Le logiciel libre devrait-il être obligatoire à l’école ?

Serge Pouts-Lajus, membre fondateur de l’association d’enseignants Projetice, a tout récemment rapporté l’anecdote suivante dans les commentaires du Framablog.

« Un responsable informatique dans un rectorat m’a dit un jour ceci : le libre, ça devrait être obligatoire. Et le rapprochement de ces deux mots, libre et obligatoire, ne le choquait pas. Je dois avouer que ça m’a un peu glacé. »

Dans le même temps Richard Stallman conclut ainsi ce court extrait vidéo issue d’une conférence qui avait lieu samedi dernier[1].

—> La vidéo au format webm

« …Parce que les écoles ont une mission sociale, la mission d’éduquer la nouvelle génération comme de bons citoyens d’une société forte, capable, indépendante et solidaire, c’est-à-dire les éduquer à utiliser uniquement le logiciel libre. L’école doit enseigner uniquement le logiciel libre. »

Je profite de l’occasion pour reproduire également ci-dessous cet article[2] du même Stallman qui prolonge et précise son point de vue.

Pourquoi les écoles devraient utiliser exclusivement des logiciels libres

par Richard Stallman

Il existe des raisons très générales pour lesquelles tout utilisateur d’ordinateur devrait se focaliser sur les logiciels libres. Ils donnent la possibilité de contrôler notre propre ordinateur, alors qu’avec les logiciels commerciaux l’ordinateur obéit au propriétaire du logiciel – l’éditeur – et non plus au propriétaire de l’ordinateur lui-même. Avec les logiciels libres, les utilisateurs ont la liberté de coopérer, de mieux diriger leur vie. Cela s’applique aux écoles comme à tout le monde.

Mais il existe des raisons spécifiques qui concernent les écoles.

D’abord, les logiciels libres permettent aux écoles d’économiser de l’argent. Même dans les pays riches, les écoles ont un budget très serré. Les logiciels libres donnent aux écoles, comme aux autres utilisateurs, la liberté de copier et de redistribuer les logiciels, si bien que l’Éducation nationale (ou tout système éducatif) peut faire des copies pour tous les ordinateurs de toutes les écoles. Dans les pays pauvres, cela peut aider à réduire la « fracture numérique ».

Cet argument économique évident, quoi qu’important, n’a qu’une portée assez marginale. En effet les développeurs de logiciels propriétaires peuvent éliminer cet inconvénient en donnant des copies aux écoles. Mais attention : une école qui accepte ce « cadeau » risque de devoir payer les futures mises à jour.

Approfondissons donc la question.

L’École devrait enseigner aux élèves des comportements qui profiteront à la société toute entière. Elle devrait promouvoir l’utilisation des logiciels libres tout comme elle promeut le recyclage. Si l’École enseigne les logiciels libres aux élèves (et aux étudiants), ceux-ci les utiliseront encore après la fin de leurs études. Cela pourra aider la société toute entière à échapper à la domination (et à la lamination) par les multinationales. Ces entreprises offrent des versions gratuites de logiciels aux écoles pour la même raison que des compagnies de tabac américaines distribuent des cigarettes gratuites : pour rendre les enfants dépendants[3]. Ils ne feront pas de remises à ces élèves et étudiants après leurs études une fois qu’ils auront grandi.

Les logiciels libres permettent aux élèves et aux étudiants d’apprendre comment les logiciels fonctionnent. À l’adolescence, certains d’entre eux veulent tout apprendre au sujet de leur ordinateur et de ses logiciels. C’est à cet âge que les personnes qui deviendront de bons programmeurs devraient l’apprendre. Pour bien apprendre à écrire des logiciels, les élèves et les étudiants ont besoin de lire beaucoup de code source et d’écrire beaucoup de logiciels. Ils ont besoin de lire et de comprendre de vrais programmes que les gens utilisent réellement. Ils seront extrêmement curieux de lire le code source des programmes qu’ils utilisent.

Le logiciel propriétaire rejette cette soif de connaissance ; il dit « le savoir que tu veux est un secret, l’apprendre est interdit ! » Le logiciel libre encourage tout le monde à apprendre. La communauté du logiciel libre rejette ce « culte de la technologie », qui maintient le grand public dans l’ignorance du fonctionnement de la technologie ; nous encourageons les élèves et les étudiants de tous âges et de toutes origines à lire du code source et à apprendre autant qu’ils veulent savoir. Les écoles qui utilisent les logiciels libres encouragent cela et permettent aux apprentis programmeurs doués de progresser.

La raison suivante est encore plus profonde. Nous attendons de l’École qu’elle enseigne aux élèves et étudiants des connaissances de base et des compétences utiles, mais ce n’est pas son unique mission. La mission la plus fondamentale de l’École est d’enseigner aux gens à être de bons citoyens et de bons voisins pour œuvrer avec ceux qui ont besoin d’aide. Dans le domaine de l’informatique, cela signifie enseigner à partager les logiciels. Les écoles élémentaires, par dessus tout, devraient dire à leurs élèves : « si tu apportes un logiciel à l’école, tu devras le partager avec les autres enfants ». Bien entendu, l’école doit pratiquer ce qu’elle prêche : tous les logiciels installés par l’école devront être accessibles aux élèves pour être copiés, emportés à la maison et redistribués par la suite.

Enseigner l’utilisation des logiciels libres aux élèves et étudiants et prendre part à la communauté des logiciels libres est une forme d’éducation à la citoyenneté. Cela démontre aussi aux étudiants les avantages d’un modèle basé sur le service public plutôt que celui prôné par les ultralibéraux. Les logiciels libres devraient être utilisés à tous les niveaux de l’École.

La reproduction exacte et la distribution intégrale de cet article est permise sur n’importe quel support d’archivage, pourvu que cette notice soit préservée.

Notes

[1] Les enclosures des biens communs : du vivant aux logiciels – Conférence de Richard Stallman et Jean-Pierre Berlan à La Cantine le samedi 23 février, organisé par la Radio du Ministère entité du Labo de la Générale et de BelliGnu/Bellinux.

[2] Traduction : Laurent Bertaud.

[3] La compagnie de tabac RJ Reynolds fut condamnée à 15 millions de dollars d’amende en 2002 pour avoir fourni des échantillons gratuits de cigarettes sur des évènements ciblés sur les enfants. Voir ce lien.




Du premier Forum des Enseignants Innovants et du rôle exact de son discret partenaire Microsoft

Cet article est un extrait remanié et détaillé de l’article Projetice ou le cas exemplaire d’un partenariat très privilégié entre Microsoft et une association d’enseignants.

Copie d'écran du site Forum-rennes2008.fr

Louable initiative si il en est, en ces temps troubles où l’école et ses professeurs sont souvent critiqués pour leur immobilisme, les 28 et 29 mars prochain aura lieu à Rennes le premier Forum des Enseignants Innovants. A priori Microsoft n’en est qu’un partenaire parmi d’autres. Rien n’est moins sûr.

Voici comment l’évènement est annoncé en accueil du site (www.forum-rennes2008.fr) :

« Organisé par des associations d’enseignants (l’AFEF, l’AFT, l’APBG, l’APHG, l’Assetec, le Café pédagogique, les Clionautes, Cyberlangues, Projetice, l’UDPPC, WebLettres) ce forum vise à faire connaître et à valoriser les nombreux projets pédagogiques innovants. La manifestation bénéficie du soutien du ministère de l’Éducation nationale, de la Ligue de l’Enseignement, du Rectorat et de la Ville de Rennes, du Conseil général d’Ille-et-Vilaine, du Conseil régional de Bretagne, et de partenaires industriels parmi lesquels France 5 et Microsoft. ».

Microsoft s’affiche donc discrètement et humblement en toute fin de communiqué. Il en va de même pour l’affichage de son logo sur la page d’accueil de l’évènement en dessous de tous les autres partenaires.

Toujours est-il que l’organisation est donc commune à toutes les associations participantes ce qui est en soi assez original (quand bien même le bas de page donne le copyright au Café pédagogique et le mail du contact à Projetice).

On attend la venue du ministre Xavier Darcos. Un concours sera lancé et primé à cette occasion.

La charte graphique du site rappelle celle du site de l’Éducation Nationale. L’enfant qui inscrit Imagine au tableau noir rappelle au choix la chanson emblématique de John Lennon ou la campagne de publicité On imagine de Microsoft.

Et tant qu’à rester dans l’iconographique voici une charmante petite fille issue du site Microsoft de Hong-Kong

Copie d'écran issue du site de Microsoft Hong-Kong

…que l’on retrouve (inversée) en accueil du site du Forum.

Copie d'écran du site Forum-rennes2008.fr

United Colors of Microsoft en quelque sorte. Mais il y a plus troublant.

Microsoft est propriétaire du nom de domaine du site. Il suffit en effet de faire une courte recherche depuis n’importe quel whois du net (par exemple ici) pour avoir les informations suivantes :

Copie d'écran Who Is forum-rennes2008.fr

Voici donc une manifestation organisée par un parterre d’associations d’enseignants dont l’un des partenaires est propriétaire du nom de domaine qui héberge le site de la manifestation !

Et puis enfin il y l’expression Enseignants Innovants qu’il est encore plus difficile de détacher de Microsoft que l’expression Imagine.

En effet Microsoft a lancé depuis quelques années un ambitieux programme intitulé Innovative Teachers. La société de Redmond s’est ainsi petit à petit construit un véritable réseau d‘Innovative Teachers à travers le monde. Lorsque, sur ce dernier lien, on cherche les Innovative Teachers de France on tombe sur le Café pédagogique.

Copie d'écran Microsoft Innovative Teachers Network

Dans le cadre de ce programme est organisé chaque année et pour chaque pays un Innovative Teachers Forum. Morceau choisi de la page Innovative Teachers Forums du site de Microsoft :

« Innovative Teachers Forums are part of the Innovative Teachers program, a global community of educators sponsored by Microsoft Partners in Learning. The forums are annual events that recognize and reward innovative teachers who practice the elements of 21st century learning in their own classrooms, and then incorporate these skills into the student learning environment. Teachers from around the globe have the opportunity to build global communities of practice, collaborate with colleagues from over 100 countries, access quality content developed by their peers, and challenge themselves to take their use of technology to the next level. Every year, teachers who exhibit the greatest innovation are selected by their schools to attend a regional forum. Next, the most innovative teachers are selected to participate in the forum for their country. Finally, the teachers who demonstrate the greatest innovation at the countrywide forum are selected to attend the Worldwide Innovative Teachers Forum. »

Ces forums sont aussi donc l’occasion d’assister à un processus de sélection nationale des enseignants dont les plus innovants se retrouveront réunis pour un Worldwide Innovative Teachers Forum.

C’est ainsi qu’à eu lieu l’été dernier pour le Sénégal le Forum Innovative Teachers de Dakar 2007 dont le Café Pédagogique et Projetice étaient partenaires. Voici ce qu’on peut y lire en accueil du site (où Microsoft est citée pas moins de 17 fois soit dit en passant) :

« Partners in Learning qui organise ce forum, est un programme de partenariat éducatif que Microsoft propose à l’ensemble des gouvernements, à leurs structures en charge de l’Éducation et à leurs partenaires nationaux comme internationaux. L’objectif principal de ce programme est de contribuer aux côtés des gouvernements et des autres acteurs du secteur de l’éducation, à favoriser l’introduction et la généralisation voire la vulgarisation des NTIC comme outils de transmission des connaissances mais aussi comme matière de connaissance. Renforcer la capacité des Ressources Humaines œuvrant dans le secteur de l’éducation, en particulier le personnel enseignant, Encourager les enseignants à embrasser une attitude propice à l’innovation. Aider les enseignants par la maîtrise des TIC à mieux préparer leurs élèves et étudiants. »

Je précise que le programme Partners in Learning de Microsoft englobe celui des Innovative Teachers.

Le dernier Worldwide Innovative Teachers Forum s’est déroulé à Helsinki en octobre 2007 et il était ainsi présenté à la presse par Microsoft :

« Today in Helsinki, Finland, 89 teachers were recognized for their creativity and innovation in the classroom as part of Microsoft Corp.’s worldwide Innovative Teachers Forum (ITF). »

Tout ceci ressemble à s’y méprendre à ce qui sera proposé à Rennes le 28 et 29 mars prochain à ceci près que je ne suis pas certain que toutes les associations qui organisent conjointement la manifestation se considèrent comme a global community of educators sponsored by Microsoft Partners in Learning ni que les futurs gagnants du concours se voient nécessairement as part of Microsoft Corp.’s worldwide Innovative Teachers Forum.

Ce qui m’amène à poser quelques questions simples en guise de conclusion :

  • A-t-on bien précisé aux associations qui ont choisi de participer à l’organisation le rôle exact du partenaire Microsoft dans cette manifestation ?
  • N’aurait-il pas été plus cohérent d’inviter les associations non pas à organiser mais plutôt à participer à une manifestation organisée par Microsoft ?
  • Pourquoi l’incontournable association de professeurs de mathématiques Sésamath ne participe pas à la manifestation ?
  • Pourquoi a-t-on choisi le nom Enseignants Innovants pour cette manifestation ?
  • Pourquoi la charmante petite fille qui illustre l’accueil du site de la manifestation se retrouve également sur un site de Microsoft ?
  • Pourquoi a-t-on confié à Microsoft la propriété du nom de domaine de la manifestation ?
  • Pourquoi le copyright du site de la manifestation et le mail du contact de la manifestation sont attribués au Café Pédagogique et à Projetice, les deux seules associations organisatrices qui ont Microsoft comme partenaire affiché ?
  • Quelle est la part de Microsoft dans le budget de cette manifestation ?
  • Bien que ce ne soit annoncé nulle part dans son règlement, le concours lancé à cette occasion participe-t-il de la sélection française des Enseignants Innovants qui s’en iront ensuite au prochain international Worldwide Innovative Teachers Forum ?

Questions qui pourraient se résumer en une seule :

  • Le premier Forum des Enseignants Innovants de Rennes entre-t-il ou non dans le cadre du programme Innovative Teachers Forums de Microsoft ?

J’espère vous fournir bientôt les réponses sachant que j’ai déjà celle concernant l’association Sésamath par le biais de son président[1].

« Nous avons été invités en octobre 2007 au siège de Microsoft France pour nous voir proposer une association à l’organisation du Forum des Enseignants Innovants. Nous avons décliné poliment l’invitation. Cela nous semblait bien loin de la philosophie générale de l’association : "L’association Sésamath a pour vocation essentielle de mettre à disposition de tous des ressources pédagogiques et des outils professionnels utilisés pour l’enseignement des Mathématiques via Internet. Inscrite délibérément dans une démarche de service public, l’association est attachée aux valeurs de la gratuité d’utilisation des ressources et du logiciel libre : elle favorise donc, dans la mesure du possible, des licences libres pour les documents et logiciels mis en ligne ainsi que des formats ouverts ; elle recommande à ses membres et contributeurs leur utilisation pour la communication, la production de documents et de ressources pédagogiques." »

Edit du 19 février : Il y a une suite particulièrement instructive à ce billet.

Notes

[1] Témoignage apparu dans les commentaires du billet sur Projetice.




Projetice ou le cas exemplaire d’un partenariat très privilégié entre Microsoft et une association d’enseignants

Copie d'écran du site Projetice.fr

C’est entendu, ce n’est pas tant l’outil que l’usage que l’on en fait qui est important, et il se fait chaque jour des choses formidables en informatique scolaire indépendamment des caractéristiques de l’outil adopté. Mais tout de même, comment peut-on encore aujourd’hui, en 2008, se déclarer « association d’enseignants cherchant à promouvoir les utilisations pédagogiques des technologies de l’information et de la communication » (TICE) et ignorer superbement le logiciel libre ?

Je n’ai pas de réponse à cette question mais j’ai une hypothèse : avoir Microsoft comme partenaire. Et, comme vous allez vous en rendre compte ci-dessous, avec l’association Projetice ce partenariat est plus que privilégié.

Pour faire illico connaissance avec Projetice, rien de tel que ce petit reportage LCI. Et c’est bien parce que Projetice bénéficie de telles tribunes que j’ai décidé d’en faire mon billet blog du jour.

Entendons-nous bien. Je n’ai rien contre Microsoft en tant que tel. Je pense simplement que favoriser ses produits et sa culture marchande à l’école retarde d’autant l’adoption non seulement des logiciels libres mais aussi et surtout de cette salutaire culture non marchande des biens communs qui leur est associée. C’est mon parti-pris assumé et assené depuis des années avec Framasoft et que je puis caricaturer ainsi : en matière de TICE, tout ce qui retarde, oublie ou disqualifie le logiciel libre à l’école n’est pas bon pour l’école.

Je n’ai strictement rien non plus contre l’existence d’une association d’enseignants qui s’appuieraient massivement sur des logiciels Microsoft pour développer l’usage des nouvelles technlogies en milieu éducatif. C’est une question de… liberté ! Libre à eux de les mettre en avant et libre à moi (à nous ?) d’essayer de démontrer qu’ils font fausse route en freinant par là-même ce qu’ils essayent pourtant de faire avancer. Mais encore faudrait-il que ce choix, car c’est bien d’un choix qu’il s’agit, soit clairement énoncé. Or ce n’est pas vraiment le cas ici.

Parce qu’en se promenant ne serait-ce que dix minutes sur leur site (et ses hyperliens), il est difficile de ne pas se poser quelques questions quant à la transparence, la légitimité, la crédibilité, l’influence et l’indépendance de cette association. Jusqu’à me poser le plus sérieusement du monde la question suivante. Est-ce l’association une fois créée qui a sollicité Microsoft ou bien est-ce Microsoft qui a suggéré à quelques enseignants volontaires de créer l’association ?

Visite guidée du site de Projetice pour étayer mon propos. Je précise que cette visite a été effectuée le 10 février 2008 parce qu’il est possible, sait-on jamais, que cet article arrive un jour jusqu’à Projetice et il est alors probable et souhaitable qu’à la lumière (et la mise en lumière) de ce qui va suivre ils décident de faire quelques petites retouches au site. Ce qui explique la présence de nombreuses copies d’écran issues du site de l’association pour que l’article demeure compréhensible dans le temps.

Copie d'écran du site Projetice.fr

Avant même de nous pencher sur le détail on remarque globalement quelque chose devenue très rare pour des sites éducatifs : l’absence du quatuor magique libre LAMP (Linux Apache MySQL PHP) pour le serveur web. C’est la technologie web de Microsoft qui est utilisée comme le révèle la terminaison en .aspx des pages du site. Il n’y a guère que le célèbre et incontournable Café Pédagogique qui ait décidé d’en faire autant. Il faut dire qu’il est lui-même en partenariat avec Microsoft.

Pour ce qui concerne l’accueil, on se retrouve en haut de page avec un sympathique message : « Bienvenue sur Projetice. Des enseignants se forment à l’usage des TIC. Devenez membre de Projetice et rejoignez une jeune association composée d’enseignants passionnés par leur métier, désireux de dialoguer, d’apprendre et de partager. » Et puis à gauche : « Projetice est une association qui cherche à promouvoir les utilisations pédagogiques des TIC. »

Si vous souhaitez aller plus loin il y a le livre blanc des objectifs de l’association. Ouvrez-le et on vous vous retrouverez avec de belles généralités sur les TICE à grands coups de « ne pas séparer la dimension technique et la dimension pédagogique de l’usage éducatif des TIC » ou encore « s’appuyer sur la mutualisation des pratiques par les enseignants et des questions techniques et pédagogiques qu’elles soulèvent ». Pour finir par une analyse de la situation qui ne fâche personne et qui justifie l’existence et l’action de l’association. Aucune marque n’est citée, le logiciel libre non plus (mais comme je l’ai dit en amont il ne le sera jamais).

Toujours est-il que le cadre est posé. Il se veut neutre, consensuel et rassurant. Ici nous sommes entre profs, je dirais même plus nous sommes entreprofs.fr

Copie d'écran du site Projetice.fr

À y regarder de plus près on notera tout de même sur la droite l’icône caractéristique des documents Word. Ceci fait craindre la subsitution des termes génériques (et préconisés par les administrations) traitement de texte, tableur ou encore logiciel de présentation par Word, Excel et Powerpoint. Ces craintes seront malheureusement confirmées par la suite.

Plus bas on trouve cet encart dont je vous laisse juge de l’opportunité directement en accueil du site : « Microsoft, qui propose d’équiper gratuitement, depuis un certain temps déjà, les étudiants de certains logiciels via le service de Téléchargement Gratuit Etudiants disponible sur le portail Etudiants, indique que ces licences peuvent être utilisées par les enseignants dans un cadre pédagogique et à but non lucratif. »

Copie d'écran du site Projetice.fr

Mise à jour du 16 février : Cet encart a aujourd’hui disparu de l’accueil du site.

Mais allons plus avant dans le site via son menu horizontal que l’on prendra dans l’ordre, de gauche à droite. Dans la rubrique Manifestations je constate que Projetice est bien présente et active sur le terrain.

Comment une association aussi jeune (née en 2006 me semble-t-il), aussi peu googlelisée, et dont je n’avais jamais entendu parler autrement que par des annonces du… Café Pédagogique, a-t-elle pu si rapidement se retrouver à Helsinki, à Dakar ou encore à Philadelphie ? La réponse est à la portée d’un clic.

Voilà en tout cas un partenariat qui fait faire de beaux voyages et de belles rencontres. Au retour on ne peut qu’être comblé et le dire publiquement par exemple sur le site du Café Pédagique, ses 160.000 abonnés et ses 800.000 visiteurs par mois. Parmi les témoignages celui du membre de Projetice commence ainsi : « C’est dans une atmosphère très douce et remarquable pour la saison que s’est tenue la conférence mondiale des enseignants innovants organisée par Microsoft… » (retenons l’expression enseignants innovants).

Mais on retrouve bien entendu également la jeune association chez nous en France, que ce soit dans le cadre prestigieux de l’Unesco ou dans le cadre affluent (et donc influent) du Salon de l’Education (Educatice). J’ai eu moi-même par le passé l’occasion de me pencher un peu sur le coût d’une location d’un stand à ce même salon pour finalement y renoncer car je puis vous dire que cela représente plusieurs milliers d’euros. Microsoft était en tout cas très fier de les annoncer dans son communiqué de presse relatant l’évènement (dont on ne s’étonnera pas soit dit en passant d’y retrouver également mention du Café Pédagogique).

Et puis il y a les interventions pour présenter l’association et éventuellement y engager des projets. Il est tout à fait normal que les portes des établissements s’ouvrent à « une association composée d’enseignants passionnés par leur métier, désireux de dialoguer, d’apprendre et de partager. ». Qui plus est lorsqu’elle propose du matériel haut de gamme en prêt gratuit comme nous le verrons plus bas. Ainsi les collègues du lycée professionnel Don Bosco (Lyon) semblaient très attentifs le 7 janvier dernier.

Copie d'écran du site Forum-rennes2008.fr

Quelle est la prochaine date sur l’agenda de l’association ? Il s’agit du premier Forum des Enseignants Innovants (www.forum-rennes2008.fr) qui se déroulera en mars à Rennes. Outre Projetice, du beau monde côté associations d’enseignants : Clionautes, Weblettres, Cyber-langues, Assetec, Afef, Apbg, Udppc, AFT-RN… et bien sûr le Café Pédagogique dont l’annonce donne vraiment envie d’y participer. Il y a un concours qui nécessite de s’inscire sur le site. Et puis en plus, comme il est dit dans la plaquette (Weblettres), le Forum recevra la visite de Xavier Darcos, notre Ministre en personne !

Lors de ma première visite j’ai eu l’impression d’être sur un site de l’Institution. En effet il y a à droite la présence rassurante du logo caractéristique de Ministère et puis on est un peu dans le même habillage graphique que le site de la Maison Mère. Mais juste après des indices qui ne trompent pas : les pages web au format .aspx, l’enfant qui écrit Imagine au tableau noir (souvenez-vous de la campagne publicitaire On imagine), et puis surtout notre expression rencontrée plus haut Enseignants Innovants ce qui en anglais donne Innovative Teachers. On trouve une carte du monde de ces Innovative Teachers. Regardez un peu ce que cela donne pour la France mais aussi graphiquement pour la Grèce, la Jordanie ou encore Hong-Kong…

Vous l’aurez deviné, Microsoft est partenaire de l’opération. Une présence discrète en bas de page d’accueil, bon dernier parmi tous les autres partenaires (dont cinq sont publics). Une discrétion qui contaste avec le fait que… Microsoft est propriétaire du nom de domaine du site !!! Il suffit en effet de faire une courte recherche depuis n’importe quel whois du net (par exemple ici) pour avoir les informations suivantes :

Copie d'écran Who Is forum-rennes2008.fr

Le Café Pédagogique peut toujours mettre son copyright Tous droits réservés en bas de toutes les pages du site (et Projetice son email pour le contact), il n’empêche que le propriétaire légal du nom de domaine www.forum-rennes2008.fr c’est Microsoft et uniquement Microsoft. Sans vouloir refroidir l’ambiance voici donc une manifestation dont l’un des partenaires est propriétaire du nom de domaine qui héberge la manifestation ! J’avoue avoir rarement vu ça. Et je ne suis pas certain que tous les participants, membres des associations ou inscrits au concours (qui doivent, j’imagine, mettre leurs documents sur le site), soient au courant de ce que j’appellerai une légère incongruité.

Je comprends mieux en tout cas l’absence de la plus libre de toutes les associations d’enseignants, l’association de professeurs de mathématiques Sésamath. Et pourtant, pour utiliser tous les jours la suite d’exercices libre Mathenpoche avec mes élèves, je puis témoigner que ce sont de formidables et authentiques innovative teachers. Vous en connaissez beaucoup vous des associations d’enseignants qui aient réussi à lancer avec succès une véritable petite bombe dans le milieu : des manuels scolaires libres et collaboratifs ?

Mais oublions ce Forum made in Microsoft et revenons à nos moutons en poursuivant la visite Projetice.

Pour ce qui concerne la rubriques Projets deux fiches pdf sont à disposition : Besoin de matériels ? et Accompagnement de projets. Sur la base d’un projet personnel TICE de l’enseignant on peut vous donc vous accompagner et vous prêter du matériel. Et pour le matériel on ne lésine pas : « chariot mobile (structure + 11 PC portables + dispositif wifi + vidéoprojecteur + appareil photo numérique + imprimante/scanner/copieur) – Tablet PC – Tableau Numérique Interactif – PDA »… Rien que ça ! Le tout en prêt… gratuit ! C’est alléchant non ?! Allez hop je signe tout de suite ! Je vois d’ici la mine réjouie de mon chef d’établissement annonçant fièrement aux parents d’élèves et à la collectivité que notre école est à la pointe des expérimentations TICE ! Quelles en sont les conditions ? « Il est simplement demandé à l’un des membres (au moins) de l’équipe pédagogique concernée d’adhérer à l’association. Un compte-rendu des actions menées doit être communiqué à l’association à intervalles réguliers et en fin de prêt. » Mais oui bien sûr, c’est la moindre des choses, où dois-je signer ?

Petite parenthèse. Pour le matériel ne pas s’étonner si, autre partenaire, c’est du HP qui débarque, à en croire les termes de ce document .doc (qui très étrangement traîne sur internet, mais à mon avis plus pour très longtemps). Quant au système d’exploitation présent dans tous ces petits bijoux technologiques, mieux vaut ne même plus se poser la question.

Petite anecdote photographique. L’accueil Éducation de Microsoft :

Copie d'écran du site Microsoft.fr

La rubrique Projets : Tablet PC de Projetice :

Copie d'écran du site Projetice.fr

Il y a également d’autres photographies issues du site de Microsoft dans le livre blanc de Projetice (ainsi la gentille dame de la couverture on la retrouve ici, peu de chance qu’il s’agisse donc d’une vraie enseignante Projetice). Elles sont toutes non créditées (ou alors je suis passé à côté). Mais on a bien le droit de puiser dans le stock iconographique du partenaire. Pour votre gouverne on en trouve de toutes aussi jolies (et moins "formatées") sur le site Flickr.com restreint aux licences de libre diffusion Creative Commons, par exemple avec le tag education.

Vient ensuite le volet Actions, peu fourni pour le moment. Une page est consacrée au B2i et l’aide que l’association peut vous y apporter. Il n’y a qu’un seul lien sur cette page : un lien vers l’éditeur Nathan. Huit ans que le B2i existe mais aucune autre ressource n’est proposée (comme par exemple le logiciel libre GiBii que quasiment toutes les académies sont en train de déployer). Je suggère fortement à Projetice d’aller faire un tour chez leurs amis du Café Pédagogique pour pallier à cela.

Lorsque vous cliquez sur le site de Nathan vous arrivez sur un espace dédié pour « tester et évaluer le niveau de vos élèves dans le cadre du Brevet informatique et internet ». Ce genre de test en ligne n’est pas conforme à l’esprit du B2i qui doit être évalué dans les classes tout au long de l’année. Et ce genre d’annonce « Attention le site B2i est consultable uniquement sur PC et utlisant le navigateur Explorer » n’est pas conforme à l’esprit d’interopérabilité qui doit animer tout acteur des TICE.

Copie d'écran du site Nathan.fr

Du coup impossible de vous en dire plus avec mon navigateur libre Firefox sous système d’exploitation libre GNU/Linux Ubuntu. Sur la droite de l’accueil du site dédié de Nathan, on peut lire « Réalisé avec l’aide du programme Partenaire pour l’éducation de Microsoft Education ». Je commence à comprendre…

Continuons (courageuseument) notre petite investigation avec la rubrique Ressources. Dans la catégorie Fiches découvertes on vous propose de nombreux documents « permettant de découvrir des outils, des matériels, des logiciels ».

Microsoft Word, Microsoft Powerpoint, Microsoft Frontpage, Microsoft Encarta, Microsoft Windows Movie Maker, Microsoft Photorécit… Voilà un éditeur de logiciels propriétaires qui a la cote sur Projetice ! En cherchant bien on trouve néanmoins la présence de deux logiciels libres mais jamais cités en tant que tels (Audacity et Camstudio). Gageons qu’ils doivent se sentir bien seuls !

Exemple 1 :

Copie d'écran du site Projetice.fr

Exemple 2 :

Copie d'écran du site Projetice.fr

Créer un site avec Word ! C’est le parent d’élèves Tristan Nitot qui va être content ! Quant à Dreamweaver, il fait écho au tutoriel sur Flash MX. Ajoutez-y tous les logiciels cités plus haut et ça commence sérieusement à plomber le budget TICE d’un établissement scolaire (de quelles poches provient-il déjà ce budget ?). Parce que, petit rappel, dans un établissement scolaire il faut payer autant de licences de logiciels propriétaires qu’il y a de postes (assorti d’une interdiction faite à l’élève d’installer ces logiciels chez lui). Il en va tout autrement avec les logiciels libres.

Dans la catégorie Téléchargement, cinq logiciels propriétaires (dont deux sharewares et deux Microsoft) et, vous en doutiez ?, aucun logiciel libre. On y trouve ainsi l’anglophone Fun With Construction permettant de faire de la géométrie dynamique. Mais, feignons l’indignation, pourquoi diable ne pas citer Geogebra, Geonext ou, encore un projet Sésamath, Tracepoche ?

Regardons désormais un peu la rubrique Formation et commençons par la rubrique Se former. Je passe outre les formats de fichiers, nous ne sommes plus à ça près. Par contre je ne risque pas de passer outre la ressource suivante : « Aspects juridiques : droit et éducation – La lutte contre la copie illégale de logiciels ». Allez-y, cliquez dessus, C’est du format .ppt (Powerpoint) mais nous on a la suite bureautique libre OpenOffice.org pour l’ouvrir et la lire correctement, suite bureautique libre dont la renommée et la pertinence scolaire doivent être confidentielles puisque jamais citée par Projetice.

Je vous laisse un petit temps pour lire le document (et éventuellement pour encaisser le coup) en exposant ci-dessous trois copies d’écran du diaporama.

Diapo n°18

Projetice - Logiciels - Extrait

Diapo n°13

Projetice - Logiciels - Extrait

Diapo n°23

Projetice - Logiciels - Extrait

« Comment lutter contre ce problème ? En établissant une stratégie d’acquisition de logiciels afin de fournir les outils nécessaires aux besoins fonctionnels des utilisateurs, notamment ceux qui utilisent des postes fixes… » Mais d’où sort-il ce document ? Du sein de Projetice, de Microsoft, de la BSA ou des trois réunis ? Oh bien sûr, on y trouve aucune contre-vérité. Ils ont leurs experts. Tout est certainement juridiquement sans faille. Exemple (diapo n°10) : « Les logiciels sont ainsi considérés comme des œuvres de l’esprit : ils sont protégés par les droits d’auteur, ce qui indique clairement qu’ils ne peuvent être ni copiés, ni utilisés en dehors des conditions autorisées par leur auteur. Par conséquent, un logiciel sans licence d’utilisation est une contrefaçon. » Irréfutable en effet si l’on est en dehors des conditions autorisées et/ou sans licence. Le problème c’est qu’il donne la très désagréable impression que n’existent que les logiciels propriétaires (et leur réthorique de contrôle/coercition) dans le monde pourtant pluriel des logiciels.

Ce n’est pourtant pas compliqué de lutter contre ce problème sans la moindre stratégie d’acquisition parce que sans acquisition tout court (ce qui n’empêche pas le don et la facturation de services) en faisant fi de cette sombre histoire de postes fixes. Ce n’est d’ailleurs pas un problème mais c’est une solution. Et, désolé d’être un peu emphatique, cette solution porte un nom : le logiciel libre.

Nous pouvons en témoigner, le logiciel libre recouvre aujourd’hui tout le spectre des besoins applicatifs d’une école, d’un collège ou d’un lycée (si vous n’en avez jamais entendu parler, vous pouvez sous Windows tester les plus populaires d’entre eux en les installant sans risques sur votre clé USB). Et ce spectre va jusqu’au système d’exploitation lui-même. GNU/Linux (pour exemple la distribution Ubuntu) ou Windows Vista ? Telle est désormais la question et elle mérite sérieuse évaluation.

Je reconnais cependant que si vous envisagez de n’utiliser que des Tablet PC, Tableaux Numériques Interactifs et autres PDA, alors le logiciel libre et GNU/Linux ont un temps de retard (ce n’est d’ailleurs pas tant leur faute que celle des constructeurs). Mais, franchement, est-ce la priorité numérique de l’école que d’utiliser de tels outils aussi puissants soient-ils ?

Bon. Sachant cela, voici ce que pourrait donner la diapo n°13 dans un autre monde possible des logiciels. Quelques pratiques courantes dans les établissements scolaires utilisant des logiciels libres. Le logiciel libre se télécharge tout ce qu’il y a de plus légalement sur internet. On peut l’installer partout (sur les postes de l’école, sur les ordinateurs personnels des enseignants, des élèves…). Il peut-être copié autant de fois qu’on le souhaite. La diffusion d’un logiciel libre est non seulement autorisé mais même encouragé. Et on peut même le modifier pour l’adapter à ses besoins.

C’est tentant non ? Tellement tentant que j’ai envie d’adhérer de ce pas à l’APRIL pour soutenir le mouvement dans son ensemble et le suivre au quotidien sur LinuxFr.org !

Au lieu de cela Projetice nous propose d’aplomb ce document. Imaginez une seconde l’effet qu’il peut produire sur un enfant dans l’hypothèse où un professeur zélé membre de l’association aura eu la bonne idée de le projeter en classe !

Ce qu’un costard-cravate de Microsoft ne peut pas faire justement, vous me suivez ?

J’encours peut-être un risque à écrire ce qui va suivre mais tant pis. Dans un contexte éducatif proposer ce document en réussissant l’exploit de ne pas évoquer ne serait-ce qu’une seule fois les logiciels libres ce n’est plus une omission c’est de la propagande !

Mais calmons-nous et finissons tant bien que mal la visite. Dans la catégorie Vidéos Projets, un document a également retenu mon attention.

Copie d'écran du site Projetice.fr

Il a fallu que je retourne sous Windows (XP) pour lire la vidéo parce que mon GNU/Linux Ubuntu apprécie peu le format multimédia non libre de Microsoft, le format .wmv. Je vous invite à la regarder à votre tour parce que c’est très intéressant. Publicité Microsoft ou documentaire de pratiques pédagogiques ? À vous de juger. En tout cas tous les logiciels de la suite bureautique propriétaire MS Office de Microsoft sont bien cités. Je ne nie pas le fait que par rapport au référentiel du BTS en question cette suite soit peut-être le meilleur choix mais je me demande tout de même pourquoi le CRDP Orléans-Tours a éprouvé le besoin d’apposer le sceau de l’Institution à ce publi-reportage.

Dans la catégorie Tutoriels vidéos 26 ressources au format .wmv (à ce propos jetez un coup d’oeil à l’URL de la page avec ses "training et ses "webcasts", tout le reste du site est à l’avenant). 15 ressources concernent Excel et 5 Word. Et par n’importe quelle version de ces deux logiciels, la toute dernière, la 2007. N’oubliez pas de vous mettre à jour et donc de repasser à la caisse !

Copie d'écran du site Projetice.fr

Sinon il y a également une page Questions fréquentes : Comment devenir membre de Projetice ? Pourquoi devenir membre de Projetice ? etc. Et puis plus bas… cette question : « Mon ordinateur est un peu ancien et je ne dispose pas des dernières versions des logiciels que j’utilise. Cela pose-t-il problème pour tirer profit du site Projetice ? »

Réponse Projetice : « Le site Projetice ne nécessite pas de disposer des configurations et logiciels les plus récents. Le programme est compatible avec Microsoft Windows® 98, Windows Millennium ou Windows XP, et avec Microsoft Office 97 ou version ultérieure. Une connexion Internet haut débit facilite le téléchargement des ressources. »

Copie d'écran du site Projetice.fr

Je reconnais avoir été d’emblée un peu choqué par la réponse fournie. Mais à la réflexion, c’est du bon sens. Mieux vaut en effet posséder Windows XXX et MS Office pour tirer pleinement parti des ressources du site !

Mise à jour du 16 février : Projetice a depuis ainsi modifié sa réponse : « Le site Projetice ne nécessite pas de disposer des configurations et logiciels les plus récents. Une connexion Internet haut débit facilite le téléchargement des ressources. » Plus aucune mention de Microsoft et de son système d’exploitation Windows.

Pour comparer : La page Questions fréquentes photographiée par Internet Archive le 29 décembre 2006.

Toujours est-il que je la trouve un peu légère cette Foire Aux Questions. On pourrait y ajouter d’autres questions. Non pas : Faut-il être un partisan de l’informatique propriétaire en général et de Microsoft en particulier pour adhérer à l’association ? Ce ne serait pas sérieux. Mais par exemple : Mon établissement scolaire envisage de renouveler une partie de son parc informatique. Il hésite à passer à Windows Vista qui serait dit-on très gourmand en ressources et nécessiterait par conséquent l’achat d’un matériel fort coûteux. Qu’en pensez-vous ? Ou encore, corollaire de la question précédente : J’ai entendu parler de nouveaux ordinateurs nomades vraiment pas chers qui reposent sur GNU/Linux et des logiciels libres comme l’Eee PC ou l’ OLPC. Me conseillez-vous de les acheter pour mon école ?

Mais j’ai gardé le meilleur, si j’ose dire, pour la fin : le pied de page du site.

Dans l’onglet La presse en parle des articles du Dauphiné Libéré, de La Provence et même du Monde de l’Éducation. Ils pourront désormais y ajouter le Framablog.

Et puis arrivent les deux pages Confidentialité et Conditions. Vous savez, les trucs qu’on ne lit jamais (sauf peut-être justement ceux qui sont familiarisés avec le logiciel libre sachant qu’un tel logiciel n’existe que parce qu’une licence libre l’accompagne).

Mise à jour du 16 février : Deux ans que le site existe. Deux ans que ces Confidentialité et Conditions étaient en ligne. Et il aura fallu qu’un simple internaute ait la curiosité de voir un peu dans le détail de quoi il en retourne pour qu’elles disparaissent illico. Le lien Confidentialités pointe désormais sur un très court message : « Le site public de Projetice ne contient aucune donnée à caractère personnel. Le site privé est hébergé par Itop qui assure lui-même la confidentialité des données personnelles dans le cadre de son Environnement Numérique de Travail NetLycée sur lequel est hébergé le site www.projeticiens.org ». Quant au lien Conditions son contenu a disparu. Bien entendu je m’en réjouis. Mais je ne puis m’empêcher de penser à tous les professeurs qui dans l’intervalle ont adhéré à Projetice et placé des documents sur le site sans avoir lu les termes de ce contrat.

Pour comparer : Les pages Confidentialité et Conditions photographiées par Internet Archive le 29 décembre 2006.

Copie d'écran du site Projetice.fr

La page Confidentialité expose les conditions de collecte de vos données personnelles.

Extrait 1 : « Le Site peut également collecter des informations anonymes sur votre visite, dont le nom de votre fournisseur d’accès Internet et l’adresse IP utilisés pour accéder à Internet, la date et l’heure d’accès au site, les pages auxquelles vous accédez sur le Site et l’adresse Internet du site Web à partir duquel vous êtes arrivé sur notre site. Ces informations sont destinées à l’analyse des tendances et à l’administration et l’amélioration du Site. »

Soit.

Extrait 2 : « Les informations personnelles collectées sur le Site peuvent être stockées et utilisées aux États-Unis ou dans tout autre pays où Projetice, ses filiales, ses partenaires ou ses agents sont présents. En utilisant le Site, vous consentez à de tels transferts de vos informations personnelles en dehors de votre pays. Projetice respecte et se conforme au cadre du Safe Harbor comme mis en avant par le Département du Commerce des États-Unis en ce qui concerne la collecte, l’utilisation et la rétention de données en provenance de l’Union Européenne. »

Yes Sir, I Will ! (but what is a Projetice agent exactly ?)

Extrait 3 : « Projetice utilise parfois d’autres entreprises pour fournir certains services de sa part. Il peut s’agir par exemple de l’hébergement de sites Web, de l’empaquetage, de l’expédition et de la livraison de prix, de réponses à des questions posées par un client sur les produits et services. Nous ne transmettrons à ces entreprises que les informations personnelles nécessaires à leur service. En acceptant les conditions d’utilisation du site Projetice.fr et la présente déclaration de confidentialité vous consentez à ce que vos données fassent l’objet d’un tel transfert aux dites entreprises. Ces entreprises sont tenues de respecter la confidentialité de ces informations et ne peuvent en aucun cas les utiliser dans un autre but, notamment à des fins de prospection commerciale. »

Pourquoi donc me parler à moi, enseignant membre d’une association d’enseignants : d‘autres entreprises, de prix et de transfert de mes données à ces entreprises ?

Surtout que, extrait 4 : « Il arrive que cette déclaration de confidentialité soit mise à jour. Dans ce cas, nous corrigeons la date de « dernière mise à jour » en haut de la déclaration de confidentialité. En cas de modifications substantielles de cette déclaration, nous vous le signalerons en plaçant une notice visible sur la page d’accueil du site Web ou en vous envoyant directement une notification. Nous vous encourageons à consulter régulièrement cette déclaration de confidentialité afin de rester informé de comment nous vous aidons à protéger les informations personnelles que nous collectons. L’utilisation continue de ce service constitue votre accord quant à cette déclaration de confidentialité et à ses mises à jour. »

Elle est potentiellement bien volatile c’est déclaration de confidentialité !

Penchons-nous pour finir (en beauté) sur les Conditions d’utilisation du site.

Extrait 1 (dit Les Services) : « A travers son réseau Internet, Projetice vous fournit l’accès à une grande variété de ressources, y compris des outils de développement, des espaces de téléchargement, des forums de discussion et l’information sur les produits (appelés "Services "). Les Services, y compris toutes les mises à jour, les perfectionnements, les nouveaux dispositifs, et/ou l’ajout de n’importe quelles nouvelles propriétés, sont soumis aux conditions d’utilisation. (…) Sauf spécification contraire, les Services sont destinés à un usage personnel et non-commercial. Sont interdits : toute modification, création de travaux dérivés, utilisation sur un autre site, reproduction, publication, diffusion, commercialisation des informations, logiciels produits ou services obtenus sur ce site. »

Euh… Sommes-nous vraiment sur un site d’enseignants censé « s’appuyer sur la mutualisation des pratiques par les enseignants et des questions techniques et pédagogiques qu’elles soulèvent ». À moins que l’intégralité du site soit sous spécification contraire, j’y vois une certaine incohérence avec la dernière des Questions Fréquentes : Est-il possible de partager les ressources téléchargées sur le site Projetice avec d’autres collègues ? Réponse (sibylline) de Projetice : Vous pouvez profiter de toutes ces ressources de notre site avec vos collègues.

Mise à jour du 16 février : La réponse (sibylline) de Projetice a été modifiée depuis ainsi : « Les ressources proposées sur le site sont libres et disponibles sans aucune restriction. ». Toutes les restictions mentionnées plus haut se sont donc envolées ! Il n’est pas encore précisé sous quelle licence ces ressources sont libres. J’imagine que cela ne saurait tarder.

Extrait 2 (dit Les logiciels) : « Tout logiciel disponible pour téléchargement à partir de ce Site (le « Logiciel ») est protégé par les droits d’auteur de Projetice et/ou de ses fournisseurs. L’utilisation du Logiciel est régie par les termes du contrat de licence utilisateur final, s’il existe, qui est inclus dans le Logiciel ou qui l’accompagne (le « Contrat de licence »). L’utilisateur final doit accepter les termes du Contrat de licence pour pouvoir installer le Logiciel… »

STOOOP ! Pas la peine de poursuivre. Je vous livre le secret.

Vous prenez la page Mentions Légales du site de Microsoft et dans le corps du texte, à chaque fois que vous voyez le mot Microsoft vous le remplacez par Projetice. Simple non ?! Un trivial rechercher/remplacer ! (pour la confidentialité c’est moins grossier mais cela se passe sur cette page)

Du coup ça donne des petites choses assez cocasses :

Copie d'écran du site Projetice.fr

Et :

Copie d'écran du site Projetice.fr

« Le fabricant est Projetice Corporation, One Projetice Way, Redmond, WA 98052-6399. » Et voilà notre association d’enseignants français qui se transforme en un fabricant d’une corporation domiciliée à Redmond USA, c’est-à-dire exactement à la même adresse postale que Microsoft !!!

Il est grand temps de conclure je crois.

Une dernière chose.

Vous vous souvenez ? L’enseignant alléché par le prêt gratuit de somptueux matériels dernier cri. On ne lui demandait rien d’autre qu’une adhésion et des compte-rendus à intervalles réguliers. Bon ben nous y sommes avec le paragraphe Documents fournis à Projetice ou postés sur le Site.

Copie d'écran du site Projetice.fr

Extrait 3 (dit Mes documents) : « Projetice ne réclame pas la propriété des documents que vous lui fournissez (y compris les suggestions et commentaires), que vous envoyez, téléchargez ou enregistrez sur n’importe quel Service et services associés pour la visualisation par le grand public, ou par les membres de toute communauté privée ou publique. Cependant, en postant, en téléchargeant, en entrant, en fournissant ou en soumettant ("postant") votre contribution, vous accordez à Projetice, à ses sociétés apparentées et associées la permission d’employer votre contribution en liaison avec ses activités Internet (comprenant, sans limitation, tous les services de Projetice), y compris, sans limitation, les droits de : copier, distribuer, transmettre, montrer publiquement, exécuter publiquement, reproduire, éditer, traduire et restructurer votre contribution ; pour publier votre nom en liaison avec votre contribution ; et le droit de céder de tels droits à tout fournisseur des services et ce pour la durée de validité des droits d’auteur et pour le monde entier. Aucune compensation ne sera payée en ce qui concerne l’utilisation de votre contribution, de la manière prévue ci-dessus. Projetice n’a aucune obligation de poster ou d’employer n’importe quelle contribution que vous pouvez fournir et peut enlever n’importe quelle contribution à tout moment, à sa seule discrétion. »

Voici donc très exactement ce que Projetice peut faire avec votre compte-rendu ou tout autre document que vous aurez placé sur son site. Et elle peut en faire des choses ! Éditer, traduire et restructurer sans limitation votre contribution pour le monde entier, vous appelez cela comment vous ? Vous d’ailleurs qui n’êtes pas tout à fait à la même enseigne (rappel de l’extrait 1 ci-dessus) : Sauf spécification contraire, les Services sont destinés à un usage personnel et non-commercial. Sont interdits : toute modification, création de travaux dérivés, utilisation sur un autre site, reproduction, publication, diffusion, commercialisation des informations, logiciels produits ou services obtenus sur ce site. En plus il n’y a pas que Projetice qui peut faire des choses avec votre contribution, il y a toutes les sociétés apparentées et associées (et jamais nommées).

Admettons, ça n’est qu’un cas d’école, que Microsoft fasse partie de ces sociétés apparentées ou associées. Alors elle peut en toute légalité restructurer votre contribution (par exemple avec un joli et fort visible logo). Puis la présenter sous votre nom dans le monde entier pour montrer comment les enseignants français font tout plein de belles choses avec les TICE et… avec Microsoft ! Bien entendu rien ne dit qu’elle le fera. Et si tel était le cas il est fort possible que cela vous convienne. Il est fort possible que vous en soyez même flatté. Mais dans le cas contraire cette petite explicitation n’était peut-être pas inutile.

Toujours est-il que baignant dans la culture libre depuis des années, ce n’est pas le genre de contrat que je suis habitué à rencontrer. Jamais je n’aurais pu imaginer un site d’enseignants proposer de telles conditions aux collègues. Surtout, je me répète une dernière fois, quand on en appelle dans son livre blanc à la mise en commun et la mutualisation des ressources. À comparer avec les licences de documents les plus adaptées à l’école à l’heure actuelle, les licences Creative Commons.

Ouf ! Voilà. Fin de la visite. Désolé d’avoir été aussi long mais je dois dire qu’au cours de ma petite enquête j’ai été de découverte en découverte. La dernière étant l’étrange impression que personne ne semble voir là un problème ou tout du moins l’écrire publiquement. Sauf à penser que je suis le seul à y voir un problème…

Il n’en demeure pas moins que, comme cela a été dit en préambule, j’ai eu beau chercher, pas une mention du logiciel libre (ni a fortiori de GNU/Linux) sur le site. Un assourdissant silence mais un silence me semble-t-il compréhensible à la lumière de cet exposé.

Un exposé qui malgré tout ne doit pas nous exonérer de la question de l’espace libre (sic !) occupé actuellement par Projetice et affiliés (je pense en particulier aux interventions dans les classes qui répondent à un réel besoin et à une réelle demande). Un exposé non exempt de commentaires péremptoires et sarcastiques (à la limite de l’arrogance parfois) qui ne s’imposaient peut-être pas. Un exposé, j’en conviens fort bien, sélectif et orienté. Mais un exposé néanmoins factuel puisque je me suis borné aux informations que j’ai pu lire sur le web tout comme pourrait le faire n’importe quel internaute.

Un exposé enfin que j’ai souhaité, j’ose le mot, pédagogique et que j’ai tenté dans la mesure de mon possible de rendre accessible (d’où la présence de nombreux liens connexes). Car, pourquoi le nier, j’espère dépasser ici la sphère des initiés et toucher un maximum d’enseignants, parents d’élèves et plus généralement tous ceux qui se sentent concernés par les questions éducatives dans la société de l’information.

Ce ne sera pas facile parce nous ne disposons clairement pas des mêmes moyens (marketing, etc.) et des mêmes leviers (lobbying, etc.) que Projetice et son partenaire. Un partenaire dont je signale ou rappelle au passage qu’il est également engagé globalement depuis des années avec l’Éducation Nationale via des accords de coopération qui ne nous facilitent pas la tâche. Du coup je peux aussi objectivement mettre une croix sur l’espoir d’un quelconque relai institutionnel (et je ne vous parle même pas du Café Pédagogique dont ce billet signe certainement l’arrêt de mort des annonces du réseau Framasoft sur son site).

Je compte donc sur internet, c’est-à-dire sur vous si vous le jugez opportun, pour réussir malgré tout à diffuser le présent article et atteindre le plus large public possible. Un peu pour mettre en garde les collègues enseignants des choix implicites de l’association Projetice. Beaucoup pour évoquer une discrète mais habile stratégie d’entrisme de Microsoft à l’école française. Passionnément parce que je crois à l’alternative du logiciel libre non seulement pour l’école mais pour l’ensemble de la société.

Running with the seagulls - Eschipul - CC BySa

PS : Il va sans dire que les colonnes de ce blog sont ouvertes à un droit de réponse qu’il provienne de Projetice, de Microsoft France Éducation, des deux ensemble ou des deux réunis.

L’illustration finale est une photographie de Eschipul intitulée Running with the seagulls disponible sur le site Flickr.com sous licence Creative Commons By-Sa.




Mon ministère me désespère… ou le fabuleux non destin du logiciel libre à l’école française

Not a happy end - Miikas - CC BySa

Un billet d’humeur péremptoire et de parti-pris qui n’engage que moi… [1]

Il était une fois un professeur qui décida d’écrire une lettre à son Ministre de l’Éducation.

En voici la conclusion : « La thèse défendue ici revient à dire à peu près ceci : en utilisant les logiciels libres, non seulement on effectue des économies spectaculaires pour le matériel, non seulement on se libère des logiques que tentent d’imposer les grandes multinationales de l’informatique, mais, en plus, on se met en relation avec l’un des foyers les plus vivants de la société qui est en train de se créer, celle de l’intelligence distribuée. Cette intelligence distribuée a déjà donné quelques résultats spectaculaires. La recherche scientifique en est l’exemple historique le plus éclatant, mais, plus près de nous, Internet, Linux, la Toile témoignent aussi de la validité du concept. Cette intelligence distribuée, en fait, ne fait que commencer à faire sentir ses effets et ils vont être majeurs. De grandes surprises attendent les instances politiques et commerciales qui ne vont pas bien en saisir les enjeux. Le maillage massif, sur des modes originaux, de centaines et de milliers d’esprits va conduire à de nouvelles formes de territoires, d’identités et donc de réalisations. Le schéma offert ci-dessus, tout en permettant de fonctionner mieux que jamais dans la société d’aujourd’hui, prépare déjà la société de demain. Or, ceci correspond exactement à l’enjeu fondamental d’une vraie politique de l’éducation. »

Ce professeur c’est Jean-Claude Guédon[2] et ce « il était une fois » est de rigueur puisque son document fut rédigé en… octobre 1998. Dix ans déjà ! Autant dire une éternité à l’échelle des temps numériques…

Certes Jean-Claude Guédon s’adressait à son propre ministre québécois et non à son homologue français. Certes il y a dix ans le logiciel libre était loin de sa maturité actuelle (et Wikipédia n’existait pas !). Il n’empêche que les arguments avancés étaient pourtant simples à comprendre. Il n’empêche que « gouverner c’est prévoir » et qu’au Ministère de l’Education nationale française, c’est bien simple, on n’a, durant cette longue période, strictement rien prévu d’envergure en faveur du logiciel libre.

Nous aurions dû montrer l’exemple et être en tête du mouvement. C’est à peine si on arrive à le suivre lamentablement.

Oh, bien sûr il s’en est passé des choses en dix ans et heureusement ! Il faut dire que l’Éducation Nationale dépasse le million de fonctionnaires qui jouissent tout de même d’une certaine liberté. De très nombreux professeurs ont adopté des logiciels libres. De très nombreux projets libres éducatifs ont vu le jour, il est vrai souvent soutenus localement par des académies (heureusement que le système est un tant soit peu décentralisé soit dit en passant). Mais tout ceci ne s’est fait au départ qu’à la base et à la marge.

Par nature et par culture, je me méfie des décrets et autres directives autoritaires venus d’en haut. Mais on aurait pu et on aurait dû être bien plus courageux et volontariste à la rue de Grenelle vis-à-vis du logiciel libre. On aurait dû encourager et accompagner avec force et conviction l’utilisation massive du logiciel libre à l’école. On aurait dû organiser des plans de migration du propriétaire vers le libre. On aurait dû soutenir réellement tous ces projets libres dont certains s’épuisent ou sont carrément morts de n’avoir pu trouver le temps et l’argent pour se développer.

Comment se fait-il qu’au sein des différents cabinets des ministres qui se sont succédés on n’ait pas remué ne serait-ce que le petit doigt vis-à-vis du logiciel libre ? Il n’y a que deux hypothèses en guise de réponse. Soit ils n’étaient pas au courant. Soit ils étaient au courant mais ont jugé que (tout faire pour) favoriser l’usage du logiciel libre à l’école n’était pas le bon choix. Soit irresponsables soit coupables en quelque sorte…

Alors voilà. Aujourd’hui on nous annonce que la Gendarmerie Nationale, après avoir fait le choix radical et unilatéral d’OpenOffice.org pour sa suite bureautique, se prépare à migrer tous ces postes clients vers GNU/Linux Ubuntu. De plus en plus de pays déploient ouvertement du Linux dans leurs écoles (le dernier en date : les Philippines). De plus en plus de pays affirment sans ambiguité que le nouveau système d’exploitation Windows Vista n’est pas bon pour l’école et qu’il convient d’utiliser des formats ouverts (le dernier en date : l’Angleterre).

Et chez nous ?

Rien.

Ah si, j’oubliais. Monsieur Darcos vient d’installer la mission « E-educ » sur les technologies de l’information et de la communication pour l’Enseignement. Extrait du communiqué de presse : « Le ministre va confier à Jean Mounet, président de SYNTEC informatique, une réflexion globale et ambitieuse visant au développement des technologies de l’information et de la communication pour l’Enseignement (TICE) au sein du monde éducatif. Cette mission, d’une durée de trois mois, rassemblera des représentants de l’Éducation nationale et des professionnels du secteur informatique. Les propositions feront l’objet d’un rapport qui sera remis à Xavier Darcos courant avril aux fins d’envisager de nouvelles actions dès la rentrée 2008. »

Pensez-vous que, comme le récent rapport Attali, le logiciel libre soit cité dans la lettre de mission ? Pensez-vous que le logiciel libre soit représenté au sein de la commission ?[3] Par contre, tiens, tiens, on y trouve non pas un, non pas deux, mais trois membres de la société Microsoft !

Il y a des jours comme cela où l’on se demande vraiment si créer Framasoft et y dépenser tant d’énergie valait vraiment le coup…

GHCA Computer lab running Gentoo Linux - Extra Ketchup - CC BySa

Notes

[1] Illustrations : Not a happy end de MiikaS et GHCA’s Computer Lab Running Gentoo Linux d’Extra Ketchup sous licence Creative Commons By-Sa.

[2] Fichtre, pas de lien Wikipédia vers Jean-Claude Guédon, il va falloir y remédier !

[3] On nous invite tout de même à nous exprimer sur un forum dédié. Si le cœur vous en dit…




Ouvrons le débat de l’informatique à l’école

Reproduction de Informatique et TIC : une vraie discipline ?, un récent article de Jean-Pierre Archambault[1], que nous connaissions depuis longtemps comme héraut du libre éducatif, mais qui élargit ici la problématique au présent et à l’avenir de l’informatique et des TIC à l’école, et ce faisant pose finalement la question de la place des technologies de l’information et de la communication dans notre actuelle et future société.

L’occasion pour moi de citer en rappel deux initiatives liées à la récente campagne présidentielle française 2007, l’une de l’ADULLACT et l’autre de l’APRIL (avec son initiative Candidats.fr).

Extrait de la Lettre aux candidats à l’élection présidentielle de 2007 (ADULLACT)

C’est la jeunesse qui fera le monde de demain. Il est très urgent d’enseigner très tôt la maîtrise et non pas seulement l‘utilisation de l’informatique, les techniques et non pas les modes opératoires. Il faut promouvoir l’informatique comme discipline à part entière dans l’enseignement secondaire, et y encourager l’esprit et les outils de production et de partage, pour le savoir et les richesses. Il faut former les acteurs et non de simples consommateurs de la société de l’information. Pourquoi dans notre pays collégiens et lycéens ne peuvent-il s’initier à la programmation ou au travail collaboratif ?

Extrait du Questionnaire de Candidats.fr (APRIL)

Êtes-vous favorable à ce que l’informatique soit une composante à part entière de la culture générale scolaire de tous les élèves sous la forme notamment d’un enseignement d’une discipline scientifique et technique au lycée ?

Êtes-vous favorable à ce que les élèves soient formés non pas à une gamme de produits (e.g. la suite Microsoft Office) mais à des catégories d’outils (e.g. traitement de texte, tableur, logiciels de présentation…) ?

Avec des réponses contrastées (ADULLACT et APRIL) en particulier de celui qui est devenu dans l’intervalle le président de la République française (réponses PDF de Nicolas Sarkozy à l’ADULLACT et à l’APRIL).

Il est effectivement temps de faire bouger les lignes et ne pas se satisfaire de la situation actuelle qui ressemble parfois à de l’inertie pendant que le monde avance.

Heureusement que, dans un contexte proche de l’urgence, nous pouvons compter sur l’expérience (et l’expertise) de la communauté du libre qui, je crois, lui donne une perception fine des enjeux. Encore faut-il qu’elle soit écoutée en haut lieu…

Vous trouverez une version PDF de l’article en fin de page.[2]

Student in Class - foundphotoslj - CC-BY

Informatique et TIC : une vraie discipline ?

Jean-Pierre Archambault – Medialog 62 Juin 2007

Avec l’introduction de la maîtrise des TIC dans le socle commun de connaissances et de compétences et la généralisation du B2i, un consensus existe pour affirmer qu’il faut préparer les futurs citoyens de la société de la connaissance à devenir des utilisateurs « intelligents » et non « presse-boutons » des technologies. Mais il n’existe pas de consensus sur la façon de s’y prendre. Certains militent pour la création d’une discipline scolaire « Informatique et TIC ».

Tout le monde a en mémoire les débats qui ont accompagné en 2006 la transposition de la directive européenne sur les droits d’auteurs et les droits voisins dans la société de l’information (DADVSI) [3]. Ils concernaient notamment l’exercice du droit à la copie privée, la possibilité d’écouter sur plusieurs appareils un morceau de musique acquis en bonne et due forme… c’est-àdire la vie quotidienne de millions de gens. Ils portaient également sur l’interopérabilité, les DRM (Digital Rights Management) ou mesures techniques de protection, les logiciels de peer to peer, le code source des programmes (il fut abondamment question des logiciels libres), le droit un peu abscons des bases de données… Il est difficile au simple citoyen de maîtriser la complexité de ces notions techniques et juridiques et donc de mesurer l’impact de la loi. Par exemple, dans l’article 13 de la loi finalement adoptée, on peut lire : « Ces mesures techniques sont réputées efficaces lorsqu’une utilisation visée au même alinéa est contrôlée par les titulaires de droits grâce à l’application d’un code d’accès, d’un procédé de protection tel que le cryptage, le brouillage ou toute autre transformation de l’objet de la protection ou d’un mécanisme de contrôle de la copie qui atteint cet objectif de protection… Un protocole, un format, une méthode de cryptage, de brouillage ou de transformation ne constitue pas en tant que tel une mesure technique au sens du présent article… Les mesures techniques ne doivent pas avoir pour effet d’empêcher la mise en oeuvre effective de l’interopérabilité, dans le respect du droit d’auteur… » [4]

Une nouvelle forme d’illettrisme

Or, nul n’est censé ignorer la loi ! Mieux, chacun doit être en mesure de contribuer à sa manière à son élaboration et, pour cela, de comprendre ce dont il s’agit et de bien mesurer les enjeux et les conséquences des textes adoptés par le Parlement. Quelles sont les représentations mentales opérationnelles, les connaissances scientifiques et techniques qui permettent qu’il en soit ainsi ? Ces questions valent également pour la vie de tous les jours, quand il faut décrypter l’offre d’un fournisseur d’accès à Internet, avoir une idée de l’origine et de la responsabilité d’un dysfonctionnement (savoir par exemple pour quelles raisons une page web peut se faire attendre). Nous sommes de plain-pied dans la problématique de la culture générale informatique qui doit être dispensée par l’École. Comment procéder pour former tous les élèves à la société de l’immatériel ? Car, comme le soulignent Maurice Lévy et Jean-Pierre Jouyet, dans l’économie de l’immatériel « l’incapacité à maîtriser les TIC constituera (…) une nouvelle forme d’illettrisme aussi dommageable que le fait de ne pas savoir lire et écrire » [5]. Et comment, dans le même temps, dispenser un enseignement qui prépare au mieux la formation ultérieure des spécialistes de haut niveau dont le pays a besoin ? Car, comme le relevait un article du Monde du 18 octobre 2006 sur les métiers de l’informatique, « la profession, où l’âge moyen est de 35 ans, commence à connaître une forte tension sur les recrutements des meilleurs profils : chefs de projet, ingénieurs spécialisés dans les nouvelles technologies, commerciaux, consultants spécialisés… ».

La question n’est pas nouvelle. Depuis une trentaine d’années, pour l’essentiel, deux approches se succèdent, coexistent, suscitent de vifs et intéressants débats. Pour l’une, les apprentissages doivent se faire à travers les usages de l’outil informatique dans les différentes disciplines existantes. Pour l’autre, l’informatique étant partout, elle doit être quelque part en particulier, à un moment donné, sous la forme d’une discipline scolaire en tant que telle [6].

Dans sa thèse, La constitution de l’informatique comme discipline scolaire (1987), Georges- Louis Baron, professeur à l’Université Paris V, parle de « lent cheminement vers le statut de discipline scolaire », et rappelle les conclusions d’un colloque international organisé à Sèvres en 1970 par le CERI-OCDE : « L’introduction d’un enseignement de l’informatique dans l’enseignement de second degré est apparu comme indispensable » [7]. Il y a eu, dans les années quatre-vingts et quatre-vingt-dix, une option informatique dans les lycées d’enseignement général. Créée en 1982, elle a été supprimée en deux temps, alors qu’elle était en voie de généralisation (première suppression en 1992, rétablissement en 1995, deuxième suppression en 1997). Le « cheminement » est donc quelque peu tortueux. Le cours de technologie au collège comporte une composante informatique bien identifiée. Le B2i, quant à lui, s’inscrit dans la démarche qui situe les apprentissages dans les usages de l’outil informatique dans l’ensemble des disciplines. Il figurera dans les épreuves du brevet des collèges et du baccalauréat, ce qui constitue une reconnaissance institutionnelle qui n’est pas toujours appréciée à sa juste valeur, indépendamment des avis que l’on peut avoir sur les contenus et les modalités d’évaluation.

Il arrive que cette question de la culture générale informatique ne soit pas exempte d’une certaine confusion, dans la mesure où l’on ne distingue pas suffisamment les objectifs généraux, les compétences à acquérir, les contenus scientifiques permettant de les atteindre – que l’on doit expliciter très précisément –, les méthodes pédagogiques et didactiques des disciplines. Rappelons donc succinctement que les statuts et les enjeux éducatifs de l’informatique et des TIC sont multiples.

L’informatique, outil et objet d’ensignement

Il y a un enjeu d’intégration d’instruments modernes pour améliorer la qualité de l’enseignement dans le contexte de sa démocratisation. L’ordinateur enrichit la panoplie des outils de l’enseignant. Il se prête à la création de situations de communication « réelles » ayant du sens pour des élèves en difficulté. Il constitue un outil pour la motivation. Il favorise l’activité. Il aide à atteindre des objectifs d’autonomie, de travail individuel ou en groupe. L’ordinateur est aussi encyclopédie active, créateur de situation de recherche, affiche évolutive, tableau électronique, outil de calcul et de traitement de données et d’images, instrument de simulation, évaluateur neutre et instantané, répétiteur inlassable, instructeur interactif… L’informatique s’immisce dans l’ « essence des disciplines » et leur enseignement doit en tenir compte. Cela vaut pour tous les ordres et niveaux d’enseignement, et notamment pour les formations techniques et professionnelles, tant les métiers, les processus de travail, les profils et les qualifications requises ont évolué. L’ordinateur est outil de travail personnel et collectif des enseignants, des élèves et de la communauté éducative. Enfin, l’informatique et les TIC sont objet d’enseignement car composantes incontournables de la culture générale de notre époque. Tous ces statuts ne s’excluent aucunement. Au contraire, ils se complètent et se renforcent. Ainsi le professeur de SVT pourra-t-il d’autant mieux enseigner l’expérimentation assistée par ordinateur et la simulation qu’il pourra s’appuyer sur de solides connaissances de base que ses élèves auront acquises précédemment et ailleurs que dans sa discipline.

Une discipline scolaire ?

En fait, la vraie question posée est celle de savoir s’il doit y avoir, à un moment donné de la scolarité obligatoire, apprentissages en matière de TIC et d’informatique sous la forme d’une discipline scolaire à part entière, comme c’est le cas dans un certain nombre de pays, par exemple la Corée du Sud, la Pologne et dernièrement le Maroc. Différentes raisons, selon nous, militent en faveur d’une réponse positive. D’abord, peuton considérer que « s’immerger c’est apprendre » ? À l’École et hors de l’École. L’utilisation d’un outil, matériel ou conceptuel, suffit-elle pour le maîtriser ? L’existence des enseignements techniques et professionnels est là pour rappeler que la réponse est évidemment non ! Jean-Michel Bérard, Inspecteur général de l’Éducation nationale, dit sans ambages que « l’utilisation d’un outil, si fréquente et diversifiée soit-elle, ne porte pas en elle-même les éléments qui permettent d’éclairer sa propre pratique » [8]. Ce qui ne signifie pas qu’il ne faille pas s’appuyer sur les pratiques et les expériences des élèves, mais avec l’objectif de les dépasser. Jean-François Cerisier, maître de conférences à l’Université de Poitiers, s’étonne de propos selon lesquels « les jeunes seraient naturellement outillés pour mettre en oeuvre des dispositifs techniques complexes dans une logique d’immersion qui postule implicitement que la pratique naïve des outils suffirait à produire des apprentissages pourtant complexes » [9]. Il indique qu’une étude conduite auprès d’élèves du cycle 3 a montré que la plupart d’entre eux ne disposaient pas d’une représentation suffisamment structurée d’Internet pour engager des démarches de recherche d’information même simples, et qu’ils « peinent à élaborer une requête documentaire lorsqu’ils utilisent un moteur de recherche standard ». Cela ne saurait surprendre quand on sait que le sens des opérateurs logiques (ET, OU) diffère de celui qu’ils ont dans le langage courant, que des éléments de logique figuraient dans les programmes de mathématiques des classes de seconde dans les années soixante-dix, et que leur compréhension n’allait pas de soi. On ne peut donc que le suivre quand, dans un autre article, il demande : « Comment en effet procéder à une recherche d’information efficace lorsque l’on n’a aucune connaissance du mode de fonctionnement de l’instrument utilisé ? » [10]. Par ailleurs, on sait que la science progresse en dégageant du « simple » dans la réalité complexe. Et que la pédagogie recommande de ne pas faire compliqué quand il faut faire simple. Dans une discipline donnée, se fixer, dans le même mouvement, des objectifs cognitifs et d’autres relatifs à l’outil informatique que l’on utilise, risque d’amener à échouer sur les deux tableaux. Chaque chose en son temps. J.-F. Cerisier fait également référence à « l’École comme seul lieu possible de prise en compte systématique des conceptions naïves ». C’est aussi le seul endroit où les élèves rencontrent la connaissance sous une forme structurée et organisée, où ils s’approprient « l’intelligence » des outils conceptuels pour bien s’en servir.

On ne fait pas des sciences expérimentales, ou de la technologie, de la même façon à l’école primaire et au lycée. La culture informatique s’acquiert donc selon des modalités diversifiées dans le temps. À l’école primaire, le B2i correspond bien aux méthodes d’initiation des enfants aux sciences et aux techniques. De plus, et c’est fondamental, il y a un enseignant unique, qui maîtrise donc ses progressions pédagogiques et leurs cohérences, l’organisation du temps scolaire et qui se coordonne facilement avec lui-même ! Ce qui n’est pas le cas au collège : là résident pour une bonne part les difficultés constatées de mise en oeuvre du B2i. Il n’est déjà pas évident d’organiser des apprentissages progressifs sur la durée lorsque les compétences recherchées sont formulées de manière très générale (du type « maîtriser les fonctions de base » ou « effectuer une recherche simple »), éventuellement répétitives à l’identique d’un cycle à l’autre, et que les contenus scientifiques, savoirs et savoir-faire précis permettant de les acquérir, ne sont pas explicités. Mais, quand, en plus, cela doit se faire dans des contributions multiples et partielles des disciplines, à partir de leurs points de vue, sans le fil conducteur de la cohérence didactique des outils et notions informatiques, on imagine aisément le caractère ardu de la tâche au plan de l’organisation concrète. Ainsi, un rapport de l’IGEN souligne-t-il que, « si différentes circulaires précisent les compétences qui doivent être validées et le support de l’évaluation (feuille de position), elles laissent néanmoins dans l’ombre de l’autonomie les modalités concrètes de mise en oeuvre » [11]. Pour se faire une idée de ces difficultés, il suffit d’imaginer l’apprentissage du passé composé et du subjonctif qui serait confié à d’autres disciplines que le Français, au gré de leurs besoins propres (de leur « bon vouloir »), pour la raison que l’enseignement s’y fait en français.

Former des utilisateurs « intelligents »

Au collège, le cours de technologie nous semble être un lieu institutionnel adapté à l’acquisition d’une maîtrise des outils informatiques, dont les enseignants des autres disciplines peuvent alors bénéficier dans leurs démarches pédagogiques, d’une manière réaliste. La complémentarité objet-outil d’enseignement peut donner toute son efficacité quand on l’envisage dans cette optique.

Au lycée, dans le prolongement des acquis précédents, une approche spécifique et scientifique, dans le cadre d’un enseignement particulier, permet de les capitaliser et de favoriser les usages pédagogiques des TIC dans les autres matières. Elle constitue une étape qualitativement nouvelle permettant de se fixer des objectifs ambitieux et incontournables pour des générations appelées à évoluer dans la société de la connaissance, dans laquelle on sait le rôle éminent joué par les TIC, de former des « utilisateurs intelligents » et des citoyens à part entière. Quand une matière est omniprésente dans la société, elle devient un élément de la culture générale, et de la culture scolaire, sous la forme d’une discipline particulière que l’on étudie pour elle-même afin de mieux la mettre au service des autres disciplines. Avec des enseignants spécialisés, des programmes, des horaires et des épreuves au baccalauréat. Jacques Baudé, président d’honneur de l’EPI (association Enseignement Public et Informatique), rappelle opportunément que « pendant plus de dix ans, le Conseil scientifique national (CSN), pilotant l’option informatique des lycées, a montré que la mise au point de programmes d’enseignement n’a pourtant rien d’impossible ; ce n’est ni plus difficile ni plus facile que dans n’importe quelle autre discipline ! Les invariants enseignables au lycée se dégagent somme toute assez facilement à condition de pratiquer une large concertation avec les universitaires et les enseignants du terrain » [12].

Ces invariants, dont parle Jacques Baudé, doivent inclure des activités d’algorithmique et de programmation, non pas pour former des informaticiens professionnels – même si cela y contribue – mais pour que les élèves comprennent la logique de fonctionnement de l’ordinateur et des environnements informationnels (si l’on apprend à résoudre des équations du second degré ce n’est pas parce qu’on en résout tous les jours !). Charles Duchâteau, professeur aux facultés universitaires N.-D. de la Paix de Namur, s’exprime en ce sens : « J’ai été et je reste parmi ceux qui croient que l’apprentissage de la programmation est formatif et qu’il ne faut pas tout mesurer à l’aune de l’utilité immédiate. Je crois aussi que les méthodes et concepts typiques de l’algorithmique sont parmi les plus fondamentaux de l’informatique et que, de plus en plus, une certaine familiarité avec le “faire faire” qui est au coeur de la programmation, au sens large, fait partie d’une utilisation efficace de beaucoup d’outils logiciels récents » [13]. Écrire des programmes informatiques, même très simples, permet également de donner de la substance à ce que sont les codes source et objet, et donc de mieux percevoir les enjeux des logiciels libres. La « philosophie » de ces logiciels est en phase avec l’objectif de former des utilisateurs « intelligents » car la connaissance du code permet la compréhension de la logique et du fonctionnement des logiciels.

Pour Jean-Pierre Demailly, membre de l’académie des Sciences, « un enseignement des langages, des algorithmes et de la programmation serait bien utile à partir du lycée. Tout d’abord parce que c’est un véritable besoin économique de mieux préparer les élèves à acquérir des connaissances technologiques solides, mais aussi parce que cela intéresserait de nombreux jeunes – dont l’informatique est parfois une passion en dehors de l’école » [14].

Pour résumer, une approche équilibrée garante d’une bonne culture générale scolaire doit, selon nous, s’appuyer sur l’utilisation de l’ordinateur dans les disciplines pendant toute la scolarité, le B2i à l’école primaire, le cours de technologie au collège et une matière « Informatique et TIC » au lycée. Avec la conviction que pareille intégration résolue de l’informatique et des technologies modernes dans le système éducatif est de nature à faciliter les évolutions économiques, sociales et culturelles du XXIe siècle.

Notes

[1] Jean-Pierre Archambault – CNDP-CRDP de Paris – Chargé de mission veille technologique

[2] L’illustration est une photographie de foundphotoslj intitulée Student in Class issue de Flickr et sous licence Creative Commons BY-SA

[3] Jean-Pierre Archambault, « Innover ou protéger ? Un cyberdylemne », Médialog n°58.

[4] lien

[5] Maurice Lévy, Jean-Pierre Jouyet, L’économie de l’immatériel – La croissance de demain, rapport de la commission sur l’économie de l’immatériel remis à Thierry Breton, décembre 2006.

[6] Jean-Pierre Archambault, Démocratie et citoyenneté à l’heure du numérique : les nécessités d’un enseignement lien

[7] lien.

[8] Jean-Michel Bérard, « Ordinateur et système éducatif : quelques questions » in Utilisations de l’ordinateur dans l’enseignement secondaire, Hachette Éducation, 1993.

[9] Jean-François Cerisier, « Qui est derrière Internet ? Des représentations tenaces », Les Cahiers pédagogiques n°446, octobre 2006.

[10] Jean-François Cerisier, « La nature du B2i lui permet-elle d’atteindre ses objectifs ? », Les dossiers de l’ingénierie éducative n°55, septembre 2006.

[11] lien en page 17.

[12] Jacques Baudé, Pour une culture générale intégrant l’Informatique et les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC), lien

[13] Charles Duchâteau, Peut-on définir une « culture informatique » ? lien

[14] Jean-Pierre Demailly, professeur à l’université Grenoble I, directeur de l’Institut Fourier, membre de l’académie des Sciences, in interview à l’EPI, avril 2005. lien




SIALLE : pour autant que leur valeur pédagogique aura été reconnue

DSC00732 - ps_paris5e - Creative Commons BY

« Je considère qu’il faut encourager l’introduction à l’école de logiciels libres pour autant que leur valeur pédagogique aura été reconnue. »

Telle est la réponse donnée par Ségolène Royal à une lettre de l’association Enseignement Public et Informatique (EPI) où l’on pouvait lire ce pertinent paragraphe : « Il faut faire davantage place aux logiciels et ressources libres, dans une perspective de pluralisme technologique. C’est un facteur significatif de baisse des coûts et d’indépendance. Le libre est en phase avec les missions du système éducatif et la culture enseignante. »[1]

Réponse de normand de la candidate à l’élection présidentielle française ? Un peu oui quand même, puisque l’affirmation est corrélée à la reconnaissane de leur valeur pédagogique.

Quel sont les logiciels le plus utilisés dans nos écoles ? Tout d’abord le… système d’exploitation (sic !). Puis dans l’ordre très certainement le navigateur web et le traitement de texte. Ils n’ont strictement aucune valeur pédagogique intrinsèque. C’est l’usage qu’en font les enseignants et leur élèves au cas par cas qui détermine ici l’éventuelle valeur pédagogique.

Autrement dit je ne vois pas très bien comment GNU/Linux, Firefox ou OpenOffice.org vont pouvoir être pédagogiquement évalués alors même que ce serait une bonne idée d’encourager leur introduction massive (en lieu et place de Windows, Internet Explorer et MS Office).

Alors soit, restreignons-nous aux logiciel purement éducatifs. Le ministère à créé depuis un petit bout de temps déjà une marque RIP destinée, je cite, « à guider les enseignants dans le monde du multimédia pédagogique. Un logo permet d’identifier les logiciels et les créations multimédias qui, après expertise par un public d’enseignants et de spécialistes du domaine et par décision de la commission multimédia, répondent aux besoins et aux attentes du système éducatif ».

L’intention est louable même si personnellement j’avoue ne pas faire attention à la présence du label lorsque je décide d’utiliser tel ou tel logiciel. Je fais beaucoup plus confiance aux témoignages de mes pairs et surtout à l’expérimentation effective en classe (avec de vrais élèves inside). Ainsi en va t-il des deux logiciels que j’utilise le plus en collège actuellement en tant que prof de maths : les exerciciels Mathenpoche et le traceur géométrique dynamique Geogebra.

Les deux logiciels cités plus haut sont, vous vous en doutez, libres. Ils n’ont pas le label RIP. D’ailleurs, à ma connaissance, le seul logiciel libre RIP sont les Ateliers de Géométrie, dont nous avions évoqué avec enthousiasme la libération sur Framasoft.

Un seul logiciel libre sur plus d’un millier logiciels RIP ? Pourquoi une telle absence ? Ce n’est pas à moi de répondre à cette question.

Les logiciels libres semblent être en tout cas pour le ministère quelques chose de bien particulier dans le monde des logiciels. Un monde à part qu’il faudrait donc traiter à part. C’est alors l’occasion pour moi de vous présenter le très officiel SIALLE qui a priori semble répondre à la demande de reconnaissance pédagogique préconisée par Ségolène Royal.

SIALLE, Service d’Information et d’Analyse des Logiciels Libres Éducatifs, vous connaissiez ? Sans doute pas et ce n’est pas vraiment étonnant parce qu’on ne peut pas vraiment dire que le ministère en fasse une publicité effrénée.

J’en recopie ici la présentation :

SIALLE est une sélection de logiciels libres destinés à la communauté éducative.
SIALLE est basé sur un service d’appréciation de logiciels sélectionnés en amont, sur des critères stricts :

– Le réseau académique repère en premier lieu un logiciel éducatif potentiellement intéressant.
– Selon son thème et son niveau, un groupe d’experts disciplinaires l’examine et donne un premier avis. Le logiciel est ensuite soumis à des analyses technique et juridique pour vérifier qu’il ne présente pas d’anomalies majeures dans ces domaines.
– Le logiciel retenu est ensuite soumis à évaluation par les enseignants : il est mis en ligne et peut être téléchargé.
– Après identification, l’utilisateur peut donc tester le logiciel à loisir et, grâce à une interface adaptée, saisir directement ses conclusions dans l’espace de travail, et attribuer une note au logiciel.
– La notation s’effectue selon trois axes : la pédagogie, la qualité scientifique du contenu et l’aspect technique.
– À terme, une synthèse des différents avis, où seuls seront retenus les logiciels ayant obtenu au moins la moyenne, permettra de les intégrer aux systèmes d’information du ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

Pourquoi SIALLE ?

De nombreux logiciels destinés à des usages pédagogiques sont produits par des enseignants, des chercheurs, des communautés d’intérêt, etc. Ces logiciels, disséminés sur des sites web institutionnels ou non institutionnels, à tous les niveaux (central, académique, départemental, établissement ou université), personnels ou associatifs, constituent un corpus foisonnant mais hétérogène. C’est pourquoi le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a souhaité qu’un service d’information et d’analyse de ces productions soit mis en place, afin de mieux connaître les réalisations de qualité.

Quels logiciels y trouve-t-on ?

Les logiciels présents sur la plate-forme SIALLE sont des logiciels éducatifs destinés à un usage en classe. Ils permettent aux élèves d’être en situation de découverte, de structuration, d’entraînement et d’évaluation de connaissances disciplinaires grâce à une présentation de contenus sonores, visuels et/ou textuels interactifs en conformité avec les programmes et respectant la plus grande rigueur scientifique.

À qui s’adresse SIALLE ?

SIALLE est destiné aux enseignants, aux formateurs, aux corps d’encadrement et d’inspection, mais l’information sur la qualité des logiciels pédagogiques est accessible à tous. La partie exclusivement réservée à la communauté éducative concerne le téléchargement des logiciels mis à disposition, ainsi que l’analyse et le vote qui en découlent.

Ouvert à la rentrée 2006, on trouve pour le moment 13 logiciels libres Windows dans la base (et toujours pas mes Mathenpoche et Geogebra).

Quel dynamisme !

Notes

[1] L’illustration est un détail d’une photographie de ps_paris5e issue de Flickr et sous licence Creative Commons BY.




Quand le gouvernement anglais déconseille Microsoft à l’école…

Sadness - DiegoSCL - Creative Commons BY

Quelle attitude adopter face à l’arrivée de Vista OS et de MS Office 2007 de Microsoft ?[1]

Le mouvement du libre est, on s’en doutait (et, oserais-je ajouter, à juste titre), plus que critique. Mais d’autres organismes bien moins suspects de partialité manifestent ouvertement leur perplexité.

Ainsi, comme le rapporte le magazine Computer Business dans deux récents articles (11 janvier 2006), ce n’est rien moins que le gouvernement anglais qui, après étude, évalue jusqu’à la critique l’intérêt des licences Microsoft pour ses écoles quitte à envisager les alternatives libres, et surtout leur déconseille fermement pour l’heure les grosses mises à jour que constituent Vista et MS Office 2007[2].

Le premier UK schools at risk of Microsoft lock-in, says government report évoque un rapport de la très officielle et institutionnelle British Educational Communications and Technology Agency (Becta) qui s’inquiète des risques de dépendance des écoles à la société Microsoft.

L’agence suggère fortement aux établissement scolaires d’évaluer avec attention la question des licences Microsoft qui semblent, tiens, tiens, poser quelques problèmes (surtout si au bout de quelques années l’on doit nécessairement en changer).

Du coup les alternatives libres sont évoquées.

The review also considered the potential barriers to Microsoft alternatives following a May 2005 Becta report that had indicated that the use of Linux and OpenOffice.org could produce total cost savings of 44% per PC for primary schools and 24% for secondary schools, compared to standard commercial software PC configurations.

On the subject of promoting alternatives, Becta noted that the UK’s Open Source Consortium would like to see Becta proactively promoting choice by adopting open source standards" and stated that it will "discuss with key stakeholders the practical steps it could take to facilitate wider competition in choice in relation to software licensing in schools."

Migrer vers l’open source ? Le premier argument est financier mais le deuxième concerne les standards dont on commence enfin à se préoccuper en haut lieu.

Le second article, au titre explicite, UK government agency tells schools to ignore Vista, évoque le fait que que Vista et MS Office n’apportent rien de très significatif en terme de fonctionnalités si ce n’est qu’ils sont tellement gourmands en ressource qu’il n’est pas possible actuellement pour la très grande majorité du parc informatique scolaire de les faire tourner (avec ou sans le très poudre aux yeux Aero).

Oakleigh[3] also found that a number of Office alternatives, including Corel Wordperfect Office X3, Openoffice.org, StarOffice, Easy Office, One SE and Lotus SmartSuite, offered "about 50% of the functionality of the Office 2007 suite" but that "this 50% included functionality that met or exceeded basic requirements in relation to word processing, spreadsheets, and presentation development."

Even if schools or colleges are tempted by the new software, their hardware will be unlikely to run it, according to the report. It found that at the very most, only 6% of current educational computers could run Vista with the Aero graphics engine turned on, while 55% of current computers could not even run Vista with Aero tuned off.

Sans oublier un petit mot sur les formats de fichiers Office 2007 : Les écoles ne devraient déployer Office 2007 que si l’interopérabilité avec d’autres logiciels est satisfaisante. Une manière à peine voilée d’emettre quelques doutes sur les qualités du nouveau format Open XML.

As if that was not enough criticism, the report also suggested that Microsoft’s choice of the Open Office XML file formats in Office 2007 "has the potential to exacerbate ‘digital divide’ issues" as a result of the format not being in use on other products.

While Becta noted Microsoft’s recent decision to support the OpenDocument Format, which is also used in OpenOffice, StarOffice and others, it warned that schools and colleges should only deploy Office 2007 when its interoperability with alternative products is "satisfactory".

Et de conclure :

"Early deployment is considered extremely high risk and strongly recommended against," Becta stated. "On the basis of current understanding, the total cost of deployment is significant, the risks are high, and the benefits are far from clear."

On ne saurait être plus clair. The risks are high, and the benefits are far from clear. Les risques sont élevés et les avantages peu évidents…

À quand de telles sages et pertinentes recommandations chez nos propres supérieurs du Ministère de l’Éducation Nationale ?[4]

Notes

[1] L’illustration est un détail d’une photographie de DiegoSCL intitulée Sadness issue de Flickr et sous licence Creative Commons BY.

[2] On notera qu’à aucun moment le gouvernement anglais trouve le libre très sympa pour obtenir des meilleurs prix chez Microsoft comme c’est malheureusement le cas chez son homologue français !

[3] Consultant indépendant à qui la Becta a commandé l’étude.

[4] Par extension, ce qui vaut pour l’école vaut ici un peu pour tout le monde en fait. Jamais à bien y réflechir la période n’a été si favorable au passage à Linux.




Merci monsieur le député d’apporter de l’eau à notre moulin !

Cazenave Rocard RMLL 2006 Nancy

Pas plus tard qu’hier je prenais pretexte d’une news du Café Pédagogique pour répéter (asséner ?) une nouvelle fois la bonne idée de substituer autant que faire se peut la suite bureautique propriétaire MS Office par la suite bureautique libre OpenOffice.org chez notre Mammouth préféré.

Quel ne fut pas alors mon plaisir de lire aujourd’hui sur son blog la question écrite de Richard Cazenave à Gilles de Robien, Ministre de l’Éducation Nationale, et publiée au Journal Officiel le 19 septembre 2006.

Nous les sans-grades, ça fait un petit bout de temps qu’on gesticule sous les fenêtres de nos hiérarchies pour que cela évolue en ce sens. Avoir l’appui d’un député (qui plus est de la majorité au pouvoir) ne peut que renforcer notre crédibilité et bien entendu contribuer à accélérer les choses.

Voici la question dans son intégralité :

Monsieur Richard Cazenave appelle l’attention de Monsieur le Ministre de l’Éducation Nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, sur les enjeux et les avantages du logiciel libre.

En effet, l’Etat, conscient de ces enjeux en termes d’indépendance technologique, de pérennité des informations et aussi au plan économique (les logiciels étant gratuits tandis que leur déploiement et leur maintenance s’effectue par des SSII présentes sur le territoire national ce qui permet de soutenir l’emploi national), commence à déployer massivement les logiciels libres dans les administrations.

Ainsi, après l’adoption par la Gendarmerie Nationale de la suite bureautique libre OpenOffice.org (et de son format de fichier ouvert OpenDocument), c’est au tour des ministères de migrer massivement, courant 2007, vers cette suite bureautique libre.

Il est donc temps que l’Education Nationale franchisse le pas et utilise massivement les logiciels libres dans son programme de formation et ne s’en remette pas uniquement à des éditeurs de logiciels propriétaires qui ne se conforment pas aux exigences des standards.

Le Député remercie donc le Ministre de bien vouloir l’éclairer sur les mesures qu’il compte prendre pour remédier à cette situation et permettre ainsi à l’Education Nationale d’assurer pleinement sa mission de formation aux TIC.

On attend avec impatience sa réponse 😉

PS1 : Richard Cazenave n’est pas un inconnu pour la communauté du Libre. Il a ainsi participé activement au récent (et houleux) débat lié au projet de loi DADVSI. A cette occasion il accepta le 28 mars dernier notre invitation originale à venir converser sur nos forums et répondre aux questions des visiteurs (cf l’archive de ses messages).

PS2 : La photographie de Richard Cazenave (en compagnie de Michel Rocard) a été prise lors de la table ronde politique des Rencontres Mondiales du Logiciel Libre cet été à Nancy.

<edit>

Je me permets d’ajouter ici en le recopiant le commentaire témoignage d’un dénommé Richard sous le billet du blog de Richard Cazenave car je le trouve fort intéressant.

Ce que le Ministre ne doit pas répondre :

«Les établissements sont libres d’utiliser l’une ou l’autre suite ! Beaucoup de sociétés utilisent (dans la vrai vie) principalement Microsoft . Il ne faut pas opposer monde propriétaire et monde libre car les deux correspondent à un besoin. D’autre part, libre ne veut pas dire gratuit et toute conduite du changement a un coût . »

Ça c’est le discours habituel , formaté et langue de bois qui a pour but de ne froisser personne.

Et pourquoi ne faudrait-t- il pas froisser Microsoft et M Balmer ? Parce que ce dernier est un ami personnel de M Breton ?

La réalité : Oui , beaucoup d’ industriels utilisent Word et alors ? L’éducation nationale ne peut elle pas pour une fois anticiper le mouvement vers le format de fichier ODF . La progression de cette norme est exponentielle et on peut espérer que ce format sera un jour le standard du marché . D’autre part, les .doc sont amenés à disparaître et c’est Microsoft qui le dit . Microsoft voudrait imposer sa norme XML mais le pari est loin d’être gagné et je ne voit pas pas pourquoi , tant qu’à prendre des paris ,on miserait plus sur Microsoft que sur l’ensemble du reste de l’industrie Informatique (IBM,SUN,Novell,Bull, etc )

« Il ne faut pas opposer monde propriétaire et monde libre » !! Ah oui , et pourquoi ne pas dénoncer que l’une fasse 90 % de bénéfice et pompe les finances publiques et celle de nos entreprises ? . Les entreprises (du monde entier) ne sont pas stupides et viendront tôt ou tard aux logiciels libres mais n’est ce pas au gouvernement de comprendre et leur donner l’impulsion nécessaire comme il le fait dans d’autres secteurs plutôt que de laisser « bêtement » le marché décider et nos entreprises prendre encore du retard ?

« Libre ne veut pas dire gratuit » ! Ah , ça c’est l’argument des imbéciles qui n’ont retenus que ça !! Oui , si Renault m’offre une voiture ( on peut rêver …), il faudra bien que j’aille la chercher au garage et que je mette un jour de l’essence dedans (ça me coûtera et du temps et un ticket de métro ! ) . Openoffice est gratuit ! Entièrement Gratuit ! Complètement gratuit ! (pour les utilisateurs) Maintenant , si je fais déplacer quelqu’un pour me l’ installer , ou pour me former , évidemment , ça va me coûter des sous ! Microsoft se déplace t ‘il « gratuitement » pour installer et former les gens à Office une fois que vous avez acheté leur produit ? C’est compris dans la boite ?

Mes enfants , dans leurs scolarité à l’école publique n’ont pas touché à un seul micro-ordinateur de la maternelle au lycée (faute de moyens) . Moi , dans la mienne , j’ai eu la chance de travailler sur To7 et mo5 ! J’ai maintenant la chance de n’avoir aucune appréhension à passer de Windows à Linux , de Unix à OSX , de Word à Abiword , d’ Openoffice à Kwrite ! Former les enfants à « Office » est donc une gigantesque connerie qui contribue à les rendre dépendant d’un produit au lieu de leur permettre de s’adapter à différentes situations. En plus , le coût des produits Microsoft pèse sur l’éducation nationale qui pour le coup ne peut pas équiper l’ensemble des établissements .

« Openoffice est déjà déployé dans les écoles . » allez vous me répondre ! Oui et ce n’est pas grâce à vous Monsieur le Ministre mais grâce au nombreux professeurs qui se dévouent malgré les directives de leur administration centrale qui continue à dealer avec Microsoft , (accords cadres , dicours très nuancé etc…) Le terrain attend un signe fort de reconnaissance sur les logiciels libres qui vienne de tout en haut et qui reconnaisse à sa juste valeur le travail accompli.

Merci M Cazenave de nous ouvrir cette tribune.