En forme de lettre ouverte au nouveau ministre de l’Éducation

L’article ci-dessous de Jean-Pierre Archambault évoque avec brio les enjeux éducatifs du libre et des standards ouverts.

Antérieur à sa nomination, il n’a pas été rédigé en direction de Vincent Peillon. Nous avons néanmoins choisi de l’interpeller en modifiant son titre tant il nous semble important de ne plus perdre de temps et de faire enfin des choix clairs et assumés en la matière[1].

S’il n’y avait qu’un document à lire sur l’éducation, ce serait peut-être celui-là…

One Laptop per Child - CC by

Enjeux éducatifs du libre et des standards ouverts

Jean-Pierre Archambault – janvier 2012 – EPI


La connaissance est universelle. Son développement, sa diffusion et son appropriation supposent de pouvoir réfléchir, étudier, produire, travailler ensemble, aisément et dans l’harmonie. Il faut pour cela des règles communes, des normes et standards.

Ouvert/fermé ?

Mais il y a standard (ouvert) et standard (fermé). « On entend par standard ouvert tout protocole de communication, d’interconnexion ou d’échange et tout format de données inter-opérables et dont les spécifications techniques sont publiques et sans restriction d’accès ni de mise en oeuvre »[2]. Cette définition « rend obligatoire l’indépendance des protocoles et des formats de données vis-à-vis des éditeurs, des fabricants et des utilisateurs de logiciels ou de systèmes d’exploitation ainsi que la mise à disposition de spécifications techniques documentées et non soumises à des royalties en cas de brevet. Mais elle permet que la mise à disposition sans restriction d’accès des spécifications, ou leur mise en oeuvre soit payante contre un paiement forfaitaire raisonnable (destiné par exemple à couvrir les frais relatifs à cette publication ou à la maintenance administrative des normes par leur éditeur) ».

Il y a de plus en plus d’immatériel et de connaissance dans les richesses créées et les processus de leur création. Conséquence, depuis des années, des processus de marchandisation sont en cours touchant des domaines d’activité qui relevaient prioritairement de l’action publique[3]. Cela vaut pour l’informatique en général et les TICE en particulier, mais aussi pour toute la connaissance scientifique, les semences, les médicaments et la santé, les savoirs ancestraux, l’eau, l’énergie, le vivant, la création artistique, les données publiques… et les ressources pédagogiques et l’éducation. Pédagogie et économie se trouvent ainsi étroitement mêlées. La pédagogie se situe pleinement au coeur des enjeux économiques, sociaux, culturels du monde actuel.

Les questions de l’accès et de la mise en oeuvre étant primordiales, normes et standards s’interpénètrent fortement avec les questions de propriété intellectuelle, ce qui amenait Michael Oborne, responsable du programme de prospective de l’OCDE, à dire, en 2002, que « la propriété intellectuelle deviendra un thème majeur du conflit Nord-Sud »[4]. On pourrait ajouter Nord-Nord.

D’abord à la demande du gouvernement américain, puis de la plupart des pays industrialisés, la protection des droits de propriété intellectuelle est devenue partie intégrante des négociations de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). C’est ainsi qu’a été négocié puis adopté l’accord sur les ADPIC (Accord sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce). Des normes sont imposées dans le cadre du commerce international. Des accords bilatéraux ou régionaux les renforcent. Ainsi ceux qui interdisent aux agences nationales du médicament de s’appuyer sur les résultats d’essais cliniques attestant de l’efficacité et de l’innocuité de molécules déjà commercialisées pour autoriser la mise sur le marché de génériques[5].

Imposer son standard, fermé, c’est acquérir une position dominante sur un marché, voire de monopole. Avec un format de fichier fermé, on verrouille un marché. L’informatique était libre à ses débuts. Son développement grand public a signifié la suprématie d’une informatique propriétaire avec ses formats et ses standards fermés. L’informatique libre s’est constituée en réaction à cette situation. Et ses partisans ne cessent de souligner qu’informatique libre et standards ouverts sont les deux faces d’un même combat. « L’approche des logiciels libres est intrinsèquement une réponse majeure aux impératifs de compatibilité, d’interopérabilité et d’échange puisque, le code source étant donné, “on sait tout”. Les spécifications sont publiques et il n’y a pas de restriction d’accès ni de mise en oeuvre »[6]. Nous présenterons donc les logiciels et les ressources libres, leurs licences notamment, leurs enjeux sociétaux et éducatifs. Ils sont à la fois des réponses concrètes à des questions de fabrication d’un bien informatique et outil conceptuel pour penser les problématiques de l’immatériel et de la connaissance.

La tendance au monopole de l’informatique grand public

Dans l’économie de l’immatériel en général, les coûts marginaux, correspondant à la production et la diffusion d’un exemplaire supplémentaire, tendent vers zéro. Les coûts fixes sont importants et les dépenses afférentes sont engagées avant que le premier exemplaire ne soit vendu. Les acteurs dominants sont donc en position de force.

Les externalités de réseau jouent également en leur faveur. En amont, un fabricant de composants, des développeurs de logiciels choisiront la plate-forme la plus répandue qui, de ce fait, le sera encore plus. En aval, les consommateurs se tournent prioritairement vers les grands éditeurs de logiciels, y voyant un gage de pérennité (confondant en la circonstance entreprise et produit, que l’on pense aux versions successives accélérées d’une même application sans que leur compatibilité soit assurée), un réseau dense d’assistance, de la compétence. Et un directeur informatique minimise ses risques face à sa hiérarchie, en cas de problèmes, en choisissant l’acteur dominant.

Enfin, l’acteur dominant propriétaire verrouille le marché, s’étant rendu incontournable avec ses standards et formats fermés. Par exemple, les utilisateurs de son traitement texte ne peuvent pas lire les fichiers réalisés par les usagers du traitement de texte d’un nouvel entrant sur le marché qui, eux, ne peuvent pas lire les fichiers des utilisateurs, beaucoup plus nombreux, du traitement de texte de l’acteur dominant. Or, quand on écrit un texte, c’est souvent pour que d’autres le lisent… Ces pratiques de verrouillage qui empêchent la communication, dissuadent l’adoption d’un nouveau produit concurrent et sont des entraves à la diversité et au pluralisme. La non-compatibilité est sciemment organisée pour des raisons commerciales qui vont à l’encontre des intérêts des utilisateurs.

Ce genre de situations se retrouve avec d’autres logiciels, ainsi ceux des TNI quand ils ne permettent pas de transférer un scénario pédagogique d’un environnement à un autre. Il en va autrement avec les standards et formats ouverts et avec les logiciels libres dont les auteurs font en sorte que leurs utilisateurs lisent et produisent des fichiers aux formats des logiciels propriétaires correspondants (en général une quasi compatibilité).

Les logiciels libres

Les logiciels libres s’opposent aux logiciels propriétaires, ou privatifs. Quand on achète ces derniers, en fait on achète le droit de les utiliser dans des conditions données, très restrictives. Pour cela, seul le code exécutable, code objet, est fourni.

En revanche, avec les logiciels libres, on bénéficie des quatre libertés suivantes. On peut :

  • les utiliser, pour quelque usage que ce soit,
  • en étudier le fonctionnement et l’adapter à ses propres besoins (l’accès au code source est une condition nécessaire),
  • en redistribuer des copies sans limitation aucune,
  • les modifier, les améliorer et diffuser les versions dérivées au public, de façon à ce que tous en tirent avantage (l’accès au code source est encore une condition nécessaire).

Ces libertés ne sont accordées qu’à la condition d’en faire bénéficier les autres, afin que la chaîne de la « vertu » ne soit pas interrompue, comme cela est le cas avec un logiciel du domaine public quand il donne lieu à une appropriation privée.

La licence GNU-GPL (General Public License), la plus répandue, traduit au plan juridique cette approche originale qui concilie le droit des auteurs et la diffusion à tous de la connaissance. Elle constitue une modalité particulière de mise à disposition d’une richesse créée. La licence GNU-GPL correspond bien à la nature du bien informatique, à la façon dont il se crée, dans des processus cumulatifs de correction des erreurs et d’amélioration du produit par les pairs, les développeurs et les utilisateurs. Elle est pertinente, contrairement au brevet qui signifie procès en contrefaçons à n’en plus finir et donc frein à l’innovation, à la création. Elle n’interdit aucunement des activités commerciales, de service essentiellement. Elle s’inscrit dans une philosophie de libre accès à la connaissance et de son appropriation par tous.

Pour lever certaines incertitudes, liées à la diffusion de logiciels libres sous licence de source américaine, le CEA, le CNRS et l’INRIA ont élaboré CeCILL, la première licence qui définit les principes d’utilisation et de diffusion des logiciels libres en conformité avec le droit français, reprenant les principes de la GNU-GPL[7]. La vocation de cette licence est d’être utilisée en particulier par les sociétés, les organismes de recherche et établissements publics français et, plus généralement, par toute entité ou individu désirant diffuser ses résultats sous licence de logiciel libre, en toute sécurité juridique.

La notion de logiciel libre n’est pas synonyme de gratuité, même si les tarifs pratiqués sont sans commune mesure avec ceux de l’informatique commerciale traditionnelle[8]. Il y a toujours la possibilité de se procurer un logiciel libre sans bourse délier. Les logiciels libres jouent un rôle de premier plan dans la régulation de l’industrie informatique. Ils facilitent l’entrée de nouveaux arrivants, favorisent la diversité, le pluralisme et la concurrence. Il peut arriver que la problématique de la gratuité brouille le débat. Elle n’est pas le problème. Les produits du travail humain ont un coût, la question étant de savoir qui paye, quoi et comment. La production d’un logiciel, qu’il soit propriétaire ou libre, nécessite une activité humaine. Elle peut s’inscrire dans un cadre de loisir personnel ou associatif, écrire un programme étant un hobby comme il en existe tant. Elle n’appelle alors pas une rémunération, la motivation des hackers (développeurs de logiciels dans des communautés) pouvant résider dans la quête d’une reconnaissance par les pairs. En revanche, si la réalisation se place dans un contexte professionnel, elle est un travail qui, toute peine méritant salaire, signifie nécessairement rémunération. Le logiciel ainsi produit ne saurait être gratuit, car il lui correspond des coûts. Mais, même quand un logiciel n’est pas gratuit, il doit le devenir lorsqu’il a été payé (par exemple, les collectivités ne doivent pas payer cent fois le même produit en agissant en ordre dispersé). C’est le cas quand il est sous licence libre. Autre chose est de rémunérer des activités de service sur un logiciel devenu gratuit (installation, adaptation, évolution, maintenance…). Même si, ne versons pas dans l’angélisme, la tentation existe de ne pas développer telle ou telle fonctionnalité pour se ménager des activités de service ultérieures.

Le paradigme de la recherche scientifique

L’approche du logiciel libre relève du paradigme de la recherche scientifique, ce qui a sa cohérence puisque l’informatique est une science ! À l’information, préoccupation structurelle majeure de la recherche correspond la publication du code source des logiciels. À la validation par les pairs correspond le débogage par des centaines, des milliers de programmeurs disséminés sur toute la planète. Comme on est plus intelligents à plusieurs que tout seuls, la qualité est (souvent) au rendez-vous. Et il y a les libertés de critiquer, d’amender, d’approfondir…

Les mathématiques sont libres depuis 25 siècles, depuis le temps où Pythagore interdisait à ses disciples de divulguer théorèmes et démonstrations. Or, à ses débuts, d’une manière qui était donc quelque peu paradoxale, l’approche du logiciel libre était perçue comme « nouvelle ». Alors que c’est le logiciel propriétaire qui l’est, depuis une trentaine d’années avec l’émergence d’un marché grand public. Il est vrai aussi que la « république des sciences » n’est plus ce qu’elle était, que le principal fil conducteur de la recherche scientifique devient la création de monopoles privés au détriment de la production de connaissances. Jean-Claude Guédon plaide pour l’accès libre aux résultats de la recherche afin de rétablir la « grande conversation ». Cette dérive de la science est notamment « justifiée » par le fait qu’il faut bien évidemment rémunérer les chercheurs. Le statut public de l’enseignant-chercheur a gardé toute sa pertinence : rémunération pour des activités pédagogiques (cours…) et résultats de la recherche, partie intégrante du patrimoine de l’humanité, mis à la disposition de tous. Point n’est donc besoin de multiplier les brevets. De plus, le partage valorise le chercheur, permet l’accès du Sud (et du Nord !) à la connaissance et le développement d’applications au bénéfice de tous.

Des modèles économiques

Donner un logiciel ? Il y a encore quelques années régnait un certain scepticisme. La réalité est passée par là. La majorité des serveurs Web de par le monde sont développés avec le logiciel libre Apache. Tous les constructeurs informatiques ont une politique, et des budgets, en matière de libre. Idem pour les entreprises en général. Linux est désormais un acteur à part entière du marché des systèmes d’exploitation et des serveurs (c’est le cas pour la quasi-totalité des environnements informatiques de l’administration centrale du ministère de l’Éducation nationale et des rectorats)… Les administrations et les collectivités locales se tournent effectivement vers le libre car l’argent public ne doit servir qu’une fois et, dès lors qu’il a été payé, un logiciel est gratuit.

Il y avait pourtant des antécédents célèbres. Au début des années 80, la DGT (Direction générale des télécommunications, le « France Télécom » de l’époque) a mis à disposition gratuitement le Minitel, un terminal qui coûtait cher, 4 ou 5 000 F. Coup de génie. Des millions d’utilisateurs, un Internet avant la lettre (en Grande Bretagne, échec retentissant car il fallait acheter le terminal). Et toute une économie de services qui s’est développée. Et beaucoup de communications téléphoniques. La démarche est fondamentalement la même avec les appareils photos bon marché qui génèrent plein de photos que l’on fait développer. Ou avec ces imprimantes très peu chères, et ces cartouches qui le sont davantage. Sans parler de Rockfeller qui distribuait des lampes à pétrole… La démarche gagne encore en pertinence dans le domaine de l’immatériel, dans le domaine des logiciels qu’il faut installer, personnaliser, modifier, maintenir… Choisir le libre pour une collectivité c’est aussi contribuer à substituer à une politique d’achat de licences des activités de service favorisant le développement de l’emploi local.

Au-delà des programmeurs, tous concernés

Une analogie avec la comptabilité nationale qui est publique. Tout le monde peut la consulter. Certes très peu le font. Pourtant c’est très important que l’on puisse le faire. C’est pareil avec les logiciels. Que fait exactement le système d’exploitation propriétaire d’un ordinateur quand une application dialogue avec votre machine alors que vous êtes connecté sur Internet ? Vous ne le savez pas. Peut-être communique-t-il à autrui le contenu de votre disque dur ? Gênant pour un individu. Et pour un État qui a confié son informatique, et ses secrets, au logiciel propriétaire d’une société étrangère. Et tout cela n’est pas que de la fiction. Cela existe dans la réalité. Ce simple exemple montre donc que tout le monde, informaticien ou non, est concerné par le fait que le code source d’un logiciel soit accessible.

Le libre est une réalité économique. Certains parlent alors d‘Open Source et de ses qualités : commodité, rentabilité, efficacité, fiabilité. Libre/Open source ? Il faut distinguer Open Source et logiciel libre. Pour Richard Stallman, fondateur du logiciel libre, à l’origine du projet GNU et de la GPL, le libre est une philosophie, une conception de la société à ne pas confondre avec l‘Open Source. Il a l’habitude dans ses conférences sur l’histoire du logiciel libre (en France en tout cas), de faire une référence appuyée à la devise « Liberté-Egalité-Fraternité ». Il s’agit de promouvoir un changement social par une action technique. L’enjeu est la liberté de l’utilisateur, le contrôle de son informatique.

Au-delà de l’informatique, les ressources pédagogiques

Le paysage de l’édition scolaire s’est profondément transformé de par l’irruption de l’informatique et des réseaux. Et du libre dont on pu rapidement constater une transférabilité à la production d’autres ressources immatérielles, tant du point de vue des méthodes de travail que de celui des réponses apportées en termes de droit d’auteur. C’est le cas des ressources pédagogiques et tout le monde a en tête les réalisations remarquables de l’association Sésamath. Cette association est synonyme d’excellence en matière de production pédagogique et de communauté d’enseignants-auteurs-utilisateurs. Sésamath a reçu une mention d’honneur pour le prix 2007 Unesco-Roi Hamad Bin Isa Al-Khalifa sur l’utilisation des technologies de l’information et de la communication dans l’éducation. L’Unesco a décidé d’attribuer une mention spéciale au projet de manuel libre « pour la qualité de ses supports pédagogiques et pour sa capacité démontrée à toucher un large public d’apprenants et d’enseignants ». L’association a également été récompensée aux Lutèce d’Or (Paris capitale du libre).

D’évidence, il existe des auteurs par milliers, des acteurs multiples (enseignants, associations, institutions, collectivités territoriales) qui mettent en place des coopérations souples et diverses. Certes, de tout temps les enseignants ont réalisé des documents en préparant leurs cours. Mais, avant la banalisation des outils numériques de production des contenus (traitement de texte, présentation, publication) et le développement d’Internet qui donne à l’auteur un vaste public potentiel qui peut aisément reproduire les documents qu’il a récupérés, qui en bénéficiait ? Les élèves du professeur. Des collègues de son lycée. Des élaborations collectives de sujets existaient pour des contrôles communs. Mais, rappelons-nous qu’à cette époque les photocopieuses étaient rarissimes et l’usage de la machine à alcool avait un côté pour le moins fastidieux. Au-delà de ces premiers cercles proches, les choses se compliquaient encore davantage. Il fallait mettre en forme le manuscrit et la machine à écrire manquait de souplesse. Et en cas de projet de manuel, l’éditeur constituait le passage obligé, et tout le monde n’était pas élu. On lui accordait d’autant plus facilement des droits sur la production des oeuvres que l’on ne pouvait pas le faire soi-même. Les conditions de cet exercice délicat de production de ressources pédagogiques ont radicalement changé. La conséquence en est la profusion de ressources éducatives sur Internet. Ce nouveau paysage constitue pour les enseignants et le service public d’éducation, une opportunité et, pour les éditeurs traditionnels, une obligation de se repositionner. Les technologies de l’information et de la communication contribuent à modifier les équilibres et les positions anciennement installés. Leur « enfant chéri », le manuel scolaire, est entré dans une période de turbulences avec le manuel numérique.

Le pourquoi de la propriété intellectuelle

À ce stade, il n’est pas inutile de rappeler le pourquoi du droit d’auteur et des brevets afin de ne pas se laisser enfermer dans des arguties de convenance. L’objectif fondamental est de favoriser la création des richesses, au nom de l’intérêt général, et pour cela il faut concilier incitation à l’innovation et diffusion technologique, dépasser le dilemme entre performance individuelle et efficacité collective, inciter les entreprises individuelles à l’innovation en leur garantissant une situation de monopole temporaire dans l’exploitation des droits. Et, plus encore que par le passé, l’incitation à l’innovation n’a de sens que si la technologie se diffuse et irrigue l’ensemble de la structure dont elle participe ainsi à l’amélioration de l’efficience collective. Les limitations à la libre circulation de l’information et de la connaissance ne se justifient en dernière instance que par l’objectif d’encourager et de valoriser le travail intellectuel quand il est au service de tous. Le risque existe de justifier dans une dialectique un peu spécieuse des pratiques commerciales par une prééminence d’un droit qui serait immuable, ou de déclarer illégitime une réflexion sous le prétexte qu’elle serait iconoclaste au regard d’une législation en vigueur.

En son temps, Victor Hugo disait que « le livre, comme livre, appartient à l’auteur, mais comme pensée, il appartient – le mot n’est pas trop vaste – au genre humain. Toutes les intelligences y ont droit. Si l’un des deux droits, le droit de l’écrivain et le droit de l’esprit humain, devait être sacrifié, ce serait, certes, le droit de l’écrivain, car l’intérêt public est notre préoccupation unique, et tous, je le déclare, doivent passer avant nous »[9].

Rendons hommage à Boris Vian pour sa vision prémonitoire de certains « débats » qui nous occupent aujourd’hui. Auteur-compositeur-interprète, musicien de jazz, écrivain… et centralien, dans En avant la zizique[10], il pointait une relation conflictuelle, en observant l’attitude du commerçant qui intime à l’artiste de « se contenter de son talent et de lui laisser l’argent » et qui s’ingénie souvent « à brimer ce qu’il a fait naître en oubliant qu’au départ de son commerce il y a la création ». Boris Vian remarquait que « le commercial se montrait également agressif par rapport au bureau d’études qui s’apprêtait à lui porter un coup dont il ne se relèverait pas, à savoir l’automation de ses fonctions ». Et de lui conseiller d’en profiter car cela ne durerait pas éternellement !

Les licences Creative Commons

La numérisation des oeuvres et de la connaissance en général, et leur diffusion sur Internet posent avec une acuité sans pareille le problème de l’usage que l’on peut en faire. Des millions d’utilisateurs ont accès à des millions d’oeuvres, grandes ou petites. Difficile d’imaginer que leur utilisation puisse passer par une demande d’autorisation. De ce point de vue, le copyright est un non-sens sur Internet. La loi doit pouvoir être applicable. D’où la pertinence de la démarche de Creative Commons dans laquelle l’auteur, en mettant à disposition sa création sur la Toile, indique ce que les internautes peuvent en faire.

La démarche est issue de la licence GPL qui, bien adaptée aux logiciels, n’en a pas moins une portée plus large. Mais il serait absurde de vouloir transposer tel quel ce modèle aux créations de l’esprit, d’une manière indifférenciée. Les modalités juridiques doivent tenir compte de la spécificité d’un bien. Un morceau de musique, par exemple, n’est ni une oeuvre littéraire, ni une documentation informatique ou une ressource pédagogique. On peut, également, souhaiter la diffusion d’un article sans pour autant permettre des modifications successives, au terme desquelles on ne reconnaîtrait plus l’original. Une chose est sa diffusion et sa libre circulation sans contraintes, pour que l’on puisse réagir, approfondir, critiquer… autre chose est son éventuelle dénaturation ou disparition de fait. Dans pareil cas, on parlera plutôt de « ressource à diffusion libre ». Par ailleurs, la légalité se doit d’être morale. Les médecins, qui importent illégalement des copies de médicaments sous brevet pour soigner des malades, se moquent éperdument de savoir si leur geste est légal ou non : il est vital tout simplement. La légalité est aussi une notion relative. Ainsi, le laboratoire indien Cipla, qui produit des traitements antirétroviraux contre le sida en copiant des molécules des firmes pharmaceutiques occidentales, protégées par des brevets, est-il un « pirate » ? Non, car la législation indienne ne reconnaît pas les brevets sur les médicaments. Cipla est donc une entreprise parfaitement légale, au regard de la loi de son pays[11].

L’objectif général, clairement exprimé, est de favoriser la diffusion et l’accès pour tous des oeuvres de l’esprit, la production collaborative, en conciliant les droits légitimes des auteurs et des usagers. Il reste à en définir les modalités juridiques permettant une circulation fluide des documents et, si nécessaire, leur modification. Le projet Creative Commons s’y emploie. Il a vu le jour à l’université de Standford, au sein du Standford Law School Center for Internet et Society, à l’initiative notamment de Lawrence Lessing. Il s’agit d’adapter le droit des auteurs à Internet et de fournir un cadre juridique au partage sur la Toile des oeuvres de l’esprit. L’économie de l’édition ne peut plus se confondre avec celle du support des oeuvres, maintenant qu’elles ne sont plus attachées à un support unique, le livre par exemple. Il faut redéfinir les utilités sociales, les raisons d’être.

Creative Commons renverse le principe de l’autorisation obligatoire. Il permet à l’auteur d’autoriser par avance, et non au coup par coup, certains usages et d’en informer le public. Il est ainsi autorisé d’autoriser ! Métalicence, Creative Commons permet aux auteurs de se fabriquer des licences, dans une espèce de jeu de LEGO simple, constitué de seulement quatre briques. Première brique, Attribution : l’utilisateur, qui souhaite diffuser une oeuvre, doit mentionner l’auteur. Deuxième brique, Commercialisation : l’auteur indique si son travail peut faire l’objet ou pas d’une utilisation commerciale. Troisième brique, non-dérivation : un travail, s’il est diffusé, ne doit pas être modifié. Quatrième brique, Partage à l’identique : si l’auteur accepte que des modifications soient apportées à son travail, il impose que leur diffusion se fasse dans les mêmes termes que l’original, c’est-à-dire sous la même licence. La possibilité donnée à l’auteur de choisir parmi ces quatre composantes donne lieu à onze combinaisons de licences. Grâce à un moteur de licence proposé par le site de Creative Commons, l’auteur obtient automatiquement un code HTML à insérer sur son site qui renvoie directement vers le contrat adapté à ses désirs.

« Localisation » des ressources

Si chacun a vocation à produire ses propres ressources, la coopération internationale et des formes de solidarité numérique c’est aussi l’adaptation de celles réalisées par l’autre[12]. Avec le libre, chaque communauté peut prendre en main la localisation/culturisation qui la concerne, connaissant ses propres besoins et ses propres codes culturels mieux que quiconque. Il y a donc, outre une plus grande liberté et un moindre impact des retours économiques, une plus grande efficacité dans le processus, en jouant sur la flexibilité naturelle des créations immatérielles pour les adapter à ses besoins et à son génie propre. C’est aussi plus généralement ce que permettent les « contenus libres », c’est-à-dire les ressources intellectuelles – artistiques, éducatives, techniques ou scientifiques – laissées par leurs créateurs en usage libre pour tous. Logiciels et contenus libres promeuvent, dans un cadre naturel de coopération entre égaux, l’indépendance et la diversité culturelle, l’intégration sans l’aliénation.

L’exception pédagogique

La réalité montre que numérique, droit d’auteur et pédagogie entretiennent des liens étroits. Les enseignants utilisent leurs propres documents ainsi que les productions de l’édition scolaire, dont la raison d’être est de réaliser des ressources pour l’éducation, et qui bien évidemment doit en vivre. Ils utilisent également des ressources qui n’ont pas été réalisées explicitement pour des usages scolaires. Cela est vrai pour toutes les disciplines, mais particulièrement dans certaines d’entre d’elles comme l’histoire-géographie, les sciences économiques et sociales ou la musique : récitation d’un poème, lecture à haute voix d’un ouvrage, consultation d’un site Web… Ces utilisations en classe ne sont pas assimilables à l’usage privé. Elles sont soumises au monopole de l’auteur dans le cadre du principe de respect absolu de la propriété intellectuelle. Cela peut devenir mission impossible, tellement la contrainte et la complexité des droits se font fortes. Ainsi pour les photographies : droits du photographe, de l’agence, droit à l’image des personnes qui apparaissent sur la photo ou droit des propriétaires dont on aperçoit les bâtiments… Difficile d’imaginer les enseignants n’exerçant leur métier qu’avec le concours de leur avocat ! Mais nous avons vu les licences Creative Commons qui contribuent, en tout cas sont un puissant levier, à développer un domaine public élargi de la connaissance. Et la GNU-GPL et le CeCILL qui permettent aux élèves et aux enseignants de retrouver, dans la légalité, leurs environnements de travail sans frais supplémentaires, ce qui est un facteur d’égalité et de démocratisation.

L’exception pédagogique, c’est-à-dire l’exonération des droits d’auteurs sur les oeuvres utilisées dans le cadre des activités d’enseignement et de recherche, et des bibliothèques, concerne potentiellement des productions qui n’ont pas été réalisées à des fins éducatives. Elle reste posée avec une acuité accrue dans le contexte du numérique. L’activité d’enseignement est désintéressée et toute la société en bénéficie. L’enjeu est de légaliser un « usage loyal » de ressources culturelles au bénéfice des élèves, dans le cadre de l’exercice de leur métier7.

L’immatériel et la connaissance

Dans les colonnes du Monde diplomatique, en décembre 2002, John Sulston, prix Nobel de médecine, évoquant les risques de privatisation du génome humain, indique que « les données de base doivent être accessibles à tous, pour que chacun puisse les interpréter, les modifier et les transmettre, à l’instar du modèle de l’open source pour les logiciels ». Ce propos illustre la question de savoir si le modèle du libre préfigure des évolutions en termes de modèles économiques et de propriété intellectuelle (droit d’auteur, brevets).

Il y a relativement de plus en plus de biens immatériels. Et de plus en plus d’immatériel et de connaissance dans les biens matériels et dans les processus de création de la richesse. La dialectique coopération-espaces publics/concurrence-enclosures est universelle[13]. Quel est le terme de la contradiction qui est le plus efficace pour produire des richesses à l’heure de l’entrée dans l’économie du savoir dans laquelle l’immatériel et la connaissance jouent un rôle de plus en plus décisif ? On sait que la connaissance fuit la clôture. Et l’approche du libre a montré concrètement sa pertinence pour produire des biens de connaissance de qualité, des biens communs informatiques mondiaux. Alors…

Jean-Pierre Archambault
Président de l’EPI
(Enseignement Public et Informatique)

Paru initialement dans la revue Frantice.net n° 4, Normes et standards éducatifs : état, enjeux et perspectives, janvier 2012, p. 77-85.

Notes

[1] Crédit photo : One Laptop per Child (Creative Commons By)

[2] Voir, dans la loi française nº 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, cette définition d’un standard ouvert (Titre Ier, De la liberté de communication en ligne, Chapitre 1er, La communication au public en ligne, article 4).

[3] « L’école et les TIC : marchandisation/pédagogie », Jean-Pierre Archambault, Revue de l’EPI n° 101, mars 2001, p. 35-45.

[4] Dossier Le vivant, nouveau carburant de l’économie, Le Monde Économie du mardi 10 septembre 2002.

[5] Libres savoirs – Les biens communs de la connaissance, ouvrage coordonné par l’association Vecam.

[6] Tout logiciel est écrit par un programmeur dans un langage « évolué », et comporte des instructions qui en constituent le « code source » ; ce code est ensuite compilé en « code objet », c’est-à-dire transformé en une suite quasi incompréhensible de 0 et de 1, de manière à être exécuté par l’ordinateur. Par exemple, l’instruction conditionnelle suivante est écrite dans un langage évolué : « si x=5 alors x=x+4 » ; cette ligne de code source est parfaitement compréhensible (on effectue un test sur le contenu de la variable informatique x, puis, selon le résultat, on procède ou non à l’affectation d’une nouvelle valeur à la variable x) ; compilée, il lui correspond un code objet (011101000…), interprétable par la machine, mais effectivement incompréhensible pour un humain.

[7] « Numérique, droit d’auteur et pédagogie », Jean-Pierre Archambault, Terminal n° 102, Automne-Hiver 2008-2009, édition l’Harmattan, p. 143-155.

[8] « Gratuité et prix de l’immatériel », Jean-Pierre Archambault, Médialog n° 72, décembre 2009, p. 40-43.

[9] Discours d’ouverture du Congrès littéraire international, Victor Hugo, 17 juin 1878, in Jan Baetens, Le combat du droit d’auteur, Les impressions nouvelles, Paris 2001, p. 158.

[10] 1958, édition Le livre contemporain.

[11] Il reste à s’assurer que le contexte est toujours exactement le même et si des « accords » dans le cadre OMC ne sont malheureusement pas passés par là.

[12] « Solidarité numérique avec des logiciels et des ressources libres », Jean-Pierre Archambault, EpiNet n° 111, janvier 2009.

[13] « Coopération ou concurrence ? », Jean-Pierre Archambault, Médialog n° 48, décembre 2003, p. 40-43.




Quand le patron de Google donne la leçon à l’Angleterre sur l’éducation

Rex Pe - CC byLittéraire ou scientifique ? Non, littéraire et scientifique !

La fameuse séparation culturelle française semble également de mise en Angleterre. Et selon le Directeur exécutif de Google, Eric Schmidt, elle est fortement handicapante dans le monde d’aujourd’hui.

Il est quelque part étrange de voir une multinationale faire la leçon à un État. Mais telle est l’époque dans laquelle nous vivons, et le pire c’est que Schmidt a raison. La critique fait mal pour un pays qui a été si innovant par le passé.

Il juge en outre tout à fait incohérent de ne pas enseigner l’informatique à l’école[1] pour comprendre comment les logiciels sont conçus plutôt que de se contenter de savoir les utiliser.

La situation est peu ou prou identique en France. Et nous risquons fort d’accompagner, voire devancer, la Perfide Albion dans sa chute si nous n’y faisons rien[2].

Eric Schmidt, président de Google, critique vertement le système éducatif britannique

Eric Schmidt, chairman of Google, condemns British education system

James Robinson – 26 août 2011 – The Guardian
(Traduction Framalang : DéKa)

Schmidt critique la division entre les sciences et les arts et lettres et affirme que le Royaume-Uni « devrait revenir sur les heures de gloire de l’ère victorienne ».

Le président de Google a très violemment critiqué le système éducatif britannique soutenant que le pays a échoué à exploiter sa position dominante en matière d’innovation technique et scientifique.

Au cours de la conférence annuelle Mac Taggard à Edimbourg, Eric Schmidt a évoqué « une dérive vers les sciences humaines » et a critiqué l’émergence de deux champs antagonistes « se dénigrant l’un l’autre, autrement dit, pour reprendre une expression locale, vous êtes soit un lettré, soit un matheux ».

Schmidt s’en est également pris à Lord Sugar, haut responsable du Parti travailliste et star du programme de la BBC The Apprentice, qui a récemment déclaré au cours de l’émission que les « ingénieurs n’étaient pas de bons commerciaux ». Schmidt a confié au MediaGuardian Edinburgh international TV festival : « Au cours du siècle dernier, la Grande Bretagne a brusquement cessé de former et d’encourager ses polymathes. Il faut à nouveau réunir les sciences et les arts ».

Ce vétéran de la technologie, qui a rejoint Google il y a dix ans pour aider les fondateurs Larry Page et Sergey Brin à développer la société, soutient que l’Angleterre devrait se pencher sur ses « heures de gloire » de la période victorienne pour se rappeler que les deux disciplines peuvent travailler ensemble.

« Il fut un temps où c’était les mêmes personnes qui écrivaient des poèmes et fabriquaient des ponts », dit-il, « Lewis Carroll n’a pas uniquement écrit l’un des contes les plus célèbres au monde. Il était également professeur de mathématiques à Oxford. Et Einstein disait de James Clerk Maxwell qu’il n’était parmi seulement l’un des meilleurs physiciens depuis Newton mais aussi un poète confirmé. »

Les commentaires de Schmidt font écho à ceux de Steve Jobs, qui a révélé cette semaine qu’il cessait son activité au sein d’Apple. Ce dernier a un jour confié au New York Times que « si le Macintosh a eu un tel succès c’est parce que les gens qui ont participé à sa conception étaient des musiciens, des artistes, des poètes et des historiens, qui se trouvaient être également d’excellents informaticiens ». Schmidt a rendu hommage à la si réputée innovation britannique, rappelant que le Royaume-Uni avait « inventé les ordinateurs aussi bien en théorie qu’en pratique », avant de souligner que le premier ordinateur de bureau « a été construit en 1951 par J. Lyons, originellement une chaîne de magasin de thé ».

« Cependant », dit il, « le Royaume-Uni n’a pas réussi à concrétiser ses idées pour créer de durables industries dominantes sur le marché ».

« Le Royaume-Uni est le berceau de temps d’inventions liées au médias. Vous avez inventé la photographie. Vous avez inventé la télévision », dit-il, « Pourtant aujourd’hui aucun des grands leaders de ces deux domaines ne provient du Royaume-Uni ». Et d’ajouter : « Merci pour vous innovations et vos brillantes idées. Vous n’en tirez cependant aucun bénéfice à l’échelle mondiale ».

Selon lui, les start-ups britanniques d’une certaine dimension ont toujours fini par se vendre à des sociétés étrangères, alors que c’est le contraire qui devrait se produire. « Le Royaume-Uni apporte un réel soutien à ses petites et moyennes entreprise, mais il n’y a pas grand intérêt faire germer des milliers de graines si c’est pour les laisser dépérir ou les transplanter à l’étranger. Les entreprises britanniques ont besoin d’être défendues pour pouvoir se faire une place sur le marché international, sans avoir à se vendre à des sociétés étrangères. Si vous ne relevez pas ce défi, le Royaume-Uni sera toujours le berceau de l’invention, mais pas du succès à long terme. »

Schmidt a expliqué qu’à force de ne pas enseigner la programmation à l’école, le pays inventeur de l’ordinateur était en train de « se débarrasser d’un important héritage informatique ». « J’étais sidéré », dit-il, « d’apprendre qu’il n’existe même pas d’enseignement de base de l’informatique dans les écoles britanniques aujourd’hui. Votre programme de technologie se concentre sur la manière d’utiliser un logiciel, mais n’explique pas comment il a été conçu. »

Barack Obama a annoncé en juin que les Etats-Unis formeraient 10 000 ingénieurs en plus par an. « J’espère que d’autres vont suivre. Le monde a besoin de plus d’ingénieurs », a continué Schmidt. « Pour que les entreprises innovantes britanniques puissent s’épanouir dans l’avenir digital, vous allez avoir besoin de gens capables de comprendre toutes ses facettes. Prenez exemple sur les Victoriens et ignorez les préjugés d’un Lord Sugar : Intégrez des ingénieurs dans vos sociétés à tous les niveaux, même les plus élevés. »

Notes

[1] Crédit photo : Rex Pe (Creative Commons By)

[2] On pourra également lire l’article de Slate.fr La programmation pour les enfants: et pourquoi pas le code en LV3 ?




Logiciels libres et éducation : la BBC s’y met aussi

Amerune - CC byRestons en Angleterre pour évoquer l’ouverture d’un récent et prometteur projet de la BBC autour du logiciel libre et de l’éducation : le BBC Learning Open Lab (dont nous avons traduit la présentation ci-dessous). On notera qu’ils préfèrent utiliser le terme « Open Source », ce qui leur permet alors d’englober sous ce vocable non seulement les logiciels mais tout ce qui va « autour » : technologies, formats, licences et contenus.

Ils ont raison de faire ces associations. Et j’aurais presque envie d’y ajouter les pratiques voire même la culture commune.

Or c’est notamment là que pour le moment « ça coince un peu » chez nous en France. Si l’influence disproportionnée d’un Microsoft n’avait pour conséquence que de retarder le déploiement de l’alternative libre qu’est OpenOffice.org, ce serait certes contrariant (perte de temps, d’énergie…) mais ce serait non critique. Après tout il ne s’agit que de remplacer un outil par un autre, fut-il libre.

Si par contre cela aboutissait à ce que le modèle et les mentalités « propriétaires » perdurent ou pire se renforcent (comme on peut le voir actuellement sur le site Educnet qui a décidé de ne pas modifier ses édifiantes présentations) alors là oui, effectivement, cela pourrait devenir à la longue plus problématique[1].

Je résume rapidement le petit tour britannique réalisé par le Framablog au cours de ces derniers mois. L’école se bouge avec le Becta qui est capable de pondre un rapport lucide sur Vista et MS Office, d’engager des discussions sur les formats bureautiques (en face à face avec Microsoft) et les formats associés aux tableaux numériques, et de créer un site ambitieux d’enseignants autour du Libre. Ajoutez-y donc également aujourd’hui la BBC et le politique qui pointe le bout de son nez, et vous obtenez le portrait d’un pays en mouvement qui semble se poser les bonnes questions et agir en conséquence.

Je ne désespère pas de vous parler d’une contrée plus proche la prochaine fois…

À propos du BBC Learning – Open Lab

About BBC Learning – Open Lab

(Traduction Framalang : Don Rico)

Le BBC Learning – Open Lab est le fruit d’une collaboration entre BBC Learning, BBC Future Media and Technology et BBC Backstage.

Le terme « Open Source » (OS) désigne la technologie, les logiciels et le contenu que tout un chacun est libre d’utiliser, adapter, améliorer et redistribuer librement. La licence appliquée à l’Open Source est différente de celle qui s’applique au « logiciel propriétaire ». Le logiciel propriétaire est toujours accompagné d’un accord de licence qui en restreint l’utilisation et interdit de le modifier, de le copier et de le distribuer gratuitement.

Le BBC Open Lab est un espace où vous pouvez vous créer un réseau et collaborer avec d’autres utilisateurs en mesure de vous faire profiter de leurs compétences et de vous aider dans un domaine que vous connaissez peut-être mal. Utilisez ce site pour accéder aux derniers matériaux Open Source mis à disposition par la BBC, visionner des projets modèles, partager des idées et des informations concernant l’Open Source, lire des billets de blogs publiés régulièrement, obtenir aide et conseils. Vous êtes enseignant, vous avez trouvé un outil en ligne qui ne correspond pas tout à fait à vos attentes ? Postez un commentaire sur Open Lab afin de partager vos idées de modifications et d’améliorations, et voyez si la communauté peut vous aider.

Travaillant en partenariat avec BBC Backstage, notre but est de soutenir l’engagement de la BBC envers l’ouverture et de…

  • Soutenir le développement de code, d’applications et de projets libres d’utilisation et axés sur l’éducation.
  • Encourager les enseignants, les développeurs et les étudiants à innover grâce à la création et à la distribution d’outils et de contenus ouverts.
  • Faciliter la communication intersectorielle depuis le primaire jusqu’à l’enseignement supérieur, en encourageant la transmission du savoir et la culture de pratiques et de réflexions novatrices.
  • Contribuer à l’essor de l’Open Source au Royaume-Uni.
  • Fournir des ressources pédagogiques nouvelles : backstage.bbc.co.uk/openlab

Notes

[1] Crédit photo : Amerune (Creative Commons By)




Quand le marketing Microsoft cible l’éducation et ses enseignants clients

Logo CMIT 2009 - Grand prix MicrosoftCe n’est pas faute d’avoir tenté de contrarier la chose, mais, beau joueur, le Framablog tient à féliciter chaleureusement Microsoft pour avoir récemment remporté le Grand Prix « Acquisition et Fidélisation Clients » grâce à sa campagne « Éducation » réalisée avec l’agence Infoflash, lors du quatrième forum du CMIT (qui a réuni près de trois cents professionnels de la communauté du marketing et de la communication du secteur des TIC).

J’espère que Thierry de Vulpillières n’oubliera pas d’associer le Café Pédagogique et Projetice à un succès auquel ils ont grandement contribué.

Sur le site d’Infoflash (qui porte bien son nom), on peut lire la campagne ainsi résumée :

Microsoft France
Office 2007 à la conquête des enseignants

L’objectif
Une campagne de conquête de marché et d’adoption d’Office dans l’Éducation

La cible
Les enseignants des 12 000 collèges et lycées et des 40 000 écoles primaires

L’idée
Une communication personnalisée par discipline enseignée avec un mix print et web provoquant l’adhésion des enseignants et leur reconnaissance

Les moyens
Un dispositif efficace : poster, lettre d’introduction, mailing, portail de téléchargement riche et interactif avec introduction en vidéo. Un message positif, clair et personnalisé aux cibles identifiées

On trouve plus de détails sur un communiqué de presse d’Infoflash, daté du 29 janvier dernier et titré « Microsoft part à l’assaut du monde de l’éducation avec Infoflash » (sic !), dont voici quelques extraits.

Au 1er semestre 2008, la division Microsoft Education a sollicité les équipes d’Infoflash pour créer en un mois seulement une mécanique et les outils les mieux adaptés à sa campagne de communication autour de Microsoft Office Professionnel 2007.

L’agence a donc proposé une communication personnalisée par discipline enseignée avec un mix print et web destiné à susciter l’adhésion des enseignants et leur reconnaissance. En plus de créer deux sites Internet performants pour sensibiliser et répondre à leurs attentes, des mailings personnalisés ainsi que des mailings promotionnels ont été envoyés aux enseignants et aux établissements scolaires ciblés.

Infoflash a mené cette campagne en deux temps : En juin 2008, un mailing personnalisé a été envoyé à 120 000 enseignants et personnels de collèges pour leur faire découvrir Microsoft Office Professionnel 2007. Ce mailing les encourageait à télécharger gratuitement la licence et à se former pendant l’été sur www.officepourlesenseignants.fr, site réalisé pour la campagne.

Voir le billet Microsoft Office 2007 désormais gratuite pour tous les enseignants sur le Framablog.

En novembre 2008, ce sont deux vagues de mailings spécifiques qui ont été initiées par Infoflash. Un mailing promotionnel a ainsi été envoyé à 12 000 personnels de collèges (principaux, documentalistes et intendants) pour faire découvrir Microsoft Office Professionnel 2007 aux établissements grâce à une offre promotionnelle d’achats de licences à prix très attractif en accédant à www.officepourlesetablissements.fr

Voir le billet L’accès au fichier professionnel des enseignants : l’exemple Microsoft sur le Framablog.

Un 2e mailing a été envoyé à 350 000 enseignants dont 30 000 enseignants en école primaire pour leur proposer le téléchargement gratuit de la solution Microsoft pour leur usage personnel ainsi que l’accès à 350 tutoriels pour les aider à préparer leurs élèves au B2i.

Voir le billet L’influence de Microsoft à l’école n’est-elle pas disproportionnée ? sur le Framablog.

Le dispositif global mis en place autour de Microsoft Office Professionnel 2007 a donc servi à la fois aux enseignants (gain de temps, préparation des cours…) et aux élèves (traitement de texte, tableur, recherche sur Internet).

Voir le billet Le débat sur Windows Vista et MS Office 2007 à l’école aura-t-il lieu ? sur le Framablog.

Le communiqué s’achève sur deux témoignages :

« Nous avons pu constater que les enseignants et le personnel des établissements scolaires ont très bien perçu cette campagne ; ce qui a indéniablement permis d’augmenter la visibilité de cette solution proposée par Microsoft » précise Frédérique Dublanc, Directrice de clientèle chez Infoflash.

« Au-delà de la rapidité avec laquelle a été conçue cette campagne intégrée, il faut noter que c’est un des 1ers sites à avoir été développé en Silverlight, ce qui a permis la diffusion de l’offre Microsoft Office 2007 Professionnel pour les Enseignants mais aussi l’appropriation de nos technologies web » indique Simon Mouyal, Directeur de la communication PME-PMI de Microsoft France.

Bien vu le coup de Silverlight, soit dit en passant.

Difficile de reprocher quoi que ce soit à Infoflash qui s’exprime ici dans la culture et le vocable issus de son secteur professionnel, mais suis-je le seul à tiquer lorsque la « cible » est l’Éducation nationale et les « clients » ses enseignants ?




Wikipédia et éducation : un exemple de réconciliation 5/6

Cet article fait partie du dossier Wikipédia et éducation : un exemple de réconciliation.

C’est la traduction d’un article qui part de notre exemple de projet pédagogique réussi pour effectuer une courte analyse des relations entre Wikipédia et l’éducation qui est ici présentée[1].

Copie d'écran - Wikipédia - Bilan et perspectives

Des écoles et des universités à l’origine de contenu de qualité

Featured content from schools and universities

Jbmurray et Tony1 – 9 mai 2008 – Wikipédia
(Traduction Framalang : Olivier et Jean)

Les relations entre Wikipédia et le système éducatif peuvent parfois être paradoxales. Les expériences récentes de deux projets universitaires aux destinées diamétralement opposées en sont le parfait exemple. Comme le relate le Signpost daté du 14 avril 2008, le projet MMM alias Murder, Madness, and Mayhem (NdT : Meurtre, Folie et Chaos) a fourni trois Articles de Qualité et huit Bons Articles au cours du semestre universitaire. Parmi ces articles se trouve le tout premier exemple de contenu de qualité créé dans le cadre d’un examen académique, un article sur le roman guatémaltèque El Señor Presidente qui a eu les honneurs de la page d’accueil du 5 mai 2008.

Dossier Wikipédia - College graduate students - CC byA l’opposé, ces derniers jours nous ont fourni un contre-exemple d’intégration de Wikipédia à un cursus universitaire. L’histoire a déjà fait couler beaucoup d’encre sur le forum des administrateurs : un professeur d’économie internationale (NdT : « Global Economics ») a demandé à ses étudiants d’envoyer leurs travaux sur Wikipédia, mais ils ont pour la plupart étaient rapidement effacés, fusionnés ou redirigés. Parmi les soixante-dix articles nouvellement créés, environ la moitié a été effacée et beaucoup ont été fusionnés ou redirigés, seuls sept ont à peu près survécu dans leur forme originale et un seul (sur le trafic d’organes) n’est pas affublé d’une étiquette demandant des changements. Reste maintenant à savoir si les projets futurs ressembleront à Murder, Madness and Mayhem et sauront éviter les écueils de la tentative de notre professeur de « Global Economics ».

Historique des projets pédagogiques sur Wikipédia

Ces deux extrêmes ne sont pas les premiers projets éducatifs dans Wikipedia. Au cours des cinq dernières années plus de soixante-dix initiatives semblables sont apparues sur la page Wikpedia:School and university projects. À leur origine, des institutions aussi diverses que l’université de Yale ou l’université de Tartu, en Estonie sur des sujets allant de l’immunologie à la Rome antique. Il est très probable que pour chaque projet déclaré, plusieurs autres ont lieu sans déclaration formelle. Il y a deux ans de cela, le Signpost titrait Nette augmentation des projets pédagogiques sur Wikipédia. En effet, de plus en plus d’universitaires et de professeurs valorisent les contributions de leurs étudiants à Wikipédia et on estime que ce mouvement est en augmentation. Les professeurs et les étudiants peuvent trouver des conseils et de l’aide sur la page WikiProject Classroom Coordination.

Tous ces projets ne visaient pas l’obtention du grade de contenu de qualité, Wikipédia peut contribuer à l’apprentissage des étudiants de bien d’autres manières. La structure et les buts des expériences d’apprentissage menées sur Wikipédia sont aussi nombreux et variés que les projets eux-mêmes, de l’écriture d’un article ou d’une série d’articles à la découverte « du chaos et de la joie de l’édition collaborative » (Université de Hong Kong) et « se familiariser avec Wikipédia en tant que communauté et comme puits de connaissances » (Université de l’Idaho).

Créer du contenu de qualité

Dossier Wikipédia - Students in computer lab - CC by-saQue peuvent apporter les écoles et les universités à Wikipédia ? L’un des objectifs de l’encyclopédie est de fournir des articles de qualité professionnelle et les Articles de Qualité sont définis comme « des exemples de ce que nous pouvons produire de mieux ». L’innovation qu’introduit Murder, Madness, and Mayhem repose sur son objectif revendiqué d’accroître le nombre d’Articles de Qualité. D’autres écoles ou d’autres universités peuvent-elle marcher dans les pas de ce projet ?

Il faudrait au moins trouver un moyen d’éviter que la débâcle des suppressions multiples se reproduise. Dans le cas du projet « Global Economics » on en est arrivé à envisager dans les discussions le blocage de pans entiers d’adresses IP appartenant aux universités. Comme le montrent de telle réactions radicales, lorsque la relation entre université et Wikipédia échoue, cela est perçu comme une perturbation dans Wikipedia, quant aux professeurs (et leurs étudiants) l’expérience doit être toute aussi frustrante. Même dans les cas plus favorables, on peut citer l’exemple de l’université de Washington-Bothell qui a eu les honneurs de CNN ainsi que d’autres média, la relation n’est pas toujours facile. Pour reprendre les mots d’un article d’ArsTechnica : Un professeur remplace les partiels par des contributions à Wikipédia, bonjour les dégâts !.

Les deux parties doivent y mettre du leur. À propos des évènements récents, l’éditeur Noble Story a déclaré : « Aucun projet pédagogique n’arrivera peut-être jamais à reproduire le succès du projet MMM, mais nous pouvons au moins les encourager à essayer ».

Les clés du succès

En tant que coordinateur de Murder, Madness, and Mayhem, je pense que la réussite du projet tient à plusieurs facteurs qui ne doivent pas être sorciers à reproduire. Il n’y a en effet aucune raison pour laquelle un projet futur ne pourrait pas imiter notre succès, et contribuer à des articles qui illustrent le meilleur de Wikipédia tout en fournissant aux étudiants une expérience d’apprentissage enrichissante. Il n’y a aucune raison pour laquelle un travail éducatif ne devrait pas conduire à la production d’un contenu de qualité. Voici quelques principes qui pourront améliorer vos chances de succès :

  • L’enseignant doit déjà avoir de l’expérience avec Wikipédia, nous parlons ici d’expérience en tant qu’éditeur, avec toutes les frustrations et récompenses qui vont avec, comme par exemple de voir vos modifications annulées ou de voir apparaître un bandeau « Cet article ou cette section doit être recyclé ».
  • L’enseignant doit être prêt à participer au travail sur Wikipédia au moins autant que ses étudiants, voire beaucoup plus. L’encyclopédie est un lieu d’interaction et de négociation permanentes, l’instigateur du projet ne peut pas simplement observer ce qui se passe et attendre que les étudiants s’adaptent.
  • Le projet doit être inscrit sur la page des projets pédagogiques et tous les Wikiprojets et bulletins communautaires concernés devraient en être informés. Nous vous recommandons fortement de démarrer un nouveau Wikiprojet pour votre propre projet afin que ses objectifs et ses méthodes soient totalement explicites et transparents.
  • Il faut donner du temps au projet, probablement un semestre entier. N’importe quel écrit sérieux est le fruit d’un processus dynamique et continu de ré-écriture. Et ceci est plus évident encore sur Wikipédia que partout ailleurs. Un Article de Qualité, voire juste un Bon Article, passera par de très nombreuses révisions, plusieurs centaines très probablement. Il faut que les étudiants soient témoins de ce processus, cela fait partie de leur apprentissage et pourrait les amener à modifier leur façon d’aborder la rédaction.
  • Les objectifs du travail universitaire à fournir doivent être bien définis et compatibles avec ceux de Wikipédia. Alors qu’on accorde une importance conséquente aux « travaux inédits » dans le milieu académique, Wikipédia fait la part belle aux capacités de recherche et de rédaction. Le projet devrait prendre en compte l’état des articles existant dans Wikipedia, et non dupliquer du contenu déjà présent.
  • Les étudiants doivent être prêts à travailler à partir de textes rédigés par d’autres, à éditer et retravailler des ébauches ou des articles incomplets plutôt que de croire que leur travail est de commencer à partir de rien.
  • Les étudiants doivent être prêts à voir leur texte modifié par d’autres personnes, à négocier avec ces mêmes personnes et à tirer profit de l’environnement collaboratif de l’encyclopédie.

Pour compléter ce dernier point : une idée plus controversée suggère que les étudiants débutent immédiatement dans l’arène (plutôt que de commencer à travailler leurs articles dans leur espace utilisateur, hors-ligne, en dehors du site ou sur un autre wiki), afin de s’imprégner tout de suite des conventions qui ont cours sur Wikipédia en profitant immédiatement des conseils (et peut-être des critiques) des autres éditeurs.

Viser l’Article de Qualité

Créer un Article de Qualité n’est pas chose aisée, il existe cependant différentes manières de simplifier une tâche complexe. Une classe devrait garder à l’esprit les points suivants pour avoir une chance raisonnable de réussir dans cette entreprise :

  • Commencez tôt. Commencer avec une page « Le saviez-vous… ? » (le sujet a été abordé dans le « Dispatches » de la semaine dernière) n’est pas forcément une mauvaise idée pour lancer la machine.
  • Commencez avec de bonnes sources. Il est tentant de commencer avec ce qui est facilement disponible. Mais toute information qui est issue d’uns source peu fiable devra être recherchée à nouveau, doublant ainsi le temps et l’effort nécessaires.
  • Utilisez la bibliothèque. Ne négligez pas le système de prêt entre bibliothèques. Wasted Time R ne plaisante qu’à moitié quand, dans ses conseils pour écrire un article sur l’Histoire il dit : « Trouvez des sources en dehors de Google, vous serez un pionnier ! ». Et cela ne s’applique pas qu’à l’Histoire.
  • Commencez avec des références précises. Chaque fois qu’une citation est ajoutée, elle devrait contenir tous les détails bibliographiques , avec numéros de pages, et on devrait pouvoir distinguer clairement ce qui est directement cité, et ce qui ne l’est pas. Chaque imprécision ou confusion qui se glisse devra être corrigée plus tard, ce qui fera plus que doubler le temps et les efforts nécessaires.

Murder, Madness, and Mayhem a eu beaucoup de chance en attirant très tôt l’attention de la FA-Team, une équipe d’éditeurs expérimentés dont le but est d’aider les nouveaux utilisateurs à améliorer leurs articles pour obtenir le grade d’Article de Qualité. Sans leur aide nous n’aurions jamais atteint notre ambitieux objectif. Mais, sans jeter le discrédit sur les efforts et l’implication de la FA-Team, ce n’est pas non plus leur rôle de s’assurer que n’importe quel groupe organisé et préparé aux efforts nécessaires de la recherche en amont, attirera l’attention d’autres collaborateurs qui apporteront leurs conseils sur le respect des conventions de style ou du droit d’auteur.

Même les articles issus du projet récent « Global Economics » ont reçu énormément d’attention et de contributions. L’énergie dépensée pour donner des avis et des conseils a été extraordinaire, sans parler des efforts d’édition et de mise en forme des articles eux-mêmes, pour tenter de sauver quelque chose de ce qui, globalement, demeure une expérience décevante.

Autre contenu de qualité

Dossier Wikipédia - Université de la Colombie Britannique - RosegardenLes contenus de qualité de Wikipedia s’étendent bien au delà des Articles de Qualité, pour englober des domaines qui sont utiles à des niveaux et sujets particuliers d’études. Les listes de qualité comprennent moins de texte d’explications, mais doivent être soigneusement étudiées et incluses dans le contenu existant dans l’encyclopédie. Les images de qualité peuvent être un projet idéal pour les étudiants en photographie. Et les étudiants en musique ou les étudiants ingénieurs du son pourront trouver dans la rigueur du processus de vérification des sons de qualité un test stimulant de leurs capacités.

L’avis des étudiants

Le 5 mai 2008, le travail des étudiants du projet MMM, Eecono, Katekonyk, Mfreud et de la FA-Team a eu les honneurs de la page d’accueil, ce qui leur a valu ce jour-ci la visite de dizaines de milliers de visiteurs du monde entier. Une belle récompense pour leur dur labeur comme le souligne Mfreud (Monica Freudenreich) :

J’ai investi tellement d’énergie dans la rédaction et l’amélioration de cet article que je suis vraiment fière du résultat final. Quand je le relis, j’ai même du mal à croire que j’y ai contribué. Les dissertations que je rends finissent en général dans un :classeur qui restera bien rangé sous mon lit ou alors dans un coin de mon disque dur pour ne jamais être ré-ouvertes. La page sur Wikipédia sera consultée et servira certainement à quelqu’un. Je dois dire que je suis quasi-certaine que la bibliographie référence quasiment tout ce qui a été publié en anglais sur le sujet. Si quelqu’un cherche à approfondir El Señor Presidente tout est là et je trouve que c’est vraiment incroyable !

Les éditeurs les plus actifs de Mario Vargas Llosa et de The General in His Labyrinth nourrissent également l’espoir qu’à terme leur article aura les honneurs de la page d’accueil. En réponse à des commentaires sur les pages du comité de relecture et des propositions d’Articles de Qualité, un étudiant a écrit « Le fait qu’ils aient obtenu le grade d’Article de Qualité me rend vraiment jaloux… mais ça me motive ! », après que ses camarades de classe aient atteint leur but. Nous espérons que tous ces Articles de Qualité réalisés par le projet MMM grâce aux efforts des étudiants, encourageront d’autres projets d’écoles et universités à leur emboiter le pas.

El Senor Presidente - Accueil Wikipédia - 5 mai 2008

Les autres articles du dossier

  • 1/6 – Introduction
    Un projet pédagogique « de qualité ».
  • 3/6 – Le projet vu par un éditeur de Wikipédia
    Le point de vue d’un éditeur de Wikipédia, membre de « l’équipe des Articles de Qualité », ayant accompagné et soutenu les étudiants pendant la durée de leurs travaux.
  • 5/6 – Le projet vu comme un bon exemple d’usage pédagogique de Wikipédia
    Au delà de cet exemple, quelles sont les clés de la réussite d’un projet éducatif intégrant Wikipédia.
  • 6/6 – Liens connexes
    Une sélection de liens francophones autour de Wikipédia et l’éducation.



Education – Pourquoi la Finlande ?

Finnish Flag - Wstryder - CC-By-Sa

Le Framablog étant tenu par un enseignant, il se permet de temps en temps des petites digressions comme celle d’aujourd’hui sur la réussite du système scolaire finlandais.[1]

En effet, en décembre dernier paraissait le nouveau rapport du programme PISA qui vise à mesurer les performances des systèmes éducatifs de la plupart des pays. Pour cette session l’accent était mis sur les sciences. Comme par le passé la Finlande a trusté les premières places tandis que la France ou les USA sont demeurés dans le ventre mou du classement (avec même une légère baisse pour la France).

Contrairement aux enquêtes précédentes, les réactions nationales furent cette fois-ci nombreuses et variés. On peut bien entendu interroger les conditions de l’évaluation PISA mais on peut aussi étudier la spécificité finlandaise pour finir par se demander pourquoi eux et pas nous ?

Pour ce qui nous concerne nous avons choisi de traduire[2] un article du Wall Street Journal qui présente la particularité pour un francophone d’étudier le cas finlandais au travers du filtre du système éducatif américain (vous trouverez également en annexe un extrait vidéo Dailymotion d’un petit reportage de France 3 dans une école finlandaise où l’on y évoque le Mind Mapping).

Quant au rapport avec le logiciels libre, a priori il n’y en a pas, si ce n’est l’anecdote historique qui a vu ce système enfanter de Linus Torvalds le papa de Linux. Et pourtant voici mon hasardeuse hypothèse (qu’il conviendrait de développer, peut-être dans un prochain billet) : Les caractéristiques du système scolaire finlandais sont bien plus susceptibles de favoriser l’émergence d’une culture libre que celles du système scolaire français.

Copie d'écran The Wall Street Journal

Qu’est ce qui rend les enfants finlandais si intelligents ?

What Makes Finnish Kids So Smart?

Ellen Gameran – 29 février – The Wall Street Journal

Les adolescents finlandais obtiennent des notes remarquables à un test international. Des professeurs américains tentent de déterminer pourquoi.

Les lycéens ici reçoivent rarement plus d’une demi-heure de devoir à faire le soir. Ils ne portent pas d’uniformes, il n’y a pas sociétés honoraires, pas de major de classe, pas de bonnet d’âne et pas de classes réservées aux meilleurs. Il y a peu de tests standardisés, les parents ne se saignent pas aux quatre veines pour payer l’université à leurs enfants et les élèves ne commencent pas l’école avant l’âge de 7 ans.

Et pourtant d’après un test international, les adolescents finlandais sont parmi les meilleurs dans le monde. Ils obtiennent certaines des meilleurs notes dans la catégorie des 15 ans qui ont passé le test dans 57 pays. Les adolescents américains ont obtenu la note moyenne de C (sur une échelle de A à F, A étant la meilleure note) alors même que les professeurs américains matraquent leurs élèves avec encore plus de devoirs, de standards et de règles. La jeunesse finlandaise, comme son alter-ego américaine, passe également beaucoup d’heures connectée. Ils se teignent les cheveux, aiment les sarcasmes et écoutent du rap et du heavy metal. Mais arrivés en 3ème ils sont bien en avance en math, en sciences et en lecture, et bien partis pour permettre aux Finlandais de conserver leur titre de travailleurs les plus productifs au monde.

Les Finlandais ont attiré l’attention grâce à leurs résultats lors des tests triennaux sponsorisés par l’Organisation de Coopération et de Développement Economique, un groupe financé par 30 pays qui suit les tendances sociales et économiques. Dans le test le plus récent, qui était axé sur les sciences, les élèves finlandais se sont classés premiers en sciences et n’étaient pas loin des meilleurs en mathématiques et en lecture d’après les résultats publiés en fin d’année dernière. Un décompte officieux des notes combinées obtenues par les Finlandais les classe premiers au général, d’après Andreas Schleider, qui dirige les tests de l’OCDE, connus également sous le nom de Programme International pour le Suivi des Acquis des élèves ou PISA. Les Etats-Unis se positionnent en milieu de classement en mathématiques et en sciences, leurs scores de lecture ne sont pas pris en compte à cause d’une erreur. Environ 400 000 élèves de par le monde ont répondu à des questionnaires à choix multiples et ont rédigés des dissertations qui évaluaient leur sens critique et la mise en pratique de leurs connaissances. Un exemple de sujet : Discutez de la valeur artistique des graffitis.

Les prouesses académiques des étudiants finlandais ont attiré beaucoup la curiosité et ce sont des professeurs de plus de 50 pays qui au cours de ces dernières années ont tenté de percer le secret du pays, parmi eux : un membre du Ministère de l’éducation américain. Ce qu’ils découvrent est simple mais pas facile : des professeurs bien formés et des enfants responsables. Très tôt les enfants se débrouillent sans l’intervention des adultes et les professeurs adaptent leurs cours à leurs élèves. "Nous ne possédons pas de pétrole ou d’autres richesses. Le savoir est ce que nous les Finlandais avons." dit Hannele Frantsi, Diréctrice d’école.

Les visiteurs et les professeurs en formation peuvent avoir un aperçu de cette formule magique depuis un balcon surplombant une salle de classe à l’école Norssi à Jyväskylä, une ville dans le centre de la Finlande. Ils y observent une approche détendue, un retour au source. L’école, qui est un campus modèle, n’a pas d’équipe de sport, pas d’orchestre ou de bal de fin d’année.

Suivre Fanny Salo, une jeune fille de 15 ans de Norssi, nous donne un aperçu de ce cursus sans fioritures. Fanny est une élève de collège pétillante qui adore lire "Gossip Girl", regarder la série télévisée "Desperate Housewives" et qui adore fouiller dans les rayons des magasins H&M avec ses amies.

Fanny n’obtient que des A et comme il n’y a pas de classe spéciale pour les meilleurs, elle griffonne parfois dans son journal en attendant que les autres terminent. Elle aide aussi souvent ses camarades en difficulté. "C’est sympa d’avoir un peu de temps pour se décontracter en plein cours" dit-elle. Les professeurs finlandais pensent qu’ils obtiennent de meilleurs résultats globalement en concentrant leurs efforts sur les étudiants plus faibles plutôt que de pousser les bons élèves, ce qui tendrait à accroître les différences. L’idée est que les bons élèves peuvent aider leurs camarades moyens sans que cela ne nuise à leurs progrès.

A l’heure du déjeuner, Fanny et ses amis quittent l’établissement pour acheter du salmiakki, de la réglisse salée. Ils reviennent pour le cours de physique qui commence quand tout le monde s’est calmé. Les professeurs et les élèves s’appellent par leurs prénoms. Les seuls règles qui s’appliquent en classe sont : pas de portable, pas d’iPod et pas de chapeau.

Les amies de Fanny les plus rebelles se teignent leurs cheveux blonds en noir ou portent des dreadlocks roses. D’autres portent des débardeurs ou des talons aiguilles pour se la jouer dur dans le climat froid. L’auto-bronzant est populaire dans un groupe. Les groupes d’adolescents se distinguent par leur style, on y retrouve les "fruittari" ou BCBG, les "hoppari" ou hip-hop, ou encore, plus déroutant, les "fruittari-hoppari" qui mélangent les deux genres. Si vous posez une question évidente on vous répondra "KVG", une abréviation qui signifie "Utilise Google idiot". Les fans de heavy-metal écoutent Nightwish, un groupe finlandais et les adolescents se rencontrent sur internet sur irc-galleria.net.

L’école de Norssi est dirigée comme un hôpital universitaire avec environ 800 professeurs formés chaque année. Les étudiants de troisième cycle travaillent avec les enfants et leurs instructeurs les évaluent. Les professeurs doivent détenir un diplôme de Master et une forte compétition existe : il arrive que plus de 40 personnes postulent pour un même poste. Les salaires sont équivalents à ceux des professeurs aux Etats-Unis, mais ils bénéficient en général de plus de libertés.

Les professeurs finlandais choisissent les livres et adaptent leurs leçons mêmes s’ils visent tous les mêmes standards nationaux. "Dans la plupart des pays, l’éducation ressemble à une usine de fabrication de voitures. En Finlande, les professeurs sont les entrepreneurs" confie M. Schleicher de l’OCDE Paris, l’organisme qui a lancé le test international des élèves en 2000.

L’une des explications au succès finlandais est leur amour pour la lecture. Les parents de nouveaux-nés reçoivent un cadeau de l’Etat, on y trouve en particulier un livre d’images. Certaines bibliothèques sont construites à côté des centres commerciaux et des bibliobus sillonnent le pays pour atteindre les quartiers reculés.

Le finnois n’est parlé que dans ce pays et les livres étrangers ne sont traduits que longtemps après leur parution, même pour les plus populaires en anglais. Beaucoup d’enfants se sont donné le mal de lire le dernier Harry Potter en anglais par crainte d’entendre la fin avant qu’il ne soit disponible en finnois. Les films et programmes TV sont sous-titrés en finnois et non pas doublés. Une étudiante de l’université dit qu’elle a appris à lire rapidement quand elle était enfant parce qu’elle était accro à la série des années 90 "Beverly Hills, 90210".

En novembre, une délégation américaine s’est rendue en Finlande en espérant découvrir l’usage que font les professeurs finlandais des nouvelles technologies. Les membres du Ministère de l’Education, de la National Education Association et de l’American Association of School Librarians se sont retrouvés devant des professeurs utilisant des craies et un tableau noir plutôt que des feutres et un tableau blanc et affichant le cours grâce à un rétro-projecteur plutôt que grâce à Powerpoint. Keith Krueger a été moins impressionné par la technologie que par les bonnes méthodes d’enseignement dont il a été témoin. "On se demande comment on pourrait accomplir la même chose chez nous." s’interroge M. Krueger, PDG du Consortium for School Networking, une association de responsables des TIC dans les écoles qui a organisé le voyage.

Elina Lamponen, élève de terminale, peut parfaitement témoigner de ces différences puiqu’elle a passé un an au lycée de Colon, Michigan. Là-bas des règles plus strictes ne se traduisaient pas en leçons plus dures ou en élèves plus dévoués, dit-elle. Lorsqu’elle demandait à ses camarades s’ils avaient fait leurs devoirs ils répondaient : "Nan. Et toi, t’as fait quoi hier soir ?" se rappelle-t-elle. Les tests d’histoire étaient souvent des questionnaires à choix multiples. Les questions de dissertation, dit-elle, ne laissaient pas beaucoup de place pour s’exprimer. Les projets en cours se résumaient surtout à "colle ça sur ce poster pendant 1 heure". Son lycée finlandais a forcé Mlle Lamponen, jeune fille de 19 ans aux cheveux coiffés en pointes, a refaire son année quand elle est revenue.

Lloyd Kirby, administrateur des écoles de Colon dans le sud du Michigan, dit que l’on propose aux étudiants étrangers de demander du travail supplémentaire s’ils trouvent l’enseignement trop simple. Il révèle qu’il tente de rendre ses écoles plus rigoureuses en demandant aux parents d’être plus exigeants avec leurs enfants.

Malgré l’apparente simplicité de l’éducation finlandaise il serait difficile de la reproduire aux Etats-Unis. Avec une population très homogène, les professeurs ont peu d’élèves qui ne parlent pas finnois. Aux Etats-Unis, ce sont environ 8% des élèves qui apprennent l’anglais d’après le Ministère de l’éducation. Il y a moins de disparités dans l’éducation et moins d’écarts de revenus chez les Finlandais. La Finlande fait une sélection pour l’entrée au lycée, cette sélection se base sur les notes et 53% des élèves vont au lycée et le reste intègre le lycée technique. (Tous les élèves de 15 ans ont passé le test PISA). Dans les lycées finlandais le taux d’échec est de 4%, et de 10% dans les lycées techniques, comparé à environ 25% aux Etats-Unis, d’après les ministères de l’éducation des deux pays.

Une autre différence est économique. Chaque année scolaire, les Etats-Unis dépensent une moyenne de $8700 par étudiant alors que les Finlandais dépensent $7500. Le système de taxes élevées en Finlande assure aux élèves un financement à peu près équitable, à l’opposé des disparités entre les écoles publiques de Beverly Hills par exemple et les écoles dans des districts plus pauvres. L’écart entre l’école la meilleure et la plus mauvaise en Finlande était le plus faible de tous les pays au test PISA. Les Etats-Unis se situent dans le milieu du classement.

Les étudiants finlandais connaissent peu l’angstata ou l’angoisse de l’adolescent au sujet de l’entrée dans les meilleures universités et ils n’ont pas d’inquiétude pour le financement de leurs études. L’université est gratuite. Il existe une compétition entre les universités, mais elle se joue entre les spécialités offertes, comme l’école de médecine par exemple. Mais même les meilleures universités n’ont pas un statut élitiste comme Harvard.

Sans la compétition pour entrer dans "les bonnes écoles", les enfants finlandais peuvent profiter d’une jeunesse où ils subissent moins de pression. Alors que beaucoup de parents américains se tracassent pour faire entrer leurs bambins dans des écoles maternelles orientées sur la réussite, les Finlandais ne commencent pas l’école avant 7 ans, un an plus tard que la plupart des élèves de classe préparatoire aux Etats-Unis.

Une fois qu’ils commencent l’école les Finlandais sont plus indépendants. Alors que certains parents aux Etats-Unis pestent lorsqu’ils doivent accompagner ou aller chercher leurs enfants à l’école et préparent toutes les excursions et sorties, les jeunes Finlandais se débrouillent beaucoup plus par eux-mêmes. A l’école de Ymmersta dans une banlieue proche de Helsinki, quelques élèves de CP se trainent sous les arbres au feuillage persistant dans l’obscurité presque totale. Quand vient l’heure du repas de midi ils choisissent leurs plats, que toutes les écoles proposent gratuitement, et portent leur plateau jusqu’à leur table. L’accès à Internet n’est pas filtré dans la bibliothèque de l’école. Ils peuvent se promener en chaussettes pendant les cours, mais, à la maison, même les plus jeunes sont censés savoir lacer leurs chaussures ou chausser leurs skis seuls.

Les Finlandais bénéficient d’un niveau de vie parmi les plus élevés au monde, mais eux aussi ont peur d’être pris de vitesse par les changements liés à la mondialisation de l’économie. Leurs emplois dépendent de leurs entreprises d’électronique et de télécommunications, comme le géant finlandais du téléphone portable Nokia, ainsi que de l’exploitation forestière et minière. Certains professeurs seraient d’avis de favoriser leurs plus brillants élèves, comme le font les Etats-Unis, avec des programmes plus poussés afin de produire plus de battants. Les parents commencent également à faire pression pour que leurs enfants reçoivent une attention particulière, admet Tapio Erma, principal de l’école de Olari. "Nous sommes de plus en plus conscients du développement des idées américaines chez les parents" dit-il.

L’école de M. Erma est un établissement témoin. L’été dernier, pendant une conférence au Pérou, il a évoqué l’idée de l’adoption des méthodes d’enseignement finlandaises. Récemment, pendant un de ces cours de mathématiques avancés de l’après-midi, un lycéen s’est endormi sur sa table. Le professeur ne l’a pas dérangé et s’est plutôt concentré sur les autres élèves. Même si faire une sieste pendant les cours n’est pas excusé, M. Erma pense que "Nous devons simplement accepter le fait que ce ne sont que des enfants et qu’ils apprennent à vivre."

Annexe

Extrait vidéo du JT de France 3 (daté du 6 novembre 2004) : Reportage dans une école finlandaise (où il est notamment question de Mind Mapping ou Carte heuristique.

Notes

[1] Crédit photo : Finnish Flag par Wstryder sous licence Creative Commons By-Sa

[2] Une traduction Framalang by Olivier supervisée par Daria et GaeliX.




Passer à Windows Vista et MS Office 2007 coûterait 150 millions d’euros à l’éducation

150 milions d’euros, autrement dit 1 milliard de francs, c’est l’ordre de grandeur de ce qu’il en couterait à l’école française (ou au contribuable, c’est comme vous voulez) si tous les ordinateurs du parc informatique des établissements scolaires devaient adopter le nouveau système d’exploitation Windows Vista et la suite bureautique qui va avec, MS Office 2007.

C’est entre autres choses très intéressantes, ce que j’ai retenu de l’étude Rôle des états et positions dominantes dans le secteur informatique qui vient d’être publié et dont je ne saurais trop vous recommander la lecture (voir extrait du communiqué ci-dessous).

Ce document est certes orienté puisqu’il souhaite par là-même faire prendre conscience aux pouvoirs publics de leurs responsabilités dans ce domaine. Mais il est on ne peut plus sérieusement documenté avec de nombreuses références citées et chiffrées.

J’ajoute que :

  • Ce prix est l’hypothèse basse de l’étude ! (pour l’hypothèse haute cela avoisine les 200 millions d’euros)
  • Ce prix ne tient pas compte du coût matériel engendré par l’opération sachant que ces deux logiciels exigent des ordinateurs puissants et donc récents.
  • Ce prix ne tient pas compte du coût social lié au fait que les familles risquent alors de s’équiper des mêmes logiciels que l’école de leurs enfants pour être au diapason.

Combien de projets éducatifs libres francophones pourrions nous soutenir avec cette somme-là ? Combien de personnes pourrions-nous former à l’usage des logiciels libres avec cette somme-là ? Combien d’emplois dans le libre francophone éducatif (développement, maintenance, services…) pourrions-nous créer avec cette somme-là ? etc.

Au risque de me répéter voici mon crédo : Les écoles ne devraient pas passer à Windows Vista et MS Office 2007 alors que le système d’exploitation GNU/Linux et la suite bureautique libre OpenOffice.org sont prêts à prendre le relai.

Etude - FFII France - AsSoLi

Extrait du communiqué de presse

Bruxelles, le 19 mars 2008

Dans une étude envoyée à plusieurs membres du Parlement européen, la FFII France et l’AsSoLi, Associazione per il Software Libero, mettent en lumière les responsabilités des différents pouvoirs publics dans la perpétuation des positions dominantes dans le marché des technologies de l’information.

L’existence de monopoles dans le secteur informatique et l’abus des positions acquises par les grands éditeurs de logiciel ne datent pas d’hier. Néanmoins, souvent par ignorance ou incompétence, les décideurs politiques continuent à agir contre les intérêts de la collectivité.

Il est important de documenter ces comportements de façon approfondie. C’est le pari que s’est lancé Antonio J. Russo, auteur de l’étude "Le rôle de l’Etat dans la constitution des positions dominantes dans le secteur informatique", dont l’AsSoLi et la FFII France souhaitent aujourd’hui diffuser le travail.

Paolo Didoné, Président de l’Associazione per il Software Libero déclare : « Nous espérons pouvoir sensibiliser les autorités nationales et européennes quant aux dangers des choix politiques effectués jusqu’à présent dans le secteur des TIC. Il est nécessaire aujourd’hui de procéder à un changement radical afin de respecter le principe de liberté d’initiative économique, en favorisant l’économie du logiciel libre et en mettant fin aux aides publiques destinées à renforcer les positions dominantes des principaux éditeurs de logiciel propriétaire. »

Le document expose divers arguments, parmi lesquels on peut souligner :

  • la stratégie fiscale de Microsoft et son impact négatif dans la majorité des pays européens ;
  • la multiplication des marchés publics hors la loi ;
  • le rôle de l’éducation nationale dans le développement d’une hégémonie culturelle ;
  • la diminution des emplois chez les grands éditeurs de logiciel propriétaire ;
  • le profit excessif dérivé de l’imposition de certains produits aux consommateurs.



Réponse à Thierry de Vulpillières de Microsoft France Education

Stewart - CC byLe mois dernier je mettais en ligne coup sur coup trois articles gravitant autour de la stratégie de partenariat de Microsoft à l’école française : Projetice ou le cas exemplaire d’un partenariat très privilégié entre Microsoft et une association d’enseignants, Du premier Forum des Enseignants Innovants et du rôle exact de son discret partenaire Microsoft et Forum des Enseignants Innovants suite et fin.

J’ai eu alors l’agréable surprise de voir Thierry de Vulpillières, le responsable Microsoft de ces partenariats, intervenir dans les commentaires. Et comme ce n’est pas tous les jours qu’une telle personnalité vient nous rendre visite, j’ai pris le temps de lui répondre en détail point par point[1].

TdV : Bonsoir, j’ai un peu l’impression d’arriver après la bataille 😉

aKa : Bonjour et merci de vous être déplacé jusqu’ici. La réponse arrive également avec un train de retard 😉

Il n’y a pas de bataille. Il y a juste quelques questions posées publiquement autour d’une association et d’un évènement où vous apparaissez comme simple partenaire.

Je suis Thierry de Vulpillières, en charge de ces partenariats chez Microsoft.

Enchanté, Alexis Kauffmann (alias aKa), professeur de mathématiques, à l’initiative du réseau de sites Framasoft.

Vous êtes en charge de ces partenariats. C’est même votre titre officiel chez Microsoft (Directeur des partenariats éducation), un poste dédié qui témoigne de l’intérêt porté par Microsoft au domaine éducatif.

Merci de ce billet pour le débat ouvert qu’il permet.

De rien. C’est effectivement ce que je souhaitais. Il me semblait qu’il n’y avait pas débat et que tout ceci pourtant en méritait un.

Surtout à l’heure où techniquement l’école et les TICE ont un choix très important à faire : passer ou ne pas passer au nouveau système d’exploitation Windows Vista ? Vous connaissez ma réponse ! Une réponse renforcée aujourd’hui par la présence à tous les niveaux d’alternatives libres de haute qualité qui ne demandent qu’à être adoptées à grande échelle. Ceci permettra à l’école et aux contribuables de faire de très sérieuses économies. Ceci permettra aux élèves de travailler sur des formats ouverts. Ceci permettra aux élèves d’utiliser librement les logiciels de l’école à la maison et réciproquement.

Superbe démonstration pour découvrir quoi : que Microsoft est partenaire de certaines associations et de certains évènements.

Que Microsoft soit partenaire d’associations ou de manifestations éducatives ne me pose aucun problème. Mais que Microsoft soit directement à l’initiative de la création de l’association d’enseignants Projetice ou directement à l’initiative du la création du premier Forum des Enseignants Innovants alors là oui cela me dérange un peu plus. D’abord parce que cela va plus loin qu’un partenariat classique et ensuite parce que vous ne semblez pas vouloir l’assumer. Vous me direz que ce que je formule ici n’est qu’une hypothèse. Certes mais comment se fait-il que pendant toute votre intervention vous ne l’infirmiez pas ?

Mais c’est affiché bien en évidence avec notre logo dans tous ces cas 😉 Pourquoi feindre de découvrir des partenariats qui sont explicites ? (On ne nous dit pas tout ?)

Je ne suis pas un adepte de la théorie du complot mais il semblerait dans ce cas précis qu’on ne nous dise pas tout en effet. Dois-je à nouveau répéter les questions posées ? Allons-y pour une dernière fois : est-ce que Microsoft France Education a impulsé la création de Projetice et la création du Forum ?

Sans détour sophistiqué par la "découverte" que nous avons fourni un site, un dépôt de nom, un stand… Vous pouvez établir la liste (noire ?) des partenaires de Microsoft 😉 Notre site d’ailleurs l’établit pour vous…

Tout figure publiquement sur internet en effet et c’est heureux sinon je n’aurais rien pu écrire. Il n’empêche que mettre la chose en lumière a néanmoins semblé intéresser quelques lecteurs de mon modeste blog. Fournir le site et être en possession du nom de domaine d’une manifestation organisée par une ensemble d’associations qui verra une centaine de professeurs déposer leur projets sur le site en question, ce n’est pas anodin quand bien même cela le soit pour la plupart des collègues qui participeront à votre Forum.

Quant à l’expression liste noire, elle fait écho au on ne nous dit pas tout. Souhaitez-vous habilement déplacer la conversation vers un débat sur la radicalité du mouvement du logiciel libre qui mènerait coûte que coûte une croisade anti-Microsoft ? Ceci présenterait alors l’avantage de ne justement pas répondre aux questions.

Vous dites que vous n’avez rien "contre Microsoft en tant que tel".

Je n’ai effectivement rien contre Microsoft en tant que tel. Framasoft s’est même appuyé très fortement sur Windows pour faire découvrir le logiciel libre. C’était même je crois notre originalité initiale (en 2001). En attendant que GNU/Linux arrive à maturité commençons par sensibiliser nos visiteurs à partir de Windows, tel était notre crédo (crédo renforcé par le fait que Windows XP était du reste un OS globalement stable).

Il se trouve simplement que la donne a changé. Aujourd’hui OpenOffice.org et surtout GNU/Linux sont prêts pour entrer massivement dans les salles informatiques des écoles et votre nouveau système d’exploitation Windows Vista présente déjà de nombreux symptômes de l’accident industriel.

Parfait. Discutons. La question de fond, me semble-t-il, c’est malgré l’opposition féconde de modèles économiques (le site de Framasoft est bien occupé de panneaux publicitaires Google, en dépit des déclarations de lutte contre "la culture marchande"): y a-t-il des actions convergentes entre logiciels libres et logiciels à propriété intellectuelle pour développer l’usage des TICE ?

Le débat sur les modèles économiques est certainement fécond dans le monde de l’entreprise mais je ne suis pas certain qu’il soit pertinent dans un contexte scolaire. Par ailleurs il n’a jamais été question d’une lutte contre la culture marchande mais de ne pas favoriser cette culture à l’école. Ce n’est pas tout à fait le même discours. Je note là encore un déplacement de la conversation qui tendrait à me faire passer pour ce que je ne suis pas.

Pour ce qui est de Framasoft, nous essayons en effet de salarier un voire plusieurs membres de notre association parce qu’avec le temps nous avons grandi et ce développement nécessite selon nous la présence d’éléments permanents pour mieux organiser les énergies qui gravitent autour de nos différents sites et projets. La publicité, qui n’est présente que sur un seul site de notre réseau, n’est pas la panacée, et dès que nous pourrons nous en passer nous le ferons, mais en attendant c’est la moins pire des solutions que nous avons trouvé pour démarrer ce salariat le plus rapidement possible (a priori au cours du prochain mois d’ailleurs). Un mal pour un bien en quelque sorte.

Nous espérons fournir ainsi un meilleur service. Nous espérons également nous renforcer parce que nous pensons qu’il est important pour le libre francophone d’avoir quelques solides points d’ancrage avec tout ce que cela suppose comme possibilité d’action (ne serait-ce que pour être capable de créer un jour, pourquoi pas, un Projetice du libre dans l’éducation). L’évolution d’une structure comme l’April[2], dont le travail de fond bénéficie à toute la communauté, en est un bon exemple.

Quant aux actions convergentes il faudrait déjà que des associations comme Projetice reconnaissent sur leur site officiel l’existence des logiciels libres non ? Dans le cas contraire cela me semble difficile d’envisager en l’état le moindre rapprochement.

Enfin toute dernière chose, je remarque que vous utilisez l’expression logiciel à propriété intellectuelle pour logiciel propriétaire. C’est sémantiquement fort intéressant sauf que, comme le disait Bastien Guerry dans un commentaire[3], un logiciel libre n’est en aucun cas un logiciel sans propriété intellectuelle. L’expression est donc impropre. Les logiciels libres sont tout autant protégés par le droit d’auteur que les logiciels dits propriétaires. La différence réside dans le fait que les auteurs de logiciels libres exercent leur droit d’auteur pour autoriser quiconque à distribuer, lire, modifier et distribuer des versions modifiées du code, alors que les éditeurs de logiciels propriétaires utilisent le droit d’auteur pour fermer l’accès au code source.

Par ailleurs, il me semble curieux de regretter qu’UN site puisse être en aspx quand la totalité serait en "LAMP" ("chose devenue très rare pour des sites éducatifs : l’absence du quatuor magique libre LAMP") : j’avais cru comprendre que l’idée de monopole n’était pas saine 😉

Je tenais juste à évoquer l’une des grandes réussites du logiciel libre dans le domaine des sites web. Pour l’aspx je ne regrette rien, je constate juste que lorsqu’il s’agit de sites éducatifs la présence du format aspx est souvent synonyme de partenariat Microsoft. Rares sont les sites éducatifs qui spontanément pensent à développer leur infrastructure internet en aspx.

De même montrer l’utilité de certains produits de Microsoft dans l’éducation est-il illégitime ? et ça n’interdit en rien Projetice de promouvoir les produits d’autres partenaires (comme les commentaires l’illustrent).

Montrer l’utilité de certains produits Microsoft dans l’éducation n’est en aucun cas illégitime (je pense à l’excellent Age of Empires[4] si il fallait n’en citer qu’un). Quant à Projetice pourquoi ne ferait-il pas également la promotion de produits qui ne viennent pas de leurs partenaires comme les logiciels libres par exemple ?

Framasoft a-t-il proposé de travailler avec Projetice ? J’ai croisé nombre de projéticiens qui ne se retrouveraient tout simplement pas dans votre description de leurs actions réelles: y avez-vous simplement assisté une seule fois, pour vérifier que votre présupposé est faux ?

Loin de moi l’idée d’apparaître suffisant mais, vu notre antériorité, ce serait plutôt à Projetice de venir nous proposer quelque chose. Quant aux projéticiens qui ne se reconnaissent pas dans leurs actions réelles, c’est évident puisque je me suis borné à analyser le site de l’association. La question serait alors plutôt : est-ce que les projéticiens, en particulier ceux qui utilisent du logiciel libre, se reconnaissent dans leur site web ?

Pour pousser un peu : je me demande parfois si ce clivage que vous souhaitez autour d’une position exclusive pour le logiciel libre ne participe pas du retard constaté du développement des TICE en France ? C’est le sens de nos échanges avec Jean-Pierre Archambault ou Sébastien Hache : n’y a-t-il pas mieux à faire pour le développement des TICE que de critiquer toute initiative dès lors que tel ou tel industriel la soutient ? Fût-il Microsoft.

Vous ne poussez pas du tout parce que c’est certainement le fond de votre pensée qui transparait dans toute votre intervention. Votre posture tend très gentiment, très doucereusement, à caricaturer voire carrément à déformer mon propos. Parce qu’il est évident que si je verse dans l’anathème alors je suis d’office discrédité. Je ne me reconnais pourtant pas dans ce que vous décrivez là. Je ne souhaite aucun clivage et aucune position exclusive. Dois-je vous rappeler que c’est l’absence totale de référence au logiciel libre qui a motivé mon article sur le site de Projetice ?

Quant à savoir si c’est le prétendu état d’esprit obtus de ceux qui défendent le logiciel libre à l’école qui participe au retard des TICE en France, je n’y crois pas une seconde quand bien même ce soit un grand honneur que vous nous faites à nous penser si influent ! Ce débat va bien évidemment au delà du débat logiciel libre vs logiciel propriétaire même si je suis persuadé que la culture issue du logiciel libre a beaucoup à apporter aux TICE (cf la réussite de Sésamath).

Votre modèle ici est bâti sur la publicité : c’est aussi un débat. La publicité, "c’est du temps de cerveau disponible pour Coca-Cola" disait-on il y a peu. Ces questions sur les modèles économiques sont de vrais débats de fonds.

Framasoft n’a pas de modèle économique et si modèle il y avait il serait bâti sur des mots-clés comme entraide, coopération, échange, collaboration, enthousiasme… ce qui s’apparente alors beaucoup plus à un modèle social. Je conçois que cela soit assez déroutant lorsque l’on appartient à une multinationale qui doit en répondre à ses actionnaires mais nous ne sommes pas du tout dans le même référentiel.

Il en va de même je crois pour les logiciels libres eux-mêmes. Si les plus gros d’entre eux ont effectivement un modèle économique (souvent original, quitte à donner un petit coup de vieux à des sociétés comme la vôtre) c’est selon moi avant tout pour permettre au modèle social de perdurer et s’épanouir.

Vous écrivez à la fois : « Entendons-nous bien. Je n’ai rien contre Microsoft en tant que tel. Je pense simplement que favoriser ses produits et sa culture marchande à l’école retarde d’autant l’adoption non seulement des logiciels libres mais aussi et surtout de cette salutaire culture non marchande des biens communs qui leur est associée » tout en regrettant de ne pouvoir payer un stand à Educ@tice «J’ai eu moi-même par le passé l’occasion de me pencher un peu sur le coût d’une location d’un stand à ce même salon pour finalement y renoncer car je puis vous dire que cela représente plusieurs milliers d’euros. » Voilà bien un paradoxe qu’il faudrait assumer 😉

Nous l’assumons comme cela a été dit plus haut. Il y a des choix à faire. Certaines portes se ferment effectivement faute de moyens. Mais du moment que la porte d’internet reste ouverte nous poursuivrons notre petite aventure. Pendant de nombreuses années nous avons fonctionné sans le moindre sou et cela ne nous a pas empêché d’avancer (et d’être invités à de nombreuses manifestations).

Mais pourquoi regretter que des enseignants se rencontrent pour échanger sur leur usage des TICE simplement parce que Microsoft y contribuerait ?

Nous avons un peu de mal à nous comprendre. Votre articulation générale tourne autour du fait que je suis contre Microsoft à l’école par principe et que tous les moyens sont bons pour l’en faire sortir. C’est faux. Il est évident que lorsque l’on souhaite la diffusion du logiciel libre, Microsoft ne peut être considérée comme une société comme les autres de part sa position dominante. Je ne suis pas le seul à le penser puisque la commission européenne de Bruxelles vient de vous condamner à une amende de près d’un milliard d’euros pour justement abus de cette position dominante[5]. Et je ne parle même pas des problèmes récurrents de vente liée où votre entreprise est régulièrement prise à parti[6]. Il n’en demeure pas moins que vous ne trouverez nulle trace dans mes articles précédents du moindre appel au boycott de ce Forum des Enseignants Innovants sur le simple prétexte que Microsoft en est partenaire.

Je répète que ce n’est pas l’existence du partenaire Microsoft qui me pose problème ici mais sa manière de faire. Ce n’est pas pourquoi Microsoft, c’est comment Microsoft. Et c’est ce comment Microsoft que j’ai tenté de mettre un peu en lumière aussi bien pour votre partenariat avec les associations Projetice et le Café pédagogique que pour le montage du premier Forum des Enseignants Innovants.

J’insiste lourdement mais plus que jamais Microsoft se doit d’être présent à l’école avec une bonne image parce que plus que jamais il y a urgence à adopter votre nouveau système d’exploitation Windows Vista. Si tel n’est pas le cas c’est tout votre… modèle économique qui s’écroule.

En Angleterre, l’agence TICE du ministère de l’éducation a publiquement émis en janvier dernier de très sérieuses réserves sur le passage à Windows Vista dans ses écoles, jusqu’à carrément le déconseiller dans certains cas[7]. En attendant que notre propre ministère prenne ses responsabilités, y a-t-il une chance de voir Projetice, le Café pédagogique et les associations organisatrices soulever cette question lors du Forum des Enseignants Innovants ?

Moi si je participais à votre forum, je prendrais un stand avec une grande pancarte Pourquoi ne pas adopter Windows Vista ! et je tenterais de montrer aux collègues qu’ils peuvent réaliser les mêmes projets pédagogiques sur des outils libres et des formats ouverts et que c’est dans l’intérêt de tous qu’il en soit ainsi. D’ailleurs, chiche, pourquoi ne pas nous inviter et nous laissez monter un stand comme nous l’entendons ?!

Interrogez les enseignants ou associations qui participent à ces actions plutôt que de feindre de découvrir que nous les soutenons.

Je ne feins pas de découvrir le soutien. Je m’interroge effectivement sur ses modalités. Imaginez par exemple que le soutien de Microsoft soit tel qu’il permette à certaines associations de salarier l’un de leurs membres. L’information serait alors digne d’intérêt et il serait alors plus compliqué pour les associations en question de garder un esprit critique vis-à-vis de votre société (comme par exemple, oui je sais j’en fais une fixation, évaluer en toute objectivité la pertinence de Windows Vista à l’école).

Soutien d’ailleurs sans exclusive comme le rappelle ici Benjamin Clerc avec qui nous avons échangé sur le projet de Forum des enseignants innovants sans lui demander de changer de modèle économique ou de célébrer les vertus de Office pour l’enseignement des maths.

L’un des ces échanges a d’ailleurs eu lieu au siège de Microsoft France pour l’inviter à participer au premier Forum des Enseignants Innovants. Je note que vous utilisez une fois de plus l’expression modèle économique alors que le plus important ici est de ne pas demander à Sésamath de changer de modèle pédagogique (qui repose en grande partie sur l’échange, le partage et la collaboration induites par les licences libres).

Et pour finir, bravo bien sûr pour ce travail minutieux où les faits sont exacts, jusqu’à l’absurdité des éléments juridiques que nous corrigerons pour ce qui relève de nous.

Content de vous l’entendre dire. Comment expliquez-vous que ces absurdités soient restées si longtemps sur le site sans que personne ne s’en émeuve ? Soit les enseignants de Projetice n’ont pas la culture des licences (de sites web, de documents et de logiciels) et je trouve cela assez inquiétant, soit ils vous ont donné toutes les clés pour pondre le site web de leur association et c’est cette confiance aveugle qui est alors préoccupante.

Bon et puis : « un costard-cravate de Microsoft » ? plutôt pas beaucoup chez Microsoft… je vous invite quand vous le souhaitez pour vérifier dans nos bureaux et prolonger cet échange…

Avec plaisir ! (et je m’excuse a postériori pour ce costard-cravate un brin méprisant)

Je reste disponible pour débattre et avancer avec l’anonyme aKa, et même pour organiser une rencontre-débat si vous le souhaitez sur ces questions légitimes à propos desquelles on doit pouvoir faire mieux que des colonnes de commentaires anonymes sur des blogs… non ?

Je tope là 🙂

Notes

[1] Crédit photo : Stewart (Creative Commons By)

[2] April : Promouvoir et défendre le logiciel libre.

[3] Une intervention de Bastien Guerry, faisant suite à celle de Hybrid Son Of Oxayotl, dans les commentaires du billet Projetice ou le cas exemplaire d’un partenariat très privilégié entre Microsoft et une association d’enseignants.

[4] Lien Wikipédia sur le jeu Age of Empires.

[5] Dépêche AFP du 27 février 2008 (via Google Actualités) : Microsoft : l’UE impose une nouvelle amende record de 899 millions d’euros.

[6] Communiqué de l’April du 28 février 2008 : Consommation : vers une multiplication des procès pour le remboursement des « Racketiciels » dont voici un extrait. « En prétendant suivre la demande, les constructeurs ne font que la conditionner. Ceci est d’autant plus inadmissible qu’un nombre toujours croissant de consommateurs, à l’image des administrations, de nos députés, et surtout des entreprises, se tournent vers des solutions alternatives et que le logiciel phare de Microsoft, Vista, est particulièrement décrié et rejeté par le public. Les ventes par millions revendiquées par Microsoft ne doivent donc pas faire illusion : elles sont imposées au moyen de la vente liée. »

[7] Becta (the British Educational Communications and Technology Agency) has conducted a review of Microsoft’s Vista and Office 2007 products. It draws conclusions on whether to upgrade, how to upgrade and document interoperability between home and school.