Ce que pensent les internautes de ce que pense Stallman sur le Cloud Computing

Diego da Silva - CC byLorsque Richard Stallman s’exprime, il ne laisse généralement pas la Toile indifférente. Ce qui se comprend aisément puisque, Microsoft, Apple, Facebook, Google…, il critique ouvertement et radicalement ce que tout le monde ou presque utilise au quotidien.

Son récent avis sur le Cloud Computing en général et Google Chrome OS en particulier dans un article du Guardian que nous venons de traduire ne déroge pas à la règle[1].

Jusqu’à donner l’idée à Katherine Noyes de compiler quelques interventions lues dans les commentaires de l’article ainsi que sur le célèbre site Slashdot. Avec ce terrible constat qui ouvre le billet et que je retourne en question aux lecteurs du Framablog : Pensez-vous que Stallman a perdu ?

Déluge de critiques de Stallman sur le Cloud : Prudence ou Paranoïa ?

Stallman’s Cloudburst: Prudence or Paranoia?

Katherine Noyes – 20 décembre 2010 – E-Commerce Times
Traduction Framalang : Olivier Rosseler)

« Je vais pouvoir annoncer à notre bon vieux RMS qu’il a perdu », nous dit hairyfeet, blogueur chez Slashdot. « La partie est terminée, l’ours a été tué et sa peau est depuis longtemps vendue. Regardez simplement avec quel enthousiasme les gens balancent tous les détails de leur vie sur Facebook, vous comprendrez qu’ils font peu de cas de leur vie privée tant que vous flattez leur ego surdimensionné. »

Quand Richard Stallman s’exprime, la communauté du logiciel libre écoute en général, on en a eu une nouvelle démonstration dans la blogosphère Linux la semaine passée.

C’est à l’occasion de la sortie de Chrome OS, le nouveau système d’exploitation de Google, que le fondateur de la Free Software Foundation a donné son avis, et, fidèle à ses principes, on peut dire qu’il ne nous a pas déçus.

La technologie peut « entraîner les gens à utiliser l’informatique imprudemment », confie Stallman au journal The Guardian, lorsqu’elle leur demande de confier leurs données aux nuages plutôt qu’à des machines dont ils ont le contrôle. Pour Stallman, une forte dépendance au nuage est même « pire que stupide. »

Voilà une opinion forte, à n’en pas douter, mais les réactions qui s’ensuivirent dans la blogosphère n’en furent pas moins fortes.


« Il a complétement raison »

Dans les commentaires ici même sur LinuxInsider, phatpingu qualifie les idées de Stallman d’étriquées. « Je trouve ça assez incroyable qu’il imagine que ces questions n’aient pas été soulevées et débattues en interne chez Google et qu’il pense qu’aucune mesure ou règle définissant la propriété des contenus n’ait été mise en place. »

amicus_curious, lui, oppose un avis plus neutre : « C’est toujours difficile de savoir si RMS se donne en spectacle ou s’il croit vraiment en ce qu’il dit. Mais Chrome OS et le nuage de Google n’ont pas grand-chose à craindre du mépris de Stallman. »

Puis il y a aussi ceux qui partagent ses idées. Parmi la centaine de commentaires qu’a reçus l’article du Guardian, blossiekins écrit : « Il a complètement raison. L’informatique dans les nuages ne fait qu’encourager l’ignorance et la nonchalance des utilisateurs vis-à-vis de leurs données et de ce qui en est fait. »

« Google n’est pas un joli Bisounours qui veut s’occuper de vos données simplement parce qu’il est gentil, il veut s’en occuper parce que ça lui apporte des informations », poursuit blossiekins. « Et plus les choses avancent, plus les risques font froid dans le dos. »

Depuis quelques jours, les arguments pro et anti Stallman résonnent dans la blogosphère, Linux Girl décida alors d’en savoir plus. L’impression dominante dans la blogosphère ne tarda pas à se faire entendre.

L’avantage des logiciels libres

« RMS a évidemment raison », d’après le blogueur Robert Pogson en réponse à Linux Girl, par exemple. « Pour utiliser Chrome, il faut faire confiance au nuage, ce qui est le cas de la plupart d’entre nous. »

Prenez, par exemple, Facebook, suggère Pogson.

« Des centaines de millions de personnes y passent des heures, malgré les innombrables problèmes de sécurité que le site a connus cette année », fait-il remarquer. « Des millions d’utilisateurs font confiance à Google et M$ aussi, mais je pense qu’ils le regretteront tôt ou tard. Je ferais bien plus confiance à un nuage construit avec des outils libres plutôt qu’à un trou noir. »

Pogson rappelle que le nuage a de gros avantages, économiquement parlant, principalement dus aux économies d’échelle dont peuvent bénéficier les grandes entreprises comme Google.

« Les particuliers comme les PME seront tentés d’externaliser leurs emails, leurs données, leurs sauvegardes et la gestion de leurs documents dans le nuage », prédit-il. « Je m’attends à une explosion du marché du nuage en 2011, ainsi que de celui des logiciels libres. Choisir des outils libres plutôt que ceux de M$ ou des solutions « maison » dans les nuages apportera des avantages. »

« La fin de la vie privée »

En effet, « ça me fait mal de l’avouer, vraiment, mais je suis d’accord avec RMS », commence hairyfeet, blogueur chez Slashdot. « Nous offrons les détails de nos vies entières à ces méga-entreprises, et le pire, c’est qu’en retour on ne reçoit rien, même pas un bonbon ou un rabais de 20% sur notre prochain achat. »

« C’est la raison pour laquelle j’ai changé de navigateur, pas pour Chrome ou même Chromium, mais pour Comodo Dragon, dont la philosophie est NE ME PISTEZ PAS », dit hairyfeet.

Malheureusement « Je peux dire à notre bon vieux RMS qu’il a perdu », poursuit-il. « La partie est terminée, l’ours a été tué et sa peau est depuis longtemps vendue. Regardez simplement avec quel enthousiasme les gens balancent tous les détails de leur vie sur Facebook, vous comprendrez qu’ils font peu de cas de leur vie privée tant que vous flattez leur ego surdimensionné. » Ils ne se rendent sûrement même pas compte « qu’une fois identifiés sur Facebook, ils sont reconnus par quasiment TOUS LES SITES, puisqu’ils sont presques tous interconnectés maintenant. En naviguant, ils laissent donc derrière eux des traces aussi visibles qu’un A380 partout où ils vont », ajoute-t-il.

Alors, « je suis désolé mon bon vieux hippie, mais c’est la fin de la vie privée, tuée par l’ego surdimensionné des gens », conclut hairyfeet.

« Le nuage ? Un effet de mode »

« Je pense que le nuage n’est qu’un effet de mode. On perd le contrôle de nos propres données, en espérant simplement que notre fournisseur fasse bien son boulot avec les sauvegardes », témoigne Gerhard Mack, consultant à Montréal et blogueur pour Slashdot. « Et que faire lorsque je n’ai pas accès à Internet ? ».

Et c’est vraiment « ce qui me gêne le plus avec mon téléphone sous Android », dit-il. « La plupart des applications ont besoin d’une connexion pour fonctionner, mais qu’est-ce que je peux faire si je suis dans une petite ville où j’arrive à peine à capter un réseau 2G et que j’ai besoin des indications du GPS ? Et si j’ai besoin de me servir du traducteur espagnol dans un sous-sol ? »

« C’est du vécu, et ça me laisse penser que le nuage a encore des fortes lacunes », conclut-il.

« Les petites lignes vous (en) privent »

« RMS a absolument raison à propos de l’informatique dans les nuages » acquiesce Barbara Hudson, blogueuse chez Slashdot, plus connue sous le pseudo de Tom sur le site. « Il faut être très attentif lorsqu’on sacrifie notre vie privée sur l’autel de la facilité. »

Les règles de partage de l’information de Gmail, par exemple, sont faites pour « protéger Google, pas pour vous protéger vous, si quelque chose se passe mal », nous explique Hudson. « Pour dire les choses autrement : ce que les grandes lignes vous offrent, les petits lignes vous en privent. »

Mais elle fait tout de même remarquer que Google a déjà, par le passé, refusé de partager avec le gouvernement ses historiques de recherche détaillés.

« Mais bien malin celui qui saura dire ce que nous réserve l’avenir. N’oublions pas que si le magazine Time n’a pas choisi Julien Assange comme personnalité de l’année, c’est, au moins en partie, par peur d’être placé sur la liste noire du gouvernement, aux côtés du New York Times ainsi que cinq autres journaux » dit Hudson.

« Je veux une garantie »

Il faut alors bien vous demander si « vous voulez vraiment que votre hébergeur dans les nuages et ses associés puissent exploiter vos projets commerciaux, vos feuilles de calcul et votre correspondance, professionnelle et personnelle », s’interroge Hudson. « Ou encore si vous désirez devenir la cible d’une perquisition demandée par votre ex-épouse ou par un tordu avec une idée derrière la tête? »


Elle conclut en disant que « Au moins, lorsqu’il s’agit de mon propre disque dur je peux encore dire : Il me faudrait un peu plus qu’une confiance raisonnable, il me faut une garantie ».

Notes

[1] Crédit photo : Diego da Silva (Creative Commons By)




Facebook, difficile de s’en défaire…

Réagissant au dernier billet du Framablog : Où est le bouton « J’aime pas » Facebook ?, Odysseus s’est fendu d’une figure entre fantastique et métaphore… [1]

Odysseus - Licence Art Libre

Notes

[1] Copyleft : cette œuvre est libre, vous pouvez la copier, la diffuser et la modifier selon les termes de la Licence Art Libre




Ce que pense Stallman de Chrome OS et du Cloud Computing

Jean-Baptiste Paris - CC by-saIl y a un mois Google annonçait la sortie du Cr 48, premier prototype de netbook tournant sous Chrome OS. Avec cet OS d’un nouveau genre vos applications, vos fichiers, vos données, etc. sont déplacés sur le Web, votre ordinateur n’est plus qu’un terminal permettant d’y avoir accès. C’est en apparence fort pratique (et c’est de qualité Google) mais il y a un réel risque de sacrifier sa liberté, individuelle et collective, sur l’autel de notre confort.

Du coup le Guardian en profita pour demander son avis au gardien du temple qu’est Richard Stallman[1].

Tout comme la critique de Facebook, ce qui se cache derrière Google Chrome OS, c’est le cloud computing, c’est-à-dire, d’après Wikipédia, le « concept de déportation sur des serveurs distants des traitements informatiques traditionnellement localisés sur le poste utilisateur ».

D’autres appellent cela « l’informatique dans les nuages » mais Stallman nous invite ici à prendre garde à cette appellation trompeuse que l’on a trop vite fait de connoter positivement (et d’évoquer alors plutôt une « careless computing », c’est-à-dire une informatique negligente ou imprudente).

Son point de vue sera-t-il partagé, en paroles et en actes, au delà des initiés du réseau ? Le doute est malheureusement permis. Et tout comme Facebook, il y a de bonnes chances pour que les ordinateurs Google Chrome OS soient bien le succès annoncé.

Lire aussi la suite de ce billet : Ce que pensent les internautes de ce que pense Stallman sur le Cloud Computing.

Embrasser ChromeOS, c’est accepter de perdre le contrôle de ses données, nous avertit Richard Stallman, fondateur de GNU

Google’s ChromeOS means losing control of data, warns GNU founder Richard Stallman

Charles Arthur – 14 décembre 2010 – The Guardian (Blog Technology)
(Traduction Framalang : Olivier Rosseler)

Le nouveau système d’exploitation dans les nuages de Google, ChromeOS, va « entraîner les gens à utiliser l’informatique imprudemment » en les forçant à stocker leurs données dans les nuages plutôt que sur leur machine. Telle est la mise en garde de Richard Stallman, fondateur de la Free Software Foundation et créateur du système d’exploitation GNU.

Il y a deux ans, Stallman, un vieux de la veille dans le domaine de l’informatique, et un ardent défenseur des logiciels libres à travers sa Free Software Foundation, prévenait qu’utiliser intensivement l’informatique dans les nuages était « pire que stupide », car alors l’utilisateur perd le contrôle de ses données.

Il se dit maintenant de plus en plus inquiet à cause de la sortie de ChromeOS, le nouveau système d’exploitation de Google, basé sur GNU/Linux, pensé pour stocker le moins possible de données localement. Il s’en remet plutôt à une connexion permanente avec le nuage de serveurs de Google, éparpillé dans le monde, pour assurer le stockage des informations sur les machines de l’entreprise plutôt que sur la vôtre.

Stallman ajoute : « Aux États-Unis, vous perdez vos droits sur vos données si vous les confiez aux machines d’une entreprise plutôt qu’à la vôtre. La police doit vous présenter un mandat pour saisir vos données, mais si elles sont hébergées sur le serveur d’une entreprise, la police peut y accéder sans rien vous demander. Ils peuvent même le faire sans présenter de mandat à l’entreprise. »

Google a entrepris un lancement en douceur de ChromeOS la semaine dernière, en présentant quelques fonctionnalités du système d’exploitation et en fournissant des machines de test à certains développeurs et journalistes tout en précisant que le lancement officiel n’aurait pas lieu avant le deuxième semestre 2011.

Eric Schmidt, patron de Google, en fait l’éloge sur son blog : « Ces annonces sont à mes yeux les plus importantes de toute ma carrière, c’est l’illustration du potentiel qu’a l’informatique de changer la vie des gens. Il est fascinant de voir à quel point des systèmes complexes peuvent produire des solutions simples comme Chrome et ChromeOS, adaptées à tout public. » Puis il poursuit : « À mesure que les développeurs se familiarisent avec notre ordinateur de démonstration, le Cr-48, ils découvriront que malgré sa jeunesse, il fonctionne incroyablement bien. Vous retrouverez toutes vos habitudes, mais avec des logiciels clients qui vous permettront de pleinement profiter de la puissance du Web. »

Mais Stallman reste de glace. « Je crois que informatique dans les nuages ça plaît aux marketeux, parce que ça ne veut tout simplement rien dire. C’est plus une attitude qu’autre chose au fond : confions nos données à Pierre, Paul, Jacques, confions nos ressources informatiques à Pierre, Paul, Jacques (et laissons-les les contrôler). Le terme « informatique imprudente » conviendrait peut-être mieux. »

Il voit un problème rampant : « Je suppose que beaucoup de gens vont adopter l’informatique imprudente, des idiots naissent chaque minute après tout. Le gouvernement américain pourrait encourager les gens à stocker leurs données là où ils peuvent les saisir sans même leur présenter de mandat de perquisition, plutôt que chez eux. Mais tant que nous serons suffisamment nombreux à conserver le contrôle de nos données, personne ne nous empêchera de le faire. Et nous avons tout intérêt à le faire, de peur que ce choix ne nous soit un jour totalement retiré. »

La responsabilité des fournisseurs de services dans les nuages a bénéficié d’un gros coup de projecteur durant la dernière quinzaine lorsqu’Amazon a banni Wikileaks de son service d’informatique dans les nuages EC2, invoquant, unilatéralement et sans proposer de médiation, le non respect des conditions d’utilisation par le site.

Le seul point positif de ChromeOS pour Stallman est sa base : GNU/Linux. « Au fond, ChromeOS est un système d’exploitation GNU/Linux. Mais il est livré sans les logiciels habituels, et il est truqué pour vous décourager de les installer ». Il poursuit : « c’est le but dans lequel ChromeOS a été créé qui me dérange : vous pousser à confier vos données à un tiers et accomplir vos tâches ailleurs que sur votre propre ordinateur ».

Stallman met de plus en garde les hackers en herbe contre le logiciel LOIC, présenté comme un moyen d’exprimer sa colère contre les sites ayant pris des mesures contre Wikileaks, non pas car il est contre ces actions, mais parce que le code source de l’outil n’est pas ouvert aux utilisateurs. « Pour moi, utiliser LOIC sur le réseau c’est pareil que descendre dans la rue pour protester contre les boutiques qui pratiquent l’évasion fiscale à Londres. Il ne faut accepter aucune restriction au droit de protester » note-t-il. « (Mais) si les utilisateurs ne peuvent pas compiler eux-même le logiciel, alors ils ne devraient pas lui faire confiance. »

Mise à jour : Richard Stallman nous écrit : « Un article de la BBC rapportait que quelqu’un de chez Sophos disait que LOIC est un « logiciel inconnu », et j’ai cru qu’il entendait par là « propriétaire », mais je me suis trompé. En fait, LOIC est un logiciel libre, et donc les utilisateurs ont accès au code source et peuvent le modifier. Ses rouages ne sont pas obscurs comme ceux de Windows, de MacOS ou d’Adobe Flash Player, et personne ne peut y cacher de fonctionnalités malicieuses, comme c’est le cas pour ces programmes. »

Lire aussi la suite de ce billet : Ce que pensent les internautes de ce que pense Stallman sur le Cloud Computing

Notes

[1] Crédit photo : Jean-Baptiste Paris (Creative Commons By-Sa)




Où est le bouton « J’aime pas » Facebook ?

ZuckRépondons sans attendre à la question du titre. Vous trouverez la version française du bouton « J’aime pas » Facebook, ci-dessous, sur le Framablog ! Explications…

Il aurait pu faire comme Le Monde et désigner Julian Assange mais non, le célèbre hebdomadaire américain Time Magazine a choisi le fondateur de Facebook Mark Zuckerberg comme Personnalité de l’année 2010.

Et cette décision est restée un peu en travers de la gorge de la Free Software Foundation, qui du coup vous propose une contre-offensive en détournant ce pernicieux espion traceur que représente le bouton Facebook « J’aime », qui pullule déjà sur d’aussi naïfs que nombreux sites.

Bouton que notre ami Poupoul2 s’est fait un plaisir d’adapter à notre langue et que vous trouverez en pièce-jointe (au format .SVG) à la fin de la traduction du billet de la FSF expliquant et justifiant cette action.

À partager et diffuser sans modération si affinités dans la démarche.

J'aime pas Facebook

Mark Zuckerberg, personnalité de l’année selon TIME Magazine ? Où est le bouton « J’aime pas » ?

Mark Zuckerberg is TIME Magazine’s Person of the Year? Where’s the “dislike” button?

Matt Lee et John Sullivan – 4 janvier 2011 – FSF.org
(Traduction Framalang : Julien et Antistress)

TIME Magazine fait l’éloge de Mark Zuckenberg pour avoir créé un système qui a interconnecté les gens du monde entier.

Malheureusement, les conditions sous lesquelles il prétend avoir réalisé cela a créé un épouvantable précédent pour notre avenir — s’agissant de la maîtrise des logiciels que nous utilisons pour interagir avec les autres, du contrôle de nos données et de notre vie privée. Les dégâts ne sont pas limités aux utilisateurs de Facebook. Parce que tant de sites — y Compris TIME — utilisent le bouton Facebook « J’aime » de traçage des internautes, Zuckerberg, est capable de collecter des informations sur des personnes qui ne sont même pas utilisatrices de son site. Ce sont des précédents qui entravent notre capacité à nous connecter librement les uns aux autres. Il a créé un réseau qui est avant tout une mine d’or pour la surveillance gouvernementale et les annonceurs publicitaires.

Tout cela est bien connu s’agissant du comportement du site Facebook lui-même et de ses relations avec l’extérieur — mais les choses pourraient s’avérer en fait bien pires. Les utilisateurs de Facebook ne se connectent pas directement entre eux. Ils parlent à M. Zuckenberg qui commence par enregistrer et stocker tout ce qui est dit, et, alors seulement, le transmet éventuellement à l’utilisateur destinataire, si ce qui est dit lui convient. Dans certains cas, il ne le fait pas — comme en sont témoins les récents comptes-rendus montrant que le service de messagerie de Facebook bloque des messages en se basant sur les mots et liens qu’ils contiennent, parce que ces liens pointent vers des services que Facebook préférerait que l’on évite de mentionner.

Heureusement, il y a de nombreux efforts en cours pour fournir des services distribués, contrôlés par l’utilisateur, permettant de faciliter la mise en relation entre les gens, dont GNU social, status.net, Crabgrass, Appleseed et Diaspora. Ces services n’auront pas les mêmes types de problèmes parce qu’à la fois le code permettant le fonctionnement du réseau et les données échangées seront entre les mains des gens qui communiquent.

Ces efforts finiront par être couronnés de succès. Nous espérons que, lorsque ce sera le cas, TIME réparera son erreur d’appréciation en décernant le titre de la Personnalité de l’année avec plus de discernement.

Not Facebooked Me - FSF

Copiez et collez ce code dans votre propre site :

<a href="http://www.fsf.org/fb"><img src="http://static.fsf.org/nosvn/no-facebook-me.png" alt="Not f'd — you won't find me on Facebook" /></a>

En attendant, vous pouvez encourager les gens à ne pas se connecter à Zuckenberg lorsqu’ils croient qu’ils se mettent en rapport avec vous, en plaçant ce bouton sur votre blogue ou site web, avec un lien vers la méthode que vous préférez qu’ils utilisent pour vous contacter directement — peut-être votre compte sur identi.ca ou tout autre serveur status.net.

Sinon, vous pouvez faire pointer un lien vers ce billet ou tout autre article qui souligne les problèmes avec Facebook, tel que « Des amis tels que ceux-ci… » (NdT : dont il existe une traduction en français) de Tom Hodgkinson, ou les ressources disponibles sur http://autonomo.us — en particulier la « Déclaration sur la Liberté et les Services Réseaux de Franklin Street » (NdT : nommée d’après l’adresse des bureaux de la FSF à Boston).

Notre bouton n’est évidemment pas relié à une quelconque base de données de surveillance ou autre système de traçage.

Téléchargez notre bouton « J’aime pas » et ajoutez le à votre site web, ou imprimez vos propres autocollants.

Tous les boutons sont mis à disposition sous la licence Creative Commons Paternité – Partage des Conditions Initiales à l’Identique (CC BY SA).

Vous êtes libre de modifier les boutons, mais veuillez garder la mention des créateurs originaux intacte, et assurez-vous que vos boutons soient sous la même licence.

Vous ne me trouverez pas sur Facebook




Orthophonie et logiciel libre – Rencontre avec Rémi Samier

Woodley Wonderworks - CC byFin octobre, la version 1.0 du FramaDVD École, un DVD ressources et logiciels libres à destination des écoles primaires, était finalisée et proposée au téléchargement. Cette sortie a été particulièrement bien accueillie et relayée par de nombreux sites, notamment des sites de circonscription de l’éducation nationale, mais également par des magazines[1].

Le DVD est disponible à l’achat[2] depuis le mois de décembre depuis notre boutique EnVenteLibre et les premières ventes sont encourageantes.

Différents témoignages que nous avons reçus, nous ont montré que le FramaDVD École n’était pas utile qu’aux écoles primaires. Le message envoyé par Rémi Samier, orthophoniste et webmestre du site Orthophonie Libre[3], nous a semblé particulièrement significatif. Nous lui avons donc proposé une interview que je vous laisse découvrir.

Bonjour Rémi, peux-tu te présenter en quelques mots ?

Bonjour à toute l’équipe de Framasoft et aux lecteurs du Framablog, je suis orthophoniste, membre du collectif Giroll et initiateur du projet Contributions et Logiciels Libres en Orthophonie – Logopédie.

Pourquoi portes-tu un intérêt particulier au logiciel libre ? Depuis quand ?

J’ai commencé à m’intéresser au logiciel libre vers 2007 – 2008, principalement par l’intermédiaire des réflexions de Bernard Stiegler et de l’association Ars Industrialis sur les nécessités de développer une politique des technologies de l’esprit et une économie de la contribution.

Puis fin 2008, un ami m’a montré une distribution linux installée sur son PC. J’ai trouvé ça tellement génial que, quelques semaines plus tard, je franchissais le pas en installant Ubuntu sur mon ordinateur portable.

Comment as-tu fait le lien entre orthophonie et logiciel libre ?

Je dois avouer que je me suis lancé dans l’univers du libre en partant de rien, puisque je n’avais aucune connaissance en terme d’informatique, de programmation ou de logiciel. Ayant bien conscience du vaste domaine que je devais découvrir, je me suis rapproché du collectif Giroll pour apprendre en discutant avec d’autres personnes. Puis, comme, j’ai commencé mon exercice professionnel en même temps que mon aventure dans le domaine du libre, je me suis dit que le plus simple pour avancer, c’est d’utiliser dans ma pratique d’orthophoniste tout ce que je pourrais apprendre sur le libre.

Les logiciels libres sont-ils fréquemment utilisés par les orthophonistes ou est-ce marginal ?

Comme une grande partie de la population, les orthophonistes utilisent des logiciels libres, mais sans en avoir vraiment conscience, via leur navigateur web, leur suite bureautique ou le lecteur de contenus audio et vidéo. Par contre l’usage intentionnel de logiciels libres en tant qu’outils pour la pratique orthophonique est relativement marginal. Ce que l’on peut observer, c’est que beaucoup d’orthophonistes vont chercher des outils logiciels ou des ressources gratuites pour leur pratique, sans opérer de différenciation entre libre et gratuit.

Par ailleurs, il existe très peu de logiciels libres spécifiques ou très en lien avec l’orthophonie. Parmi les plus connus, qui sont parfois présentés lors des études d’orthophonie, on peut citer les logiciels CLAN pour l’analyse linguistique de corpus et PRAAT pour l’analyse des paramètres phonétiques et acoustiques de la parole et de la voix sous licence GNU-GPL. Ces logiciels portés par les sciences du langage notamment sont souvent utilisés pour les travaux de recherche en orthophonie et plus rarement en pratique clinique.

C’est pourquoi, avec Alexandre Dussart, auteur du logiciel FriLogos, nous travaillons à l’élaboration de logiciels libres pour la pratique orthophonique et avec le projet Contributions et Logiciels Libres en Orthophonie – Logopédie, nous œuvrons pour la promotion des outils libres afin de faciliter la création et le partage de matériels et de logiciels libres pour l’orthophonie via la plateforme Logophonia.

Comment as-tu eu connaissance de l’existence du FramaDVD École ?

C’est Alexandre Dussart qui m’a parlé du FramaDVD École, car FriLogos est dans la liste des logiciels proposés sur le FramaDVD École. Quand il m’a appris la nouvelle, c’était pour nous un grand pas qui venait d’être franchi !

Comment t’est-il parvenu ?

J’ai téléchargé l’image disque du DVD et je l’ai gravé. Ensuite comme j’utilise VirtualBox pour certains logiciels sous Windows, j’ai découvert que je pouvais ouvrir directement l’image disque sous Windows avec la machine virtuelle, ce qui augmente la rapidité d’exécution du DVD.

Pourquoi t’est-il utile ?

Le FramaDVD École m’est utile pour de multiples raisons :

  • En tant que promoteur du logiciel libre en orthophonie

Le FramaDVD École réunit une grande partie des logiciels libres que nous trouvons intéressants pour l’orthophonie. Il me permet donc de disposer d’un support que je peux diffuser auprès de mes collègues et qui présente l’avantage de faciliter l’installation et la prise en main de ces logiciels. Pour 2011, je vais notamment animer quelques ateliers sur les logiciels libres en orthophonie auprès de mes collègues et je graverai bien évidemment quelques DVD pour leur remettre.

  • En tant qu’orthophoniste

Comme le FramaDVD École s’adresse aux élèves, aux enseignants et aux parents, je vais recommander ce support à mes patients et leurs parents. En effet, pour les enfants qui présentent un trouble (qu’il soit du langage ou autre) ayant souvent pour conséquence de compliquer leurs apprentissages scolaires, il est fréquemment nécessaire de recourir à des supports et des outils pédagogiques complémentaires et adaptés pour faciliter les apprentissages de ces enfants. Généralement, les enseignants, comme les parents vont développer des outils pour aménager et présenter autrement les situations d’apprentissage. Souvent ce travail se fait de façon isolé et les personnes ont parfois le sentiment d’être démuni. Mon objectif sera de proposer de m’appuyer sur les outils du FramaDVD École pour proposer des ressources qui permettront aux enseignants comme aux parents de développer les adaptations nécessaires aux élèves.

Prenons par exemple l’apprentissage de l’anglais qui s’avère problématique notamment pour les élèves au collège présentant une dyslexie-dysorthographique avec un trouble portant sur la discrimination et la manipulation des phonèmes. La difficulté de l’apprentissage de l’anglais est une plainte qui revient très fréquemment par les parents et les enfants présentant une dyslexie-dysorthographie. C’est un point sur lequel les parents se sentent souvent démunis. Maintenant que j’ai découvert le FramaDVD École et les logiciels pour l’apprentissage de langues étrangères, je vais inviter les parents et les élèves dyslexiques-dysorthographiques à s’appuyer sur le logiciel Shtooka, les bases de données audio swac et même le logiciel Anki pour développer des programmes de mémorisation comprenant la forme verbale, la forme écrite et la signification selon la progression et les listes de vocabulaire données par l’enseignant.

L’idéal ensuite, ce serait que toutes les personnes qui développent ce type d’aménagements ou de supports pédagogiques, permettant de faciliter l’accès aux savoirs et aux apprentissages, puissent les partager sur une plate-forme sous licence libre. Cela permettrait notamment lors de la mise en place de Projet d’Accueil Individualisé ou de Projet Personnalisé de Scolarisation de pouvoir proposer aux enseignants, aux parents et aux élèves une palette d’outils en fonction des difficultés et des troubles repérés.

Pour toi, que manque-t-il au DVD ? Quelles perspectives ?

Il est difficile pour moi de dire ce qui manque sur le DVD, car je n’ai pas fini de faire le tour du contenu du DVD. Je ne l’ai pas écrit précédemment, mais j’ai beaucoup apprécié les contenus libres photos, musique, livres, ressources pédagogiques et ressources sur le libre. Notamment les photos sont très utiles en orthophonie pour construire des supports pour travailler la communication verbale et non-verbale.

Au niveau des perspectives, comme je le disais à la question précédente, il serait intéressant de développer en complément du DVD un site de partage de ressources pédagogiques libres.

Par ailleurs pour faciliter l’utilisation et l’appropriation des logiciels et des ressources libres, un système, qui permettrait de synthétiser des retours d’expériences et d’utilisation des outils, couplé à un bon moteur de recherche par mots-clés notamment, serait un outil extraordinaire pour se faire rapidement une idée des possibilités offertes par ces logiciels et ressources libres. En fait, il s’agirait de développer, en complément de plateforme ou d’annuaire présentant les outils, le même type de plateforme mais plus orienté sur les réalisations, les objectifs, les finalités et en présentant les outils libres permettant d’arriver à un tel résultat.

Pour finir, des formations ou des ateliers à destination d’enseignants ou du grand-public (puisque le FramaDVD École s’adresse aussi aux parents) renforceraient également l’appropriation, le partage de ces outils et des ressources ainsi créées.

Quels usages envisages-tu pour le FramaDVD École ?

Un usage pour découvrir de nouveaux outils et exploiter leurs potentialités/possibilités

Un usage pour partager facilement auprès des professionnels et des étudiants en orthophonie les logiciels libres qui sont intéressants en orthophonie

Un usage auprès de mes patients et de leur entourage afin qu’ils puissent disposer de nouveaux outils pour faciliter leur apprentissage.

As-tu des idées pour le diffuser plus largement ?

Un partenariat avec le SCEREN, le CNDP et ses instances régionales permettrait de toucher encore plus facilement la communauté des enseignants. Idem avec les Fédérations de Parents d’Élèves pour toucher les parents.

Le FramaDVD École pourrait également intéresser les organisations de Jeunesse et d’Éducation Populaire, comme le CNAJEP. En y pensant tout-à-l’heure et après avoir effectué quelques recherches, j’ai notamment pu me rendre compte que ces organisations se sont saisies de ces questions. Il est donc possible de s’appuyer sur cette dynamique pour proposer une diffusion du FramaDVD École via les réseaux des associations de Jeunesse et d’Éducation Populaire.

Il pourrait également être bénéfique pour le FramaDVD École d’obtenir la marque Reconnu d’intérêt pédagogique (RIP) par la Ministère de l’Éducation Nationale. Ce serait une véritable avancée, car dans la liste des ressources qui bénéficient de cette marque, il n’y a pas ou peu à ma connaissance de ressources libres. Ce serait également un bon vecteur pour que les instances ministérielles se saisissent des enjeux du libre pour l’enseignement et l’éducation.

Ensuite, je pars du principe que le développement de nouvelles pratiques ou de nouveaux outils doit passer par la formation initiale. Il est ainsi possible d’aller à la rencontre des Universités, des IUFM et des responsables des Masters préparant aux métiers de l’enseignement.

Enfin, avec le développement des ressources libres pour les élèves présentant un trouble ou un handicap se répercutant sur les apprentissages, il est certain que les associations de parents de patients s’approprieront l’outil FramaDVD École.

Quels logiciels libres conseillerais-tu à tes collègues ?

  • Tous les outils facilitant les créations graphiques et notamment la triade : Gimp, Inkscape, Scribus.
  • Tous les logiciels permettant de travailler des fonctions cognitives et/ou permettant de créer de programme d’entraînement de ces fonctions (Anki, FriLogos, etc.) qu’ils soient spécifiques ou non à l’orthophonie.
  • Tous les logiciels permettant de compenser les effets des troubles de nos patients (Clavicom, Chewing Word, etc.)

Si des lecteurs du Framablog souhaitent t’aider, comment peuvent-ils le faire ?

Dans le cadre du projet Contributions et Logiciels Libres en Orthophonie – Logopédie, nous travaillons sur plusieurs axes :

  1. Création de matériels, de supports, de jeux pour un usage thérapeutique (logiciels PAO, dessin, etc.)
  2. Utilisation de logiciels libres non spécifiques à l’orthophonie mais pouvant être adaptés à un travail en séance (logiciels de jeux, de mémorisation, de mindmap, etc.)
  3. Utilisation de logiciels libres comme outil de compensation d’un trouble ou d’un handicap
  4. Création de logiciels libres spécifiques à l’orthophonie

Au-delà des compétences techniques en terme de programmation pour le développement de logiciels libres spécifiques à l’orthophonie, une des ressources précieuses pour l’avancée de notre projet comme celui de Framasoft va être le partage de connaissances et d’expériences : Rédaction de présentations de logiciels et/ou de ressources libres, retours d’expériences sur l’utilisation des outils, rédaction de documentations (guides d’utilisation, tutoriels), etc.

Bien évidemment, si notre travail est très centré sur l’orthophonie avec la participation d’étudiants et de professionnels en orthophonie, nous travaillons avec une diversité de personnes aux compétences diverses, mais toutes très motivées par les enjeux du développement du libre en orthophonie et ce pour le bénéfice des patients et de leur entourage.

Si vous êtes motivés par ce challenge, n’hésitez pas à consulter notre site ou à nous envoyer un courriel.

Pour finir, nous commençons à développer différents partenariats avec des acteurs du libre et de l’orthophonie.

Nous envisageons également :

  • de contacter des équipes et des laboratoires de recherche dans les domaines en lien avec l’orthophonie pour développer des outils thérapeutiques qui s’appuient sur les avancées de la recherche,
  • et de renforcer nos liens avec les communautés libres pour que nos initiatives aient des retombées positives sur les autres initiatives libres et bénéficient du soutien et des compétences de ces acteurs.

Il s’agit de partenariat libre, car le projet n’a pas de personnalité morale. Nous fonctionnons pour le moment comme un collectif et sommes ouverts à toutes les initiatives !

Y a-t-il une question que tu souhaiterais qu’on te pose ?

Ce n’est pas vraiment une question. Ce sont plus des souhaits qui nous tiennent à cœur. Et en cette période de fêtes de fin d’années, c’est plutôt de circonstance !

« We have free dreams! »

Tout d’abord, nous avons un rêve depuis quelques mois, celui d’une distribution linux adaptée aux élèves présentant un trouble spécifique des apprentissages. A l’heure actuelle, certains élèves via la Maison Départementale de la Personne Handicapée (MDPH) et l’Inspection Académique peuvent bénéficier d’un ordinateur avec différents logiciels de compensation pour faciliter leur scolarité. Néanmoins, il est de plus en plus difficile d’obtenir ce type d’aide. Et pour avoir plusieurs patients collégiens qui disposent d’un tel outil, il n’est pas rare que je sois amené à dépanner les ordinateurs, notamment à cause des virus et autres malwares.

Face à ces différents constats, nous pensons qu’un outil informatique sous linux avec des logiciels pour la compensation des troubles pourrait être une solution pour pouvoir équiper un plus grand nombre d’élèves et pour gagner en stabilité sur l’utilisation de l’outil.

Ensuite, étant, depuis plus d’un an, un grand fan de la Framakey et maintenant du FramaDVD École (C’est mon deuxième Noël, où j’offre des clés USB et des DVD pour faire découvrir les supports de Framasoft et le monde du libre à mes amis), je rêve d’une Framakey et/ou d’un FramaDVD, orientés vers les étudiants et professionnels orthophonistes-logopèdes, qui permettraient également d’installer des outils libres sur les ordinateurs de leur patient.

Pour y arriver, nous avons encore besoin de travailler nos connaissances sur les logiciels libres et de bien déterminer nos objectifs pour que le support ainsi créé réponde au mieux aux attentes de la communauté des orthophonistes. Mais nous espérons pouvoir réaliser un tel outil pour 2011 !

Pour finir, nous tenions vraiment à remercier toute l’équipe de Framasoft pour l’intérêt que vous portez à nos réalisations. Nous nous inspirons de plus en plus de la philosophie et des idées développées par Framasoft. Par exemple, pour la vidéo de notre intervention au Congrès National des Étudiants en Orthophonie, nous avons suivi le choix de Framasoft avec le projet Framatube en proposant notre vidéo sur le site blip.tv afin de mettre en avant la licence libre de la vidéo.

Nous avons bien conscience que le projet que nous avons initié est très vaste et qu’il nous faudra du temps pour réaliser nos rêves, mais nous faisons nôtre la maxime de Framasoft. Pour la paraphraser quelque peu, nous dirions : « Les champs à explorer sont infinis, les outils à développer sont multiples, mais le chemin pour y parvenir est libre ! »

Joyeuses fêtes de fin d’années à tous, sous l’étoile du libre !

Notes

[1] À notre connaissance, des articles ont été publiés dans les magazines Les Cahiers Pédagogiques, La Classe, La Classe Maternelle et OpenSource Magazine ainsi que sur les sites recensés sur notre wiki. Nous tenons sincèrement à les remercier. Si vous avez vu circuler l’information ailleurs, n’hésitez pas à nous le signaler.

[2] Les prix sont dégressifs. De 5 € pour un exemplaire acheté à 2,50 € par DVD à partir de 100 exemplaires. Exceptionnellement, les chèques et mandats administratifs sont acceptés pour les établissements scolaires.

[3] Crédit photo : Woodley Wonderworks (Creative Commons By)




Allégorie de la campagne « 1000 10 1 » par Gee et Odysseus

Inspirés par le fondateur de Framasoft et la campagne « 1000 10 1 », Simon Giraudot, l’auteur du Geektionnerd et le talentueux Odysseus ont conjugués leurs talents pour réaliser cette allégorie haute en couleur.

Odysseus & Gee - Licence Art Libre

Deux mois après son lancement, et un mois après un premier bilan, la campagne de soutien de Framasoft se diversifie, s’adressant cette fois plus particulièrement aux entreprises, par le biais d’une plaquette (PDF) présentant le réseau Framasoft en détail, ainsi que les modalités mises en place pour récompenser sponsoring et mécénat envers l’association.

On notera, pour rester congruent avec ce billet, la magnifique illustration de Restouble Marnic (sous Licence Art Libre) figurant sur la lettre ouverte d’Alexis Kauffmann aux entreprises en tribune libre sur Framasoft.net.




Le long chemin du Libre Accès au Savoir à l’Université

Liber - CC by-saLa question du libre accès au savoir en général et à l’université en particulier est un enjeu fondamental de nos sociétés contemporaines.

Nous en avions déjà parlé sur le Framablog en relayant une fort intéressante interview de Jean-Claude Guédon.

Aujourd’hui, alors que l’on dispose de tout l’arsenal technique et juridique nécessaire pour en assurer sa large diffusion, il est encore recouvert d’un voile. Un voile hérité du passé qui a ses raisons historiques mais qu’il convient désormais petit à petit de tenter de lever[1].

C’est tout l’objet de cette dense et instructive traduction qui s’intitule fort judicieusement « Découvrir le libre accès ».

Découvrir le libre accès

Uncovering open access

Michael Patrick Rutter et James Sellman – 9 novembre 2010 – OpenSource.com
(Traduction Framalang : Gagea, Zilor, Seb seb et Siltaar)

Pour le grand public, « faire de la science » ne concerne que la recherche. Mais à dire vrai, ce n’est qu’à moitié exact. Réfléchissez à l’expérience d’un obscur moine Augustin du XIXe siècle…

De 1856 à 1863, Gregor Mendel a cultivé et observé 29.000 plants de pois et a réussi à percer quelques-uns des secrets de l’hérédité, y compris les notions de traits dominants et récessifs.

En 1865, Mendel présente ses découvertes lors d’une conférence en deux parties, « Recherches sur des hybrides végétaux » devant la Société d’Histoire Naturelle de Brünn (aujourd’hui Brno, République tchèque). Il publie ses résultats un an plus tard dans les comptes-rendus de la société, dont on connaît 115 exemplaires ayant été distribués. Après cela, son travail minutieux a disparu — pratiquement sans laisser de traces — pendant 35 ans. À l’échelle de la recherche scientifique, un éon.

Du coup les biologistes avancent à grand-peine, recherchant vainement à expliquer l’hérédité à travers d’étranges théories sur les mélanges ou encore avec la notion sérieuse mais erronée de « pangenèse » de Darwin. Finalement, en 1900, le travail de Mendel est redécouvert et aide à lancer la science moderne de la génétique. Le destin des recherches de Mendel est un rappel brutal qu’outre la découverte, la science est fortement assujettit à la diffusion, c’est-à-dire à l’accès de ces découvertes.

Le libre accès vise, par la puissance d’Internet, à rendre la documentation universitaire disponible gratuitement au monde entier. Aucun mot de passe. Aucun frais d’abonnement. Et aujourd’hui, il est dans l’œil du cyclone de la publication scientifique — avec Harvard, et un innatendu semeur de discorde nommé « Stuart Shieber ‘81 », en plein cœur du débat.

Shieber, informaticien de l’école d’ingénieur et des sciences appliquées (SEAS) de Harvard et infatigable défenseur du libre accès, a mis en place un programme de libre accès à la connaissance que la faculté des arts et sciences de Harvard (FAS) a adopté unanimement en février 2008. Réfléchi, la voix douce, presque serein, on a de la peine à l’imaginer jouant le rôle du révolutionnaire.

Richard Poynder, astucieux observateur du paysage changeant du journalisme et de l’édition, a insinué sur son blog qu’il manquait à ce « modèle » pour le libre accès, le cran nécessaire pour mener le mouvement plus loin. Mais résolu, Shieber persévère.

Le cœur de sa proposition : « chaque membre d’une faculté accorde au président, et à ses collaborateurs, de l’université d’Harvard la permission de rendre disponible ses articles universitaires et d’y jouir des droits d’auteurs ». Ne vous laissez pas tromper par ce lieu commun : c’est une vraie bombe. Cela a fait la « une » et a agité Internet, salué par des titres tels que « audacieux et visionnaire » et même par « un coup de pied dans la fourmilière du monde académique ».

Tandis que la politique de libre accès d’autres universités se base sur l’aptitude individuelle des membres à choisir, celle d’Harvard consiste à rendre leur travail librement (et gratuitement) disponible par défaut, à moins que — pour une publication en particulier — un membre de l’université décide du contraire.

Selon Peter Suber, un fervent défenseur du libre accès et actuellement enseignant de passage à l’école de droits « Centre pour Internet et la Société » de Berkman, il s’agit de « la meilleure politique universitaire qui existe ». Un bureau nouvellement créé pour les communications universitaires (OSC), dirigé par Shieber, a été chargé de gérer cette politique, incluant l’archivage des publications dans un dépôt central, connu sous le nom de DASH, pour « accès numérique au savoir à Harvard » (NdT : Digital Access to Scholarship at Harvard).

Mais pourquoi tout ce ramdam ? Internet n’a t-il pas déjà mis les sphères du savoir à la portée de tous d’un simple clic de souris ? Paradoxalement rien n’est moins sûr. Shieber fait en effet remarquer que, contrairement à ce qui est communément admis, l’accès des académies à des informations universitaires pertinentes est en fait en train de diminuer. Le problème ne vient pas de la technologie utilisée pour diffuser le savoir mais plutôt de l’incapacité croissante des institutions et des individus à payer pour y accéder. À côté, la politique de Harvard est d’une limpide et élégante simplicité. Suber explique ainsi qu’« avec cette nouvelle politique, les membres de la faculté gardent certains des droits qu’ils avaient précédemment donnés aux éditeurs, et utilisent ces droits pour permettre le libre accès ».

Pour les traditionnels éditeurs académiques, c’était un coup de semonce sans précédent. De plus, le département d’éducation et le département de droit ont rapidement adoptés des politiques similaires. Et le 15 septembre, les unversités de Cornell, de Darmouth, du MIT et l’université de Californie de Berkeley ont toutes rejointes Harvard dans un accord général pour supporter la publication en libre accès, en fournissant un support administratif, technique et financier.

Le changement est dans l’air du temps, mais où cela nous mène t-il, et qu’est-ce que cela présage ? Pour comprendre la controverse sur le libre accès vous devez revenir en arrière et explorer la longue histoire de l’université, l’ascension de l’édition universitaire et les financements fédéraux de la recherche depuis la Seconde Guerre mondiale, en bifurquant également vers l’ascension d’Internet et le rôle changeant des bibliothèques. Vous rencontrerez même, au cours de ce voyage, la nature de l’homme (ou, au moins celle de l’université). C’est un parcours compliqué mais essentiel pour comprendre où nous en sommes… et ce vers quoi nous nous dirigeons.

Le caractère d’imprimerie mobile crée une brèche dans la tour d’ivoire

Avant les Lumières, l’université était une structure très différente des institutions d’aujourd’hui centrées sur la recherche. Les universités médiévales, telles que Oxford (vers 1167), avaient un accent essentiellement religieux, et pendant des siècles leurs efforts de diffusion ont eux aussi été motivés par la foi : Harvard, par exemple, a été fondée en 1636 principalement dans le but de former des ministres. Mais petit à petit, sous l’influence des principes humanistes qui ont émergé au cours de la Renaissance, l’université amorça une métamorphose en donnant finalement naissance à la structure de recherche que nous connaissons aujourd’hui. Et la publication est au cœur de cette transformation.

L’Oxford University Press (OUP) a été l’un des tout premiers éditeurs académiques modernes. Comme l’explique le site de l’OUP, il est apparu dans le cadre de « la révolution des technologies de l’information à la fin du XVe siècle, qui a commencé avec l’invention de l’imprimerie à partir des caractères mobiles ». Lettres de plomb, nichées dans des cassetins en bois, il y a quelque chose de séduisant à mettre en parallèle la révolution numérique et un ensemble de bouts de métal tâchés. Mais comparez la tâche ardue de la copie à la main et l’enluminure d’un manuscrit avec la facilité toute relative de mettre en place (et imprimer) un caractère, et d’un seul coup vous vous rendrez compte des progrès immenses qui ont été alors accomplis.

De plus, avec l’adoption généralisée de l’imprimerie moderne, les portes de l’académie se sont petit à petit ouvertes. Les universités ont commencé par publier des Bibles et d’autres travaux religieux mais rapidement l’étendue de leur activité à commencé à s’élargir, se diversifiant dans les dictionnaires, les biographies, la musique, et les journaux. Les universités ont appris que pour conserver le savoir de leur faculté, ils avaient besoin de le diffuser : le savoir et l’accès au savoir sont allés de pair. Par conséquent les universités se sont aussi tournées vers l’édition de contenus académiques, et vers le XVIIIe siècle, beaucoup ont publiés leurs propres revues de recherche.

Les éditeurs commerciaux avancent prudemment dans le paysage

En revanche, les éditeurs commerciaux firent leur entrée dans le paysage académique de manière plus progressive. La publication commerciale était déjà soumise à une grande compétition, et les éditeurs peu enclins à prendre des risques. Dans un essai perspicace sur la presse universitaire américaine, Peter Givler remarque que livrer la publication de « la recherche académique hautement spécialisée » aux lois du marché « reviendrait, en effet, à la condamner à languir sans public ». Mais, contrairement à d’autres, les éditeurs commerciaux, avaient cependant les moyens nécessaire à sa distribution.

Pourtant, malgré le développement des presses universitaires et le foisonnement de l’activité scientifique, les résultats des travaux de recherche continuèrent à être étonnamment inacessibles. Jusqu’au XIXe siècle, la plus grande partie de l’échange d’information scientifique avait lieu dans des cercles fermés — dans les salons victoriens d’organisations réservées aux membres, comme la Royal Society en Angleterre, ou dans les sociétés scientifiques locales d’histoire naturelle devenant de plus en plus nombreuses. Même si nombre de ces sociétés publiaient des Comptes-rendus, elles et leurs publications, limitèrent l’accès aux trouvailles scientifiques — comme dans le cas de Mendel et des 115 tirages connus des Comptes-rendus de la Société d’Histoire Naturelle de Brünn de 1866.

De tels effort reflètent au moins la prise de concience du besoin de diffuser les savoirs. Aux États-Unis, par exemple, l’Association américaine pour l’avancée de la science (AAAS) fut fondée en 1848. Et La Lawrence Scientific School (ancêtre de SEAS), à Harvard, fut créée entre 1846 et 1847. Dans une lettre à l’Université, Abbott Lawrence — dont les dons permirent la fondation de la nouvelle école — exprima son inquiétude quant au fait « que nous avons été plutôt négligents dans la culture et l’encouragement de la partie scientifique de notre économie nationale ». Les éditeurs, à quelques exceptions près, étaient de ceux qui délaissaient l’entreprise scientifique de l’État. Et à la fin du XIXe siècle, la publication universitaire commerciale commença à se rapprocher de son apparence actuelle. En 1869, par exemple, l’éditeur Alexander Macmillan créa la revue Nature en Angleterre (Celle-ci n’a essentiellement survécu pendant un moment que par un travail personnel passioné : selon le site internet de Nature, Macmillan « supporta une aventure à perte pendant trois décennies »).

Aux États-Unis, la revue Science Magazine (qui sera plus tard simplifiée en Science) joua un rôle semblable, en tant que journal de connaissance scientifique générale. Et, comme Nature, elle dût affronter des défis économiques. Du temps de Thomas Edison et Alexandre Graham Bell, le journal commença à être imprimé en 1880. Mais il survécut tout juste à une série de crises financières, avant d’atteindre un niveau de stabilité grâce à un partenariat avec la revue de l’AAAS alors naissante. Science et Nature élevèrent, et même libérèrent, la communication universitaire, offrant une large vue d’ensemble des découvertes à tous ceux acceptant de payer la cotisation, alors relativement faible. De plus, de nombreux anciens éditeurs universitaires devenus commerciaux, comme Macmillan, ont estimé que la diffusion du savoir pouvait être facteur de profit.

Mais quel est l’intérêt des efforts de publication de l’époque victorienne en ce qui concerne le savoir libre d’accès ? Les problématiques présentes à la naissance du savoir moderne et de la publication universitaire (comment diffuser et archiver le savoir et, tout aussi important, comment payer pour celà) sont toujours les mêmes. Ce sont les même défis que nous devons affronter aujourd’hui. Depuis les manuscrits enluminés à la main et aux bordures dorés, en passant par les caractères de plomb et les presses à vapeur, jusqu’au silicium, aux bits et aux octets, le problème a toujours été celui de l’accès : qui le possède, qu’est-ce qu’il coûte, et est-il suffisant ?

Les chercheurs et les éditeurs — un partenariat en péril

Durant la dernière moitié du XXe siècle, alors que l’effectif des entreprises scientifiques, des collèges et des universités allaient croissant, un partenariat durable a vu le jour entre les chercheurs et les éditeurs. Ironiquement, une grande partie du mérite en revient à la Seconde Guerre Mondiale. En effet La guerre a mis en évidence l’importance stratégique non seulement de la science mais de l’accès à l’information scientifique. Dès le départ, le président Franklin D. Roosevelt et le premier ministre Winston Churchill sont parvenus à un accord informel stipulant que les États-Unis et la Grande Bretagne devraient partager (sans frais) tout développement scientifique ayant une valeur militaire potentielle. Le gouvernement fédéral a aussi collaboré comme jamais il ne l’avait fait auparavant avec les universités et le secteur privé, surtout pour le projet Manhattan et la création de la bombe atomique, mais aussi dans l’organisation d’autres développements comme le radar, le sonar, le caoutchouc artificiel, le nylon, la fusée de proximité, et le napalm (conçu entre 1942 et 1943 par une équipe de Harvard dirigée par le professeur de chimie Louis F. Fieser). Cet engagement fédéral dans la recherche scientifique ne s’est pas arrêté la paix venue, bien au contraire il a continué à se développer.

C’est ainsi que Edwin Purcell, « Gerhard Gade University Professor » (NdT : Titres universitaires à Harvard), émérite, et co-lauréat du prix Nobel de physique en 1952, a contribué au développement des principes de la résonance magnétique nucléaire (RMN). Dans les décennies qui suivirent, les sciences appliquées ont continuées à fleurir. Ainsi à Harvard, Harold Thomas Jr., « Gordon McKay Professor » en génie civil et sanitaire, dirigea seul le fameux programme de l’eau de Harvard, tandis que Ivan Sutherland mena des recherches qui ont abouti à son fameux casque virtuel, une des premières tentatives de réalité virtuelle, sans oublier bien sûr que l’université est devenue un des premiers nœuds sur ARPANET, le précurseur d’Internet.

Profitant de l’activité bouillonante de la recherche, des économies d’échelle offertent par les avancées dans les techniques d’impression, et de leurs compétences rédactionnelles bien établies, les éditeurs commerciaux se ruèrent sur la science comme une entreprise viable et rentable. De nouveaux domaines fleurirent — l’informatique, les sciences cognitives, les neurosciences — chacun accompagné par les revues spécialisées dédiées. De bien des façons, les maisons d’édition (et spécialement les éditeurs de tels journaux) ont rejoint les universitaires en tant que partenaires dans l’aventure universitaire. Les membres de la faculté fournissaient le contenu ; les maisons d’édition sélectionnaient des groupes de relecteurs bénévoles, organisaient la promotion et la distribution, et aidaient à peaufiner et nettoyer les manuscrits. Et puisque, selon elles, les maisons d’édition universitaires aidaient les différents domaines de recherches à s’organiser et à prendre forme, elles demandaient aussi généralement que les auteurs cèdent tous leurs intérêts sur les droits d’auteur (dans la plupart des cas sans aucune contrepartie financière).

Le partenariat a alors été considéré comme analogue au rôle des musées d’art. Si les gens voulaient voir les tableaux, ils devaient payer pour entrer. Et si les artistes voulaient que d’autres voient leurs créations, ils devaient confier ce travail à la galerie ou au musée. Étant donné le petit nombre d’inscrits et la haute qualité de la valeur ajoutée du travail éditorial, le coût de l’accès semblait justifié. Parce qu’avant l’essor de l’édition instantanée en ligne, comment les universitaires pouvaient-ils diffuser leurs travaux d’une manière plus durable que la présentation orale ? Shieber explique que, spécialement dans les vingt dernières années, « la demande a été statique, et elles (les maisons d’édition) en ont clairement tiré un gros avantage ». Ce qui n’était pas un problème pour les chercheurs : ils « n’ont jamais vraiment connu les coûts directs » parce que les bibliothèques universitaires payaient l’addition.

Malheureusement, aussi bien pour les unversitaires que pour les maisons d’édition, la lune de miel a tourné court. Bien avant l’actuelle tempête économique, le modèle de tarification établi pour les publications universitaires a en effet commencé à se dégrader. Les maisons d’édition ont fait payer des frais d’abonnement toujours plus élevés (les abonnements institutionnels en ligne à des revues comme Brain Research — recherche sur le cerveau — peut maintenant coûter jusqu’à 20 000 $ à l’année). Les bibliothèques et les universités ont certes protesté contre l’augmentation des prix mais ont initialement rien fait pour réellement empêcher cette inflation. Alors que des organismes privés peuvent négocier de meilleurs accords avec les maisons d’édition, dans l’ensemble, les bibliothèques ont été perdantes dans l’histoire.

Par exemple, en 2007 l’Institut Max Planck a arrêté son abonnement au revues de Springer en signe de protestation du coût trop élevé. Mais un an plus tard l’Institut s’est réabonné après avoir négocié une période d’essai « expérimentale », un confus mélange de libre accès et de modèles d’abonnement avec Springer (ils se murmurent que se sont les chercheurs eux-mêmes qui souhaitaient continuer à accéder aux revues). En vertu de l’accord, tous les auteurs de Max Planck ont accédé à 1200 revues et ont vu les coûts supprimés par le programme « choix libre » de Springer « en échange du paiement d’émoluments (pour frais de traitement de l’article) ». À coup sûr un signe de progrés, mais un progrès limité puisque cantonné à Max Planck qui devait de plus encore payer une note considérable (les conditions financières n’ont pas été divulguées). Pour les autres institutions cela demeurait verrouillé.

En fait, des coûts prohibitifs d’abonnement et, plus récemment, des coupes dans leur propre budget ont contraint de nombreuses bibliothèques à faire des économies sur les abonnements de revues en ligne ou imprimées. Même pendant sa période faste, Harvard (qui entretient une des plus grandes bibliothèques au monde) n’a pas été capable de s’abonner à chaque revue. Aujourd’hui la situation est pire encore. Un des problèmes, explique Martha « Marce » Wooster, à la tête de la bibliothèque Gordon McKay du SEAS, vient du manque d’« algorithmes qu’un bibliothécaire peut utiliser pour déterminer quel journal garder ou supprimer », basés aussi bien sur le prix que sur le besoin d’accéder à ce journal. Dans certains cas, les maisons d’édition proposent dorénavant de multiples revues par lots, profitant de l’aubaine des portails en ligne. Vous pouvez encore vous abonner à des revues à l’unité mais les économies sur les coûts globaux par rapport à l’achat du lot entier sont limitées voire nulles. Le résultat est que — mis à part les échanges entre bibliothèques ou la correspondance directe avec les chercheurs — l’unique solution pour un universitaire d’accéder à certains résultats particulier est de payer le tarif en vigueur élevé fixé par la maison d’édition. Avec les restrictions budgétaires continues imposées aux bibliothèques, l’équation est devenu de plus en plus difficile pour le monde universitaire.

Repenser le modèle

Internet est bien sûr le dernier maillon dans la chaîne d’évènements qui menace le partenariat académico-commercial. Il n’y a rien d’étonnant à cela. Le Web a modifié drastiquement des pans entiers de notre activité, et l’université n’y a pas échappé.. À SEAS, par exemple, les cours CS 50 « Introduction à l’informatique I » et QR 48 « Les bits » sont disponibles en ligne (NdT : « Computer Science 50 » est un cours d’introduction à l’informatique de l’université de Harvard et QR 48 est un cours sur le raisonnement empirique et mathématique sur le sujet des « bits »). Et la série d’introduction aux Sciences de la vie se sert d’un support multimédia en lieu et place du bon vieux manuel papier. L’initiative MIT Opencoursware est un ambitieux programme pour rendre accessible, gratuitement et en ligne, une grande partie du contenu des cours du Massachusetts Institute of Technology (MIT). Mais étonnament, alors que l’on peut faire de plus en plus de choses en lignes (envoyer des cartes postales, gérer son compte banquaire, renouveler son permis de conduire, etc.), les connaissances produites par les centres de recherche tel Havard sont restées, en comparaison inaccessibles, enfermées dans une sorte de cellule virtuelle. Comment a-t-on pu laisser cela se produire ?

Avant son émergence en tant que centre d’achats ou de constitution de réseaux sociaux à part entière, Internet était utile aux chercheurs. Mais si le modèle commercial actuel de publication persiste (laissant les éditeurs seuls gardiens du savoir académique en ligne), Internet pourrait devenir un frein, plutôt qu’un catalyseur, à l’avancé du travail universitaire. « Si l’éditeur possède et contrôle les connaissances académiques », explique Shieber, « il n’y a aucun moyen de l’empêcher d’en restreindre l’accès et de faire payer pour cet accès ». Aux débuts d’internet, le coût de la numérisation des documents imprimés était loin d’être négligeable, et les éditeurs pouvaient justifier des tarifs d’abonnement en ligne élevés alors qu’ils déplaçaient le contenu du journal vers ce nouveau média incertain. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.

Mais existe-t-il des alternatives viables ? Toute solution nécessitera de repenser le statu quo dans la publication académique. Une possibilité réside dans les journaux à libre accès, comme les publications de PLoS (Public Library of Science), fondée en 2000 par le lauréat du prix Nobel Harold Varmus. Dans les journaux de PLoS, les auteurs conservent tous les droits sur leurs travaux, et chacun peut télécharger et utiliser gratuitement l’information de PLoS, à condition de leur en attribuer le crédit et le mérite. Mais ces efforts restent éclipsés par les journaux payants nécessitant un abonnement, et la plupart des publications traditionnelles continuent à « compter davantage » du point de vue du statut académique. De plus, les entreprises de libre accès ne sont pas sans coûts : ces journaux ont tout de même besoin d’être soutenus et maintenus.

Dans le cas de nombreux journaux à accès libre, ces coûts sont transférés du lecteur vers l’auteur. On a ainsi vu un journal phare de PLoS demander à l’auteur autour de 3 000 $ pour la publication d’un article. Ceci rend les journaux à abonnements (qui ne font en général pas payer les auteurs pour la publication) bien plus attractifs pour de nombreux auteurs.

De plus, il est important de se rendre compte de la valeur ajoutée apportée par les éditeurs commerciaux. À l’âge de la publication instantanée, nous dit Shiever, « on a besoin de personnes qui font le travail que les éditeurs et les journaux fournissent actuellement ». Ceci comprend la gestion de la procédure d’évaluation par les pairs, le travail éditorial et de production, ainsi que la distribution et l’archivage du produit final. Tout aussi important, « il y a la création d’une identité de marque et l’imprimatur », qui accompagnent « plus ou moins consciemment » la publication dans un journal donné.

Le Web a rendu possible de « dissocier » ces tâches : l’évaluation par les pairs peut avoir lieu sur un forum en ligne ; le travail d’édition et de production peut être fait à peu près n’importe où. Mais ces tâches elles-mêmes (et leur coordination) restent essentielles, et elles ont un coût. Malheureusement, explique Wooster, la techologie du Web doit encore trouver pour la publication académique « une base économique qui ne soit pas dysfonctionnelle ». Bien que cela puisse paraître contre-intuitif, le passage du savoir papier au Web a conduit à une augmentation significative des prix (contrairement au passage de la musique des CDs aux MP3s), malgré l’élimination d’une multitude de coûts standards d’impression. Shieber pressent qu’il doit nécessairement y avoir un autre système, dans lequel le savoir finira par gagner.

L’homme qui possède un plan

Fortement incités à publier dans des revues commerciales, pourquoi ceux qui aspirent à devenir membre de la faculté choisiraient-ils le libre accès ? C’est là qu’intervient Shieber. Son plan est de rendre le libre accès viable, essentiellement, en nivelant le terrain de jeu de la publication universitaire. Selon Shieber, la seule chose nécessaire pour mettre le libre accès sur un pied d’égalité avec les solutions commerciales est que « ceux souscrivant aux services d’un éditeur proposant des journaux payants sur abonnement s’engagent également via un simple contrat à apporter leur soutien aux journaux en libre accès ».

Cet engagement, s’il est accepté par de nombreuses universités et organismes de financement, pourrait inciter les facultés à publier dans les journaux à libre accès. Assumer les frais de publication de libre accès est certainement un engagement coûteux à prendre pour une institution, mais cela pourrait sur le long terme être totalement compensé par la diminution des frais pour les journaux payants sur abonnement. De plus, le mouvement amorcé, les journaux à abonnement existants pourraient même se convertir doucement aux modèles de libre accès (si les bénéfices s’avéraient suffisament convaincants). Le contrat de Shieber a un autre avantage : le fait de payer pour publier rend les choses plus transparentes. Traditionnellement, explique Shieber, « les lecteurs d’articles universitaires ont été bien épargnés du coût de la lecture ». Si les universités étaient amenées à affronter les coûts réels, elles s’engageraient plus facilement à faire face au problème.

Pour Shieber, un tel contrat serait un moyen rationel, juste et économiquement viable de soutenir la publication académique. D’autres, plus radicaux, en sont moins convaincus. Il est naturel de se demander : « Pourquoi y aurait-il un quelconque problème ou la nécessité d’un contrat ? Pourquoi de nos jours quelqu’un devrait-il payer pour accéder au savoir ? ». Stevan Harnad, professeur de sciences cognitives à l’École d’électronique et d’informatique de l’université de Southampton (Royaume-Uni), et « archivangéliste » au célèbre franc parlé, est favorable au fait de donner aux universitaires le feu vert pour archiver gratuitement et immédiatement tous les articles qu’ils ont écrits. Il résume ses arguments dans cet haiku :

It’s the online age
You’re losing research impact…
Make it free online.

Que l’on pourrait traduire par :

Nous sommes à l’ère numérique
Votre recherche perd de son impact…
Publiez-là en ligne librement.

Principes opt-ins, définitions du droit d’auteur, fastidieuses négociations avec l’éditeurs pour baisser frais voire accorder le libre accès…, Harnad pense que tout ce qui nous détourne de cet objectif d’obtenir rapidement l’accès universel nous empêche d’aborder de front le vrai problème. Et dans ce cas, soutient Harnad, la communauté scientifique « se sera une nouvelle fois tiré une balle dans le pied ». Plutôt que replacer les chaises sur le pont du Titanic, dit-il, pourquoi ne pas faire quelque chose qui change vraiment la donne ? Le paradigme d’Harnad : l’auto-archivage en libre accès, les auteurs publiant leurs documents dans des archives digitales ouvertes. Selon lui, même les éditeurs bien intentionnés et les institutions cherchant à aider les universitaires empêchent ces derniers d’atteindre directement leur public.

Shieber répond à ces reproches comme le ferait un ingénieur. De nombreux aspects de l’édition commerciale fonctionnent bien, dit-il. Plutôt que de se battre contre le système dans sa globalité, notre but devrait être de l’installer sur une base saine et réaliste. « Tu peux être passionné par toutes sortes de choses », explique-t-il, « mais si elles ne reposent pas sur une économie, cela ne marchera pas ». Les notions telles que « on devrait simplement tout laisser tomber » ou « l’information veut être libre » ne sont pas de vrais solutions. Le modèle du contenu libre, même avec l’aide de la publicité, n’est probablement pas viable à court terme, sans même parler du long terme (l’industrie de la presse papier peut en témoigner). Même s’il loue les bonnes intentions des défenseurs du libre accès comme Harnard, Shieber nous avertit que la situation est loin d’être simple. « On se complaît un peu dans l’idée qu’une fois qu’on aura réglé le problème du libre accès, nos problèmes seront résolus », dit Shieber. La réalité, craint-il, ne sera pas si serviable.

Un vieux cas d’étude de l’American Physical Society (APS) souligne ce point. Dans un article paru dans la newsletter de l’APS de Novembre 1996, Paul Ginsparg (maintenant professeur de physique à Cornell) rermarquait :

Les maisons d’édition s’étaient elles-mêmes définies en termes de production et de distribution, rôles que nous considérons maintenant comme largement automatisés… « La » question fondamentale à ce moment là n’est plus de savoir si la littérature de la recherche scientifique migrera vers une diffusion complètement électronique, mais plutôt à quelle vitesse cette transition se fera maintenant que tous les outils nécessaires sont sur Internet.

Ginsparg a suggéré qu’une transition vers une diffusion électronique résolverait rapidement le problème d’accès. Mais plus d’une décennie plus tard, avec les revues scientifiques dûment installées sur Internet, le problème de l’accès continue à être délicat et non résolu. « Les gens sont des acteurs économiques », explique Shieber, « et cela signifie qu’ils travaillent dans leur propre intérêt, quelles que soient les contraintes auxquelles ils sont soumis ». Pour les maisons d’édition, posséder les droits d’auteur pour publier des articles et restreindre l’accès (à travers des cotisations élévées) augmente les probabilités de rendre les publications universitaires rentables. Mais qu’en est-il des universitaires ? Tandis qu’il est du plus grand intérêt des chercheurs de disposer de l’accès le plus large possible à leur travail, les récompenses (et l’habitude) du système existant exercent une force d’attraction puissante.

Shieber soutient qu’à moins que les avantages soient justes, autorisant les auteurs et les maisons d’édition à choisir parmi plusieurs plateformes d’édition sans pénalités, le savoir continuera à souffrir jusqu’à ce qu’une crise se produise. « Bien que vous ne puissiez pas séparer l’aspect économique des problèmes d’accès », dit-il, « les problèmes économiques sont clairement secondaires ». Une fois les aspects économiques réglés, les universités seront capable de se concentrer pour amener le savoir au niveau supérieur. Et c’est là, en discutant du rôle de l’université comme passerelle vers la connaissance, qu’il laisse clairement sa passion ressurgir. « L’université est sensée être engagée dans la production de connaissances pour le bien de la société », dit-il, « donc la société ne devrait-elle pas être capable d’en recevoir les bienfaits ? ».

Des bourses d’études comme bien(s) public(s)

Le choix de Shieber de se concentrer sur les aspects économiques et pratiques a indubitablement du mérite, et s’articule bien avec l’accent mis par la SEAS sur « ce qui marche » et « les applications pratiques ». Mais d’autres facteurs sont en jeux : le libre accès soulève des questions de principes, à la fois philosophiques et politiques. Sans le libre accès, comment le savoir peut-il promouvoir efficacement le bien public ? Pour certains — par exemple ceux qui trouvent difficile d’imaginer les mots « savoir » et « bien public » dans la même phrase — la limitation de l’accès à un article sur l’effet Casimir ou une nouvelle interprétation de l’Ulysse de James Joyce n’est pas vraiment une question de première importance. Ce ne sont que des considérations intellectuelles.

Dans le cas des sciences, de l’ingénierie et de la médecine, les gens comprennent en général que la recherche basique, apparement ésotérique, peut amener à de grandes améliorations dans nos vies : la résonnance magnétique nucléaire nous a conduit à l’imagerie par résonnance magnétique (IRM) améliorant les diagnostiques médicaux ; les technologies digitales et laser sont à l’origine des CD et des DVD ; et un melon cantaloup pourrissant dans un laboratoire de recherche de Peoria (Illinois) nous a fait découvrir la pénicilline. Wooster se demande si les bénéfices futurs pourraient être menacés par la rétention actuelle de l’information universitaire. « Si personne n’est au courant d’une découverte », dit-elle, « c’est un grand préjudice qui est fait au monde entier. Si l’intention des universités est vraiment de rendre le monde meilleur, nous devons y réfléchir sérieusement ».

Et il y a d’autres questions de principe en jeu. Comme le dit Wooster, « Cela a toujours été malsain que l’université fasse les recherches, rédige les articles et qu’enfin elle les offre — pour que nous soyions ensuite obligés de les racheter… N’est-on pas déjà sensé les posséder ? » D’autres utilisent un argument semblable concernant les contribuables : ils se voient refuser quelque chose qu’ils ont déjà payé. Après tout, les fonds fédéraux soutiennent une grande part de la recherche universitaire (en 2009, les fonds fédéraux ont financé environ 80% de toute la recherche du SEAS). Mais, à quelques exceptions près, les droits sur ces recherches à financement public — quand elles sont publiées dans une revue académique traditionnelle — sont transférés gratuitement à l’éditeur. Sans même se demander si le contribuable s’intéresse à, par exemple, la lecture des dernières avancées de la technologie des piles à combustible, Shieber et d’autres partisans du libre accès soutiennent qu’ils devraient pouvoir choisir : ce principe devrait toujours s’appliquer.

Ces considérations suggèrent un autre modèle valable pour le libre accès du savoir, indépendamment de l’auto-archivage et du contrat de Shieber. Le gouvernement fédéral pourrait s’en charger : après tout, l’enjeu n’est pas simplement le « bien public » mais aussi les biens publics. Étant donné qu’une grande partie de la recherche est financée publiquement, les citoyens (et leur gouvernement) sont concernés par les résultats (et l’accès à ces résultats). En d’autres termes, le partenariat chercheur-éditeur n’est pas bipartite — c’est une « route à 3 voies ». Peut-être les bourses fédérales de recherche pourraient-elles stipuler que les découvertes réalisées à partir de soutiens publics doivent être rendues disponibles gratuitement, soit par leur publication dans des journaux en libre accès, soit, si elles sont publiées dans des journaux à abonnement, en les rendant simultanément accessibles via une archive digitale gratuite. Parallèlrement, les bourses fédérales de recherche pourraient couvrir les coûts légitimes de publication. Le résultat, après quelques petits ajustements, pourrait réconcilier les intérêts de toutes les parties.

En fait, nous avons déjà un modèle qui fonctionne pour une bonne partie de cette approche, dans le domaine de la recherche médicale. La Bibliothèque Nationale de Médecine des États-Unis, faisant partie des Instituts Nationaux de la Santé (NIH, pour National Institutes of Health), gère PubMed, une vaste base donnée de citations et de résumés d’articles. Elle maintient aussi PubMed Central, une « archive numérique gratuite de ce qui s’est écrit en biomédecine et biologie ». En avril 2008, à la demande du Congrès, les NIH ont adopté une nouvelle politique d’accès public, ordonnant que tous les chercheurs financés par les NIH publient dans PubMed Central une copie de n’importe quel manuscrit révisé par des pairs et qui a été validé pour publication. Actuellement, cette politique ne prévoit pas de financement pour couvrir les coûts de publication, limitant quelque peu l’impact de la démarche.

Autres moyens d’ouvrir l’accès : des bibliothèques innovantes et des archives numériques

Bien évidemment il ne faut pas se contenter des acquis, et des questions restent ouvertes sur l’issue vraissemblable d’un engagement en faveur du libre accès. Cela conduira-t-il au déclin des maisons d’édition académiques et d’une partie de l’activité de l’édition commerciale ? Shieber affirme que son but (et celui du libre accès en général) n’a jamais été de « détruire les éditeurs ». Les éditeurs et la révision par les pairs sont toujours aussi indispensables, particulièrement dans le Far West sauvage du Web (où blog et article douteux de Wikipédia se côtoient, le tout relayé sans précaution par Twitter).

Pour sa part, Shieber minimise l’impact du débat actuel. « Un très faible pourcentage d’œuvres écrites tomberait dans le libre accès tel qu’il est actuellement en cours de discussion », dit-il. « Aujourd’hui, nous ne parlons que des ouvrages spécialisés en sciences évalués par les pairs ». Le débat ne concerne pas les livres, les éditoriaux, les contenus écrits par des journalistes, etc.. Même si demain la recherche scientifique passait entièrement au libre accès, les éditeurs ne seraient pas pour autant sans travail. En tout état de cause, il subsistera probablement un marché durable pour les versions imprimées des publications (Kindle n’a pas encore détrôné le livre chez Amazon).

Mais qu’en est-il de l’impact sur les bibliothèques ? Comme de plus en plus de collections se retrouvent en ligne, la fonction de stockage de la bibliothèque sera-t’elle diminuée ? Beaucoup de gens pensent que le passage aux revues électroniques et aux collections numériques constituerait une menace fatale pour les bibliothèques. Sur ce point, Wooster soulève des objections. Elle ne pense pas que les bibliothèques numériques seront aussi vitales que les dépôts de papier d’aujourd’hui. John Palfrey, professeur de droit « Henry N. Ess III » (NdT : Titre universitaire à Harvard), à la tête de la bibliothèque de la Faculté de droit de Harvard, et co-directeur du Berkman Center for Internet and Society, prévoit quant à lui l’émergence d’un tout nouveau type de bibliothécaire (illui préfère le terme « empiriste ») liée à la transformation des bibliothèques en centres d’information où les archives en libre auront un rôle prépondérant. Tout comme les éditeurs, les bibliothèques offrent des services qui continueront d’avoir de la valeur, même si les journaux se numérisent et les archives en libre accès se banalisent. Shieber est d’accord. « Les services de bibliothèques (consultation, enseignement, et les nouveaux services conçus pour rendre disponible les documents en libre accès) continueront tous à être nécessaires et seront incorporés dans le domaine de compétence de la bibliothèque », explique t-il. Et Wooster fait remarquer que le rôle de la bibliothèque en tant que lieu pour « un archivage de l’histoire » n’est pas prêt de changer de si tôt.

Progresser sur la question de l’accès peut aussi signifier revenir au rôle traditionnel de la presse universitaire comme éditrice et distributrice du savoir d’une institution donnée (Shieber reconnaît l’ironie d’avoir publié ses livres avec l’imprimerie du MIT plutôt qu’avec celle de l’université d’Harvard).

Les archives numériques universitaires représentent une autre possibilité pour le libre accès. De telles archives prennent déjà naissance, tel que vu dans le dépôt libre accès de DASH ou le projet catalyseur de l’école médicale de Harvard, qui est caractérisé par une base de données de mise en relation des personnes pour relier les chercheurs et la recherche (incluant des liens aux archives DASH) à travers toute l’université. Et quelques domaines (en physique, par exemple) ont depuis longtemps conservé des archives gratuites de pré-publication, par exemple arXiv.org, développé par Ginsparg au sein du département de physique de Cornell.

Mobiliser l’université de Harvard derrière le modèle du libre accès et développer une plateforme concrète pour son implémentation sont de sérieux défis. Shieber a d’ailleurs invité Suber un collègue expert du libre accès et membre non permanent du centre Berkman pour contribuer plus avant à promouvoir le processus. Shieber prévient qu’un changement vers le libre accès prendra du temps. Quand bien même que les problèmes conceptuels et économiques aient été résolus, il ne préconise pas de tout bouleverser d’un coup. Mais une fois le problème du libre accès devenu secondaire et les revendications des chercheurs et des éditeurs harmonisées de façon juste et équitable (et viable), alors, pense-t-il, les spécialistes, les universités, les éditeurs, et plus largement, le monde entier seront capable de se concentrer sur un excitant nouveau royaume de découverte. Et n’est-ce pas ce que nous désirons vraiment que la science et la recherche soient ?

Annexe : Pour aller plus loin

En savoir plus à propos du travail de Harvard sur le libre accès :

Cet article a été initialement publié dans la newsletter d’hiver 2010 de la SEAS de Harvard, et a ensuite été posté sur le site opensource.com avec la permission des auteurs, qui ont accepté de le publier pour le public sous la licence Creative Commons BY-SA.

Notes

[1] Crédit photo : Liber (Creative Commons By Sa)




Geektionnerd : Linux accélère

Le noyau Linux possède plusieurs millions de lignes de code mais parfois il en suffit d’une poignée pour sensiblement améliorer les choses (cf cette news de LinuxFr).

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)