Le cri déchirant dans utilisateurs de Windows XP

Save XP - Petition - Inforworld

Quel est aujourd’hui le principal concurrent de Microsoft dans le domaine des systèmes d’exploitation ?

Non, non, vous n’y êtes pas. Bien sûr le Mac séduit de plus en plus de monde et GNU/Linux avance lentement mais sûrement confiant mais conscient de ce que la route est longue mais la voie est libre. Il n’empêche qu’à l’heure actuelle le principal concurrent de Microsoft c’est avant tout… Microsoft lui-même !

En effet, à moins d’acheter un ordinateur neuf en grandes surfaces sans trop se poser de questions (de toutes les façons il n’y pas le choix, c’est Vista), il est clair que les utilisateurs de Windows XP ne souhaitent pas pour le moment changer pour Vista (surtout avec la toute prochaine mise à jour de XP, le Service Pack 3, qui devrait encore le renforcer). Ceux-là en effet se renseignent, lisent la presse et les sites spécialisés, écoutent les témoignages de proches qui ont franchi le pas, et en tirent la conclusion qui s’impose. Comme le dit si bien l’adage populaire : le mieux est l’ennemi du bien.

Ils ne souhaitent pas la fin programmée de Windows XP par Microsoft et le disent un peu partout à commencer par cette pétition en ligne Save XP d’un site américain au dessus de tout soupçon : Infoworld, dont nous vous proposons l’appel en traduction ci-dessous (merci Guillaume).

Initiée en janvier dernier nous en sommes à ce jour à rien moins que 142.226 signataires ! D’accord les pétitions en ligne valent ce qu’elles valent mais c’est tout de même un ordre de grandeur (hautement) significatif.

Notons au passage que cela ne serait jamais arrivé dans le monde du logiciel libre. Si vous avez une communauté assez forte pour souhaiter qu’un projet ne disparaisse pas alors tel sera bien le cas quand bien même les développeurs d’origine souhaitent donner au projet une autre direction (ou tombent dans le côté obscur de la force, ce qui revient au même). Cela s’appelle un fork, c’est permis par la licence libre et c’est rendu techniquement possible par la mise à disposition du code source du programme.

À rendre les utilisateurs captifs de son système d’exploitation Microsoft est pris à son propre piège. Tant pis pour eux et tant mieux pour nous, car jamais la situation n’a été aussi favorable à une mutation écologique majeure qui verrait soudainement de nombreuses chenilles Windows se métamorphoser en papillons Linux 😉

Save XP - Petition - Inforworld

Sauvons Windows XP ! L’heure tourne

Save Windows XP! The clock is ticking

Galen Gruman – 13 avril 2008 – InfoWorld.com

Microsoft va arrêter la vente de Microsoft XP préinstallé et en boite le 30 Juin 2008, forçant les utilisateurs à passer à Windows Vista. (Les assembleurs pourront toujours vendre Windows XP jusqu’au 31 Décembre.) Ne laissez pas cela se passer comme ça !

Des millions d’entre nous se sentent à l’aise en utilisant Windows XP et ne ressentent pas le besoin de passer à Vista. C’est comme avoir un appartement confortable dans lequel vous avez apprécié revenir du travail pendant des années, tout cela pour vous retrouver avec avec un préavis d’expulsion dans votre boite aux lettres. L’idée de devoir partir dans une nouvelle demeure, même avec des huisseries en acier inoxydable, des surfaces en marbre, des meubles en bois d’érable (ou peut etre est-ce cerisier ces temps-ci), n’est pas agréable. Peut-être que le nouvel appartement sera plus moderne, mais il va aussi vous coûter beaucoup plus cher et ne vous conviendra pas si bien. Et vous n’avez pas d’autre raison de changer.

C’est exactement la sentiment qu’engendre Vista. Pour la plupart d’entre nous, il n’y a vraiment aucune raison d’y passer, mais nous n’avons pas le choix. Quand ce sentiment de continuer à utiliser Windows XP est devenu manifeste en 2007, d’importants constructeurs comme Dell et Hewlett-Packard on réintroduit furtivement XP sur leur nouveaux produits (uniquement pour les professionnels, pour ne pas s’attirer les foudres de Microsoft). Ce 30 Juin par contre, même cette option n’existera plus.

Que faire alors ? Laisser Microsoft choisir où vos logiciels personnels et professionnels doivent vivre ? Ou bien dire haut et fort que vous ne voulez pas changer ?

Nous avons choisi la méthode haute et forte. Rejoignez-nous, et dites à Microsoft que vous voulez que XP soit disponible indéfiniment. Pas pour six mois ou un an de plus mais indéfiniment.

Et demandez à vos amis et collègues de nous rejoindre aussi. Orientez-les vers SaveXP.com pour un accès rapide a cette page. Et si vous souhaitez mettre notre compte à rebours sur votre site web pour promouvoir cette pétition, envoyez un e-mail à l’éditeur en chef Galen Gruman pour avoir le code.

Vous pensez que Microsoft n’écoutera pas ? Considérez cela : Bien que Microsoft refuse d’admettre qu’il y ait le moindre problème avec Vista ou que la majorité des gens n’en veulent pas, l’entreprise a déjà reporté la retraite de XP de six mois. C’est un début, mais ce n’est pas suffisant.

Microsoft n’a pas à accepter son échec. Ils n’ont qu’à dire qu’ils vont laisser Windows XP disponible indéfiniment pour satisfaire la demande des clients. Ils peuvent prendre cette opportunité pour améliorer Vista, ou développer le prochain Windows qui nous donnera peut-être envie de changer.

Il y a un précédent à cela aussi : Vista est en de nombreux points similaire à Windows Millenium qui devait remplacer Windows 98 en 2000 mais qui a fait plus de mal que de bien. À l’époque, Windows 2000 était prometteur mais ne supportait pas beaucoup de matériel, donc les utilisateurs étaient coincés avec deux mauvais choix. Sans admettre l’échec de Millenium, Microsoft réintroduisit furtivement Windows 98 sur le marché jusqu’à la sortie de la version améliorée de Windows 2000 (SP1). Microsoft doit refaire quelque chose comme ça aujourd’hui.

Faites entendre votre voix à Microsoft. Signez dès maintenant la pétition pour sauver XP. Nous la présenterons à Microsoft.




Tag : Paris

—> La vidéo au format webm

Au départ il s’agissait, pour le prof que je suis, de présenter un exemple de remix culturel à mes élèves. Utiliser des créations existantes dont les licences autorisent la reprise pour produire quelque chose d’un tant soit peu original. L’occasion de parler de la culture libre, des Creative Commons, de la musique en libre diffusion, etc.

L’idée de base était de créer un petit diaporama sur fond musical en choisissant un tag (ou étiquette) sur l’annuaire de photographies partagées Flickr (restreint à certaines licences Creative Commons) pour y sélectionner quelques images et les agencer dans un ordre particulier.

C’est le tag Paris qui a été retenu. Les photographies sont donc censées illustrer de près ou de loin la capitale. La chronologie suivant, vaguement, celle d’une journée du matin au soir.

Voici donc le résultat ci-dessus. On dira que c’est une première version parce que cela reste trop lourd en taille et du coup c’est parfois un peu saccadé depuis notre serveur. Je précise que je suis parisien d’origine mais vivant désormais depuis plusieurs années loin de la Ville Lumière. Ceci explique peut-être cela, c’est-à-dire la petite pointe de nostalgie… Il n’empêche que je retrouve bien ma ville en recomposant ce puzzle iconographique (clichés touristes et clichés bobos inclus !).

La musique, sous licence Creative Commons By-Nc-Nd, est de Rob Costlow (titre : Not Alone). Toutes les photographies sont sous licence Creative Commons By ou By-Sa. J’aurais dû toutes les créditer en fin de diaporama (ce sera pour la version 2.0) mais en attendant vous pouvez les retrouver en naviguant sur cette page de recherche de Flickr.

Au passage ce petit clip illustre je crois la formidable richesse de Flickr puisqu’ici je me suis astreint à un unique tag et à deux licences. Je me demande du reste si on ne pourrait pas sur ce modèle (un tag Flickr, des photos sous licences libres) faire carrément des framabooks photographiques que l’on vendrait grâce à notre partenaire éditeur In Libro Veritas. Cela permettrait aussi bien de faire de chouettes bouquins de photos que d’illustrer la culture libre en marche (et éventuellement aussi de soutenir Framasoft).

Pensez-vous que l’idée soit (commercialement) bonne ?




Libérons aussi le matériel !

Drivers, codecs, firmwares sont autant de spécifications logicielles qui permettent de piloter du matériel informatique (comme par exemple les périphériques).

Il se trouve que, sauf exception, les constructeurs prennent un malin plaisir à compliquer la vie des développeurs de logiciels libres en fermant l’accès à ces spécifications.

Une traduction de Vincent pour Framalang. [1]

Lucchetto... - Il Cama - CC-By

Why are hardware manufacturers keeping specs to themselves?

sp – 06 avril 2008 – sp’s Free Software blog

Pourquoi les constructeurs de matériel conservent jalousement leurs spécifications ?

C’est une question à laquelle je me suis intéressé depuis que j’ai commencé à utiliser GNU/Linux.

Réfléchissez-y un moment. Il y a 20 ans, vous aviez les spécifications d’à peu près tous les composants matériels que vous achetiez. On vous donnait les instructions exactes sur la façon d’utiliser le matériel que vous veniez d’acheter, et pas seulement comment l’installer. Les choses ont changé depuis.

Si vous achetez du matériel maintenant, vous devez vous attendre à n’avoir aucune documentation sur la manière de "parler" à votre nouveau jouet. On vous donne seulement un CD (et parfois c’est même simplement un lien vers une page Web) qui contient des drivers pour quelques systèmes d’exploitation spécifiques, généralement seulement Microsoft Windows.

Maintenant, je ne suis pas un développeur de drivers et je ne serais sans doute pas capable de développer un driver pour quoi que ce soit de toute façon, mais la communauté du Logiciel Libre pourrait largement bénéficier de cette documentation, car il y a beaucoup de développeurs de drivers très compétents parmi elle.

Mais finalement, ce n’est pas un problème qui affecte seulement la communauté du Logiciel Libre. Il y a beaucoup de composants matériels qui ne fonctionnent pas sur des systèmes d’exploitation propriétaires récents, à cause d’un manque de support de leurs constructeurs.
Au moins ce problème n’existerait pas pour des systèmes d’exploitation Libres, tels que GNU/Linux, si les fabricants de matériel publiaient la documentation de leur matériel. Les gens qui utilisent des produits dont la fin de support est dépassée pourraient créer des drivers eux-même, sans être dépendants de quiconque.

Ce qui m’étonne toujours dans ce cas c’est pourquoi les entreprises de matériel sont incapables d’inventer des standards pour accéder à des appareils de même type. Ceci fonctionne parfaitement bien pour l’USB (prenez les appareils de stockage USB par exemple), et je ne comprends pas pourquoi ils ne peuvent pas standardiser les interfaces avec d’autres matériels, tels que les cartes réseaux, également. A un niveau très bas, ces interfaces standardisées fonctionnent. Pensez au PCI, PCI Express ou AGP.

En fait, si vous y réfléchissez un tant soit peu, vous devriez réaliser quelque chose : le fait d’avoir des interfaces standardisées pour des appareils de même type réduirait sensiblement le coût pour les fabricants de matériel. Comment ? Et bien, si ils conçoivent un tout nouveau circuit réseau et y implémentent le standard existant, alors il n’y aurait pas besoin d’écrire un nouveau driver. Et même, il n’y aurait pas besoin du tout d’un driver par appareil. Mettre en place un driver commun qui accède à l’interface standardisée serait suffisant, pour une large gamme d’appareils.

Alors, qu’est-ce que je demande aux fabricants de matériel ? J’aimerais voir des sociétés créer des appareils de même type ensemble, créer des interfaces standardisées, les publier et les mettre en oeuvre dans leurs nouveaux équipements.
Je sais, ce n’est pas demain la veille que cela arrivera, alors une approche plus réaliste est de demander des drivers Libres et/ou la documentation.

Personnellement, j’ai arrêté d’acheter du matériel qui "fonctionne" avec GNU/Linux, j’en suis arrivé à un point où j’essaye d’acheter seulement du matériel qui soit fourni avec des drivers constructeurs "Libres" ou avec une documentation qui permette l’implémentation de drivers développés en Logiciels Libres.
C’est probablement la meilleure façon de montrer à ces entreprises ce que vous demandez : la Liberté.

Notes

[1] Photographie de il CAMA titrée lucchetto di sicurezza – safety lock sous licence Creative Commons By.




VidToMP3.com ou la grande hypocrisie collective

Copie d'écran - YouTube - Tryad

Dans la série « je donne des leçons en criant dans le désert »…

Un nouveau site outil de type MFA[1] vient de sortir VidToMP3.com. Il propose tout simplement de ripper, c’est-à-dire récupérer, les pistes sons de n’importe quelle vidéo des plate-formes YouTube, Dailymotion, MySpace, etc.

J’ai fait le test avec le morceau Bluetooth des sympathiques bobos de la Chanson du Dimanche. Il vous suffit d’aller sur YouTube, de copier l’URL de la vidéo recherchée et d’y coller le tout dans VidToMP3.com. Il ne vous reste alors plus qu’à cueillir sur le site, après un court laps de temps, un mp3 de qualité tout à fait correcte prêt à s’ajouter à la playlist de votre baladeur musical préféré.

C’est… cool n’est-ce pas ?!

Et comme il est désormais quasi impossible qu’une chanson un tant soit peu connue ne se retrouve pas d’une manière ou d’une autre sur ces plate-formes vidéos, ben vous tenez là un système parfait pour alimenter votre baladeur avec la musique de votre choix.

Vraiment super top cool !!!

Un système d’autant plus parfait qu’il est… sans risque. Parce que le hic c’est que ce que j’ai fait pour la Chanson du Dimanche est tout à fait illégal. Bien qu’il s’agisse d’un groupe un peu particulier puisque né sur internet grâce à la mise en ligne de leurs vidéos, il est formellement interdit de faire ce que j’ai fait, puisqu’en l’absence de licence associée à leurs vidéos c’est le copyright classique qui s’applique.

Et il en va bien entendu de même pour les autres chansons (en pire même lorsqu’il s’agit de groupes sous contrat avec les Majors).

Du coup cela me fait dire péremptoirement qu’on nage dans l’hypocrisie collective. Une hypocrisie qui, comme la valse, se décline en trois temps.

  • Les plate-formes vidéos d’abord. YouTube, MySpace, Dailymotion… aucun de ces sites n’associent de licence claire et individuelle aux vidéos proposées. Du coup c’est le Term of Use (indigeste voire incompréhensible) qui s’applique par défaut et si on le suit à la lettre alors on ne peut télécharger sur le site que des vidéos qui nous appartiennent en propre. Oui pour votre bébé au rire communicatif ou vos vacances en Asie en compagnie d’éléphants savants (et encore faut s’assurer de l’autorisation de l’éléphant, quoiqu’ici c’est plus facile puisque sachant dessiner il doit bien savoir parapher). Mais non pour le dernier clip-vidéo à la mode ou l’extrait d’une récente émission de télé dont ces sites sont pourtant truffés.[2]. J’avais déjà évoqué ce problème dans un billet au titre délicat Est-ce que YouTube nous entube ? où je préconisais plutôt l’utilisation de Blip.tv (qui, vous avez dit bizarre, n’est d’ailleurs pas encore dans la liste de VidToMP3.com). Depuis force est de constater que rien n’a bougé du côté de YouTube. Et ceci oblige des groupes libres comme Tryad à faire mention de la licence à même le descriptif de la vidéo qu’il faut dérouler qui plus est (voir illustration ci-dessus qui ouvre le billet). Ce n’est tout simplement pas sérieux messieurs de chez YouTube donc de chez Google.
  • Le site VidToMP3.com ensuite. Voilà un site qui colle de la pub partout avec son modèle économique qui est clairement l’affluence (voir ma note ci-dessous) et qui vient nous dire en petit et en bas de page : Only rip the sound from none-copyrighted sources. C’est ç’là oui, on va t’écouter mon grand et du coup plus personne ne viendra sur ton site !
  • La blogosphère ensuite. Vite, vite, faisons un billet avec VidToMP3.com dans le titre pour être bien référencé, extasions-nous sur l’utilité du service et taisons les problèmes liés aux absences de licences (si tant est que les blogueurs en question aient la moindre culture des licences). Que ne ferions-nous pas pour chouchouter nos fidèles lecteurs…

Je ne nie pas que le service puisse être parfois utile (au format audio ouvert ogg ce serait encore mieux) mais si, comme tente modestement de le faire ce blog, on se place dans une problématique de sensibilisation à la culture libre alors on n’est pas à Houston mais on a visiblement un problème.

Un problème de licences ou plutôt d‘éducation aux licences qui, si il était plus médiatisé, obligerait tout ce petit monde (visiteurs inclus) à mieux se positionner. Quitte, si entêtement et bornitude[3] il y a, à faire découvrir les douces mélopées de la musique en libre diffusion que l’on trouve sur des Dogmazik et autres Jamendo.

Quitte aussi à rencontrer les logiciels libres. Parce que dès que vous commencez à vous préoccuper des questions de licences à l’ère du numérique ils ne sont pas bien loin…

Notes

[1] MFA est l’acronyme de Made For Adsense. Un site MFA signifie qu’il a été conçu avec l’objectif non dissimulé de faire des sous avec la régie publicitaire de Google. Pour le site qui nous concerne il y a d’autres bannières mais le modèle est bien présent : proposer un service qui amènera beaucoup de visiteurs qui engendreront beaucoup de revenus publicitaires. Et, si j’ose dire, tout le monde s’y retrouve puisque cela permet au service de rester tranquillement gratuit.

[2] Pour les clip-vidéos ou passages télés c’est à nuancer parce que les ayants droits négocient au cas par cas avec les plates-formes vidéos, ce qui vient passablement compliquer la situation. Mais ce qui est sûr c’est que vous, visiteur YouTube, vous n’avez pas le droit de les récupérer.

[3] La bornitude caractérise l’attitude bornée d’une personne ou d’un groupe d’individus. Exemple : Ségolène Royal a fait preuve de bornitude en tentant de justifier sa bravitude.




La Quadrature du net ou comment empêcher les rond-de-cuirs à pieds carrés de tourner en rond

La quadrature du net - Logo

« Surveillance du net généralisée, y compris par des sociétés privées, filtrage et coupure d’accès internet sans procès, extension des pouvoirs du CSA à Internet, labellisation administrative des sites web… La Quadrature du net a été lancée par des citoyens inquiets afin d’alerter sur des projets du gouvernement menaçant les libertés publiques et le développement économique et social, et faire des propositions alternatives. Rejoignez nous ! ».

Nous n’allons pas nous faire prier ! Surtout lorsque ces premiers citoyens inquiets s’appellent Christophe Espern, Philippe Aigrain et Jérémie Zimmermann. Qu’il est rassurant de se savoir ainsi si bien représentés d’autant qu’ils sont capables d’apparaitre de suite dans de grands médias (voir tout de suite ci-dessous).

Interview radio de Christophe Espern

Le 2 avril 2008, dans le cadre de la chronique du Nouveau Monde de Jérôme Colombain (France-Info) titrée La Loi Olivennes en préparation (lien direct vers le mp3).

La Quadrature du Net, tribune libre, diffusion encouragée

URL d’origine du document

Par Christophe Espern, fondateur de l’initiative La Quadrature du Net, membre du Conseil d’Orientation du Forum des Droits sur l’Internet.

Le Parlement débattra bientôt d’un projet de loi « relatif à la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet ». Ce projet reprend les recommandations formulées par Denis Olivennes, alors PDG de la FNAC. L’une des mesures phares consiste à sanctionner une violation répétée du droit d’auteur en coupant l’accès à Internet du foyer.

Cette sanction serait prononcée par une autorité administrative dite « indépendante ». Signalés par des acteurs privés balayant internet, les délits supposés seraient ensuite constatés, à distance, par des agents administratifs ayant accès aux données personnelles de connexion. Le tout sans contrôle de l’autorité judiciaire. À ce jour, seules les forces de l’ordre luttant contre le terrorisme disposent de ce pouvoir d’exception, à titre temporaire, jusqu’à fin 2008.

Ce projet de loi sidérant, élaboré dans des conditions qui le sont tout autant – a-t-on jamais confié une mission sur les OGM à Monsanto ? – est révélateur d’une fuite en avant dangereuse pour la démocratie, la société et l’économie.

En France, nombre de lois et règlements sur le numérique ont été adoptés ces dernières années, sans concertation préalable ni bilan de l’existant, sous la pression de lobbies. Ainsi, le rapport d’application prévu pour février 2008 de la très décriée loi sur le droit d’auteur de 2006, adoptée en urgence, n’est même pas entamé que le projet Olivennes est déjà rédigé.

Or ces textes sont en décalage avec la réalité des usages et des techniques. À peine votés, ils sont obsolètes, inapplicables, inopérants. Les juristes en perdent leur latin. C’est la quadrature du Net : le diable ne veut pas rentrer dans la boîte !

Et si le diable était la boîte ?

Poser la question est hérétique en soi. Quand la légalisation des échanges de musique et films contre rémunération des artistes a été votée par des députés de tous bords fin 2005, le gouvernement pressé par les éditeurs l’a fait retirer immédiatement par une majorité remise au pas. Denis Olivennes a lui annoncé dès sa nomination qu’il n’était pas question de l’étudier. La ministre la Culture l’a aussi péremptoirement écartée quand la commission Attali pour la libération de la croissance l’a préconisée.

Le projet Olivennes inscrit donc le gouvernement dans une dérive dogmatique, quasi-obscurantiste, et autoritaire. Il écoute des oracles usés, considérant le progrès comme une menace plutôt qu’une opportunité. L’étape proposée constituerait cependant une régression sans précédent si elle était franchie.

Les ministres de la culture et de la justice suédois, qui ont rejeté récemment un projet similaire, ne s’y sont pas trompés, déclarant que « la coupure d’un abonnement à Internet est une sanction aux effets puissants qui pourrait avoir des répercussions graves dans une société où l’accès à internet est un droit impératif pour l’inclusion sociale ». D’autant plus qu’en cas d’offre triple play, le téléphone et la télévision pourraient être coupés aussi. La mort sociale électronique de familles entières au nom du droit d’auteur ? Beaumarchais, Victor Hugo, Jean Zay seraient scandalisés.

Et que dire de l’extension de mesures d’exception prévues pour lutter contre le terrorisme, afin que des acteurs privés puissent chasser l’internaute et contourner l’autorité judiciaire ? Qui peut croire qu’un internaute sanctionné de la sorte ira dépenser son argent à la FNAC ? Surtout que même suspendu, son abonnement sera toujours à sa charge !

Quant au coût pour le contribuable et l’économie, il est à ce jour inconnu. Aucune étude d’impact n’a été réalisée. Tracer, menacer, réprimer des millions de personnes via une justice parallèle aura pourtant un prix. Déconnecter des foyers, des entreprises, aussi. Les finances publiques et tous les usagers devront le supporter.

Il est impossible de contrôler efficacement la circulation de l’information à l’ère du numérique par le droit et la technique sans porter gravement atteinte aux libertés publiques et entraver le développement économique et social. Mais il existe d’autres solutions : sécuriser juridiquement les usages démocratiques et créatifs de la Toile, permettre aux entrepreneurs du web d’innover sans risque, revoir les mécanismes de répartition de la richesse existante, admettre enfin que l’approche répressive et la concertation réduite à quelques lobbies mènent à l’autoritarisme de marché.

Il a fallu plus de 3500 ans pour démontrer qu’il était impossible de faire rentrer sans perte des ronds dans des carrés avec une règle et un compas, à cause de la transcendance de Pi. Comme la quadrature du cercle en son temps, la quadrature du net ne sera dépassée qu’en changeant d’outils et de perspectives. Faudra-t-il 3500 ans pour que le législateur le comprenne ?

Diffusion de ce texte dans son ensemble encouragée tant que la présente mention est préservée.




Le vocable Ubuntu va-t-il se substituer à Linux auprès du grand public ?

Jeff Kubina - CC by-saRichard Stallman répète inlassablement partout où il passe qu’il faut dire « GNU/Linux » et non « Linux ». Et si l’avènement de la distribution Ubuntu finissait par mettre tour le monde d’accord pour faire oublier Linux, GNU et tout le reste ?

C’est peu probable mais il faut reconnaitre que le succès non démenti d’Ubuntu change doucement la donne du monde jusque là assez tranquille des distributions Linux. Pour un utilisateur de base candidat à la migration, il y a désormais Ubuntu et les autres[1], avec peut-être le risque collatéral de voir se diluer l’expression Linux derrière Ubuntu.

Cette glissement sémantique peut-il se produire ? Et si oui est-ce un réel problème ? C’est l’objet de cette traduction à la lisière du troll que nous devons à VLI pour Framalang.

Ubuntu est-elle en passe de devenir la distribution Linux générique ?

Is Ubuntu becoming the generic Linux distro?

Adrian Kingsley-Hughes – 02 avril 2008 – ZDNet.com
(Traduction Framalang : VLI)

Suis-je le seul à avoir remarqué le nombre important de débutants sous Linux qui semblent penser que Ubuntu est Linux et que Linux est Ubuntu ?

Depuis l’année dernière, j’ai en effet remarqué un nombre croissant de newbies (un terme que j’emploie affectueusement) intéressés pour tester Linux : par exemple le nombre de mails que je reçois sur le sujet est passé de zéro il y a un an à quelques dizaines par semaine aujourd’hui. Les raisons de leur intérêt pour Linux sont diverses et variées, tout comme leur niveau d’engagement pour quitter Windows ou Mac. Néanmoins, une chose émerge de toutes ces conversations : le nombre de gens qui semblent confondre Ubuntu et Linux. Je dis cela parce qu’ils utilisent les deux termes de manière interchangeable, ou en utilisant le nom Ubuntu d’une manière générique. Et ce traitement de faveur est réservé à Ubuntu. Je n’ai pas vu le nom d’une autre distribution utilisé de la sorte.

Je dois admettre que j’aime bien Ubuntu. Je l’aime vraiment bien. J’ai essayé des dizaines de distributions Linux ces douze à dix-huit derniers mois, et je reviens toujours à Ubuntu. Même si je ne me considère pas dans la catégorie des noob Linux, je sais que je n’en suis pas encore si éloigné de telle sorte que la convivialité et la simplicité de Ubuntu ne sont pas inutiles pour moi. Mais un autre attrait de Ubuntu est son cycle de développement clair que les développeurs suivent, ajouté au fait que chaque version que j’ai essayée s’est révélée être une amélioration significative par rapport à la précédente. Il y a un réel élan dans ce projet. Il faudra voir si le même niveau de développement continue une fois que les bases auront été scellées, mais pour l’heure, le développement semble avancer à un bon rythme.

Je suis de ceux qui pensent que cette évolution d’Ubuntu vers la distribution Linux générique n’est pas une mauvaise chose. Mon opinion est que lorsqu’un débutant aborde le monde Linux, le nombre sidérant de distributions disponibles est déconcertant (je sais que beaucoup ne sont pas d’accord avec moi sur ce point et clament que le choix est une bonne chose, mais personne ne peut me démontrer avec évidence que les nouveaux utilisateurs embrassent facilement le nombre important de distributions). Une seule distribution offre à ceux qui veulent s’initier à Linux un endroit pour démarrer et si Ubuntu répond à leurs besoins alors c’est très bien, sinon il y a une grande variété de distributions Linux pour expérimenter et jouer avec.

La prochaine version, au nom de code Hardy Heron (NdT : le Héron Hardi), sera l’une des distributions les plus faciles à essayer pour les newbies grâce à l’ajout du chargeur umenu et de l’installeur Wubi, qui tous deux simplifient l’installation conjointe de Ubuntu avec et depuis Windows. Ceci rendra sans aucun doute Ubuntu encore plus populaire chez les newbies Linux.

Des idées ? Pensez-vous que Ubuntu est en train de devenir la distribution Linux générique ? Est-ce une bonne chose ? Est-ce que Ubuntu est la meilleure distribution pour les débutants ? Et si non, que suggérez-vous ?

Notes

[1] Crédit photo : Jeff Kubina (Creative Commons By-Sa)




Largage de liens en vrac #3

Zara - CC byVoici le nouvel opus de mes liens en vrac[1]. J’entends d’ici les exclamations médusées de la foule en délire qui peuvent se résumer ainsi : mais comment fait-il pour aller chercher tout ça !

  • wikiCalc : Un tableur en ligne plutôt sexy (en ajax, javascript…) avec formules et import/export en CSV. Désormais partie intégrante d’un projet pour l’odinateur XO de l’OLPC sous le noml de SocialCalc. Intéressant pour son côté wiki, son côté données disponibles de partout depuis internet et son côté éducation et formation au tableur.
  • Simple Spreadsheet : Toujours un tableur en ligne sexy (mais plus complexe car par exemple avec présence de graphiques) adossé à Simple Groupware un projet de groupware sur internet qui semble prometteur.
  • BuddyPress : Le buzz du moment dans la blogosphère. Comment transformer son WordPress en véritable réseau social grâce à plein de plugins savamment intégrés et à la fonction multi-blogs du moteur (pour la fonction multi-utilisateurs voir plutôt du côté de Lyceum).
  • MediaBlinkk : Encore du buzz et pas qu’un peu, jugez plutôt l’accroche : MediaBlinkk is a cross between, Digg, YouTube, iTunes, Facebook, Newsvine and more. If Digg, YouTube, iTunes, Facebook, Newsvine, MySpace, Mambo, Joomla, Google and WordPress had a baby it would be MediaBlinkk. Super projet n’est-il pas ? L’avenir nous dira si c’est du lard ou du bling-bling.
  • The Ur-Quan Masters : Le portage libre de Star Control II, jeu fameux de son époque (enfin d’après ce que j’en ai lu) qui se déroule dans un univers futuriste où la Terre est impliquée dans une guerre spatiale de grande envergure.
  • WebKit : Comme le dit Wikipédia WebKit est une bibliothèque de fonctions permettant aux développeurs d’intégrer facilement un moteur de rendu de pages web dans leurs logiciels. Ce que l’on peut traduire par Webkit permet de créer des navigateurs web. Safari en est l’exemple emblématique mais c’est assez logique puisque WebKit nous vient d’Apple.
  • Spicebird : Réalise une sorte de fusion entre Thunderbird (messagerie), Sunbird (agenda) et Jabber (messagerie instantanée) pour proposer un tout cohérent et fonctionnel (enfin c’est l’objectif). Le plus simple est encore d’aller lire ce blog pour plus d’info.
  • Gnash : Gros progrès pour la nouvelle version du player libre Flash (fonctionne pour la version 7 et devrait bientôt supporter la 9). On est de tout cœur avec les développeurs.
  • Lecteur MP3 : Un nom on-ne-peut-plus modeste pour ce lecteur audio (format mp3) en flash d’origine francophone (neolao), libre, zoli, et fortement paramètrable.
  • Lecteur FLV : Un nom on-ne-peut-plus modeste pour ce lecteur vidéo (format flv) en flash d’origine francophone (neolao), libre, zoli, et fortement paramètrable.
  • LiVES : Je signale en passant cet éditeur vidéo sous Linux. Je ne sais absolument ce qu’il vaut par rapport à Kino, Cinelerra ou Kdenlive.
  • Freespire 2.0 : Une lecture rapide de la distribution GNU/Linux Freespire vous ferait dire que c’est une Ubuntu sans les inconvénients d’une Ubuntu (parce que bon nombres de programmes, codes et pilotes propriétaires sont installés nativement). Le problème c’est que je ne brade pas ma liberté sur l’autel de mon petit confort personnel môa !
  • UbuntuPoint : Ce n’est pas un logiciel mais un digg-like dédié à Ubuntu (aussitôt lancé aussitôt actif). Je suggère à Ubuntu-fr d’en faire de même pour la francophonie en parallèle du Planet.
  • Salasaga : Salasaga ambitionne ni plus ni moins que de devenir une sorte d’Adobe Captivate du libre (et de GNU/Linux, ce qui comblerait un trou). Il s’agit de capturer dynamiquement et continument l’écran de votre ordinateur en ponctuant le tout par des questions, des clics interactifs, etc. (avec sortie en Flash par exemple). C’est encore du buzz (décidemment !) parce qu’on en est qu’à la version alpha donc patience. En tout cas souhaitons longue vie au projet parce que ce serait vraiment un outil utile aux formateurs.
  • Ringside Social Application Server : Un ambitieux projet de réseau social orienté entreprise avec intégration d’API existantes comme Facebook. Typiquement un projet américain Open Source et non Free Software. L’idée c’est aussi pour une société de ne pas devoir tout refaire pour mettre du web 2.0 dans ses applications web.
  • SkyBlue Canvas : Vous pensiez que nous n’avions pas assez de CMS libres ? Alors SkyBlue Canvas satisfera votre curiosité. Interface publique et privée jolie comme tout avec de l’ajax à tous les étages. D’après son auteur l’idée est de faire quelque chose de moins usine à gaz que Drupal ou Joomla.
  • FFilmation : Un moteur de 3D isométrique qui semble intéressant pour les jeux ou les démos en ligne (ça sort en Flash a priori). Le plus simple est encore de visionner les exemples pour s’en faire de suite une idée.
  • CHDK firmware : Un firmware libre pour appareil photo compact Canon (connais pas j’en ai pas). Ce qu’il y a d’intéressant ici c’est qu’il améliore le firmware propriétaire avec des nouvelles fonctionnalités comme une vitesse d’obturation supérieure par exemple. N’écrase pas l’existant donc c’est sans risque (exactement comme Rockbox pour les lecteurs mp3). Voir cet article de Wired pour plus de détails.
  • DVD Play : Uniquement Windows. Couplé avec DVD Rip, se présente comme une interface graphique pour jouer tous les DVD que vous avez rippé sur votre disque dur (ce qui vu l’espace proposé actuellement par les constructeurs peut faire beaucoup de DVD rippés). Et tant qu’on y est je signale aussi Subdownloader petit utilitaire spécialisé dans la récupération des sous-titres dans les DVD.
  • NoseRub : NoseRub est au profil de réseaux sociaux (Facebook, MySPace…) ce que l’OpenID est à l’authentification. Parce qu’il est important de décentraliser nos données sur nos propres serveurs ou sur des serveurs de confiance.
  • Shadowbox.js : Pour un site web à la sauce ajax, permet d’ouvrir des éléments multimédias dans une jolie fenêtre (photo, son, vidéo… que cela provienne de vous ou de sites comme Flickr ou YouTube).
  • Open-Source Mesh : C’est pas du logiciel mais du matériel sous firmware libre. Un petit routeur wi-fi domestique simplissime (a priori) à configurer et qui mériterait un billet blog à lui tout seul pour les perspectives ouvertes qu’il ouvre ! (j’en veux déjà pour mon école)
  • Office 2.0 : C’est juste un article qui compile les meilleures applications en ligne pour faire de la communication, de la bureautique, du traitement d’images, etc. Ce n’est généralement pas libre (mais c’est… gratuit !), ce n’est généralement pas en français et il y a beaucoup de Google là-dedans mais c’était pour montrer les progrès atteints par ces applications accessibles depuis son navigateur. Le tout internet c’est pour quand ?
  • Tiny USB Office : Une entorse à la libr’attitude de cette liste mais le projet est original : proposer tout un ensemble de logiciels (traitement de texte, tableur, mail, ftp, msn, pdf, zip, cryptage…) en exécutables sur une clé USB pour une taille globale ne dépassant pas… 2,5 Mo ! Peu de logiciels libres dans le package mais un peu quand même.
  • GNU FreeFont : Et pour finir une nouvelle version de la police multi-OS libre GNU FreeFont (autrement appelée Free UCS Outline) avec ajout de caractères scientifiques notamment et toujours plus de supports unicodes. Voici ce que cela donne ci-dessous :

GNU FreeFont

Notes

[1] Crédit photo : Zara (Creative Commons By)




Pour que la démocratisation du logiciel libre ne soit pas un rendez-vous manqué

Extranoise - CC by« …ils auraient tout aussi bien fait d’être restés sous Windows. »

Voici un sujet souvent traité ici comme ailleurs : la risque de dilution de certaines valeurs du libre dans son processus en marche de démocratisation.

Parce que si le nouvel utilisateur de logiciels libres est avant tout préoccupé par son propre confort matériel (pris dans tous les sens du terme) alors il se pourrait bien que l’occasion offerte devienne un rendez-vous manqué[1].

De la domination de GNU/Linux pour de mauvaises raisons

GNU/Linux World Domination for the Wrong Reasons

Bruce Byfield – 11 mars 2008 – Datamation
(Traduction Framalang : GaeliX)

A chaque fois que j’entends les gens parler des opportunités qu’a GNU/Linux de devenir de plus en plus populaire, je me souviens d’une réflexion de Tommy Douglas[2], le social-démocrate qui est devenu un héros pour la création de la couverture sociale universelle au Canada : « Si je pouvais appuyer sur un bouton et gagner un million d’électeurs qui n’ont pas compris ma politique », a-t-il dit, « je n’appuierais pas sur ce bouton ». Il voulait dire par là qu’il ne faisait pas de la politique simplement pour être élu, mais pour amener d’autres personnes à partager ses idéaux – et qu’il était déterminé à ne pas perdre de vue ses objectifs à long terme tout en poursuivant ceux à court terme.

Cette reflexion a du sens pour moi parce que, de plus en plus, dans la hâte de s’attribuer des parts de marché, beaucoup de gens semblent perdre de vue que l’objectif de GNU/Linux et des logiciels libres n’est pas en soi d’être populaire, mais de faire accepter un ensemble d’idéaux à une plus grande audience.

A la base, le logiciel libre est là pour aider les utilisateurs à prendre le contrôle de leurs ordinateurs afin qu’ils puissent participer sans entrave aux communications numériques sur les réseaux et Internet. Il s’agit de pouvoir installer un logiciel librement, plutôt qu’encadré par un fabricant. Il s’agit de pouvoir utiliser votre ordinateur comme vous le voulez, plutôt que d’en céder le contrôle à des boites noires installées par les éditeurs de logiciels sans votre autorisation.

On pourrait qualifier cet objectif d‘activisme de consommateurs si cela vous fait plaisir, mais une description plus adéquate serait extension de la liberté d’expression, et peut-être même extension de la liberté d’association, qui sont des droits fondamentaux sur lesquels les sociétés industrielles modernes sont censées être construites.

Toutefois, ce sont rarement ces objectifs qui sont décrits par les bloggers et chroniqueurs quand ils évoquent les possibilités que GNU/Linux devienne plus populaire. Selon eux (et leurs critères n’ont pas beaucoup évolués entre 2002 et 2008), ce dont ce système d’exploitation a besoin c’est de plus d’applications commerciales, d’un meilleur support matériel, de l’amélioration de l’interopérabilité avec Windows, et de plus de machines pré-installées. Et quand ils évoquent l’embellie dans l’utilisation de GNU/Linux pour cause de résistance à Vista, ils vont plus se servir du mot « libre » (NdT : free en anglais) pour parler de prix ou de coût total d’acquisition, que pour parler de politique ou de philosophie.

Ils abordent le sujet, en résumé, d’un point de vue business ou technique, plus fondé sur la facilité que sur les idéaux. Et, sur le court terme, il n’y a rien de vraiment gênant là dedans (même si je ne peux m’empêcher de penser que l’interopérabilité avec Windows est l’une des excuses pour le tristement célèbre accord Microsoft-Novell en novembre 2006).

Ceci dit, j’apprécie l’excellence technique autant que tout un chacun et si tout ce que vous souhaitez est une excellente alternative à Windows, alors OS X fera votre bonheur (et peut-être plus encore, d’après certains). Comme GNU/Linux, c’est un sytème dérivé d’Unix mais dont la facilité d’utilisation est inégalée. Si votre priorité est la performance technique, le fait qu’il soit propriétaire ne devrait pas trop vous poser de problèmes.

De la même façon, si les graticiels vous intéressent, il y a suffisamment d’applications à disposition pour que vous n’ayez jamais à payer un cent, sans parler d’Acrobat ou des lecteurs Flash qui sont téléchargeables gratuitement.

En fait, au moins autant de gens se tournent vers ces solutions de rechange que vers GNU/Linux du fait de leur ressentiment envers Windows. Sans trop réfléchir, je pense à au moins une douzaine de consultants qui distribuent des solutions de serveurs libres basées sur Drupal ou Joomla et qui utilisent OS X sur leurs ordinateurs portables.

De la même manière, il vous suffit de jeter un coup d’œil sur les forums des principales distributions comme Fedora ou Ubuntu pour voir que les utilisateurs sont plus intéressés par obtenir les pilotes vidéos propriétaires que d’avoir le contrôle de leurs ordinateurs. Après tout, les pilotes propriétaires sont disponibles, gratuitement, tout comme les pilotes libres qui le sont par choix éthique, alors pourquoi ne pas les utiliser, surtout quand ils sont technologiquement plus au point ? J’ai même vu certains utilisateurs reprocher à Fedora de ne pas fournir les pilotes propriétaires dans ses dépôts.

Il ne leurs viendrait jamais à l’esprit que le faire serait contraire à la politique de Fedora de ne mettre à disposition que des logiciels libres. Avec ces utilisateurs, l’avantage à court terme d’avoir des pilotes propriétaires techniquement supérieurs l’emporte sur l’éthique de la liberté. D’ailleurs, la plupart de ceux qui se plaignent semblent ne jamais avoir entendu parler des idéaux défendus par les logiciels libres. Pas plus qu’ils ne se fatiguent à écouter quand ces idéaux sont évoqués.

Certes, certains d’entre eux utilisent temporairement les pilotes propriétaires en attendant que des pilotes libres performants soient disponibles. Mais l’attitude générale donne à penser qu’ils n’ont aucune compréhension des objectifs à long terme. Peut-être qu’ils pourraient aider à augmenter suffisamment le nombre d’utilisateurs GNU/Linux pour encourager les fabricants à mettre à disposition des pilotes libres, mais je crains que leur contribution réelle ne fasse que conforter les fabricants dans leurs pratiques habituelles. En terme de bénéfice à long terme, pour eux-mêmes ou pour les autres, ils auraient tout aussi bien fait d’être restés sous Windows.

On retrouve le même manque de perspective dans d’autres raisons à court terme d’utiliser GNU/Linux. Toute personne ayant le sens l’équité se doit de s’interroger sur Microsoft ou tout autre logiciel en situation de monopole. Bien que le refus ou la règlementation des monopoles puisse conduire à des victoires à court terme, sur le long terme, de telles attitudes ou efforts font très peu de différence. Détruisez un monopole, et un autre se précipitera pour combler la brèche. Plus important encore, qu’importe la société qui a le monopole, il y a de fortes chances qu’elle soit propriétaire.

« Le problème quand on parle des monopoles », m’a dit il y a quelques années Peter Brown, directeur exécutif de la Free Software Foundation: « C’est qu’on laisse à penser que si il ne s’agissait pas d’un monopole, si il y avait de la concurrence entre les sociétés propriétaires, alors cela ne nous poserait pas de problème. Mais c’est faux, ce ne serait pas satisfaisant notre point de vue. »

Et Brown de continuer, « Nous ne voulons nous battre pour une victoire à court terme, car cela focalise les gens sur de mauvaises questions. Nous avons toujours eu à cœur de nous concentrer sur les plus gros problèmes, de façon à ce que si des gens s’orientent vers les logiciels libres, ils les fassent pour de bonnes raisons. »

Ou, comme Richard Stallman me l’a expliqué en 2007, « L’objectif du mouvement logiciel libre est de vous donner le contrôle du logiciel que vous utilisez. Ensuite, si vous voulez le rendre plus puissant, vous pouvez travailler à le rendre plus puissant ».

Oubliez ces priorités, et ce n’est même pas la peine de vous ennuyez à configurer un poste de travail ou un portable sous GNU/Linux. Vous avez perdu de vue ce qui est important et différent.

Comme Peter Brown a déclaré au nom de la Free Software Foundation, « A la fin de la journée, nous ne cherchons pas à être l’organisation la plus populaire du monde. Beaucoup d’organisations examinent leur situation et se disent : Quelle est la meilleure façon d’être en avance sur les autres ? Comment allons-nous composer avec notre ligne de conduite pour réaliser quelque chose, pour devenir plus populaire et réussir ? Mais quand vous avez un chef de file comme Richard Stallman, ces considérations ne sont jamais de mise. Il n’y a pas de considérations à court terme. Notre travail consiste élever le logiciel libre au statut de question éthique. Et à partir de là, nous pouvons aller de l’avant ».

Voir GNU/Linux passer de l’ombre à la lumière est passionnant, aucun doute là dessus. S’impliquer dans cette transformation l’est plus encore. Pourtant, dans la joie rebelle de regarder ces paradigmes évoluer, il nous faut prendre en compte que l’acceptation se fait parfois à un prix trop élevé. Il est vrai qu’insister pour que l’éthique de partage à la base de ce système d’exploitation fasse partie de son succès peut retarder ou même de mettre fin à ce même succès. Pourtant si cette éthique ne survit pas ce succès ne vaudra rien.

Notes

[1] Crédit Photo : Extranoise (Creative Commons By)

[2] NdT : Tommy Douglas sur Wikipédia.