Geektionnerd : Dépêches Melba XV

geektionnerd_186-1_simon-gee-giraudot_cc-by-sa.jpg

geektionnerd_186-2_simon-gee-giraudot_cc-by-sa.jpg

geektionnerd_186-3_simon-gee-giraudot_cc-by-sa.jpg

Sources sur Numerama :

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Make Art Not Law, même libres les licences m’encombrent l’esprit nous dit Nina Paley

Nina Paley a tout un parcours juridique initiatique…

Au début, elle n’y connaissait pas grand chose (comme nous tous). Mais à l’occasion de la création de son film Sita Sings the Blues elle fait brutalement connaissance avec le copyright. Elle décide alors de placer son film sous licence Creative Commons By-Sa et devient, sans trop le vouloir, l’une des fers de lance de la culture libre. Elle est ainsi invitée à de nombreux événements et parle souvent du sujet sur son site (nous avons du reste traduit son calendrier Mimi & Eunice). Mais même sous Creative Commons, elle rencontre des problèmes. Alors le film change à nouveau de licence pour adopter, selon elle, la plus grande liberté possible, à savoir le domaine public (via la licence CC0).

Aujourd’hui, on la sent comme un peu lasse de tout cela. Comme si s’être préoccupée autant de ces histoires de droit et de licences (même libres) l’avait éloignée de sa vocation première d’artiste. Plus le copyright se tient loin de l’art et mieux l’on se porte !

C’est, entre autres, ce qu’elle nous raconte dans une récente intervention pleine de malice et d’énergie (traduite et sous-titrée par nos soins).

D’accord, pas d’accord ? On vous attend dans les commentaires 😉

 

 

Make Art, Not Law – Transcript

URL d’origine de la vidéo (YouTube)

Nina Paley – 6 décembre 2013 – PechaKucha
(Traduction : amha, Omegax, François, Juliette, aKa, lumi, Scailyna, sylvain(sysy), goofy, Aurélien, amha – Sous-titrage : Bruno J.)

Vous êtes un portail d’information. L’information entre par vos sens, comme l’ouïe ou la vue, et ressort sous forme d’expressions, telles que votre voix, votre façon de dessiner, d’écrire et de bouger.

Pour que la culture reste vivante, vous devez être ouvert, ou perméable. Selon Wikipédia, la perméance est « l’aptitude d’un matériau à laisser passer un flux de matière ou d’énergie ». Nous sommes le matériau à travers lequel circule l’information.

C’est à travers ce flux que la culture reste vivante et que nous restons connectés les uns aux autres. Les idées entrent, et ressortent, de chacun de nous. Les idées se transforment un peu en cours de route ; c’est ce qu’on appelle l’évolution, le progrès ou l’innovation.

Mais à cause du copyright, nous nous retrouvons avec un monde où de l’information entre sans pouvoir en ressortir légalement. J’entends souvent des gens se consacrant à des activités artistiques demander : « Ai-je le droit d’utiliser cela ? Je ne veux pas avoir d’ennui. »

Sous notre régime actuel du copyright, les « ennuis » peuvent prendre la forme de procès, d’énormes amendes et même de peines de prison. « Ennuis » signifie violence. Les « ennuis » ont fait taire de nombreuses initiatives créatives. Alors la menace des « ennuis » dicte nos choix sur ce que nous exprimons.

Le copyright déclenche notre auto-censure. Et l’auto-censure est l’ennemie de la créativité ; elle empêche l’expression avant même qu’elle n’ait commencé. Celui qui se demande « est-ce que j’ai le droit d’utiliser ça ? » a déjà capitulé face aux avocats, aux législateurs et aux grandes entreprises.

Ce phénomène s’appelle la « Culture de la Permission ». À chaque fois que nous censurons notre expression, nous nous fermons un petit peu plus et l’information s’écoule un peu moins. Moins l’information s’écoule, plus elle stagne. Ceci s’appelle l’effet de sidération.

Je me suis demandé : n’ai-je jamais consenti à laisser la « Culture de la Permission » entrer dans mon cerveau ? Pourquoi est-ce que je me soumets à la censure ? À quel point puis-je choisir quelle information entre en moi ou sort de moi ?

La réponse est la suivante : j’ai une marge de manœuvre pour ce qui concerne les choses auxquelles je m’expose et celles que j’exprime, mais pas un contrôle total. Je peux choisir de regarder ou non les médias dominants, par exemple. Je peux aussi choisir quelle information transmettre.

Mais, comme je suis de ce monde et ouverte à ce monde, beaucoup de choses peuvent y entrer au-delà de mon contrôle. Je ne choisis pas ce qui entre en fonction du copyright. En fait, ce sont les images et les sons propriétaires qui sont le plus agressivement pilonnés dans nos têtes. Par exemple :

Have a holly jolly Christmas, It’s the best time of the year
I don’t know if there’ll be snow, but have a cup of cheer
Have a holly jolly Christmas, And when you walk down the street
Say hello to friends you know and everyone you meet!

Je déteste les chants de Noël. Mais parce que je vis aux États-Unis et que j’ai besoin de sortir de la maison même pendant les mois de novembre et de décembre, je ne peux PAS ne pas l’entendre. Cela passe tout droit de mes oreilles à mon cerveau où cela tourne encore et encore, ad nauseam.

Voici quelques entreprises avec lesquelles je pourrais « avoir des problèmes » pour avoir partagé cette chanson et ce clip en public. Ils ne m’ont pas consultée avant que leur soi-disant « propriété intellectuelle » ne fasse un trou dans ma tête lorsque j’étais petite, donc je ne leur ai pas demandé leur permission pour les mettre dans mon exposé.

Le copyright est automatique et il n’y a aucun moyen de s’en défaire. Mais on peut ajouter une licence accordant des permissions que ce copyright enlève automatiquement. Les licences Creative Commons autorisent ses utilisateurs à lever une par une les restrictions du copyright.

Le problème de ces licences c’est qu’elles sont basées sur la loi du copyright. La même menace de violence derrière le copyright se retrouve avec les licences alternatives. En fait, les licences renforcent le mécanisme du copyright. Tout le monde doit tout de même demander une autorisation — on l’obtient seulement un peu plus souvent.

A l’instar du copyright, les licences sont souvent trop complexes pour que la plupart des gens les comprennent. Donc, les licences ont l’effet collatéral d’encourager les gens à faire ENCORE PLUS attention au copyright, ce qui donne encore plus d’autorité au censeur intérieur sur eux. Et qui a fait entrer ce censeur dans leur tête au départ ?

Même si j’utilise les licences libres, et que j’aimerais qu’il y ait une réforme significative du copyright, les licences et les lois ne sont pas la solution. La solution, c’est que de plus en plus de gens ignorent tout simplement le copyright. Je veux faire partie de ces gens.

Il y a quelques années, j’ai revendiqué mon indépendance d’esprit. La liberté d’expression commence par soi-même. La censure et les « ennuis » se trouvent toujours hors de ma tête, et c’est là que je veux qu’ils demeurent – HORS de ma tête. Je ne souhaite pas aider les lois iniques et les mass médias en leur offrant un peu de mon attention.

J’ai arrêté de favoriser ou de rejeter des travaux selon leur copyright. Les idées ne sont pas bonnes ou mauvaises à cause de la licence que les gens leur accolent. Je me réfère seulement aux idées à présent, pas aux lois qui les entourent. Et j’essaie de m’exprimer de la même manière.

Comme des millions d’autres personnes qui se contrefoutent du copyright, j’espère que vous me rejoindrez. Préférez-vous être artiste ou bien juriste ?




La SACD veut faire payer la lecture de contes aux enfants dans les bibliothèques !

La Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) souhaite désormais soumettre à une tarification les « heures du conte », ces lectures publiques organisées en bibliothèque devant les enfants pour leur donner le goût de la lecture.

Nous publions ci-dessous la salutaire réaction du collectif SavoirsCom1.

Mais dans quel monde vivons-nous ?

Remarque : D’où l’intérêt aussi de faire en sorte que de plus en plus d’auteurs pour enfants publient sous licence libre et de valoriser et prendre soin du domaine public (cf cet exemple de numérisation et de traduction de contes pour enfants sur Romaine Lubrique)

Chaperon.png

La SACD veut faire payer les heures du conte en bibliothèque ! Protégeons cet usage collectif de la culture !

URL d’origine du document

Collectif SavoirsCom1 – 17 mars 2014

Partout en France, les bibliothèques de lecture publique organisent des « heures du conte », au cours desquelles des ouvrages sont lus en groupe à des enfants. Ces animations sont très courantes dans les bibliothèques et elles participent à l’éveil du goût pour la lecture chez les plus jeunes. Jusqu’à présent, cette pratique est restée libre, bien que ces lectures publiques puissent être assimilées à des représentations en public d’oeuvres protégées.

Mais comme on peut le lire sur le forum de l’Association des Bibliothécaires de France, plusieurs établissements ont récemment reçu des courriers de la part de la SACD, la société des gestion collective des auteurs dans le domaine du spectacle vivant. Cet organisme réclame visiblement que les bibliothèques déclarent la tenue de telles animations et la liste des livres utilisés, afin de les soumettre à une tarification. Ce faisant, cette société manifeste sa volonté de mettre fin à une tolérance admise depuis des décennies, ce qui fragilise la capacité des bibliothèques à jouer leur rôle de médiation culturelle. Rappelons également que les bibliothécaires promeuvent ainsi et depuis longtemps, une diversité et une richesse éditoriale pour la jeunesse dont la France s’enorgueillit.

Ce ne serait pas la première fois que de telles revendications seraient adressées à des bibliothèques par des représentants des titulaires de droits. En Belgique, à partir de 2012, la société de gestion collective SABAM s’est mise elle-aussi à appliquer des tarifs aux bibliothèques organisant des lectures publiques à destination des enfants, pouvant atteindre 1600 euros par an pour de petits établissements.

Au-delà du principe, c’est le procédé employé par la SACD qui s’avère choquant : ses agents surveillent les sites de bibliothèques pour repérer les annonces de tenue d’une heure du conte et envoyer des courriers aux bibliothèques, sans qu’aucune concertation n’ait eu lieu sur ce sujet. Rappelons également que la SACD ne dispose d’aucun mandat général pour représenter l’intégralité des auteurs. Elle ne peut agir que pour les auteurs membres de la société et n’a aucun droit en dehors de ce périmètre.

Les bibliothèques se sont de tout temps constituées comme des lieux de développement des usages collectifs de la culture, qui font intrinsèquement partie de leur mission de service public. Elles aménagent à côté de la sphère marchande un espace d’usages non-marchands, indispensables pour que la découverte de la lecture puisse s’épanouir.

L’approche maximaliste de la revendication des droits d’auteur qui se déploie depuis des années remet en cause la capacité des bibliothèques à remplir leurs fonctions fondamentales. Les achats de livres effectués par les bibliothèques ainsi que le droit de prêt dont elles s’acquittent annuellement constituent pourtant des contributions importantes au secteur de l’édition jeunesse, en particulier pour les éditeurs indépendants. Les bibliothèques favorisent également la création en faisant intervenir des conteurs professionnels devant les enfants. Et grâce à leur inventivité, la formule de l’heure du conte a aussi été renouvelée ces dernières années, sous la forme de lectures numériques utilisant des tablettes ou des ordinateurs.

Par son attitude, la SACD remet en cause l’équilibre entre le droit des auteurs et les droits du public dans l’usage de la culture. Même si les paiements restent modiques, les modalités que la SACD entend imposer, autorisation préalable des auteurs et déclarations à la société, auront fatalement pour effet de freiner la mise en place de lectures pour les enfants dans les bibliothèques. Est-ce ainsi que l’on favorisera le goût pour la lecture chez les nouvelles générations, alors qu’il s’agit d’un enjeu fondamental de politique culturelle ?

La semaine dernière, François Hollande a déclaré vouloir « se battre contre la fracture de la lecture, mais aussi pour mettre des livres dans les mains des enfants ». Le Ministère de la Culture a également fait de l’éducation artistique et culturelle une de ses priorités. Ces objectifs ne peuvent être atteints si les usages collectifs de la culture ne sont pas préservés.

Cet épisode montre que ces usages ne doivent plus seulement faire l’objet de tolérances pouvant à tout moment être remises en cause par les titulaires de droits. Les usages collectifs de la culture doivent au contraire être reconnus et garantis par la loi, dans un souci d’équilibre avec le respect du droit d’auteur. Il n’est pas normal par exemple que l’exception pédagogique actuellement prévue dans le Code de Propriété Intellectuelle ne soit pas mobilisable dans le cadre des bibliothèques. Le même livre, lu par un enseignant devant ses élèves, ne peut l’être par un bibliothécaire devant des enfants.

Plus largement, il existe actuellement dans le Code de Propriété Intellectuelle une exception prévue pour les représentations privées et gratuites effectuées au sein du cercle de famille. Cette exception pourrait être élargie aux représentations sans finalité commerciale d’oeuvres protégées dans des lieux accessibles au public.

La SACD devrait comprendre que sa conception maximaliste et déséquilibrée des droits exclusifs ne fait que fragiliser un peu plus la légitimité du droit d’auteur. Ce jusqu’au-boutisme de l’usage conçu comme un « préjudice » ne peut qu’engendrer la réprobation. Les auteurs eux-mêmes sont-ils d’accord avec les revendications que l’on adresse en leur nom ?

SavoirsCom1 appelle les bibliothécaires, mais aussi les parents, les élus locaux, les auteurs, les enseignants, en particulier les professeurs documentalistes, les agences régionales du livre et tous ceux qui accordent de l’importance à la diffusion de la culture à se mobiliser pour protéger les usages collectifs que constituent les heures du conte en bibliothèques.

Crédit illustration : Wikimedia Commons (Domaine public)




Popcorn Time est mort, vive Popcorn Time ! (et vive les sources libres) 3/3

Popcorn Time épisode 3 le retour… Parce qu’avec les licences libres rien ne meurt jamais et surtout pas les bonnes idées 😉

Rappel des épisodes précédents :

  1. Popcorn Time, mieux que Netflix pour voir des films en streaming via BitTorrent !
  2. Popcorn Time « le pire cauchemar d’Hollywood » n’est déjà plus

Neeta Lind - CC by

Après sa mort, Popcorn time sera ressuscité par YTS (YIFY)

Popcorn Time Shuts Down, Then Gets Resurrected by YTS (YIFY)

Andy – 15 mars 2014 – TorrentFreak
(Traduction : Karl, JonathanMM, r0u, Mooshka, loicwood, aKa, Diab, GregR, Cellular_PP, Noon, lamessen, Amazigh + anonymes)

Une semaine riche en rebondissements pour la très contreversée application Popcorn Time, qui a touché le fond hier soir après avoir appris que les créateurs du logiciel jetaient l’éponge. Allons messieurs, pas si vite ! Les gens derrière YTS (YIFY) informent TorrentFreak qu’ils reprennent le projet immédiatement.

Samedi dernier, TorrentFreak annonçait la sortie du logiciel de streaming torrent Popcorn Time, un article qui fut suivi dans la semaine par des douzaines d’autres sur des sites d’envergure. Il est devenu rapidement évident que ce logiciel a levé un lièvre avec son ergonomie et sa simplicité.

Sans surprise, les premiers problèmes ne se sont pas fait attendre. Au milieu de la semaine, le logiciel a été retiré du site Mega.co.nz. Ce qui reste confus, c’est de savoir si cette action a été entreprise par Mega de son propre chef ou après une injonction d’Hollywood.L’équipe de développeurs de Popcorn Time ayant confirmé qu’ils n’en étaient pas à l’origine, l’un ou l’autre peut donc être à blâmer.

Après une semaine agitée, le logiciel ayant reçu d’importants soutiens, le projet s’est donc arrêté la nuit dernière. Dans un long communiqué sur le site web de l’outil, l’équipe de Popcorn Time a confirmé qu’elle arrêtait son travail.

« Popcorn Time ferme aujourd’hui. Pas parce que nous n’avons plus ni énergie, ni motivation, ni détermination, ni même d’alliés. Juste parce que nous avons envie de poursuivre nos vies. », explique ainsi l’équipe.

« Notre expérimentation nous a amenés aux portes d’un débat sans fin entre piratage et copyright, menaces légales et machinerie douteuse qui nous donne l’impression d’être en danger à cause de ce que nous aimons faire. Et ce n’est pas une bataille à laquelle nous souhaitons prendre part. »

L’équipe basée en Argentine a ajouté que le piratage n’est pas un problème d’utilisateurs, c’est un problème créé par l’industrie qui « se représente l’innovation comme une menace à l’encontre de leur modèle économique obsolète ».

Mais alors que d’autres articles sont écrits par la presse généraliste, chacun enterrant Popcorn Time avant de passer à autre chose, il y a d’importantes et bonnes nouvelles à rapporter.

Popcorn Time n’est pas mort et va continuer à être développé, en toute transparence.

Interviewé par TorrentFreak, le développeur d’YTS (anciennement YIFY-torrents) Jduncanator a confirmé que Popcorn Time ne mourra pas avec le retrait de l’équipe l’ayant créé. À la place, l’équipe de YTS va reprendre le flambeau et poursuivre.

« L’équipe YTS reprend actuellement le projet Popcorn Time et va le poursuivre comme si de rien n’était. Nous sommes en meilleure position vis-à-vis des droits d’auteur, car le projet est basé sur notre (propre) API, c’est comme si nous avions construit une autre interface pour notre site web. Il n’y a une faible différence entre gérer le projet PopCorn Time et mettre à disposition les films comme nous le faisons déjà », affirme le développeur.

« À YTS nous nous reconnaissons dans les projets de ce genre et l’émoi les entourant ne signifie pas qu’ils doivent être arrêtés. Cette agitation est bénéfique rendant les gens plus conscients et concernés par les problèmes engendrés par le copyright. »

Le projet, qui est désormais disponible sur GitHub, est ouvert aux anciens développeurs, qui recevront un accès aux contributions à leur demande. L’installeur Popcorn Time sera disponible prochainement.

Crédit photo : Neeta Lind (Creative Commons By)




Popcorn Time « le pire cauchemar d’Hollywood » n’est déjà plus 2/3

Il y a quelques jours à peine nous annoncions la sortie de l’application Popcorn Time, mieux que Netflix pour voir des films en streaming via BitTorrent !

Popcorn Time y était qualifié de « pire cauchemar d’Hollywood ».

Hollywood s’est réveillé et a réagi…

L’équipe de développement nous annonce déjà le clap de fin, en restant évasif sur les explications. Mais nul doute qu’ils ont reçu des pressions. Ils disent avoir vérifié quatre fois que Popcorn Time était légal (puisqu’ils proposaient une technologie neutre, n’hébergeait rien sur leurs serveurs et ne faisant que combiner trois bases de données externes : pour les torrents, pour les informations des films et pour leurs affiches).

Cela n’a, semble-t-il, pas suffi.

Edit : il y a une suite heureuse à cette histoire !

Goodbye Popcorn Time

Adieu Popcorn Time

Goodbye Popcorn Time

L’équipe de développement – 14 mars 2014

(Traduction : Piup, aKa, Kcchouette, loicwood, Noon, lumi, Amazigh + anonymes)

Au revoir

Nous avions commencé Popcorn Time comme un défi lancé à nous-mêmes. C’est notre devise… C’est ce à quoi nous aspirons.

Nous sommes très fiers de ce projet. C’est le plus important que nous ayons construit. Nous avons constitué une équipe géniale en le faisant, avec des gens avec qui nous adorons travailler. Et pour être honnête, au moment où je vous écrit, nous sommes tous un peu écœurés et abasourdis. Nous aimons Popcorn Time et ce qu’il défend, et nous avons l’impression de laisser tomber nos géniaux contributeurs chéris. Ceux qui ont traduit l’application en 32 langues, y compris certains dont nous ne connaissions même pas l’existence. Nous sommes en admiration devant ce que la communauté libre peut faire.

Nous sommes avant tout de jeunes entrepreneurs passionnés d’informatique. Nous lisons Techcrunch, Reddit et Hacker News dont nous avons fait deux fois la une. Dans le même temps, nous avons eu des articles dans Time Magazine, Fast Comany, TechCrunch, TUAW, Ars Technica, Washington Post, Huffington Post, Yahoo Finance, Gizmodo, PC Magazine et Torrent Freak, pour ne nommer que ceux-là. Et nous sommes intervenus à la télévision et dans des émissions de radio, sans parler des nombreuses interviews, et celles que nous avons aussi déclinées en raison de l’excès de sollicitation(s) de la part des médias.

Et aucun de ces médias ne nous blâmait. Non, ils nous soutenaient. Nous étions devenus les outsiders qui se battaient pour le public et les consommateurs. Des gens que nous respections, certains de nos héros, ont dit monts et merveilles à propos de Popcorn Time, ce qui a largement dépassé nos espérances pour un projet expérimental monté en seulement quelques semaines.

En tant que projet, Popcorn Time est légal. Nous avons vérifié. Quatre fois.

Mais comme vous vous en doutez, cela est rarement suffisant. Notre soudaine popularité nous a mis en contact avec des tas de gens, des journaux aux créateurs de nombreux sites et apps, qui étaient extrêmement populaires. Nous avons beaucoup appris à leur contact. En particulier que s’opposer à une industrie obsolète, arc-boutée sur son modèle économique, a un prix. Un prix que personne ne devrait payer en aucune manière.

Vous savez quelle est la meilleure chose à propos de Popcorn Time ? Que des tas de gens se sont accordés pour reconnaître que l’industrie du cinéma avait établi bien trop de barrières et de restrictions sur le marché. Prenons l’exemple de l’Argentine : les diffuseurs de streaming, là-bas, pensent que “There’s something about Mary” (Mary à tout prix) est un film récent. Ce film est ici, aux États-Unis, tellement vieux, qu’il aurait l’âge de voter !

La majorité de nos utilisateurs n’est pas localisée aux États-Unis. Ils sont de partout ailleurs. Popcorn Time s’est installé dans chaque pays sur Terre. Même dans les deux (pays) n’ayant pas accès à Internet.

Le piratage n’est pas un problème de personnes. C’est un problème de services. Un problème créé par une industrie qui voit l’innovation comme une menace à leur recette dépassée pour ramasser la monnaie. Un problème dont ils n’ont que faire.

Mais les gens si.

L’expérience montre que les gens risquent des amendes, des poursuites judiciaires ou toute autre conséquence possible uniquement pour pouvoir regarder un film récent chez eux. Juste pour avoir le type de partage qu’ils méritent.

Il se peut que demander gentiment quelques pièces par mois pour donner l’accès à n’importe quel film soit une bien meilleure solution.

Popcorn Time ferme aujourd’hui. Pas parce que nous n’avons plus ni énergie, ni motivation, ni détermination, ni même d’alliés. Juste parce que nous avons envie de poursuivre nos vies.

Notre expérimentation nous a amenés aux portes d’un débat sans fin entre piratage et copyright, menaces légales et machinerie douteuse qui nous donne l’impression d’être en danger à cause de ce que nous aimons faire. Et ce n’est pas une bataille à laquelle nous souhaitons prendre part.

Bises
Pochoclín




Geektionnerd : Le Web a 25 ans

geektionnerd_185-1_simon-gee-giraudot_cc-by-sa.jpg

geektionnerd_185-2_simon-gee-giraudot_cc-by-sa.jpg

Voir aussi :

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Ce que cache la gratuité des photos embarquées de Getty Images (et des autres)

Le Parisien nous annonce que YouTube a connu une panne mondiale hier soir 13 mars 2014, entraînant avec lui la pléthore de sites qui proposent ses vidéos à mêmes leurs pages web via le lecteur embarqué. On remarquera que pour mieux nous informer l’article en question intègre deux tweets (paresse de journaliste ?).

Vidéos YouTube, encarts Twitter, musiques Soundcloud, boutons Facebook… nos pages web deviennent de plus en plus souvent un savant mélange entre notre propre contenu et celui des autres, apporté sur un plateau par des multinationales à forte dominante américaine.

C’est pratique et gratuit. Il y a un juste à faire un copier/coller avec un bout de code pour que, ô magie, le contenu des autres apparaisse instantanément sur votre page, l’enrichissant ainsi à moindre frais.

Mais il y a un risque et un prix à payer. Le risque c’est que comme rien n’est éternel, le jour où YouTube, Facebook, Twitter… disparaîtront (si, si, ça leur arrivera à eux aussi), on se retrouvera avec des pages pleines de zones vides qui n’auront plus de sens. Avant de disparaître, ces sociétés en difficulté auront pris le soin de modifier le contenu même de toutes ces (frêles) embarcations avec, qui sait, toujours plus de publicité. Elles en ont parfaitement le droit, c’est un accord tacite que vous signez avec elles lorsque vous recopiez leur code. Google peut ainsi très bien du jour au lendemain ne faire afficher qu’une seule et unique vidéo dans tous les milliards lecteurs YouTube embarqués avec, disons, une pub pour Coca-Cola : impact marketing garanti !

Quant au prix à payer il est lourd à l’ère de l’informatique post Snowden, c’est celui de votre vie privée car, comme on le verra plus bas, ces intégrations collectent de nombreuses informations vous concernant.

Ici donc c’est au tour de l’énorme banque Getty Images de vous proposer d’embarquer ses photos. Et vous avez le choix parmi… 35 millions d’images ! D’un côté cela rend service et sensibilise au respect du crédit, de la licence et du lien vers le document d’origine. De l’autre ça participe à la fameuse citation « si c’est gratuit, c’est que c’est vous le produit »…

À comparer avec ce qu’a fait la British Library, l’équivalent britannique de la BnF, en décembre dernier : verser 1 million d’images du domaine public en haute résolution sur Flickr. Un autre monde, un monde à défendre, promouvoir et encourager.

 

 

Getty Images autorise l’incorporation gratuite, mais quel en est le prix pour la vie privée ?

Getty Images Allows Free Embedding, but at What Cost to Privacy?

[MàJ du 8 mars 2016] Par recommandé reçu au siège de Framasoft le 07 mars 2016, la société GETTY IMAGE, par l’intermédiaire de son conseil juridique, met Framasoft en demeure de supprimer la majeure partie des éléments du billet de blog présent sur cette page. Sont en particulier concernés les propos issus de la traduction de l’article de Parker Higgins de l’Electronic Frontier Foundation, intitulé « Getty Images Allows Free Embedding, but at What Cost to Privacy ? ». Le billet ayant été publié en mars 2014 (il y a deux ans !), le délai légal du délit de presse n’ayant pu être retenu, c’est sur le thème du dénigrement que s’attache le cabinet de conseil de GETTY IMAGE.

Nous aurions pu à notre tour nous tourner vers notre propre conseil, qui n’aurait pas manqué, par exemple, de relever les injonctions non conformes au droit présentes dans cette lettre, ou la grande faiblesse des arguments (intimidants en apparence).

Aller au bout d’une procédure se concluant très certainement en queue de poisson ? Cela aurait été de notre part une perte d’énergie, de temps et d’argent ; nous estimons que les généreux dons des contributeurs n’ont pas à servir à de vaines procédures portant sur l’image de telle ou telle société, gagne-pain laborieux de quelques conseils juridiques à défaut d’avoir de vraies causes à défendre.

Nous préférons donc censurer ce billet et laisser nos lecteurs juges de la teneur du courrier en question que nous reproduisons ici. Évidemment, les propos que nous supprimons sur cette page ne sortiront pas pour autant d’Internet, n’est-ce pas ?

gettyreco1 gettyreco2 gettyreco3




Remarquable intervention d’Isabelle Attard aux États Généraux de l’Open Source

Les États Généraux de l’Open Source étaient réunis le 6 mars dernier pour une convention de synthèse. Nous avons choisi d’en reproduire ci-dessous la remarquable conclusion de la députée Isabelle Attard.

Si tous nos parlementaires partageaient en la matière ses compétences et son état d’esprit, nous n’en sérions pas là mais beaucoup plus loin.

À qui la faute ? À eux, bien sûr, mais également à nous. Alors continuons notre travail pour que sa « proposition 0 » infuse toujours plus la société. Et merci au passage pour la précieuse et pertinente analogie de l’école publique construite par une entreprise privée.

Remarque : Nous avons déjà évoqué Isabelle Attard lors de la triste histoire législative du DRM dans les livres numérique ainsi que sur la question du domaine public sur Romaine Lubrique.

Isabelle Attard

Isabelle Attard – Conférence de clôture – États Généraux de l’Open Source

URL d’origine du document

Merci Michel Isnard et Alexandre Zapolsky de m’avoir invitée à cette après-midi consacrée à l’open source.

Bravo pour tout ce qui a été accompli au sein des groupes de travail durant l’année. Juste un petit bémol : je constate qu’aucune femme n’est venue s’exprimer sur scène mais je compte sur vous pour faire mieux l’année prochaine.

Vous savez que le logiciel libre me tient à cœur. Pas pour des raisons idéologiques ou parce que « c’est à la mode », mais parce que c’est un vrai enjeu de société. Oui, je sais que je conclus les États Généraux de l’Open Source. Je sais aussi que la distinction entre logiciels Open Source et logiciels Libres est un débat virulent entre les partisans de chaque dénomination. Ces distinctions me paraissent trop peu importantes pour faire l’objet d’une argumentation. D’ailleurs, le deuxième groupe de travail aujourd’hui utilise « Open Source », et le quatrième « logiciel libre ».

Mais au quotidien, à l’Assemblée nationale, ce sont les mots « logiciel libre » qui ont ma préférence. Déjà parce qu’ils sont français. C’est un premier critère d’acceptabilité important pour être entendus de mes collègues députés. Ensuite, parce qu’ils mettent en avant la liberté, et c’est bien ce qui caractérise ces logiciels : les libertés offertes à leurs usagers. Enfin, parce que ces libertés aboutissent aux trois grands avantages majeurs des logiciels libres : coût, sécurité, pérennité.

Le premier ministre Jean-Marc Ayrault a insisté sur ces avantages dans sa fameuse circulaire sur l’usage du logiciel libre dans l’administration.

Et pourtant, pourtant, toutes mes tentatives de favoriser le logiciel libre dans la loi se sont heurtées à de grandes résistances. Lors du projet de loi refondation de l’école. Lors du projet de loi enseignement supérieur et recherche. Lors du projet de loi de finances 2014.

Mes collègues députés, je suis gênée de le dire, ont pour beaucoup fait preuve d’ignorance. Ces sujets sont complexes, et tous les parlementaires ne font pas le choix de s’y intéresser. Ils ont aussi, pour certains, cédé aux lobbies du logiciel propriétaire. Le chantage à l’emploi des grands éditeurs est une réalité.

Pourtant, je suis confiante dans l’avenir. La prise de conscience des donneurs d’ordre est une réalité, qu’ils soient des secteurs publics ou privés. De mon côté, j’ai utilisé les questions écrites aux ministères pour leur faire réaliser le bilan de leurs actions, suite à la circulaire sur le logiciel libre. Les premières réponses ont montré qu’il y avait de bons élèves, et de moins bons. Voire des silencieux.

C’est pourquoi je renverrai cette année la même série de questions. L’évolution des réponses nous permettra, à vous comme à moi, de mesurer la réalité du changement de pratique au sein de l’administration publique. Un problème récurrent au sein des ministères est l’absence d’outils de contrôle de gestion distinguant entre les dépenses liées aux logiciels libres et celles liées aux logiciels propriétaires. Je déposerai donc une autre série de question sur la mise en place de cette distinction dans la comptabilité publique.

En parallèle, je continuerai à promouvoir les nombreux avantages du logiciel libre auprès des ministres et lors des débats parlementaires.

La moitié des propositions de vos groupes de travail requiert la bonne volonté du gouvernement et/ou du Parlement pour aboutir. Les voici :

  • Modifications du Crédit Impôt Recherche
  • Financement par « l’État client »
  • Modification au sein du programme France Université Numérique
  • Adoption d’un code des marchés publics en faveur du libre, suivant le modèle italien.
  • Modification du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de techniques de l’information et de la communication, le CCAG-TIC. Ainsi, bien sûr, que son articulation avec le cahier des clauses administratives générales applicables aux prestations intellectuelles, le CCAG-PI.
  • Modification des règles des marchés publics pour imposer interopérabilité et standards ouverts.
    • Petite parenthèse. Je suis bien évidemment d’accord avec cette proposition. Mais lorsque j’ai essayé de donner, je cite : « un encouragement à l’usage de logiciels libres et de formats ouverts pour les ressources pédagogiques dans l’enseignement supérieur », on m’a répondu les choses suivantes. Je cite à nouveau : « les logiciels libres sont déjà très présents dans la communauté universitaire. C’est une culture extrêmement répandue. Il n’est donc pas important de faire figurer cela dans la loi. » Ces phrases ont été prononcées par le député Vincent Feltesse et la ministre Geneviève Fioraso. Je compte d’ailleurs beaucoup sur la ministre Fleur Pellerin pour faire de la pédagogie auprès de ses collègues en leur expliquant les avantages du logiciel libre. Je reviendrai plus tard sur la résistance au changement.
  • Intégrer le recours au logiciel libre dans les critères RSE.
  • Imposer la communication par l’État de son patrimoine logiciel.
  • Réglementer le lobbying
  • Libération de tout code produit par un agent public.
  • Création d’un centre de compétence Open Source de l’administration
  • Dégrouper dans 100% des cas l’acquisition de matériel et de logiciel.
    • Deuxième parenthèse : le groupe écologiste a tenté d’introduire dans le projet de loi Consommation, non pas le dégroupage de la vente, mais une simple information obligatoire des prix respectifs du matériel et des logiciels qui composent un ordinateur. Le ministre Benoît Hamon a refusé. Imaginez si nous avions proposé l’interdiction de vendre ces produits ensemble !
  • Dispositif fiscal de déduction des achats passés auprès des JEI et/ou PME Innovantes

Je partage assez largement ces propositions. Mais je pense qu’il en manque une, qui est un préalable à toutes celles-ci. Vous me permettrez, je l’espère, de suggérer une proposition 0. Elle s’intitulerait : « rendre le logiciel libre évident pour les décideurs politiques ». Par évident, j’entends à la fois l’aspect « solution à beaucoup de problèmes », et l’aspect « sujet simple dont je peux débattre sans passer d’abord un brevet d’aptitude ».

Aujourd’hui, à part quelques experts dans les administrations ministérielles, et une dizaine de députés, qui considère le logiciel libre comme une évidence ?

Le sujet est complexe, technique, c’est pourquoi nous devons tous faire un effort de vulgarisation. Je vous propose l’analogie suivante :

Imaginez une école publique, construite par une entreprise privée. Qui trouverait normal que l’entreprise ne fournisse par les plans à la mairie qui a payé la construction ? Qui trouverait normal que l’entreprise impose d’être la seule autorisée à réparer l’école ? Qui trouverait normal que l’entreprise interdise d’agrandir ou de modifier l’école sans son accord ?

C’est pourtant ce que les éditeurs des logiciels propriétaires payés par le secteur public imposent.

C’est, je le crois, avec des exemples simples, des analogies parlantes, que nous pourrons faire avancer la compréhension des enjeux du logiciel libre.

Le Conseil d’État l’a rappelé, le logiciel libre est un modèle de service. Ce n’est pas un choix technologique, contrairement à ce que prétendent les lobbyistes du logiciel propriétaire. Les collectivités locales ont donc parfaitement le droit d’imposer le libre dans leurs appels d’offre et dans leurs pratiques.

Il nous reste à le leur faire savoir, aussi souvent que nécessaire. Mais nous sommes tous d’accord à ce sujet, n’est-ce pas ?

Isabelle Attard