S’il te plaît… dessine-moi une ville libre

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Sophiea - CC byUne «  ville libre  » vous en rêviez  ? Vancouver tente dès aujourd’hui de le réaliser.

Il convient bien entendu de s’entendre sur ce qu’est, ou plutôt pourrait, être une «  ville libre  ». Mais la motion, présentée il y a peu au conseil municipal de la plus grande cité de Colombie-Britannique (Canada), dessine les contours d’un séduisant possible «  vivre ensemble urbain  » du futur[1].

Au menu, entre autres choses  : interopérabilité, standards ouverts, logiciels libres, mises à disposition des données, et incitation citoyenne à s’approprier ces outils et informations pour créer de nouveaux services.

Libres enfants de Vancouver, vous en avez de la chance. Parce que si ce texte se trouvait adopté vous grandiriez alors dans un monde plus ouvert et plus juste, que vos parents n’auraient pas même pu imaginer il y a à peine dix ans de cela.

PS1  : Pour aller plus loin, on pourra parcourir l’excellent article de Fabrice Epelboin (ReadWriteWeb) Qui écrira la démocratie électronique de demain  ? qui relate les avancées américaines tout en se désolant à juste titre de la situation française.

PS2  :Vidéo YouTube de la lecture publique de la motion à la mairie.

Vancouver ouvre l’âge de la ville Open Source

Vancouver enters the age of the open city

David Eaves – 14 mai 2009 – Blog
(Traduction Framalang  : Claude et Don Rico)

La municipalité de Vancouver a planifié une réunion du conseil au cours de laquelle a été lue la motion suivante  :

Déclaration de motion

Open Data, Standards Ouverts et Open Source
Auteur  : Mme la conseillère municipale Andrea Reimer
Intercesseur : Mme la conseillère

Attendu que la Ville de Vancouver légifère loyalement au sein du City Hall (NdT  : la mairie) à l’écoute des citoyens et des sollicitations relatives à leurs idées, propositions et énergie créatrice  ;

Attendu que les municipalités du Canada ont l’opportunité de réduire fortement leurs dépenses en partageant et soutenant les logiciels qu’elles utilisent ou créent  ;

Attendu que la valeur absolue des données publiques est maximisée lorsqu’elle est fournie gratuitement ou, si nécessaire, pour un coût minimal  ;

Attendu que lorsque les données sont partagées librement, les citoyens ont la possibilité de les utiliser et de les transformer, favorisant ainsi la création d’une cité plus dynamique économiquement et plus respectueuse de l’environnement  ;

Attendu que Vancouver a besoin de chercher des opportunités de création d’activité économique et de partenariat avec les secteurs technologiques innovants  ;

Attendu que l’adoption des standards ouverts facilite la transparence, l’accès aux informations de la ville par les citoyens,(attendu) qu’ils améliorent la coordination et l’efficacité des relations municipales avec leurs partenaires fédéraux et provinciaux  ;

Attendu que l’ICIS (NdT  : Integrated Cadastral Information Society pour Système d’information cadastral) est une organisation à but non lucratif créé en partenariat avec les gouvernements locaux, les gouvernements provinciaux et les principaux services publics de Colombie Britannique afin de partager et intégrer les informations géographiques, à laquelle adhèrent 94  % des gouvernements locaux de Colombie Britannique, mais pas Vancouver  ;

Attendu que l’innovation informatique peut améliorer les communications entre citoyens, renforcer l’image d’une ville créatrice et innovante, améliorer la fourniture des services, aider les citoyens à s’autogérer et résoudre leurs problèmes, mais aussi créer un sentiment plus fort d’engagement civique, de communauté et de fierté  ;

Attendu que la ville de Vancouver possède d’incroyables ressources de données et d’informations, et qu’elle a récemment reçu le prix Best City Archive of the World (meilleures archives municipales du monde).

En conséquence, qu’il soit assuré que la ville de Vancouver approuve les principes suivants  :

– Données accessibles et ouvertes  : la ville de Vancouver partagera librement avec les citoyens, les entreprises et les autres juridictions la plus grande quantité de données possible en respectant la vie privée et la sécurité.
– Standards Ouverts  : La ville de Vancouver adoptera le plus rapidement possible les standards ouverts en vigueur pour les données, documents, cartes et autres formats de diffusion.
– Logiciels Open Source  : la ville de Vancouver, au moment du remplacement des logiciels existants ou de l’étude de nouvelles applications, mettra les logiciels Open Source à pied d’égalité avec les systèmes commerciaux au cours de la passation de marché.

En conséquence, dans cette volonté de favoriser les données ouvertes, la ville de Vancouver  :

– Identifiera les opportunités immédiates permettant une plus grande distribution de ses données.
– Indexera, publiera et syndiquera ses données sur l’Internet au moyen des standards, interfaces et formats ouverts en vigueur.
– Mettra en place les accords appropriés en vue du partage de ses données avec l’ICIS (Integrated Cadastral Information Society) et encouragera l’ICIS à partager ses données avec le grand public.
– Développera un plan de numérisation et distribuera librement les archives disponibles au public.
– S’assurera que les données fournies à la ville par des tierces parties (développeurs, prestataires, consultants) sont libres, dans un format ouvert en vigueur, et non soumises à des droits d’auteurs ou aux lois du copyright, exception faite d’empêchement pour considérations légales.
– Mettra sous licence toutes les applications logicielles développées par la ville de Vancouver de sorte qu’elles pourront être utilisées par les autres municipalités, les entreprises et le public sans restriction.

En conséquence, le City Manager (NdT  : le gérant municipal) aura pour tâche de développer un plan d’action en vue de la mise en application du texte ci-dessus.

Nous sommes nombreux à avoir travaillé d’arrache-pied pour mettre en place cette motion. Même si plusieurs villes comme Portland, Washington DC ou Toronto, ont mis en œuvre certaines des idées défendues dans cette motion, aucune ne l’avait codifié ou n’avait été aussi claire et explicite dans ses intentions.

Je vois certainement cette motion comme la pierre angulaire d’une transformation de Vancouver en ville ouverte (NdT  : Open City), ou comme le formule mon ami Surman, en ville qui pense comme le Web.

À plus haut niveau, l’objectif qui anime cette motion est de permettre aux citoyens de créer, concevoir et contrôler l’expression virtuelle de leur ville afin qu’ils puissent en retour influer sur la ville réelle et physique.

Dans la pratique, je crois que cette motion va accentuer plusieurs résultats  :

  • De nouveaux services et programmes  : les données étant ouvertes, partagées et possédant des APIs (interfaces utilisateurs) dédiées, nos concitoyens codeurs vont créer des applications Web qui faciliteront leur vie (et celle des autres), les rendront plus efficaces et plus plaisantes.
  • La possibilité de piocher dans la longue traîne de l’analyse politique publique  : plus les habitants de Vvancouver consulteront les données, les cartes et les autres informations de la municipalité, plus ils remarqueront les lacunes, les problèmes et autres difficultés, d’où un potentiel d’économie d’argent, d’amélioration des services et, de manière plus générale, d’édification d’une ville plus puissante.
  • La création de nouvelles entreprises, rendre la ville plus attractive pour les compétences  : comme la ville partage plus de données et utilise plus de logiciels Open Source, les nouvelles entreprises créant du service autour de ces données vont éclore. De manière plus générale, je pense que cette motion, au fil du temps, va attirer le talent à Vancouver. Selon Paul Graham, les grands programmeurs veulent de bon outils et des défis intéressants. Nous leur offrons les deux : le défi d’améliorer la ville où ils vivent ainsi que les outils et données pour les assister.

Ceux qui souhaiteraient assister au conseil municipal afin de soutenir cette motion trouveront les détails ici. La réunion du conseil est Mardi 19 Mai à 14 heures. Vous pouvez aussi voir la séance en direct.

Ceux qui veulent écrire une lettre pour soutenir la motion peuvent l’envoyer à cette adresse.

Notes

[1] Crédit photo  : Sophiea (Creative Commons By)

5 Responses

  1. Rolland78Bastien

    Article très intéressant merci.

    Et nos grandes villes de France dirigées par des "socialistes" (Paris, Lyon, Lille…), elles font quoi exactement ? J’ai peur de la réponse…

  2. GabbyLong

    Le problème de la France c’est que c’est plutôt : s’il te plaît… dessine-moi une ville (et un pays) Hadopi.
    On a ce que l’on mérite en somme.

  3. VV666

    Paris, maire socialiste : déclaration d’intention pour les LL et puis accord avec Microsoft… No comment, non ?

  4. Anthony

    A vrai dire, vous pouvez ajouter une note car cette motion a ete adoptee (extrait de la mailing list VanLUG :
    You’ll all be happy to know that, despite the very short notice, the local FOSS community had a good turn out and the motion passed!

    The next stage is for the city IT department to put together an action plan and associated budget. The motion doesn’t compel the city to release all of its data or move instantly to the use of FOSS or open standards, but it does start the ball moving.)

    Et donc oui, notre chere ville de vancouver est maintenant sur le chemin de la libertee, il ne lui reste plus qu’a organiser le changement 🙂