Le vain Don de la farce ou comment être très motivé pour soutenir le Libre

Mikebaird - CC by« Si tu avais un bouton pour envoyer un euro très facilement à l’artiste, tu le ferais », disait récemment Richard Stallman, sur 01net, en pleine tourmente Hadopi.

Il était ici question de musique, mais cette phrase pourrait facilement s’étendre à toute la création, à commencer par notre sujet de prédilection : le logiciel libre et sa culture.

Vous avez déjà vu ces claviers munis de cet horrible touche Windows qu’on utilise jamais. Imaginez alors un autre touche spéciale, mais dédiée au don cette fois-ci.

Vous vous promenez sur un site, par exemple celui d’un logiciel libre qui vous tient à cœur et qui vous invite à donner pour le soutenir. Vous pressez alors le-dit bouton de votre clavier. Une petite fenêtre s’ouvre pour indiquer la somme envisagée, vous validez et… c’est fait ! Vous pouvez passer au site suivant.

Pas d’intermédiaires, pas de surtaxes, pas de numéro de carte bleue à entrer… l’argent sortirait de votre compte pour aller directement dans celui du destinataire, sans passer par je ne sais quelle « case backchich ». Le rêve quoi !

Créateurs, développeurs, communautés, fondations, associations… dix euros par-ci, cinq euros par là (voire même moins). Le don entrerait alors véritablement dans nos mœurs, habitudes et (bonnes) pratiques. Nul doute que cela profiterait à beaucoup, je pense notamment à certaines petites fourmis du logiciel libre dont on moque souvent l’absence de « modèles économiques ».

Cela profiterait d’ailleurs également à tout plein d’autres domaines, comme la grande presse par exemple, qui n’en finit plus de constater sa propre chute. Cela ne me pose en effet aucun problème, bien au contraire, de presser notre « bouton don » et verser ainsi instantanément quelques dizaines de centimes d’euros après lecture d’un article intéressant. À l’échelle des millions de visiteurs mensuels de son site Internet, c’est alors Le Monde que l’on sauve (NDLR : le journal Le Monde).

Pour ne rien vous cacher cette petite réflexion m’est venue lorsque l’on a décidé de monter le site Framasoft adossé à notre campagne de soutien.

Impossible d’échapper à Paypal, ses lents et pénibles formulaires, son gros pourboire et sa situation de monopole (que l’on soit affilié ou qu’il faille sortir la CB). Reste après bien sûr la solution du virement bancaire ou du bon vieux chèque à poster, mais faut quand même alors être motivé de chez motivé. Les cartes prépayées ? personnellement j’y crois pas trop pour le moment. Quant aux systèmes de type AlloPass et autres SMS, c’est pas la peine d’y penser, les taxes (du service et de l’opérateur) sont démesurées.

Dans ces conditions, ne plus être très loin des 10 000 euros de dons (quatre mois après le lancement de l’opération et… en temps de crise), c’est déjà pas si mal, et nous remercions une nouvelle fois chaleureusement les quelques 300 personnes qui ont su passer outre l’absence de « bouton don » pour s’engager dans la lourde[1] et complexe procédure que nous propose aujourd’hui le micropaiement.

C’est déjà pas si mal mais c’est malheureusement loin d’être suffisant par rapport à notre premier objectif (le triple de la somme récoltée aujourd’hui). Quelques centaines de dons pour un trafic lui aussi proche du million de visiteurs mensuel, on pourrait en tirer des conclusions hâtives sur l’attachement réel que nous portent nos visiteurs si justement il n’y avait pas entre eux et nous ce micropaiement non optimisé (litote) qui fausse quelque peu le donne.

Ah si nous avions tous un « bouton don » qui offrirait d’aussi faciles transactions ! Nombreux seraient alors à mon avis les projets œuvrant pour le bien commun qui seraient remis à flot et qui pourraient plus sereinement se développer et s’épanouir.

Plutôt que de délirer sur un utopique « bouton don » (proche de l’autre délire sur l’open money), ce billet aurait certainement mérité une plus sérieuse recherche en alternatives réelles, crédibles et déjà opérationnelles. Mais vous avez l’occasion de corriger le tir dans les commentaires 😉

Notes

[1] Crédit photo : Mikebaird (Creative Commons By)




Sarkozy a un plan selon Guillaume Champeau

Judepics - CC bySi vous comptiez vous reposer un peu après l’éreintant épisode Hadopi, c’est raté.

En effet, un article important est apparu la semaine dernière dans le flux continu de mes fils RSS, Décryptage : Sarkozy et son œuvre de contrôle du net de Guillaume Champeau du site Numerama.

C’est un peu long (liens hypertextes inclus), mais si l’on souhaite réellement se donner les moyens de comprendre certaines choses dans le détail, il va bien falloir accepter de temps en temps d’aller plus loin que les 140 caractères des messages Twitter ! C’est également assez courageux, parce que c’est typiquement le genre d’articles qui ne vous fait pas que des amis, sauf à considérer que les RG peuvent devenir de nouveaux amis.

Guillaume Champeau en a d’ailleurs remis une couche ce week-end, chez la petite webradio associative qui monte OxyRadio, au cours de l’émission Les enfants du Web animé de sa voix suave et viril par notre ami Mathieu Pasquini (licence Creative Commons By-Sa).

À podcadster, à écouter, à faire écouter :


Télécharger : mp3 ou ogg

J’aurais aimé ne pas l’écrire mais ça ressemble beaucoup à du « nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas »[1].

Décryptage : Sarkozy et son œuvre de contrôle du net

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Guillaume Champeau – 20 mai 2009 – Numerama
Licence Creative Commons By-Nc-Nd

« Le président de la République actuel a un plan ». C’est la première phrase du livre de François Bayrou, Abus de Pouvoir, et l’on peut la vérifier au moins en ce qui concerne le contrôle du net. Depuis la loi DADVSI où il était président de l’UMP et ministre de l’intérieur, Nicolas Sarkozy a déployé son plan pour contrôler le net. Il a commencé à l’appliquer avant-même la loi Hadopi, et prévoit de le parachever avec la Loppsi. Dans cet article exceptionnellement long, Numerama tente un décryptage du net selon Sarkozy.

Petit à petit, les pièces du puzzle s’assemblent et l’image se révèle sous nos yeux. Le projet de loi Création et Internet n’a pas encore été promulgué que déjà le morceau suivant s’apprête à faire son apparition. Projet de loi après projet de loi, décret après décret, nomination après nomination, Nicolas Sarkozy prépare méthodiquement les moyens pour le gouvernement de contrôler Internet… et les internautes.

Lundi, Le Monde a publié un excellent article sur la prochaine loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure (Loppsi, ou Lopsi 2), qui montre ce que prévoit le nouveau texte commandé par Nicolas Sarkozy : installation de mouchards électroniques sans vérification de leur légalité par les services de l’Etat, légalisation des chevaux de Troie comme mode d’écoute à distance, création d’un super-fichier « Périclès » regroupant de nombreuses données personnelles (numéros de carte grise, permis de conduire, numéros IMEI des téléphones mobiles, factures…), création d’un délit d’usurpation d’identité, pouvoir de géolocaliser les internautes, …

Sans cesse repoussée, la loi est attendue de pieds fermes par Nicolas Sarkozy. C’est d’ailleurs en partie elle qui a justifié l’obsession du Président à maintenir contre vents et marée la loi Hadopi. Car « le président de la République actuel a un plan ». Pour le comprendre, il nous faut accumuler les pièces à conviction. Certaines relèvent très certainement de la paranoïa, d’autres sont véritablement réfléchies par le Président.

Mises bout à bout, elles laissent peu de doute sur la volonté de Nicolas Sarkozy de contrôler le net, aussi bien dans son contenu que dans son infrastructure.

Au commencement, Nicolas Sarkozy voulu devenir Président

Très tôt dans sa carrière politique, Nicolas Sarkozy n’a eu qu’une obsession : devenir président de la République. Et une vision : pour y parvenir, il fallait contrôler les médias. Maire de Neuilly-Sur-Seine, il s’efforce de faire entrer rapidement dans son cercle d’amis proches les Martin Bouygues, Lagardère (père et fils) et autres Dassault qui le conduiront par leur amitié complice au sommet du pouvoir. C’est d’autant plus facile que ces capitaines d’industrie, propriétaires de médias, dépendent pour l’essentiel de leurs revenus des commandes de l’État. Entre amis, on sait se rendre des services…

Toute cette énergie de réseautage a été mise au service de son ambition présidentielle. En 2007, c’était la bonne. Première tentative, première victoire. Mais Nicolas Sarkozy a eu chaud. Il avait négligé Internet. A quelques points près, François Bayrou – qui a au contraire beaucoup misé sur Internet pendant la campagne – passait devant Ségolène Royal au premier tour de la Présidentielle, et c’est le leader du MoDem qui se serait retrouvé à l’Elysée.

Il serait faux toutefois de prétendre que Nicolas Sarkozy, qui s’était assuré le soutien du blogueur Loïc Le Meur (à l’époque le plus influent), s’est aperçu trop tard du pouvoir du net. Fraîchement élu, le président Sarkozy n’avait pas tardé à demander « l’avènement d’un internet civilisé », prônant une « campagne de civilisation des nouveaux réseaux ». Le coup de Trafalgar du refus de la Constitution européenne par les Français avait montré pour la première fois au monde politique les limites des médias traditionnels face à Internet, où l’opposition au texte européen fut virulente. Les amis de Nicolas Sarkozy dans les grands médias et l’industrie culturelle l’ont très vite convaincu qu’il fallait faire quelque chose. Lui pour conserver le pouvoir, eux pour limiter cette concurrence gênante. C’est Renaud Donnedieu de Vabres (RDDV) qui s’est chargé des basses oeuvres, sous l’oeil attentif de son président de l’UMP et ministre de l’intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy.

DADVSI et HADOPI : les premières pierres vers le filtrage

Derrière les apparences d’une première loi contre le piratage sur Internet, comme l’avait prédit le journaliste américain Dan Gillmor, c’est une alliance à trois qui s’est formée entre le pouvoir politique, le pouvoir médiatique et l’industrie culturelle. A peine la riposte graduée (déjà) adoptée, RDDV avait prévenu que la loi DADVSI « n’est que le premier d’une longue série d’adaptations de notre droit à l’ère numérique », et qu’il comptait bien s’attaquer « un jour au problème de la presse et de l’Internet ». C’était en 2006.

Affaibli par la débâcle de DADVSI, le ministre de la Culture n’a pas eu le temps de mettre son projet en application. Mais l’idée d’accorder un label à la presse professionnelle en ligne et de doter les sites de presse d’un statut particulier opposé aux blogs était née. Nicolas Sarkozy l’a mise en application cette année. Le tout en permettant à la vieille presse papier de bénéficier par ailleurs de substantielles aides de l’État, contraires à la libre concurrence, pour investir le net.

Avec la loi Hadopi, qu’il a maintenu jusqu’à mettre en péril la cohésion du groupe UMP, le chef de l’État a réussi à imposer à tous les foyers français l’installation d’un « logiciel de sécurisation », qui, sous la forme d’un mouchard, aura pour but de filtrer les sites internet et certains logiciels. Soit de manière franche, en bloquant l’accès à des contenus ou des protocoles. Soit de manière plus sournoise, en mettant en place un système qui met en avant les sites labellisés par l’Hadopi ou par les ministères compétents, pour mieux discréditer les autres. Les sites de presse professionnels feront bien sûr partis un jour des sites labellisés, tandis que la multitude de blogs ou de sites édités par des journalistes non professionnels verront leur crédibilité mise en doute. Pour le moment on ne sait rien du périmètre des caractéristiques imposées par l’Etat aux logiciels de sécurisation, et c’est bien là sujet d’inquiétudes. Il suffira d’étendre par décret la liste des fonctionnalités exigées pour que la censure se fasse de plus en plus large et précise, hors du contrôle du législateur ou du juge.

LOPPSI : le filtrage imposé aux FAI

Si elle prévoit la création de ce logiciel de sécurisation, et suggère fortement son installation, la loi Hadopi ne fait cependant pas de son installation une obligation. Le risque d’inconstitutionnalité serait trop fort. Il faut donc compléter le tableau, en organisant un filtrage au niveau de l’infrastructure du réseau. C’est le rôle de la loi Loppsi, chapeautée par Michèle Alliot-Marie.

Entre autres choses, la Loppsi va imposer aux FAI une obligation de filtrage de résultat. Ils auront le devoir de bloquer l’accès à des sites dont la liste sera déterminée par l’administration, sous le secret. Ce qui n’est pas sans poser d’énormes problèmes dans les quelques pays qui ont déjà mis en place cette idée. Là aussi, une fois mis le pied dans la porte, sous prétexte de lutter contre la pédophilie (une tentation du pathos contre laquelle il faut résister), il suffira d’étendre la liste des exceptions qui donnent droit au filtrage. Ici pour les maisons de disques victimes de piratage, là pour les sites de presse suspectés de diffamation, ou pour les sites de jeux d’argent qui ne payent pas leurs impôts en France. La liste n’aura de limites que l’imagination et l’audace des gouvernants.

Encore faut-il que ces idées de contrôle du net puissent se mettre en place sur le terrain, ce qui nécessite des hommes et des femmes peu regardants. C’est dans cet art que Nicolas Sarkozy excelle le plus.

Le choix des hommes, le triomphe des idées

Dès 2006, Nicolas Sarkozy a compris qu’il aura besoin de verrouiller son gouvernement et les télécoms pour mettre en place son plan de contrôle d’internet. Christine Boutin, qui avait été une farouche et convaincante opposante à la loi DADVSI fin 2005 (au point de faire basculer le vote de certains députés UMP pour la licence globale), et qui avait défendu l’idée d’un internet libre, s’est ensuite mue dans un silence confondant à la reprise des débats en mars 2006. En échange, et entre temps, elle a reçu la promesse de Nicolas Sarkozy d’entrer au gouvernement après les élections présidentielles si elle mettait sa langue dans sa poche. Les deux ont tenu parole.

Président de la République, Nicolas Sarkozy a ainsi composé son gouvernement de manière à accomplir son oeuvre sans opposition interne. Nadine Morano à la Famille, et Michèle Alliot-Marie à l’Intérieur, n’ont pas eu besoin de forcer leur nature pour prêcher la censure de certains sites Internet ou le filtrage des sites pédophiles ou terroristes. Porte-parole de l’UMP, pilotée par l’Elysée, le lobbyiste Frédéric Lefebvre ne passe plus une semaine sans se confondre en invectives contre Internet, et réclamer le filtrage. En plaçant l’ex-socialiste Eric Besson au numérique, Sarkozy pensait peut-être aussi paralyser les critiques à la fois de son propre camp et de l’opposition, tout en s’assurant le soutien d’un homme qui a troqué ses convictions pour son ambition. En le remplaçant par Nathalie Kosciusko-Morizet, plus rebelle, Sarkozy a pris un risque. Mais il fait aussi un pari. Celui que son frère Pierre Kosciusko-Morizet, président des deux plus gros lobbys français du numérique hostiles au filtrage, serait moins audible dans son opposition si sa soeur est systématiquement suspectée de collusion lorsqu’elle défend le même point de vue. Ce qui n’a pas manqué lorsque PKM a prêché, dans le vide, un moratoire sur la loi Hadopi.

Il a fallu aussi convaincre dans les télécoms. Free, à la nature frondeuse, reste le plus difficile à manipuler pour Nicolas Sarkozy. Il a toutefois trouvé une arme : la quatrième licence 3G. L’opérateur sait qu’elle va être rapidement indispensable pour continuer à concurrencer Bouygues, SFR et Orange, qui peuvent tous proposer des offres regroupant ADSL et mobile. Mais elle est dépendante de la volonté du gouvernement. Très rapidement, Christine Albanel a fait comprendre à Free qu’il devrait être obéissant pour espérer accéder à la fameuse licence. Depuis, le dossier ne cesse d’être repoussé sous des prétextes fumeux, et Free a mis de l’eau dans son vin contre Hadopi et contre le filtrage, dans l’espoir de ne pas hypothéquer ses chances d’avoir accès à la téléphonie mobile.

Pis, Nicolas Sarkozy a fait nommer numéro deux de France Telecom Stéphane Richard, le directeur de cabinet de Christine Lagarde, qui ne compte « que des amis » dans la commission qui déterminera le prix de la quatrième licence 3G. L’homme aura également pour mission de mettre en oeuvre le filtrage chez Orange, qu’il dirigera d’ici deux ans.

Le contrôle des institutions ayant leur mot à dire sur le filtrage

Enfin, Nicolas Sarkozy s’est également assuré de contrôler les institutions qui pourraient lui faire de l’ombre. La CNIL, qui s’est opposée à l’Hadopi, n’aura pas le droit de siéger au sein de la haute autorité. Les amendements le proposant ont été refusés. Elle n’a pas non plus eu le droit de publier son avis contre la loi Hadopi, et les deux députés commissaires de la CNIL, tous les deux membres de l’UMP, ont voté pour la loi. L’un des deux, Philippe Gosselin, a même été un farouche défenseur de la loi à l’Assemblée, et sans doute au sein de l’institution. Dans son dernier rapport annuel, la CNIL a dénoncé l’omerta imposée par le gouvernement, et son manque d’indépendance, notamment financière.

Plus directement, Nicolas Sarkozy a également évincé l’autorité de régulation des télécommunications (Arcep) des études sur le filtrage, auquel elle était hostile. Redoutant que l’autorité ne reste trop à l’écoute des professionnels des télécoms et des internautes, le président de la République a récemment mis à la tête de l’Arcep Jean-Ludovic Silicani, l’ancien président du Conseil de la propriété littéraire et artistique (CSPLA). Un homme notoirement favorable au filtrage et à la lutte contre le P2P. Le CSPLA, rattaché au ministère de la Culture, compte par ailleurs parmi ses membres le Professeur Sirenelli, à qui le gouvernement confie quasiment toutes les missions juridiques liées au filtrage depuis quatre ans, avec un résultat certain.

Finalement, c’est au niveau européen que Nicolas Sarkozy compte ses plus forts adversaires. Il a entamé un bras de fer avec le Parlement Européen sur l’amendement Bono, et exerce un lobbying intense sur les États membres pour qu’ils refusent de marquer dans le marbre le principe du respect de la neutralité du net, contraire au filtrage. Il peut compter sur le soutien de Silvio Berlusconi, propriétaire de médias, qui met en place exactement le même plan en Italie. Mais il redoute l’opposition des députés européens.

D’où l’importance des élections européennes du 7 juin prochain. De leur résultat dépendra peut-être la réussite ou l’échec du plan mis en place par Nicolas Sarkozy.

Notes

[1] Crédit photo : Judepics (Creative Commons By)




Les Non-humains – Une geekerie de Lionel Dricot

Lampeduza - CC by« Voulez-vous installer Linux mademoiselle ? »

En avril dernier LinuxFr lançait un concours qui comportait notamment la rédaction d’une nouvelle sur le libre (sous licence libre). And the winner is… Lionel Dricot, plus connu sous son pseudo Ploum.

Vous en trouverez une version PDF et ODT sur son site. Quant à nous, nous vous en proposons une version HTML ci-dessous.

L’auteur précise : « J’ai pris une soirée pour commettre une petite nouvelle sur le logiciel libre et sa communauté. Je voulais faire un texte accessible au grand public mais, emporté par mon sujet, j’ai lamentablement terminé avec une suite de private jokes à tendance moulesque. Je dédie donc ce texte aux moules de DLFP (dont ceux qui se reconnaitront) et à tous les non-geeks qui prendront la peine de lire l’histoire juste pour le plaisir. »

Effectivement, dans un style agréable et sur fond assez classique d’un récit de science-fiction « oppresseur/opprimé »[1], c’est plein de petits clins d’œil (pour ne pas dire easter eggs) en direction de la communauté, dont certains m’ont échappés d’ailleurs !

En y ajoutant quelques notes, et quelques soirées supplémentaires, ça pourrait faire un chouette et original framabook en fait 😉

Edit février 2012 : il y a une suite à cette histoire…

Les Non-humains

Une geekerie de Lionel Dricot – avril 2009 – Licence Creative Commons By

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À tous les geeks de DLFP, à ceux qui comprendront, à Bersace, cordialement.

Un frisson la parcourut lorsque les ténèbres de la ruelle semblèrent l’engloutir. Le pavé humide résonnait sous ses pas rapides. D’une démarche qu’elle voulait résolue, elle s’avança bravement.
– Quel quartier sinistre. Je n’aurais pas dû venir seule, se murmura-t-elle.
Loin de la réconforter, le son de sa voix se répercutant sur les façades des immeubles abandonnés lui fit presser le pas.

Soudain, elle le vit. Une ombre décharnée, tête nue et hirsute, se découpant dans la pleine lune crépusculaire. Figée par la terreur, elle tenta de pousser un hurlement qui mourut dans sa gorge pâle et délicate. Aucun doute, c’était bien vers elle qu’il s’avançait. Bientôt, elle serait à sa portée et alors…
– Mademoiselle…
Elle se retourna pour fuir, paniquée, mais une main ferme se posa sur son épaule.
– Voulez-vous installer Linux mademoiselle ?
Se débattant avec toute l’énergie du désespoir, elle échappa à l’étreinte. Une traction se fit sur son jupon de dentelle.
– Lâchez moi ! Allez-vous-en !
Sous ses efforts désordonnés, le vêtement se déchira dans un bruissement d’étoffes. Emportée par son élan, elle chuta lourdement sur le sol. Étourdie, elle leva les bras pour se protéger le visage tandis que la forme sombre se penchait vers elle, menaçante.

– Monsieur le Ministre, la situation est intenable. Ils sont de plus en plus nombreux. Et que fait notre gouvernement ?
– Très cher ami, je conçois votre émoi mais votre réaction n’est-elle pas disproportionnée ? Puis-je également vous rappeler qu’il est de vigueur d’utiliser nos prénoms entre gentlemen du Catacomb’s Club ?

En réponse, le petit homme sec aux favoris grisonnants tapa des deux poings sur les accoudoirs du Chesterfield dans lequel il était assis.

– Disproportionnée ? Arthur ! Par les gousses d’ail de la Reine, tu sais aussi bien que moi que la situation est dramatique. Nous l’avons tout d’abord ignoré, nous en avons ensuite ri. Mais ils sont de plus en plus nombreux. Nous n’osons même plus sortir la nuit. Heureusement, la majorité de la population ne s’en rend même pas compte. Dieu merci, car ce serait la panique.
– Ils sont insidieux, il est vrai.
– Insidieux et perfides. Ils ne respectent rien, ils tuent, ils empalent. Des pirates, voilà ce qu’ils sont. Des flibustiers. Ah, si seulement nous avions encore un Nelson !
– Je ne dis pas le contraire, comprenez-moi bien. Cependant, je pense que la mésaventure survenue à votre fille vous rend particulièrement sensible à ce sujet.
– Sensible ? Mais que voulez-vous de plus ? Les laisser prospérer et ruiner notre pays ? Les laisser nous sucer le sang ?
À ces mots, un éclair d’ironie passa dans son regard. Il poursuivit :
– Tu le sais Arthur. Tu sais comme moi ce qu’ils font à leurs victimes. Celles-ci deviennent ensuite leurs semblables. Ils ne respectent même pas les brevets ou le droit d’auteur. Rien que d’en parler, j’en ai des frissons.

D’un regard distrait, le Ministre fixa le fond de son verre de Sherry dans lequel se reflétait la chaleur des flammes de l’âtre.
– Le problème est plus complexe que cela George. Beaucoup plus complexe…

– Mademoiselle ? Comment vous sentez-vous ?
Péniblement, elle ouvrit un œil. Une lumière bleuâtre et tremblotante semblait éclairer la petite pièce dans laquelle elle se trouvait. Les murs étaient encombrés de caisses et de matériels divers. Il y avait même un poisson-coffre empaillé perché sur un promontoire de porcelaine.
– Qui… Qui êtes-vous ? articula-t-elle péniblement.
– Je m’appelle Lilo. Vous vous êtes évanouie dans la rue et je vous ai ramené chez moi. Votre jupon s’est accroché à une vieille caisse et s’est déchiré mais à part ça, je ne pense pas que vous soyez blessée.
Un éclair d’inquiétude passa dans le regard de la jeune fille.
– Vous… Vous me séquestrez ?
– Par toutes les ferrites, bien sûr que non ! Quelle drôle d’idée.
– Qu’allez-vous me faire ?

Lilo parut honnêtement surpris.
– Eh bien, je ne sais pas. Que voulez-vous ? Un thé ? Autre chose ? Je peux demander à mon ami Bersacelli de vous monter un petit cordial si vous le désirez.

Restée silencieuse durant toute la conversation, la jeune femme qui se tenait dans le coin de la pièce interrompit les deux hommes.
– Assez ! Vous parlez d’eux comme si c’étaient des monstres.
– Et ils le sont !
– Non père, ce sont des êtres comme vous et moi. Vous ne les connaissez pas.
– Mademoiselle Vista, votre père a raison. Ce ne sont pas des êtres comme nous. Nous ne sommes pas de la même race.
– Ils ont des sentiments ! Ils aiment et chérissent leur liberté, c’est tout. Certes, ils ont un langage parfois étrange mais ils ne sont pas tels que vous les décrivez.
– Vista, mon enfant, je vous prie de cesser ces simagrées. Vous êtes en présence d’un Ministre de la Reine, je vous le rappelle. Vous avez été fort imprudente de vous aventurer seule dans un tel quartier à quelques heures à peine de l’aube. Vous nous avez rendu fous d’inquiétude pendant trois longues nuits. Je conçois que ces épreuves vous aient marquée psychologiquement, aussi ne vous tiendrai-je pas rigueur de ces propos absurdes. Vous devez être très fatiguée.

Distinguée, la jeune femme se dirigea d’un pas raide vers la porte. En se retournant, elle lança d’un ton hautain :
– Je vous souhaite le bonsoir, Monsieur le Ministre.
Elle tourna son regard empreint d’une tristesse dure vers le fauteuil au centre de la pièce.
– Ce n’est pas parce que vous ne les comprenez pas qu’ils ont tort. Ce n’est pas parce que vous êtes dans un système depuis vingt ans qu’une alternative est forcément mauvaise. Bien le bonsoir, père.

La porte claqua sur ses talons.

L’éclat de rire de Lilo était si franc, si sincère que Vista sentit la gaieté peu à peu l’envahir. Il semblait si joyeux, si vivant.
– Comment dis-tu ? Nous découperions nos victimes ? Et en tranches de quelle épaisseur ?
– C’est pourtant ce que l’on raconte sur vous…
– En tout cas, mon activité principale est de charger des bottes aux embarcadères. Est-ce répréhensible ? Fed ? Tu entends ce qu’on dit sur nous ?
Un petit gros coiffé d’un chapeau rouge s’approcha.
– Oui, j’ai entendu. Dis moi, c’est une véritable cabale montée contre nous !
La jeune fille s’agita.
– Il n’y a pas de cabale. Cela n’existe pas. Tout ce que j’ai dit à votre propos est même écrit noir sur blanc dans l’Encyclopedia Mortalis. Que pouvez-vous répondre face à cela ?
Les deux hommes se regardèrent une seconde et répondirent en chœur :
– Référence nécessaire !

Ils s’esclaffèrent bruyamment. Vista les regarda, interloquée.

Les deux hommes se tenaient sur le pas de la porte. Une fine pluie battait le pavé tandis qu’un allumeur tendait sa perche étincelante vers le réverbère le plus proche.
– Veuillez excuser ma fille, Arthur.
– Un cas très intéressant du syndrôme de Vasa, mon cher George. Rien de plus.
– Le syndrôme de Vasa ?
– C’est ainsi que l’on nomme le comportement psychologique d’une victime qui prend parti et cause pour ses ravisseurs. C’est particulièrement courant dans ce genre de situations mais sans gravité. Je me suis laissé dire que le docteur McOazix avait développé une thérapie par les électrochocs particulièrement efficace.
– Vous me rassurez. Je ne sais déjà par quel miracle elle s’en est sortie indemne.
– Physiquement, tout du moins.
– Arthur, si jamais ma fille persiste à tenir des propos incohérents, à défendre des idées dangereusement subversives, à parler de la liberté de partage, de redistribution, je te jure que j’étranglerai cette vermine de mes propres mains. Un par un !
– J’espère qu’on ne devra pas en arriver là, sourit le Ministre tout en lissant sa moustache.

Il se dirigea vers le fiacre, se ravisa un instant et se retourna.
– Vous savez Arthur, cette histoire n’est pas simple. À moi aussi ils me font peur. Ils représentent ce que nous craignons. Ils semblent abhorrer notre morale, ils s’abouchent avec les coquins. Et pourtant, parfois je me demande si ce n’est pas juste nous qui ne les comprenons pas. Nous les croyons opposés au droit d’auteur, mais peut-être en ont-ils simplement une autre lecture. Nous les considérons comme impossibles et ils nous grignotent du terrain. Leur simple existence infirme la plupart de nos préceptes. S’ils étaient aussi néfastes que nous le disons, comment expliquer leur persévérance ? Comme dirait le passager du Beagle, peut-être sont-ils plus adaptés que nous ? Peut-être devrions-nous rejoindre leur camp avant d’être défaits ? Je ne sais pas Arthur, je ne sais pas…

Il monta dans la voiture tandis que le cocher fouettait les chevaux. L’attelage s’enfonça dans la nuit de pavés et d’étoiles.

– Hihi, arrête, Lilo ! Tu me chatouilles ! Et puis je ne comprends pas ce que tu dis.
– Pourtant cette langue est libre et ouverte. La grammaire est disponible.
Il mis un lourd dictionnaire poussiéreux dans les mains de la jeune fille qui vacilla sous le poids et s’assit sur le lit.
– Tu n’espères quand même pas que je vais lire ça ?
– Non, mais l’important est que tu puisses le faire. Tu comprends ? C’est une de nos libertés fondamentales. Tu dois pouvoir étudier et comprendre la langue que tu utilises. Peut-être n’en as-tu pas envie maintenant. Ni jamais. Dans mille ans, nos écrits seront toujours lisibles car les archéologues en auront la grammaire. Communiquer doit être libre, tu comprends ?
– Tu sais que tu es mignon quand tu m’expliques tout cela. Mais je ne suis pas sûre de comprendre. Tout cela est si différent. Si technique.
– Vista, ce n’est pas seulement technique. Nous refusons de rentrer dans le moule !
– Coin, Coin !
Un canard vola dans la pièce en poussant son cri. Une détonation mis fin au périple du palmipède.
Lilo fit un clin d’œil à Vista.
– Ce n’est rien, juste Fed qui s’amuse. Ne t’inquiète pas pour lui.
Vista riait. Elle regarda le poisson-coffre sur l’étagère à côté du lit.
– Mais, il n’était pas là avant-hier, ce poisson ! Il était sur le promontoire de porcelaine.
– En effet, nous n’avons pas encore trouvé de place satisfaisante. C’est qu’il n’est pas facile à installer ce poisson. Elle rit.
– Je ne sais pas pourquoi mais je vous trouve drôles. Vous êtes vraiment des gens étranges.
– Juste différents. À nos yeux, c’est plutôt vous qui êtes étranges avec vos manies de vous compliquer la vie, vos alertes incessantes au virus pour lesquelles vous devez vous cacher dans vos caves, votre refus de la lumière, vos habitudes alimentaires.
– Tu sais, on grandit avec. C’est normal pour nous. Je n’arrive pas à croire que vous ne souffriez pas du virus. Et puis, personnellement, je ne vais même plus à la cave. Je dis juste “Ok” quand on me demande quoi que ce soit sans même réfléchir.

Leurs mains s’étaient rapprochées subrepticement, comme mues d’une volonté propre.
– Lilo…
– Vista…
Leur front se touchèrent. Pendant une longue minute ils restèrent sans parler, sans même oser respirer. Leurs lèvres se frôlèrent…

– Non !

D’un même mouvement de recul, ils sursautèrent. Vista paraissait paniquée, elle porta ses mains à sa bouche à laquelle perlait une goutte de sang. Les mains de Lilo tremblaient. Le premier, il rompit le pesant silence.
– Est-ce que ton père ne va pas s’inquiéter de ton absence ?
– Mon dieu ! C’est vrai que cela fait déjà trois nuits que je suis ici.
– Je vais te reconduire jusqu’à ton quartier.
– Oui, le temps d’emballer mes affaires. Le crépuscule est déjà tombé.

Ils sortirent et se mirent à marcher en silence.

– Voilà, dit-il. Dans cette rue, les fenêtres ne sont plus cassées. Tu n’es plus très loin de chez toi. C’est préférable que l’on ne nous voie pas ensemble. Vista…
– Lilo, fit-elle en fermant les yeux. Merci pour tout. Je… Je… Fais attention à toi !
Elle ouvrit les yeux. La rue était vide. Elle le chercha du regard puis, se ravisant, se mit à marcher.

Elle ne se retourna pas.

Trois coups secs retentirent à la porte de la chambre.
– Vista ? Puis-je entrer ?

La jeune femme était assise face à sa coiffeuse.
– Vista, j’espère que vous n’êtes pas en colère contre moi, fit le vieil homme en lui posant la main sur l’épaule.
– Non, père.
Elle posa la brosse à cheveux qu’elle tenait à la main.
– Je n’ai pas toujours été un très bon père, je l’admets. La cour, la justice, les plaidoiries. Tout cela m’a pris plus de temps que je ne l’aurais voulu. Malgré tout, vous savez, je comprends vos sentiments. Je comprends votre expérience. Mais n’oubliez pas qu’ils sont différents. Ce ne sont pas des êtres comme nous. Ils se nourrissent différemment, ils vivent de manière contraire à nos mœurs. Ils regardent le soleil en face. Ils sont d’une autre race, tout simplement. Faites de doux rêves, mon enfant, ne prenez pas trop cette histoire de libertés à cœur…

Il se retira en fermant doucement la porte derrière lui.

Vista passa son doigt sur les longues incisives pointues qui dépassaient de ses lèvres. Comme à l’accoutumée, son miroir lui renvoya l’image d’une robe de chambre flottant dans une pièce totalement vide.
– À cœur, soupira-t-elle. Une autre race.

Rédigé avec Pyroom à Lillois, 25 avril 2009 dans le cadre du concours DLFP : « Écriture d’une nouvelle sur le libre ». Relu et corrigé par Serge Julien

-> La suite ici

Notes

[1] Crédit photo : Lampeduza (Creative Commons By)




Et les Geekscottes se couchèrent sur le papier…

Geekscottes - CouvertureUne petite surprise vous attend aujourd’hui à l’Ubuntu Party parisienne, sur les stands d’InLibroVeritas et Framasoft.

Il y aura bien sûr notre framabook best-seller « Simple comme Ubuntu », dans sa toute nouvelle version 9.04.

Mais on trouvera également, pour la première fois couchées sur le papier, les célèbres Geekscottes de Nojhan (il se murmure même que leur auteur passera nous dire un petit bonjour).

Je laisse l’auteur vous présenter l’ouvrage :

Et voilà, grâce à l’action conjuguée des éditions In Libro Veritas et de Framasoft, une édition papier minimaliste des geekscottes viens d’être imprimée. Elle sera vendue au prix de 5 euros, sur lesquels l’intégralité des droits sont perçus par Framasoft. La BD comprend 32 pages, avec 49 strips, dont une bonne partie des premiers, pour l’occasion remis en forme avec le nouveau design des personnages. Une certaine forme d’inédit que vous ne verrez pas sur le site, donc. Les heureux participants à la Ubuntu Party 9.04 se tenant les 16 et 17 mai à la Cité des Sciences, à Paris, peuvent déjà acheter les premiers exemplaires (comme quoi être linuxien amène certains avantages).

Et en bonus une planche spécialement créée pour l’occasion :

Geekscottes - Nojhan - CC by-sa

Et pour les autres, rendez-vous sur le site d’InLibroVeritas, ainsi qu’aux prochaines manifestations à commencer par les Rencontres Mondiales du Logiciel Libre de Nantes en juillet prochain.

Merci à Nojhan pour son talent (mais aussi pour sa participation originale à notre campagne de soutien).




Firefox lorgne-t-il du côté de Facebook et réciproquement ?

Ed Yourdon - CC by-saNavigateurs et réseaux sociaux vont-ils à l’avenir tant et si bien se rapprocher l’un de l’autre qu’on finira par les confondre ?

C’est l’hypothèse émise par Marshall Kirkpatrick qui n’hésite pas à mettre Firefox et Facebook en concurrence, en observant attentivemet les évolutions et innovations récentes de ces deux figures emblématiques du Web[1].

Firefox pourrait bien être un sérieux concurrent pour Facebook

Firefox Could Be the Real Facebook Challenger

Marshall Kirkpatrick – 5 mai 2009 – ReadWriteWeb
(Traduction Framalang : Goofy, Poupoul2, Tyah)

Firefox ne comptabilise pas le nombre de ses utilisateurs, mais Asa Dotzler, le responsable chargé du développement de la communauté Mozilla, a déclaré aujourd’hui que la Fondation estime à 270 millions le nombre d’usagers du navigateur. C’est 35% de plus que le nombre d’utilisateurs enregistrés sur Facebook (200 millions) et presque trois fois plus que le nombre de gens qui se connectent, selon Facebook, chaque jour sur ce réseau social (100 millions).

Pourquoi comparer le nombre d’utilisateurs d’un navigateur et d’un réseau social ? Parce que tout porte à croire que les deux technologies vont converger à court terme. Voici pourquoi nous pensons que Firefox devrait être le concurrent le plus sérieux de Facebook.

Ces estimations chiffrées pour Firefox sont bien prudentes. Lee Mathew de DownloadSquad estime que le véritable nombre d’utilisateurs de Firefox pourrait être plus proche de 340 millions. C’est trois fois et demie plus que le nombre revendiqué par Facebook de gens connectés quotidiennement à son réseau.

Ce ne sont pourtant pas des choses si différentes

Sans pouvoir être sûrs qu’il a raison de prédire que Google l’emportera sur Firefox, nous trouvons que Jeremiah Owyang de Forrester propose une perspective très convaincante sur l’avenir des navigateurs et des réseaux sociaux dans son excellent rapport sur le Futur du Web social.

«… pour tenter d’étendre la diffusion de son nouveau navigateur, Chrome, nous nous attendons à ce que Google adopte OpenId et ses connexions associées pour son navigateur ; on peut compter sur Firefox et finalement sur Internet Explorer pour copier cette fonctionnalité. Facebook et Myspace vont probablement élaborer aussi des systèmes pour permettre à leurs utilisateurs de naviguer sur le Web depuis une session Facebook, en conservant le réseau social. Ces passerelles ne seront pas parfaites, mais elles permettront aux réseaux sociaux de coloniser des communautés et d’autres secteurs du Web, en étendant leur champ de découverte à d’autres sites, grâce à leur identifiant partagé. Résultat, d’ici deux ans, les identités nomades seront partout présentes en ligne, lorsque le système sera arrivé à maturité. »

Il est logique de déduire de cette analyse que la frontière entre navigateurs et réseaux sociaux sera de plus en plus mince, et que ces deux sortes de logiciels vont très probablement entrer en compétition.

Le navigateur comme réseau social, le réseau social comme navigateur

Dans quelques mois et non dans quelques années, le navigateur Firefox aura vraisemblablement une allure très très différente. La Fondation doit se dépêcher d’innover plus encore qu’on ne peut l’imaginer, maintenant que sa principale source de revenus (Google) a lancé son propre navigateur. Firefox tout comme Facebook doivent sûrement déjà travailler dur à imaginer de nouveaux modèles générateurs de ressources publicitaires – ils en sont tous deux dépendants, mais aucun ne peut les considérer comme garanties.

Il y a trois semaines nous avons écrit un billet sur les projets de la Fondation pour qu’on puisse utiliser les lignes de commande d’Ubiquity dans la barre d’adresse. Ce qui signifie que vos applications seront accessibles et gérables depuis votre navigateur.

Si Facebook tend à se comporter de plus en plus comme un système d’exploitation avec sa plateforme d’applications, c’est aussi le cas pour Firefox – qui a en outre l’avantage de donner accès aux applications sur le bureau, sur le Web, et via des RIA (NdT : Rich Internet Application). Facebook a lancé sa propre interface Web la semaine dernière et nous serions prêts à parier qu’il ressemblera de plus en plus à un navigateur dans un futur proche, mais Firefox a une énorme avance dans ce domaine.

Facebook dispose déjà de pages de cadres pour les liens partagés via le site, ce qui maintient la navigation dans la sphère de Facebook. il n’est pas difficile d’imaginer une barre de recherche placée dans ce cadre.

Dans le billet consacré à Ubiquity, nous avons aussi mentionné les expérimentations de l’équipe chargée de l’ergonomie de Firefox. Il s’agirait de remplacer les onglets par une interface qui ressemble beaucoup à celle de iTunes.

Exactement comme le fait iTunes avec les listes de lecture, c’est-à-dire en organisant le contenu par type et catégorie, Firefox peut commencer à offrir d’autres façons d’organiser des informations que l’on consomme passivement en naviguant. Il y a deux semaines nous parlions des propositions du responsable du design chez Firefox, Alex Faaborg : comment capturer les évènements, la localisation et d’autres informations de microformat et les fournir en coordination avec d’autres applications comme Google Earth et le calendrier.

Est-ce que Facebook aimerait tirer profit des données qu’il collecte pendant que vous parcourez le Web dans tous les sens ? N’ayez aucun doute là-dessus, c’est bien un des objectifs cachés derrière le célèbre Facebook Connect. Cette fonctionnalité exige que les utilisateurs donnent à Facebook leur permission à chaque fois qu’ils souhaitent connecter ce réseau social avec la poignée de pages qui supportent ce système d’identification. Firefox a un avantage important sur ce point, car il dispose de facto de l’autorisation de ses utilisateurs pour interagir avec les données de toutes les pages que nous parcourons avec le navigateur. Facebook ne va pas tarder à vouloir en faire autant.

Firefox tel que le conçoit Faaborg est un concurrent en pole position en termes d’identification comme de nomadisme des données (tout à fait comme le prédisait Owyang plus haut). Tout ce qu’il reste à faire à Firefox c’est d’offrir une messagerie entre ses utilisateurs et un fil de nouvelles branché sur toutes leurs activités déjà existantes sur leur réseau social. Firefox pourrait utiliser Facebook Connect, pour commencer. Comment Facebook pourrait-il rivaliser avec un logiciel social qui permet de démultiplier les identités virtuelles (vos collègues/amis percevant différentes facettes de vous-même) et de s’affranchir des limites bien nettes des réseaux sociaux ordinaires ? Voilà des approches que Facebook devrait sans doute bientôt adopter lui aussi.

Pour couronner le tout, Firefox se bat férocement sur le front du mobile. C’est un secteur sur lequel Facebook a déjà une sérieuse option. Ce sera bientôt un champ de bataille crucial pour les deux entreprises.

Un autre énorme avantage de Facebook est d’avoir une équipe dont les compétences en conception de logiciel foncièrement social ne sont plus à prouver. C’est moins le cas pour Firefox, dont les développeurs et l’écosystème de développement prennent appui sur le navigateur comme outil personnel.

Pensez-y deux minutes, pourtant. Ajoutez la messagerie, des profils publics et des flux d’activités à Firefox et on peut imaginer que la mayonnaise prenne – aucun problème. Firefox pourrait parvenir, ou non, à diffuser ce genre d’idées auprès de tous ses usagers, mais ses chances sont plutôt bonnes, et le navigateur devenu réseau social a davantage d’utilisateurs actifs que le réseau social qui se mue en navigateur.

Notes

[1] Crédit photo : Ed Yourdon (Creative Commons By-Sa)




Kidimath : le nouveau projet Sésamath pour élèves (et parents)

Kidimath - Sésamath« À l’heure où de plus en plus de sites payants d’accompagnement à la scolarité fleurissent sur l’internet, Sésamath a décidé d’ouvrir un espace dédié, entièrement gratuit, sans aucune publicité, dans un esprit de service public. »

C’est ainsi qu’est introduit le projet Kidimath dans la brochure dont j’ai déjà eu l’occasion de parler.

En attendant (impatiemment) l’ouverture officielle du site, prévue le 30 mai, nous avons eu envie d’en savoir plus en interrogeant Noël Debarle, qui anime, entre autres choses, le très intéressant blog de Sésamath.

Vous trouverez ci-dessous en bonus une courte vidéo présentant le projet.

Entretien avec Sésamath

aKa : Bonjour Sésamath, alors comment vous portez-vous après toutes ces années ?

Noël Debarle : Bien ! Officiellement, Sésamath aura 10 ans en 2011. Mais comme les premiers contacts et échanges ont eu lieu dès 1998, 1999, on peut dire que Sésamath a déjà 10 ans : peut-être l’âge de raison !

L’association grandit à tous points de vue, dans un monde de l’éducation qui bouge et qui est passablement compliqué… et donc il faut chaque fois se remettre en question. L’une des maximes fortes de Sésamath « Modestement, mais résolument » n’a sans doute jamais été aussi vraie que maintenant.

Par ailleurs, Sésamath essaie de plus en plus d’expliciter la philosophie qui sous-tend son action. C’est par exemple le cas dans la brochure qui sera envoyée dans tous les collèges français à la fin de ce mois, brochure qui contient une « profession de foi ». Juste une phrase qui permet de bien situer cette philosophie : « Sésamath est une association à but non lucratif dont la philosophie repose sur l’ouverture, la solidarité et l’entraide. »

Mais quel est donc ce nouveau et ambitieux projet « Kidimath » ?

Kidimath est d’abord une réponse à un besoin et une attente. En effet, de nombreux élèves et parents nous écrivent régulièrement pour témoigner de leur utilisation des ressources de Sésamath. Or la mise à disposition de ces ressources a été essentiellement pensée par des profs, pour des profs… et pas directement pour des élèves ou leurs parents.

Créer des ressources et les mettre en ligne est une chose, faire en sorte qu’elles soient accessibles et faciles de prises en main pour différents types d’utilisateurs est clairement une autre chose. C’est l’effort principal de Sésamath cette année. Le corollaire de la mise en place d’un espace réservé au profs (Sésaprof) est la création de cet espace destiné aux familles (Kidimath). Entre les 2, Sésamath fait également évoluer la version réseau de Mathenpoche, remplacée par Labomep en Septembre prochain. Pourquoi entre les 2 ? car Labomep est un espace dans lequel les enseignants peuvent créer des séances pour leurs élèves, qu’ils soient en classe ou à la maison.

Sésaprof, Kidimath et Labomep ont été pensés par rapport aux utilisateurs, en intégrant toutes les ressources crées par Sésamath, et même au-delà : une sorte de Sésamath 2.0

Kidimath, un « espace non marchand » dans le milieu très marchand des sites d’accompagnement scolaire ?

Il y a d’autres initiatives très réussies… Je pense notamment à Cyberpapy. On ressent dans ce genre de site que toute l’énergie est déployée pour une utilité maximale pour les élèves et pas dans la recherche de rentabilité.

Malheureusement, les Maths sont fortement associés à la sélection et on arrive vite à la sélection par l’argent. Il y a ceux qui peuvent éventuellement se payer des cours particuliers… et les autres. C’est d’autant plus paradoxal, d’une certaine façon, qu’il n’y a pas plus ouvert que les Mathématiques, François Elie le rappelle d’ailleurs souvent quand il fait l’analogie entre la libération du logiciel et la libération des Mathématiques il y a plusieurs siècles.

On serait très content dans Sésamath, si les Maths pouvaient plutôt être associées à des notions de solidarité, d’échange et de partage. Sans publicité, gratuit, ouvert à tous, nous espérons que Kidimath y contribuera.

Pour la première fois, vous ne vous adressez plus aux enseignants mais directement aux élèves et aux parents hors temps scolaire, comment avez pris en compte cela dans Kidimath ?

Nous avons eu la chance de travailler avec un collègue documentaliste, qui a fait son mémoire sur ce projet. Et d’ailleurs nous espérons poursuivre nos échanges avec les documentalistes, qui accompagnent très efficacement les élèves.

La difficulté est d’essayer de rendre le contenu accessible sans perdre en rigueur. En effet, l’objectif essentiel de Kidimath est de permettre aux élèves d’améliorer leurs résultats en Maths : pour cela, il est nécessaire de coller assez fortement aux attentes des professeurs sur le terrain. Mais Kidimath a aussi pour ambition de susciter du plaisir à faire des Maths et c’est pourquoi toute une partie du site est consacrée aux jeux en Mathématiques, avec par exemple le passage de ceintures de calcul mental. Si vous avez envie de devenir ceinture noire dixième dan de calcul mental, ce sera bientôt possible sur Kidimath !

Comme tout projet à ses débuts, Kidimath va également nous servir de laboratoire pour tester un certain nombre de choses afin d’améliorer constamment le site. Bref, on est plutôt au début d’une nouvelle aventure.

Pensez-vous que ce site soit susceptible de redonner à certains de « l’appétence » pour les mathématiques ?

Nous l’espérons en effet. C’est d’ailleurs ce que nous disent déjà beaucoup d’élèves et de parents concernant Mathenpoche. Maintenant, un certain nombre de questions restent posées : comment vont s’articuler les passages entre la partie « jeux » et la partie plus scolaire ? Est-ce que d’autres types d’accompagnements seront nécessaires (forums…) ?

Kidimath est amené à évoluer et toutes les bonnes idées seront les bienvenues… en particulier celles des nombreux lecteurs de ce blog !

Kidimath ou Facebook, quel sera le choix des élèves une fois rentrés à la maison ?

Qui sait ?

Ce qui est certain, c’est que Facebook existe, est gratuit et facile d’accès, offre des outils élaborés et est bien connu par nos élèves. Pour que les élèves aient le choix, il faudrait que Kidimath aient les mêmes caractéristiques.

Il est possible aussi que les parents aient leur mot à dire là-dedans… Kidimath leur est aussi destiné. Il est parfois difficile pour les parents d’aider efficacement leurs enfants. Des parents nous disent que Mathenpoche est pour eux une vraie bouffée d’oxygène. Kidimath devrait leur faciliter encore plus la tâche. Du moins nous l’espérons.

Et « le libre » dans tout ça, il se situe où dans Kidimath ? Plus dans l’état d’esprit que dans les outils ? Est-ce que n’importe qui peut télécharger et installer le site sur ses propres serveurs ?

L’ensemble des contenus et le site lui-même sera sous licence libre (mélange GPL, FDL et CCbysa). On va aussi travailler (plus tard) pour mettre l’ensemble en téléchargement.

Il y a beaucoup de contenus en Flash dans Kidimath. C’est un souci qu’on a identifié depuis longtemps. Et d’ailleurs on voit bien tout ce qu’on perd à ne pas avoir utilisé des outils libres à ce niveau. Mais avec le recul, il n’était sans doute pas possible de faire autrement. On espère toujours des alternatives viables !

Kidimath peut aussi être une vitrine d’autres logiciels libres en Mathématiques. Si certains ont des propositions, qu’ils nous contactent !

D’autres « grands projets » après Kidimath ?

Labomep sera ouvert en Septembre.

Sésamath travaille également sur les livrets proposant des activités TICE en Mathématiques, en liaison avec d’autres associations en lettres et en Histoire-Géographie.

Plus globalement, les contacts se multiplient avec les professeurs de Maths à l’étranger et nous espérons que cela conduise à des partenariats. Sésamath souhaite aussi travailler de plus en plus étroitement avec les chercheurs en didactique et en sciences de l’éducation pour améliorer les contenus proposer et étudier leur impact. Là aussi, des projets prometteurs sont en cours… donc on aura encore sans doute le plaisir de revenir discuter sur le Framablog.

Présentation vidéo de Kidimath

—> La vidéo au format webm




De l’art libre et de la Culture Libre par Antoine Moreau

Philippe Jimenez - Licence Art LibreNous sommes toujours ravis d’accueillir en ces lieux la prose d’Antoine Moreau, précurseur et visionnaire de l’Art Libre, à moins que ce ne soit l’art libre.

Justement, le simple fait de mettre ou ne pas mettre de majuscules au concept procède déjà du choix voire du parti pris. Et si le parti est pris, il n’est plus libre (cette dernière phrase étant une tentative maladroite de « faire moi aussi mon Antoine Moreau », mais c’est impossible, il est unique !).

Une conférence donnée à la Biennale de Montréal le 3 mai dernier qui interroge les relations entre l’art et la culture libre[1], en soulignant l’importance du copyleft, cet étrange mais fondatrice « interdiction d’interdire ».

De l’art libre et de la Culture Libre.

URL d’origine du document

Antoine Moreau – 3 mai 2009 – Licence Art Libre

Introduction.

La rupture esthétique a ainsi installé une singulière forme d’efficacité : l’efficacité d’une déconnexion, d’une rupture du rapport entre les productions des savoir-faire artistiques et des fins sociales définies, entre des formes sensibles, les significations qu’on peut y lire et les effets qu’elles peuvent produire. On peut le dire autrement : l’efficacité d’un dissensus[2].

Si l’expérience esthétique touche à la politique, c’est qu’elle se définit aussi comme expérience de dissensus, opposée à l’adaptation mimétique ou éthique des productions artistiques à fins sociales[3].

Avec la venue de l’internet et la généralisation du numérique dans de nombreuses pratiques culturelles nous observons la mise en place d’un nouveau type de culture nommée « Culture Libre »[4] basée sur le partage et la diffusion des productions de l’esprit. « Libre » fait ici référence aux logiciels libres dont le code-source est ouvert. Ils sont définis par quatre libertés fondamentales : liberté d’exécuter le programme, d’en étudier le fonctionnement, de redistribuer des copies et d’améliorer le programme (et de publier ces améliorations).

La question des droits d’auteur est au cœur de cette nouvelle donne culturelle. Un juriste, Lawrence Lessig, en 2001, s’est inspiré des principes de création des logiciels libres pour rédiger des licences dites « libres »[5] pour les œuvres non logicielles. Mais on ne pourrait réduire l’intention d’ouvrir la création à des questions de droit et je vais essayer de vous montrer que c’est le processus de création artistique lui-même qui ouvre et libère la création.
Un an avant l’apparition des licences Creatives Commons, en janvier puis en mars 2000, j’organisais avec un groupe d’artistes[6] les Rencontres Copyleft Attitude. Elles ont donné naissance à la Licence Art Libre, rédigée en juillet 2000[7]. C’est une licence libre de type copyleft, inspirée de la General Public License[8] et recommandée par la Free Software Foundation en ces termes :

We don’t take the position that artistic or entertainment works must be free, but if you want to make one free, we recommend the Free Art License[9].

Voici un extrait du préambule de la Licence Art Libre :

Avec la Licence Art Libre, l’autorisation est donnée de copier, de diffuser et de transformer librement les oeuvres dans le respect des droits de l’auteur.
Loin d’ignorer ces droits, la Licence Art Libre les reconnaît et les protège. Elle en reformule l’exercice en permettant à tout un chacun de faire un usage créatif des productions de l’esprit quels que soient leur genre et leur forme d’expression. (…) L’intention est d’autoriser l’utilisation des ressources d’une oeuvre ; créer de nouvelles conditions de création pour amplifier les possibilités de création. La Licence Art Libre permet d’avoir jouissance des oeuvres tout en reconnaissant les droits et les responsabilités de chacun.
Elle s’appuie sur le droit français, est valable dans tous les pays ayant signé la Convention de Berne[10].

Cette initiative d’artistes, n’était pas tant motivée par des questions liées au droit d’auteur ou à l’informatique, que par le processus de création qu’ils éprouvaient dans leurs pratiques. Il s’agissait d’observer ce que le numérique et l’internet fait à la création pour en prendre acte et agir en conséquence. Agir en phase avec l’écosystème du net et du numérique qui ne fait, en fait, que confirmer nos pratiques artistiques ordinaires. Le logiciel libre ouvre tout simplement la voie pour formaliser nos intentions de créations libres.
Aujourd’hui, cette préoccupation artistique est devenue une occupation sociale, culturelle, politique et économique. En m’appuyant notamment sur les notions de « société close » et « société ouverte » développées par Bergson[11], je vais tenter de clarifier ce qui se joue entre la « culture libre » et l’« art libre ».
Tout d’abord essayons de comprendre ce que fait la Culture Libre à la Culture.

1. Ce que fait la Culture Libre à la Culture.

Si nous entendons par « Culture » ce qui « permet à l’homme non seulement de s’adapter à son milieu, mais aussi d’adapter celui-ci à lui-même, à ses besoins et à ses projets », alors la « Culture Libre » est une adaptation à cette nouvelle donne naturelle qu’est l’immatériel, mais également ce qui « rend possible la transformation de cette nature »[12] portée par le numérique.

Ce nouveau paradigme, nous devons reconnaître qu’il procède d’une nouvelle dogmatique[13]. Il s’agit, pour la Culture Libre, comme pour toute culture, d’instituer ce qui va faire tenir une société et ses sujets à l’intérieur de celle-ci. Cette nécessité institutionnelle est indéniable et la Biennale de Montréal consacrée à la Culture Libre en est le signe. Voyons maintenant ce que l’Art Libre fait à la Culture Libre.

2. Ce que fait l’Art Libre à la Culture Libre.

Distinguons la culture de l’art. Sans les opposer frontalement, il s’agit de ne pas les confondre, prendre acte du hiatus qu’il y a entre ces deux notions. Disons-le d’une formule simple, qui prend la lettre comme image : la culture est une police de caractères, l’art est du vent dans les glyphes[14]. Le sculpteur Carl André le dit autrement : « La culture, c’est ce que d’autres m’ont fait. L’art, c’est ce que je fais à d’autres[15]. »

Ce qui diffère l’art libre de la Culture Libre, c’est ce je-ne-sais-quoi et presque-rien[16] qui procède davantage de la sensibilité que du raisonnement. L’art libre est une trouée dans la Culture Libre. Car si toute culture peut être comparée à un édifice, l’art est alors une fenêtre ou une porte, toutes ouvertures, tout vide qui laisse passer l’air. L’air de rien, l’art est là dans le passage qui permet la respiration. Ce que fait l’art libre à la Culture Libre, c’est d’ouvrir ce qui s’offre à l’ouverture, de mettre en branle ce qui se met en mouvement, d’émanciper ce qui se libère. Car si la Culture Libre procède d’une intention de liberté, l’art libre procède d’une liberté libre, celle qu’exprime le poète aux semelles de vent lorsqu’il constate : « Que voulez-vous, je m’entête affreusement à adorer la liberté libre (…)[17]. »

La « liberté libre » c’est ce qui est imprenable, comme on le dit de la vue imprenable qui offre un paysage protégé des captations propriétaires. C’est ce que fait, précisément, le copyleft en interdisant la prise exclusive des œuvres ouvertes qui s’offrent au bien commun. C’est l’objet de la Licence Art Libre et la licence Creative Commons Attribution-Share Alike[18], licences copyleft pour ce qui concerne les créations hors logiciel.

L’art libre échappe donc très concrètement à l’appropriation exclusive. Comme tous langages, il traverse et nourrit les esprits pour à nouveau se transporter et ainsi de suite, sans cesse et sans fin, de façon à créer au passage, des objets tangibles, traces de langages. Mots, images, sons, gestes, etc. Ainsi, l’art, libre, se renouvelle et demeure vivant. Imprenable définitivement, il ne se prend et ne se comprend que momentanément dans le mouvement même de son apparition et de sa création. Et ce moment là est aussi un moment d’éternité. L’art libre, grâce au copyleft, ne peut pas être captif d’une emprise qui voudrait en arrêter le cours. C’est la raison pour laquelle, par ailleurs, même s’il produit des objets apparemment finis, l’art libre est davantage un mouvement gracieux qu’un objet quand bien même serait-il gratuit. Il ne s’agit pas de nier la production d’objets, mais d’observer l’opération qui se fait entre esprit et matière. Ceci est amplifié avec l’immatériel qui :

(…) trouve sa source dans la séparation du matériel et du logiciel. (…) Tout document informatiquement conservé n’existe que sous forme de bribes disjointes, qu’il peut être dupliqué et multiplié, retouché et transformé. Il ne s’agit pas de matière d’une chose, mais d’un état de la matière, celle des circuits. Il ne s’agit pas des circuits en tant que circuits mais de leur état physique. Il ne s’agit pas de matériel versus immatériel, mais d’état de la matière (…)[19].

En posant le copyleft comme principe conducteur, l’art libre[20] renoue avec ce qu’a toujours été l’art depuis la nuit des temps, avant même que soit reconnue son histoire : une mise en forme de ce que produit l’esprit, insoumise à la culture qui voudrait la comprendre et la dominer. Cet exercice invente des formes qui découvrent l’esprit humain au delà de l’imagination, au delà d’un projet, d’une projection calculée. Sans raison, si ce n’est celle qui excède le raisonnement calculateur. Car il s’agit d’être en présence de ce qui se donne, du don qui élève, sans penser au retour sur investissement. C’est en cela que l’art est une pratique libre par excellence qui émancipe y compris l’idée de liberté quand celle-ci devient un mot d’ordre, un absolu, un fétiche ou une qualité culturelle.
Pour paraphraser Adorno nous dirons alors que : l’art libre c’est ce qui résiste à son assimilation culturellement libre[21].

Mais l’art libre, en trouant la culture libre, en procédant par négativité, n’est pas pour autant iconoclaste et négateur. Il ne détruit pas son cadre d’exercice, il le travaille au corps, il en fait de la dentelle. Plus celle-ci est fine, plus elle est forte. L’art libre porte attention à ce qui fait tenir la fabrique de l’esprit humain : la culture aérée par l’art. Sans ce souci d’aération, c’est l’étouffement, c’est le renfermement. Y compris le renfermement « libre » d’une « Culture Libre ». C’est bien pourquoi l’initiative de Copyleft Attitude, qui a eu pour conséquence la rédaction de la Licence Art Libre, n’a pas été le fruit d’un raisonnement savant mais le passage à l’acte d’une intuition. Car si la Culture Libre est intelligente, on parle même d’intelligence collective, l’art libre, lui, est une pratique qui se passe sans trop de réflexion. C’est ce passage à l’acte qui ouvre et invente la vie et la création qui va avec.

Il est de l’essence du raisonnement de nous enfermer dans le cercle du donné. Mais l’action brise le cercle. Si vous n’aviez jamais vu un homme nager, vous me diriez peut-être que nager est chose impossible, attendu que, pour apprendre à nager, il faudrait commencer par se tenir sur l’eau, et par conséquent savoir nager déjà. Le raisonnement me clouera toujours, en effet, à la terre ferme. Mais si, tout bonnement, je me jette à l’eau sans avoir peur, je me soutiendrai d’abord sur l’eau tant bien que mal et en me débattant contre elle, et peu à peu je m’adapterai à ce nouveau milieu, j’apprendrai à nager (…) Il faut brusquer les choses, et, par un acte de volonté, pousser l’intelligence hors de chez elle[22].

Voyons maintenant de quelle nature est l’art libre en émettant l’hypothèse qu’il est une création qui tend à l’incréé.

3. L’art libre tend à l’incréé.

Décréation : faire passer du créé dans l’incréé.
Destruction : faire passer du créé dans le néant. Ersatz coupable de la décréation.
(…)
La création : le bien mis en morceaux et éparpillé à travers le mal.
Le mal est l’illimité, mais il n’est pas l’infini.
Seul l’infini limite l’illimité[23].

Nous le constatons, l’art libre est un art qui n’a pas forcément les qualités reconnues habituellement à la création artistique. Du fait de son ouverture, il prend aussi le risque d’une destruction. Mais, son mouvement procède d’une décréation qui ouvre sur l’incréé car, s’il œuvre, c’est en passant. Il peut-être passable et fort médiocre comme possiblement génial. Si nous essayons de trouver des repères dans l’histoire de l’art récente nous pourrions dire qu’il relève de l’art brut inventé par Dubuffet et du readymade de Duchamp. Art brut, parce qu’il est fait par « l’homme du commun à l’ouvrage »[24] sans trop de volonté artistique et readymade parce qu’il est déjà fait et qu’il suffit de l’observer avec des yeux d’artiste.

Quel est le plus difficile de tout ? Ce qui te paraît le plus facile : Voir avec tes yeux ce qui se trouve devant tes yeux[25].

Maintenant que nous avons posé l’art libre en rapport avec la Culture Libre, posons-nous la question :

4. Une Culture Libre est-elle possible, est-elle souhaitable ?

Non seulement la Culture Libre est possible mais elle est inévitable, car elle procède d’une logique (im)matérialiste propre à la numérisation de la culture mondiale via les pratiques qui vont avec et notamment via l’internet, mais pas seulement. Par contre, elle n’est souhaitable que si, et seulement si, elle comprend le mouvement imprenable d’une création qui tend à l’incréé. Sinon,

(…) se referme le cercle momentanément ouvert. Une partie du nouveau s’est coulé dans le moule de l’ancien ; l’aspiration individuelle est devenue pression sociale ; l’obligation couvre le tout[26].

Pour maintenir ce qui s’ouvre et ne pas voir refermer le cercle, l’institution du copyleft est nécessaire car il interdit de refermer ce qui a été ouvert. S’agirait-il finalement de modifier le Code de Propriété Intellectuelle de façon à ce que soit inclus, comme droit de l’auteur, la copie, la diffusion et la modification des œuvres sans autoriser la captation exclusive ? Une sorte de domaine public, mais qui reste ouvert et ne peut être refermé. Sans doute, cette piste est-elle à envisager[27].

5. L’art libre : de l’art tout simplement possible.

Et si c’était l’art, activité considérée comme dépassée[28], qui, avec le copyleft comme principe de création, demeurait toujours possible ? Possible car impossible à clore de façon définitive. Un possible toujours à faire, une impossible affaire dont on n’a pas fini de faire le tour. Car la « réelle présence »[29] de l’art (libre) ne se confond pas avec le présent de la Culture (Libre), même s’il peut y prendre part. L’art libre serait alors le fil conducteur ténu mais persistant de ce qu’une Culture Libre promet, mais sans pouvoir le faire tenir durablement : une société ouverte à tous et à chacun et qui ne se referme pas mais poursuit tout simplement son mouvement gracieux d’ouverture.

Ainsi, pour celui qui contemple l’univers avec des yeux d’artiste, c’est la grâce qui se lit à travers la beauté et c’est la bonté qui transparaît sous la grâce. Toute chose manifeste, dans le mouvement que sa forme enregistre, la générosité infinie d’un principe qui se donne[30].

« De l’art libre et de la Culture Libre », Antoine Moreau
Texte de la conférence donnée le 03 mai 2009 lors de la Biennale de Montréal
Copyleft : ce texte est libre, vous pouvez le copier, le diffuser et le modifier selon les termes de la Licence Art Libre

Notes

[1] Crédit photo : Philippe Jimenez (Licence Art Libre)

[2] Jacques Rancière, Le spectateur émancipé, La Fabrique éditions, Paris, 2008, p 66.

[3] Jacques Rancière, Idem, p 67.

[4] Lawrence Lessig Free Culture, how big media uses technology and the law to lock down culture and control creativity, Penguin USA, 2004, traduction française en téléchargement sur ReadWriteWeb.

[5] Les licences Creatives Commons, au nombre de 11 à l’origine, puis de 6 (sans compter les cas particuliers).

[6] Regroupés autour de la revue Allotopie (François Deck, Emmanuelle Gall, Antonio Gallego, Roberto Martinez).

[7] Par Mélanie Clément-Fontaine, David Geraud (juristes) et Isabelle Vodjdani, Antoine Moreau (artistes).

[8] GPL version 3. Traduction non officielle en français de la version 2.

[9] GNU Operating System, Licenses,

[10] Licence Art Libre.

[11] Henri Bergson, Les deux sources de la morale et de la religion, PUF, Quadrige, Paris, 1988.

[12] Denys Cuche, La notion de culture dans les sciences sociales, La découverte, Paris, 1996, 2001, 2004, p.3.

[13] « Dogmatique est le discours occupant la place mythique de la vérité et, de ce fait, servant de fondement aux images identificatoires, pour la société en tant que telle et pour tout sujet ressortissant de cette représentation. » Pierre Legendre, Leçons VI. Les enfants du Texte. Étude sur la fonction parentale des États, Fayard, 1992, p. 68.

[14] « Représentation graphique en variation d’un signe ou caractère typographique. » Wictionary.

[15] Carl André, cité par Boris Groys, Politique de l’immortalité, quatre entretiens avec Thomas Knoefel, Maren Sell Éditeurs, Paris, 2002-2005, p. 77.

[16] Vladimir Jankélevitch, Le Je-ne-sais-quoi et le Presque-rien 1/ La manière et l’occasion, Seuil, Essais, 1980.

[17] Arthur Rimbaud, Lettre à Georges Izambard – 2 novembre 1870.

[18] Attribution-Share Alike 3.0 Unported.

[19] C. Herrenschmidt, Les trois écritures. Langue, nombres, code, Gallimard, 2007, p. 453, 454.

[20] Ne mettons pas de majuscule pour signifier qu’il n’a rien de grandiose.

[21] Cité par Christiane Carlut : « Adorno définissait l’œuvre d’art en tant que résistance à son assimilation au culturel », Copyright \ Copywrong, Éditions MeMo, 2003, p. 18.

[22] Henri Bergson, L’évolution créatrice, PUF, Quadrige, 2006, p.193-195.

[23] Simone Weil, La pesanteur et la grâce, Plon, Agora, 1947 et 1988, p. 81 et p.130.

[24] Jean Dubuffet, L’homme du commun à l’ouvrage, Gallimard, Idées, 1973.

[25] Goethe, Xenien, cité par Pierre Hadot, Le voile d’Isis, Gallimard, Folio, p. 332.

[26] Henri Bergson. Les deux sources de la morale et de la religion, PUF, Quadrige, Paris, 1988, p. 284.

[27] À notre connaissance, cette piste a été envisagée par Mélanie Clément-Fontaine dans son article « Faut-il consacrer un statut légal de l’œuvre libre ? » PI, n° 26, janvier 2008.

[28] « L’art n’apporte plus aux besoins spirituels cette satisfaction que des époques et des nations du passé y ont cherchée et n’ont trouvé qu’en lui (…). L’art est et reste pour nous, quant à sa destination la plus haute, quelque chose de révolu. Il a, de ce fait, perdu aussi pour nous sa vérité et sa vie authentique. » Hegel, Cours d’esthétique, Tome 1, Aubier, Paris, 1995-1997, p. 17 & 18, cité par Bernard Bourgeois, Le vocabulaire de Hegel, Ellipses, Paris 2000, p. 12.

[29] Référence au livre de Georges Steiner, Réelles présences, les arts du sens, Gallimard Folio, 1994.

[30] Bergson, La pensée et le mouvement, PUF, 2003, p. 280 cité Pierre Hadot, op. cit., Gallimard, Folio, p. 296.




Le journal La Croix consacre un dossier au logiciel libre

Intéressante évocation du logiciel libre dans le journal La Croix du jour. D’abord parce qu’on y parle de libre dans un grand quotidien, mais aussi par le contenu des articles (pluriels, et qui forment donc un véritable dossier).

Il y a tout d’abord l’article Les logiciels libres, histoire d’un succès qui introduit le dossier.

Depuis leur apparition il y a vingt-cinq ans, les logiciels libres n’ont cessé de se développer, convainquant un large public, professionnels comme amateurs, entreprises comme administrations, de l’efficacité de leur modèle de développement.

On y parle de vente liée, de Stallman et des méthodes de travail du libre. Une large place est faite au témoignage d’Alexandre Zapolsky (président de la FniLL et de Linagora), pour qui le libre sait s’adapter aux difficultés des temps actuels.

Reste que « le libre profite de la crise », selon Alexandre Zapolsky. Jusque-là, les grands organismes ne voulaient pas prendre de risques en abandonnant le « propriétaire » au motif que, selon Loïc Rivière, « la possibilité de l’accès au code peut tenter des personnes mal intentionnées ». « Mais cette frilosité s’estompe avec les restrictions budgétaires », reprend Alexandre Zapolsky. L’argument économique n’est cependant pas la seule cause de la progression du secteur : « Nos clients veulent leur indépendance à l’égard des grands éditeurs et fournisseurs », ajoute le président de la FniLL.

J’ai noté une double citation, de l’Afdel et de NKM, qui pourrait faire l’objet d’un petit débat.

Des solutions qui coûtent souvent beaucoup moins cher que celles qui font appel à des logiciels propriétaires. « C’est moins cher à court terme, mais à long terme, les services achetés à une société du libre peuvent coûter plus cher que l’acquisition d’un logiciel propriétaire », rétorque Loïc Rivière, délégué général de l’Association française des éditeurs de logiciels (Afdel), qui veille à ce que l’État reste neutre en face du choix de solutions entre « libre » et « propriétaire ».

(…) « Ce que beaucoup redoutent, ce n’est pas forcément le libre, mais c’est la migration vers un environnement différent, analyse Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d’État au développement de l’économie numérique. Pour les collectivités, l’État finance beaucoup de formations aux logiciels libres en direction des élus. Mais on ne peut pas les forcer à faire le choix entre libre et propriétaire. »

L’Angleterre semble avoir fait un choix différent. Il ne s’agit pas de forcer mais d’inciter fortement pour les raisons que l’on sait (par exemple en parcourant les cinq cents articles du Framablog !).

Un deuxième article s’intitule Peaufiner les logiciels est un modèle de science participative.

Il s’agit donc de comprendre un peu mieux comment fonctionne le logiciel libre et de faire plus ample connaissance avec tous ces gens qui gravitent autour non, sans un certain enthousiasme.

Parmi eux, il y a un administrateur de Rue89, l’incontournable April et… notre ami Pierre-Yves (alias Pyg quand il est rédacteur du Framablog). Ce dernier me fait savoir dans l’oreillette que retenir ce qui suit sur près d’une heure d’entretien téléphonique avec la journaliste, c’est un peu… frustrant ! (d’autant qu’il lui arrive d’être barbu et de manger des pizzas à 3 heures du mat’).

« Nous ne sommes pas des utopistes barbus qui mangent de la pizza à 3 heures du matin. » Pierre-Yves Gosset, délégué général de l’association Framasoft, s’élève contre les clichés qui frappent les développeurs de logiciels libres. « Les gens pensent toujours que c’est un sujet technique seulement maîtrisé par les informaticiens », déplore-t-il.

Lancé par des spécialistes en informatique, le mouvement du « libre » rassemble aujourd’hui des profils très divers, techniciens comme profanes. Framasoft structure un réseau de sites Internet et met à la disposition du public des ressources sur les logiciels libres.

Avec une volonté participative : ce sont les utilisateurs de logiciels eux-mêmes qui rédigent leur présentation, enrichissent l’annuaire, traduisent des textes pour les mettre à la portée de tous. « Nous encourageons les utilisateurs à s’entraider et à publier de l’information, c’est une sorte de “Wikipedia du libre” », précise Pierre-Yves Gosset.

(…) À distance, un échange se crée entre développeurs professionnels, traducteurs bénévoles, utilisateurs vigilants. Leur passion commune permet d’améliorer sans cesse les logiciels existants, ou d’en créer de nouveaux. « Le public est très varié, confirme Pierre-Yves Gosset. Il y a des médecins, des plombiers, des couturières. Chacun peut devenir producteur et créateur. »

Quand je pense qu’il ne m’a jamais présenté la couturière ! Bref passons…

Par contraste, « l’enfermement du savoir » est le principal reproche adressé aux logiciels propriétaires. « Le logiciel est l’expression technique d’une idée, affirme Pierre-Yves Gosset. C’est un enjeu éthique : est-ce que le marché peut s’approprier quelque chose qui relève du bien commun ? »

(…) Les acteurs du libre refusent néanmoins qu’on leur prête des intentions idéologiques. Bill Gates, le richissime fondateur de Microsoft, les surnomme « les communistes d’un nouveau genre ». Ils admettent en revanche défendre une vision « citoyenne ». Pierre-Yves Gosset résume les valeurs du « libre » par une devise bien connue : « Liberté, égalité, fraternité. »

Fallait bien la placer quelque part la devise 😉

Un troisième article se demande si Le logiciel libre paraît-il utopique ? dans une sorte de dialogue entre NKM et François Elie (cf la récente interview).

L’avis de NKM sur le sujet laisse à penser qu’elle a bien compris le logiciel libre et ses enjeux. De quoi être malgré tout un peu optimiste pour la période gouvernementale post-Hadopi ?

« Le logiciel libre est d’abord une philosophie, avant d’être un standard ou un modèle économique. Je n’irais pas jusqu’à dire que c’est une religion, bien que l’on parle des commandements du logiciel libre !

(…) Le modèle de financement du libre est cependant plus fragile que celui du logiciel dit propriétaire. Les éditeurs de logiciels disposent de la rente annuelle de licences. Dans le libre, il faut sans cesse inventer et améliorer des produits pour pouvoir survivre. L’avantage du libre est son caractère innovant.

(…) Le libre est un peu l’anti-trust d’un secteur facilement monopolistique. Du coup, la philosophie du libre s’étend et un équilibre dynamique s’installe entre “libre” et “propriétaire” avec des mouvements de vague tantôt dans un sens tantôt dans l’autre. Je ne crois donc pas que cette évolution aboutisse à la disparition du propriétaire. »

C’est pourtant ce que prophétise peu ou prou François Elie dans son livre Économie du logiciel libre.

Il n’y a pas de fatalité à ce que ce logiciel soit propriétaire. Toute l’informatique est en train de basculer vers un autre modèle. Même Microsoft songe à basculer vers le libre. »

Il y a également un petit Lexique sur les logiciels libres expliquant le logiciel libre, l’open source, le logiciel propriétaire, et la licence GPL.

D’habitude lorsque le Framablog pointe un article de presse autour du logiciel libre, il y a toujours de « gentils pinailleurs » prêts à dégainer dans les commentaires pour en souligner les inexactitudes (sachant qu’il n’est pas toujours simple de vulgariser le logiciel libre, sachant aussi que ces précisions apportent de l’information aux lecteurs du blog).

En ira-t-il de même ici ? Vous le saurez en parcourant… les commentaires 😉