille a déjà commencé. Elle s’annonce rude mais on déplacé tant de montagnes par le passé qu’il n’y a aucune raison de perdre confiance et de laisser le champ… libre aux seuls monopoles commerciaux à la taille démesurée.

Mais avant cela rien de tel que cette courte vidéo introductive pour se mettre dans le bain et comprendre plus encore de quoi il est question :

—> La vidéo au format webm
—> Le fichier de sous-titres

Entretien de Michiel de Jong avec la communauté

Fellowship interview with Michiel de Jong

Chris Woolfrey – 23 avril 2011 – Followship of FSFE
(Traduction Framalang : Pandark, Pyc et Slystone)

Michiel de Jong a travaillé comme programmeur, chercheur et administrateur système à Amsterdam, Oxford, Londres et récemment à Madrid en tant qu’ingénieur en scalabilité (ou adaptabilité) pour le réseau social espagnol Tuenti. L’hiver dernier il a pris deux mois de vacances (de hacker) à Bali pour monter le projet Unhosted. Il vit maintenant à Berlin avec Kenny Bentley et Javier Diaz, où ils prévoient de travailler à plein temps sur le projet si les donations le permettent.

Chris Woolfrey : Pouvez-vous expliquer ce qu’est le projet Unhosted avec vos propres mots ?

Michiel de Jong : Il y a plusieurs manières de le présenter ; mon approche préférée est l’angle du logiciel libre. Le terme de logiciel libre signifiait auparavant que l’on avait un pouvoir de contrôle (utilisation, partage, étude et amélioration) sur le code source et le logiciel exécuté par l’application, c’est la définition utilisée par la FSFE.

À l’époque, c’était suffisant. On considérait comme acquis le contrôle des données traitées par l’application ; c’est évident, elles sont sur votre ordinateur ou votre serveur, sur lequel vous avez un accès complet aux données utilisées par vos applications.

Concernant les logiciels installés, que ce soit sur un ordinateur de bureau ou sur un serveur, cette vision était juste : si vous contrôlez le code source, vous possédez la liberté logicielle. Mais ensuite, lentement, les logiciels installés ont été remplacés chez l’utilisateur par des logiciels hébergés (comme Google Docs, Facebook et Twitter). Ces sites web hébergés ne sont alors plus une source d’information comme les classiques sites web d’avant ; ce sont des applications interactives, et la liberté logicielle n’existe pas dans ce contexte.

Il est absurde que les logiciels hébergés vous fassent céder vos données à l’auteur de l’application en question, mais c’est ainsi que cela se passe. Cela s’est installé progressivement et insidieusement, car les sites web d’information sont devenus peu à peu des sites dynamiques, et ces sites dynamiques ont commencé à accepter les contributions d’utilisateurs et sont peu à peu devenu des applications interactives. Désormais, les logiciels hébergés sont largement utilisés, souvent en lieu et place d’anciennes applications installées localement sur les ordinateurs.

Dans la transition des applications locales aux application hébergées, la liberté logicielle a été oubliée. Personne ne parle plus désormais de logiciels installés localement, on parle de logiciels hébergés, et pourtant certains disent « Mon ordinateur ne contient que des logiciels libres ; seul le microprogramme de la carte graphique est propriétaire », et c’est une erreur car une bonne partie des « logiciels » qu’ils utilisent ne sont pas installés localement sur leur ordinateur mais utilisés au travers d’un navigateur internet.

Le projet Unhosted a pour but d’inventer et promouvoir un moyen de résoudre ces problèmes. La liberté logicielle doit, de nos jours, être non seulement la liberté du code mais aussi celle des données.

CW : Comment Unhosted permet-il ceci ?

MdJ : Nous séparons le code d’une application de ses données.

Quand vous vous connectez à une application web Unhosted, l’URI affichée dans la barre d’adresse indique l’emplacement du code de l’application, mais le nom de domaine suivant l’arobase de votre identifiant indique l’emplacement de vos données ; ce qui libère vos données de l’emprise du serveur de l’application, tout en libérant ledit serveur de la charge de l’hébergement de vos données.

Ceci implique que l’hébergement d’applications libres redevient possible sur le web. Après tout, il existe un évident substitut libre à Microsoft Windows : GNU/Linux, comme il existe un évident substitut libre à Microsoft Office : Libre Office.

Mais quel logiciel libre pour remplacer aussi évidemment Google Docs ? Pourquoi ne pas se connecter à « www.libredocs.org », par exemple, et utiliser là des applications web libres, comme pour un logiciel installé localement ?

La réponse simple est le coût inhérent au fonctionnement d’une application distante, trop élevé pour permettre la fourniture de ces services gratuitement. Pour coder du logiciel libre, il suffit que des développeurs y consacrent du temps et du savoir-faire. Mais il est impossible de proposer des logiciels libres en ligne sans coût financier, parce que cette activité nécessite l’utilisation de serveurs, et qu’il faut rétribuer les hébergeurs.

En séparant le code des données, laissant leur traitement au navigateur, notre solution règle ce problème : il devient très économique d’héberger des applications web libres parce que vous n’avez à héberger que l’application elle-même, son code, pas les données qu’elle doit traiter.

C’est le côté « libérez les applications du poids des données » de notre projet. Puis arrive l’autre coté : le logiciel c’est du code et des données, le logiciel libre c’est du code libre et des données libres.

Avec Unhosted, la liberté des données est assurée par le choix, lors de l’inscription à une application, du domaine devant héberger vos données pour vous. Vous pouvez ouvrir un compte chez un fournisseur de services (ils sont en train d’être mis mettre en place) ou demander à l’administrateur réseau de votre université ou de votre entreprise d’héberger un nœud pour celle-ci ; de cette façon, tout bénéficiaire d’une adresse « @quelquepart » aura la possibilité d’obtenir un compte Unhosted avec le même nom d’utilisateur.

CW : Y a-t-il des bénéfices en termes de vie privée à utiliser Unhosted en comparaison avec une application web qui conserve à la fois le code et les données à distance ?

MdJ : En utilisant une application Unhosted, toutes vos données sont chiffrées par le navigateur avant d’être transmises au serveur hébergeant votre compte Unhosted. De cette façon, les données confiées à votre compte Unhosted peuvent se trouver sur n’importe quel serveur, parce que, bien que vous vous reposiez sur ce serveur pour permettre un accès à vos données, ces données sont stockées et chiffrées, ainsi vous n’avez pas à craindre que l’hébergeur du compte lise vos messages, par exemple. Les données stockées par une application Unhosted sont chiffrées par votre navigateur avant d’être transmises et enregistrées sur votre compte, et elles seront déchiffrées au moment de leur sollicitation par le navigateur, au moment de leur utilisation. Le serveur hébergeant vos données Unhosted est aveugle ; il transmet vos données vers et depuis des sites web Unhosted sans pouvoir lire leur contenu.

Utiliser JavaScript pour la cryptographie n’a habituellement aucun intérêt, parce que si un site web contient des scripts JavaScripts pour chiffrer des données, alors ces mêmes scripts peuvent être utilisés pour espionner ces données chiffrées.

Avec Unhosted il en va autrement car nous séparons le domaine qui fournit l’application de celui qui héberge les données. L’hébergeur du compte Unhosted (celui des données) ne pourra pas accéder aux scripts de cryptographie de l’application, donc l’application Unhosted peut chiffrer des données que le serveur du compte Unhosted ne poura pas déchiffrer.

CW : Quel genre d’applications convient d’après vous le mieux à l’utilisation d’Unhosted ? Quel types d’applications Web vous attendez-vous à voir adopter Unhosted en premier ?

MdJ : Toutes les applications qui n’enregistrent pas un grand nombre de données utilisateur peuvent être facilement adaptées à Unhosted.

Ce sont toutefois les applications comme Google Docs, nécessitant le stockage de beaucoup de données utilisateur importantes, qui bénéficieraient le plus du passage à Unhosted. Celà pourrait aussi bénéficier grandement au parallélisme (informatique). Cependant, pour d’autres services, comme les moteurs de recherche, il faudra trouver de bons algorithmes pour permettre un fonctionnement plus décentralisé. En général, toute application web qui nécessite le stockage d’un grand nombre de données personnelles peut tirer profit d’Unhosted.

CW : Il y a une effervescence actuellement autour de projets libres décentralisé pour proposer des alternatives au réseau social Facebook (Diaspora, Appleseed…) ou au moteur de recherche Google (YaCy, Seeks…). Quel impact et comment pourrait s’adapter votre travail à des projets comme Diaspora, Appleseed et, Seeks ou YaCy ?

MdJ : Unhosted a été d’une certaine façon créé sur la mailing list des développeurs de Diaspora. Nous discutions du basculement de Diaspora de PGP vers SSL, et de la façon dont un chiffrement « de bout en bout » serait plus adapté. Alors j’ai commencé à développer un système de chiffrement de données en Ajax. Il était destinée à intégrer Diaspora. Plus tard, j’ai réalisé qu’il pourrait avoir bien d’autres applications.

Il nous reste encore à écrire une application « sociale » Unhosted qui pourrait fédérer Diaspora et Appleseed. YaCy étant un moteur de recherche, il nécessitera un travail travail d’ingénierie plus conséquent avant de l’intégrer dans l’architecture des applications web d’Unhosted.

Outre ceux que vous avez évoqués, nous avons aussi été approchés par LibreOffice pour discuter de la façon de faire fonctionner ensemble Unhosted et LibreOffice. Ce fut un grand honneur. Nous mettons actuellement en œuvre un cloud-sync Unhosted pour LibreOffice. Il ne déplace pas exactement LibreOffice sur le web, c’est à dire que toute l’application n’est pas dans votre navigateur, mais il fait de LibreOffice un « navigateur de documents », similaire à un « navigateur web », et il sera compatible avec les standards web que nous avons rendu publiques il y a trois semaines.

Pour le reste, nous ne faisons que commencer. Nous avons mis en ligne une application de démonstration qui montre le principe : http://myfavouritesandwich.org. Les gens peuvent copier cette démo et s’en servir comme un « Hello World! », de base pour l’utilisation d’Unhosted.

CW : En voilà un super nom de domaine !

MdJ : Au départ c’était myfavouritecar.org mais Javier estimait que myfavouritesandwich.org était plus marrant.

CW : L’apparence du projet est-elle importante pour vous ?

MdJ : 33% de notre équipe à plein temps est un graphiste. C’est une autre caractéristique relativement unique de ce projet ; je ne pense pas que beaucoup de projets de logiciels libres atteignent ce pourcentage. Nous avons besoin que les utilisateurs finaux sautent le pas, or les utilisateurs finaux ne comprennent souvent pas bien les principes du logiciel libre, mais si on fait des applications vraiment agréables, ils viendront pour les applications, et resteront pour la liberté.

Il n’y a pas de barrière d’entrée pour l’utilisateur : c’est une caractéristique importante pour nous. L’utilisateur n’a pas besoin de savoir si une application est complètement hébergée ou Unhosted. Si l’utilisation d’Unhosted devient transparente, alors nous aurons fait un bon travail.

Il nous faut convaincre les développeurs web de créer des applications Unhosted, et leurs clients n’ont même pas besoin de savoir précisément ce que c’est. Si un client demande à un développeur une nouvelle application, le développeur doit pouvoir juste répondre « OK, on va utiliser la dernière technologie pour développer cette application pour vous », et créer alors une application Unhosted. Le client n’a pas besoin qu’on lui signale l’utilisation d’une architecture Unhosted, seul le développeur doit le savoir.

Nous voulons créer quelques applications de démonstration qui soient vraiment agréables à utiliser, de façon à pouvoir éviter les stigmates qu’associent souvent les non-convertis aux logiciels libres (par exemple un logiciel libre peut bien fonctionner mais il est souvent moche). Je pense qu’il est important que les logiciels libres soient beaux et agréables à utiliser. Beaucoup de projets font du très bon travail aujourd’hui, et nous voulons être l’un d’eux. Voilà pourquoi 33% de notre équipe à plein temps est consacrée au graphisme.

CW : Il semble que vous essayez d’attirer des gens en dehors de l’écosystème existant des logiciels libres. Pensez-vous qu’il y ait des avantages évidents à utiliser Unhosted pour des entreprises et associations non concernées par les logiciels libres ?

MdJ: Oui, certainement. Tout d’abord, une entreprise qui utilise des logiciels comme moyen de production peut vouloir utiliser un chiffrement de bout en bout, de façon à ce que les secrets de l’entreprise ne quittent pas son réseau privé virtuel, mais qu’elle puisse tout de même utiliser le stockage sur les serveurs d’Amazon, par exemple. Ainsi, ils peuvent bénéficier d’applications web Unhosted avec des comptes Unhosted qui stockent des données chiffrées sur des serveurs Amazon, et le tout fonctionnera dans les navigateurs web de leur personnel, sans avoir à installer de logiciels chez eux.

De plus, l’évolutivité et la robustesse d’une architecture distribuée peuvent être un choix stratégique pour une entreprise : si vous désirez proposer une application propriétaire, mais ne voulez pas que vos serveurs soient le maillon faible du système, alors Unhosted apportera à vos applications moins d’indisponibilité, ou au moins les incidents ne toucheront pas tous les utilisateurs et votre application ne sera pas entièrement indisponible à cause de problèmes localisés. Enfin, le coût d’hébergement d’une application Unhosted est bien moins élevé que celui d’une application traditionnelle.

C’est un grand avantage pour les projets libres qui, à l’heure actuelle, ne peuvent simplement pas s’offrir l’hébergement d’applications web, mais pour les applications propriétaires c’est aussi une opportunité intéressante, parce que cela permet de réduire les coûts. Il y a donc là une activité commerciale possible comme fournisseur de comptes Unhosted. Selon le nombre d’applications intéressantes que nous pouvons susciter et promouvoir, des entreprises de ce type écloront, et alors les utilisateurs pourraient avoir un unique identifiant pour l’ensemble des applications Unhosted qu’ils utiliseront.

Les possibilités d’interopérabilité entre les applications sont elles aussi enthousiasmantes — la séparation des applications et des données permettra aussi (quand une complète compatibilité des formats le permettra) de basculer sur un autre site et constater, par exemple, que tous vos albums de photos sont bien là, pour revenir au site précédent pour voir que vos modifications ont été prises en compte instantanément, sans avoir à faire d’import ou d’export, parce que les données sont les mêmes.

Ce sera une expérience incroyable pour les utilisateurs finaux quand nous arriverons à faire fonctionner tout cela ! Certaines personnes ne se soucient pas d’évolutivité, de pérennité, de robustesse, de chiffrement, de vie privée, des applications dans le domaine public ou de logiciels libres, etc., ils ne se soucient que des possibilités d’interopérabilité des données. Ce type d’interopérabilité pourrait être le meilleur atout du projet Unhosted.

CW : Pourquoi a-t-il fallu attendre jusqu’à maintenant pour qu’un projet comme Unhosted voit le jour ?

MdJ: Je pense que tout cela est très récent. Il y a un an, on ne se rendait pas forcément compte qu’il y avait un problème avec nos données. Oui, il y a eu l’article de Richard Stallman au sujet de SaaS, puis les excellentes présentations de Eben Moglen, mais pendant ce temps-là, Facebook est devenu de plus en plus dominant. Sans oublier des projets tout neuf comme le Chrome Web Store et Chrome OS.

Il y a deux ans, ça n’était pas aussi évident. Enfin, je sais que je n’aurais pas pu envisager tout cela il y a deux ans, mais je pense que c’est le bon moment maintenant. Un grand nombre de ces idées ne sont pas les miennes. Certains principes importants viennent de Tim Berners-Lee et Zooko, je les ai juste rassemblées et ai rédigé un « manifeste » sur le sujet, ce qui encore une fois, est essentiellement copié d’Eben Moglen et Richard Stallman.

CW : Comment prévoyez-vous de travailler à plein temps sur Unhosted ?

MdJ : Nous ambitionnons de récolter pendant les prochains mois 36000 €. Nous avions le choix entre créer une entreprise ou développer entièrement le projet dans le cadre d’une association à but non lucratif.

Nous avons choisi la voie non marchande car nous pensons qu’il est important de le faire de cette façon. Nous sommes trois ingénieurs à plein temps, et nous avons l’intention de trouver un hackerspace à Berlin pour nous accueillir tous les trois, plus deux bureaux libres pour les hackers en visite. Nos locaux seront ouverts aux vacanciers qui voudraient passer une semaine à Berlin, trainer dans nos locaux et contribuer à libérer le web. Les loyers sont très bon marché à Berlin, toutefois chacun de nous a besoin d’environ 1000 € par mois pour vivre.

Nous sommes très impliqués dans ce projet. Prochainement, nous publierons des outils et des applications de démonstration afin de faire avancer le web Unhosted, et nous nous occuperons des détails à mesure que nous progresserons. Unhosted est un projet communautaire, entièrement ouvert, mais je pense qu’il est bon d’avoir une structure « fondation plus communauté », avec une petite équipe entièrement dédiée au projet, pour constamment lui donner une impulsion.

Nous encourageons les personnes intéressées à s’inscrire à notre liste de discussion, nous suivre sur Identi.ca et Twitter, et à rejoindre notre canal IRC. D’autre part, nous encourageons les développeurs à forker nos applications de démonstration pour développer leurs propres applications Unhosted.

Le web Unhosted commence aujourd’hui…




Planifier librement ses rendez-vous avec Framadate

Framadate.org

Aujourd’hui, nous avons le plaisir de vous annoncer un nouveau site en “beta test” sur le réseau Framasoft : http://framadate.org

Vous avez besoin de trouver la meilleure date pour une sortie au resto entre amis ? Vous voulez savoir quelle serait l’heure qui conviendrait le mieux pour cette importante réunion de travail ? Vous voulez savoir qui amène la bière, les pizzas ou le dessert ?

Alors Framadate est fait pour vous ! 🙂

Plutôt que d’échanger de nombreux emails (avec toujours le boulet qui oublie de faire « répondre à tous » et dont on perd donc trace du message), il suffit de créer un sondage sur Framadate.org et d’en envoyer le lien aux participants (par email, par Twitter (ou identica), Facebook (ou diaspora 🙂 ), etc).

Quelques clics plus tard, vous saurez quelle est la date qui convient le mieux. On peut difficilement faire plus simple !

Framadate est un service proposé librement et gratuitement par le réseau Framasoft. Inspiré du service Doodle, il est basé sur l’application libre STUdS! développée par l’Université de Strasbourg, Framasoft ayant principalement relooké et sécurisé l’application. Le code source de Framadate est bien évidemment disponible.

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Framadate est un service qui fait partie du projet “Framatools”, qui visera à sensibiliser le grand public à la décentralisation des données et applications.

En effet, de plus en plus de logiciels fonctionnent directement au sein des navigateurs web (d’où l’importance de navigateurs libres et de confiance) : c’est le fameux “cloud”. Cependant, cette informatique “dans les nuages” pose un certain nombre de problèmes : protection de la vie privée, propriété des données mais aussi sécurité et fiabilité du service.

Framasoft va donc proposer un certain nombre de services en ligne basés sur des applications libres [1].

Évidemment, cela peut paraître paradoxal, puisqu’on y retrouve sensiblement les mêmes problématiques de sécurité et de fiabilité du cloud “privé”. Cependant, il faut voir ces services comme des « produits de démonstration » fonctionnels et maintenus par nos soins. Un site de sensibilisation aux dangers du cloud sera mis en place d’ici la rentrée, et expliquera pourquoi et comment installer, chez soi ou pour son organisation, sa propre instance de l’application. </teasing>

Notes

[1] Framasoft propose d’ores et déjà le site de rédaction collaborative Framapad, par exemple.




Petite chronique de l’e-G8, retour sur une tempête médiatique

G8 vs Internet - CC by-saLes 24 et 25 mai derniers se tenait à Paris le « Forum e-G8 », en prélude au G8 de Deauville. Ce forum participatif consacré à Internet fut résolument orienté “business” : organisé par le groupe publicitaire Publicis, les invités étaient principalement les dirigeants des plus grosses sociétés de communication (Google, Facebook, eBay, Fox, Bertelsmann, Vivendi, etc.).

Si le commerce fait évidemment partie intégrante des possibilités ouvertes par Internet, cela ne constitue qu’une petite partie de l’utilisation qui est faite du réseau aujourd’hui. Or, la sélection très orientée des intervenants ne portait par conséquent qu’un seul point de vue : « Comment utiliser Internet pour doper la croissance économique ? » et sa question sous-jacente « Comment contraindre et réguler Internet pour s’assurer que les profits continueront d’augmenter ? ».

La société civile était donc complètement marginalisée dans le programme du e-G8, laissant le champ libre à un discours de « civilisation », de « moralisation », voire de contrôle de l’Internet. C’était sans compter sur des interventions de John Perry Barlow (EFF) ou Lawrence Lessig (Creative Commons), et surtout sans la culture du « hacking » (au sens de « bidouillage », « détournement ») d’associations comme la Quadrature du Net qui ont pu faire entendre la voix des principaux concernés : les internautes.

Petite chronique de l’e-G8, retour sur une tempête médiatique

Neurone364 – 24/06/2011 – Framablog

Cette petite rétrospective se propose de parcourir les principaux évènements du « forum e-G8 » tels qu’ils furent présentés par la presse écrite sur Internet. À l’origine de cette initiative, une constatation simple : la revue de presse que tient la Quadrature du Net est passée, lors de ces deux journées pittoresques, d’un rythme de croisière d’environ 5 articles signalés par semaine, à plus de 50 par jour ! La petite équipe bénévole dédiée à la tâche a donc suivi le mouvement imprimé par le porte-parole, les co-fondateurs, les accampagnants[1], les bénévoles et tous les citoyens qui agissent et réagissent en conscience aux attaques contre Internet signalées par la Quadrature, pour finir la semaine sur les rotules, avec un sourire serein et des cernes sous les yeux.

Tout a commencé calmement, le 18 mai 2011, avec la publication par la Quadrature du Net d’un communiqué intitulé « Forum eG8 » : un écran de fumée pour le contrôle gouvernemental du Net. Dans ce communiqué, nous dénoncions l’organisation par le gouvernement d’un processus pseudo-consultatif, mis en place autour d’un show à l’américaine, avec les stars du web commercial réunies à Paris. En parallèle, accompagnée de plusieurs organisations d’artistes et citoyennes, la Quadrature invitait toutes les créativités à s’exprimer contre les tentatives de transformer Internet en un outil de répression et de contrôle en ouvrant le site web http://g8internet.com à l’expression publique.

D’un côté, il y avait donc ce simple espace de liberté, ouvert pour l’occasion par quelques gus dans un garage, et de l’autre, Publicis, un géant mondial à qui l’on confie des budgets d’état pour faire son métier : de la publicité. De la communication pour ceux qui ont, à vendre, la vision d’un Internet restreint aux intérêts de leurs activités…

Vous vous demandiez ce qu’est la Quadrature du Net ? C’est ça : un village d’irréductibles amoureux de la liberté d’expression, celle offerte à tous par l’Internet neutre que nous avons encore entre les mains, et qui s’échappe comme une poignée de sable sur laquelle soufflent de puissants intérêts privés et commerciaux.

Heureusement, cette histoire n’est pas encore écrite, et nous avons avec nous bien mieux qu’une potion magique : un réseau planétaire reliant sans discrimination toutes les bonnes volontés du monde. Il ne tient qu’à chacun de tendre la main (vers son clavier, et son prochain) pour se dresser en rempart de ce droit fondamental qu’est l’accès à Internet, l’accès aux autres.

Ce 18 mai 2011, la presse commençait à frémir devant l’évènement en préparation, LePoint.fr titrait par exemple : « Le forum e-G8 suscite doutes et attentes » notant que si « beaucoup espéraient une mise à plat des politiques de gouvernance du Net, de respect de la vie privée ou de développement des libertés d’expression et d’information, il se pouvait que l’orientation de ce e-G8 soit avant tout économique et tournée vers les grands acteurs privés plutôt que vers les internautes. »

Le 19, c’est Médiapart qui se faisait l’écho d’une société civile oubliée à cette grand messe, dans un article intitulé : « Avant le G8 du Net, les citoyens tentent de garder la parole ». Et ce « tentent » n’était rien moins que défaitiste.

Le 20 mai, la Quadrature du Net annonçait une analyse à paraître dans l’hebdomadaire Marianne et sur le site du journal détaillant la spectaculaire opération de rattrapage tentée par Nicolas Sarkozy auprès des électeurs internautes, après avoir lui-même empêché la tenue d’une conférence mondiale consacrée à la liberté d’expression sur internet, pourtant proposée par Bernard Kouchner. Après avoir menacé de passer les banlieues au karsher, le conquistador de l’Élysée voulait cette fois se donner pour mission de « civiliser » l’internet.

L’Élysée ne veut pas entendre parler de cyberdissidence, ni de liberté d’expression, il veut du “contrôle”. Frédéric Martel, Marianne, 21-27 mai 2011

Cet article de Marianne, repris dans le Figaro sous le titre : « Sarkozy préfère “l’internet civilisé” aux cyberdissidents » sera lu plus de 30 000 fois en une semaine, première goutte de pluie annonçant la fin du calme avant la tempête médiatique.

D’ailleurs des gouttes tombaient déjà au delà de nos frontières, comme en atteste cet article du New York Times paru le même jour, sous le titre narquois « Chaos of internet Will Meet French Sense of Order » ou « Le chaos d’Internet va rencontrer le sens de l’ordre français ».

La pluie s’est mise à crépiter le 23 mai, à la veille du forum, le lundi de cette fameuse semaine. Les premières éclaboussures vinrent du site PublicSénat.fr reconnaissant que l’évènement annoncé est « Pour le chef de l’Etat, l’occasion de renouer avec le monde du Web, un peu malmené avec la loi Hadopi. Nicolas Sarkozy n’est pas un grand amateur des questions numériques. », et relayant l’analyse de la Quadrature quant au contenu des « débats », voire plutôt du déballage prévu pour les jours suivants. De son côté, l’Express publiait dans un article « Ce qu’il faut savoir sur l’eG8 » confiant que

L’impression générale donnée par le forum est celle d’un grand fourre-tout, dont on imagine qu’il servira de grand rendez-vous de networking. Dans ces conditions, difficile de déboucher sur des annonces concrètes. D’autant que les chefs d’Etat du G8 ne prévoient de consacrer qu’une heure à ces questions lors du sommet de Deauville.

En Europe, le site RTL.be titrait sans illusions et avec le franc-parler que l’on ne trouve plus dans l’hexagone concernant les affaires gouvernementales : « eG8 Forum : politiques et stars du Web à Paris ».

Le mardi 24 mai la Quadrature du Net rappelait dans un communiqué, pour lancement de l’opération, que :

L’eG8 est une mise en scène où un gouvernement déconnecté de la civilisation Internet espère apparaître en phase avec celle-ci en se montrant en compagnie de quelques leaders économiques du secteur. »

Et la pluie se fit alors battante. Elle ruisselait sur nos écrans en ondées numériques défilant comme les vagues vert-phosphorescent des moniteurs de la matrice… Libération parlait ainsi de « L’illustration parfaite d’une collusion malsaine » Europe1 des « “People” et paillettes pour le G8 du web » et Le Monde relevait que l’e-G8 n’allait que « de “Internet civilisé” à l’Internet “facteur de croissance” », se faisant l’écho des analyses de la Quadrature ou de l’IGC[2] pour qui il est anormal que le forum soit « organisé par le secteur privé et que l’accès soit donné aux seuls acteurs des entreprises privées et des gouvernements. »

20Minutes.fr notait également de son côté qu’à l’e-G8 il semblait se confronter « deux visions du Net irréconciliables » tandis que Challenges.fr reprenait le glissement sémantique opéré par le Président qui ne parla plus alors dans ses discours de civiliser l’espace numérique, mais désormais de moraliser l’internet.

SudOuest.fr titra sur la sensationnelle déclaration de Nova Spivack, invité à l’événement :

Internet va balayer les gouvernements

En début d’après midi, la CNIL tapait du poing sur la table dans une spectaculaire sortie intitulée « La protection de la vie privée absente de l’e-G8 : oubli ou rejet ? » et se terminant par plusieurs remarques dont la plus cinglante est sûrement :

Lors de cet événement où tout s’achète, combien coûte la protection de la vie privée ? Apparemment pas grand-chose !

Une petite phrase qui en dit long sur la considération du gouvernement à l’égard de cet indispensable organe de l’état, et qui se répandit sur les blogs et micro-blogs cet après-midi là, alors que le déjeuner des canotiers imaginés par Publicis subissait un orage imprévu.

En milieu d’après midi, la Quadrature publiait, avec une trentaine d’organisations et associations attachées aux libertés sur Internet une « Déclaration de la Société Civile au G8 et e-G8 » rappelant en quatre points essentiels leur attachement à l’accès Internet pour tous, à la liberté d’expression et à la neutralité du réseau.

Déclaration entendue par France24 qui constata en fin de journée que l’e-G8 « ne dissipait pas la crainte de la censure » et le pire était encore à venir.

Le lendemain ce fut le déluge. Des journaux allemands, anglais, italiens, suisses, belges, canadiens ou américains se firent l’écho de l’actualité de la veille, à l’image d’FT.com titrant «? Tech titans’ optimism fades under Paris sun ?» ou « L’optimisme des titans de la technologie s’estompe sous le soleil de Paris » ou encore de V3.co.uk avec son « Rights groups revolt as Sarkozy reveals plans to stamp out Internet freedoms », « les défenseurs des droits sur internet se révoltent face aux plans dévoilés par Sarkozy d’éradiquer les libertés sur Internet ». Pour Cyberpresse.ca « Sarkozy souffle le chaud et le froid » :

Évoquant le rôle qu’a joué Internet dans les soulèvements observés en Tunisie ou en Égypte, il a déclaré que le web est devenu “le vecteur d’une puissance inédite pour la liberté d’expression dans le monde”. Mais, du même souffle, il a soutenu que le réseau mondial ne doit pas être “un univers parallèle affranchi des règles du droit ” Le discours de Nicolas Sarkozy ne risque guère d’apaiser les organisations de défense des usagers de l’internet, qui l’accusent de vouloir “censurer” le réseau.

Analyse on ne peut plus juste, car pendant ce temps là, la société civile se mobilisait pour faire entendre ses voix au cours d’une conférence de presse improvisée tournant au contre-sommet de l’e-G8. Une soixantaine de journalistes vinrent en effet y entendre Lawrence Lessig (fondateur des Creative Commons), Jean-François Julliard (secrétaire général de RSF), le journaliste américain Jeff Jarvis, Susan Crawford (membre de l’ICANN et ex-conseillère de Bill Clinton) ou encore Jérémie Zimmermann (porte parole de la Quadrature du Net). Parmi ces journalistes, ceux de ZDNet devait titrer dans l’après midi « Un “contre eG8” dénonce la mise en scène du forum Internet du gouvernement » rappelant que pour la Quadrature du Net, le « forum » e-G8 n’était qu’un pas de plus vers la régulation des réseaux, les modèles économiques de ces « géants » du web étant basés sur des restrictions aux libertés fondamentales des citoyens[3].

En fin de journée, le Figaro se fit l’écho des « Déceptions à l’e-G8 » tandis que le Monde rappelait l’une des premières revendications de la Quadrature du Net, dans un article nommé : « L’accès à Internet doit devenir un droit fondamental ».

Les jours suivants, et jusqu’à la tenue du G8 lui même, la pluie ne s’arrêta pas comme une simple averse. Le 26 mai, Ouest-France tint à résumer « G8 de l’Internet : que faut-il en retenir ? » notant « que le G8 à venir dans les jours suivant veut réguler Internet. Et cette éventualité fait des remous chez les acteurs du web. »

La France paraît assez mal placée pour donner des leçons et pourtant, quel discours le président français a-t-il tenu au gotha mondial des créateurs d’avenir ? Il leur a dit qu’il fallait réguler Internet, le moraliser

Indiquait quant à elle France24 dans un article intitulé : « Sarkozy et Internet : le grand malentendu »

Dans une interview vidéo parue le lendemain sur ITEspresso Tristan Nitot (fondateur et président de l’association Mozilla Europe) indiquait qu’à l’ « e-G8 : il y a un manque de représentativité, on a l’impression de servir d’alibi »

LeMonde concèdait le 28 mai que l’e-G8 restera « un sommet à l’impact limité » alors que Télérama ne mâchait pas ses mots, indiquant plus prosaïquement « L’e-G8 à Paris : game over ! ».

On a surtout assisté, à Paris, pendant les deux jours de ce premier “G8 d’Internet”, à des démonstrations de force et des discours de “winners” du Web en quelques minutes chrono. On n’en ressort pas franchement bouleversés…

Le porte-parole de la Quadrature du Net, Jérémie Zimmermann, qui ne dormit que 10h en trois jours, fut sollicité pour de nombreuses entrevues. Parmi ces interviews, la plus insolite fut sûrement celle accordée à LCI, qui permet aujourd’hui de lire, sur TF1.fr qu’à l’« e-G8 : Nicolas Sarkozy a voulu se racheter une conduite » alors qu’il « s’était adressé mardi exclusivement à un parterre de chefs d’entreprises et d’acteurs “business”. Or, ce n’est qu’une toute petite partie de ce qu’est réellement Internet.»…

Épuisés mais ravis, c’est globalement dans cet état que se trouvaient la plupart des neurones de la Quadrature du Net à la fin de cette intense semaine. Les trois modérateurs du site http://g8internet.com n’ayant par exemple guère profité de plus sommeil, vu l’activité débordante du site. Morceaux choisis :

Mais ces efforts ne furent pas vains, loin s’en faut. On pouvait en effet lire sur Slate.fr le 29 mai, « G8 et internet: un rendez-vous manqué » :

Difficile d’oublier que le eG8 était organisé par la France, le pays qui a introduit l’approche de la riposte graduée et un filtrage administratif du Web . Ce qui lui a valu de faire son entrée dans la liste des pays « sous surveillance » dans le rapport 2011 de Reporters sans frontières sur « Les Ennemis d’Internet ». Des dizaines d’organisations militent pour la liberté d’expression – notamment en ligne – et le respect de la vie privée, or seules deux d’entre elles ont été invitées à s’exprimer dans le cadre du eG8 

Une façon de constater, une fois de plus qu’en usant simplement, mais avec conviction, des recours démocratiques à disposition des citoyens en France, la société civile a vraiment le pouvoir de prendre part à la vie politique du pays, de participer des décisions et d’éviter le plus souvent le pire d’être voté[4]. Or la Quadrature du Net ne se présente à vous que comme une boîte à outil technique et politique, informant sur les enjeux et donnant les clés à chacun pour qu’il construise son intervention citoyenne. Ce n’est pas plus compliqué qu’un courriel, ou qu’un coup de fil, mais c’est ce quelque chose qui change la donne, alors indignez vous ! D’ailleurs, vous avez entendu parler d’ACTA ?

Notes

[1] Néologisme pour : campaigners

[2] Internet Governance Caucus

[3] L’intégralité des interventions de cette conférence de presse est disponible depuis en vidéo sur le Médiakit de la Quadrature du Net

[4] En terme de lois inapplicables ou se révélant contraire à la constitution par exemple…




Un gestionnaire de paquets dans la future Framakey

Capture Synapps, par RoromisEn gestation depuis… 5 ans, la Framakey 2.0 arrive enfin en version beta.

La Framakey a en effet vu le jour à l’été 2005 et, quelques mois à peine après sa sortie, nous écrivions les spécifications de ce qui nous paraissait être la voie à suivre pour en faciliter l’utilisation.

Le principe était simple : s’inspirer de “Synaptic”, le logiciel qui permet aux utilisateurs de Linux de gérer simplement l’ajout et la suppression de logiciels.

Ce concept, présent sur Linux depuis de très nombreuses années, a été repris par nombre de smartphones (dont l’évitable iPhone) : une interface simplifiée me présente les applications disponibles, classées par catégories, je mets celles que je souhaite ajouter dans un “panier”, puis je clique sur “Installer”. Le logiciel se charge alors de télécharger les logiciels sélectionnés, les installe, et crée le raccourci correspondant. Simple, rapide et efficace.

Après diverses phases de tâtonnements dans le développement[1], plusieurs développeurs successifs, et des priorités Framasoftiennes nous ayant éloignées de ce projet, c’est finalement grâce aux talents de Roromis que nous ne sommes pas peu fiers de vous présenter le premier[2] “gestionnaire de paquets pour Windows” : Synapps.

—> La vidéo au format webm

Couplé avec le portail d’applications Framakey, cela permet de proposer un “appstore” pour la Framakey. Mais évidemment, le logiciel est 100% libre, et vous pouvez donc créer vos propres dépôts. Et, mieux encore, rien ne vous oblige à le limiter à des applications logicielles : il est possible d’utiliser Synapps pour proposer des dépôts de tout types de contenus (musique, vidéo, PDF/ePub, etc), ce qui ouvre des perspectives… intéressantes.

La Framakey 2, dont le développement a été confié à Fat115, intègrera donc Synapps et toute la “glue” nécessaire pour proposer une bien meilleure expérience utilisateur à tous ceux qui aiment la Framakey mais pestaient légitimement après sa mauvaise capacité à gérer l’ajout/suppression d’applications.

Vous pouvez d’ores et déjà télécharger une version beta (qui motorise d’ailleurs la Framakey Ubuntu-fr Remix 11.04). Avec ces 39Mo tout mouillés à dézipper sur votre clé[3] , vous pourrez donc vous construire votre clé sur mesure. Evidemment, il s’agit là d’une version beta, aussi il se peut que vous puissiez rencontrer des bugs à l’utilisation, merci alors de nous les remonter sur le forum. À réserver donc pour l’instant à une utilisation de test et de découverte.

Soyez curieux ! 🙂

Notes

[1] le projet a vu des versions alpha développées en PHP/MySQL, en XUL, et même en… Windev, c’est dire !

[2] Il existe des systèmes équivalents pour Windows, mais à notre connaissance aucun n’est à la fois libre et graphique

[3] ou sur votre disque dur, ou sur votre baladeur MP3, ou sur la carte SD de votre appareil photo, ou…




Sensibiliser l’Économie Sociale et Solidaire aux valeurs du libre

Seeminglee - CC by-saL’économie Sociale et Solidaire, selon Wikipédia, “regroupe un ensemble de coopératives, mutuelles, associations, de syndicats et fondations, fonctionnant sur des principes d’égalité des personnes (1 personne 1 voix), de solidarité entre membres et d’indépendance économique.”.

Admettons que si cette définition porte en elle-même un certain flou, elle a le mérite de montrer qu’il s’agit d’institutions qui fonctionnent “autrement”. A tel point qu’on appelle souvent l’ESS le “tiers secteur” car les acteurs de l’ESS ne font pas partie du secteur public, mais ils marquent cependant une différence forte avec le secteur privé classique, en ce sens qu’il ne se fixent pas le profit comme objectif principal.

Or, il faut bien reconnaître à ce secteur un certain nombre de valeurs communes avec le logiciel libre et sa philosophie : une forme de démocratie dans les prises de décisions, et surtout une volonté de faire les choses ensemble, en coopération plutôt qu’en compétition. Le Framablog abordait déjà le sujet dans un texte publié par Bastien Sibille intitulé “Le temps de l’alliance”.

Il convient donc de s’interroger sur ce que ces deux mouvements, logiciels libres et Économie Sociale et Solidaire, peuvent s’apporter.

Cela tombe bien, car c’est justement le thème de la conférence organisée par l’AI2L le 9 juin prochain (inscription gratuite, mais fortement recommandée), à laquelle Framasoft participera.

Cela sera aussi l’occasion de présenter un cahier d’espérance qui “dresse un état des lieux des enjeux soulevés par le logiciel libre et leur pertinence pour l’économie sociale et solidaire, montre l’existence d’initiatives concrètes et propose des pistes pour renforcer les liens entre logiciels libres et ESS.

Quels sont les points de synergie et de divergence entre ces deux mouvements ? Comment pouvons nous “pousser” le libre dans les structures de l’ESS ? Quels apprentissages le mouvement du logiciel libre peut-il tirer de ces structures ? Quels (contre-)exemples pouvons nous citer en termes de ponts entre ces mouvements ? Comment convaincre l’économie “classique” que le libre et l’ESS sont créateurs de valeur(s) ?

Autant de questions auxquelles nous essaieront de répondre, mais sur lesquelles nous souhaiterions avoir vos avis…




Google Chromebook ou le choix volontaire du confortable totalitarisme numérique

Jule Berlin - CC byÇa y est, les premiers « ordinateurs Google », les Chromebooks – un Acer et un Samsung pour commencer – vont bientôt arriver sur le marché. Ils seront tous les deux munis du système d’exploitation maison Google Chrome OS (qui, rappelons-le, repose sur une couche open source Chromium OS).

Potentiellement il s’agit bien moins d’une évolution que d’une véritable révolution.

Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans… mais souvenons-nous de nos premiers PC. On avait nos applications (téléchargées en ligne ou installées depuis un cédérom) que l’on mettait à jour volontairement et manuellement. Parmi ces applications, il y a une qui a pris de plus en plus d’importance au fil des ans, c’est notre navigateur Web. Mais on conservait encore du temps pour notre suite bureautique ou notre traitement d’images. Si on n’avait pas la chance d’être sur un OS libre alors il fallait aussi un antivirus. Et puis on avait nos fichiers, dans notre disque dur ou nos périphériques.

Avec un Chromebook, tout ceci disparaît d’un coup de baguette magique ! Direction : « le nuage » !

Ici notre ordinateur se confond avec notre navigateur et se transforme en un terminal de connexion à Internet (vous avez dit Minitel 2.0 ?). Nous n’avons plus à nous soucier des applications, de leurs mises à jour, des fichiers et de leur stockage. Ce sont les serveurs de Google qui s’en chargent pour nous. Quel confort, quelle praticité, quelle simplicité !

C’est bien l’image que souhaite nous en donner Google en tout cas dans cette signifiante publicité vidéo : le Chromebook ce n’est pas un ordinateur portable, ce n’est pas un portable qui a accès au Web, c’est le Web matérialisé dans le Chromebook, on peut tout faire désormais sur le Web, y accéder de n’importe où, etc. et la dernière phrase, emblématique : le Chromebook sera prêt quand vous le serez.

Bon, imaginons que ces ordinateurs soient massivement adoptés et qu’au fur à mesure que le temps passe et que la connexion en tout lieu s’améliore, ils soient de plus en plus plébiscités… en grignotant chaque jour davantage de part de marché. Alors, soyons un peu provocateur, il ne servira plus à rien de se rendre, comme nous la semaine prochaine[1], à l’Ubuntu Party de Paris. Car l’adoption ou la migration de Windows vers GNU/Linux sera alors complètement court-circuitée. Idem pour d’autres célèbres migrations, d’Internet Explorer à Firefox (bonjour Google Chrome), de MIcrosoft Office à LibreOffice (bonjour Google Documents). Framasoft aussi du reste ne servira plus à rien (ou presque) puisque son annuaire, ses clés ou ses dvd seront définitivement à ranger dans les archives du Web.

Le danger est réel pour « la communauté du libre ». D’autant qu’en son sein Google jouit d’une bien meilleure image qu’un Microsoft, Apple ou Facebook et que nous sommes nombreux à posséder un compte Gmail.

Mais le danger est encore plus réel pour le futur acheteur d’un Chromebook. Car la condition sine qua non pour l’utiliser c’est de posséder un compte Google et de souscrire de facto à ses conditions d’utilisation. Conditions pas toujours très claires quant à l’usage de vos données personnelles et qui peuvent changer à tout moment selon le bon vouloir de Google (et de ses actionnaires). Vous ne vendrez pas spécialement votre âme au diable, mais dites-vous bien que vous confiez tout, absolument tout, à la société commerciale américaine Google[2].

C’est, entre autres critiques, ce que souligne Ryan Cartwright dans la traduction ci-dessous.

Si le Chromebook devient un succès, peut-être allons-nous devenir de « vieux réacs du Web » (des « Zemmour du Web » !) avec notre souhait et notre souci de conserver le contrôle et donc la liberté sur nos serveurs, nos machines, nos applications, nos fichiers et nos données.

Mais au moins aura-t-on tenté de résister et de vous prévenir…

Chromebooks – Le futur commence aujourd’hui ?

Chromebooks – has the future arrived?

Ryan Cartwright – 18 mai 2011 – Free Software Magazine
(Traduction Framalang : Goofy et Lolo le 13)

On a l’impression que ça fait une éternité que Google a annoncé ChromeOS, ce qui bien sûr a fait couler beaucoup d’encre, y compris dans ce magazine. Maintenant que deux fabricants s’apprêtent à lancer deux modèles de Chromebooks, il pourrait être utile de se souvenir des problèmes liés au « système d’exploitation basé sur le nuage », en général et dans ce cas précis.

C’est quoi le « nuage » ?

Il n’y a pas de réelle définition de ce qu’est le « nuage ». C’est comme la « Propriété Intellectuelle » : c’est surtout un terme de marketing qu’on peut recycler à son gré pour lui faire dire ce qu’on veut. Quand j’utiliserai l’expression ici, « un système d’exploitation dans les nuages » est quelque chose où toutes les données et les applications utilisateurs sont sur le World Wide Web. La seule chose qui reste au plan du matériel lui-même, c’est un système d’exploitation basique sur un disque et un navigateur Web. Je suis certain qu’on peut trouver des définitions plus complexes et plus détaillées de système d’exploitation dans les nuages et/ou de ChromeOS, mais ma définition ira bien pour cet article.

Vie privée et confidentialité des données

Ce sera toujours le plus gros problème en ce qui concerne le système d’exploitation basé sur le nuage. Si vous-même en tant qu’utilisateur vous espérez stocker vos données en ligne, alors vous les mettez (avec beaucoup d’autres choses) en danger. Il y a assez d’exemples de données en lignes qui ont été lues par des personnes non autorisées pour rendre inquiétant un système d’exploitation entier basé sur ce concept. Alors qu’il est vrai que beaucoup de gens ne font pas l’effort de sécuriser leurs données sur un support externe, certains pensent que ces données seront protégées derrière une porte fermée. Oui, donner à ces soi-disant ordinateurs un accès au Web en fait des ressources ouvertes, même si la plupart des données personnelles de l’utilisateur lambda manquent d’intérêt pour les malfaisants. Cependant, réunissez toutes les données sur un simple serveur (ou un groupe de serveurs) et soudain les données deviennent bien plus attractives. Et plus elles sont attirantes plus le risque est élevé. Pour faire une analogie, c’est comme la différence entre ceux qui stockent leur économies dans un coffre-fort à la maison et ceux qui les confient à la banque. Le fait de passer de maison en maison pour faire une série de casses n’était pas très attirant pour les voleurs. Par contre, mettez tout cet argent dans un seul coffre-fort d’une banque et soudain le facteur de retour sur l’effort fait que la chose est bien plus séduisante.

Donc si ChromeOS m’autorisait à stocker mes données dans un serveur de mon choix et me laissait la possibilité d’avoir un autre apps store dans un autre endroit, alors au moins les données pourraient être davantage sous mon contrôle. C’est vrai, plein d’utilisateurs de ces Chromebooks n’y feront probablement pas attention mais sans même cette éventualité, il est inutile de chercher à leur faire comprendre l’idiotie de leur renoncement.

Accès

ChromeOS est conçu et vendu comme « basé sur le nuage », avec la Wi-Fi et la 3G (il existe des versions avec la wifi seule). Ce qui présente aussitôt à mes yeux un problème particulier. Que se passe-t-il quand vous n’avez pas de connexion ? Existe-t-il une option hors-connexion ? Mes recherches suggèrent que non mais pour être honnête toute la documentation sur ce point est soit du marketing de Google ou des fabricants soit rédigée au doigt mouillé sur des sites de technos qui veulent se positionner au plus haut dans les résultats des moteurs de recherche.

J’imagine que la cible marketing des Chromebooks sera le marché des netbooks et tablettes. J’ai noté qu’on utilisait la plupart du temps ce genre d’appareils dans des conférences ou des cafés. Il existe une bonne raison à ça — on trouve généralement dans ces endroits une connexion wifi à peu près correcte. Dans ce genre d’environnement le Chromebook conviendra parfaitement, mais si la connexion Internet devient un peu chancelante, que se passera-t-il ? Que va devenir un document que vous avez à moitié entamé au moment où la connexion s’interrompt ? Je suis certain que Google s’est penché sur le problème mais jusqu’à maintenant je n’ai pas vu grand-chose qui aille dans le sens d’une solution.

Pendant que j’y suis, parlons un peu de l’impression. Comme Chromebooks fait tout « dans le nuage », imprimer localement devient un problème. Il semble que la solution soit de connecter votre imprimante locale à l’Internet et d’imprimer via les serveurs de Google. Oui, vous avez bien lu, et je le répète : pour imprimer avec un Chromebook, vous aurez besoin d’utiliser une imprimante qui sera connectée au réseau. Donc, vous devez partager non seulement vos données avec Google, mais aussi votre imprimante. Bon d’accord en réalité la plupart des utilisateurs enregistreront leurs documents avec Google docs et les imprimeront depuis un ordinateur qui ne sera pas dans le nuage, à l’aide d’une imprimante locale. Mais même ainsi c’est à mes yeux un nouvel inconvénient.

Applis

Aucun appareil digne de ce nom ne peut être lancé sans une myriade d’applis. Dans le cas de Chromebook il existe des applis web pour le navigateur Chrome. Certaines sont gratuites, d’autres sont gratuites dans la période d’essai, d’autres enfin sont carrément commerciales. Aucune de celles que j’ai vues n’est libre au sens où nous en parlons ici. je ne suis pas toujours d’accord à 100% avec Richard Stallman (gare au troll) mais il a raison de déclarer :

« C’est aussi nul que d’utiliser un programme propriétaire. Faites vos opérations informatiques sur votre propre ordinateur avec votre programme respectueux de vos libertés. Si vous utilisez un programme propriétaire ou le serveur web de quelqu’un d’autre, vous êtes sans défenses. Vous êtes à la merci de celui qui a conçu le logiciel ». Richard Stallman, cité par le Guardian, 29 septembre 2008.

Il existe aussi un autre problème qui nous concerne en tant qu’utilisateurs de logiciels libres. La licence de ces applis web n’est pas mentionnée dans la boutique d’applis de Chrome. Google a probablement raison de prétendre que la plupart des utilisateurs de ChromeOS seront plus préoccupés par le prix que par la liberté, mais malgré tout l’absence d’information sur la licence soustrait un point important de l’esprit du public. Quand vous pensez à tout le temps qu’il a fallu pour avoir les libertés en informatique que nous avons aujourd’hui, omettre délibérément ces informations revient simplement à encourager les gens à ignorer les problèmes de liberté et de confidentialité. Les cyniques répondront que c’est le problème de Google (et autres géants du secteur informatique) et que c’est certainement payé par Android. Ce qui a été lancé comme un système d’exploitation pour mobile « basé sur Linux » est maintenant connu comme « Android de Google ». Tout comme si des questions importantes — mais finalement un peu barbantes — comme la sécurité, la confidentialité et la liberté devaient être sacrifiées sur l’autel non du prix cassé mais de l’accès facile. Tant qu’on peut le faire facilement, le sacrifice que vous devez faire passe inaperçu.

Pas ma tasse de thé

Vous aurez probablement deviné que le Chromebook ne figure pas en tête de la liste de cadeaux à me faire sur mon compte Amazon. Mais ce n’est pas un problème car je n’ai pas pour habitude de partager ma liste de vœux avec tout le monde. Il existe simplement beaucoup trop de problèmes importants à mes yeux qui restent sans solution et qui ne pourront être résolus compte-tenu du modèle économique de ChromeOS. Toutefois à la différence des iTrucs (que je déteste pour des raisons évidentes) et les tablettes, qui ne me donnent pas la moindre raison de les acheter (l’indice certain que je vieillis), j’ai comme l’intuition que les Chromebooks ne se vendront pas si bien que ça. La raison majeure c’est que beaucoup ne supporteront pas l’idée de devoir être toujours en ligne. Avoir une connexion un peu faiblarde pour un usage basique du Web c’est une chose, mais quand vous en avez besoin pour votre travail vous êtes vraiment très vite furieux. Mais je pense que les problèmes que je viens de soulever ne vont pas se dissiper. Nous autres dans la communauté du logiciel libre (encore une expression dont les contours sont flous), nous avons pris conscience depuis un certain temps des problèmes de libertés posés par « l’informatique dans le nuage », mais nous avons flirté avec ça sur le marché des appareils mobiles. Je crains que des entreprises propriétaires rapaces ne se mettent à vouloir prendre le contrôle de portions toujours plus vastes de nos vies grâce à des choses comme Chromebook. En quelque sorte ils auront plus vite résolu les problèmes de bande passante que ceux posés par le respect de la vie privée.

Retour vers le passé

La dernière fois que j’ai publié un billet sur ChromeOs j’ai fait quelques prédictions. Comme toujours dans ces cas-là, certaines étaient évidentes (le magasin ChromeOs, les netbooks plus petits et moins voraces en énergie), et d’autres restent encore à accomplir (le développement des logiciels qu’on paiera suivant la consommation). Mais l’une d’entre elles a malheureusement bien des chances de s’accomplir. Si les problèmes que j’ai soulignés dans ce billet comme la confidentialité et les libertés prennent de l’ampleur, alors les logiciels libres, sans forcément disparaître, vont sortir de la sphère d’influence publique et c’est une bien mauvaise chose.

Notes

[1] Voici le programme de l’UP de Paris qui aura lieu du 27 au 29 mai prochain. On notera pour ce qui concerne Framasoft : Le vendredi 27 mai à 13h Utiliser les licences libres par Benjamin Jean, à 14h30 Les logiciels libres c’est quoi par Simon Descarpentries – Le samedi 28 à 14h30 La route est longue mais la voie est libre par Alexis Kauffmann, à 16h Le libre au delà du logiciel par Pierre-Yves Gosset – Le dimanche 29 à 13h Utiliser les licences libres par Benjamin Jean, à 16h l’atelier Framapad, contribuer en ligne par Pierre-Yves Gosset.

[2] Crédit photo : Jule Berlin (Creative Commons By-Sa)