Framavox : discutez, décidez, et faites entendre votre voix !

Dans les associations, les collectifs, les groupes de travail… ou même lorsque l’on passe sa nuit debout, il est un point essentiel de la collaboration : comment prendre des décisions ensemble ?

Bien entendu, le numérique peut être un outil formidable en cela : même séparés géographiquement, on peut discuter, se positionner, changer d’avis au cours des échanges. Chose amusante, c’est le logiciel libre qui répond le mieux à ces problématiques (à tel point que nous avons eu du mal à trouver une alternative « made in GAFAM » à cette nouvelle offre pour notre carte Dégooglisons Internet ^^ !)

Tour de Framavox en deux listes à puces

Nous sommes donc fiers de mettre en avant les fonctionnalités du logiciel libre Loomio dans ce nouveau service : Framavox.

Voici un outil collaboratif de prise de décisions qui vous permet de :

  • Créer un groupe de discussion/décisions (ouvert, privé ou fermé)
  • Rejoindre un groupe ouvert ou demander à intégrer un groupe privé
  • Inviter des personnes à rejoindre votre groupe
  • Créer des discussions au sein de ce groupe
  • Échanger et se répondre dans ces discussions (comme un fil de réseau social)
  • Présenter au vote une proposition dans la discussion
  • Modifier votre vote au fil des échanges (jusqu’à la date de fin de la proposition)
  • Poursuivre les échanges et les votes à volonté (on doit attendre la clôture de la proposition précédente afin d’en proposer une nouvelle aux votes)
  • Aller jusqu’à créer des sous-groupes !

 

Le tout agrémenté de fonctionnalités très pratiques :

  • Les échanges sont conservés et indexés (barre de recherche)
  • Tous vos textes sont aisément mis en page avec la syntaxe Markdown
  • On peut répondre directement à un message (pour ne pas perdre le fil)
  • Ainsi que mentionner une personne pour qu’elle soit notifiée
  • Un système de notifications et de réponses par email est inclus
  • On profite d’une ergonomie agréable (de type réseau social)
  • Les groupes, sous-groupes, discussions et comptes utilisateurs sont paramétrables et personnalisables

Tout cela est à votre disposition sur Framavox.org !

Le tutoriel pour l’auto-hébergement est disponible dans le Framaclahoude.

Démonstration en vidéo (réalisée par Fréderic Véron, qui a gentiment répondu à notre sollicitation)

 

Framavox illustré en un exemple concret

Le Groupe d’Action pour le Gras a des décisions à prendre…

Sandrine (dont la vie associative est bien remplie…) est une membre du G.A.G., le « Groupe d’Action pour le Gras » dont la devise est « Le gras, c’est la vie. » Les membres de cette association ont du mal à se réunir physiquement pour prendre toutes les décisions nécessaires.

Elle décide donc de créer un groupe pour l’association sur Framavox… C’est simple : elle se crée un compte, puis elle s’y connecte pour créer le groupe.

01 framavox creer groupe

Sandrine décide de créer un groupe fermé, car elle voit dans la documentation de Loomio (traduite en français par l’infatigable groupe Framalang) qu’elle pourra modifier ce paramètre ultérieurement.

Dès la création, une première discussion de « bienvenue » est créée. L’œil de lynx de Sandrine y repère bien vite :

      1. La zone d’accès rapides aux discussions récentes / non lues et à ses groupes
      2. La zone de recherches, notifications, et de personnalisation du profil
      3. La colonne de gauche réservée aux échanges
      4. La colonne de droite pour les votes
      5. Et le bouton d’accès rapide aux principales actions

02 framavox bienvenue commente

Bon, pour continuer, il lui faut du monde avec qui échanger. Qu’à cela ne tienne, elle décide d’inviter John et Olivia à tester l’outil avec elle pour le compte de l’association.

03 framavox inviter des personnesEt, tant qu’à faire, autant créer la première discussion sur un sujet clivant, brûlant, un sujet qui divise le Groupe d’Action pour le Gras : la margarine.

04 framavox creer discussion

L’outil invite aux échanges, John et Olivia s’en donnent à cœur joie, comme on peut le lire dans la colonne des échanges de cette nouvelle discussion.

05 framavox discussionPrise d’un doute subit, Sandrine se demande si les objections de John sont liées au fait que la margarine est une graisse végétale (lui qui adore les graisses animales). Elle se demande surtout si d’autres membres du GAG ne font pas partie d’une « majorité silencieuse » qui souhaiterait que l’asso défende en priorité les graisses animales.

Elle décide donc de lancer un vote rapide, une « proposition », afin que l’on valide le positionnement de l’asso avant que de poursuivre les échanges.

06 framavox decision colonne droiteLe résultat est unanime : personne dans l’association ne veut se restreindre à la promotion exclusive des graisses animales.

Cette question (fondamentale, il faut bien le dire) étant réglée, les échanges se poursuivent… jusqu’au point où il est temps de décider : le G.A.G. se lance-t-il (ou non) dans cette campagne de promotion « Margarine, ma passion » ?

Sandrine décide de peaufiner la proposition afin que chacun-e comprenne l’interprétation des votes possibles. Elle utilise donc la syntaxe markdown pour mettre son texte en page.

08 framavox proposition 2 combine fleche

Bon… John a décider de poser son veto sur cette action, en votant « Bloquer »… mais le vote n’étant pas clos, Olivia veut mieux comprendre sa position, et se demande s’il a bien toutes les cartes en main. Elle décide de le notifier en écrivant « @johnbutter » afin qu’il reçoive ce message dans ses emails.

09 framavox notificationJohn, qui n’aime pas la margarine parce que c’est une « copie du beurre » (il préfère l’huile de coco, le bougre), n’avait pas pensé à ces arguments. Il répond donc directement à son email de notification depuis sa messagerie :

10 framavox réponse emailEt il se connecte à Framavox afin de changer son vote de « Bloquer » à « S’abstient ».

11 framavox vote modifiéSandrine est heureuse de voir en temps réel les échanges et les positions évoluer sur cette discussion, qui reste ouverte encore quelques jours, le temps que les autres membres du Groupe d’Action pour le Gras se connectent à leur tour.

12 framavox proposition 2 resultatComme le G.A.G. est une association très active, il y a toujours plusieurs sujets brûlant sur lesquels discuter, échanger et se positionner.

Par exemple, pendant tous ces échanges margariniers, il y a eu en parallèle une autre discussion créée par Olivia, pour inventer une action autour de ses recettes à l’huile d’olive.

13 framavox nouvelle discussion

La morale de cette histoire…

C’est qu’on espère voir les recettes d’Olivia paraître sous licence libre ! (vous pouvez rejoindre le groupe Framavox du GAG si vous voulez tester ^^)

C’est surtout que les équipes de Loomio ont conçu un outil qui peut faciliter grandement la vie de collectifs faisant le choix de prendre des décisions collaborativement.

C’est enfin que Framavox est un nouvel outil à votre disposition.

Le tuto pour l’installer sur vos serveurs est d’ores et déjà disponible sur framacloud.org.

Et oui, vous avez le droit de vous demander à quoi on carbure quand on cherche des exemples. C’est en vente libre, promis.

 

Pour aller plus loin :




Minetest, piochez en toute liberté

MIcrosoft a acheté Minecraft, le fameux jeu « bac à sable », à son créateur. Et pour une petite fortune ! Forcément, l’ogre de Redmond avait une idée derrière la tête…

Dans ce long article traduit par le groupe Framalang, Paul Brown propose une alternative pour pouvoir piocher en paix, et utiliser la puissante idée de Markus Persson en toute liberté.

 

Minetest, un serious game pour l’éducation

par Paul Brown

Article original Mining for education

Traduction Framalang : Pouhiou, MagicFab, touriste, audionuma, lamessen, LaPalice, line, Qwerty, Bromind, line, goofy, Frédéric V., Penguin, Isammoc, roptat, Meridel, galadas, Frederic V., Valdo, Roka, Vincent + 14 contributeurs anonymes

Sommaire

Ce billet est très long, et peut-être qu’une bonne partie ne vous concerne pas. Si vous voulez aller directement aux parties qui vous intéressent, voici le sommaire :

  1. Pourquoi utiliser Minecraft comme outil pédagogique est une mauvaise idée
  2. Pourquoi utiliser Minetest comme outil pédagogique est une bien meilleure idée (et comment débuter)
  3. Tout est dans les mods
  4. Jouer au jeu
  5. Mettre un serveur en place
  6. Minetest comme outil pédagogique
  7. Blocs de construction
  8. Mises en garde
  9. Conclusion

Quelle serait votre réaction si tous les menus de la cantine de votre enfant étaient livrés par un seul et unique fournisseur de plats préparés et de boissons sucrées ? Que diriez-vous si le régime alimentaire de votre enfant était limité à des chips, des tortillas goût fromage et des boissons sucrées gazeuses, sans possibilité d’alternative plus saine ?

Étant parent moi-même, je suppose que vous trouveriez épouvantable l’idée que l’école n’offre que de la malbouffe à votre enfant, à tel point que vous seriez prêt à envisager de le changer d’établissement. Mais que faire si c’était la même chose dans tout le pays ?

Ce n’est pas tout, imaginez qu’en plus le fournisseur de malbouffe ait apposé son logo partout : sur les tasses, les assiettes et sur les affiches qui décorent les murs des classes. D’ailleurs, en parlant de salles de classe, quand arrive le moment de l’apprentissage des bases de la nutrition, les chapitres du manuel scolaire s’avèrent rédigés par le service marketing de cette même entreprise qui fournit déjà les repas.

La plupart des parents, je l’espère, trouveraient cela scandaleux. Pourtant, on n’entend pas beaucoup de protestations véhémentes quand il se passe exactement la même chose dans un cours d’informatique et même pendant une session d’apprentissage assisté par ordinateur.

Les élèves n’apprennent pas à se servir d’un traitement de texte, ils apprennent Microsoft Word. Il n’apprennent pas à concevoir des présentations, ils apprennent Microsoft PowerPoint. On leur demande de présenter leurs travaux, que ce soit une rédaction, un diaporama, ou un graphique, dans l’un des formats propriétaires de Microsoft, de les enregistrer sur des clés USB formatées suivant le système de fichiers breveté par Microsoft. C’est ça et rien d’autre.

Voici comment Microsoft souhaite rentrer dans les écoles...
Voici comment Microsoft souhaite rentrer dans les écoles…

Pour une gigantesque entreprise comme Microsoft, c’est tout à fait logique. Non seulement le marché de l’éducation est immense et juteux en soi, mais transformer des élèves en futurs travailleurs, managers et entrepreneurs qui ont appris à la lettre et de façon formelle à dépendre exclusivement de ses produits, voilà une perspective qui doit être irrésistible.

Mais tandis que les produits Microsoft prédominent dans l’enseignement secondaire et universitaire, il manquait encore à l’entreprise la principale part du gâteau de l’éducation. En tant que manipulateur aguerri du marché, Microsoft reconnaît que le lavage de cerveau fonctionne d’autant mieux que vous commencez jeune. Mais jusqu’à ces dernières années, ils n’avaient tout simplement pas le produit pour capter cette tranche d’âge.

Maintenant, si. Maintenant, ils ont Minecraft.

Pour détruire tout espoir que ce logiciel immensément populaire soit un jour publié sous licence libre (comme Markus « Notch » Persson a prétendu jadis qu’il pourrait l’être), Microsoft a déboursé 2,5 milliards de dollars en 2014 pour le jeu de Persson et s’est immédiatement attelé à le rendre encore plus attrayant grâce à la conclusion d’un accord avec Lego qui a fait du jeu la star de sa technologie Hololens, grâce aussi à la réalisation d’un film, en limitant toutefois les fonctionnalités dans le même temps.

Ah bon, vous n’aviez pas entendu parler de ce dernier point ? Je dois vous révéler que dès que vous faites abstraction du nouvel emballage attrayant et du tapage médiatique, vous pouvez enfin voir ce que Microsoft entend faire de Minecraft. En simplifiant le jeu pour l’adapter à sa version mobile, et en ne le faisant plus tourner sous Java, Microsoft peut mieux contrôler sur quelles plateformes il pourra fonctionner (vous savez que Minecraft fonctionne bien sous GNU/Linux parce qu’il est écrit en Java ? C’est la première chose qui sera supprimée), et tuer d’un coup tout l’écosystème de mods non validés par Microsoft.

C’est ainsi que les choses se profilent. Avant que tout ne parte en vrille, la question est de savoir si la communauté du logiciel libre a un plan B. Existe-t-il un logiciel libre susceptible de rivaliser avec Minecraft ?

Une solution ouverte

Cet article serait bien court si la réponse était « non ».

Pour être certain de ne pas me fourvoyer, j’ai passé la majeure partie des quatre dernières semaines à la recherche d’alternatives. N’ayant pas eu beaucoup d’expérience avec les jeux d’origine (Infiniminer et Dwarf Fortress), j’ai appris les rudiments du minage et de l’artisanat (du crafting), puis davantage. J’ai discuté avec des développeurs et des utilisateurs sur leurs canaux IRC – principalement pour demander de l’aide quand j’étais bloqué. J’ai aussi appelé en renfort des joueurs expérimentés de Minecraft (en l’occurrence, mon fils et ses copains) pour tester différentes versions libres et à code source ouvert de ce genre de jeux, afin qu’ils me fassent part de leurs commentaires.

Le verdict est tombé. La réponse est Minetest.

Le soleil se lève sur un lagon de Minetest. toutes les images sont CC-BY-SA Paul Brown / OCSMag
Le soleil se lève sur un lagon de Minetest.
toutes les images sont CC-BY-SA Paul Brown / OCSMag

Je ne vais pas enfoncer des portes ouvertes et vous dire que Minetest est libre tant au sens de « liberté d’expression » qu’au sens d’« entrée libre », c’est-à-dire gratuit. Il ne vous coûtera pas un sou pour être en droit de le télécharger, de le partager et d’y jouer ; vous n’aurez pas à endurer la moindre magouille de la part d’un vendeur ; il est soutenu par une communauté qui veut simplement construire un jeu vraiment amusant et y jouer, par conséquent de nouvelles fonctionnalités ont tendance à s’ajouter au fil du temps, et aucune ne sera supprimée de façon arbitraire. Je ne veux pas répéter ici ce qui est commun à la plupart des projets de logiciels libres… Bon, trop tard, je viens de le faire. Mais outre tout ce qui précède, Minetest est assez impressionnant par lui-même.

Pour commencer, il est écrit en C/C++, ce qui le rend plus léger et plus rapide que Minecraft. Mais surtout, il fonctionne plus ou moins partout (voyez sa page de téléchargements), que ce soit sur les ordinateurs fonctionnant avec FreeBSD, Windows, GNU/Linux (cherchez-le dans vos dépôts logiciels) et MacOS X ; sur les téléphones Android ; et, chose importante pour l’éducation, il fonctionne aussi sur le Raspberry Pi.

Minetest sur le Raspberry Pi

Faire tourner Minestest sur Raspbian pour Raspberry Pi est relativement simple. Commencez par ouvrir un terminal et saisissez :

sudo apt-get update
sudo apt-get upgrade

pour être certain que le système est bien à jour. Puis installez Minetest avec :

sudo apt-get install minetest

Vous pouvez aussi installer un serveur, des créatures (« MOBs ») et des mods pour étendre les capacités du jeu original. Recherchez-les avec :

apt-cache search minetest

et choisissez ce dont vous pensez avoir besoin.

Une fois que votre gestionnaire de logiciels en a terminé avec l’installation, Minetest devrait être disponible dans le sous-menu Jeux. Mais vous ne pourrez pas y jouer tout de suite !

Minetest nécessite OpenGL, une collection de bibliothèques 3D libres. Pour activer OpenGL, lancez :

sudo raspi-config

Sélectionnez Options avancées, puis AA GL Driver, Activer et OK. Ceci démarrera le pilote expérimental OpenGL pour votre bureau.

Redémarrez votre Pi. Quand vous serez de retour sur votre bureau, vous pourrez démarrer Minetest normalement.

N.B. : Il se peut que vous ayez besoin de désactiver le pilote OpenGL pour pouvoir jouer à Minecraft.

Ce qui est bien, c’est que mises à part certaines fonctionnalités pour la gestion des écrans tactiles, ça reste le même jeu. Même la version pour Raspberry Pi est exactement identique à la version PC. Cela constitue déjà un bon atout par rapport à Minecraft qui, sur Raspberry Pi, est très limité et ne fournit pas du tout la même expérience que son équivalent sur PC. Je le sais, car à une époque, j’ai écrit à propos de Minecraft sur le Pi, et depuis, les choses n’ont pas changé d’un iota.

Vous pouvez télécharger Minetest pour votre système d’exploitation, ou si vous avez la chance d’utiliser une distribution GNU/Linux, laisser votre gestionnaire de logiciels faire le gros du travail à votre place. Vous pourrez aussi trouver quelques extras dans les dépôts de votre distribution : un serveur Minetest évidemment, et des paquets de mods fournissant des créatures, une météo, etc.

 

Tout est affaire de Mods

C’est l’une des principales différences entre Minecraft et Minetest : dans ce dernier, presque tout est un mod. En fait, si vous lanciez Minetest sans aucun mod, vous vous retrouveriez à vagabonder dans un monde constitué exclusivement de blocs de pierre. Le jeu Minetest standard est principalement un catalogue de mods, de blocs (« nodes » dans le jargon Minetest), de textures et de sons ajoutés au moteur de jeu. Jetez un coup d’œil dans le dossier games/minetest_game situé dans le dossier partagé minetest/ et vous comprendrez ce que je veux dire.

Vous pouvez installer de nouveaux mods en les téléchargeant depuis le wiki du site Minetest. Ensuite, vous les déposez dans le dossier mods/ (créez-le s’il n’existe pas) situé dans votre dossier minetest/. Veuillez noter que sous GNU/Linux, le dossier peut être caché, dans ce cas recherchez .minetest/ dans votre dossier home.

Admettons que vous vouliez une météo, de la pluie, de la neige et des choses du genre, dans votre monde ? Allez dans votre dossier minetest/mods/

cd minetest/mods/

ou bien

cd .minetest/mods/

et téléchargez le mod météo :

git clone https://github.com/Jeija/minetest-mod-weather.git

Le mod est maintenant installé. C’était facile, non ?

Tout ce qu’il vous reste à faire, c’est de l’activer.

Un dépôt de Mods pour Minetest

Si vous exécutez la version 0.4.10 de Minetest, vous avez peut-être remarqué un bouton Online mod repository sous l’onglet Mods du menu.
Lorsque vous cliquez dessus, il ne se passe pas grand-chose. Si vous consultez le fichier debug.txt dans votre répertoire minetest, vous constaterez que le programme essaie de se connecter à une page web des forums Minetest qui n’existe plus. Selon les développeurs, le dépôt de mods, ainsi que l’installation de ceux-ci à partir du jeu lui-même, sont actuellement une expérimentation infructueuse, mise en pause jusqu’à ce qu’ils trouvent quelqu’un pour implémenter un modèle fonctionnel et évolutif.
Dans la version de développement 0.4.13 de Minetest, ce bouton n’existe plus.
Bonne nouvelle pour les utilisateurs de Minetest sous Android néanmoins : il existe une application qui installe les mods de façon transparente sur votre mobile. Elle est disponible sur Google Play et marche très bien.

Démarrez Minetest, et si ce n’est déjà fait, créez un nouveau monde en cliquant sur le bouton Nouveau dans l’onglet Solo. Une nouvelle boîte de dialogue apparaît. Donnez un nom à votre monde et laissez le reste tel quel. Cliquez sur Créer.

Une fois votre monde sélectionné, cliquez sur le bouton Configurer. Cela vous affiche une liste des mods disponibles. Double-cliquez sur weather et il passera du blanc au vert. Cela signifie que ce mod sera activé quand vous lancerez votre monde.

Cliquez sur Jouer et le mod weather ouvrira les canalisations d’eau de temps en temps. Si vous êtes impatient, vous pouvez faire pleuvoir en ouvrant le HUD ([F10]) et en saisissant :

/setweather rain

ou bien

/setweather snow

à l’invite de commande.

Pour l’arrêter, saisissez :/setweather none

Si un message d’erreur apparaît et vous indique que vous n’avez pas les permissions pour démarrer et arrêter la pluie, essayez de vous les octroyer vous-même en saisissant :

/grant [votre nom de joueur] weather

dans le HUD.

Faites tomber la neige avec le mod weather
Faites tomber la neige avec le mod weather

Quasiment toutes les touches de F1 à F12 ont une fonction, chacune peut être consultée sur le site de Minetest, en même temps que les autres paramètres du clavier. Parmi les plus utiles, on trouve :

Touche Fonction 2nd appui
F5 Affiche les coordonnées du joueur Affiche les statistiques du serveur
F7 Modifie la vue caméra Cycle parmi les vues caméra
F9 Ouvre une mini-carte Agrandit le zoom
F10 Ouvre le HUD Ferme le HUD
F12 Prend une capture d’écran

 

En parlant du HUD… De toutes les touches ci-dessus, F10 est peut-être celle qui mérite que l’on s’y attarde. Le HUD, ou Head Up Display (affichage tête haute), vous permet de saisir des messages dans le chat ou des commandes qui vous permettent de faire davantage de choses qu’avec de simples appuis de touches.
En saisissant :

/teleport 500,5,500

par exemple, vous pouvez directement vous rendre aux coordonnées (500, 5, 500) – si vous avez le pouvoir de téléportation, je précise.

/time 9:00

réglera l’heure du jour sur 9 heures du matin.

Utilisez le HUD pour tchater ou taper des commandes
Utilisez le HUD pour tchater ou taper des commandes

/sethome

Cette commande définit un point, par exemple, là où vous avez construit votre refuge, où vous pouvez toujours vous téléporter avec la commande :

/home

…utile si vous êtes perdu ou en danger.

Pour envoyer un message à un autre joueur, vous pouvez utiliser :

/msg [nom du joueur] [message]

La commande :

/msg Paul Bonjour Paul !

envoie « Bonjour Paul ! » au joueur de ce nom. Vous pouvez également envoyer des messages à tous les joueurs ou des messages privés comme décrit ci-dessus en appuyant sur la touche `t` (pour talk, parler en anglais).

Si vous administrez votre propre monde, vous pouvez utiliser le HUD pour envoyer des instructions afin de contrôler les joueurs indisciplinés, ainsi que des commandes spécifiques à certains mods (telles que la commande /setweather que nous avons vue plus haut). Pour obtenir la liste complète des commandes, saisissez :

/help all

 

Jouer au jeu

Créez un fourneau pour transformer les minerais en lingots.
Créez un fourneau pour transformer les minerais en lingots.

Est-ce vraiment différent de jouer à Minetest, en comparaison d’avec Minecraft ? Très peu en fait. La plupart des raccourcis clavier sont exactement les mêmes et, bien sûr, il y a toute la partie fabrication. Vous n’avez pas besoin de session d’apprentissage dans Minetest. Appuyez simplement sur la touche [i] et vous accéderez à tous les emplacements contenant les matériaux et objets que vous transportez avec vous, ainsi qu’une grille de fabrication. Cela dit, vous aurez besoin de construire un fourneau pour fondre le minerai en lingots.

À côté des haches, des pelles et des épées, un autre outil très utile (et spécifique à Minetest) que vous devriez construire est le tournevis. C’est une bonne idée d’en fabriquer un assez tôt dans le jeu, dès que vous avez du bois et du fer. Le tournevis vous permet de changer l’orientation des autres objets. Si vous fabriquez des escaliers, par exemple, et que vous les disposez dans le mauvais sens, placez le tournevis dessus et vous pourrez les faire tourner sur eux-mêmes.

Différents mods ajoutent de nouveaux objets que vous pourrez fabriquer et de nouveaux matériaux bruts ou transformés. Le module Technic, par exemple, ajoute toutes sortes de trucs hi-tech, depuis le fil en cuivre pour les circuits électriques, jusqu’aux forets en diamant. Ce mod est continuellement mis à jour. L’un des plus récents ajouts est le réacteur nucléaire, qui est utile, mais aussi dangereux !

Bien que l’intérêt de Minetest ne réside pas tant dans le combat contre des monstres (et c’est pour ça que les créatures ne sont pas incluses par défaut) que dans la construction, la présence de créatures menaçant votre propriété peut certainement rendre les choses plus amusantes. Mais ce qui est encore plus amusant cependant, c’est de construire et protéger sa propriété avec des amis.

Serveur Minetest

Monter un serveur Minetest pour vos amis, vos collègues ou votre école est facile. Minetest est constitué de deux parties : le client, qui est le programme avec lequel vous interagissez directement, et un serveur, qui génère le monde, gère les joueurs, leur localisation et leur inventaire, et avec lequel vous interagissez indirectement.
Lorsque vous jouez en solo, vous faites tourner un serveur pour vous seul. En fait, si vous voulez inviter des amis dans le monde dans lequel vous jouez, vous pouvez quitter votre partie et revenir au menu, et dans l’onglet « Serveur », cocher l’option « Public ». Si vos amis sont sur le même réseau, il leur suffira de se connecter à votre adresse IP avec leurs propre clients et de commencer à jouer.

Un serveur dédié

Bien que vous puissiez vouloir éviter de faire tourner un serveur Minetest pour votre organisation en arrière-plan sur le poste de travail de quelqu’un, vous n’avez pas besoin d’une machine exclusivement dédiée à Minetest. Minetest est conçu pour être léger et, avec la puissance du matériel moderne et les capacités disque qui de nos jours atteignent le téraoctet, une tour standard suffira.

Héberger un serveur Minetest sur votre serveur de fichiers ou d’impression fera probablement l’affaire, tant que vous faites attention à sa sécurisation (voir ci-dessous).

Même un Raspberry Pi conviendra pour servir de façon réactive une demi-douzaine d’utilisateurs environ. Cependant, s’il y a beaucoup plus de joueurs, des créatures errant ici et là, de nombreuses fabrications et que de vastes explorations ont lieu, vous pourriez trouver que le Pi commence à ramer et vous devrez alors opter pour une configuration plus musclée.

Si vous prévoyez quelque chose de plus ambitieux, peut-être un serveur public ou un serveur pour votre école entière, vous devriez envisager une machine sur laquelle le serveur Minetest pourra tourner sans interface graphique.

Sur Debian GNU/Linux ou sur un système basé sur cette distribution (comme Ubuntu, Mint ou Raspbian), saisir :
su
apt-get install minetest-server

sur Debian, ou bien :
sudo apt-get install minetest-server
pour Ubuntu, Raspbian et Linux Mint pour installer le serveur autonome.

Vous pouvez démarrer le serveur à la main sans être administrateur en saisissant :
minetestserver --info
Le paramètre –info vous informera des problèmes éventuels et affichera aussi des événements, par exemple quand un utilisateur se connecte au serveur pour jouer.

C’est une bonne méthode pour vérifier que tout fonctionne, mais les développeurs de Minetest recommandent, pour des raisons de sécurité, d’utiliser un utilisateur standard n’ayant pas les droits de super-utilisateur (sudo) pour faire tourner le serveur. Stoppez le serveur en appuyant sur les touches [Ctrl]+[c] et créez un utilisateur avec la commande suivante :

su
adduser minetest

si vous utilisez Debian, ou :

sudo su
adduser minetest

si vous utilisez Ubuntu, Mint ou Raspbian.

Définissez le mot de passe pour le nouvel utilisateur. Vous pouvez laisser tous les autres champs vides.

Quittez la session super-utilisateur (exit), connectez-vous en tant qu’utilisateur minetest et déplacez-vous dans son répertoire personnel :

exit
su minetest
[saisissez le mot de passe de minetest]
cd

Lancez à nouveau minetestserver en tant que ce nouvel utilisateur.

Vous pouvez aussi jouer sur les serveurs publics d'autres joueurs.
Vous pouvez aussi jouer sur les serveurs publics d’autres joueurs.

Le serveur Minetest écoute par défaut sur le port 30000 (bien que vous puissiez le changer avec le paramètre –port), donc vous devrez autoriser cet accès au niveau de votre pare-feu et faire suivre vers ce port au niveau de votre routeur si vous lancez le serveur sur votre réseau local et que vous voulez que des joueurs de l’extérieur puissent accéder à votre partie.

Pour installer des mods, copiez-les vers le répertoire /usr/share/games/minetest/games/minetest_game/mods/ et ils seront automatiquement chargés et activés quand le serveur tournera. Pour vérifier que les mods que vous voulez ont bien été chargés, lancez le jeu, ouvrez le HUD ([F10]) et saisissez /mods.

Si vous voulez restreindre l’accès à votre serveur, car vous ne voulez jouer qu’avec vos amis et ne souhaitez pas que des inconnus viennent gâcher la fête, créez un fichier .conf et chargez-le au moment de lancer le serveur.

Un fichier .conf Minetest est un fichier texte avec une série de paires clef = valeur sur chaque ligne. Si vous voulez limiter les utilisateurs à vos seuls amis, vous pouvez par exemple demander à ce que les joueurs utilisent un mot de passe et définir un mot de passe initial que seuls vous et vos amis connaissez. Le fichier .conf devrait ressembler à ça :

name = Mon Minetest
disallow_empty_password = true
default_password = MotDePasseSecret
motd = Si ce n'est pas déjà fait, merci de changer votre mot de passe.

où MotDePasseSecret est le mot de passe que vous communiquez à vos amis.

Cela affichera aussi un message à tous les utilisateurs leur demandant de changer leur mot de passe par défaut. Les utilisateurs peuvent changer leur mot de passe en appuyant sur [Échap] (ou sur le bouton retour sous Android) depuis le jeu et en cliquant sur le bouton Changer le mot de passe.

Changer son mot de passe depuis le menu utilisateur
Changer son mot de passe depuis le menu utilisateur

Démarrez le serveur en saisissant :

mineetestserver --config /chemin/vers/votre/fichier/de/configuration.conf

pour le forcer à charger votre fichier .conf.

Vous trouverez un exemple de fichier de configuration avec beaucoup d’autres options sur le dépôt GitHub de Minetest.

Une fois que tout est opérationnel, vous pouvez octroyer des privilèges à chaque utilisateur comme bon vous semble en éditant le fichier auth.txt que vous trouverez dans le répertoire de votre monde. Chaque ligne ressemble à ça :

Paul:x69lFMHqU/qrUHlRoCpIF34/56M:interact,shout

Vous voyez trois champs séparés par deux points (:). Vous avez d’abord le nom d’utilisateur, puis une version chiffrée de son mot de passe et enfin une liste séparée par des virgules de ses privilèges. Vous pouvez ajouter des privilèges en complétant la liste :

Paul2:x69lFMHqU/qrUHlRoCpIF34/56M:interact,shout,home

Le privilège « home » permet à un joueur d’utiliser les commandes /sethome et /home que nous avons vues précédemment.

Une autre manière d’accorder des privilèges est d’accorder le privilège « privs » à votre propre joueur. Ensuite, vous pourrez accorder de nouveaux privilèges directement depuis le HUD. La commande :

/grant [player name] home

permet d’accorder le privilège « home » à un joueur. Vous pouvez aussi vous accorder plus de privilèges de cette manière.

Vous pouvez révoquer les privilèges d’un joueur en saisissant :

/revoke [player name] [privilege]

Pour voir les privilèges dont vous disposez :

/privs

dans le HUD, ou bien :

/privs [player name]

pour voir les privilèges qu’un autre joueur possède.

Une fois que vous êtes satisfait de la configuration de votre serveur, vous pourriez souhaiter configurer votre système de façon à démarrer Minetest à chaque fois que vous allumez votre ordinateur. Pour ce faire, vous pouvez créer une tâche cron qui s’exécute au démarrage.

Accédez à votre utilisateur minetest depuis une fenêtre de terminal, et ouvrez l’éditeur crontab avec la commande :

crontab -e

Ajoutez à la fin du fichier une ligne semblable à celle-ci :

@reboot /usr/games/minetestserver --config /chemin/vers/votre/fichier/de/configuration.conf

Vous devez également ajouter toute autre option dont vous auriez besoin, comme le nom du monde que vous voulez charger au démarrage, le port sur lequel vous voulez que votre serveur écoute, etc. Pour voir une liste complète des commandes possibles, saisissez :

minetestserver --help

dans un terminal.

La plupart des distributions GNU/Linux modernes, dont Debian, Ubuntu, Mint et Raspbian, utilisent désormais systemd pour gérer des choses comme les démons et les services. Les versions futures de Minetest tireront profit de ce sous-système, installeront automatiquement les fichiers de configuration et créeront un utilisateur pour les exécuter.

Un outil pédagogique

L’argument majeur en faveur de l’utilisation de Minetest par rapport à une alternative propriétaire est sa modularité. Les débutants apprécieront le fait de pouvoir modifier toutes les caractéristiques de leur personnage et des différents objets à l’intérieur du monde qu’ils ont créé.

Même les formes des personnages peuvent être modifiées en utilisant Blender
Même les formes des personnages peuvent être modifiées en utilisant Blender

Il existe même un mod wardrobe (armoire) que l’administrateur du serveur peut remplir de textures personnalisées afin que les joueurs puissent changer leur apparence en cours de jeu.

La modularité va au delà de la simple esthétique cependant, et les développeurs de Minetest ont créé un framework complet séparé du programme principal, qui permet aux utilisateurs de créer de nouveaux blocs et d’en ajuster le comportement, de concevoir de nouveaux objets à fabriquer, et de construire pratiquement tout ce que vous pouvez imaginer. Vous pouvez également créer des mods qui affecteront le comportement du monde et vous permettre, par exemple, de créer des parties depuis le jeu Minetest lui-même.

Prenez par exemple l’ensemble de mods éducatifs listés sur le wiki de Minetest. Cela va de paquets apportant de simples blocs illustrés de lettres et de nombres, jusqu’à des mods qui rendent Minetest compatible avec l’API Python de Minecraft pour Raspberry Pi.

Voyons un exemple.

Les blocks du mod teaching
Les blocks du mod teaching

Le mod Minetest-teaching (l’apprentissage par Minetest) fournit des outils pour créer des casse-têtes arithmétiques et orthographiques. Si les élèves parviennent à les résoudre, vous pouvez les récompenser avec des objets rares ou des blocs.

Pour commencer à l’utiliser, téléchargez-le vers votre répertoire minetest/mods/ :

https://github.com/pbrown66/minetest-teaching.git

Renommez le répertoire en teaching/, sinon ça ne fonctionnera pas. Démarrez Minetest et activez le mod. Pour créer une énigme, par exemple 2+2=, entrez dans le jeu en utilisant le mode créatif et donnez-vous les privilèges de professeur. Pour cela, ouvrez le HUD ([F10]) et saisissez :

/grant [votre nom] teacher

Appuyez à nouveau sur [F10] pour fermer le HUD.

Pour mettre en place l’énigme, creusez une tranchée de 5 blocs de long. Ouvrez l’inventaire ([i]), choisissez l’onglet Nodes (Blocs) et déplacez-vous jusqu’à ce que vous voyiez les blocs d’apprentissage.

Pour l’énigme ci-dessus, vous aurez besoin de quatre blocs lab, d’un bloc checking, de deux blocs allow-dig, de deux blocs 2, d’un bloc +, d’un bloc =, d’un bloc 5 (une mauvaise réponse) et d’un bloc 4 (la bonne réponse).

Posez les quatre blocs lab dans la tranchée en commençant complètement à gauche. Dans le trou qui reste, posez le bloc checking. Placez les blocs 2, +, 2 et = sur les blocs lab comme indiqué ci-dessous.

En posant les blocs qui constituent l’énigme sur des blocs lab, vous les rendez indestructibles et les élèves ne pourront pas détruire de façon accidentelle ou volontaire l’activité proposée.

des blocs vont sur lab pour l'énigme, un emplacement cheking pour répondre, et des emplacement allow dig pour les blocs de réponses.
des blocs vont sur lab pour l’énigme, un emplacement cheking pour répondre, et des emplacement allow dig pour les blocs de réponses.

Cliquez du bouton droit de la souris sur le bloc checking à droite de la tranchée, et une boîte de dialogue apparaîtra. Utilisez-la pour indiquer au bloc quelle est la bonne réponse et lui faire offrir un nugget de sagesse et un prix. Dans l’exemple suivant, la bonne réponse est évidemment 4. Lorsque l’élève trouve la bonne réponse, le message « Bravo ! Voici un diamant. » s’affichera dans son chat et un diamant apparaîtra au-dessus du bloc de solution.

Pour résoudre l’énigme, les élèves doivent saisir les blocs de solution et placer le bon sur le bloc de vérification. Vous pouvez déposer les blocs de solution n’importe où, mais vous devez les placer sur un bloc allow-dig, sinon il deviennent indestructibles et les élèves ne pourront plus le récupérer. Donc, creusez deux trous là où vous souhaitez laisser les blocs de solution, placez un bloc allow-dig à l’intérieur de chacun d’eux, et placez les blocs 4 et 5 sur chacun des blocs allow-dig.

À présent, vous pouvez lâcher vos élèves en liberté dans votre monde.

Quand un élève place une réponse incorrecte (dans notre exemple, le bloc 5) sur le bloc de vérification, rien ne se passe. Il peut le détruire et réessayer. Mais quand il place la bonne réponse (dans notre cas, le bloc 4), l’énigme offre le prix et se verrouille, empêchant l’élève de frapper et de casser le bloc, et de le remettre sans cesse en place pour obtenir une infinité de diamants.

Et la bonne réponse, récompensée par un diamant.
Et la bonne réponse, récompensée par un diamant.

Seul le joueur possédant les droits de professeur peut réinitialiser l’énigme. Il peut effectuer cela en frappant le bloc de solution, en frappant le bloc situé en dessous du bloc de solution et en replaçant et reprogrammant le bloc de vérification.

Blocs de construction

Toute la magie du modding est obtenue grâce à l’utilisation de Lua, un langage de programmation de haut niveau ressemblant par bien des aspects à Python (le langage utilisé dans l’édition Raspberry Pi de Minecraft). C’est un bon choix, car il est clair (vous n’avez pas à vous soucier de symboles étranges comme en PERL, ou de points virgules en fin de ligne comme en C/C++). Il combine les fonctionnalités des langages orientés objet avancés et des langages fonctionnels, et il est spécialement conçu pour la programmation de jeux vidéo.

Bien que ce ne soit pas l’endroit pour enseigner le Lua (il y a déjà d’excellentes ressources en ligne), et qu’expliquer tous les tenants et aboutissants du modding de Minetest allongerait bien trop ce qui est déjà un article excessivement long, regardons au moins l’anatomie d’un mod de type Hello World pour que vous puissiez avoir une idée de la façon de vous lancer.

Ouvrez un éditeur de texte et copiez-y ce qui suit :

minetest.register_on_joinplayer(function(player)
minetest.chat_send_all("Hello " .. player:get_player_name() .. "!")
end)

Voici votre premier mod.

Pour comprendre la première ligne, songez au fait que dans Minetest, la plupart des choses s’exécutent lorsque le joueur fait quelque chose ou que quelque chose se produit dans le monde. On appelle ces choses des événements. Quand un joueur se connecte à un monde Minetest, un événement joinplayer est envoyé. « register_on_joinplayer » est une méthode intégrée qui demande à l’objet minetest de se mettre à écoute d’un tel événement et d’exécuter une fonction quand cela se produit. La fonction est ce que vous pouvez voir entre parenthèses.

Dans notre cas, la fonction prend l’objet « player » (joueur) associé à l’événement et, à la deuxième ligne, extrait le nom du joueur en utilisant la méthode intégrée « get_player_name() ». Le nom renvoyé est stocké dans une chaîne de caractères (notez que « .. » est ce que Lua utilise pour concaténer des chaînes de caractères) qui est ensuite envoyée à tous les joueurs via la méthode intégrée « chat_send_all ».

Une fois que vous avez fini de copier le code, créez un répertoire nommé hello/ dans minetest/mods/ (ou .minetest/mods/) et sauvegardez votre fichier sous le nom init.lua dans votre nouveau répertoire. Vous pouvez aussi créer un fichier texte dans le répertoire hello/ avec une brève description du module – enregistrez-le sous le nom description.txt et il apparaîtra dans l’onglet Mods du panneau de contrôle de Minetest.

Activez le mod et tous les joueurs seront salués lorsqu’ils se joindront à la partie.

Votre mod apparaîtra dans le panneau de contrôle.
Votre mod apparaîtra dans le panneau de contrôle.

Pour en savoir plus sur la manière d’écrire des mods Minetest, consultez le wiki officiel du site des développeurs et jetez un œil aux méthodes Minetest. Cela vous donnera une idée de ce que vous pouvez faire avec le framework Lua. N’oubliez pas non plus d’étudier la façon dont vous devriez organiser les bricoles à l’intérieur de votre répertoire mod.

Mises en garde

Minetest est assez génial, mais bien entendu, il n’est pas parfait. La complexité des composants logiciels sous-jacents fait que le client comme le serveur peuvent planter de temps en temps… Ou du moins, c’est ce que les développeurs me disent. Il est intéressant de noter qu’au cours des recherches consacrées à cet article, je n’ai fait l’expérience d’aucun plantage, même quand j’utilisais la branche de développement instable.

Voici un problème bien plus réel : si Minetest aspire à être utilisé en tant que logiciel éducatif, ce qui devrait être le cas, il ne doit pas seulement rivaliser avec le poids lourd Minecraft sur ses mérites, mais aussi avec le fait que Minecraft arrive pré-installé dans Raspbian pour le Raspberry Pi et avec son interface Python.

Même si l’API Lua de Minetest est bien plus puissante que le Python de Minecraft, à tel point que ce dernier passe pour un joujou en comparaison, et que Dieu me garde de préconiser l’adoption d’une technologie seulement parce que c’est le standard de fait, il faut bien prendre en compte la résistance naturelle de l’humain au changement. Demander aux professeurs de changer à la fois de jeu et de langage de programmation va être difficile à vendre.

La modularité est un autre aspect à prendre en compte. Je l’ai dit tout à l’heure, c’est l’une des raisons qui font de Minetest un jeu génial, mais elle peut être intimidante pour les nouveaux utilisateurs. Une installation basique de Minetest est un peu spartiate : pas de créatures, pas de survie, pas de nourriture, pas de météo… On excuserait facilement un nouvel utilisateur qui, y jouant pour la première fois, se dirait que Minetest n’est qu’une très pâle copie de Minecraft. Je suggérerais la création d’une « version grand public » de Minetest, qui embarquerait le plus grand nombre possible de fonctionnalités de Minecraft que les joueurs attendent de trouver, et qui par conséquent éviterait de décevoir les nouveaux venus.

Pour terminer, il y a ma bête noire que j’évoque très souvent : la documentation. J’ai souvent dû m’en remettre au canal IRC de Minetest. Les wikis de Minetest, bien qu’ils affichent un nombre d’index impressionnant, contiennent beaucoup trop de sections vides. Les exemples de code, quand ils existent, sont inexpliqués et non commentés. Il n’y a pas de tutoriels « apprendre par la pratique ». Quand vous posez la question, les moddeurs les plus expérimentés (qui sont par ailleurs très patients et serviables) mentionnent tout le temps un fichier texte spécifique qui contient des descriptions courtes et souvent énigmatiques des modules et des attributs. Encore une fois, il n’y a pas d’exemples dans ce document qui aideraient les nouveaux utilisateurs à comprendre les outils offerts par l’API.

Conclusion

Minetest a parcouru un chemin incroyable depuis la dernière fois où nous en avions parlé. Le seul fait qu’il fonctionne sur toutes les plateformes, que ce soit GNU/Linux, Windows, OS X, Android ou Raspberry Pi, le place clairement en tête de la compétition. Il a développé une communauté saine et dynamique, et étant open source et doté d’une API ouverte relativement facile à utiliser, il a bénéficié littéralement de centaines d’extensions et de mods.

En tant qu’outil éducatif/collaboratif à destination des jeunes (et des adultes), il est idéal, même meilleur que Minecraft, en raison de sa nature ouverte et libre et de la puissance du polyvalent framework Lua. C’est logique : Minecraft a été décrit à une époque comme un « Lego social » et est vénéré parce qu’il encourage la collaboration, mais qu’y a-t-il de plus social et de plus collaboratif qu’un logiciel libre ouvert jusqu’à son code source ?

Pour aller plus loin :




Silex, le logiciel en ligne pour créer son premier site web

Lorsque l’on veut créer sa première page web, on se heurte très vite à la problématique de l’apprentissage du code. Si l’on n’est pas développeur, on cherchera donc à avoir une solution permettant de créer sa première page via des menus et des clics au sein d’une interface graphique. Les plus anciens d’entre nous se rappelleront feu Frontpage, la solution propriétaire de Microsoft incluse dans Office dans les années 2000. Les libristes eux se rappelleront Nvu… Ces solutions visuelles sont souvent maladroites et limitées, mais voici le logiciel en ligne Silex, qui vous permettra de vous initier au web design mais aussi d’aller jusqu’au code CSS quand vous aurez progressé, grâce à l’éditeur avec visualisation instantanée.

Logo Silex

À savoir : Silex est issu du monde associatif, Silex Labs est une association à but non lucratif, qui organise régulièrement des ateliers sur des langages et des logiciels libres, luttant contre la fracture numérique. L’association maintient le logiciel libre Silex pour permettre à ses membres d’initier des novices au web design, afin qu’ils puissent réaliser des sites internet sans savoir coder et aussi pour qu’ils s’initient aux langages du Web (HTML5, CSS3, Javascript). Des vidéos et des tutoriels sont disponibles gratuitement sur le blog de l’association et sur la chaîne YouTube de l’association.

À l’occasion de leur campagne de financement participatif, nous avons interviewé le président de l’association, Alex, pour en savoir un peu plus sur Silex Labs l’association, sur Silex le logiciel et ses évolutions à venir.

Gig animée présentant le logiciel Silex

Q : Bonjour Alex, peux-tu nous présenter l’association Silex Labs?

Silex Labs est née en 2009 en banlieue parisienne, nous étions un groupe informel d’indépendants, professionnels du web. Nous avions créé Silex ensemble pour nos activités de designer, développeurs et chefs de projet. L’outil s’est avéré tellement efficace que nous avons décidé d’en faire quelque chose d’utile pour d’autres professionnels, mais aussi pour la communauté. Nous avons commencé par organiser des ateliers pour former les gens à Silex et au fur et à mesure une communauté de professionnels s’est formée, ça nous a donné envie d’organiser davantage d’ateliers pour initier le plus grand nombre aux logiciels et langages libres.

Q : Le tour du Web en 50 ateliers, c’est quoi tout ça ?

C’est un programme de 50 ateliers organisés dans toute l’île de France que nous avons mis en place en 2015, pour permettre à tous de comprendre ce que sont les métiers et les technologies du web, les communautés qui font un web libre, et découvrir les nombreuses opportunités professionnelles qui existent dans ce domaine. Nous souhaitons donner des perspectives professionnelles à des personnes qui pensent que c’est un secteur inaccessible. Le réseau et la collaboration sont au centre du programme, autant que le bien commun et la vie privée.

Q : Et sinon Silex, c’est quoi? En quoi ça consiste?

Silex c’est un logiciel libre, gratuit et accessible en ligne pour permettre au plus grand nombre de réaliser des sites internet en fonction des niveaux de chacun. Les débutants pourront réaliser leur site sans faire une ligne de code mais ceux qui connaissent déjà un peu de HTML de CSS ou de JS pourront aussi utiliser leurs connaissances pour améliorer le design ou l’interactivité de leur site.

Tu n’as qu’à aller sur silex.me et tu peux insérer, modifier, déplacer des textes, des images et des vidéos, tu crées des liens et BIM : tu as ton site !

C’est un bon outil pour faire un site vitrine, c’est-à-dire un site visuellement attractif, qui n’a pas un contenu énorme et changeant tous les jours. Tout est fait pour aider les gens à s’initier au web design mais ça peut aussi être un bon choix pour un pro qui veut un moyen efficace de créer puis de maintenir des sites pour des clients.

Bon c’est aussi un logiciel qui respecte ta vie privée, tes données et une communauté internationale qui grandit.

Q : C’est tout en logiciel libre?

Oui, la licence est GPL, les contributions sont les bienvenues et la gouvernance se fait en discutant sur Github et Gitlab

Toutes les contributions sont les bienvenues même si tu n’as jamais codé tu peux contribuer à ton niveau par exemple en faisant un rapport de bug, ou en proposant des templates quand tu auras utilisé un peu plus Silex !

Q : Donc la famille Dupuis-Morizeau va pouvoir créer son site web en ligne? Et le mettre où elle veut?

Eh oui mon bon Monsieur, on ne fait pas payer, on n’utilise pas vos données à votre insu, et en plus on vous laisse aller où vous voulez avec, vous restez propriétaire de vos données ! Un site fait avec Silex c’est une simple page HTML et quelques fichiers CSS et Javascript. Il suffit de le coller sur un hébergement et c’est en ligne. On peut aussi s’auto-héberger, utiliser un hébergement à la netlify (simple glissé / déposé de vos fichiers sur leur site pour mettre en ligne) ou encore faire appel à des gens sympas et militants comme les Indiehosters pour vous garantir un service rapide et toujours disponible.

Q : On approche des 8 ans des toutes premières lignes de code du logiciel. Comment le logiciel a-t-il évolué au cours du temps?

Beaucoup de choses ont changé depuis la première version qui était un logiciel qu’il fallait installer et qui était plus complexe à prendre en main et avec un code source beaucoup plus lourd et surtout basé sur des vieilles technos. Nous avons décidé pour cette nouvelle version d’utiliser des technos innovantes pour gagner en performance et surtout de simplifier au maximum l’interface pour permettre au plus grand nombre de réaliser son site internet et de laisser beaucoup de liberté aux utilisateurs pour décider d’utiliser les éditeurs de code ou non.

Q : Pourquoi lancer une campagne de Crowdfunding, à quoi va servir l’argent?

Un sondage récent a montré que les utilisateurs attendent un éditeur de version mobile (responsive), pour offrir une expérience personnalisée aux visiteurs sur téléphone ou tablette.

Ils attendent aussi et surtout plus de docs, plus de « templates » – des sites prêts à l’emploi pour ne pas démarrer d’une page vide. Il y en a déjà mais pas suffisamment.

L’éditeur de version mobile (responsive) est déjà en route et même si un peu d’argent nous permettrait d’accélérer le mouvement, c’est une certitude on y va ! Par contre les templates / sites prêts à l’emploi, il va nous falloir un budget pour nous payer les services de designers. Et la doc aussi, un budget nous permettra de mobiliser quelqu’un dessus à plein temps pour mettre en place les bases que la communauté maintiendra ensuite.

Une partie de la somme récoltée sera dédiée à la réalisation d’ateliers dans des banlieues parisiennes défavorisées pour accompagner des jeunes déscolarisés et des chômeurs à réaliser leurs sites internet CV avec Silex.

Q : Le mot de la fin?

Venez nous rencontrer aux apéros de l’asso chaque mois à Paris, dans un bar pour discuter ou dans une salle pour contribuer.

Photo de l'Equipe Silex labs

Merci à Alexandre d’avoir bien voulu se prêter au jeu de l’interview et souhaitons à leur campagne de financement participatif de réussir.

Pour aller plus loin :




Logiciel privateur de liberté… jusqu’à la prison ?

Dans le mode du logiciel libre, et contrairement à ce que le nom laisse suggérer, ce n’est pas le logiciel qui est libre, mais bien l’utilisateur du logiciel.

Le logiciel propriétaire, c’est-à-dire l’opposé du logiciel libre, est alors parfois appelé « logiciel privateur », car il prive l’utilisateur de certaines libertés fondamentales (étudier, exécuter, etc. le code source du programme).

Rebecca Wexler, étudiante dans l’école de droit de Yale (Yale Law School) nous montre ici qu’en plus ne nous priver de ces libertés qui peuvent parfois sembler bien futiles pour tout un chacun, ces logiciels peuvent compromettre le système judiciaire et nous priver ainsi de nos libertés fondamentales.

Condamnés par le code

par Rebecca Wexler

Source : Convicted by code (Slate)

Traduction :Vincent,  McGregor, roptat, oS,Diane, CLC, touriste, teromene, Piup, Obny et anonymes.

Obny CC BY-NC-SA Dérivé de Su morais et CyberHades.
Obny CC BY-NC-SA Dérivé de Su morais et CyberHades.

Le code « secret » est partout : dans les ascenseurs, les avions, les appareils médicaux.

En refusant de publier le code source de leurs logiciels, les entreprises rendent impossible son inspection par des tiers, et ce même si le code a un impact énorme sur la société et la politique. Verrouiller l’accès au code empêche de connaître les failles de sécurité qui peuvent nous rendre vulnérables au piratage et à la fuite de données. Cela peut menacer notre vie privée en accumulant de l’information sur nous à notre insu. Cela peut interférer avec le principe d’égalité devant la loi si le gouvernement s’en sert pour vérifier notre éligibilité à une allocation, ou nous inscrire sur une liste d’interdiction de vol. De plus, le code gardé secret permet le trucage des données et occulte les erreurs, comme dans l’affaire Volkswagen : l’entreprise a récemment avoué avoir utilisé un logiciel caché pour truquer les tests d’émission menés sur 11 millions de voitures, qui rejetaient l’équivalent de 40 fois la limite légale.

Mais aussi choquante que la fraude de Volkswagen puisse être, elle ne fait qu’en annoncer bien d’autres du même genre. Il est temps de s’occuper de l’un des problèmes de transparence technologique les plus urgents et les plus négligés : les programmes secrets dans le système judiciaire. Aujourd’hui, des logiciels fermés, propriétaires, peuvent vous envoyer en prison et même dans le couloir de la mort. Et dans la plupart des juridictions des États-Unis, vous n’avez pourtant pas le droit de les inspecter. Pour faire court, les procureurs ont le même problème que Volkswagen.

Prenons la Californie. Martell Chubbs est actuellement accusé de meurtre pour des faits remontant à 1977, dans lesquels la seule preuve contre lui est une analyse ADN effectuée par un logiciel propriétaire. Chubbs, qui dirigeait une petite entreprise de dépannage à domicile à l’époque de son arrestation, a demandé à inspecter le code source du logiciel afin de pouvoir contester la précision de ses résultats. Il cherchait à déterminer si le code implémente correctement les procédures scientifiques établies pour l’analyse ADN et s’il fonctionne comme son fabriquant le prétend. Mais ce dernier a affirmé que l’avocat de la défense pourrait voler ou dupliquer le code et causer des pertes financières à l’entreprise. Le tribunal a rejeté la requête de Chubbs, lui autorisant l’examen du rapport de l’expert de l’état, mais pas l’outil qu’il a utilisé. Des tribunaux de Pennsylvanie, Caroline du Nord, Floride et d’autres ont rendu des décisions similaires.

Nous devons faire confiance aux nouvelles technologies pour nous aider à trouver et condamner les criminels, mais aussi pour disculper les innocents. Les logiciels propriétaires interfèrent avec cette confiance dans de plus en plus d’outils d’investigation, des tests ADN aux logiciels de reconnaissance faciale et aux algorithmes qui indiquent à la police où chercher les futurs crimes. Inspecter les logiciels n’est cependant pas seulement bon pour les accusés : divulguer le code à des experts de la défense a permis à la Cour suprême du New Jersey de confirmer la fiabilité scientifique d’un éthylotest.

Non seulement il est injuste de court-circuiter la possibilité pour la défense de contre-expertiser les preuves médico-légales, mais cela ouvre la voie à de mauvaises pratiques scientifiques. Les experts décrivent la contre-expertise comme « le meilleur instrument légal jamais inventé pour la recherche de la vérité ». Mais des révélations récentes ont révélé une épidémie de mauvaises pratiques scientifiques qui sapent la justice criminelle. Des études ont contesté la validité scientifique des recherche de similitudes sur les marques de morsure, les cheveux et les fibres, des diagnostics du syndrome du bébé secoué, de techniques balistiques, des séances d’identifications olfactives par des chiens, des preuves issues de l’interprétation de taches de sang, et des correspondances d’empreintes digitales. Le Massachusetts se démène pour gérer les retombées des falsifications de résultats par un technicien d’un laboratoire criminel qui a contaminé les preuves de dizaines de milliers d’affaires criminelles. Et le Projet Innocence rapporte que de mauvaises analyses légales ont contribué à l’incrimination injustifiée de 47% des prévenus. L’Académie Nationale des Sciences (National Academy of Sciences) accuse entre autres le manque de processus d’évaluation par les pairs dans les disciplines liées à l’analyse légale d’être responsable de cette crise.

Les logiciels ne sont pas non plus infaillibles. On a découvert des erreurs de programmation qui changent les ratios de probabilité des tests ADN d’un facteur 10, amenant des procureurs australiens à remplacer 24 avis d’experts dans des affaires criminelles. Quand les experts de la défense ont identifié une erreur dans le logiciel de l’éthylotest, la Cour suprême du Minnesota a invalidé le test en tant que preuve pour tous les futurs jugements. Trois des plus hautes cours de l’état (américain, NdT) ont encouragé à accepter davantage de preuves de failles dans des programmes, de manière à ce que les accusés puissent mettre en cause la crédibilité de futurs tests.

La contre-expertise peut aider à protéger contre les erreurs – et même les fraudes – dans la science et la technique de l’analyse légale. Mais pour que cet appareil judiciaire puisse fonctionner, l’accusé doit connaître les fondements des accusations de l’état. En effet, lorsque le juge fédéral de Manhattan, Jed S. Rakoff, a démissionné en signe de protestation contre la commission sur les sciences légales du président Obama, il a prévenu que si l’accusé n’a pas accès à toutes les informations pour effectuer une contre-expertise, alors le témoignage d’un expert judiciaire n’est « rien d’autre qu’un procès par embuscade » (c.-à-d. sans accès préalable aux éléments  de preuve, NdT).

La mise en garde de Rakoff est particulièrement pertinente pour les logiciels des outils d’analyse légale. Puisque éliminer les erreurs d’un code est très difficile, les experts ont adopté l’ouverture à l’analyse publique comme le moyen le plus sûr de garder un logiciel sécurisé. De manière identique, demander au gouvernement d’utiliser exclusivement des outils d’analyse légale ouverts permettrait leur contre-expertise participative. Les fabricants d’outils d’analyse légale, qui vendent exclusivement aux laboratoires d’expertise criminelle du gouvernement, peuvent manquer de motivations pour conduire les tests de qualité minutieux requis.

Pour en être certains, les régulateurs du gouvernement conduisent actuellement des tests de validation pour au moins quelques outils d’analyse légale numériques. Mais même les régulateurs peuvent être incapables d’auditer le code des appareils qu’ils testent, se contentant à la place d’évaluer comment ces technologies se comportent dans un environnement contrôlé en laboratoire. De tels tests « en boite noire » n’ont pas été suffisants à l’Agence de Protection de l’Environnement (Environmental Protection Agency) pour repérer la fraude de Volkswagen et ce ne sera pas non plus assez pour garantir la qualité des technologies numériques d’analyse légale.

La Cour suprême a depuis longtemps reconnu que rendre les procès transparents aide à s’assurer de la confiance du public dans leur équité et leur légitimité. Le secret de ce qu’il y a sous le capot des appareils d’informatique légale jette un doute sur ce processus. Les accusés qui risquent l’incarcération ou la peine de mort devraient avoir le droit d’inspecter les codes secrets des appareils utilisés pour les condamner.




Au revoir Revolv, bonjour obsolescence imposée

Pendant longtemps, acheter un objet signifiait pouvoir en disposer pleinement. Mais l’ère Google est arrivée, et les temps ont bel et bien changé.

Désormais, il faut composer avec des objets toujours connectés à leurs fabricants et à leur nouveau credo : l’obsolescence imposée, ou comment vous vendre un produit tout en gardant les pleins droits dessus. Quand il est possible de ne pas se contenter de l’argent du beurre, certains semblent ne pas se priver.

Google s’introduit au domicile de ses clients et neutralise leurs appareils connectés.

par Cory Doctorow

Source : Google reaches into customers’ homes and bricks their gadgets
Traduction Framalang : Piup, touriste, teromene, MagicFab, lumi, morgane, Pouhiou, simon, Blanchot, line, Diab, Penguin, herodor, lamessen, scailyna, tripou et quelques valeureux anonymes

Dave Bleasdale – CC-BY
Dave BleasdaleCC-BY

Revolv est une centrale de contrôle pour maison connectée dont Google a fait l’acquisition il y a 17 mois. Hier, Google a annoncé qu’à partir du 15 mai (2016, NdT), tous les Revolvs, où qu’ils soient, seraient mis hors-service et deviendraient inutilisables. La section 1201 de la loi américaine sur les droits d’auteur numériques (Digital Millennium Copyright Act, DMCA) précise que toute personne essayant de créer un système d’exploitation alternatif pour le Revolv commettrait un délit et risquerait jusqu’à 5 ans de prison.

Revolv est apparemment mis hors service parce qu’il n’a pas sa place dans les projets que Google prévoit pour Nest, son autre acquisition en matière de technologie domestique. La foire aux questions (FAQ) de Google indique à ses clients que tout cela est normal, car la garantie de ces objets a expiré, et que de toute manière, tout était indiqué en petits caractères dans les conditions qu’ils ont lues, ou au moins vues, ou pour lesquelles ils ont au minimum vu un lien quelque part.

Ce n’est pas encore un tremblement de terre, mais une secousse annonciatrice. Qu’il s’agisse de votre voiture, de vos ampoules ou de votre stimulateur cardiaque, les objets que vous possédez reposent de plus en plus sur des logiciels en réseau. Supprimez ces logiciels et ils deviennent des déchets électroniques inutilisables. Une entreprise vendant uniquement du matériel n’existe pas : les marges de profits ridiculement faibles sur le matériel obligent chaque entreprise de ce secteur à s’orienter vers le domaine du service et des données, et presque sans exception, ces entreprises utilisent les DRM (gestion des droits numériques) pour obtenir le droit de poursuivre en justice les concurrents qui fournissent les mêmes services, ou qui donnent à leurs clients la possibilité d’accéder à leurs propres données sur le matériel d’une entreprise concurrente.

Nous venons d’entrer dans une ère où les lave-vaisselle peuvent refuser de laver la vaisselle d’un autre fournisseur, et où leurs fabricants peuvent poursuivre en justice quiconque essayerait de fabriquer de la « vaisselle compatible ». Vous vendre un grille-pain n’avait jamais donné le droit au fabricant de vous dicter le choix de votre pain, pas plus que fabriquer un lecteur CD n’accordait à un fabricant le droit de contrôler le type de disque que vous souhaitez lire.

Si la dernière loi sur les droits d’auteur numériques (DMCA) a réussi à perdurer, c’est parce que nous considérons simplement comme une arnaque à la petite semaine des pratiques nous obligeant, par exemple, à acheter à nouveau un film que l’on a en DVD pour pouvoir le regarder sur son téléphone. Dans les faits, les règles du DMCA créent un système qui permet aux entreprises d’être les réels propriétaires de ce que vous achetez ; vous pensez acheter un objet, mais en réalité vous n’achetez tout simplement que le droit d’utiliser cet objet : c’est-à-dire une licence régie par des conditions d’utilisation que vous n’avez jamais lues, et encore moins approuvées, mais qui octroient à ces entreprises le droit de pénétrer chez vous et d’y faire ce qu’elles veulent avec le matériel que vous avez payé.

En somme, c’est un aimable et retentissant « Allez vous faire foutre » envoyé à toutes les personnes qui leur ont fait confiance en achetant leur matériel. Cette annonce a été faite longtemps après le rachat de l’entreprise par Google, il s’agit donc bien des paroles de Google sous la direction de Tony Fadell. Il faut également relever que pour les utilisateurs de ces objets connectés, la seule façon d’être informé de leur mutinerie est de se rendre sur le site Internet de Revolv alors même que Google dispose de l’adresse mail de ses clients.

Écoutez, je suis un grand garçon. Ce n’est pas la fin du monde. Il se trouve que je peux résoudre le problème en achetant un appareil de remplacement, tel que la centrale de contrôle produite par SmartThing, une entreprise appartenant à Samsung. Cet appareil n’est pas très cher, quelques centaines de dollars. Mais je suis vraiment inquiet. Cette initiative de Google soulève une série d’interrogations inhérentes à tout le matériel vendu par cette même société.

Quel sera le prochain appareil que Google décidera de neutraliser ? S’ils arrêtent le support d’Android, vont-ils décider que dès le lendemain de l’expiration de la dernière garantie, votre téléphone va s’éteindre à jamais ? Votre appareil Nexus est-il à l’abri ? Quid de votre alarme incendie ou de votre détecteur de fumée Nest ? Quid de votre Dropcam ? Et votre appareil Chromecast ? Google/Nest ne risque-t-il pas un jour de mettre votre famille en danger ?

Dans tous ces appareils, les aspects logiciels et matériels sont inextricablement liés. En vertu de quoi l’expiration d’une garantie donnerait-elle le droit de désactiver le fonctionnement d’un appareil ?

Arlo Gilbert/Medium, The time that Tony Fadell sold me a container of hummus.




L’anonymat en ligne avec Tor, c’est Nos oignons !

Comme beaucoup d’internautes, vous êtes ces dernières années de plus en plus préoccupé par la confidentialité de vos données et de vos communications.

Vous avez renforcé et renouvelé vos mots de passe, installé des extensions qui filtrent ou bloquent les contenus indésirables, vous luttez contre le pistage des GAFAM au cours de votre navigation, vous êtes en voie de dégooglisation, mais vous n’avez peut-être pas osé aborder une étape plus délicate et technique comme celle qui consiste à chiffrer vos échanges et vos disques durs, pas osé non plus utiliser le réseau Tor. C’est bien compréhensible, vous reculez un peu devant ce qui vous semble plus complexe et vous ne savez pas exactement de quoi il retourne… On entend dire des choses tellement inquiétantes aussi !

Liste des utilisateurs potentiels du réseau Tor
Tout le monde peut trouver des avantages à utiliser Tor

Eh bien nous vous proposons aujourd’hui d’apprendre un peu mieux ce qu’est réellement ce réseau Tor, pour démystifier ce qui peut s’avérer d’un usage quotidien pour beaucoup d’entre nous.

Vous en doutez ? Pourtant emprunter les trajectoires zigzagantes de Tor est non seulement parfaitement légal mais aussi tout à fait utile et à la portée d’un vaste public.

Mais pour commencer, qu’est-ce que c’est au juste que Tor ? Comment ça marche, est-ce que c’est dangereux ? Comment peut-on l’essayer sans trop de difficultés ?

Pour répondre à ces questions, autant s’adresser directement à ceux sont sur le terrain et connaissent la question. Nous avons la chance d’avoir Nos oignons une jeune association francophone qui s’active pour multiplier les nœuds de sortie dont… STOOOOP ! Écoutons-les plutôt.

Merci à ned, syl, Chre, Cor, gagz, nicoo, Lunar, aeris et à tous ceux de l’association qui ont collectivement et gentiment répondu aux questions un peu… comment dire — enfin des questions de Goofy, quoi.

Tor c’est pour aller sur le Darknet, là où se trouvent les trafiquants de drogue et les terroristes, pourquoi vous voudriez que les internautes ordinaires y accèdent aussi ?

Utiliser Tor permet de retrouver un peu d’intimité quand on utilise Internet. Tout comme mettre une lettre dans une enveloppe, des rideaux à nos fenêtres ou son téléphone sur liste rouge, cela permet de retrouver le pouvoir de décider avec qui partager notre quotidien.
Des personnes qui veulent se livrer à des activités illégales vont bien entendu chercher à se cacher. Mais cela ne peut pas justifier d’espionner tout le monde. Tor est là pour nous aider à disposer de nos droits fondamentaux : libertés d’opinion, d’expression, d’association, de communication. Ces droits humains s’appliquent à tou·te·s, sans discrimination.

Ce qu’il faut comprendre, c’est que même si Tor était interdit, des activités illégales continueraient d’exister sur Internet sous d’autres formes et en utilisant d’autres outils. Il y a déjà sur Internet des activités illégales n’utilisant pas Tor.

Moi je veux bien essayer Tor, mais je ne veux pas d’ennuis avec la police, hein. Qu’est-ce que vous faites quand les services de police vous demandent de fournir des renseignements sur des utilisateurs considérés comme suspects ?
On leur dit la simple vérité : nous n’avons pas ces renseignements, d’une part parce que nous ne gardons pas trace de ce que les usagers font avec Tor, d’autre part parce que le réseau est conçu pour qu’il nous soit impossible de remonter à la source des communications.

C’est le moment de schématiser le fonctionnement de Tor.

Regardez d’abord comme la transmission des informations numériques est perméable à toutes sortes de gens ou institutions lorsqu’on n’utilise ni Tor ni https (le protocole sécurisé) :
tor-and-https-0
Maintenant, avec ces deux outils mis en place, observez que les diverses oreilles indiscrètes n’ont plus d’accès aux données que vous transmettez. Les trois relais Tor qui assurent ainsi votre anonymat sont d’ailleurs eux-mêmes « aveugles » à vos données. Chacun d’eux ne reçoit et transmet que des données chiffrées dont il ignore l’émetteur d’origine.
tor-and-https-3

Il paraît que la NSA a glissé ses propres nœuds Tor dans le réseau, alors il est compromis ou bien je peux avoir confiance ?
Même si c’est toujours intéressant intellectuellement d’y réfléchir, on a rarement affaire à une organisation aussi puissante que la NSA. La plupart du temps, on cherche à se protéger de publicitaires qui veulent nous bourrer le crâne, de patrons qui veulent nous empêcher de bosser tranquilles, de conjoints inquisiteurs, d’un filtre trop agressif dans une gare… Moins souvent, on veut protéger des communications confidentielles avec des médecins, des avocat·e·s, des journalistes… On est donc rarement une cible directe de la NSA. Et c’est tant mieux parce que si elle se débrouille pour pirater notre ordinateur, il sera facile de nous espionner, que nous utilisions Tor ou non.
Néanmoins, si la NSA faisait tourner des nœuds, ce ne serait pas nécessairement un problème. Le réseau Tor est conçu pour résister à la présence de nœuds sous surveillance tant qu’ils ne sont pas nombreux ou qu’ils sont surveillés par des adversaires différents. Des bénévoles font activement la chasse pour trouver des nœuds qui interfèrent avec les données échangées, ou des nœuds trop semblables qui apparaissent.

Il faut savoir qu’un adversaire comme la NSA, qui dispose de la capacité de surveiller directement les réseaux de communication, n’a nul besoin de faire tourner des relais Tor pour tenter de désanonymiser ses utilisateur·ice·s. En effet, plutôt que de s’embêter à faire tourner des relais, il suffit d’observer d’où vient et où va le trafic qui transite par les relais.
Tout serait donc perdu ? De ce qu’on en sait, bien au contraire : les documents internes que nous a transmis Edward Snowden nous ont permis de mieux comprendre l’étendue des possibilités de la NSA. La présentation interne intitulée « Tor Stinks » (Tor, ça pue), datée de 2012, explique qu’il est possible de retrouver le chemin d’une fraction des connexions traversant Tor, mais il est impossible de « désanonymiser » toutes les connexions tout le temps et il est très difficile de le faire avec une cible précise en tête.

À notre connaissance, Tor reste efficace contre la surveillance de masse, et rend bien plus compliquées les attaques ciblées.

Je me rends compte que tester Tor est à ma portée ! Un navigateur est disponible pour cela, c’est Torbrowser. Il me suffit d’aller sur le site https://www.torproject.org/projects/torbrowser.html.en et de choisir la bonne version :

Torstep0

une fois qu’elle est téléchargée et installée, je choisis mon type d’usage :

Torstep1

et me voilà prêt à naviguer en circulant de façon anonyme sur le Web.

torstep2

Bon, Tor c’est bien, mais quelles précautions faut-il que je prenne en plus selon vous, car Tor n’est pas une garantie contre tous les risques, hein ?
En effet ! Tor permet vraiment deux choses : empêcher le fournisseur d’accès Internet de surveiller les sites qu’on visite ; et empêcher que les sites apprennent où l’on se trouve malgré nous. Tor Browser contient des myriades de petites fonctionnalités pour empêcher que deux sites différents puissent apprendre qu’une même personne les visite tous les deux. Mais utiliser Tor Browser ne protégera pas forcément la connexion jusqu’au site visité, pour cela il faut veiller à ce que la connexion se fasse en HTTPS.

Tor n’est pas une poudre magique à « sécuriser » : la plupart des logiciels ont des défauts, Tor Browser est par exemple mis à jour toutes les six semaines afin de pouvoir colmater des brèches de sécurité le plus vite possible. Les connexions entre le réseau Tor et le site Internet auquel on accède peuvent être surveillées. Tor ou pas Tor, l’heure d’une connexion peut parfois permettre d’identifier une personne lorsqu’il y a peu de suspects.
Pour établir une analogie un peu bancale : mettre sa ceinture en voiture n’empêche pas les accidents, mais est-ce une bonne raison pour ne pas la mettre ?

Utiliser Tor ne protégera pas les échanges à partir d’un site : ça ne change rien à la sécurité des messages échangés via Twitter ou un webmail. Se « garantir contre tous les risques », c’est forcément un processus, pas un produit. Par exemple, des images contenant le numéro de série de l’appareil qui a servi à prendre les photos dans les métadonnées peuvent permettre d’identifier la source d’une journaliste, que les images aient été transférées en utilisant Tor ou pas.

Ah ben je découvre qu’il existe une liste impressionnante de projets connexes à Tor ? Pourquoi a-t-on besoin de tout cet écosystème ? Quels sont les principaux types de projets associés et quels sont ceux auxquels vous (Nos oignons) participez ?
Il y a effectivement plein de projets liés à Tor, en plus de Tor (le logiciel qui sert à faire tourner le réseau) : le navigateur Tor, HTTPS Everywhere, les logiciels de messagerie instantanée Tor Messenger et Ricochet, Pond (une alternative aux emails)…
C’est principalement pour pouvoir mieux protéger les usagers de Tor : par exemple, Tor Browser est une version de Mozilla Firefox équipée de contre-mesures pour éviter qu’on puisse vous pister de connexion en connexion.  Pond est un logiciel expérimental qui vise à fournir un service similaire aux emails, mais qui masque l’existence même d’une communication entre deux usagers donnés…
Il existe également Tails qui est un système d’exploitation live (i.e. qui peut fonctionner sur une clé USB sans installation sur un ordinateur) dont tous les logiciels intégrés passent par Tor. Utiliser un système spécialement conçu pour limiter les traces et les fuites comme Tails constitue une aide précieuse pour s’épargner des erreurs.
Notre équipe d’administration système contribue aussi à l’amélioration du projet Debian (la distribution GNU/Linux que nous utilisons principalement), entre autres sur la sécurité des services que nous utilisons, et une importante quantité de documentation, accessible à tou·te·s, couvre la configuration de nos services, leur sécurisation et les procédures que nous employons. Des membres de Nos oignons ont également créé graphnion pour afficher des graphes de relais.

Mais… c’est quoi les « services cachés » de Tor, encore un truc de fraudeurs pour échapper à la TVA sur les services ?
Pas vraiment… on parle de plus en plus de  services « .onion » ces temps-ci car de plus en plus de services sont accessibles publiquement ainsi.
Le fonctionnement habituel de Tor, c’est de permettre de se connecter à des sites Internet existants. Quand on utilise les services .onion, la connexion se fait vers un serveur qui utilise lui aussi Tor. Par exemple, cela permet pour une personne qui tient un blog politique d’être plus difficile à identifier par celles et ceux qui voudraient lui chercher des noises. Un autre intérêt est de s’assurer que les usagers du service « onion » n’y accèdent pas accidentellement sans Tor ; c’est en particulier utilisé par les systèmes de prise de contact avec les journalistes (comme « SecureDrop »), pour s’assurer que les sources ne s’exposent pas accidentellement. Depuis peu, on voit aussi de plus en plus de sites proposer un accès en .onion en plus de leur accès Internet habituel. Le plus utilisé est probablement Facebook. L’usage du .onion permet de garantir que la connexion se fait au bon serveur, et de bénéficier de la totalité de la bande passante du réseau Tor, sans être contraint par le nombre limité de nœuds de sortie.

Votre association gère aussi des « signalements d’abus ». De quoi s’agit-il ?
Parfois, des gens nous contactent pour nous informer d’un problème en provenance de nos serveurs : une tentative d’utiliser « toto123 » comme mot de passe sur un service Web, l’envoi de spam, ou encore des services qui trouvent que recevoir autant de connexions en provenance d’une même adresse Internet partagée par plusieurs personnes, c’est suspect. On leur explique alors que nous gérons des relais Tor et que nous ne sommes donc pas la source du problème. Cela dit, notre expérience est que seule une petite quantité de personnes utilisent Tor pour être pénibles : le nombre de signalements que nous recevons est bien faible en comparaison de la quantité de données que les relais de Nos oignons font transiter chaque mois.

En lisant votre documentation, on voit que vous cherchez à avoir davantage de « relais » ou des « nœuds de sortie », c’est la même chose ou non ?
Pas tout à fait : les relais (ou nœuds) sont les ordinateurs faisant partie du réseau Tor ; les nœuds de sortie sont ceux qui permettent de joindre des sites Internet existants. Pour ces sites, il est facile de penser que le nœud de sortie est à l’origine de la connexion. En cas d’usage malintentionné de Tor, c’est donc souvent l’opérateur du nœud de sortie qui est consulté. Ça représente plus de travail que de faire tourner un relais « simple ».

Est-ce que tous les opérateurs acceptent qu’on mette son ordinateur au service du réseau Tor ?
Pour les nœuds de sortie, beaucoup d’opérateurs ou d’hébergeurs ont des clauses qui leur permettent de couper l’accès sans préavis, à cause des plaintes qui pourraient leur arriver. Cela n’empêche pas d’utiliser Tor ou de faire tourner des points d’entrée prévus qui permettent de contourner les dispositifs de censure (appelés « bridges »).
D’autre part, faire tourner un nœud de sortie chez soi n’est pas très utile, à cause de la bande passante limitée et de la gestion des risques liés aux abus. Il est plus utile d’aider Nos oignons à financer de nouveaux nœuds de sortie. 🙂

Le projet Tor se bat contre tous ceux qui voudraient faire disparaître l’anonymat, partout dans le monde. Mais en France, quelle est la situation, avec les lois sécuritaires qui s’empilent ? Tor est-il menacé ? Faut-il dès maintenant envisager un repli vers autre chose ?
L’anonymat est essentiel pour l’exercice des libertés fondamentales, particulièrement la liberté d’opinion. Tor n’est pour l’instant pas directement menacé en France. On sait toutefois que certains policiers souhaiteraient empêcher son usage, et que plus généralement, l’élite politique comprend mal les enjeux autour du chiffrement, comme on peut le voir autour de l’affaire FBI contre Apple couverte par les médias aux mois de mars-avril 2016.

Adopter Tor

Quoi qu’il en soit, Tor est conçu pour être un outil de contournement de la censure. Tor fonctionne même dans des pays particulièrement répressifs comme la Chine ou l’Iran qui disposent pourtant d’une capacité de filtrage et d’une politique répressive bien supérieures à ce qui existe en France actuellement. Réprimer l’utilisation de Tor risque d’être aussi efficace que de réprimer le partage d’œuvres en pair-à-pair : c’est un logiciel libre, facile à installer et à diffuser. En revanche il est clair que contribuer au projet, sous forme de code ou de relais pourrait être rendu plus difficile ou dangereux.

Il est donc important que les dizaines d’organisations et la centaine de particuliers qui font tourner des relais en France s’allient aux millions de personnes (dont une centaine de milliers en France !) qui utilisent régulièrement Tor. Restons vigilant·e·s et défendons nos libertés.

Tor a été conçu en partant du principe qu’il existera toujours des endroits où il sera possible de faire tourner des relais, où il sera possible de travailler à améliorer les logiciels et en faire la promotion.

Plusieurs projets envisagent un modèle beaucoup plus distribué et encore plus difficile à arrêter, mais c’est tout de suite plus compliqué comme problème à résoudre : ça pose la question de la compatibilité avec l’existant, et pour l’instant, rien n’est prêt pour le grand public. Il aura fallu dix ans à Tor pour être accessible à tout le monde. C’est important de soutenir ces projets le temps qu’ils mûrissent. Si Tor est remplacé un jour par un système plus fiable, ce sera tant mieux !

Je vois que vous utilisez une ribambelle de logiciels libres (Debian, Postfix, Mailman, Schleuder, SpamAssassin, BIND, Apache, Ikiwiki, Git, Keyringer, et encore de nombreux autres…) : le projet Tor serait-il possible sans des logiciels libres ?
Au-delà du fait qu’on ne peut pas faire confiance à un logiciel dont il est impossible de vérifier le fonctionnement, Tor doit rester accessible à toutes et tous. Personne de devrait avoir à payer pour pouvoir échapper au sentiment d’être surveillé·e. Mais partant de là, les ressources du projet sont plutôt limités. L’intérêt des logiciels libres est aussi de permettre de construire des solutions sur-mesure en assemblant plusieurs logiciels qui existent déjà. Ou alors de pouvoir demander de l’aide à d’autres personnes qui partagent les objectifs du projet Tor tout en travaillant sur d’autres projets. C’est important de pouvoir faire confiance à une communauté. Le projet Tails, par exemple, explique bien cette question de la chaîne de confiance en œuvre dans le logiciel libre.

De quoi avez-vous le plus besoin ? De compétences techniques, d’argent, de matériel, d’hébergement… ?

logoNosOignons
Le saviez-vous ? TOR est l’acronyme de The Onion Router, le routeur oignon. Sur le logo de l’association on voit en pointillés le trajet des données, chaque oignon-relais assure l’anonymat.

Nos oignons a bien sûr besoin d’argent pour payer l’hébergement de ses relais actuels et en ouvrir de nouveaux. Les dons réguliers sont précieux car ils nous permettent de mieux voir venir. Pour ce qui est des activités bénévoles, il y a beaucoup plus à faire côté communication et administratif que technique. On essaye d’accueillir toutes les bonnes volontés au mieux !

Actuellement, nous sommes particulièrement à la recherche de nouveaux hébergeurs, prêts à accepter un nœud de sortie Tor avec une bande passante conséquente. C’est nécessaire pour contribuer à la diversité du réseau : répartir les relais Tor chez le plus possible d’hébergeurs participe à la sécurité du réseau.

Message reçu ! Que nos lecteurs les plus aguerris rejoignent Nos oignons !

 

Quelques liens pour aller plus loin :




Quand l’open-source fait peur aux parents…

Les lecteurs réguliers de ce blog seront les premiers ravis si leurs enfants ou adolescents se lancent d’eux-même dans l’usage de logiciels libres. Mais nous savons tous que c’est parfois une découverte pour des parents moins à l’aise que leurs enfants avec les usages numériques.

Alors, parfois, il faut pouvoir les rassurer. C’est l’objet de cette lettre ouverte, écrite par Jim Salter et traduite pour vous par la dynamique équipe de Framalang. Attention, certains liens de cet article sont ceux proposés par l’auteur et sont donc en anglais.

Chers parents : Laissez vos enfants utiliser des logiciels open source

par Jim Salter

Source : Dear parents: Let your kids use open source software
Traduction Framalang : Blanchot, kaelle, line, Manegiste, pouhiou, rOu, teromene, touriste et quelques valeureux anonymes

Horst JENS - CC BY-SA
Horst JENS – CC BY-SA

Un jeune homme de 16 ans a récemment demandé conseil à la communauté Linux de reddit. Quand ses parents ont découvert qu’il avait installé Linux sur son ordinateur portable, ils étaient terrifiés. Après tout, ces logiciels « gratuits » doivent certainement être infestés par des virus et/ou des pirates. Ce qui n’a pas non plus aidé, c’est qu’il a gaspillé un cadeau coûteux et qu’il n’utilise plus aucun des logiciels hors de prix qui ont été achetés en même temps. Il a essayé d’en discuter, mais clairement : il était l’adolescent et ils étaient les adultes.

À l’aide des informations et des conseils fournis par la communauté Reddit, ce jeune homme a reparlé à ces parents et a apaisé la plupart de leurs craintes. La lettre ouverte que vous lisez est destinée aux autres parents qui ont découvert que leurs enfants utilisaient des logiciels libres et qui ne savent pas bien ce que c’est, ou si c’est une bonne idée de les utiliser.

Qui suis-je ?

Clairement, cet article ne parle pas de moi : il parle de vous, de vos enfants, de vos logiciels. Mais pour vous donner une idée de la personne qui vous donne ces informations, mon nom est Jim Salter. J’ai 43 ans et je suis administrateur système professionnel, auteur et conférencier. Je possède et j’administre avec succès quelques petites entreprises, et j’attribue la plupart de ces succès au FOSS, le logiciel libre et open source, qui fait fonctionner mes activités, celles de mes clients et la majeure partie de l’économie dont nous faisons partie.

Que veut dire FOSS ?

FOSS est un acronyme qui signifie logiciel libre et open source (Free and Open Source Software). Cet acronyme inclut des systèmes d’exploitation comme GNU/Linux et FreeBSD, ainsi que des applications comme LibreOffice (qui gère des documents, comme ceux créés par Microsoft Excel, PowerPoint et Word), Firefox (un navigateur web, comme Internet Explorer ou Safari), ou GIMP (un éditeur d’images, comme Adobe Photoshop).

Les FOSS ne sont pas des logiciels « volés ». Les licences libres telles que la licence GPL, BSD ou Apache permettent aux utilisateurs d’utiliser le programme librement, et aux développeurs de modifier tout aussi librement les logiciels sous ces licences. Une autre chose importante à comprendre à propos du logiciel libre est qu’il ne s’agit pas uniquement de logiciels gratuits. Créer une copie d’un logiciel ne coûte rien. Ceci a permis à la communauté de créer des produits de renommée mondiale, ce qui n’aurait pas été possible avec une approche purement matérialiste de notre économie.

Les FOSS sont un effort collectif, avec un accent particulier porté sur la communauté. Tous les utilisateurs qui se servent activement de logiciels libres contribuent réellement, à leur manière, à ce projet. En utilisant un projet, l’utilisateur en favorise la diffusion et attire ainsi d’autres utilisateurs. Certains d’entre eux vont remplir des rapports d’erreur, aidant ainsi les développeurs du projet à comprendre ce qui ne fonctionne pas correctement dans le code, ou ce qui pourrait être amélioré.

D’autres utilisateurs qui savent programmer répareront ces erreurs ou ajouteront de nouvelles caractéristiques, ce qui améliore directement le projet. D’autres, qui écrivent bien, amélioreront la documentation, permettant à de nouveaux utilisateurs d’apprendre comment mieux se servir du projet. C’est à cela que nous faisons référence quand nous parlons de communauté de l’open source. Même dans les cas de projets avec des développeurs payés à plein temps par une grande entreprise, la communauté est extrêmement importante. Cette communauté est vitale pour que le projet demeure vivant, actif et attractif.

Comment les logiciels libres peuvent-ils être sûrs ?

Il est facile de comprendre pourquoi on peut penser que ce qui est gratuit ne peut pas être aussi bon que quelque chose de payant. Dans une époque où un nouveau virus semble nous guetter à chaque coin de rue, on est facilement suspicieux. On ne peut pas faire confiance aux programmes gratuits accessibles d’un seul clic dans les bannières publicitaires sur les sites Internet. Alors, pourquoi faire confiance aux logiciels libres, eux aussi gratuits ?

Encore une fois, il est important de comprendre la différence entre « gratuit » et « libre » [NdT : En anglais, gratuit et libre se traduisent par « free »]. Et ici encore, c’est la communauté qui fait la différence. Quand un site Internet douteux vous propose de télécharger des réductions alléchantes, des pilotes pour votre ordinateur ou tout autre forme de camelote, cela veut simplement dire qu’il n’est pas nécessaire de sortir sa carte de crédit. Vous ne pouvez pas voir personnellement le code source de ce téléchargement « gratuit » – et c’est la même chose pour tout le monde. Il est donc facile pour la personne lançant le « clic gratuit » d’y dissimuler des choses dont vous ne voulez pas. En fait, vous téléchargez à l’aveuglette – c’est-à-dire que l’on vous offre une boîte bien fermée avec une simple promesse sur son contenu.

Avec les logiciels libres, vous n’avez pas uniquement la possibilité de télécharger gratuitement – vous obtenez la liberté de commenter librement (voire même de modifier) le code du logiciel lui-même. Là où un « programme téléchargeable gratuitement » peut suivre (et suit) secrètement toutes vos activités sur Internet ou imposer des publicités sur les pages que vous consultez pour faire gagner de l’argent à leurs auteurs, un programme libre et open source ne peut en pratique rien faire de tel. S’il essayait, les utilisateurs les plus chevronnés dénicheraient le code « secret » à l’origine des désagréments causés aux utilisateurs – et peu de temps après, des utilisateurs plus compétents encore désactiveraient le code qui aurait nui (aux utilisateurs).

Dans la vie, le risque zéro n’existe pas. Cependant, avec un code source ouvert, vous savez que le maximum de personnes, dont l’objectif est de rendre le programme bénéfique pour l’utilisateur (plutôt que d’en tirer de l’argent), s’impliquent activement pour que le code demeure bénéfique pour les utilisateurs. C’est un avantage que les logiciels propriétaires ne peuvent pas vraiment reproduire, parce que le premier objectif des logiciels propriétaires n’est pas de satisfaire les utilisateurs, mais de rapporter de l’argent à leur éditeur.

Intéressés par des articles sur les résultats du logiciel libre en matière de sécurité ? Katherines Noyes de PCWorld vous donne cinq bonnes raisons pour lesquelles Linux est plus sécurisé que Windows .

Pourquoi voudrais-je que mes enfants utilisent des logiciels libres ?

Est-ce qu’ils ne devraient pas utiliser la même chose que tout le monde ?

crédit : Lucélia Ribeiro, CC BYSA

Ah, c’est la partie la plus drôle ! Il serait facile de regarder autour de vous au bureau et de voir des machines sous Microsoft Windows, ou de jeter un coup d’œil dans un café et de voir des téléphones Apple, et d’en déduire que « les logiciels propriétaires font fonctionner le monde ». Mais ce serait une erreur. Le logiciel libre est plus souvent en coulisses que devant vos yeux, mais il s’agit de la force motrice de l’économie mondiale. C’est dur à croire ? Prenons quelques exemples. Je vais fournir des liens, de façon à ce que vous puissiez vérifier mes dires ou en apprendre plus.

Il est intéressant de noter que même Microsoft utilise désormais Linux pour son infrastructure technique – donc ce n’est pas comme si un enfant perdait sa capacité à travailler avec des éditeurs de logiciels propriétaires en optant très tôt pour Linux .

Regardons quelques exemples intéressants d’utilisation de logiciels libres comme Linux ou FreeBSD. BMW et Audi utilisent Linux. Les industries de l’Internet, la finance, la santé et l’assurance utilisent Linux massivement. Le géant Amazon fonctionne sous Linux depuis plus de 10 ans. Le géant de la recherche Google utilise Linux non seulement pour son infrastructure publique, mais aussi pour les PC que ses employés utilisent tous les jours. IBM exécute même Linux sur ses ordinateurs centraux Z pour les entreprises !

L’usage de Linux est de plus en plus prégnant dans les institutions éducatives, de la crèche à l’université, partout dans le monde. Pour donner un exemple littéralement extra-terrestre, la Station Spatiale Internationale utilise Linux. Et si vous n’en avez pas encore assez d’exemples, voici une liste de plus de 50 utilisateurs Linux dans l’éducation, les services gouvernementaux et les grosses sociétés.

BSD – un autre exemple de système d’exploitation libre qui permet d’utiliser pratiquement les mêmes applications que Linux – n’est pas aussi connu que Linux pour le moment, mais il est tout aussi important. Sans BSD, nous n’aurions probablement pas l’Internet tel que nous le connaissons ; le protocole réseau TCP/IP de nos ordinateurs a en partie été adopté parce qu’il était librement disponible sous licence BSD, et le protocole Routing Information Protocol qu’il utilisait pour gérer d’énormes réseaux vient de BSD lui-même.

Si vous cherchez suffisamment bien, vous trouverez BSD partout – des parties du système OS X d’Apple viennent de FreeBSD, la PlayStation 4 de Sony utilise une version modifiée de FreeBSD, Juniper utilise FreeBSD pour ses routeurs réseau d’entreprise, NetFlix utilise FreeBSD pour diffuser et stocker les séries et films, et WhatsApp utilise une infrastructure FreeBSD pour faire circuler des messages instantanément entre des millions d’utilisateurs dans le monde.

Mais cela ne se limite pas aux systèmes d’exploitation libres. Les applications libres font également fonctionner une bonne partie de notre environnement. Les serveurs Web Apache et NGINX sont utilisés pour plus de 70% des sites Internet mondiaux, grands ou petits. L’application d’animation et de rendu 3D Blender a été utilisée pour créer des films gratuits impressionnants, mais également des courts-métrages indépendants primés, des publicités pour des produits comme Pepsi, Coca-Cola, BMW, Hugo Boss, et bien d’autres. Si vous avez déjà utilisé Mozilla Firefox, alors vous avez utilisé un logiciel FOSS, et même le navigateur Chrome de Google est basé sur le navigateur open source Chromium.

Le fait est qu’il y a beaucoup, et je veux dire vraiment beaucoup de façons de gagner sa vie à l’âge adulte avec une bonne connaissance des technologies open source… et de gagner plus que si vous ne les connaissiez pas. Considérablement plus, en fait – Indeed.com vous montrera que les emplois avec les mot-clés « Microsoft Windows » sont rémunérés en moyenne 64 000 $ par an tandis que ceux avec « Linux » sont en moyenne payés 99 000 $ par an.

Pour conclure

Si vous n’êtes pas encore saturé par l’excès d’information, j’espère que vous serez d’accord avec moi : l’intérêt d’un enfant pour les logiciels libres et open source est une chose merveilleuse. Le summum étant que la communauté vous accueille, en tant que parents et individus, autant que vos enfants. Si vous voulez comprendre ce que vos enfants sont en train de faire, vous pouvez lire la documentation du système d’exploitation et des logiciels qu’ils utilisent, ou vous pouvez installer les mêmes logiciels sur votre propre ordinateur pour essayer. Il ne vous en coûtera rien. Et il se pourrait même que vous y gagniez beaucoup.




Il faut libérer Nuit Debout !

Chez Framasoft on aime bien quand les gens utilisent nos services « Dégooglisons ». C’est pour ça que quand on a vu que le mouvement Nuit Debout utilise l’outil Framacarte et l’intègrer sur son site officiel notre première réaction ça a été : « Chouette ! ». Notre deuxième ça a été : « Et si on interviewait ce joyeux geek qui a repris la Framacarte pour lui demander ce qu’il en pense ? ».

Séance de vote à Nuit Debout
Séance de vote à Nuit Debout

On s’est donc mis à la recherche du mystérieux développeur qui avait créé la Framacarte de Nuit Debout pour lui poser nos questions. Autant vous dire que ça n’a pas été facile ! Pas de mail ou de formulaire de contact sur leur site, pas de service presse ou communication et encore moins d’organigramme pour retrouver qui fait quoi chez eux. Bilan de l’enquête, tout ce qu’on a obtenu, c’est un pseudo, « Pea », le libriste concepteur de la Framacarte de Nuit Debout. Mais nos recherches nous ont amené à discuter avec tout plein de geeks qui collaborent à Nuit Debout et qui ont tenté de nous donner le point de vue du mouvement concernant les logiciels libres, la surveillance d’Internet, le libre accès à l’information, etc.
On a donc décidé de vous faire une petite synthèse de tous ces échanges qui peuvent constituer, non pas un point de vue officiel de Nuit Debout, mais au moins la tendance générale du mouvement.

« Pea », quant à toi, si tu existes vraiment, n’hésite pas à te manifester, car on ne perd pas espoir de t’interviewer !

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Nuit Debout n’est pas indifférent à la question des logiciels libres et même à la culture libre en général. Pour s’en convaincre, il suffit d’aller faire un tour sur le site wiki, et plus précisément à la page Numérique. Nuit Debout essaie, quand c’est possible, de favoriser l’utilisation de logiciels libres ou au moins open-source. Ils utilisent par exemple le tchat Rocket, Mediawiki pour leur wiki et même pas mal d’outils Framasoft comme les framapads, framacalcs, etc. Pierre Lalu, un des administrateurs du tchat de Nuit Debout a d’ailleurs confirmé que la question des logiciels libres et open-source était « centrale » pour Nuit Debout. En discutant avec les nuit-deboutistes (ça se dit, ça ?), on se rend rapidement compte que, comme nous, ils ne portent pas particulièrement les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) dans leurs cœurs. Ils dénoncent unanimement le modèle de société proposé par ces grands groupes. C’est même une de leurs préoccupations, même s’ils voudraient que le sujet soit plus abordé au cours de leurs assemblées générales : « De toute façon nous n’avons fait qu’effleurer les problématiques liées au numérique dans la société… Nous n’avons pas encore évoqué par exemple les sociétés comme Uber ou les livraisons de repas qui participent à un modèle de société où chacun est son propre petit patron exploité, et ça fait partie de la société que nous rejetons (je crois) » me disait @mex. Au-delà des logiciels libres, de nombreux sujets touchant au numérique le préoccupent :
« – Veut-on du modèle de société que nous apportent Uber/Blablacar/Airbnb/Deliveroo, etc. ?
– La place des femmes dans l’informatique ;
– La robotisation VS la perte d’emplois ;
– Bientôt, les questions de singularité et de transhumanisme ».

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Stand de Libre@Toi* – Fourni par OliCat

Dans son fonctionnement, Nuit Debout a adopté nombre de solutions issues de la philosophie libriste. L’autogestion prônée par le mouvement rappelle celle qui gouverne la conception de nombreux logiciels libres. Certains geeks rencontrés m’ont d’ailleurs confiés collaborer fréquemment au développement de logiciels libres. Nuit Debout s’est d’ailleurs tournée vers La Quadrature Du Net qui, au nom de ces valeurs communes, a accepté d’héberger son chat et d’autres sites rattachés au mouvement. Ces sites, ainsi que leur contenu, sont pour la plupart sous licence libre, à l’exception du logo de Nuit Debout.

EDIT 26/04/2016 : Ce n’est pas La Quadrature Du Net qui héberge les services de Nuit Debout, mais une personne membre de LQDN qui exerce par ailleurs une activité d’hébergeur. Pardon à nos ami-e-s de La Quadrature d’avoir entretenu la confusion.

Alors, le Libre a-t-il vraiment conquis Nuit Debout ? Eh bien malheureusement, pas vraiment. Si les membres de Nuit Debout utilisent volontiers des outils libres quand ils sont disponibles, ils n’ont pas de problème à utiliser des logiciels propriétaires, voir les services des affreux GAFAM, faute de mieux. C’est ce que me disait Pierre Lalu : « Tant qu’on peut faire de l’open source et du libre, on le fait. S’il est indispensable d’utiliser du propriétaire, on le fait. Mais pour l’instant, rien n’entrave notre faim du logiciel libre. »

Un exemple concret de ce problème est le choix d’un système pour les votes par Internet. Les organisateurs de Nuit Debout cherchent depuis le début un moyen pour permettre à ceux qui ne sont pas présents physiquement de prendre part aux assemblées générales. Après plusieurs essais, la solution la plus globalement retenue est l’application Loomio, créée pour le mouvement Occupy Wall Street et sous licence libre (et dont Framasoft sortira une version relocalisée dans le cadre de sa campagne Dégooglisons Internet. Mais devant la difficulté à faire adopter Loomio au grand public, beaucoup de rassemblements se sont finalement rabattus sur Google Hangouts. De même pour la communication, Facebook est un outil essentiel du mouvement.

En fait, Nuit Debout rencontre ici un problème qu’on connaît bien à Framasoft : si les avertis sont convaincus de l’intérêt des logiciels libres, il reste très compliqué de convaincre le grand public. Comme me le dit Pierre Lalu, « avant de parler de logiciels libres, il y a besoin que des gens se forment à des outils très simples ». À Framasoft on répondra que les logiciels libres peuvent être simples et le sont souvent, mais on sait aussi que le simple terme en effraie plus d’un. Le tout est donc d’aborder la question avec pédagogie afin de convaincre le plus grand nombre, non seulement de l’intérêt des logiciels libres, mais aussi de leur facilité d’utilisation. Sauf que, comme l’ont dit plusieurs organisateurs, dans les nombreux stands existants place de la République, on ne trouve pas encore de stand pour promouvoir la philosophie libriste. En fait, le seul stand que j’ai trouvé qui portait un panneau « 100% logiciel libre » est celui de nos copains de la webradio Libre@Toi* que nous avions déjà interviewés en septembre dernier. Je suis donc retourné voir OliCat, l’un des animateurs de la radio, pour savoir ce qu’il pensait de l’utilisation des logiciels libres à Nuit Debout.

Stand de Libre@Toi* – Photos par OliCat

Salut OliCat, même si à Framasoft on connaît bien Libre@Toi*, rappelle nous un peu qui tu es et ce que tu fais.
Libre@Toi* est une structure transmédia d’Éducation Populaire. Son but est d’initier un réseau pair à pair et open source où chacun se réapproprie les outils, les techniques et les concepts, les redistribue et contribue ainsi au bien commun. Libre@Toi* articule l’ensemble de son action autour des quatre principes énoncés comme des libertés par le mouvement du logiciel libre : utiliser, comprendre / analyser, redistribuer, modifier.

Je t’ai rencontré par hasard place de la République un soir, on peut savoir ce que tu faisais là-bas ?
Comme depuis plusieurs jours, nous y produisons en direct une émission qu’on a appelée « La place aux gens ». En retrait des AG, notre envie était tout simplement de recueillir la parole des gens sur place en leur demandant ce qu’ils faisaient à Nuit Debout. Une bonne entrée en matière pour verbaliser les craintes, mais aussi et surtout les espoirs.
Par ailleurs, nous nous faisons également l’écho des quelques poches de résistance présentes sur la place ou d’initiatives sympas qui prennent forme bien loin du tumulte des assemblées générales. Par exemple, nous aimons diffuser les prises de paroles de la commission Santé.
Nous avons également tendu nos micros et quelques casques aux participants d’une lecture / débat organisée à la sauvage autour d’un bouquin de Lordon. Ça a donné lieu à une émission de très bonne facture à laquelle a d’ailleurs participé Judith Bernard qui passait par là et s’est assise avec Thomas, l’instituteur qui avait lancé cet atelier pour finalement l’animer avec lui.

Qu’est-ce qui vous a poussé à installer Libre@Toi* au milieu de la Nuit Debout ? Il existe déjà une radio-debout non ? Vous apportez quoi de différent ?
Ta question est étonnante mais très révélatrice de l’ambiance sur place. Les gens veulent faire la révolution mais ont besoin des modèles qui constituent le monde qu’ils sont sensés rejeter avec ce mouvement. Nous ne comptons pas le nombre de ceux qui, à juste titre ou par pur fantasme s’estimant détenteurs de la « bonne parole » concernant Nuit Debout, commencent par nous demander si nous sommes Radio Debout. Et la plupart, évidemment préfère aller leur parler. En gros, ils cherchent le TF1 ou le BFMTV de la place de la République. C’est finalement plutôt amusant. Alors, qu’est-ce qu’on apporte de différent ? Ben précisément ça : un média alternatif.

C’est quoi le rapport entre Nuit Debout et la culture libre pour toi ?
S’il s’agit bien, à Nuit Debout, d’initier le mouvement vers le monde d’après, alors la Culture Libre est – ou devrait – être au cœur des structures qui organisent la lutte. C’est en effet pour Libre@Toi* une exigence, un mot d’ordre assez évident.

En parlant avec des gars de Nuit Debout j’ai bien vu qu’ils sympathisaient avec la philosophie du Libre sans pour autant faire grand-chose à ce sujet, c’est quelque chose que tu as remarqué aussi ?
C’est assez tardivement (sans doute aussi un peu par provocation) que nous avons accroché à notre stand une pancarte « 100% Logiciels Libres ». Et du coup, en effet, on a été contraint d’expliquer ce positionnement aux uns aux autres. Le moment drôle, c’est quand Radio Debout est venue nous demander de parler logiciels libres sur leur antenne. Ce que nous n’avons évidemment pas fait : ils peuvent venir quand ils veulent, à notre micro, causer logiciels libres avec nous en revanche ! 😀
Donc, pour te répondre : les Nuits Debouts sentent bien une pression au sujet du logiciel libre puisque d’autres que nous, La Quadrature par exemple, ont tenté de les y sensibiliser. Mais c’est clairement quelque chose de lointain. Un truc auquel ils n’ont pas pensé et dont la logique politique leur échappe complètement.

 

une interview sur le place de la République
une interview sur le place de la République

 

Est-ce que vous profitez de votre présence place de la République pour sensibiliser les gens aux logiciels libres ? Est-ce qu’on vient vous en parler d’ailleurs ?
J’ai un peu répondu au-dessus. La raison de notre présence à Nuit Debout, ce n’est pas de faire de l’évangélisation, mais bien de donner « leur place aux gens » en libérant leur parole, sans le théâtre des assemblées générales et autres commissions. La promotion du logiciel libre, nous la faisons par ailleurs chez Libre@Toi*, mais je ne t’apprends rien.

Et d’ailleurs vous avez donné des coups de main pour « libérer » Nuit Debout ?
Notre premier choc, ça a été le lancement de Radio Debout qui impose à chacun pour les écouter, la présence d’un lecteur Flash sur leur ordinateur. Ainsi, ceux qui venaient porter la voix de la « révolution » utilisaient Mixlr. Avec du recul, c’est risible. Sur ce la Quadrature est arrivée avec la promesse de « libérer Radio Debout » sur l’initiative de Benjamin Sonntag. Cette tentative ayant échoué, j’ai proposé et à plusieurs reprises de fournir un serveur Icecast. On a juste été snobés. Alors est-ce qu’on donne un coup de main pour libérer Nuit Debout ? Oui, en portant sa voix, différemment.


Ce qu’on peut donc dire de Nuit Debout c’est que le terreau pour accueillir les logiciels libres est fertile. Certains ont même déjà commencé à planter quelques graines. Mais ils sont en manque cruel de jardinier pour les former et faire croître la philosophie Libre chez eux. Il reste donc à trouver les volontaires prêts à ouvrir les stands Libre-Debout dans tous les rassemblements de France afin que les logiciels libres ne soient plus seulement un vœu pieux de Nuit Debout mais bien une réalité.

Pour celles et ceux qui souhaiteraient en savoir plus sur les aspects techniques « derrière » Nuit Debout, nous les renvoyons à la lecture de l’article « #NuitDebout : comment l’orchestre participatif s’est organisé » de Rue89 (où l’on apprend que Nuit Debout utilise a aussi utilisé un Framadate à 367 participants) et « Mais qui contrôle le site nuitdebout.fr » de Numérama.

Merci à Pierre Lalu, @mex, @pm56, @lili et à tous ceux qui ont répondu à mes questions sur le chat de Nuit Debout.