Largage de liens en vrac #17

Fabbio - CC by-saDans le regard de la fille ci-contre[1] je lis toute l’admiration qu’elle éprouve à me voir compiler consciencieusement tous ces liens logiciels au bénéfice de mes lecteurs bien aimés.

Même quand la sélection est, comme ici, de bonne facture, mais sans forcément faire sauter au plafond.

« Et si tu lâchais ton clavier quelques instants pour m’emmener danser dans le tourbillon de la vie », pense-t-elle également.

Mais ça c’est une autre histoire…

  • LogiLogi : Le modèle blog, à savoir un article suivi de commentaires les uns sous les autres, n’est pas forcément l’idéal si l’on veut pouvoir entamer une vraie discussion en ligne. C’est ce qu’a constaté le créateur de l’application, étudiant en philosophie, ceci expliquant cela. Je manque de temps pour développer mais cela semble vraiment très intéressant. Je vous suggère de lire ce document pour en savoir plus et comprendre l’originalité du programme.
  • OpenConferenceWare is Beautiful Software for Events : Tout nouveau tout beau, peut-être la meilleure application Web pour organiser un évènement (avec conférences et tout et tout). Pour se rendre compte de sa qualité aller sur Open Source Bridge, l’évènement pour lequel l’application a été développé et dont les développeurs ont eu la bonne idée de mettre le code à disposition. Nécessite Ruby on Rails et pas mal de compétences pour l’installer, mais c’est à peine sorti du four et ça devrait s’améliorer avec le temps.
  • pulpTunes : Pas certains que ça plaise à Albanel, ce serveur perso permettant d’accéder à ses playlists iTunes depuis n’importe quel ordinateur connecté au Net (via votre navigateur). D’autant que l’on peut bien entendu partager le tout avec ses amis. Voir une démo.
  • jPlayer : Toujours avec jQuery, ce très sexy lecteur de musique mp3 en HTML, CSS qui permet presque de se passer du format Flash (ce dernier demeurant invisible au niveau de l’habillage mais toujours nécessaire pour appeler la lecture en streaming).
  • prettyPrint : C’est uniquement pour les développeurs Web qui font du JavaScript (autant dire quasiment tout le monde désormais). Parait qu’associé avec l’extension Firebug, ça fait de votre Firefox une outil utilissime pour webmaster.
  • Page Speed : Et puisque l’on parle de Firebug, pourquoi ne pas lui ajouter ce plugin pour analyser et optimiser la vitesse de vos pages.
  • Open Sourcing Launchpad : La fin d’un bon vieux troll, la célèbre forge Launchpad d’Ubuntu (Canonical) sera libérée le 21 juillet prochain à l’occasion de la sortie de la version 3.0 (ouais je sais c’est pas tout à fait une forge mais c’est tout comme).
  • Indamixx : Il s’agit d’un ordinateur netbook (MSI Wind) avec une distribution Linux (basée sur Ubuntu) spécialement configurée pour en faire un véritable petit studio d’enregistrement portable. Les musiciens nomades y trouveront certainement un grand intérêt.
  • Open Share Icon : Une bonne idée même si elle ne prendra pas forcément. Proposer des icônes génériques libres pour tout ce qui est partage et abonnement (réseaux sociaux, fil RSS). Histoire de ne plus voir sur nos sites les petites images Facebook, Twitter & co.
  • 10 Promising CSS Framework That Worth A Look : Les Framework CSS sont ces solutions clé en main pour créer de jolis styles pour vos pages Web en respectant les standards et en ayant l’assurance que cela s’affichera correctement dans (presque) tous les navigateurs.

Notes

[1] Crédit photo : Fabbio (Creative Commons By-Sa)




Pourquoi je vais voter pour le Parti Pirate

Jon Aslund - CC byDemain c’est jour d’élection pour tous les pays de la communauté européenne. En Suède il est un parti tout à fait original, qui, si l’on en croit les derniers sondages, pourrait bien conquérir un siège au prochain Parlement : j’ai nommé le parti pirate (piratpartiet en suédois).

Wikipédia nous dit : « Le parti pirate est un parti politique de type contestataire, fondé en 2006, dont le leader est Christian Engström. Ce parti s’attache notamment à diminuer les droits de la propriété intellectuelle, comme le copyright, les brevets et la protection des œuvres. Le programme comprend aussi un soutien au renforcement des droits de vie privée (comme la propriété privée et les informations privées), à la fois sur Internet et dans la vie courante. Le parti n’a pas de programme autre que ce sujet et il n’est donc pas possible de lui attribuer une position de droite ou de gauche. »

Si chez nous c’est le débat sur l’Hadopi qui aura notoirement contribué à sensibiliser le grand public sur ces questions, chez eux c’est surtout le récent procès (et son verdict) contre le site d’échange de fichiers torrents The Pirate Bay[1] qui, en défrayant la chronique, a eu pour conséquence indirecte de voir un parti pirate, de plus en plus soutenu, occuper le devant de la scène.

Et parmi ces soutiens, il y a le romancier et professeur Lars Gustafsson, dont la maigreur de sa page Wikipédia en français ne doit pas vous tromper sur sa renommée nationale (et internationale). C’est la traduction (ci-dessous) de sa récente tribune au magazine Expressen qui sert de prétexte à ce billet. Qu’un intellectuel de tel renom achève son article en expliquant que « pour toutes ces raisons mon vote ira au parti pirate » a eu son petit effet chez nos amis nordiques et témoigne de l’intérêt que suscite ce parti (et le mouvement qu’il incarne) au sein de la société suédoise.

On notera que ce parti pirate connait de nombreuses déclinaisons dans les autres pays européens, mais aucun n’a le poids du piratpartiet et, de fait, aucun autre ne se présente aux élections.

En France la situation semble un peu confuse, puisqu’on a déjà, au moins, deux « partis pirates » alors même qu’on n’en a pas du tout entendu parler pendant le projet de loi Création et Internet. Il y a en effet un parti pirate canal historique (sic) et un parti pirate tout court. Ce dernier semble le plus crédible a priori, mais je manque d’informations. Peut-être viendront-ils apporter quelques précisions dans les commentaires…

Selon moi, et quand bien même cela ne soit ni son objectif ni sa fonction, une structure emmenée par La Quadrature du Net aurait pu y aller. Avec le risque bien sûr de se planter complètement et que cela se retourne contre elle. Mais elle aurait certainement récupérée pas mal d’abstentionnistes potentiels échaudés par l’épisode Hadopi et tout ce qui, à sa suite, semble se mettre en place. Jusqu’à peut-être, qui sait, gagner un élu, et causer ainsi localement un petit tremblement de terre politico-médiatique.

Mais je vous laisse avec Lars Gustafsson dont nous avons traduit la traduction anglaise de son texte d’origine…

Lars Gustafsson : « Pourquoi je donne mon vote au Parti Pirate »

Lars Gustafsson: “Why my vote goes to the Pirate Party”

Lars Gustafsson – Traduction anglaise Rasmus – 27 mai 2009 – Copyriot
(Traduction Framalang : Olivier)

Introduction du traducteur anglophone

Lars Gustafsson est sans doute l’écrivain suédois en vie le plus prolifique. Depuis les années 1950, il ne cesse de nous abreuver de poésie, de romans et de critiques littéraires. Il y a peu, il officiait encore comme professeur de philosophie à l’Université du Texas. De retour pour de bon en Suède, il vient de commencer à s’auto-publier sur un blog. Il est aussi le lauréat de nombreux prix littéraires, le plus récent date seulement de deux jours lorsque le prix Selma Lagerlöf lui a été remis.

Vous comprendrez donc pourquoi ses récentes déclarations dans le numéro de Expressen publié aujourd’hui ne passent pas inaperçues en Suède. Il y explique que le copyright doit être abandonné et il déclare que son vote ira au parti pirate aux élections européennes toutes proches.

Comme je pense que ce texte pourrait en intéresser plus d’un hors de Suède j’en ai fait une traduction rapide. Elle est sans doute loin d’être parfaite donc je vous demanderai de vous abstenir de poster des commentaires sur les erreurs de traductions, je vous invite plutôt à les corriger vous-mêmes et à indiquer l’adresse dans les commentaires !

Je dois aussi préciser que, personnellement, je ne partage pas entièrement l’analyse de Lars Gustafsson. La dichotomie entre matériel et immatériel particulièrement est problématique. Les technologies numériques offrent en effet la re-matérialisation n’importe où, c’est un point qui fait actuellement débat au sein de l’Embassy of Piracy, débat qui s’intensifiera à la Venice Biennale. Il y a aussi matière à remettre en question le concept de reproductibilité de Walter Benjamin. Cependant Lars Gustafsson, comme Walter Benjamin, a le mérite de réussir à formuler les conflits actuels en termes matérialistes et d’utiliser les références historiques à bon escient. Le débat est lancé. Encore une fois, pardonnez-moi s’il y a des erreurs de traduction…

La tribune de Lars Gustafsson

Därför röstar jag på Piratpartiet

Les écrits anciens qui sont parvenus jusqu’à nous racontent comment l’empereur perse ordonna que les vagues de la mer soient châtiées car une tempête l’empêchait de transporter ses troupes par navire.

Plutôt stupide. De nos jours il se serait sûrement plaint au tribunal d’instance de Stockholm, ou il aurait exigé un entretien avec le juge, peut-être…

La détresse des droits civiques au printemps 2009 me rappelle étrangement les luttes pour la liberté de la presse en France au cours des décennies qui précédèrent la révolution française. Des idées radicalement nouvelles émergent, des idées qui n’auraient jamais vu le jour sans les progrès galopants de la technologie.

Descentes contre les ateliers d’impression clandestins, pamphlets confisqués et même saisie du matériel d’impression. Mises aux arrêts et transports épiques sous le couvert de la nuit à destination de Paris depuis l’enclave prussienne de Neuchâtel – où non seulement une bonne partie de l’Encyclopédie a été produite mais à partir d’où énormément de pornographie osée a circulé également, dissimulée dans des pamphlets athéistes.

Entre les années 1730 et 1780 le nombre de censeurs d’État a quadruplé. Les descentes contre les ateliers d’impression clandestins augmentèrent proportionnellement. Avec le recul maintenant nous savons que ça n’a pas endigué le mouvement en marche. Au contraire, les nouvelles idées se sont encore plus développées et se sont répandues plus rapidement encore, stimulées par la censure toujours plus forte et les descentes dans les ateliers d’impression clandestins.

Le combat porte de nos jours sur la défense de l’essence même d’Internet, un espace de droits civiques et d’échange d’idées. Un espace qui doit rester vierge de toute menace sur la vie privée et de toute influence de puissants intérêts privés.

Le rejet d’une folle proposition de loi franco-allemande au Parlement européen n’est en aucun cas l’assurance que la vie privée en ligne restera un acquis.

Devons-nous vraiment nous inquiéter alors ? Prenons l’exemple de la rivière Dalälven. Au printemps elle est en crue, les pires années elle peut envahir les terres sur 100 voire 200 mètres alentour. Elle inonde alors les quartiers résidentiels et les prairies. Appeler les forces de l’ordre y changera-t-il quelque chose ?

Jusqu’à maintenant, l’Histoire nous montre que les lois n’ont jamais réussi à s’opposer au développement technologique.

Walter Benjamin est l’auteur d’un essai très important, L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, dans lequel il tire quelques conclusions très intéressantes sur les évolutions qui doivent accompagner l’avènement de la reproductibilité, malgré son échelle encore modeste à l’époque. La révolution numérique pousse la reproductibilité à un niveau que Walter Benjamin n’aurait pas imaginé même dans ses rêves les plus fous. On peut parler de reproductibilité maximale. Google est sur le point de construire une bibliothèque qui, si on lui permet d’aller au bout de son projet, rendra la plupart des bibliothèques physiques obsolètes ou surannées. Le cinéma et la presse écrite se sont retrouvés les premiers entraînés dans cette nouvelle immatérialité.

Les films, les romans ou les magazines sont facilement reproductibles. Mais ce n’est pas tout, les objets en trois dimensions, comme ceux créés par des machines programmables, peuvent aussi être reproduits, rapidement et sans laisser de trace.

Cette dématérialisation menace naturellement le droit de la propriété intellectuelle. Nous ne parlons pas ici des difficultés que Jan Guillou et une bonne douzaine d’autres auteurs pourraient affronter pour s’acheter une autre maison de campagne encore. C’est un problème social dont, pour être honnête, je me contrefous.

Le droit de la propriété intellectuelle touche à des aspects bien plus sérieux : qu’ont apporté les brevets déposés par les grandes firmes pharmaceutiques sur les trithérapies aux pays du tiers monde ? Et que dire de l’appropriation de plantes et de cochons par Monsanto ?

La société est garante d’un équilibre juste entre des intérêts contraires, l’ignorer serait un non-sens hypocrite. Une armée de défense opérante est plus importante qu’une patinoire ou que des pistes cyclables. Le Net représente une menace pour la propriété intellectuelle ? Et alors ?

La liberté de pensée et la sécurité des citoyens, autrement dit un Internet que les tribunaux aux ordres des lobbies et que les hommes politiques européens bien dressés n’auront pas encore transformé en canal gouvernemental, est sans aucun doute bien plus important que les desiderata d’une scène littéraire et musicale devenue essentiellement industrielle, une industrie que les détenteurs de droits eux-mêmes voient s’effondrer au cours de leur vie. Le souhait de vendre beaucoup de copies ne doit pas prendre le pas sur celui d’être lu, d’influencer ou de décrire son époque. Quand tel est le cas, les intérêts industriels devraient être mis de côté au profit de la défense de l’Art avec un A majuscule.

Le souci premier de tout artiste ou auteur qui se respecte est certainement d’être lu ou entendu par ses contemporains. Les moyens pour atteindre cette fin, c’est-à-dire atteindre son public, de ce point de vue ne sont que secondaires.

Les combats, toujours plus nombreux, pour défendre la formidable liberté de parole offerte par Internet, les droits civiques immatériels, que nous voyons se propager de pays en pays sont les prémices d’un libéralisme porté par la technologie et qui donc accroit notre liberté, à l’instar des changements radicaux qu’a connu le 18ème siècle.

Pour toutes ces raisons mon vote ira au parti pirate.

Reportage vidéo de la télévision Suisse Romande

URL d’origine du document
Reportage : François Roulet / Montage : Sandro Milone – 5 juin 2009 – TSR (Nouvo)

—> La vidéo au format webm

Notes

[1] Crédit photo : Jon Åslund (Creative Commons By)




La suite de Blade Runner sous licence libre ? C’est presque vrai !

Psd - CC byLa photo ci-contre s’intitule « Room With a Blade Runner View »[1]. Si ce titre fait une référence directe au célèbre film de science-fiction Blade Runner, c’est que son esthétique a marqué toute une génération.

En fait, et au delà de sa forme, ce film, inspiré d’un roman de Philip K. Dick et réalisé en 1982 par Rydley Scott (avec Harrison Ford dans le rôle principal), est considéré par beaucoup comme l’un des films cultes de l’histoire du cinéma.

Or une série vidéo s’en inspirant fortement est en préparation, série dont la société de production appartient à Ridley Scott en personne.

Il n’en fallait pas plus pour émouvoir les fans (de la première et de la dernière heure). D’autant que, excellente et originale initiative, tous les épisodes seront placées sous la très libre licence Creative Commons By-Sa, avec tout ce que cela suppose comme appropriation et remix !

De plus en en plus de monde attiré par la « culture libre » ? Ce n’est pas de la science-fiction, c’est la réalité 😉

Une série inspirée de Blade Runner en préparation

Web Series Tied to Blade Runner Is In the Works

Brad Stone – 4 juin 2009 – New-York Times (blog)
(Traduction Framalang : Don Rico)

Voici une nouvelle qui va donner des frissons d’anticipation ou d’appréhension aux fans de Blade Runner, le film de science-fiction culte sorti en 1982.

Ridley Scott, le réalisateur du film, a annoncé jeudi 4 mai qu’une nouvelle branche de sa société de production, RSA Films, travaillait à une série vidéo intitulée Purefold. L’action de cette série constituée d’épisodes de 5 à 10 minutes, tout d’abord destinés à une diffusion sur Internet puis peut-être à la télévision, se déroulera à une époque située avant 2019, date à laquelle le film dont Harrison Ford tenait le premier rôle se passait dans un Los Angeles cauchemardesque.

Ridley Scott, son frère Tony et son fils Luke sont en train de développer ce projet en partenariat avec le studio indépendant Ag8, que dirige un des créateurs de Where are the Joneses?, sitcom Web britannique qui sollicitait la participation du public pour l’élaboration des épisodes. De le même façon, Purefold récoltera les idées de scénario des téléspectateurs, par le biais du site social FriendFeed.

Mais la série ne collera pas trop près aux personnages ou aux situations que l’on a pu voir dans Blade Runner, en partie tirés de la nouvelle de Philip K. Dick Les androïdes rêvent-ils de moutons électriques ?, sur laquelle les auteurs de Purefold ne possèdent aucun droit.

« Nous n’utiliserons aucun des éléments du film placés sous copyright », explique David Bausola, co-fondateur de Ag8, qui espère un lancement de la série dans le courant de l’été, avec des premiers épisodes dont les évènements devraient se dérouler dans un futur très proche (environ deux ans). « On y développera les mêmes thèmes que dans Blade Runner. La quête pour savoir ce que ça signifie d’être humain et comprendre la notion d’empathie. On s’inspire beaucoup de Blade Runner. »

Parmi les partenaires du projet, on compte les agences de publicité et de marketing WPP, Publicis, Aegis Media et Naked Communications. Celles-ci apporteront des annonceurs dont les produits et les marques – ou leurs versions futures hypothétiques – seront susceptibles d’apparaître dans la série.

Signe que l’exploration d’un nouveau genre de créativité collective et interactive intéresse les cinéastes à l’origine du projet, les épisodes de la série seront diffusés sous une licence Creative Commons, fait sans précédent puisque ce sera la première fois qu’un réalisateur majeur d’Hollywood choisit cette solution alternative au copyright. Grâce à cette licence, les fans de la série pourront transformer et adapter les épisodes à leur guise, et même exploiter commercialement leur propre version placée sous la même licence.

Notes

[1] Crédit photo : Psd (Creative Commons By)




Trop de Flash sur l’autoroute du Net

Garryknight - CC by-saCe bougre de Tristant Nitot le sait bien, il ne faut pas provoquer notre groupe de traducteurs Framalang sous peine de les voir se plier en quatre pour rester fidèle à leur réputation.

Ainsi mardi dernier, on pouvait lire sur son blog, dans un énième (et toujours pertinent) billet En vrac, le lien et le commentaire suivant : « Quand vous voyez Flash (un éclair) mettez vous à couvert. Mon petit doigt me dit que c’est un bon candidat pour la traduction par les infatigables bénévoles de Framalang ! »

Et la machine se mit en branle, pour un résultat que nous vous proposons ci-dessous.

Mais au fait, de quoi s’agit-il sur le fond ? Du fameux format Flash d’Adobe dont l’association « propriétaire + incontournable » n’est pas sans poser problème. L’auteur fait état de la situation et se demande comment en sortir en évoquant des solutions endogènes (pousser Adobe à « libérer » son format) et exogènes (s’en détourner et mettre au point nos propres alternatives).

Pour vous en donner une idée, voici la dernière phrase de l’article : « Tant qu’Adobe n’aura pas rendu le Flash plus accessible, ses utilisateurs n’auront pas d’autre choix que de se jeter dans la gueule du loup en espérant qu’il n’aura pas faim. »

Ce n’est qu’un volet de la problématique mais notons cependant que, pour ce qui concerne la vidéo en streaming Flash[1], les choses devraient évoluer positivement sous les coups de boutoir du HTML 5 (et sa balise vidéo), de Firefox 3.5[2] et du format Ogg Theora poussé par des poids-lourds comme Wikipédia et Dailymotion.

Si vous voyez du Flash, planquez-vous !

When you see Flash, Duck and Cover

29 mai 2009 – A High School Student’s Views on Software Freedom
(Traduction Framalang : Goofy, Daria et Don Rico)

La meilleure chose à faire si l’on veut continuer à enfermer Internet dans des restrictions barbelées d’interdictions, c’est d’utiliser Adobe Flash tel qu’il existe aujourd’hui. Internet a été conçu pour qu’un réseau ouvert et sans limites puisse partager des informations. Pourtant, on l’utilise de nos jours dans un but diamétralement opposé : pour interrompre cet immense flot d’informations. Beaucoup de gens ne considèrent pas le Flash comme un problème, et ne perçoivent pas Adobe comme un dictateur nuisible. En réalité, le Flash est le pire goulot d’étranglement qui menace l’efficacité d’Internet, tout comme l’immense diversité des langues parlées dans le monde entier est le pire goulot d’étranglement du réseau social planétaire. Un changement de stratégie commerciale d’Adobe en ce qui concerne le Flash est la seule façon de transformer ce bridage inutile du potentiel de la communauté connectée à Internet, pour en faire une véritable technologie innovante et favorable aux synergies.

Certains n’ont peut-être pas remarqué à quelles restrictions nous sommes confrontés au quotidien. L’une d’elles est due à des logiciels comme le Flash. Dans le seul secteur de la vidéo, le Flash est la méthode numéro un qu’on utilise pour contrôler l’accès à la « propriété intellectuelle ». Et pourtant, le Flash ne se contente pas de limiter les contenus vidéo. À la différence du HTML et du Javascript, qui sont enregistrés sous un format lisible par un être humain, les fichiers en Flash sont dans un format que seuls les ordinateurs savent lire, si bien que personne ne peut savoir exactement ce que fabriquent ces fichiers dans nos ordinateurs. Pour cette raison, tout le monde peut limiter l’accès au contenu des fichiers eux-mêmes, ou encore injecter des virus et autres codes malveillants grâce à l’utilisation du Flash Player.

Ce qui est contraignant au plus haut point, toutefois, c’est que les consommateurs sont obligés d’utiliser le logiciel distribué par Adobe s’ils veulent profiter pleinement des fichiers en Flash. C’est un problème crucial, parce qu’avec un taux de pénétration du marché de 99%, Adobe peut faire tout ce qui lui plaît. Adobe Flash est installé sur plus d’ordinateurs que Windows de Microsoft, ce qui lui confère naturellement un énorme pouvoir. Notre dépendance à Flash Player est telle qu’Adobe pourrait d’un jour à l’autre décider de désactiver toutes les installations de Flash Player tant que l’utilisateur n’aura pas versé une rançon de 40$. Si jamais Adobe venait à manquer d’argent, ce serait un moyen pratique et sans souci de gagner gros, en considérant que la plupart des gens finiraient par payer la note pour avoir accès aux jeux, aux vidéos, et une myriade d’autres services en ligne que nous considérons souvent comme allant de soi. Et ce n’est pourtant que la partie émergée de l’iceberg. Adobe pourrait bloquer les logiciels concurrents, espionner les usagers, ou encore se servir d’un « back door » (un accès secret) pour permettre à ses employés de prendre le contrôle à distance de n’importe quel ordinateur. Avec le gigantesque parc installé dont il dispose, Adobe pourrait techniquement faire ce que bon lui semble de votre ordinateur.

Des bénévoles dévoués ont commencé à développer des solutions alternatives en passant par la rétro-ingénierie, avec des projets comme « Gnash » et « swfdec», mais il est encore impossible de les mener à leur terme en raison du refus de coopération d’Adobe. Adobe a lancé le projet « Open Screen » pour se donner l’air de promouvoir le choix des plateformes et apaiser les craintes à l’égard du contrôle obsessionnel de sa part, alors qu’en réalité il s’agit simplement de récupérer le savoir-faire déjà acquis par des techniques de rétro-ingénierie existantes. Seul bénéfice du projet Open Screen : Adobe s’est engagé à ne poursuivre pénalement aucun projet alternatif au Flash, bien que cet engagement, en réalité, ne fasse qu’affirmer le contrôle démesuré qu’exerce Adobe sur la plateforme. Récemment, Adobe a envoyé une mise en demeure à SourceForge, une entreprise qui héberge des projets développés de façon collaborative, à propos d’un projet appelé « rtmpdump ». Ce dernier procurait aux utilisateurs lambda les fonctionnalités du Flash qui n’étaient auparavant disponibles qu’avec le lecteur Flash d’Adobe. En dépit des déclarations d’Adobe sur la transparence et la neutralité, SourceForge a été contraint de retirer le projet rtmpdump de son site, confirmant une fois de plus l’énorme pouvoir dont dispose Adobe.

Un autre problème que pose le format Flash est sa dépendance à des logiciels brevetés par de multiples sociétés. Ces brevets rendent vaines les promesses d’Adobe, puisque d’autres sociétés ont elles aussi le pouvoir de mener des poursuites si leurs droits sont violés. La loi sur les brevets a été créée pour encourager l’innovation, mais quand les ordinateurs sont entrés en scène, les entreprises y ont vu une occasion de tirer bénéfice du vide juridique qui permettait aux logiciels d’être placés sous licence. Finalement, essayer de breveter autant de concepts élémentaires que possible est alors devenu une stratégie commerciale, et toute entreprise qui ne suivait pas cette stratégie s’exposait à des poursuites judiciaires. Les brevets logiciels ont porté sur tout, depuis les tests en ligne jusqu’aux fenêtres pop-up en passant par les hyperliens et les barres de progression. Comme vous l’imaginez facilement, pratiquement tous les logiciels informatiques sont couverts par de multiples brevets détenus par diverses sociétés. Les plus grandes entreprises mettent en commun leurs brevets et s’entendent pour ne pas se faire de procès mutuellement, en échange d’un accès aux brevets des autres entreprises. C’est ainsi qu’Adobe ne peut être poursuivi pour l’utilisation de certains composants du Flash, alors que tous les autres risquent des poursuites s’ils utilisent ces mêmes composants.

Dans la mesure où les consommateurs sont dans l’impossibilité d’utiliser un quelconque lecteur de Flash autre que celui d’Adobe, on pourrait s’attendre à ce que le lecteur officiel soit d’excellente qualité, non ? Des études ont prouvé tout le contraire. Non seulement le Flash comporte un nombre élevé de failles de sécurité, mais il ralentit aussi les ordinateurs de façon significative, particulièrement ceux qui utilisent d’autres systèmes d’exploitation que Windows. Le Flash consomme en moyenne 50 à 80 % des ressources système sous Mac OSX. La principale cause de plantage du navigateur Mozilla Firefox, selon les rapports de envoyés par les utilisateurs, est le plugin Flash. Cependant, l’efficacité peut être mesurée autrement que par la performance. Les utilisateurs de Flash soucieux de réduire leur bilan carbone risquent d’être mécontents d’apprendre à quel point le Flash plombe leur consommation énergétique. Le Flash, et particulièrement dans les bannières publicitaires, provoque une surconsommation d’énergie pour l’ordinateur. Rien qu’en désactivant le Flash on économise autant d’énergie qu’en éteignant une ampoule électrique.

La solution la plus rationnelle de ce problème serait qu’Adobe permette de lire, modifier et distribuer le code, de sorte que les programmeurs puissent comprendre comment développer en Flash. Cette stratégie aurait de multiples avantages, non seulement pour les consommateurs et l’entreprise Adobe, mais aussi pour la société tout entière. Dans un même mouvement, les consommateurs auraient le plaisir de bénéficier d’une meilleure navigation, et Adobe ferait autant de profits que possible. Chacun de ces intérêts particuliers y trouverait son compte.

Si Adobe autorisait la modification et la distribution sans restriction de sa plateforme, les consommateurs en tireraient un grand bénéfice. Ils n’auraient plus à se soucier de ce qui pourrait se passer si Adobe essayait d’abuser de son pouvoir de contrôle sur eux, parce que tout le monde serait capable de modifier le Flash pour désactiver les fonctions indésirables. Si les choses se passaient ainsi, Adobe y perdrait à coup sûr sa réputation détestable. Si cela devait arriver aujourd’hui, cependant, il est possible que personne ne le découvrirait. On a pu le constater dans des projets comme celui du noyau Linux : ceux qui peuvent modifier un logiciel le feront pour leur intérêt personnel. Les entreprises feront naturellement avancer les choses pour contribuer au développement collaboratif du logiciel seulement lorsque ce sera utile à leurs propres produits. Une multitude de sociétés dépendent du Flash, et sont donc à même d’aider au développement du lecteur de Flash pour le plus grand bien de tous. La vitesse est importante pour tout le monde, en particulier pour les entreprises prospères qui veulent que leurs employés soient les plus productifs possible. Comme on l’a vu avec le noyau Linux, les problèmes de stabilité et de sécurité sont réglés à une vitesse incroyable dans le monde du logiciel développé de façon collaborative.

C’est Adobe qui serait le plus grand bénéficiaire s’il ouvrait le code du Flash. La stratégie commerciale d’Adobe en ce qui concerne le Flash consiste à développer une énorme quantité de technologies gravitant autour du Flash, puis de vendre à prix d’or un logiciel de création vidéo en Flash. La plupart de ces technologies ont un code ouvert pour inciter à l’usage et séduire ceux qui aiment le logiciel modifiable et distribuable. Malheureusement pour Adobe, elles n’ont pas réussi à gagner une part du marché cible parce que le produit dont elles dépendent, le Flash, ne permet ni modification ni redistribution. L’autre source de revenus d’Adobe découlant du Flash consiste à vendre des licences du lecteur de Flash pour les plateformes embarquées, comme dans les téléphone mobiles. Alors qu’il est logique d’espérer une manne financière venant des grandes entreprises lorsqu’on les autorise à utiliser le lecteur Flash, des problèmes surviennent quand ces entreprises choisissent de ne pas payer la licence. Le cas du iPhone en donne une remarquable illustration. Le manque de coopération des entreprises finit par faire perdre le contrôle du marché à Adobe, parce qu’il limite l’accès des utilisateurs potentiels au logiciel. En exploitant son énorme cœur de cible (tous les utilisateurs connectés à Internet) le Flash a le potentiel d’un authentique standard. Dans ce cas, Adobe détiendrait la clé de la création de contenus pour ce standard avec son produit phare : « Adobe Creative Suite 4 ». La seule façon pour une entreprise d’augmenter ses parts de marché, c’est d’autoriser l’accès public et la modification d’un logiciel aux autres sociétés, afin qu’elles l’aident à le développer. Par exemple, le Flash pourrait être amélioré par des sociétés qui conçoivent des moteurs de recherche, le contenu pourrait être plus facilement indexé, au profit de toutes les sociétés impliquées qui pourraient aller vers d’autres standardisations encore.

Il existe d’autres solutions possibles à ce problème, mais elles ne sont guère élégantes ni efficaces. Il est possible par exemple que certains activistes dévoués à la cause lancent un nouveau projet de logiciel qui remplacerait le Flash. Il aurait des fonctionnalités comparables, mais serait incompatible avec les scripts Flash déjà existants. Bien qu’apprécié de beaucoup, ce type de projet n’avancerait que très lentement, par rapport à ce que nous pouvons espérer des technologies modernes en ligne. Cela constituerait aussi un nouveau casse-tête pour le consommateur, en l’obligeant à installer un énième plugin pour son navigateur. Finalement, cette solution détournerait du temps de développement de projets alternatifs tels que Gnash et swfdec, qui deviennent de plus en plus nécessaires, et rendrait impossible le parcours dans la jungle des scripts en Flash déjà existants.

Une autre solution, encore moins crédible, serait que les consommateurs cessent tous ensemble d’utiliser le Flash. Les problèmes liés à cette solution sont cependant évidents. Avant tout il est quasi impossible de provoquer une prise de conscience en faveur d’une cause, en particulier quand celle-ci est difficile à comprendre. De plus, le Flash est devenu tellement inhérent aux habitudes de navigation de tant d’usagers du Web qu’ils ne pourront tout simplement pas « l’abandonner ». Tellement de choses dépendent de lui, comme les sites de partage vidéo, de matériel pédagogique, de jeux et tant d’autres domaines encore, que seuls les utilisateurs les plus fanatiques seraient capables de résister à la pression. Cette solution serait bien plus efficace comme technique de protestation pour convaincre Adobe d’autoriser les modifications que comme une solution par elle-même.

Comme vous le voyez, le Flash n’était au départ qu’une sorte d’insecte légèrement pénible, mais avec le temps il est devenu le monstre que l’on connaît aujourd’hui. Adobe exerce un pouvoir de contrôle excessif sur le logiciel. À cause de ce contrôle, les contenus disponibles sur Internet ne sont pas réellement accessibles à tous, et les utilisateurs n’ont d’autre choix que de se soumettre à Adobe. Cette situation entraîne aussi un grand nombre de problèmes qu’Adobe ne cherche pas à résoudre, tant que les résoudre ne lui permet pas d’accroître ses parts de marché. En autorisant les modifications et la redistribution du Flash, Adobe, tout comme les consommateurs, serait bénéficiaires de la synergie qui se mettrait en place. Personne ne peut construire un gratte-ciel tout seul. Tant qu’Adobe n’aura pas rendu le Flash plus accessible, ses utilisateurs n’auront pas d’autre choix que de se jeter dans la gueule du loup en espérant qu’il n’aura pas faim.

Notes

[1] Crédit photo : Garryknight (Creative Commons By-Sa)

[2] Concernant Firefox 3.5 et la balise vidéo permettant de lire nativement le format Ogg, on pourra parcourir les billets suivants : Building the world we want, not the one we have, Quand Mozilla participe à la libération de la vidéo et Démo Firefox 3.5 : le Rich Media collaboratif.




PMB, Gepi, Prométhée… et Framakey en service recommandé pour l’école

Shermeee - CC byNous vous avons déjà parlé des WebApps, ces nouvelles applications portables proposées par notre projet Framakey, qui permettent, sous Windows[1], de découvrir, tester et utiliser facilement des applications libres orientées web (CMS, wikis, blogs, forums…).

Ici quelques clics suffisent après téléchargement, et vous voici illico opérationnel. Sans cela, il faut soit disposer de go d’un espace internet (bien configuré), soit installer votre serveur en local avant d’installer l’application elle-même (parfois un peu complexe pour le non initié). L’idée de ce service est donc d’abaisser le niveau d’entrée d’accès à ces outils en permettant à un plus grand nombre de personnes de les évaluer, même si bien sûr l’espace internet demeure indispensable si vous souhaitez par la suite utiliser l’application en production (si ça n’est pas très clair, on pourra se rendre sur la FAQ dédiée).

Depuis notre annonce, de nouvelles applications sont venues enrichir le catalogue. On y trouve désormais DokuWiki, Drupal, Spip, WordPress, Claroline, Posh, Joomla, eyeOS, Piwigo, Itseasy et Mediawiki.

Mais on y trouve également depuis peu (merci JosephK) des logiciels libres métiers spécialement dédiés au monde éducatif (encore en bêta, donc ne pas hésiter à intervenir sur nos forums). Il ne s’agit pas de logiciels directement pédagogiques, comme par exemple GeoGebra (qui fait trembler Cabri). Il s’agit d’outils informatiques intervenant dans la vie scolaire de l’élève[2], en l’occurrence ici la gestion et recherche documentaire (PMB), le carnet de notes et de texte électronique (Gepi), et l’espace numérique de travail, plus connu sous le nom d’ENT (Prométhée).

Présentations synthétiques :

Nous le savons, il est plus difficile de faire « entrer du libre » dans l’univers restreint de ces applications métiers, de par la chasse-gardée séculaire du propriétaire (et son corollaire le poids des habitudes), la spécificité du développement, et le faible nombre de personnes intéressées a priori, impactant alors sur la constitution d’une solide communauté autour du logiciel. Et c’est encore plus difficile à l’Éducation nationale française dont ce blog pointe souvent la « frilosité » (quelque peu suspecte sur la durée) vis-à-vis du logiciel libre et sa culture.

C’est pourquoi on a récemment décidé d’encapsuler ces trois applications libres dont la qualité est parfois inversement proportionnelle à l’intérêt et au soutien qu’on leur manifeste en haut lieu (comme dirait Wikipédia références souhaitées). Et c’est bien dommage parce que rien de plus pertinent que de placer ce type de logiciels sous licence libre, histoire de ne pas réinventer la roue, de mutualiser la demande, de ne payer qu’une seule fois avec de l’argent public, de pouvoir choisir la roadmap, les formats et de garantir le respect des données personnelles… Enfin on connait les arguments, pas la peine de les exposer à nouveau ici (François Elie explique cela fort bien dans son livre Économie du logiciel libre).

Que les spécialistes me corrigent, mais ces trois applications sont, me semble-t-il, des « leaders libres » de leur domaine respectif. Nous sommes pour la pluralité mais on aurait quand même intérêt ici à mettre nos œufs dans le même panier en soutenant activement leur développement. Sinon la situation actuelle risque de prédominer encore longtemps : des établissement qui individuellement font l’achat de licences propriétaires (à l’échelle nationale, ça fait une sacrée somme) et des académies qui développent des outils chacune dans leur coin, fussent-ils libres.

Vous êtes un acteur du monde éducatif intervenant de près ou de loin dans les décisions TICE des établissements scolaires ? N’oubliez pas d’évaluer ces applications lorsque se pose la question de l’acquisition, du renouvellement ou des mises à jour de ces logiciels métiers. Ce ne seront pas forcément ces trois applications libres qui s’imposeront, mais c’est forcément la licence libre qui s’imposera tôt ou tard, ici comme ailleurs. Autant prendre tout de suite bon wagon, sachant que la Framakey ne risque pas d’occuper trop de place dans vos bagages 😉

Notes

[1] Pour rappel on travaille à ce que la Framakey ne reste plus exclusivement ancrée sous Windows.

[2] Crédit photo : Shermeee (Creative Commons By)




Internet n’est pas un droit fondamental, Internet est fondamental en soi !

Dalbera - CC byAprès des mois de contestation, des jours de joutes verbales à l’Assemblée nationale, la loi dite « Internet et Création » qui doit instaurer l’HADOPI a été votée.

Le problèmes et les questions que soulèvent cette loi vont rester au cœur de l’actualité pendant quelque temps encore, d’une part parce que la lutte anti-HADOPI est loin d’être terminée (et que cette loi n’est pas près d’être applicable), et d’autre part parce que la LOPPSI 2, qui prévoit une surveillance constante des échanges sur le Web sous des prétextes sécuritaires[1], va bientôt être au centre d’une nouvelle lutte qui promet d’être elle aussi acharnée.

Une des pommes de discorde, qui oppose actuellement certains membres du gouvernement et les opposants à ces lois, est le statut que l’on doit accorder à l’Internet, que l’on peut résumer d’une simple question : l’accès à l’Internet constitue-t-il un « droit fondamental » ?

Non, répondent en chœur Christine Albanel et Jean-François Coppé, quitte à se déclarer ainsi ouvertement contre l’avis du Parlement européen.

Dana Blakenhorn, chroniqueur Open Source chez ZDNet, a pour sa part un avis original sur la question. Il nous explique, arguments économiques à l’appui qui ne devraient pas être étranger à nos dirigeants actuels, que l’Internet n’est pas à ses yeux un droit fondamental mais que l’Internet est fondamental.

Une traduction Framalang of course…

De l’aspect fondamental de l’accès à Internet

The fundamental value of Internet access

Dana Blakenhorn – 8 mars 2009 – ZDNet
(Traduction Framalang : Don Rico et Tyah)

Doit-on considérer l’accès à Internet plus important que la télévision par câble ou le téléphone ?

En d’autres termes, s’agit-il d’un luxe ou devrait-il être un droit ?

Matt Asay est du premier avis. Il ne souhaite pas que l’on définisse Internet comme un droit fondamental.

Je suis d’accord avec lui, mais pour une tout autre raison.

Les droits fondamentaux, on peut vous en déposséder. Quiconque aura subi la torture et se sera vu privé de sa liberté d’expression, sait que nos droits n’ont de vraiment fondamental que notre volonté commune de les respecter.

Mon représentant au Congrès est John Lewis. Lorsqu’il était enfant, en Alabama, alors que sévissait encore la ségrégation dans les États du Sud, il ne jouissait d’aucun droit. Il a dû les réclamer, manifester, et se faire battre jusqu’au sang pour les obtenir.

La Constitution, ce ne sont que des mots, tout comme le Bill of Rights (NdT : Déclaration des droits américaine). Un simple mémo suffit pour passer outre ou les restreindre.

L’accès à Internet est donc plus fondamental que nos droits. C’est une nécessité économique.

Au XXIème siècle, ceux qui n’ont pas d’accès à Internet ont moins de poids économique que les autres. Ils ont moins accès à la formation, n’ont aucun moyen de découvrir d’autres horizons (ce pourquoi la télévision est dépourvue d’intérêt). Leur rapport au monde n’est que local, sauf pour les rares personnes qui gardent encore le contact avec leurs proches par téléphone ou par courrier.

Je suis assez âgé pour me souvenir d’un monde avant que la Toile ait été tissée, lorsque aller sur Internet était réservé à certains privilégiés. Je vais renouer avec mes souvenirs de ce monde grisant le mois prochain, quand je rendrai visite à des amis japonais.

Mon dernier séjour là-bas remonte à 1989. Je m’y étais rendu pour suivre une conférence organisée par l’Electronic Networking Association, un des tout premiers groupes promouvant le réseau.
Là-bas, j’ai écrit quelques articles pour Newsbytes, le service d’informations en ligne pour qui je travaillais à l’époque. Après avoir trouvé une prise de téléphone, j’y connectais le modem de mon portable et envoyais mes articles à un rédacteur en chef à Londres, qui transmettait au directeur de la publication à San Francisco.

Toute technologie suffisamment avancée confine à la magie, et il y a vingt ans encore ce genre d’accès limité à des ressources en ligne avait quelque chose de magique.
De nos jours, mes enfants prennent tout cela pour acquis. Ni l’un ni l’autre n’a de souvenir d’un temps où l’Internet n’existait pas. Ma fille trouve normal de pouvoir télécharger un itinéraire détaillé pour se rendre à une université susceptible de l’accueillir. Mon fils trouve normal de pouvoir discuter de jeux vidéos et d’informatique avec des copains du monde entier.

L’accès à Internet est donc fondamental pour l’interaction de mes enfants avec le reste du monde. Il est la condition à leur utilité économique, à leur capacité à apprendre, et même à bon nombre de leurs relations amicales.
Rendre cela possible, ou pas, n’est pas une question de « droits », mais c’est fondamental.

Il est fondamental pour notre avenir en tant que nation que chacun dispose du meilleur accès possible à cette ressource. Tout comme il est fondamental que nous puissions tous profiter de notre réseau routier.
Conduire n’est pas un « droit », mais chacun sait que ne pas savoir conduire représente un handicap. Ceux qui n’ont pas le permis et ne disposent pas de transports publics à proximité de chez eux sont isolés économiquement parlant, ne peuvent se rendre à leur travail, à l’école ou dans les magasins.

À moins, bien sûr, qu’ils disposent d’un accès à Internet, grâce auquel ils peuvent pallier ce manque. Plus l’accès sera de qualité, mieux nous nous en porterons.
Ainsi, c’est donc Internet, la véritable passerelle vers le XXIème siècle, et ceux qui en seront dépourvus ne pourront effectuer la traversée.

Internet n’est pas un droit fondamental, Internet est fondamental en soi.

Notes

[1] Crédit photo : Dalbera (Creative Commons By)




Le vain Don de la farce ou comment être très motivé pour soutenir le Libre

Mikebaird - CC by« Si tu avais un bouton pour envoyer un euro très facilement à l’artiste, tu le ferais », disait récemment Richard Stallman, sur 01net, en pleine tourmente Hadopi.

Il était ici question de musique, mais cette phrase pourrait facilement s’étendre à toute la création, à commencer par notre sujet de prédilection : le logiciel libre et sa culture.

Vous avez déjà vu ces claviers munis de cet horrible touche Windows qu’on utilise jamais. Imaginez alors un autre touche spéciale, mais dédiée au don cette fois-ci.

Vous vous promenez sur un site, par exemple celui d’un logiciel libre qui vous tient à cœur et qui vous invite à donner pour le soutenir. Vous pressez alors le-dit bouton de votre clavier. Une petite fenêtre s’ouvre pour indiquer la somme envisagée, vous validez et… c’est fait ! Vous pouvez passer au site suivant.

Pas d’intermédiaires, pas de surtaxes, pas de numéro de carte bleue à entrer… l’argent sortirait de votre compte pour aller directement dans celui du destinataire, sans passer par je ne sais quelle « case backchich ». Le rêve quoi !

Créateurs, développeurs, communautés, fondations, associations… dix euros par-ci, cinq euros par là (voire même moins). Le don entrerait alors véritablement dans nos mœurs, habitudes et (bonnes) pratiques. Nul doute que cela profiterait à beaucoup, je pense notamment à certaines petites fourmis du logiciel libre dont on moque souvent l’absence de « modèles économiques ».

Cela profiterait d’ailleurs également à tout plein d’autres domaines, comme la grande presse par exemple, qui n’en finit plus de constater sa propre chute. Cela ne me pose en effet aucun problème, bien au contraire, de presser notre « bouton don » et verser ainsi instantanément quelques dizaines de centimes d’euros après lecture d’un article intéressant. À l’échelle des millions de visiteurs mensuels de son site Internet, c’est alors Le Monde que l’on sauve (NDLR : le journal Le Monde).

Pour ne rien vous cacher cette petite réflexion m’est venue lorsque l’on a décidé de monter le site Framasoft adossé à notre campagne de soutien.

Impossible d’échapper à Paypal, ses lents et pénibles formulaires, son gros pourboire et sa situation de monopole (que l’on soit affilié ou qu’il faille sortir la CB). Reste après bien sûr la solution du virement bancaire ou du bon vieux chèque à poster, mais faut quand même alors être motivé de chez motivé. Les cartes prépayées ? personnellement j’y crois pas trop pour le moment. Quant aux systèmes de type AlloPass et autres SMS, c’est pas la peine d’y penser, les taxes (du service et de l’opérateur) sont démesurées.

Dans ces conditions, ne plus être très loin des 10 000 euros de dons (quatre mois après le lancement de l’opération et… en temps de crise), c’est déjà pas si mal, et nous remercions une nouvelle fois chaleureusement les quelques 300 personnes qui ont su passer outre l’absence de « bouton don » pour s’engager dans la lourde[1] et complexe procédure que nous propose aujourd’hui le micropaiement.

C’est déjà pas si mal mais c’est malheureusement loin d’être suffisant par rapport à notre premier objectif (le triple de la somme récoltée aujourd’hui). Quelques centaines de dons pour un trafic lui aussi proche du million de visiteurs mensuel, on pourrait en tirer des conclusions hâtives sur l’attachement réel que nous portent nos visiteurs si justement il n’y avait pas entre eux et nous ce micropaiement non optimisé (litote) qui fausse quelque peu le donne.

Ah si nous avions tous un « bouton don » qui offrirait d’aussi faciles transactions ! Nombreux seraient alors à mon avis les projets œuvrant pour le bien commun qui seraient remis à flot et qui pourraient plus sereinement se développer et s’épanouir.

Plutôt que de délirer sur un utopique « bouton don » (proche de l’autre délire sur l’open money), ce billet aurait certainement mérité une plus sérieuse recherche en alternatives réelles, crédibles et déjà opérationnelles. Mais vous avez l’occasion de corriger le tir dans les commentaires 😉

Notes

[1] Crédit photo : Mikebaird (Creative Commons By)




Sarkozy a un plan selon Guillaume Champeau

Judepics - CC bySi vous comptiez vous reposer un peu après l’éreintant épisode Hadopi, c’est raté.

En effet, un article important est apparu la semaine dernière dans le flux continu de mes fils RSS, Décryptage : Sarkozy et son œuvre de contrôle du net de Guillaume Champeau du site Numerama.

C’est un peu long (liens hypertextes inclus), mais si l’on souhaite réellement se donner les moyens de comprendre certaines choses dans le détail, il va bien falloir accepter de temps en temps d’aller plus loin que les 140 caractères des messages Twitter ! C’est également assez courageux, parce que c’est typiquement le genre d’articles qui ne vous fait pas que des amis, sauf à considérer que les RG peuvent devenir de nouveaux amis.

Guillaume Champeau en a d’ailleurs remis une couche ce week-end, chez la petite webradio associative qui monte OxyRadio, au cours de l’émission Les enfants du Web animé de sa voix suave et viril par notre ami Mathieu Pasquini (licence Creative Commons By-Sa).

À podcadster, à écouter, à faire écouter :


Télécharger : mp3 ou ogg

J’aurais aimé ne pas l’écrire mais ça ressemble beaucoup à du « nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas »[1].

Décryptage : Sarkozy et son œuvre de contrôle du net

URL d’origine du document

Guillaume Champeau – 20 mai 2009 – Numerama
Licence Creative Commons By-Nc-Nd

« Le président de la République actuel a un plan ». C’est la première phrase du livre de François Bayrou, Abus de Pouvoir, et l’on peut la vérifier au moins en ce qui concerne le contrôle du net. Depuis la loi DADVSI où il était président de l’UMP et ministre de l’intérieur, Nicolas Sarkozy a déployé son plan pour contrôler le net. Il a commencé à l’appliquer avant-même la loi Hadopi, et prévoit de le parachever avec la Loppsi. Dans cet article exceptionnellement long, Numerama tente un décryptage du net selon Sarkozy.

Petit à petit, les pièces du puzzle s’assemblent et l’image se révèle sous nos yeux. Le projet de loi Création et Internet n’a pas encore été promulgué que déjà le morceau suivant s’apprête à faire son apparition. Projet de loi après projet de loi, décret après décret, nomination après nomination, Nicolas Sarkozy prépare méthodiquement les moyens pour le gouvernement de contrôler Internet… et les internautes.

Lundi, Le Monde a publié un excellent article sur la prochaine loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi, ou Lopsi 2), qui montre ce que prévoit le nouveau texte commandé par Nicolas Sarkozy : installation de mouchards électroniques sans vérification de leur légalité par les services de l’Etat, légalisation des chevaux de Troie comme mode d’écoute à distance, création d’un super-fichier « Périclès » regroupant de nombreuses données personnelles (numéros de carte grise, permis de conduire, numéros IMEI des téléphones mobiles, factures…), création d’un délit d’usurpation d’identité, pouvoir de géolocaliser les internautes, …

Sans cesse repoussée, la loi est attendue de pieds fermes par Nicolas Sarkozy. C’est d’ailleurs en partie elle qui a justifié l’obsession du Président à maintenir contre vents et marée la loi Hadopi. Car « le président de la République actuel a un plan ». Pour le comprendre, il nous faut accumuler les pièces à conviction. Certaines relèvent très certainement de la paranoïa, d’autres sont véritablement réfléchies par le Président.

Mises bout à bout, elles laissent peu de doute sur la volonté de Nicolas Sarkozy de contrôler le net, aussi bien dans son contenu que dans son infrastructure.

Au commencement, Nicolas Sarkozy voulu devenir Président

Très tôt dans sa carrière politique, Nicolas Sarkozy n’a eu qu’une obsession : devenir président de la République. Et une vision : pour y parvenir, il fallait contrôler les médias. Maire de Neuilly-Sur-Seine, il s’efforce de faire entrer rapidement dans son cercle d’amis proches les Martin Bouygues, Lagardère (père et fils) et autres Dassault qui le conduiront par leur amitié complice au sommet du pouvoir. C’est d’autant plus facile que ces capitaines d’industrie, propriétaires de médias, dépendent pour l’essentiel de leurs revenus des commandes de l’État. Entre amis, on sait se rendre des services…

Toute cette énergie de réseautage a été mise au service de son ambition présidentielle. En 2007, c’était la bonne. Première tentative, première victoire. Mais Nicolas Sarkozy a eu chaud. Il avait négligé Internet. A quelques points près, François Bayrou – qui a au contraire beaucoup misé sur Internet pendant la campagne – passait devant Ségolène Royal au premier tour de la Présidentielle, et c’est le leader du MoDem qui se serait retrouvé à l’Elysée.

Il serait faux toutefois de prétendre que Nicolas Sarkozy, qui s’était assuré le soutien du blogueur Loïc Le Meur (à l’époque le plus influent), s’est aperçu trop tard du pouvoir du net. Fraîchement élu, le président Sarkozy n’avait pas tardé à demander « l’avènement d’un internet civilisé », prônant une « campagne de civilisation des nouveaux réseaux ». Le coup de Trafalgar du refus de la Constitution européenne par les Français avait montré pour la première fois au monde politique les limites des médias traditionnels face à Internet, où l’opposition au texte européen fut virulente. Les amis de Nicolas Sarkozy dans les grands médias et l’industrie culturelle l’ont très vite convaincu qu’il fallait faire quelque chose. Lui pour conserver le pouvoir, eux pour limiter cette concurrence gênante. C’est Renaud Donnedieu de Vabres (RDDV) qui s’est chargé des basses oeuvres, sous l’oeil attentif de son président de l’UMP et ministre de l’intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy.

DADVSI et HADOPI : les premières pierres vers le filtrage

Derrière les apparences d’une première loi contre le piratage sur Internet, comme l’avait prédit le journaliste américain Dan Gillmor, c’est une alliance à trois qui s’est formée entre le pouvoir politique, le pouvoir médiatique et l’industrie culturelle. A peine la riposte graduée (déjà) adoptée, RDDV avait prévenu que la loi DADVSI « n’est que le premier d’une longue série d’adaptations de notre droit à l’ère numérique », et qu’il comptait bien s’attaquer « un jour au problème de la presse et de l’Internet ». C’était en 2006.

Affaibli par la débâcle de DADVSI, le ministre de la Culture n’a pas eu le temps de mettre son projet en application. Mais l’idée d’accorder un label à la presse professionnelle en ligne et de doter les sites de presse d’un statut particulier opposé aux blogs était née. Nicolas Sarkozy l’a mise en application cette année. Le tout en permettant à la vieille presse papier de bénéficier par ailleurs de substantielles aides de l’État, contraires à la libre concurrence, pour investir le net.

Avec la loi Hadopi, qu’il a maintenu jusqu’à mettre en péril la cohésion du groupe UMP, le chef de l’État a réussi à imposer à tous les foyers français l’installation d’un « logiciel de sécurisation », qui, sous la forme d’un mouchard, aura pour but de filtrer les sites internet et certains logiciels. Soit de manière franche, en bloquant l’accès à des contenus ou des protocoles. Soit de manière plus sournoise, en mettant en place un système qui met en avant les sites labellisés par l’Hadopi ou par les ministères compétents, pour mieux discréditer les autres. Les sites de presse professionnels feront bien sûr partis un jour des sites labellisés, tandis que la multitude de blogs ou de sites édités par des journalistes non professionnels verront leur crédibilité mise en doute. Pour le moment on ne sait rien du périmètre des caractéristiques imposées par l’Etat aux logiciels de sécurisation, et c’est bien là sujet d’inquiétudes. Il suffira d’étendre par décret la liste des fonctionnalités exigées pour que la censure se fasse de plus en plus large et précise, hors du contrôle du législateur ou du juge.

LOPPSI : le filtrage imposé aux FAI

Si elle prévoit la création de ce logiciel de sécurisation, et suggère fortement son installation, la loi Hadopi ne fait cependant pas de son installation une obligation. Le risque d’inconstitutionnalité serait trop fort. Il faut donc compléter le tableau, en organisant un filtrage au niveau de l’infrastructure du réseau. C’est le rôle de la loi Loppsi, chapeautée par Michèle Alliot-Marie.

Entre autres choses, la Loppsi va imposer aux FAI une obligation de filtrage de résultat. Ils auront le devoir de bloquer l’accès à des sites dont la liste sera déterminée par l’administration, sous le secret. Ce qui n’est pas sans poser d’énormes problèmes dans les quelques pays qui ont déjà mis en place cette idée. Là aussi, une fois mis le pied dans la porte, sous prétexte de lutter contre la pédophilie (une tentation du pathos contre laquelle il faut résister), il suffira d’étendre la liste des exceptions qui donnent droit au filtrage. Ici pour les maisons de disques victimes de piratage, là pour les sites de presse suspectés de diffamation, ou pour les sites de jeux d’argent qui ne payent pas leurs impôts en France. La liste n’aura de limites que l’imagination et l’audace des gouvernants.

Encore faut-il que ces idées de contrôle du net puissent se mettre en place sur le terrain, ce qui nécessite des hommes et des femmes peu regardants. C’est dans cet art que Nicolas Sarkozy excelle le plus.

Le choix des hommes, le triomphe des idées

Dès 2006, Nicolas Sarkozy a compris qu’il aura besoin de verrouiller son gouvernement et les télécoms pour mettre en place son plan de contrôle d’internet. Christine Boutin, qui avait été une farouche et convaincante opposante à la loi DADVSI fin 2005 (au point de faire basculer le vote de certains députés UMP pour la licence globale), et qui avait défendu l’idée d’un internet libre, s’est ensuite mue dans un silence confondant à la reprise des débats en mars 2006. En échange, et entre temps, elle a reçu la promesse de Nicolas Sarkozy d’entrer au gouvernement après les élections présidentielles si elle mettait sa langue dans sa poche. Les deux ont tenu parole.

Président de la République, Nicolas Sarkozy a ainsi composé son gouvernement de manière à accomplir son oeuvre sans opposition interne. Nadine Morano à la Famille, et Michèle Alliot-Marie à l’Intérieur, n’ont pas eu besoin de forcer leur nature pour prêcher la censure de certains sites Internet ou le filtrage des sites pédophiles ou terroristes. Porte-parole de l’UMP, pilotée par l’Elysée, le lobbyiste Frédéric Lefebvre ne passe plus une semaine sans se confondre en invectives contre Internet, et réclamer le filtrage. En plaçant l’ex-socialiste Eric Besson au numérique, Sarkozy pensait peut-être aussi paralyser les critiques à la fois de son propre camp et de l’opposition, tout en s’assurant le soutien d’un homme qui a troqué ses convictions pour son ambition. En le remplaçant par Nathalie Kosciusko-Morizet, plus rebelle, Sarkozy a pris un risque. Mais il fait aussi un pari. Celui que son frère Pierre Kosciusko-Morizet, président des deux plus gros lobbys français du numérique hostiles au filtrage, serait moins audible dans son opposition si sa soeur est systématiquement suspectée de collusion lorsqu’elle défend le même point de vue. Ce qui n’a pas manqué lorsque PKM a prêché, dans le vide, un moratoire sur la loi Hadopi.

Il a fallu aussi convaincre dans les télécoms. Free, à la nature frondeuse, reste le plus difficile à manipuler pour Nicolas Sarkozy. Il a toutefois trouvé une arme : la quatrième licence 3G. L’opérateur sait qu’elle va être rapidement indispensable pour continuer à concurrencer Bouygues, SFR et Orange, qui peuvent tous proposer des offres regroupant ADSL et mobile. Mais elle est dépendante de la volonté du gouvernement. Très rapidement, Christine Albanel a fait comprendre à Free qu’il devrait être obéissant pour espérer accéder à la fameuse licence. Depuis, le dossier ne cesse d’être repoussé sous des prétextes fumeux, et Free a mis de l’eau dans son vin contre Hadopi et contre le filtrage, dans l’espoir de ne pas hypothéquer ses chances d’avoir accès à la téléphonie mobile.

Pis, Nicolas Sarkozy a fait nommer numéro deux de France Telecom Stéphane Richard, le directeur de cabinet de Christine Lagarde, qui ne compte « que des amis » dans la commission qui déterminera le prix de la quatrième licence 3G. L’homme aura également pour mission de mettre en oeuvre le filtrage chez Orange, qu’il dirigera d’ici deux ans.

Le contrôle des institutions ayant leur mot à dire sur le filtrage

Enfin, Nicolas Sarkozy s’est également assuré de contrôler les institutions qui pourraient lui faire de l’ombre. La CNIL, qui s’est opposée à l’Hadopi, n’aura pas le droit de siéger au sein de la haute autorité. Les amendements le proposant ont été refusés. Elle n’a pas non plus eu le droit de publier son avis contre la loi Hadopi, et les deux députés commissaires de la CNIL, tous les deux membres de l’UMP, ont voté pour la loi. L’un des deux, Philippe Gosselin, a même été un farouche défenseur de la loi à l’Assemblée, et sans doute au sein de l’institution. Dans son dernier rapport annuel, la CNIL a dénoncé l’omerta imposée par le gouvernement, et son manque d’indépendance, notamment financière.

Plus directement, Nicolas Sarkozy a également évincé l’autorité de régulation des télécommunications (Arcep) des études sur le filtrage, auquel elle était hostile. Redoutant que l’autorité ne reste trop à l’écoute des professionnels des télécoms et des internautes, le président de la République a récemment mis à la tête de l’Arcep Jean-Ludovic Silicani, l’ancien président du Conseil de la propriété littéraire et artistique (CSPLA). Un homme notoirement favorable au filtrage et à la lutte contre le P2P. Le CSPLA, rattaché au ministère de la Culture, compte par ailleurs parmi ses membres le Professeur Sirenelli, à qui le gouvernement confie quasiment toutes les missions juridiques liées au filtrage depuis quatre ans, avec un résultat certain.

Finalement, c’est au niveau européen que Nicolas Sarkozy compte ses plus forts adversaires. Il a entamé un bras de fer avec le Parlement Européen sur l’amendement Bono, et exerce un lobbying intense sur les États membres pour qu’ils refusent de marquer dans le marbre le principe du respect de la neutralité du net, contraire au filtrage. Il peut compter sur le soutien de Silvio Berlusconi, propriétaire de médias, qui met en place exactement le même plan en Italie. Mais il redoute l’opposition des députés européens.

D’où l’importance des élections européennes du 7 juin prochain. De leur résultat dépendra peut-être la réussite ou l’échec du plan mis en place par Nicolas Sarkozy.

Notes

[1] Crédit photo : Judepics (Creative Commons By)