Les sous-titres faciles d’Universal Subtitles

Universal Subtitles - CC-by-sa

Framatube, comme les lecteurs assidus de ce blog le savent déjà, est une initiative lancée il y a environ deux ans, dans le but de regrouper des vidéos en rapport avec le logiciel libre et sa culture, pour en favoriser la diffusion.

Framatube s’appuie pour cela aujourd’hui sur la plateforme Blip.tv et, pas de mystère, sur le travail de bénévoles chargés de produire des sous-titres lorsque la vidéo est dans une langue étrangère, l’équipe Framalang entrant alors dans la danse [1].

Dans ce dernier cas, le travail nécessaire pour proposer la vidéo sous-titrée va au delà de la simple traduction : il faut préalablement transcrire la bande-son pour la traduire, puis synchroniser les sous-titres obtenus avec la bande-son, incruster les sous-titres et finalement encoder le tout dans un format libre. Cela demande un travail important, qui nécessite une motivation de longue haleine et plus de travail que les habituelles 6 ou 7 heures par traduction d’article publiée sur le Framablog.

D’autant que, les sous-titres étant au final incrustés dans la vidéo, tout ce travail ne peut être réutilisé pour proposer de nouvelles traductions dans d’autres langues.

Pour prendre l’analogie du logiciel, le code source qui pourrait permettre d’améliorer ou de modifier facilement le résultat n’est pas fourni : paradoxal pour un projet Framasoft !

Heureusement, la Participation Culture Foundation (fondation à but non lucratif à laquelle on doit notamment le logiciel de télévision par Internet Miro) développe « Universal Subtitles » un outil en-ligne qui simplifie grandement la tâche.

Ce projet se place sous le parrainage de la Mozilla Foundation, autre fondation à but non lucratif à qui l’on doit le fameux navigateur web Firefox et qui a initié le projet Mozilla Drumbeat pour promouvoir des initiatives comme celle-ci, visant à garder le Web Ouvert.

L’objectif d’Universal Subtitles est pour le moins ambitieux, offrir à chaque vidéo disponible sur le web un support de sous-titrage collaboratif, où chacun puisse participer au sous-titrage dans sa langue d’une vidéo rencontrée sur le web.

La solution retenue est habile puisqu’elle consiste, à partir d’une vidéo préexistante sur le Web :

  1. à proposer des outils permettant de réaliser un sous-titrage de manière communautaire dont les données sont hébergées sur les serveurs du projet,
  2. à générer un simple bout de code mélangeant JavaScript et HTML5 à ajouter sur son site pour afficher un lecteur vidéo personnalisé pour afficher les sous-titres à la volée en surimpression de la vidéo.

Les avantages sont nombreux :

  • en associant la transcription et ses traductions aux vidéos, il devient possible d’indexer, analyser et traduire l’information contenue dans ces vidéos de façon automatique (les vidéos pourront être indexées par les moteurs de recherche aussi finement que les textes);
  • le travail manuel de sous-titrage se trouve facilité et le résultat peut à tout moment être modifié, complété et amélioré par la communauté;
  • tout cela contribuant à généraliser le sous-titrage et la traduction des vidéos, bénéficiant au plus grand nombre d’une part et augmentant d’autant l’accessibilité de ce support de communication. Les personnes atteintes de handicaps visuels ou auditifs pouvant à nouveau (comme aux débuts du web) bénéficier de versions textes lisibles à son rythme ou par un vocalisateur.

Et puis, cela promet de belles batailles concernant les sous-titres communautaires de clips musicaux…

Yostral, l’un des piliers de Framalang, a testé le système et publié un journal sur LinuxFr.org que nous reproduisons ici avec son aimable autorisation :

Je viens de tester le site UniversalSubtitles.org, qui se veut le « Wikipédia des sous-titres ».

Le but est simple : faciliter le sous-titrage dans n’importe-quelle langue de n’importe-quelle vidéo se trouvant sur le web.

Voyant les problèmes que nous avons à Framalang pour être efficace en sous-titrage vidéo, chacun faisant une étape dans son coin, sauf la traduction qui se fait sur wiki, pas adapté à ça, j’ai donc fait un petit test sur une simple vidéo, en français, pour voir les possibilité de travail collaboratif de traduction et de sous-titrage.

La première étape consiste bien sûr à « importer » une vidéo. En fait on travaille directement sur une vidéo déjà en ligne. Donc pas d’upload sur le site, pas de transcodage, rien. Il suffit simplement de donner l’adresse de la vidéo souhaitée. Pour le moment, les format supportés sont Ogg, WebM, FLV et donc les sites Youtube et Blip.TV (Dailymotion et Vimeo sont en cours).

Cette vidéo apparaît ensuite dans leur « Widget » de traduction. Une page je suppose remplie de HTML5 et de javascript, qui offre une interface relativement conviviale, claire et avec des raccourcis clavier. C’est succinct, mais suffisant pour faire ce qu’on lui demande. C’est donc ici que se déroule la première des trois étapes qui mènent au sous-titrage original de la vidéo : taper les sous-titres correspondant à la vidéo. Pour ceux qui ont 42 doigts, pas de soucis, vous laissez filer la vidéo et vous entrez le texte en temps réel… pour les autres, on peut toujours faire des pauses et naviguer avant/arrière tout simplement.

La seconde étape est la synchronisation du texte que vous avez tapé précédemment. Là, la vidéo défile et on doit appuyer sur une touche à chaque fois que l’on veut que le sous-titrage passe à la ligne suivante. Ici, faut être concentré ! Bien sûr, on peut mettre en pause, revenir en arrière, mais le mieux est de faire défiler et synchroniser au fur et à mesure. Faisable, mais pas évident, surtout sur la longueur.

La troisième étape est le peaufinage, où on peut ajuster les sous-titres plus précisément. Si on s’est un peu endormi à l’étape précédente, c’est ici qu’on se réveille.

Au final on nous donne un lien permanent vers la vidéo et ses sous-titres, ainsi qu’un bout de code pour l’intégration dans une page web. La vidéo est toujours la même au même endroit et seuls les sous-titres, qu’on peut se télécharger en .srt, sont sur le site d’UniversalSubtitles.org.

À partir de cette page, on peut rajouter simplement des sous-titres dans d’autres langues, calés sur la VO. Ça veut dire qu’une fois la transcription faite et synchronisée, en anglais ou autre, la traduction en français est vraiment simplifiée : on a juste à la rentrer dans les cases en dessous de chaque ligne de sous-titres de la langue originale. On peut bien sûr la stopper puis la reprendre plus tard. On voit également sur cette page les langues disponibles liées à la vidéo et l’avancement des traductions.

Bref, c’est vraiment du sous-titrage collaboratif. Les outils sont minimalistes mais efficaces. On peut tout ré-éditer, sauvegarder, exporter. Et on peut même uploader un fichier .srt, pour ceux qui ont plus souvent l’occasion de traduire hors ligne plutôt que connectés à Internet.

Comme je l’ai déjà dit, les outils sont, pour le moment en tout cas, assez minimalistes. Par exemple on ne peut pas régler les sous-titres : la police, la couleur, l’emplacement… limitation du HTML5 ou pas encore implanté dans ce programme ? On verra. Mais ça risque de poser parfois des gros problèmes de visibilité des sous-titres. Il m’est arrivé à plusieurs reprises, sur les vidéos qu’on a placées sur Framatube, de devoir rajouter une bande noire en-bas, ou les placer en haut, pour pouvoir lire convenablement les sous-titres pour des raisons de contraste avec le fond, qui peut varier…

Un autre bémol, c’est qu’il faut s’enregistrer : il faut soit un compte Twitter, soit un compte OpenID, soit un compte Google… En fait ça ne crée pas de compte à proprement parler, mais se sert de l’existant, ce qui est vraiment un moindre mal.

En tout cas c’est un bel outil qui va nous rendre bien des services pour nos sous-titrages.

Test fait avec une vidéo de Fred Couchet, de l’April, vidéo hébergée sur Blip.tv : http://universalsubtitles.org/videos/JFyBckvaWyCE/fr/

( {"base_state": {"language": "fr"}, "video_url": "http://blip.tv/file/get/Framasoft-FredericCouchetLeRoleDeLAPRILAuxMunicipalesDe2008975.ogv"} )

Notes

[1] Le Framablog de Framasoft, qui publie les travaux des projets Framatube et Framalang, tout cela n’est pas sans rappeler un certain Batman, avec sa Batmobile garée dans sa Batcave… Mais nous nous éloignons déjà du sujet.




Proposition de traduction de la licence « Creative Commons Zero 1.0 »

GnuckX - CC0 En juillet dernier, Framasoft animait le plus long atelier de l’histoire des Rencontres Mondiales du Logiciel Libre : un traducthon courant pendant toutes les rencontres.

En effet, fidèles au poste dans la chaleur cuisante d’une salle de classe au dernier étage de l’ENSEIRB, des bénévoles de Framalang, Benjamin Jean de VeniVidiLibre.org, Alexis Kauffman et moi-même accueillions les courageux visiteurs ayant trouvé leur route jusqu’au traducthon 2.0, pour la plupart venus avec la ferme intention de nous aider à traduire le livre libre : « Imagine there is no Copyright ».

Et c’est ainsi qu’en à peine 5 jours, malgré la chaleur, les difficultés de réseau et une coupure de courant [1], l’ouvrage fut intégralement traduit, par plusieurs dizaines de bénévoles.

L’idée de traduire ce livre était venue à Alexis après l’avoir lu en version papier italienne, couverte par une licence CC-by-nd (Creative Commons attribution, sans dérivation). L’attribution nous permis de remonter à une version anglaise, couverte par une CC-by-nc-nd (ajoutant une clause de réutilisation non commerciale seulement), ce qui pouvait sembler paradoxal vu qu’Alexis l’avait acheté son livre… Toutefois, une mention supplémentaire s’ajoute, sur le site officiel, à la licence de la version originale :

No article in this book may be reproduced in any form by any electronic or mechanical means without permission in writing from the author.

Qui peut se traduire par :

Aucun article de ce livre ne peut être reproduit par quelque moyen électronique ou mécanique que ce soit, sans la permission écrite de l’auteur.

La suite du puzzle allait donc se résoudre en contactant l’auteur, ce qui est, d’une manière générale, la chose à faire en cas de doutes sur une licence [2].

Contacté, l’auteur nous répondit qu’il souhaitait que son œuvre soit au plus près possible du domaine public (ce qui est cohérent avec le titre de l’ouvrage). Benjamin Jean proposa donc la licence « Creative Commons Zero », ce qui convint très bien à l’auteur.

La licence CC0 a en effet été créée pour uniformiser mondialement la notion de domaine public, ou permettre de s’en approcher au plus près dans les juridictions, comme la France, où il n’est pas possible d’y placer soit même son œuvre.

Toutefois, à sa création la CC0 n’était pas applicable en France pour des raisons juridiques levées depuis, mais elle le demeurait pour l’instant pour une seconde raison, l’absence de version française. Il nous fallait donc remédier à ce petit inconvénient avant de pouvoir sortir notre prochain Framabook, et c’est ainsi que l’équipe de traduction de choc qui se cache derrière cette page, se mit à l’œuvre.

Nous sommes donc fier aujourd’hui de vous présenter la traduction, par Framalang et VVL, de la CC0 [3] ! Cette traduction est une contribution que nous avons bien entendu adressée à Creative Commons afin d’étoffer un peu le paysage des licences françaises touchant de domaine public, s’ajoutant ainsi à la récente licence « Information Publique Librement Réutilisable » utilisable uniquement par les organismes du secteur public dans le cadre de leurs démarches « OpenData » [4].

Creative Commons Zéro 1.0 – Domaine Public [5]

CC0 1.0 Universal – Public Domain Dedication

CreativeCommons.org – 17 décembre 2007
Traduction Framalang : Julien R., Barbidule, Goofy, Martin G., Siltaar, mben

CREATIVE COMMONS N’EST PAS UN CABINET D’AVOCATS ET NE FOURNIT PAS DE SERVICES DE CONSEIL JURIDIQUE. LA PUBLICATION DE CE DOCUMENT NE CRÉE AUCUNE RELATION JURIDIQUE ENTRE LES PARTIES ET CREATIVE COMMONS. CREATIVE COMMONS MET À DISPOSITION CETTE LICENCE EN l’ÉTAT, À SEULE FIN D’INFORMATION. CREATIVE COMMONS NE FOURNIT AUCUNE GARANTIE CONCERNANT L’UTILISATION DE CE DOCUMENT OU DES INFORMATIONS OU TRAVAUX FOURNIS CI-APRÈS, ET DÉCLINE TOUTE RESPONSABILITÉ POUR LES DOMMAGES RÉSULTANT DE L’UTILISATION DE CE DOCUMENT OU DES INFORMATIONS OU TRAVAUX FOURNIS CI-APRÈS.

Déclaration d’Intention

Les lois de la plupart des législations des états du monde accordent automatiquement des Droits d’Auteur et Droits Voisins (définis ci-dessous) au créateur et au(x) titulaire(s) de droits ultérieur(s) (ci-après, le « titulaire ») d’une œuvre originale protégeable par le droit de la propriété littéraire et artistique et/ou une base de données (ci-après, une « Œuvre »).

Certains titulaires souhaitent renoncer de façon définitive à ces droits sur une Œuvre dans le but de contribuer à un pot commun de travaux créatifs, culturels et scientifiques (les « Biens Communs ») que le public, de façon certaine et sans craindre d’actions ultérieures pour contrefaçon, a la possibilité d’utiliser comme base de travail, de modifier, d’incorporer dans d’autres travaux, de réutiliser et de redistribuer aussi librement que possible sous quelque forme que ce soit et à quelque fin que ce soit, y compris, et sans réserves, à des fins commerciales. Ces titulaires peuvent contribuer aux Biens Communs dans le but de promouvoir les idéaux de la culture libre et la production de travaux créatifs, culturels et scientifiques, ou pour acquérir une renommée ou une plus grande diffusion de leur Œuvre, notamment grâce à l’utilisation qui en sera faite par d’autres.

Pour ces raisons et/ou d’autres, et sans attendre aucune rémunération ou compensation supplémentaire, la personne associant la CC0 à une Œuvre (le « Déclarant »), dans la mesure où il ou elle est titulaire des Droits d’Auteur et des Droits Voisins de l’Œuvre, fait volontairement le choix d’appliquer la CC0 à l’Œuvre et de distribuer publiquement l’Œuvre sous les termes de cette licence, en toute connaissance de l’étendue de ses Droits d’Auteur et Droits Voisins sur l’Œuvre, ainsi que de la portée et des effets juridiques de la CC0 sur ces droits.

1. Droit d’Auteur et Droits Voisins

Une Œuvre mise à disposition sous la CC0 peut être protégée par les droits d’auteur et les droits voisins ou connexes (le « Droit d’Auteur et les Droits Voisins »). Le Droit d’Auteur et les Droits Voisins comportent, notamment, les droits suivants :

  1. Le droit de reproduire, adapter, distribuer, interpréter, diffuser, communiquer, et traduire une Œuvre ;
  2. Les droits moraux conservés par le ou les auteur(s) ou interprète(s) originaux ;
  3. Les droits relatifs à la diffusion et à la vie privée rattachés à l’image ou au portrait d’une personne représentée dans une Œuvre ;
  4. Les droits protégeant contre la concurrence déloyale à l’égard de l’Œuvre, sujets aux limitations prévues dans le paragraphe 4(a) ci-dessous ;
  5. Les droits protégeant l’extraction, la dissémination, l’utilisation et la réutilisation des données contenues dans une Œuvre ;
  6. Les droits relatifs aux bases de données (tels que ceux découlant de la Directive 96/9/CE du Parlement Européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données, et de toute transposition au niveau national, y compris de toute version amendée ou révisée de cette directive) ;
  7. Tous autres droits similaires, équivalents ou correspondants partout dans le monde, basés sur des lois ou traités applicables, et toutes les transpositions nationale de ceux-ci.
2. Renonciation

Dans toute la mesure permise par la loi, mais sans l’enfreindre, le Déclarant annonce par la présente abandonner, céder et renoncer ouvertement, complètement, définitivement et irrévocablement, à tous ses Droits d’Auteur et Droits Voisins sur l’Œuvre ainsi qu’aux prétentions et intérêts à agir associés , qu’ils soient à cet instant connus ou inconnus (y compris les prétentions et intérêts à agir associés nés ou à naître), (i) partout dans le monde, (ii) pour la durée maximale prévue par les lois ou traités applicables (y compris les prolongations futures de cette durée), (iii) sur n’importe quel support actuel ou futur et quel que soit le nombre de copies, et (iv) pour toutes fins, y compris, et sans réserves, les fins commerciales, publicitaires ou promotionnelles (la « Renonciation »). Le Déclarant procède à la Renonciation au bénéfice de chacun des membres du plus large public et au détriment des héritiers et successeurs du Déclarant, avec la ferme volonté que cette Renonciation ne puisse faire l’objet d’aucune révocation, récision, résiliation, annulation, conclusion, ou de toute autre action en justice ou injonction susceptible d’interrompre la jouissance paisible de cette Œuvre par le public telle que prévue par la Déclaration d’Intention du Déclarant.

3. Licence Publique Supplétive

Dans le cas où une partie quelconque de la Renonciation et pour quelque raison que ce soit est jugée juridiquement nulle ou sans effet en vertu de la loi applicable, la Renonciation doit être préservée de la manière permettant la prise en compte la plus large de la Déclaration d’Intention du Déclarant. De plus, dans la mesure où la Renonciation est ainsi jugée, le Déclarant concède par la présente à chaque personne concernée une licence pour l’exercice des Droits d’Auteur et Droits Voisins du Déclarant sur l’Œuvre, gratuite, non transférable, non sous-licenciable, non exclusive, irrévocable et inconditionnelle (i) partout dans le monde, (ii) pour la durée maximale prévue par les lois ou traités applicables (y compris les prolongations futures de cette durée), (iii) sur n’importe quel support actuel ou futur et quel que soit le nombre de copies, et (iv) pour toutes fins, y compris, et sans réserves, les fins commerciales, publicitaires ou promotionnelles (la « Licence »). La licence sera réputée effective à la date à laquelle le Déclarant a appliqué CC0 à l’Œuvre. Dans le cas où une partie quelconque de la Licence, et pour quelque raison que ce soit, est jugée juridiquement nulle ou sans effet en vertu de la loi applicable, une telle invalidité partielle ou ineffectivité n’invalidera pas le reste de la Licence, et dans un tel cas le Déclarant déclare par la présente qu’il ou elle (i) n’exercera aucun de ses Droits d’Auteur ou Droits Voisins subsistant sur l’Œuvre et (ii) ne fera valoir aucune prétention ni intérêt à agir associés relatifs à l’Œuvre, ce qui serait opposé à la Déclaration d’Intention du Déclarant.

4. Limitations et exonérations de responsabilité
  1. Aucun droit sur une marque déposée ou un brevet détenu par le Déclarant n’est abandonné, cédé, licencié ou affecté d’une quelconque manière par le présent document;
  2. Le Déclarant propose la mise à disposition de l’Œuvre en l’état, sans déclaration ou garantie d’aucune sorte, expresse, implicite, légale ou autre, y compris les garanties concernant la commercialité, ou la conformité, les vices cachés et les vices apparents, dans toute la mesure permise par la loi applicable;
  3. Le Déclarant décline toute responsabilité dans la compensation des droits d’autres personnes qui peuvent s’appliquer à l’Œuvre ou à toute utilisation de celle-ci, y compris, et notamment, mais pas exclusivement, les Droits d’Auteur et Droits Voisins de toute personne sur l’Œuvre. En outre, le Déclarant décline toute responsabilité quant à l’obtention des consentements, autorisations et autres droits requis quelle que soit l’utilisation de l’Œuvre;
  4. Le Déclarant comprend et reconnaît que Creative Commons n’est pas partie prenante de ce document et n’a aucune responsabilité ni obligation à l’égard de la CC0 ou de l’utilisation de l’Œuvre.

Notes

[1] Notre travail étant réparti sur plusieurs documents EtherPad, cet incident généralement atroce dans une salle informatique se révéla joyeusement anecdotique.

[2] Petit aparté à ce propos, Framasoft organise, lors de la prochaine Ubuntu Party parisienne qui aura lieu du 5 au 7 novembre prochain, un atelier de libération d’œuvres non logicielles, qui consistera justement à contacter les auteurs d’œuvres numériques, publiées sur Internet sans licences précises et dont le Copyright par défaut bloque une idée de réutilisation… L’atelier est prévu pour le samedi 6 novembre à partir de 11h30.

[3] Oui, il fallait suivre pour les acronymes 😛

[4] L’annonce de RegardsCitoyens.org saluant la création de cette licence. Une analyse plus poussée sur le blog de Veni Vidi Libri.

[5] Crédit photo : GnuckX (Creative Commons Zero 1.0)




Entretien avec Hackable:Devices, site de diffusion massive de matériel libre

Hackable:DevicesLes dimanches pluvieux, quand le bobo va chez Ikea, le hacker surfe sur Hackable:Devices…

Si vous étiez des dernières Ubuntu Party ou RMLL, vous n’avez pu passer à côté du stand, toujours très fréquenté, de Hackable:Devices sans remarquer les étranges appareils et instruments insolites, gadgets et machines que cette dynamique équipe présente fièrement aux passants. Et je ne puis cacher mon émotion d’avoir vu pour de vrai une carte Arduino ou une imprimante 3D à l’œuvre, après en avoir d’abord entendu parler en théorie sur ce blog.

Qu’est-ce donc que Hackable:Devices ? Dire qu’il s’agit d’une boutique en ligne proposant du « hardware open source », ou « matériel libre » en bon français, est vrai mais c’est un peu réducteur car ce serait taire la dimension communautaire (et militante) du projet.

D’ailleurs vous êtes ainsi accueilli en première page du site : « Les logiciels libres n’ont pas amené la liberté qu’au logiciel. Chez hackable-devices nous croyons sincèrement que le matériel et l’électronique peuvent être utilisés et développés selon les mêmes processus communautaires. Nous pensons que la culture du DIY (ou Do It Yourself pour Faites-le vous-même) et l’apprentissage par la pratique doivent être encouragés. Nous savons que les gens se rencontrent pour créer, améliorer et s’amuser tout à la fois. Nous sommes persuadés que les objets doivent réellement vous appartenir. »

Tout d’un coup nous voici à des années-lumière du modèle Apple. Et je me prends à rêver que les professeurs de technologies fassent de plus en plus souvent leurs courses sur ce site.

Impossible d’attendre plus longtemps avant de les rencontrer et mettre nous aussi ce passionnant projet en lumière.

Entretien avec John Lejeune et l’équipe des h:D

Réalisé le 11 août par Siltaär pour Framasoft

Bonjour John, pour commencer, pouvez-vous nous dire qui se cache derrière le smiley bleu du logo ?

Alors, l’équipe se détaille de la manière suivante :

  • Cécile Montagne, qui s’occupe des aspects administratifs et comptables
  • Jérôme Blondon, développeur et actuel chef de projet
  • Johan Charpentier, développeur et actuel administrateur système
  • John Lejeune, développeur et actuel community manager / « chef produit », si tant est que les communautés se manage et que les produits aient un chef. 🙂 En charge du rédactionnel sur le site et sur les routes le reste du temps
  • Louis Montagne, CEO de la SCOP Bearstech, à l’origine du projet
  • Wim Vandeputte, CEO kd85.com, aussi sur les routes pour les ateliers

Sans oublier les remontées d’infos via les utilisateurs, les hackers, les hackspaces, etc..

Ainsi que d’autres personnes qui vont rejoindre la société dès qu’elle sera créée, comme Paul Coudamy.

Dans quelles circonstances s’est monté Hackable Devices ?

Le projet est né chez Bearstech, juste après le dernier Chaos Communication Camp (2007), Laurent Haond et Louis Montagne, qui y étaient, sont revenus avec beaucoup d’idées et du matériel, comme un Neo 1973.

Ca a donné lieu à pas mal de projets chez Bearstech, dont la distribution des OpenMoko, puis, suite à des discussions entre hackers lors du 25C3 à Berlin, au sujet de la diffusion du hardware libre et des hacks électroniques en tous genres, ça a bien pris forme.Il y avait déjà un embryon de stand hackable-devices lors du Hacking At Random 2009. C’est à partir de là que les choses se sont mises en place, et que les premiers développements de la plate-forme ont vu le jour.

Comment s’est fait le rapprochement entre Bearstech, Kd85 et faberNovel ?

Bearstech a déjà créé une société avec faberNovel, en 2006 : af83, c’est un partenaire de choix pour réussir le lancement d’une entreprise. Pour Kd85, le plus naturellement du monde, puisque nous nous retrouvions sur les mêmes évènements (FOSDEM, HAR, CCC, RMLL, etc.). Wim a pas mal promu OpenBSD ces dix dernières années.

On discute aussi aujourd’hui avec d’autres partenaires, comme NodA par exemple.

Pourquoi avoir choisi un nom anglais ?

Parce que « Matériels Bidouillables » ça garde une connotation péjorative que « Hackable » n’a pas, et que ça ne sonne plus juste (tout comme Framasoft a pris le pas sur « FramaLogiciel », je suppose) 🙂

Parce que nous voulions d’emblée avoir une couverture Européenne, mondiale (par la nature même des projets et des fournisseurs), et que l’Anglais reste l’Esperanto de facto.

D’autre part, avec tous ces joyeux lurons qui forment l’équipe, nous pouvons répondre aux demandes en anglais, allemand, espagnol, flamand et bien sûr, français. C’est l’anglais qui nous permet de communiquer entre nous.

Enfin, parce qu’on avait besoin d’un nouveau nom, quelque chose qui soit facilement identifiable et qui soit juste à la limite, toujours un peu ambigu, … On voit le hacking comme l’augmentation, l’amélioration ou la compréhension, et c’est ce message que l’on veut faire passer.

Quels sont les objectifs du site ?

Le site n’est qu’une des 3 activités de la future société Hackable:Devices, mais on ne va pas en dire trop tout de suite 🙂

Ses objectifs :

  • Faciliter et promouvoir la distribution du matériel modifiable, en privilégiant celui qui offre des licences libres (en construisant un site rentable permettant de fédérer les distributeurs de ces matériels, de trouver les nouveaux matériels et de les mettre en avant) ;
  • Fédérer et accompagner ceux qui font des prototypes, des petites séries, des projets, afin d’avoir une plate-forme commune et de produire les meilleurs ;
  • Promouvoir l’initiation, l’éducation et le fun à travers certains produits/kits, et bien sur promouvoir le Libre en général ;
  • Être un support pour les évènements et autres salons lorsque les utilisateurs souhaitent « mettre les mains dedans » ;
  • Servir de base à la création d’objets design, libres et numériques.

D’où est venue l’idée de vendre du matériel ?

C’était un besoin à la base. Pour avoir constaté qu’il n’était pas toujours simple de trouver l’info, d’importer des choses sans surprises, puis de gérer les frais divers (port, douanes, etc..), nous nous sommes dis que nous n’étions pas les seuls à avoir ce genre de problématique. L’expérience du Freerunner a été le déclencheur. On voulait pouvoir avoir accès à un LinuxDevices.com, mais sur lequel on pourrait acheter.

Et avec quelles infrastructures ?

Pour l’instant, grâce à celles de kd85 et de Bearstech. Ce sont ces deux sociétés qui soutiennent et développent le projet en attendant la création d’une entité juridique autonome. Le premier pour la logistique, à savoir tout ce qui concerne la réception du stock, les expéditions. Le second pour gérer le reste, à savoir les développements et l’hébergement du site, les fiches produits, le suivi et la facturation, les plaisirs douaniers et administratifs en tous genres. 🙂

En ce qui concerne les évènements et les ateliers, nous nous partageons la tâche selon les disponibilités de chacun, les proximités géographiques, et nous nous retrouvons parfois au complet sur d’autres, comme les RMLL ou les Chaos Computer Congress.

Comment s’est montée la communauté ?

Par le bouche à oreille principalement, et parce que nous sommes nous même issus de cette communauté.

Ensuite, c’est un travail quotidien de mail, de publication, de déplacements pour des démonstrations, d’ateliers d’initiation…

Et aujourd’hui, combien compte-elle de personnes (hackers, créateurs, fabricants, investisseurs) ?

h:D c’est aujourd’hui plus de 500 utilisateurs actifs, un peu plus de 7000 visiteurs mensuels, pour une quarantaine de produits. Beaucoup de nos membres sont des hackers, même si cela tend à se diffuser, au profit d’un public plus large. Les artistes, designers, plasticiens, musiciens, sont de plus en plus nombreux à nous rejoindre et c’est tant mieux.

Les investisseurs, pour l’instant, point. Nous supportons seuls les coûts, mais ça ne saurait tarder 🙂

Pour combien de projets ?

Près d’une dizaine. Tous ne sont pas nécessairement liés à Hackable:Devices et tous ne sont pas encore publiés, il y a pas mal de work in progress.

C’est un des problèmes à surmonter. On a beau dire release early, release often, concrètement, il faut toujours lutter contre la tendance « oui, mais c’est pas encore prêt, j’ai encore quelques trucs à terminer avant publication ».

L’autre souci souvent rencontré c’est, « ben, ça vaut pas le coup, c’est trop simple, je vais pas publier ça !?! ». Typiquement, tout ce qui tourne autour d’Arduino est souvent dans ce cas. 🙂

Et puis il y a des projets qui demandent pas mal de coordination avant de voir le jour, par exemple en ce moment autour de la surveillance de la consommation énergétique, avec une collaboration entre Snootlab, Nod-A et OpenEnergyMonitor.org, ou encore autour de la fabrication d’un notebook communautaire, avec blogARM.

Quels sont les projets les plus actifs ?

Aujourd’hui, en terme de réalisations, je dirais NanoNote, Milkymist, Mutable Instruments, Proxmark (site officiel) aussi.

Quels sont vos projets préférés ?

Difficile comme question. Au sein de l’équipe, chacun a ses préférences, ce qui fait qu’au final, il n’y a pas un projet qui attire toutes les attentions.

À titre personnel, j’aime bien ce qui est lié au son, à la radio, donc je dirais Tryphon (site officiel), Sonodrome (site officiel), Mutable Instruments (site officiel). Mais j’aime aussi Milkymist (site officiel) et NanoNote (site ooficiel), pour l’aspect Copyleft qu’ils illustrent à merveille.

Parlez-moi du projet NoBox/Soxyd référencé sur Hackable-Devices.org. De quoi s’agit-il ?

Il s’agit de permettre aux utilisateurs de se réapproprier les données, au travers d’une « box » à installer chez soi. La problématique est connue de Framasoft, je me souviens avoir lu récemment la traduction de l’interview d’Eben Moglen, par Glyn Moody.

Comment vous y êtes vous intéressés ?

En ce qui me concerne, j’ai découvert cette problématique avec certains membres de FDN il y a quelques temps déjà. Elle commence à se diffuser grâce à l’émergence de matériel adéquat, mais aussi en réponse au cloud et aux questionnements qu’il apporte.

Sur la plate-forme à proprement parler, elle est apparue sur l’initiative spontanée de Gordontesos, après une discussion sur IRC.

Et où en est-il chez vous ?

Gordontesos a commençé les développements sur un Sheevaplug il y a quelques semaines. La coopération est ouverte.

J’ai eu l’occasion à Bordeaux de discuter du sujet avec Benjamin Bayard lors des RMLL 2010, qui me confirmait l’importance de l’expérience utilisateur au niveau de l’interface graphique. C’est à mon sens le point sur lequel se concentrer.

Et le Freerunner, on est en route pour une v2 ?

J’aimerais bien, mais j’en doute. Avec la prolifération des smartphones, l’apparition d’Android et consort, je doute qu’OpenMoko se relance dans l’aventure, au profit du Wiki Reader. À mon sens, cela restera une plate-forme de tests / prototypage / amusement sans jamais atteindre le grand public.

Une petite baisse de régime sur le flux Identica depuis un mois ? Tout le monde est en vacances ?

Oui. 🙁

Enfin, plus maintenant si vous suivez ce lien 🙂

Cherchez-vous de nouveaux contributeurs ?

Toujours.

Qu’il s’agisse d’info à remonter, d’évènements auxquels participer, de produits susceptibles d’intégrer h:D, de traductions, vous êtes les bienvenus.

Pour finir, la traditionnelle question de clôture des entretiens : « Quelle est la question que je n’ai pas posée mais à laquelle vous auriez voulu répondre ? »

Celle-ci justement. 🙂

Blague à part : « Où en est le hardware Libre ? » peut-être.

Réponse : Ça bouge pas mal ces temps-ci, avec des initiatives telles que Ohanda ou encore le Open Hardware Summit de New-York en septembre. Ce sera peut-être l’occasion de voir émerger une définition commune, en cours sur Freedomdefined.




L’enseignante Christine Mytko ou l’exception qui devrait être la règle

Christine Mytko - Curriki - CC by-ncC’est la rentrée des classes. Et nous publions, à l’occasion, la traduction d’un entretien avec une enseignante américaine impliquée dans ce que l’on appelle les Ressources Éducatives Libres, ces ressources placées sous licence libre et qui offrent aux utilisateurs les mêmes droits que ceux d’un logiciel libre : utilisation, étude, modification, duplication et diffusion. Face au casse-tête du « tous droits réservés », elles représentent une formidable opportunité pour l’éducation. Une opportunité d’usage mais aussi de remix et de création collective. Une opportunité qui met l’accent sur le partage et la coopération au détriment de l’individualisme et de la compétition.

Le problème c’est que vos enfants ont encore aujourd’hui une chance infime de rencontrer de tels professeurs dans leur classe cette année.

Pourquoi ? Principalement à cause de la scandaleuse et irresponsable politique de l’autruche du ministère de l’Éducation Nationale qui ne s’est toujours pas décidé à les encourager. Aussi hallucinant que cela paraisse, rien, absolument rien d’envergure n’est prévu pour les mettre en avant. Aucune trace dans les programmes officiels, aucune directive adressée aux enseignants. Et cela dure depuis des lustres.

Cela va même au delà de la belle ignorance ou de la simple indifférence, il suffit de parcourir ces quelques anciens articles du Framablog pour s’en convaincre :

L’aggiornamento n’a toujours pas eu lieu. C’est une « culture propriétaire » et non une « culture libre » qui règne encore au sein du ministère et qui influence tous ses fonctionnaires. Voilà la triste vérité.

Dans ce contexte hostile on ne s’étonnera pas que les enseignants de la trempe de Christine Mytko[1] demeurent pour le moment minoritaires. Il en existe bien sûr, mais leur sensibilisation s’est bien moins faite grâce à l’école que malgré l’école. C’est pourquoi d’ailleurs un site comme le nôtre continue malheureusement d’avoir sa modeste utilité, mais qu’il est dur de nager à contre-courant alors que nous devrions plutôt tous surfer sur la vague du bon sens.

Au cours de l’interview ci-dessous publiée à l’origine sur le blog du site des Creative Commons, Christine Mytko constate que c’est la méthode « CASE » qui prévaut encore chez les enseignants. C’est l’acronyme anglais de « Copy And Steal Everything » signifiant que tout le monde fait à peu près n’importe quoi avec le respect des licences. Il suffit effectivement de passer une journée devant la photocopieuse d’une salle des professeurs pour s’en rendre compte.

On fait n’importe quoi mais comme on ne reçoit aucune information et qu’on ne s’expose à aucune sanction, il n’y a aucune raison de modifier son comportement. Un comportement que l’on retrouvera alors naturellement par ricochet chez les élèves de ces enseignants, c’est-à-dire nos enfants.

C’est entendu, l’école à d’autres chats plus importants à fouetter actuellement que ce détail des licences des ressources. Certes mais sans vouloir être grandiloquent « l’école du XXIe siècle sera libre ou ne sera pas ». Alors autant s’y préparer sérieusement dès maintenant et ne plus faire de chaque jour qui passe un jour de perdu.

Éducation et politique pédagogique libres : Entretien avec Christine Mytko, du site Curriki

Curriki’s Christine Mytko: Open Education and Policy

Jane Park – 5 août 2010 – Creative Commons Blog
(Traduction Framalang : Don Rico)

Au début de l’année 2010, nous avons annoncé une refonte de nos projets consacrés à l’éducation et un soutien accru au mouvement des REL, les Ressources Éducatives Libres (NdT: OER en anglais, pour Open Educational Resources). En ce sens, nous avons redoublé d’efforts pour accroître la quantité d’informations disponibles sur notre site. Outre la mise en ligne d’une nouvelle page d’acueil pour notre rubrique Éducation et notre portail consacré aux REL, sur laquelle nous expliquons le rôle que jouent les Creative Commons en tant qu’infrastructure technique et juridique, nous avons réalisé une série d’entretiens destinés à exposer les obstacles que rencontrent les REL et les chances qu’elles ont de trouver leur place dans notre paysage pédagogique.

Un changement de politique au niveau local, national et international constitue l’un des vecteurs les plus probants pour la promotion des REL. Il y a peu, nous avons eu la chance d’interroger Christine Mytko, qui milite pour l’adoption des REL à l’échelle locale dans le cadre de son métier d’enseignante et en tant que validatrice principale de la rubrique scientifique du site Curriki. De par son statut de professeure, Christine Mytko apporte un point de vue précieux sur l’éducation et la politique libres, et nous offre un bon aperçu de la façon dont on perçoit le copyright, l’utilisation des Creative Commons et des REL dans le monde éducatif.

Vous êtes enseignante et validatrice de la section scientifique de Curriki, que l’on décrit comme le « wiki nouvelle génération » pour l’enseignement primaire et secondaire. Pouvez-vous nous décrire brièvement qui vous êtes et ce qui vous a conduite aux fonctions que vous occupez aujourd’hui ? Quelle est d’après vous la mission de Curriki, et comment ce site aide-t-il les enseignants ?

J’ai passé la majeure partie de ma carrière à enseigner les sciences dans des collège publics. Il y a trois ans, j’ai eu la chance de trouver un poste qui allie mes deux passions : la science et la technologie. À l’heure actuelle, je suis intervenante en sciences chez les maternelles et professeure de technologie dans un petit collège de Berkeley, en Californie.

En 2007, j’ai posé ma candidature pour un temps partiel chez Curriki. Comme de nombreux enseignants, je cherchais à arrondir mes fins de mois. J’ai alors découvert une communauté d’éducateurs dévoués à la création collaborative et au partage de ressources libres. Membre de l’équipe de modération de Curriki, je suis chargée de valider les contenus scientifiques que l’on nous soumet et de fournir une notation et des retours publics au contributeur. Si besoin est, je participe aussi à d’autres projets. En ce moment, je travaille avec un professeur de chimie afin de réviser et soumettre un manuel de chimie numérique open-source dans le cadre de la California Learning Resource Network’s Free Digital Textbook Initiative.

Comme on peut le lire en page d’accueil du site, la mission de Curriki est de « fournir des ressources et des programmes libres de grande qualité aux enseignants, étudiants et parents du monde entier. » Certains l’auront deviné, son nom est un jeu sur les mots « curriculum » (NdT: « programme d’enseignement » en anglais) et wiki. Le dépôt de Curriki contient un choix riche pour les programmes d’enseignement, allant des plans de leçons à des séquences complètes, disponibles pour plusieurs matières, niveaux et langues. Curriki offre d’autres ressources tels que des manuels scolaires, des supports multimédia, et des projets collaboratifs.

Tout le contenu présent sur Curriki est partagé sous la licence Creative Commons Paternité (CC-BY), ce qui l’inscrit solidement dans l’espace des REL. Savez-vous pourquoi Curriki a choisi la CC-BY pour ses ressources en ligne ? Si vous l’ignorez, quel avantage présente la CC-BY comparé à du contenu « Tous droits réservés » ?

Les contributeurs de Curriki sont libres de placer leur contenu soit dans le domaine public soit sous une licence CC de leur choix, mais le contrat de licence par défaut est en effet le CC-BY. Je ne connais pas les raisons qui ont poussé Curriki à la choisir, mais c’est une excellente décision. La CC-BY confère aux enseignants la possibilité de remixer, partager et distribuer des ressources afin qu’elles soient les plus pertinentes pour leur programme d’enseignement.

La souplesse offerte par la licence CC-BY permet d’adapter le contenu très vite. La révision d’un manuel scolaire s’étale sur un cycle de sept ans. Le contenu de Curriki, lui, peut être mis à jour et « publié » en quelques secondes, et la communauté peut corriger les éventuelles erreurs tout aussi rapidement. De nombreux sujets, surtout en sciences et en technologie, évoluent si vite que l’enseignement ne peut se permettre d’être dépendant des cycles de publication trop longs des ouvrages propriétaires.

À l’heure actuelle, la Californie et le Texas sont les plus gros acheteurs de manuels traditionnels « Tous droits réservés », et les éditeurs se coupent en quatre pour répondre aux exigences de ces états. Les enseignants des autres états (et autres pays) sont contraints à composer avec ces limitations propriétaires. Des initiatives de REL telle que Curriki permettent néanmoins de modifier librement des outils afin qu’ils correspondent le mieux à leurs besoins pédagogiques et culturels. En créant ou en mettant à disposition un tel contenu dans des dépôts publics, les enseignants n’auront plus à travailler chacun dans leur coin et ne seront plus forcés à constamment « réinventer la roue ». Plus on donnera à partager librement du contenu de qualité au sein de communautés d’enseignants, moins on passera de temps à adapter de la matière propriétaire, ce qui permettra aux enseignants de consacrer davantage de leur temps, qui est précieux, à d’autres domaines importants de l’enseignement.

Décrivez-nous un projet pédagogique auquel vous avez intégré du contenu sous CC et/ou des REL. Quelles difficultés avez-vous rencontrées, vous ou vos élèves, en recherchant ou en utilisant des ressources sur le web ? Comment relateriez-vous cette expérience à des enseignants qui souhaitent attribuer les bonnes licences à leurs propres ressources pour la recherche et la découverte des REL ? Que doivent savoir ces professeurs ?

Pour mes cours de technologie, je fais en sorte désormais que tous les supports médias incorporés aux devoirs soient sous Creative Commons, dans le domaine public ou dépourvus de tout copyright. Au début, après des années à pouvoir piocher sans restriction dans Google Images, mes élèves se sont sentis très restreints dans leurs choix, mais nous avons débattu de ce qui sous-tend le copyright et les solutions alternatives à celui-ci, et nombre d’entre eux ont compris l’importance de respecter les droits.

Il existe de nombreuses sources d’excellente qualité pour aider les enseignants et les élèves à utiliser des ressources sous Creative Commons en cours. La page de recherche des Creative Commons, Wikimedia Commons, la section CC de Flickr et l’option de recherche avancée de Google sont des outils fantastiques pour trouver des images placées sous licence alternative. Pour la musique, des sites tels que Jamendo sont formidables.

Au départ, la terminologie a présenté des difficultés pour mes collégiens. Bien qu’il n’y ait que six contrats CC principaux, mes élèves ont été déroutés par des termes tels que « Paternité » (NdT: Attribution en anglais) et « Pas de modification » (NdT: No Derivatives en anglais). Le fait que Google emploie des formulations légèrement différentes (« réutilisation autorisée » et « réutilisation avec modification autorisée ») dans ses filtres de recherche n’a pas arrangé les choses. Mais les jeunes ont vite apprivoisé les termes et les procédures, et en l’espace de quelques cours, ils accédaient aisément à du contenu sous licence « Certains droits réservés » et l’utilisaient à bon escient. Évidemment, je leur demande de définir des droits d’utilisation pour leurs travaux, ce qui renforce la compréhension des licences et les pousse à réfléchir soigneusement aux droits qui comptent pour eux.

Concernant la mise à disposition de mes travaux sous forme de REL, je n’ai pas fini d’apprendre. Avant de rejoindre l’équipe de Curriki, j’hésitais à « publier » mes ressources sous licence libre. Après avoir consacré tant de temps et d’énergie à créer certaines préparations, il me semblait aberrant de les distribuer gratuitement sur Internet. Depuis quelques années, j’ai toutefois compris les avantages que présentent les contenus libres, et je publie sur Curriki, sous licence CC-BY, certains de mes travaux autrefois jalousement gardés. À présent, je partage sans restriction mes nouveaux travaux. Je me sens plus à l’aise pour utiliser et créer des ressources libres, et j’espère à présent passer à l’étape supérieure et collaborer avec d’autres enseignants.

Quelles sont les idées erronées ou les inquiétudes les plus répandues chez les professeurs concernant le partage de leur travail ? Pensez-vous que dans le secondaire, le professeur moyen connaisse l’existence de licences alternatives comme les Creative Commons ? Quelles politiques sont menées au niveau des établissements ou des institutions pour aider les professeurs à partager leur travail ?

Je suis certaine que le professeur moyen ignore jusqu’à l’existence même des solutions alternatives ouvertes. La plupart de mes collègues appliquent toujours la méthode CASE, Copy and Steal Everything (NdT: Tout copier, tout voler). Je ne pense pas que les enseignants utilisent des ressources de cette manière par paresse ou volonté de nuire. Quiconque a enseigné un jour sait l’ampleur du travail qu’il faut accomplir en très peu de temps. Parfois, copier une activité (souvent placée sous copyright) et la déposer dans le casier d’un collègue, ce n’est qu’une question de survie. Même parmi les professeurs qui sont conscients des problèmes de copyright, beaucoup invoquent le « fair use » (NdT: usage raisonnable en droit anglo-saxon, plus ou moins proche du droit de citation). Le problème, c’est que ces personnes surestiment souvent les protections et les privilèges que leur confère le fair use. En outre, nous sommes très peu formés sur le copyright et le fair use, et encore moins sur les Creative Commons et les REL. En plus de ne pas connaître ses responsabilités, un enseignant du secondaire ignore les droits et les autres solutions dont il dispose pour partager son travail.

Un certain nombre de blocages empêchent les enseignants de penser au partage de leurs ressources. Tout d’abord, créer un programme d’enseignement prend tellement de temps que beaucoup sont réticents à partager leurs cours parce qu’ils estiment que le produit de leurs efforts leur appartient. D’autres ont le sentiment que leur travail n’est pas assez bon. Et même pour ceux qui surmontent ces obstacles psychologiques, il reste les questions techniques sur la façon dont ils partageront leur travail sous licence libre. Aucun des établissements où j’ai travaillé n’avait mis en place une politique ou une plage de temps pour le partage des ressources. En discutant avec des collègues, j’ai découvert qu’eux aussi déploraient cette même absence de volonté de la part de leurs établissements. Même dans les rares cas où l’on tentait de donner des directives dans ce sens, les professeurs choisissaient souvent de ne pas les appliquer. À l’heure actuelle, la plupart des enseignants n’ont ni l’accès, ni la formation, ni le soutien nécessaires pour participer en confiance au mouvement des REL.

Curriki fournit un gros travail pour indiquer à quelles standards pédagogiques des divers états des USA correspondent ses ressources. Pouvez-vous nous expliquer cela fonctionne ? Quels avantages et difficultés cela présente-il ? En quoi est-ce utile ?

Ce travail ne fait pas partie de mes attributions chez Curriki, mais je peux vous donner un avis personnel, en tant qu’enseignante et membre de Curriki. Lorque l’on consulte une ressource sur notre site, quatre onglets apparaissent – Contenu, Détails, Standards, et Commentaires. Cliquer sur l’onglet Standards permet à l’utilisateur de voir à quels programmes elle correspond, ainsi que de l’associer aux standards d’un autre état. Le procédé est très intuitif : l’utilisateur parcourt une série de menus et choisit les standards qui lui paraissent appropriés.

Le bénéfice principal sera sans doute la possibilité de rechercher des ressources répondant à un standard voulu en passant par la page que je viens de mentionner. Le plus grand défi consiste à associer les différents standards à nos ressources existantes et futures. Curriki s’appuie en grande partie sur la communauté pour que ce chantier s’accélère. Pour l’heure, les couples standards/normes ne sont établis que pour la moitié des états, et même ces regroupements sont incomplets.

On parle beaucoup des REL en ce qui concerne les politiques pédagogiques, surtout sur la question des manuels scolaires libres. À votre avis, quel est l’avenir du manuel scolaire pour le primaire et le secondaire ? Comment souhaiteriez-vous que cela se traduise dans les politiques éducatives ?

Comme de nombreux enseignants, j’ai le sentiment que le règne du manuel scolaire touche à sa fin. En tant que professeur de sciences, j’ai rarement été dépendante d’un manuel pour préparer mes cours, et je m’appuie davantage sur des ressources que je trouve en ligne ou que je crée moi-même. Grâce aux REL, je profite mieux de la création et du partage de travaux au sein d’une communauté collaborative. La science et la technologie se prêtent bien à une adoption précoce de la philosophie du libre, mais je suis convaincue que d’autres matières suivront bientôt.

Les manuels ne pourront conserver leur mainmise actuelle. Un article récent du New York Times indiquait que « même les éditeurs de manuels traditionnels reconnaissent que l’époque où l’on modifiait quelques pages dans un livre afin d’en vendre une nouvelle version était révolue. » Les manuels scolaires coûtent cher et sont vite obsolètes. Pour corriger les erreurs qu’ils contiennent, il faut attendre l’édition suivante. En comparaison, les REL sont très bon marché voire gratuites, constamment mises à jour, et faciles à corriger. Il serait formidable que l’argent économisé si l’on préférait les REL abordables aux coûteux manuels servait à acquérir des outils pédagogiques supplémentaires et financer des formations pour les enseignants. Ou mieux encore, que les administrations puissent employer ces fonds à payer les enseignants pour qu’ils se réunissent et collaborent à la création de REL sur leur temps de travail.

Pour terminer, à quoi « ressemble » un environnement d’enseignement et d’apprentissage qui exploite avec succès les immenses possibilités des REL ? Avez-vous des considérations à nous faire partager… des inquiétudes, des espoirs, des prédictions ?

Un environnement d’apprentissage efficace se doit d’être bien pensé, attrayant, motivant, et souple. Les REL sont toujours d’actualité, on peut aisément et en toute légalité les adapter aux besoins des élèves. Une communauté de REL peut fournir aux enseignants les ressources et le soutien nécessaires pour répondre aux attentes de la catégorie d’élèves à laquelle ils s’adressent. Des ressources partagées librement permettent à d’autres de gagner d’innombrables heures de travail individuel redondant, et grâce à eux, les professeurs ne sont plus prisonniers d’un programme pédagogique propriétaire.

Les établissements scolaires commencent à comprendre les économies que permet l’abandon du modèle actuel de manuels scolaires, et je prédis que les éditeurs s’adapteront aux exigences du marché. J’espère que les établissements reconnaîtront enfin que les enseignants sont une ressource précieuse, des professionnels qualifiés, et qu’ils méritent une contrepartie pour le temps qu’ils passent à créer leurs programmes de cours.

Dans l’idéal, la salle de classe devrait être un espace où les élèves ne sont pas que des consommateurs passifs de ressources et de documents multimédia, mais plutôt des collaborateurs actifs, qui synthétisent et publient leur travail. J’espère que dès le plus jeune âge on apprendra aux élèves à utiliser le travail d’autres personnes de façon appropriée, et qu’on les encouragera à partager leurs travaux sous une licence libre avec certains droits réservés au lieu de se rabattre sur la solution par défaut du copyright classique, ou pire, ne pas les partager du tout. Je veux que mes élèves et mes collègues comprennent qu’en partageant des ressources, ils contribuent à constituer une réserve de matériel pédagogique qui servira à d’autres bien au-delà des murs de leur salle de classe. C’est un changement important dans la philosophie pédagogique actuelle, mais des sites tels que Curriki constituent un grand pas dans la bonne direction.

Notes

[1] Crédit photo : Christine Mytko (Creative Commons By-Nc)




Pourquoi il nous tient à cœur de ne pas confondre Hacker et Cracker

Gregor_y - CC by-saSi vous êtes un lecteur assidu du Framablog, vous ne découvrirez probablement pas grand-chose de nouveau dans l’article qui suit. Mais il n’est pas non plus dépourvu d’intérêt, loin s’en faut : il peut être une référence pour tous ceux qui ne connaissent pas bien la différence entre les « hackers » et les « crackers », et ils sont nombreux. On dit souvent, à raison, que cette confusion est de nature médiatique, mais malheureusement ce n’est que partiellement vrai. Avec l’influence que les médias ont pu avoir, il est devenu très courant d’entendre au détour d’une conversation que des « hackers ont piraté (ou que des pirates ont hacké !) tel système ». Et même dans les GUL ! C’est pour cela qu’il m’a paru important de revenir aux sources… Pourquoi hacker n’a rien à voir avec cracker ?

Il me semble d’autant plus dommage de confondre ces deux notions qu’à mon avis le « hacking » a un grand rôle à jouer dans notre société. On a souvent beaucoup de préjugés sur Marx, à cause de la simplification de ses écrits qui a nourri le marxisme (à tel point qu’on appelle les personnes qui étudient directement Marx, les marxiens !). Sans tomber dans le marxisme, le concept de fétichisme de la marchandise me semble particulièrement intéressant pour décrire la situation actuelle : pour faire fonctionner le système économique tel qu’il est, il faut que l’acheteur se réduise à une simple fonction de consommation, sans produire par lui-même, ou pour lui-même. Le fétichisme est à la fois une admiration et une soumission. Il faut acheter des produits de marque. Apple est à mon avis un super exemple : le simple fait de poser une pomme (même pas entière) sur un produit de qualité moyenne, double son prix, et entraîne une myriade de « fans ».

Derrière ce nom barbare du fétichisme de la marchandise, se cache un double phénomène : la sacralisation de la marchandise, engendrant l’aliénation de l’homme à cette dernière. Tout cela pour dire que les produits sont pris pour plus qu’ils ne sont réellement, que par exemple l’homme est prêt à sacrifier beaucoup pour acquérir un objet. Ainsi, le fétichisme de la marchandise permet, à mon sens, de rendre compte de la situation de l’économie actuelle. Une instance économique (le plus souvent les entreprises) produit un objet ou un service qui apparaît cher aux yeux des consommateurs, qui ne doivent l’utiliser que dans le sens pour lequel il a été créé. Encore une fois Apple, cas extrême, permet de rendre compte de la situation : tout ne repose que sur leur image de marque, de haut de gamme, alors que la réalité est terrifiante (Big Brother censure, qualité de l’électronique tout à fait moyenne, matériel et logiciels fermés et propriétaires jusqu’à l’os, bidouillabilité et respect des utilisateurs faibles voire nuls, etc). Là où je veux en venir est que le fétichisme de la marchandise permet de masquer les yeux du consommateur pour que celui-ci se contente d’utiliser servilement ce qu’on lui propose tout en étant satisfait.

Pour entrer plus dans le détail du concept, selon Marx si l’objet est sacralisé c’est parce que le rapport social de production, qui est extérieur au produit, est pris comme faisant partie intégrante de la marchandise. Concrètement, un produit (ou un service) est conçu conformément à des exigences sociales, mais on croit que la valeur sociale attribuée à l’objet vient de l’objet lui-même. On croit que le produit peut exister tout seul, en dehors de tout contexte de société. Par exemple, on peut être fier d’avoir le tout dernier joujou à la mode qui en jette plein les yeux. Dans ce cas, la reconnaissance sociale liée à la possession de l’objet est prise comme étant intégralement due à l’objet que l’on achète. La marchandise est alors élevée à un statut supérieur par une opération certes magique mais inconsciente. L’objet est donc sacralisé, l’aliénation en est ensuite la conséquence : l’objet qui semble posséder des pouvoirs « magiques » doit être protégé, conservé, etc. C’est la soumission qui va de pair avec toute forme de sacré. Et c’est exactement ce qu’essaient de cultiver les entreprises.

De plus, un effet de mode étant très éphémère, l’objet devient vite un fardeau, une vieillerie, car son « pouvoir » secret se tarit. Ce qui, à mon sens, explique la frénésie du schéma achat-consommation-rejet-poubelle de notre système économique, et de nos modes de vie. Le fétichisme de la marchandise vient de là : un rapport social occulté qui entraîne une sacralisation du produit : il faut se contenter pour être heureux d’acheter, de ne pas abîmer, de préserver le produit à l’identique (pour essayer de garder ses vertus magiques que l’on a pu avoir l’impression de palper), de ne pas bidouiller, ni en faire une utilisation trop originale.

Quel est le rapport en fin de compte avec le hacking ? C’est une solution ! Je n’ai fait le rapprochement que très récemment dans une interview de la radio des RMLL de John Lejeune, un animateur du projet Hackable Devices, qui disait que « Tout ce qui est do-it-yourself, bidouille, réappropriation des connaissances, etc, est en train de revenir. L’intérêt est aussi de détourner des fonctions, savoir comment ça marche, comprendre, et désacraliser les objets ». Et effectivement, manipuler, bidouiller, faire par soi-même permet de démystifier le produit, de ne plus être dans une attitude de simple consommation, de ne pas se contenter de vivre en lecture seule[1]. On voit que ce n’est pas compliqué de créer, qu’à l’intérieur de la boîte noire du dernier joujou à la mode, il n’y a finalement rien d’extraordinaire, ni de magique. Le rapport à la marchandise s’inverse : au lieu de se soumettre à elle, on la maîtrise, la contrôle et l’adapte à ses besoins. Confondre « Hacking » et « Cracking » est donc d’autant plus dommageable que les deux notions recouvrent des modes de vie et des fonctionnements différents. Égaliser les deux notions, c’est faire réprimer le vrai « Hacking » par la société et donc en un sens se voiler la face sur des problèmes existants. Cet article me parait donc un début de solution !

Hacker vaillant, rien d’impossible 😉

Lettre ouverte aux médias sur le mauvais usage du terme « hacker »

Open letter to the media about the misuse of the term "hacker"

Matija Šuklje – 2 août 2010 – Hook’s Humble
(Traduction Framalang : Marting, Siltaar, Loque Humaine et Barbidule)

Ces derniers jours et semaines, on a beaucoup parlé dans les médias slovènes de trois Slovènes qui auraient collaboré au botnet Mariposa. Si vous ne savez pas de quoi il s’agit, vous pouvez lire ce communiqué de presse du FBI. Les médias n’ont cessé d’appeller ces présumés cybercriminels des « hackers ». Comme c’est un abus de langage et que nous sommes nombreux, au sein du groupe Slovène de la Free Software Foundation Europe, à nous définir par ce terme de « hackers », nous avons estimé que quelque chose devait être fait. Nous avons donc écrit et envoyé une lettre ouverte aux médias pour leur expliquer la différence entre « hacker » et « cracker » et les inviter aimablement à employer ces mots correctement à l’avenir. Cette action a été soutenue par plusieurs autres groupes et organismes. La suite correspond au texte entier de la lettre ouverte et à sa traduction.

Madame, Monsieur,

Ces dernières semaines, au sujet de l’action du FBI contre un cybercrime ayant abouti à l’arrestation d’un suspect en Slovénie, le mot « hacker » a été utilisé à plusieurs reprises dans les médias dans un contexte et dans un sens erronés. Ce terme ayant un sens différent pour les experts et pour le public profane, nous avons trouvé opportun de vous le signaler par cette lettre ouverte.

« Hacker » vient du verbe « to hack », « bidouiller ». Cette expression fut forgée au MIT (Massachusetts Institute of Technology) dans les années 50, et signifie résoudre un problème technique d’une manière originale. Dans le jargon de l’informatique, elle est encore utilisée pour désigner des modifications inventives ou originales d’un programme ou d’un système, basées sur une compréhension profonde et dans un but qui n’était pas celui prévu initalement.

Beaucoup d’autorités dans le domaine de l’informatique et de la sécurité entendent le terme « hacking » comme un état d’esprit, la capacité à penser hors des frontières, des façons de faire et des méthodes établies, en essayant de surmonter ces obstacles. Les exemples sont nombreux de « hackers » mettant leurs compétences et leur créativité au service de causes nobles et de l’intérêt général, en faisant en sorte que tout le monde puisse utiliser ou modifier leur programme. Des exemples de tels logiciels libres sont : GNU/Linux, Mozilla Firefox, Mozilla Thunderbird, Google Chromium, OpenOffice.org, SpamAssassin, GIMP, Scribus etc.

Ce furent les médias et l’industrie du film qui utilisèrent ensuite (à tort) le mot « hacker » pour désigner les cybercriminels, ce qui provoqua évidemment une certaine confusion. Ce désordre est encore alimenté par l’évolution de la terminologie, et par les traductions dans la langue slovène.

Pour désigner une personne qui s’introduit dans des systèmes informatiques avec une intention criminelle, il est plus approprié d’utiliser le terme « cracker ». Ce terme désigne les personnes qui contournent des systèmes de sécurité sans autorisation et/ou qui utilisent les TIC (c’est-à-dire habituellement des ordinateurs, des téléphones ou des réseaux) pour s’introduire dans des systèmes et se livrer à des activités illégales ou criminelles — vandalisme, fraudes aux cartes de crédit, usurpation d’identité, piratage, et autres types d’activités illégales.


Ainsi, le dictionnaire slovène d’informatique fait bien la distinction entre le terme « hacker », entendu comme « un passionné d’informatique orienté sur la technique » et le terme « cracker » « qui s’introduit dans les systèmes informatiques avec l’intention d’utiliser des données ou des programmes sans autorisation ».

C’est pourquoi il convient d’utiliser le terme « crackers » pour désigner ces personnes suspectées de crimes informatiques. Au cours des dernières décennies, de nombreuses avancées technologiques furent le fruit du phénomène « hacker » — les ordinateurs personnels, l’Internet, le logiciel libre — il serait donc abusif d’assimiler hackers et criminels. Cela équivaudrait à qualifier tous les pharmaciens d’empoisonneurs.

Nous comprenons que la confusion actuelle existe depuis assez longtemps et c’est d’ailleurs pour cela que nous pensons qu’il est largement temps de clarifier ce point ensemble. Aussi nous vous demandons, s’il vous plaît, de bien vouloir à l’avenir utiliser le terme approprié.

Bien cordialement,

Matija Šuklje : coordinateur du groupe slovène de la FSFE[2]

Co-signataires : Andrej Kositer (président du COKS[3]), Simon Delakorda, (directeur du INePA[4]), Andrej Vernekar (président du LUGOS[5]), Klemen Robnik (de Kiberpipa/Cyberpipe[6]) et Ljudmila[7].

Notes

[1] Crédit photo : Gregor_y (Creative Commons By-Sa)

[2] Le groupe slovène de l’association FSFE est un groupe supportant la « Free Software Foundation Europe » ainsi que le logiciel libre et open-source en général, organisé en tant que mouvement citoyen. Nous défendons le logiciel libre, les standards et les formats ouverts.

[3] Le Centre Open Source Slovène (COKS – Center odprte kode Slovenije) soutient au niveau national en Slovénie, le développement l’utilisation et la connaissance des technologies open-source ainsi que des systèmes d’exploitation libres. Nous aidons et soutenons les utilisateurs de ces systèmes d’exploitation dans le secteur public et privé, et coopérons avec les instances européennes dans le domaine de l’open-source et des politiques de gouvernance en informatique.

[4] L’Institut d’Apport en Électronique INePA (Inštitut za elektronsko participacijo) est une organisation non gouvernementale à but non-lucratif dans le domaine de l’e-democratie. L’INePA effectue aussi bien des projets applicatifs et de développement que des activités juridiques et en lien avec les ONG, les institutionsn et les individus qui supportent le consolidation de la démocratie et de la participation politique par l’usage des TIC. L’institut est membre du Réseau Pan-Européen d’eParticipation, et du Réseau de Citoyens d’Europe Centrale et de l’Est.

[5] LUGOS (Linux user group of Slovenia) est une association d’utilisateurs du système d’exploitation libre et open-source GNU/Linux. Parmi ses activités, elle propose entre autre un support aux utilisateurs et traduit des logiciels libres. Elle s’occupe aussi du réseau ouvert sans fil de Ljubljana (wlan-lj) et des lectures hebdomadaires de « Pipe’s Open Terms » (en coopération avec Cyberpipe).

[6] Kiberpipa/Cyberpipe est un collectif de défense de l’open-source et des libertés numériques. Dans le centre de Ljublljana, il crée une culture numérique, et informe experts et grand public par le biais de présentations, de lectures et d’ateliers.

[7] Ljudmila Le laboratoire de Ljubljana pour un média et une culture numérique (1994) est le premier laboratoire à but non-lucratif en Slovénie qui supporte la recherche inventive et créative, au travers de projets de travail autour de l’Internet, de la vidéo numérique, de l’art électronique, de la radio numérique, de la communication, du développement du logiciel open-source et connecte tout ceci dans une approche interdisciplinaire. Il promeut aussi aussi bien l’éducation en groupes autonomes qu’en ateliers et il est le fondateur du réseau de centres multimédia « M3C » en Slovénie.




De l’hacktivisme au web 2.0 – De la révolution à sa dissolution ?

Daniel Zanini H. - CC byLes mouvements alternatifs d’émancipation portés par le numérique, dont le logiciel libre fait partie, ont été récupérés et domestiqués par le système et sa force marketing sous la bannière et le vocable du « web 2.0 ».

Un web 2.0 qui présente de plus l’avantage de favoriser l’institution d’une sorte de totalitarisme global décentralisé avec notre complicité et toutes les traces personnelles, permanentes et continues, que nous laissons, le plus souvent volontairement, dans les nuages d’Internet.

Avec l’avènement du web 2.0, non seulement vous voyez s’éloigner le rêve d’une autre société mais vous renforcez le contrôle et la surveillance de l’actuelle ! Difficile de faire pire en quelque sorte…

Telle n’est pas mon opinion mais mon propre (et donc faillible) résumé d’un article parcouru récemment sur Indymedia dont le titre exact est “Become the media!” : de l’hacktivisme au web 2.0.

Attention, c’est dense, politisé et plein de références à des auteurs qui vous seront peut-être peu familiers si vous ne baignez pas dans une certaine culture intellectuelle « de gauche » (cf Félix Guattari, Jello Biafra, Walter Benjamin, Jean Baudrillard, Gilles Deleuze, Michel de Certeau, Michel Maffesoli).

Nous en avons reproduit la fin ci-dessous pour vous donner (ou non) l’envie de le parcourir dans son intégralité[1].

Je ne vous cache pas qu’il m’intéresse d’avoir vos réactions dans les commentaires. En espérant que les uns et les autres sauront s’écouter et échanger en toute sérénité sur un sujet, je le reconnais bien volontiers, un peu glissant. Un petit débat courtois et non un gros troll poilu pour le dire autrement 😉

Pour ce qui me concerne, je ne partage pas la radicalité et le pessimisme du propos et j’ai justement l’impression que les actions que nous menons participent modestement à échapper à ce piège. Mais il est vrai que lorsque le « logiciel libre » devient « open source », il prend le risque de perdre en route tout ce qui fait sa substantifique moelle.

“Become the media!” : de l’hacktivisme au web 2.0 (extraits)

URL d’origine du document

Dr No – 26 juillet 2010 – Indymedia Nantes

(…)

Quoiqu’il en soit, ce dont il s’agit là encore finalement, avec cette « réappropriation », ce « devenir-media » de la masse et cette « démocratisation » des dispositifs d’informations et de communication, c’est du déploiement toujours plus important d’un macro-système technique, d’un maillage global comme dispositif de socialisation forcée par dressage à la discipline inconsciente d’un code, c’est-à-dire – à l’instar du système électoral ou de la consommation – d’imposition de règles du jeu (ici de la communication) et d’intériorisation de ces règles comme subtil mode de mobilisation et de contrôle social. Indépendamment des contenus qui n’en sont que l’alibi, le médium – le code, le modèle, la forme, le canal, le dispositif, la technique – est le message, il influe directement sur nos modes de perception sensibles, modifie nos rapports à l’espace et au temps et par conséquent nos modes d’être-au-monde. En l’occurrence, « ce qui est médiatisé, ce n’est pas ce qui passe par la presse, la TV, la radio : c’est ce qui est ressaisi par la forme/signe, articulé en modèles, régi par le code. » La réappropriation du code ne jouant donc là au final que comme « reproduction élargie du système » sous couvert de nouvelles modalités. C’est pourquoi il ne faut jamais sous-estimer la capacité de ce système à intégrer les innovations (même et peut-être surtout si elles se veulent « révolutionnaires ») a fortiori si celui-ci fonctionne sur les principes d’interaction, de réversibilité, de participation et de feed-back comme c’est d’ailleurs le cas aujourd’hui beaucoup plus qu’hier.

« l’éthique hacker », l’utopie cyberpunk et les expérimentations cyberculturelles, les trouvailles de « l’hacktivisme » électronique et de « l’Internet militant », du mouvement des logiciels libres, l’Open Source, l’Open Publishing, le P2P, le Wi-Fi, les média-tactiques alternatives, collaboratives et communautaires elles-mêmes, c’est-à-dire en somme toutes ces « pratiques moléculaires alternatives » que Félix Guattari appelaient de ses vœux pour renverser le pouvoir grandissant de l’ingénierie logicielle et les nouvelles modalités de la « société de contrôle » ont pour la plupart, dans ce qu’elles avaient d’original et novateur, été absorbées et recyclées par celle-ci et les industriels pour donner naissance à ce que l’on peut appeler les nouveaux « agencements post-médiatiques » du web 2.0.

C’est-à-dire toutes ces nouvelles applications de l’Internet « participatif » et « collaboratif » basé sur le principe du « contenu généré par les utilisateurs », ce qui précisément, on l’aura remarqué, était bien l’idée de « l’open publishing » (publication libre) proposé par le réseau international des sites Indymedia dans l’esprit du partage horizontal de l’information, de la participation et de la collaboration en vue de favoriser l’auto-organisation des groupes et des individus constitués en « machines de guerre » contre l’axiomatique mondiale exprimée par les Etats.

Un Web 2.0 dit « participatif » et « collaboratif » donc, où effectivement, convergence numérique aidant, la masse devient son propre média (MySpace, Facebook, YouTube, Twitter, Wikis et autres blogs), engendrant à leur tour de nouveaux usages qui inspirent également de nouveaux produits, services et dispositifs reconfigurant de fond en comble notre rapport au monde et nos relations sociales, tout en développant de nouveaux marchés ainsi que de nouveaux « business models » (management 2.0, marketing 2.0, « gratuité », « co-création de valeur », etc.) qui incarnent des changements de paradigmes économiques par où se joue la mutation du capitalisme. Car en effet, force est de constater que les principes du « participatif », du « collaboratif », de la « coopération » et du « partage » sont aujourd’hui devenus les principaux éléments d’un nouvel esprit du capitalisme de l’ère 2.0 fonctionnant par « boucles de récupération » et recyclage écosystémique des singularités comme moteur et dynamique de l’innovation (technologique, économique, culturelle, sociale, etc.). C’est en quelque sorte ce qui se présente plus communément aujourd’hui sous l’appellation d’ « innovation ascendante » qui consiste justement pour les entreprises et/ou les institutions à observer, et même à favoriser, les pratiques de réappropriation, investissement, exploration, détournement, expérimentation par les usagers/consommateurs des produits, services et technologies dans le but de réintégrer les éventuelles micro-inventions et les « usages innovants » dans leur propre processus de création et développement industriel, commercial, technocratique, etc.

C’est une dynamique qui s’appuie sur la compréhension des comportements que permet en l’occurrence la « sociologie des usages » et notamment les travaux de Michel de Certeau sur ce qui constitue en quelque sorte les « arts de faire avec » . Recherche qui se voulait un travail de compréhension et en premier lieu de mise en valeur des arts de vivre la société de consommation, par élaboration de « lignes de fuites » (Deleuze et Guattari) pourrait-on dire, c’est-à-dire plus particulièrement des ruses subtiles, des tactiques de résistance, de contournements, détournement, réappropriation, braconnage, dissimulation, en somme toute la multitude de pratiques inventives et créatives qui se disséminent dans la banalité du quotidien des usagers/consommateurs et que la rationalité occidentale, selon les mots de l’auteur, aurait eu trop tendance à occulter. Et on pourrait voir dans ce travail la saisie de l’essence même de la notion anglo-saxonne de « hacking », de son esprit ou de son éthique élargie à l’ensemble de la société. Quoiqu’il en soit, on le voit bien, ce dont il s’agit avec « l’innovation ascendante » mise en œuvre dans le nouveau paradigme économique des entreprises les plus à l’avant-garde du capitalisme c’est de capter/capturer la puissance créatrice de la socialité de base, l’énergie et le vitalisme qui émergent de ce que Michel Maffesoli appelle la « centralité souterraine ». Dans le même ordre d’idée se développe aujourd’hui dans les milieux du marketing et du management, par le biais des différentes plateformes multimédias de la société en réseaux, le « crowdsourcing » (approvisionnement par la foule) qui consiste pour une entreprise là encore à faire « participer » et « collaborer » directement la foule des internautes comme usagers/consommateurs à la recherche et au développement de nouveaux produits et services, à apporter des améliorations, etc..

Enfin, toutes choses mettant en œuvre un processus communicationnel global s’appuyant sur des dispositifs de « feed-back » et des mécanismes circulaires tout à fait caractéristiques des boucles causales rétroactives qui furent à la base de la modélisation des systèmes cybernétiques qui simulent les lois de la nature et dont la finalité, rappelons-le, est le Contrôle par auto-régulation comme mode de management et de gouvernance.

Des systèmes de contrôle et de gouvernance de l’ère des machines de « troisième espèce » qui se déploient sur toute l’étendue de la vie quotidienne par le biais de la globalisation d’un méga-réseau engagé dans un processus matriciel. Une « matrice communicationnelle », un maillage systémique à vocation ubiquitaire qui tend par ailleurs à rendre obsolètes les modèles panoptiques de surveillance hyper-centralisés et transcendants de type orwellien qu’incarne la fameuse figure de « Big Brother ». Car en effet, ce à quoi on a de plus en plus nettement affaire aujourd’hui c’est à un processus de capillarisation du Contrôle en quelque sorte et qui tend par là à devenir totalement immanent.

Comme le remarquait déjà pertinemment Jean Baudrillard au début des années 70 « même à long terme, l’impossibilité des mégasystèmes policiers signifie simplement que les systèmes actuels intègrent en eux-mêmes, par le feed-back et l’autorégulation, ces métasystèmes de contrôle désormais inutiles. Ils savent introduire ce qui les nie comme variables supplémentaires. (..) Ils ne cessent donc pas d’être totalitaires : ils réalisent en quelque sorte l’idéal de ce que l’on peut appeler un totalitarisme décentralisé. » Par ailleurs, dans son texte annonçant l’avènement d’une "subjectivité post-médiatique" Félix Guattari rappelait que toutes les anciennes formations de pouvoir et leurs façon de modéliser le monde avaient été déterritorialisées. C’est ainsi, disait-il, que « la monnaie, l’identité, le contrôle social passent sous l’égide de la carte à puce. » Car en effet, ce qui se joue aujourd’hui avec tout ce maillage systémique planétaire, ce déploiement du méga-réseau matriciel à vocation ubiquitaire, c’est un processus de globalisation des « sociétés de Contrôle » , fluides, ouvertes, modulaires, multipolaires et à géométrie variable comme installation d’un nouveau régime de domination qui remplacent peu à peu les « sociétés disciplinaires » (Foucault) avec la crise généralisée des milieux d’enfermement en système clos (familles, écoles, armée, usines, prisons, hôpitaux, etc.) ainsi que l’avait bien vu à la même époque Gilles Deleuze, et où, entre autres choses, les individus deviennent peu à peu des entités « dividuelles » encodées comme multiplicité de données dans un macro-système d’information. « Ce sont les sociétés de contrôle qui sont en train de remplacer les sociétés disciplinaires. (..) On ne se trouve plus devant le couple masse-individu. Les individus sont devenus des « dividuels », et les masses, des échantillons, des données, des marchés ou des « banques ». (..) les sociétés de contrôle opèrent par machines de troisième espèce, machines informatiques et ordinateurs (..). Ce n’est pas une évolution technologique sans être plus profondément une mutation du capitalisme. »

Mutation post-industrielle du capitalisme de plus en plus flexible, flottant, immatériel, sémiotique et cognitif, où le « service de vente » devient le centre ou l’âme de « l’entreprise » qui a remplacé « l’usine » de production désormais démantelée, automatisée, externalisée et assez souvent reléguée en périphérie du tiers-monde à l’instar des grandes enseignes multinationales qui se concentrent sur les logiques de Communication et le développement médiatique, si ce n’est psycho-technique, de leur « image de marque ». « On nous apprend que les entreprises ont une âme, ce qui est bien la nouvelle la plus terrifiante du monde. Le marketing est maintenant l’instrument du contrôle social, et forme la race impudente de nos maîtres » affirmera ainsi sans détours Gilles Deleuze. De même, « il n’y a pas besoin de science-fiction pour concevoir un mécanisme de contrôle qui donne à chaque instant la position d’un élément en milieu ouvert, animal dans une réserve, homme dans une entreprise (collier électronique). Félix Guattari imaginait une ville où chacun pouvait quitter son appartement, sa rue, son quartier, grâce à sa carte électronique (dividuelle) qui faisait lever telle ou telle barrière ; mais aussi bien la carte pouvait être recrachée tel jour, ou entre telles heures ; ce qui compte n’est pas la barrière, mais l’ordinateur qui repère la position de chacun, licite ou illicite, et opère une modulation universelle. »

Vision qui prend d’autant plus d’importance aujourd’hui avec l’informatisation généralisée de la société, l’injonction à la mobilité, l’hyperconnectivité et les projets de dissémination des technologies numériques et autres puces communicantes (informatique ubiquitaire/ubimedia) dans tout l’environnement physique de nos métropoles postmodernes où peut désormais s’opérer de façon massive, par la grâce de l’ingénierie logicielle, la traçabilité, la géolocalisation, le fichage et le profilage des « dividus » dispersés dans les flux et les réseaux, dans et par lesquels se dispensent désormais leur être-au-monde fantomatique sous « le règne de la Technique planétaire »

Notes

[1] Crédit photo : Daniel Zanini H. (Creative Commons)




Les AMAP : c’est quoi ? c’est bien !

Mzelle Biscotte - CC by-saIl y a quelques semaines, nous tentions une nouvelle escapade parmi les Hors-sujet… ou presque du blog en vous parlant de Couchsurfing, cette pratique sociale et solidaire qui prend le contre-pied des canons de la société de consommation, et remise au goût du jour par le réseau des réseaux.

Aujourd’hui, nous poursuivons l’exploration en évoquant une autre pratique solidaire aux valeurs humanistes proches de celles portées par le logiciel libre.

Il ne s’agit pas d’un site ou d’un projet, mais d’un véritable phénomène de société, émergeant enfin en France : les AMAP. Ces Associations pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne, poussent en effet comme des champignons et il est fortement probable qu’elles soient déjà plus nombreuses que les GUL[1] en France comme on peut s’en convaincre en se promenant sur le site Réseau-AMAP.org[2].

Les AMAP proposent tout simplement une autre façon de faire ses courses alimentaires. À l’image de l’émergence de GNU/Linux et des logiciels libres face à Windows et aux logiciels privateurs, les AMAP se composent d’hommes et de femmes qui ont décidé de s’organiser pour ne plus subir un système jugé déloyal, représenté par les coopératives agricoles et la grande-distribution, qui imposent aux paysans une agriculture intensive et polluante, tout en achetant à des prix irresponsablement bas des denrées que le consommateur paye au prix fort.

Ensemble, ils ont imaginé une autre solution, et elle fonctionne tellement bien qu’aujourd’hui, que l’on profite de l’air pur de la campagne, ou du bruit des villes, on a sûrement une AMAP à proximité. Et si elle se révèle trop éloignée, c’est qu’il y a la place pour en créer une nouvelle plus près 🙂

D’ailleurs, une fois qu’on a pris l’habitude de ne plus consommer passivement, tout s’illumine !

Voyez par vous-même : en se rapprochant du G.U.L. le plus proche, on installe un système d’exploitation libre sur sa machine, et rapidement au fil des discussions, on lance le site FDN dans son Firefox. De là, on libère sa connexion Internet et on commence à produire l’Internet qu’on consomme… Dès lors, pour peu qu’on aide à tenir le stand de l’association (par exemple au Village du Libre de la fête de l’Huma) on risque fortement de rencontrer d’autres membres qui vous présentent à leur tour : Énercoop, la coopérative d’intérêt collectif des producteurs et consommateurs d’électricité 100% renouvelable, qui permet de s’affranchir d’EDF. Et finalement, lorsqu’on a décidé d’avancer tant que la voie serait libre, on se rend compte que la route s’allonge sous les pieds, sans cul de sac, jusqu’à trouver naturel de prévenir son AMAP qu’on ne viendra pas chercher son panier pendant deux semaines puisqu’on s’évade en co-voiturage pour des vacances à l’aventure en Couchsurfing, ou avec les enfants en club CPN

Je vous présente donc « Framap », l’innocent nouveau projet de Framasoft, qui tient en un billet de blog…

Un article rédigé à Kervelgan près de Baud en Bretagne, par mon frère Denys. Et attention, Daphné K. n’a qu’à bien se tenir car il est lui aussi guitariste et poète à ses heures !

Framap : Favoriser la Reconnaissance des « Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne »

Denys Descarpentries – 19 août 2010

Dans un monde où les entreprises seraient délocalisées pour augmenter les profits des grands actionnaires, dans un monde où les agriculteurs n’auraient d’autre choix pour survivre que de s’agrandir et de produire de façon intensive, à grand renfort d’engrais et de pesticides ; dans un monde qui ressemblerait étrangement au nôtre donc, quels seraient les leviers d’action des consommateurs non consentants ?

Une piste qui a fait ses preuves est celle des « consom’acteurs » qui se réunissent en AMAP (Associations pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne) et s’émancipent des circuits de grande-distribution, tout en mangeant bon et bio.

Le principe des AMAP est relativement simple. Il s’agit de mettre en relation un groupe de consommateurs et une ou plusieurs fermes locales, pour organiser une distribution hebdomadaire de paniers, composés de « produits de la ferme ». C’est un contrat solidaire entre d’un côté des producteurs qui s’engagent à nous fournir toutes les semaines des produits bio et d’un autre des consommateurs qui paient à l’avance la totalité de leur consommation pour une période donnée[3].

En ce qui me concerne, je suis adhérent d’une AMAP avec mon amie depuis deux ans. Nous nous fournissons en légumes, lait, produits laitiers (beurre, fromages, crème fraîche, desserts…), en pain, œufs, miel, jus de pomme et en cidre (et oui, nous habitons en Bretagne ^^). Nous avons un contrat avec chacun des 7 producteurs membres de l’AMAP et les intérêts que nous y trouvons sont nombreux. Je vais les classer en trois catégories : les aspects économiques, environnementaux et sociaux (les initiés remarqueront au passage qu’il s’agit là des trois piliers du développement durable…!).

L’aspect économique

Pour les producteurs adhérents, l’aspect économique est le plus important. Le fait de recevoir la totalité des paiements au début de chaque période permet aux agriculteurs de compter sur une trésorerie suffisante pour réaliser des investissements lourds. Ces investissements sont nécessaires pour faire évoluer leur outil de travail, et à plus forte raison en agriculture biologique où les techniques d’élevage et de culture sans « produit artificiel » et dans le respect du bien-être des animaux demandent des outils spécifiques.

Pour les « amapiens » que nous sommes, il s’agit en revanche du point le plus délicat. En effet cela demande de faire un chèque environ tous les 6 mois, ce qui représente une grosse sortie d’argent à prévoir dans le budget. En fonction des AMAP, il est tout de même possible de faire plusieurs chèques pour un même producteur et d’étaler ainsi les versements.

Concernant le budget alimentation, il faut bien se rendre compte d’une part que les produits bio achetés à l’AMAP ne sont pas plus chers que sur les marchés et si vous habitez en ville, ils sont même moins chers que dans les grandes surfaces. Et ensuite, que même s’il faut toujours se rendre dans les magasins pour acheter les produits qui ne sont pas proposés par l’AMAP (tout bonnement le « non alimentaire »), les passages en supermarché sont beaucoup moins fréquents. Cela entraîne des économies de déplacement et une baisse notable des achats impulsifs des lots en super promo exposés en tête de gondole ou des produits qu’on ne pensait pas acheter avant d’entrer dans le magasin mais sur lesquels on craque quand on a le malheur d’aller faire les courses le ventre vide… Au final, nous observons que notre budget pour les courses n’a pas changé, alors que désormais nous mangeons bio et que nous contribuons activement à tous les autres aspects développés dans cet article.

Le dernier aspect économique (et non le moindre) c’est que les producteurs de l’AMAP sont des producteurs locaux. Cela permet de maintenir un tissu économique autour de chez nous, évite de passer par des intermédiaires qui s’enrichissent sur notre dos et celui des agriculteurs et cela réduit les coûts environnementaux liés aux transports des marchandises par camion ou pire, par avion. Il s’agit donc de lutter à notre échelle contre une forme de délocalisation bien réelle : celle des productions agricoles. D’ailleurs, soit dit en passant, lorsqu’on achète des produits en supermarché la logique reste la même : mieux vaut accorder sa préférence aux fruits et légumes du terroir, ou à défaut « origine France », par rapport aux autres provenances. Mais nous débordons déjà là sur le second aspect.

L’aspect environnemental

Il s’agit de l’aspect le plus facilement identifiable des AMAP. Les producteurs qui nous fournissent s’inscrivent dans une démarche d’agriculture biologique. Ils conduisent leurs cultures sans utiliser de produits synthétiques polluants tels que les engrais de laboratoire et les pesticides (herbicides, insecticides, fongicides, etc…). Pour la conduite des animaux, les hormones et les antibiotiques sont interdits et le bien-être animal est également un critère d’évaluation à respecter pour être labellisé.

Une autre facette de l’aspect environnemental se trouve dans la sauvegarde de la biodiversité. Les producteurs n’étant pas soumis aux contraintes de la grande distribution, ils peuvent « se faire plaisir » en cultivant des légumes méconnus[4] ou d’anciennes variétés presque oubliées (à l’heure des productions intensives et uniformisées) malgré leurs qualités. Je vous recommande de tester certaines espèces de tomates roses et biscornues[5] absolument délicieuses mais délaissées car ne répondant pas aux standards « toute ronde et bien rouge » ! Ou encore les délicieuses chips de panais, une espèce de grosse carotte blanche et savoureuse. Cette découverte de nouveaux légumes dans les paniers s’apparente un peu à ouvrir les « dragées surprises de Bertie Crochue » dans Harry Potter : on ne sait pas sur quoi on va tomber ! Des fois on aime, et parfois moins… Heureusement, il y a un panier d’échange où l’on peut remplacer ce qu’on n’aime pas par des légumes qu’on préfère, à condition d’y avoir goûté au moins une fois ! D’ailleurs nous sommes régulièrement surpris avec mon amie par la saveur des légumes bio, tellement meilleurs que ceux qu’on trouve dans le commerce (et ce n’est pas un cliché).

Quand le panier contient des espèces méconnues, notre producteur (qui est un passionné), accompagne toujours le sac d’un petit mot pour expliquer de quelle variété de légume il s’agit, préciser son histoire et indiquer comment le cuisiner facilement. Ainsi, il s’agit non seulement de faire revivre certaines espèces mieux adaptées à nos sols et à nos climats, mais également de piquer les curiosités, ajoutant toujours un peu de surprise à la découverte de la composition du panier de la semaine.

L’aspect social

Après avoir détaillé les aspects les plus matériels de l’affaire, abordons maintenant ce volet, un peu plus « bonus », un peu moins quantifiable, mais où pour ma part, je trouve aussi mon compte : l’aspect social. Tout d’abord, quand on est enfermé toute la journée chez soi et que l’on ne voit quasiment personne (quand on travaille à domicile par exemple, ou quand on cherche du travail), c’est pas plus mal d’avoir rendez-vous avec son panier de courses et donc avec les autres adhérents de l’AMAP par la même occasion. Comme ça on sort un peu de la maison (au moins une fois dans la semaine…) et on rencontre des personnes qui partagent des valeurs communes. Comme la distribution en elle-même est assez rapide, ça laisse du temps pour engager des discussions. Les profils classiques que l’on rencontre sont des couples d’enseignants (souvent à l’origine de la création de l’AMAP), beaucoup de jeunes dans la trentaine [6], des actifs de la classe moyenne (si si, il y en a encore) et bien sûr des écologistes convaincus.

Ensuite, pour approfondir les connaissances et surtout pour faciliter le bon déroulement des distributions, tous les adhérents sont conviés à s’inscrire à tour de rôle pour prêter main-forte aux agriculteurs, au moins une fois par semestre. On s’inscrit par trinôme, en fonction des places disponibles, ce qui nous amène à passer l’heure de distribution avec d’autres personnes et à voir défiler l’ensemble des adhérents (dont certains qu’on ne verrait pas autrement à cause des impératifs horaires propres à chacun). Les missions des « amapiens » de permanence sont : d’aider les producteurs à installer les tables, de porter les produits (cagettes, bidons de lait…) des camionnettes jusqu’aux tables, de peser les légumes et de les mettre en sachet pour gagner du temps pendant la distribution, puis de tout débarrasser à la fin. Cela nous permet également de voir l’envers du décors et de participer au groupe.

Enfin, nous sommes invités occasionnellement (une à deux fois par semestre) à venir apporter notre aide directement sur la ferme d’un des producteurs adhérents. Cela présente plusieurs avantages pour chaque partie. Tout d’abord c’est un renfort bienvenu pour l’agriculteur (arrachage de mauvaises herbes, récolte de plants de pomme de terre…). C’est également l’occasion pour l’agriculteur de nous présenter sa ferme et comment il travaille, et on est bien entendu invité à poser toutes nos questions. Mais c’est surtout un bon prétexte pour prendre l’apéro tous ensemble après le travail et la visite, puis de sortir les salades, les tartes au fromage de chèvre ou les pains d’épices que chacun a préparé chez lui la veille (avec les produits de l’AMAP évidemment) et de se faire un bon repas dans une ambiance conviviale, au soleil (même en Bretagne) à la campagne, en échangeant nos convictions associatives (et nos meilleures recettes).

C’est dans ce contexte et dans cette ambiance qu’en fonction de l’âge et du dynamisme de l’AMAP, d’autres services peuvent se mettre en place. Nous avons par exemple commencé cette année un service de « prêts de matériel » pour des outils qu’on n’a pas forcément tous chez soi (taille-haies, perceuses…). C’est vraiment le côté associatif de l’AMAP qui ressort. D’ailleurs dans le même état d’esprit, un des derniers courriels en date qui a circulé dans notre AMAP proposait de s’intéresser à la possibilité d’héberger soi-même sa boîte aux lettres électronique via une connexion Internet du fournisseur d’accès « dont vous êtes le héros », un certain FDN.fr[7].

Conclusion

Pour conclure ce billet, je ne serais pas tout à fait honnête si je ne vous faisais pas part des quelques inconvénients que j’ai pu constater au cours de mes deux années d’AMAP. Tout d’abord, comme je l’ai déjà mentionné, il faut payer tous les paniers au début du semestre. Au moins le budget est fixe, et puis c’est un réel atout pour les petits producteurs, mais il faut pouvoir sortir l’argent.

Ensuite, on ne sait pas à l’avance ce qu’on va avoir dans son panier… Mais une chose est sûre, ce sont des produits bios et ce sont des produits de saison (ce qui permet au passage d’apprécier à nouveau le rythme des saisons : non, on ne mange pas de haricots verts en hiver !).

Enfin, il n’y a presque pas de pause dans les distributions. Les agriculteurs prennent rarement de vacances et donc il faut être là toutes les semaines pour la distribution car on n’est pas remboursé d’un panier que l’on n’a pas pu venir chercher. Une solution consiste à proposer son panier à quelqu’un d’autre quand on n’est pas là… on peut donc faire passer un mot à l’AMAP la semaine précédente pour savoir si quelqu’un est intéressé pour le racheter, mais c’est quand même quelque chose à prévoir. Avec mon amie, on préfère offrir le panier à nos voisins, pour leur faire découvrir le concept et peut être les compter prochainement comme de nouveaux adhérents 🙂

Car, si la voie est libre, la route est encore longue…

Notes

[1] Trois sites qui recensent les Groupes d’Utilisateurs de GNU/Linux en France : l’annuaire de l’AFUL, l’InterLUG, et l’initiative TrouveTonGUL.

[2] Crédit photo : Mzelle Biscotte (Creative Commons By-Sa)

[3] Il y a souvent deux saisons de production : « printemps/été » et « automne/hiver ».

[4] Voici un lien vers le blog de l’association « Le Sens de l’Humus » qui expérimente différentes méthodes d’agriculture biologique autour des murs à pêche de Montreuil. Vous y trouverez plusieurs billets présentant ces « légumes méconnus ».

[5] Tomates rose de Berne

[6] En majorité des filles, et pas forcément en couple 😉

[7] Note de Siltaar : et cette anecdote authentique n’est pas de mon fait !




La vie n’est pas en lecture seule

Ciprian Ionescu - CC byUn fichier informatique est dit « en lecture seule » lorsque vous n’avez que le droit de l’exécuter et donc de le lire. Alors qu’un ficher disponible « en lecture/écriture » vous offre en plus la possibilité de le modifier.

Vous n’en ferez peut-être rien mais cette liberté supplémentaire change la donne puisque vous n’êtes plus condamné à être passif. Si un jour il vous prend l’envie d’ajouter du code à un logiciel libre ou de compléter un article de Wikipédia, vous pouvez le faire.

Par extrapolation, nous ne voulons pas d’une vie qui nous serait proposée par d’autres uniquement en lecture seule. Nous souhaitons pouvoir agir sur elle et y participer. « L’imprimerie a permis au peuple de lire, Internet va lui permettre d’écrire », nous dit ainsi Benjamin Bayart.

Techniquement parlant, tout est en place pour que cela ait bien lieu et les nouvelles pratiques de la jeune génération témoignent tous les jours de cette aspiration[1].

Et pourtant, il semblerait que certains ne souhaitent pas nous voir profiter pleinement de ce progrès. Et d’ériger alors toujours plus de barrières et de péages artificiels.

Comme nous le signale son auteur en fin d’article, ce petit texte rédigé dans le train en 2006 « a pour simple but de vous faire réflechir aux politiques des grands groupes des médias et/ou de votre gouvernement ». De nombreux bits ont beau avoir coulé sous les ponts d’Internet depuis, il garde toute son acuité. Jusqu’à y voir parfois modestement une sorte de manifeste de la jeunesse du début de ce nouveau siècle.

La vie n’est pas en lecture seule

Life is not read-only

Olivier Cleynen – 2006 – Licence Creative Commons By
(Traduction Framalang : Olivier, Pablo, Djidane et Siltaar)

Pour eux, c’est de la piraterie. Carrément du vol, voilà ce qu’est le téléchargement. Vous prenez quelque chose qui a un prix, sans le payer. Volez-vous à l’étalage ou cambriolez-vous des maisons ? Pourquoi alors télécharger gratuitement ?

Créer du contenu est très difficile : rien que pour remasteriser, créer l’emballage et faire de la publicité pour la dernière compilation, il faut aligner trois millions de dollars. Comment les artistes peuvent-ils s’en sortir ? Comment la vraie culture peut-elle encore survivre ?

En fait. Peut-être que vous n’avez pas vraiment dépossédé quelqu’un de quelque chose. Peut-être ne vous êtes-vous pas vraiment servi dans un rayon. Peut-être que vous n’auriez de toute façon pas dépensé un centime pour ce truc « protégé contre la copie ».

Et tous ces trucs ont la peau dure. De la musique que vous n’avez pas le droit de copier, des films que vous n’avez pas le droit d’enregistrer, des fichiers protégés par des restrictions et des bibliothèques musicales qui disparaissent lorsque vous changez de baladeur… Certaines entreprises produisent même des téléphones et des ordinateurs sur lesquels elles restent maîtresses des programmes que vous pouvez installer.
Les choses empirent lorsque la loi est modifiée pour soutenir ces pratiques : dans de nombreux pays il est devenu illégal de contourner ces restrictions.

Qu’attendez-vous de la vie ? Quelles sont les choses qui comptent vraiment ? Lorsque vous faites le bilan de votre année, qu’en retenez-vous ? Les bons moments passés entre amis ou en famille ? La découverte d’un album génial ? Exprimer votre amour, ou votre révolte ? Apprendre de nouvelles choses ? Avoir une super idée ? Un e-mail de la part de quelqu’un qui compte pour vous ?

Et des choses passent au second plan : un grand nombre de pixels, le tout dernier iPod… déjà dépassé, un abonnement « premium », une augmentation vite dépensée, profiter de sa toute nouvelle télévision HD… Tout le monde apprécie ces trucs, mais si on y réfléchit un peu, c’est pas si important.

Vous ne deviendrez certainement pas un astronaute exceptionnel. Vous ne traverserez pas l’Atlantique à la nage. Vous ne serez pas leader international. La vie c’est maintenant. Et c’est quand on partage ses idées, ses pensées et sentiments.

La vie n’est pas en lecture seule. Elle est faite de petites choses qui ne peuvent être vendues avec des verrous. Si l’on ne peut plus choisir, essayer, goûter, assister, penser, découvrir, faire découvrir, exprimer, partager, débattre, ça ne vaut pas grand chose. La vie devrait être accessible en lecture et en écriture.

Peut-être que le droit d’auteur n’est pas aussi légitime que certains voudraient nous faire croire. En fait, le discours de Martin Luther King « I have a Dream © » est toujours protégé par le droit d’auteur. Vous ne pouvez pas chanter la chanson « Joyeux anniversaire © » dans un film sans payer de droits. L’expression « Liberté d’expression™ » est une marque déposée.

Le partage de fichiers est criminalisé. Certains sont jugés et emprisonnés pour avoir développé des technologies qui permettent d’échanger des fichiers (la loi réprime le fait « d’éditer, de mettre à la disposition du public ou de communiquer au public, sciemment et sous quelque forme que ce soit, un logiciel manifestement destiné à la mise à disposition du public des copies non-autorisées d’œuvres ou objets protégés »).
Mais qu’en est-il de ceux qui ont inventé et vendu les magnétoscopes, les photocopieurs, les lecteurs de cassette munis d’un bouton d’enregistrement ? Et d’ailleurs, où sont les personnes qui ont inventé les baladeurs numériques ?

Vous avez dit deux poids, deux mesures ? Des milliers de personnes gagnent leur vie en poussant nos enfants à fumer ou en développant l’export de mines anti-personnelles. Et à coté de ça, le partage de fichier, ces mêmes fichiers que l’on peut voir sur YouTube, est puni par une amende compensatoire pouvant atteindre 150 000 dollars par fichier.

Et on dit que l’industrie de la musique est en danger.
Qui veut d’une industrie musicale ? Et plus particulièrement telle qu’elle existe ? Laissons l’industrie, aux boîtes de conserve et aux voitures.

La culture ne se meurt pas dès que vous téléchargez un fichier. La créativité n’est pas diminuée lorsque vous découvrez quelque chose. C’est toute la société qui en profite lorsqu’on peut apprendre et s’exprimer.

Participez. Appréciez. Découvrez. Exprimez. Partagez.

Donc. Une société équilibrée où les artistes peuvent gagner leur vie et où le partage de fichiers n’est pas criminalisé est possible. Voici quelques suggestions :

Musique

  • Allez voir les artistes en concerts (sauf s’ils vendent leurs places 200€)
  • Que pensent et font vos artistes favoris ? Renseignez-vous, vous découvrirez peut-être quelque chose
  • Achetez intelligemment votre musique
  • Si l’artiste est mort maintenant, gardez votre argent pour le dépenser autrement
  • Ne vous contentez pas d’écouter, chantez !
  • Ne racheter pas la musique que vous possédez déjà en CD ou vinyl.

Participez

Films

  • Fréquentez les petites salles (qui se soucient surement plus de l’artiste que de l’industrie)
  • Fuyez les MTP (DRM) et les lecteurs « labellisés »
  • Partagez les bons films avec vos amis, ceux qui sont pour vous immanquables.

Logiciel

Tous les jours

LifesNotReadOnly.net a pour simple but de vous faire réflechir aux politiques des grands groupes des médias et/ou de votre gouvernement. Ça n’est qu’un petit manifeste rédigé dans le train en 2006. Olivier Cleynen en est l’auteur. Vous êtes libre de répliquer le contenu de ce site Web, même pour des applications commerciales, sous les termes de la license CC-by.

Notes

[1] Crédit photo : Ciprian Ionescu (Creative Commons By)