Unhosted : libre et salutaire tentative de séparer applications et données sur le Web

Michiel de JongIl est désormais possible de se passer de la suite bureautique Microsoft Office et du système d’exploitation Windows en utilisant de fiables alternatives libres (GNU/Linux et Libreoffice pour ne pas les nommer).

Mais quid du réseau social Facebook et des services Google par exemple ? Est-il possible de proposer des alternatives libres à ces applications dans les nuages du web qui demandent une énorme bande passante et nécessitent des batteries de serveurs, avec tous les coûts faramineux qui vont avec (et que ne pourra jamais se permettre le moindre projet libre qui commence avec cinq gus dans un garage) ?

L’enjeu est de taille car c’est de nos données qu’il s’agit et dont on fait commerce.

Une piste de solution, qui sur le papier semble tout autant lumineuse que triviale, serait de pouvoir séparer l’application web des données que cette application traite. L’application serait quelque part sur un serveur et les données ailleurs sur un autre serveur (chez vous par exemple).

Imaginez un Facebook où toutes les données de ses utilisateurs ne seraient plus sur le site et les serveurs de Facebook ! Facebook serait bien bien plus léger du coup à administrer (moins rentable aussi c’est sûr).

Finis la centralisation et le contrôle sur vos données qui retrouvent du même coup une liberté qu’elles n’auraient jamais dû perdre. Et le web (re)devient un meilleur web.

C’est l’objectif pour le moins ambitieux mais ô combien urgent et utile du projet Unhosted conduit par Michiel de Jong dont nous vous proposons une instructive et enthousiasmante interview ci-dessous.

On notera au passage que le projet collabore avec Libreoffice. À quand un « Google Docs Killer » basé sur unhosted ?

On remarquera également que le projet n’hésite pas à accorder de suite une forte importance au confort de l’utilisateur. Extrait : « Nous avons besoin que les utilisateurs finaux sautent le pas, or les utilisateurs finaux ne comprennent souvent pas bien les principes du logiciel libre, mais si on fait des applications vraiment agréables, ils viendront pour les applications, et resteront pour la liberté. »

Bonne lecture. La problématique exposée ici constitue certainement l’un de nos prochains combats. En fait la bataille a déjà commencé. Elle s’annonce rude mais on déplacé tant de montagnes par le passé qu’il n’y a aucune raison de perdre confiance et de laisser le champ… libre aux seuls monopoles commerciaux à la taille démesurée.

Mais avant cela rien de tel que cette courte vidéo introductive pour se mettre dans le bain et comprendre plus encore de quoi il est question :

—> La vidéo au format webm
—> Le fichier de sous-titres

Entretien de Michiel de Jong avec la communauté

Fellowship interview with Michiel de Jong

Chris Woolfrey – 23 avril 2011 – Followship of FSFE
(Traduction Framalang : Pandark, Pyc et Slystone)

Michiel de Jong a travaillé comme programmeur, chercheur et administrateur système à Amsterdam, Oxford, Londres et récemment à Madrid en tant qu’ingénieur en scalabilité (ou adaptabilité) pour le réseau social espagnol Tuenti. L’hiver dernier il a pris deux mois de vacances (de hacker) à Bali pour monter le projet Unhosted. Il vit maintenant à Berlin avec Kenny Bentley et Javier Diaz, où ils prévoient de travailler à plein temps sur le projet si les donations le permettent.

Chris Woolfrey : Pouvez-vous expliquer ce qu’est le projet Unhosted avec vos propres mots ?

Michiel de Jong : Il y a plusieurs manières de le présenter ; mon approche préférée est l’angle du logiciel libre. Le terme de logiciel libre signifiait auparavant que l’on avait un pouvoir de contrôle (utilisation, partage, étude et amélioration) sur le code source et le logiciel exécuté par l’application, c’est la définition utilisée par la FSFE.

À l’époque, c’était suffisant. On considérait comme acquis le contrôle des données traitées par l’application ; c’est évident, elles sont sur votre ordinateur ou votre serveur, sur lequel vous avez un accès complet aux données utilisées par vos applications.

Concernant les logiciels installés, que ce soit sur un ordinateur de bureau ou sur un serveur, cette vision était juste : si vous contrôlez le code source, vous possédez la liberté logicielle. Mais ensuite, lentement, les logiciels installés ont été remplacés chez l’utilisateur par des logiciels hébergés (comme Google Docs, Facebook et Twitter). Ces sites web hébergés ne sont alors plus une source d’information comme les classiques sites web d’avant ; ce sont des applications interactives, et la liberté logicielle n’existe pas dans ce contexte.

Il est absurde que les logiciels hébergés vous fassent céder vos données à l’auteur de l’application en question, mais c’est ainsi que cela se passe. Cela s’est installé progressivement et insidieusement, car les sites web d’information sont devenus peu à peu des sites dynamiques, et ces sites dynamiques ont commencé à accepter les contributions d’utilisateurs et sont peu à peu devenu des applications interactives. Désormais, les logiciels hébergés sont largement utilisés, souvent en lieu et place d’anciennes applications installées localement sur les ordinateurs.

Dans la transition des applications locales aux application hébergées, la liberté logicielle a été oubliée. Personne ne parle plus désormais de logiciels installés localement, on parle de logiciels hébergés, et pourtant certains disent « Mon ordinateur ne contient que des logiciels libres ; seul le microprogramme de la carte graphique est propriétaire », et c’est une erreur car une bonne partie des « logiciels » qu’ils utilisent ne sont pas installés localement sur leur ordinateur mais utilisés au travers d’un navigateur internet.

Le projet Unhosted a pour but d’inventer et promouvoir un moyen de résoudre ces problèmes. La liberté logicielle doit, de nos jours, être non seulement la liberté du code mais aussi celle des données.

CW : Comment Unhosted permet-il ceci ?

MdJ : Nous séparons le code d’une application de ses données.

Quand vous vous connectez à une application web Unhosted, l’URI affichée dans la barre d’adresse indique l’emplacement du code de l’application, mais le nom de domaine suivant l’arobase de votre identifiant indique l’emplacement de vos données ; ce qui libère vos données de l’emprise du serveur de l’application, tout en libérant ledit serveur de la charge de l’hébergement de vos données.

Ceci implique que l’hébergement d’applications libres redevient possible sur le web. Après tout, il existe un évident substitut libre à Microsoft Windows : GNU/Linux, comme il existe un évident substitut libre à Microsoft Office : Libre Office.

Mais quel logiciel libre pour remplacer aussi évidemment Google Docs ? Pourquoi ne pas se connecter à « www.libredocs.org », par exemple, et utiliser là des applications web libres, comme pour un logiciel installé localement ?

La réponse simple est le coût inhérent au fonctionnement d’une application distante, trop élevé pour permettre la fourniture de ces services gratuitement. Pour coder du logiciel libre, il suffit que des développeurs y consacrent du temps et du savoir-faire. Mais il est impossible de proposer des logiciels libres en ligne sans coût financier, parce que cette activité nécessite l’utilisation de serveurs, et qu’il faut rétribuer les hébergeurs.

En séparant le code des données, laissant leur traitement au navigateur, notre solution règle ce problème : il devient très économique d’héberger des applications web libres parce que vous n’avez à héberger que l’application elle-même, son code, pas les données qu’elle doit traiter.

C’est le côté « libérez les applications du poids des données » de notre projet. Puis arrive l’autre coté : le logiciel c’est du code et des données, le logiciel libre c’est du code libre et des données libres.

Avec Unhosted, la liberté des données est assurée par le choix, lors de l’inscription à une application, du domaine devant héberger vos données pour vous. Vous pouvez ouvrir un compte chez un fournisseur de services (ils sont en train d’être mis mettre en place) ou demander à l’administrateur réseau de votre université ou de votre entreprise d’héberger un nœud pour celle-ci ; de cette façon, tout bénéficiaire d’une adresse « @quelquepart » aura la possibilité d’obtenir un compte Unhosted avec le même nom d’utilisateur.

CW : Y a-t-il des bénéfices en termes de vie privée à utiliser Unhosted en comparaison avec une application web qui conserve à la fois le code et les données à distance ?

MdJ : En utilisant une application Unhosted, toutes vos données sont chiffrées par le navigateur avant d’être transmises au serveur hébergeant votre compte Unhosted. De cette façon, les données confiées à votre compte Unhosted peuvent se trouver sur n’importe quel serveur, parce que, bien que vous vous reposiez sur ce serveur pour permettre un accès à vos données, ces données sont stockées et chiffrées, ainsi vous n’avez pas à craindre que l’hébergeur du compte lise vos messages, par exemple. Les données stockées par une application Unhosted sont chiffrées par votre navigateur avant d’être transmises et enregistrées sur votre compte, et elles seront déchiffrées au moment de leur sollicitation par le navigateur, au moment de leur utilisation. Le serveur hébergeant vos données Unhosted est aveugle ; il transmet vos données vers et depuis des sites web Unhosted sans pouvoir lire leur contenu.

Utiliser JavaScript pour la cryptographie n’a habituellement aucun intérêt, parce que si un site web contient des scripts JavaScripts pour chiffrer des données, alors ces mêmes scripts peuvent être utilisés pour espionner ces données chiffrées.

Avec Unhosted il en va autrement car nous séparons le domaine qui fournit l’application de celui qui héberge les données. L’hébergeur du compte Unhosted (celui des données) ne pourra pas accéder aux scripts de cryptographie de l’application, donc l’application Unhosted peut chiffrer des données que le serveur du compte Unhosted ne poura pas déchiffrer.

CW : Quel genre d’applications convient d’après vous le mieux à l’utilisation d’Unhosted ? Quel types d’applications Web vous attendez-vous à voir adopter Unhosted en premier ?

MdJ : Toutes les applications qui n’enregistrent pas un grand nombre de données utilisateur peuvent être facilement adaptées à Unhosted.

Ce sont toutefois les applications comme Google Docs, nécessitant le stockage de beaucoup de données utilisateur importantes, qui bénéficieraient le plus du passage à Unhosted. Celà pourrait aussi bénéficier grandement au parallélisme (informatique). Cependant, pour d’autres services, comme les moteurs de recherche, il faudra trouver de bons algorithmes pour permettre un fonctionnement plus décentralisé. En général, toute application web qui nécessite le stockage d’un grand nombre de données personnelles peut tirer profit d’Unhosted.

CW : Il y a une effervescence actuellement autour de projets libres décentralisé pour proposer des alternatives au réseau social Facebook (Diaspora, Appleseed…) ou au moteur de recherche Google (YaCy, Seeks…). Quel impact et comment pourrait s’adapter votre travail à des projets comme Diaspora, Appleseed et, Seeks ou YaCy ?

MdJ : Unhosted a été d’une certaine façon créé sur la mailing list des développeurs de Diaspora. Nous discutions du basculement de Diaspora de PGP vers SSL, et de la façon dont un chiffrement « de bout en bout » serait plus adapté. Alors j’ai commencé à développer un système de chiffrement de données en Ajax. Il était destinée à intégrer Diaspora. Plus tard, j’ai réalisé qu’il pourrait avoir bien d’autres applications.

Il nous reste encore à écrire une application « sociale » Unhosted qui pourrait fédérer Diaspora et Appleseed. YaCy étant un moteur de recherche, il nécessitera un travail travail d’ingénierie plus conséquent avant de l’intégrer dans l’architecture des applications web d’Unhosted.

Outre ceux que vous avez évoqués, nous avons aussi été approchés par LibreOffice pour discuter de la façon de faire fonctionner ensemble Unhosted et LibreOffice. Ce fut un grand honneur. Nous mettons actuellement en œuvre un cloud-sync Unhosted pour LibreOffice. Il ne déplace pas exactement LibreOffice sur le web, c’est à dire que toute l’application n’est pas dans votre navigateur, mais il fait de LibreOffice un « navigateur de documents », similaire à un « navigateur web », et il sera compatible avec les standards web que nous avons rendu publiques il y a trois semaines.

Pour le reste, nous ne faisons que commencer. Nous avons mis en ligne une application de démonstration qui montre le principe : http://myfavouritesandwich.org. Les gens peuvent copier cette démo et s’en servir comme un « Hello World! », de base pour l’utilisation d’Unhosted.

CW : En voilà un super nom de domaine !

MdJ : Au départ c’était myfavouritecar.org mais Javier estimait que myfavouritesandwich.org était plus marrant.

CW : L’apparence du projet est-elle importante pour vous ?

MdJ : 33% de notre équipe à plein temps est un graphiste. C’est une autre caractéristique relativement unique de ce projet ; je ne pense pas que beaucoup de projets de logiciels libres atteignent ce pourcentage. Nous avons besoin que les utilisateurs finaux sautent le pas, or les utilisateurs finaux ne comprennent souvent pas bien les principes du logiciel libre, mais si on fait des applications vraiment agréables, ils viendront pour les applications, et resteront pour la liberté.

Il n’y a pas de barrière d’entrée pour l’utilisateur : c’est une caractéristique importante pour nous. L’utilisateur n’a pas besoin de savoir si une application est complètement hébergée ou Unhosted. Si l’utilisation d’Unhosted devient transparente, alors nous aurons fait un bon travail.

Il nous faut convaincre les développeurs web de créer des applications Unhosted, et leurs clients n’ont même pas besoin de savoir précisément ce que c’est. Si un client demande à un développeur une nouvelle application, le développeur doit pouvoir juste répondre « OK, on va utiliser la dernière technologie pour développer cette application pour vous », et créer alors une application Unhosted. Le client n’a pas besoin qu’on lui signale l’utilisation d’une architecture Unhosted, seul le développeur doit le savoir.

Nous voulons créer quelques applications de démonstration qui soient vraiment agréables à utiliser, de façon à pouvoir éviter les stigmates qu’associent souvent les non-convertis aux logiciels libres (par exemple un logiciel libre peut bien fonctionner mais il est souvent moche). Je pense qu’il est important que les logiciels libres soient beaux et agréables à utiliser. Beaucoup de projets font du très bon travail aujourd’hui, et nous voulons être l’un d’eux. Voilà pourquoi 33% de notre équipe à plein temps est consacrée au graphisme.

CW : Il semble que vous essayez d’attirer des gens en dehors de l’écosystème existant des logiciels libres. Pensez-vous qu’il y ait des avantages évidents à utiliser Unhosted pour des entreprises et associations non concernées par les logiciels libres ?

MdJ: Oui, certainement. Tout d’abord, une entreprise qui utilise des logiciels comme moyen de production peut vouloir utiliser un chiffrement de bout en bout, de façon à ce que les secrets de l’entreprise ne quittent pas son réseau privé virtuel, mais qu’elle puisse tout de même utiliser le stockage sur les serveurs d’Amazon, par exemple. Ainsi, ils peuvent bénéficier d’applications web Unhosted avec des comptes Unhosted qui stockent des données chiffrées sur des serveurs Amazon, et le tout fonctionnera dans les navigateurs web de leur personnel, sans avoir à installer de logiciels chez eux.

De plus, l’évolutivité et la robustesse d’une architecture distribuée peuvent être un choix stratégique pour une entreprise : si vous désirez proposer une application propriétaire, mais ne voulez pas que vos serveurs soient le maillon faible du système, alors Unhosted apportera à vos applications moins d’indisponibilité, ou au moins les incidents ne toucheront pas tous les utilisateurs et votre application ne sera pas entièrement indisponible à cause de problèmes localisés. Enfin, le coût d’hébergement d’une application Unhosted est bien moins élevé que celui d’une application traditionnelle.

C’est un grand avantage pour les projets libres qui, à l’heure actuelle, ne peuvent simplement pas s’offrir l’hébergement d’applications web, mais pour les applications propriétaires c’est aussi une opportunité intéressante, parce que cela permet de réduire les coûts. Il y a donc là une activité commerciale possible comme fournisseur de comptes Unhosted. Selon le nombre d’applications intéressantes que nous pouvons susciter et promouvoir, des entreprises de ce type écloront, et alors les utilisateurs pourraient avoir un unique identifiant pour l’ensemble des applications Unhosted qu’ils utiliseront.

Les possibilités d’interopérabilité entre les applications sont elles aussi enthousiasmantes — la séparation des applications et des données permettra aussi (quand une complète compatibilité des formats le permettra) de basculer sur un autre site et constater, par exemple, que tous vos albums de photos sont bien là, pour revenir au site précédent pour voir que vos modifications ont été prises en compte instantanément, sans avoir à faire d’import ou d’export, parce que les données sont les mêmes.

Ce sera une expérience incroyable pour les utilisateurs finaux quand nous arriverons à faire fonctionner tout cela ! Certaines personnes ne se soucient pas d’évolutivité, de pérennité, de robustesse, de chiffrement, de vie privée, des applications dans le domaine public ou de logiciels libres, etc., ils ne se soucient que des possibilités d’interopérabilité des données. Ce type d’interopérabilité pourrait être le meilleur atout du projet Unhosted.

CW : Pourquoi a-t-il fallu attendre jusqu’à maintenant pour qu’un projet comme Unhosted voit le jour ?

MdJ: Je pense que tout cela est très récent. Il y a un an, on ne se rendait pas forcément compte qu’il y avait un problème avec nos données. Oui, il y a eu l’article de Richard Stallman au sujet de SaaS, puis les excellentes présentations de Eben Moglen, mais pendant ce temps-là, Facebook est devenu de plus en plus dominant. Sans oublier des projets tout neuf comme le Chrome Web Store et Chrome OS.

Il y a deux ans, ça n’était pas aussi évident. Enfin, je sais que je n’aurais pas pu envisager tout cela il y a deux ans, mais je pense que c’est le bon moment maintenant. Un grand nombre de ces idées ne sont pas les miennes. Certains principes importants viennent de Tim Berners-Lee et Zooko, je les ai juste rassemblées et ai rédigé un « manifeste » sur le sujet, ce qui encore une fois, est essentiellement copié d’Eben Moglen et Richard Stallman.

CW : Comment prévoyez-vous de travailler à plein temps sur Unhosted ?

MdJ : Nous ambitionnons de récolter pendant les prochains mois 36000 €. Nous avions le choix entre créer une entreprise ou développer entièrement le projet dans le cadre d’une association à but non lucratif.

Nous avons choisi la voie non marchande car nous pensons qu’il est important de le faire de cette façon. Nous sommes trois ingénieurs à plein temps, et nous avons l’intention de trouver un hackerspace à Berlin pour nous accueillir tous les trois, plus deux bureaux libres pour les hackers en visite. Nos locaux seront ouverts aux vacanciers qui voudraient passer une semaine à Berlin, trainer dans nos locaux et contribuer à libérer le web. Les loyers sont très bon marché à Berlin, toutefois chacun de nous a besoin d’environ 1000 € par mois pour vivre.

Nous sommes très impliqués dans ce projet. Prochainement, nous publierons des outils et des applications de démonstration afin de faire avancer le web Unhosted, et nous nous occuperons des détails à mesure que nous progresserons. Unhosted est un projet communautaire, entièrement ouvert, mais je pense qu’il est bon d’avoir une structure « fondation plus communauté », avec une petite équipe entièrement dédiée au projet, pour constamment lui donner une impulsion.

Nous encourageons les personnes intéressées à s’inscrire à notre liste de discussion, nous suivre sur Identi.ca et Twitter, et à rejoindre notre canal IRC. D’autre part, nous encourageons les développeurs à forker nos applications de démonstration pour développer leurs propres applications Unhosted.

Le web Unhosted commence aujourd’hui…




L’impression 3D déjà à la portée de tous avec Blender et Shapeways

Le Framablog poursuit son petit dossier sur l’impression 3D, histoire de faire comprendre à certains de quoi il s’agit et de donner à d’autres le goût d’entreprendre.

Après une courte vidéo explicative et un article de fond sur l’impact actuel et futur de la propriété intellectuelle sur l’impression 3D, voici une leçon pratique et concrète réalisée à partir du logiciel de modélisation 3D Blender.

Ce qui est intéressant ici, c’est d’abord le fait que Blender soit un logiciel libre mais c’est aussi le fait que vous n’avez pas besoin d’avoir une imprimante 3D à la maison, c’est le service en ligne Shapeways qui se charge de matérialiser l’objet à partir de votre fichier Blender et qui vous envoie le tout par la Poste.

Conclusion : on peut déjà s’y mettre !

PS : On nous signales dans les commentaires l’existence de la société Sculpteo qui propose en français un service similaire à Shapeways.

Créer des figurines imprimées 3D avec Blender et le service d’impression Shapeways

Creating 3D Printed Models with Blender and the Shapeways Printing Service

Terry Hancock – 26 mai 2011 – Free Software Magazine
(Traduction Framalang : Lolo le 13)

Un des sujets technologiques les plus intéressants de ces récentes années a été la montée en puissance de la technologie « d’impression 3D » pour le prototypage rapide de formes peines. J’avais déjà évoqué le sujet pour le Free Software Magazine, mais ce mois-ci j’ai finalement décidé de l’essayer pour mon propre compte, en créant matériellement des « figurines d’étude » (un joli synonyme de jouets) pour mon projet vidéo, Lunatics.

Dans cet article, je vais vous décrire le processus complet, depuis la création des modèles 3D jusqu’à la réception du produit fini dans ma boîte aux lettres.

La principale raison pour laquelle j’ai fait ce projet, c’est que je voulais tester les capacités du service d’impression 3D de Shapeways. Ils ont associé ce service d’impression avec une conception collaborative en ligne, ce qui crée un environnement fun et motivant pour créer et commander des figurines. C’est un service très facile à utiliser et la qualité d’impression semble être au rendez-vous. Ils proposent aussi une grande variété de matériaux d’impression comme la céramique cuite, des métaux et des plastiques.

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Figure 1 : Conçu dans Blender, exporté et téléversé chez Shapeways, livré en tant que figurine plastique imprimée – C’est cool non ?

La deuxième raison est que je désirais avoir quelque chose d’un peu plus tangible pour élaborer mon projet Lunatics. J’aime travailler avec des ordinateurs, mais parfois vous voulez avoir quelque chose de tangible à tenir et à manipuler avec vos mains quand vous essayez de figer les scènes et planifier les scripts.

Il nous fallait constuire une maquette de la colonie lunaire dans laquelle se déroule la plupart des actions du film. D’ordinaire c’est une affaire de mousse avec des plans de sols imprimés, un peu comme un jeu de plateau. Et comme pour un jeu de plateau, nous allions donc avoir besoin de figurines représentant nos personnages. Nous aurions pu opter pour des pions de Cluedo ou utiliser ceux des échecs avec un code couleur ou encore des petits chevaux, mais ça aurait été bien plus sympa si nous avions des figurines qui ressemblent réellement à nos personnages.

À la même échelle (1/100e) que ces personnages, J’ai aussi voulu créer quelques véhicules spatiaux. J’ai décidé de commencer avec le Moon Truck, un rover lunaire pressurisé conçu pour transporter fret et passagers.

Comme j’ai eu quelques difficultés à imaginer concrètement ce véhicule, il m’a semblé utile d’essayer d’externaliser cette tâche à la fois comme une maquette 3D dans un ordinateur et comme une maquette physique à tenir et à regarder.

Figurine des personnages

J’ai commencé par créer les silhouettes de mes personnages dans un brouillon Inkscape. Elles sont basées sur des figurines d’architecture du domaine public que j’ai grandement modifiées. J’en ai fait des pions comme de simples découpes sur une base ronde (à la différence de soldats de plomb ou des pions Cluedo).

Puis, j’ai sélectionné chaque personnage depuis mon dessin original sous Inkscape et je les ai copiées dans des fichiers SVG séparés (Figure 2). Je les ai sauvegardés en tant que Plain SVG pour un maximum de compatibilité.

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Figure 2 : J’ai d’abord copié le dessin des silhouettes en SVG dans des fichiers séparé et sauvegardé ceux-ci au format Plain SVG.

J’ai importé chaque SVG dans Blender en tant que curves (Figure 3). Il y avait huit personnages principaux (plus deux extras). Pour les mettre à la bonne taille (à l’échelle 1/100e, un mètre est réduit à un centimètre) j’ai décidé de prendre la convention qu’un Bender Unit (BU) serait égale à 1 cm. J’ai donc mis à l’échelle les courbes de cette façon.

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Figure 3 : J’ai importé les objet SVG dans Blender en tant que curves.

Les courbes (curves) sont des objets spéciaux et limités dans Blender. Il vaut mieux utiliser le format mesh pour l’impression 3D. Donc, après avoir importé les courbes depuis le fichier original en SVG, j’ai du les convertir en meshes (soit ALT+C au clavier, soit Changer le type d’objet… depuis le menu Objet).

Mais après la conversion, je n’avais que le squelette, c’est-à-dire les sommets et les arêtes qui les reliaient. Pour créer une face (surface) représentant la silhouette, j’ai utilisé la fonction Beauty Fill (avec le raccourci clavier Alt+F ou en sélectionnant Mesh > Faces > Beauty Fill dans le menu Option du Mode d’édition accessible via la touche Tab). En fait, ça ne crée pas une seule surface, mais plusieurs, l’espace est alors rempli automatiquement par des triangles.

J’ai ensuite passé quelques temps à simplifier la forme. La chose la plus importante est de s’assurer que les petites surfaces sont coplanaires (appartiennent à un même plan).

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Figure 4 : Extrusion de la silhouette.

Ensuite, il m’a fallu donner de l’épaisseur à la découpe. J’ai décidé de les faire d’un millimètre de large, ce qui correspond ici à un dixième de Blender Unit. Pour ce faire, j’ai sélectionné le mesh, puis j’ai basculé sur la vue le long de l’axe X (en tapant 3 sur le pavé numérique). Puis j’ai tapé sur Tab pour passer en Mode édition et j’ai sélectionné tous les sommets (tapez A pour basculer la sélection sur tous les sommets). Enfin, tapez la séquence E (extrude), Y (direction) et 0.1 : cela créera l’extrusion de la silhouette dans la dimension Y (Figure 4).

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Figure 5 : La représentation du personnage d’Anya montre comment la silhouette extrudée chevauche la base cylindrique.

J’ai répété l’opération pour mes dix figurines : création d’une base mesh et extrusion en cylindre mesh, en faisant se chevaucher les figurines extrudées et la base (voir Figure 5).

Il n’est pas nécessaire de fusionner les objets dans Blender, ce qui me sauve d’une trop grande complexité, mais qui donnera une légère surcharge de travail à Shapeways (en effet le calcul actuel est basé sur une analyse des meshes et ils ne compte pas les chevauchements, ainsi, vous serez facturés en double pour les volumes chevauchés).

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Figure 6 : Toutes mes dix figurines dans Blender.

Téléverser le modèle

J’ai fait cela plus d’une fois : au départ téléverser juste un des personnages puis essayer différentes combinaisons. Heureusement Shapeways ne fait pas attention si une forme consiste en une simple pièce ou en une douzaine, mais ils facturent un supplément par forme pour la plupart de leurs matériaux. Ça veut dire qu’il est généralement moins cher d’imprimer une petite collection d’objets en tant que forme simple (si vous le pouvez) en particulier dans le cas où, comme moi ici, elles sont de petite taille.

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Figure 7 : Exportation d’une forme Blender en format STL pour l’impression 3D chez Shapewys.

Quand vous avez fini votre conception, l’étape suivante est de les exporter dans un format que Shapeways va comprendre. Celui que j’ai trouvé le plus simple à utiliser est le format STL (Figure 7). Ce format est commandé par le menu d’export standard dans Blender (File > Export > STL).

Pour impimer la forme en utilisant Shapeways, j’ai commencé par aller sur le site pour m’identifier. J’ai ensuite cliqué sur le bouton “upload” tout en haut qui m’a renvoyé vers un formulaire d’envoi de ma forme (Figure 8). Le formulaire permet aussi de créer des formes pour votre propre utilisation ou pour le rendre public. En fait, comme avec d’autres service de fabrication communautaire, si vous mettez vos formes à la vente, vous toucherez une commission. N’étant pas tout à fait prêt pour rendre ces fomes libres, j’ai donc juste cliqué sur la boite privée.

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Figure 8 : Téléversement de la figurine Anya chez Shapeways.

Il est possible que vous ayez besoin de modifier ce qui a été téléversé si vous voulez que l’image apparaisse correctement, J’ai suivi quelques mauvais conseils et j’ai orienté l’axe Y en tant que “up” (haut) à la place de l’axe Z, ce qui a eu pour résultat la malheureuse Figure 9. Ça aurait été bien imprimé, mais ça donne un rendu de prévisualisation affreux.

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Figure 9 : Ooops ! L’axe Z devrait être en haut si vous voulez une prévisualisation correcte (là j’ai mis Y).

Une fois que vous avez bien téléversé votre forme, vous pouvez commander une impresion 3D avec comme matériau une variété de plastiques, des pierres recomposées, quelques différents types de métal et différents finis de verre (Figure 10).

De façon pratique, l’interface calcule automatiquement le volume et le prix de chaque matériau pour que vous puissiez comparer. Le coût de pour mon lot de 10 figurines va de $3.20 avec de la pierre recomposée jusqu’à $64.40 pour de l’argent (j’ai fait mes figurines en plastique “Indigo strong and flexible” vu que j’avais utilisé de l’indigo pour les travaux artistiques des Lunatics). Le coût a été facturé en fonction des volumes calculés des formes (pas le bounding box, la vraie forme), plus un coût de base par forme.

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Figure 10 : Matériaux disponibles et prix pour mon lot de figurines.

Camion lunaire

Après le téléversement de figurines et ma tentative de les commander, j’ai découvert une autre particularité du service Shapeways : Il y a un minimum de commande de 25 dollars. Donc si je ne voulais pas gâcher mon argent, il me fallait commander autre chose. J’ai donc décidé de créer une autre forme au 1/100e, cette fois un des véhicules créés pour mon projet Lunatics (Figure 11). Je ne vais pas vous faire le détail de la création, mais c’est bien entendu une conception plus complexe.

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Figure 11 : La conception du camion lunaire dans Blender (je n’ai pas imprimé le module passager sur la droite).

J’ai fait un camion en plusieurs parties qui seront assemblables après coup. C’était en partie pour permettre un assemblage modulaire avec des pièces d’autres modèles (les boogies à quatre roues sont supposés être enlevables sur le camion réel par exemple). Pour d’autres il a été plus facile de faire des formes creuses avec des paroies fines qui ne coûteraient pas tant que ça à imprimer. Le couvercle amovible sur le module l’est aussi pour pouvoir accéder à l’intérieur, bien qu’il n’y ait pas vraiment de détails à l’intérieur (mais je pourrai en ajouter dans une prochaine version).

Vous pouvez commander les pièces en utilisant un simple système de vérification, comme n’importe quel site d’e-commerce. En tant que produits fabriqués à la demande, il y a des délais de fabrication en plus des délais de livraison à inclure dans le bon de commande (Figure 12).

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Figure 12 : Shapeway s’engage sur un délai de fabrication de 10 jours dans la vue du panier d’achat.

Livraison

Bon, cet article ne serait pas complet sans les photos des produits tels que je les ai reçus ! Ils arrivent dans de jolis petits emballages, un par forme, comme vous pouvez le voir sur la Figure 13.

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Figure 13 : Mes objets, tels qu’ils me sont arrivés depuis Shapeways.

J’étais content de voir qu’il n’y a pas eu de figurines cassées (séparées de leur socle). Le camion est arrivé en pièces comme prévu (Figure 14).

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Figure 14 : Le camion a été imprimé en cinq parties (châssis principal et cabine, deux boogies à quatre roues, un conteneur et le toît de la cabine).

L’assemblage du camion a marché dès le premier essai. Les roues sont plus glissées qu’emboitées, mais elles restent en place comme il faut. La prise du sas était passablement dure à ajuster et il a fallu un peu forcer mais le plastique a résisté (Figure 15).

fig_assembling_truck.jpg

Figure 15 : Assemblage des composants du camion lunaire.

Il est intéressant d’examiner la texture de près. Il est possible de voir les faces du modèle original sous Blender (les formes cylindriques sont en fait des polygones à très grand nombre de côtés, comme dans le haut du boogie à quatre roues de la Figure 16)

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Figure 16 : Zoom sur un des boogies, notez les lignes dûes à la méthode d’impression.

Et voila !

Il faut vous avouer que j’avais espéré que les roues tournent. J’ai essayé de concevoir un modèle articulé comme un challenge, mais apparemment je n’ai pas dû laisser suffisamment de jeu pour ça et elles sont donc coincées comme si elles étaient imprimées en bloc. C’est un des nombreux problèmes de conception que j’étudierai avant de tenter d’imprimer ces figurines à nouveau.

La Figure 17 montre les figurines assemblées avec un sous et un DVD pour donner une idée de l’échelle. Je suis ravi d’avoir pu tester cette technologie sur quelle j’écrirai certainement à nouveau et j’espère avoir fait quelques émules parmi les courageux lecteurs.

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Figure 17 : Mes pièces complètes avec un penny et un DVD pour l’échelle.

Mais je vais arrêter d’écrire. J’ai trop envie de jouer là avec ma voiture lunaire 🙂




Geektionnerd : Google +

A moins d’être parti en congés dans une autre galaxie ces derniers jours, difficile d’échapper au buzz du nouveau service du tentaculaire Google : “Google Plus”. Concurrent direct de Facebook, Google Plus repose sur le même business model : vous mettre entre les mains un service efficace et agréable à utiliser[1], sur lequel vous laisserez (volontairement !) des informations personnelles qui permettra à Google de vendre votre profil publicitaire au plus offrant.

Google Plus fera-t-il plus de vagues que les précédentes tentatives orientées “réseau social” de la firme de Mountain View ? Rien n’est moins sûr, car changer les habitudes de 700 millions de personnes réclamera des ressources conséquentes[2].

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)

Notes

[1] attention, efficace et agréable à utiliser ne signifie par pour autant utile !

[2] D’un autre côté, quand on voit que MySpace, coqueluche du web social il y a encore 5 ans, vient d’être racheté pour 35 malheureux millions de dollars, on se dit que les employés de Facebook font peut être bien de vendre leurs actions




20 recommandations pour accompagner la révolution de la fabrication personnelle

Fluid Forms - CC by« Un certain nombre de forces convergentes vont faire passer la fabrication personnelle, ou autofabrication, du statut de technologie marginale utilisée par les seuls pionniers et passionnés à un outil quotidien pour le consommateur et l’entreprise lambda.

Dans quelques années, on trouvera des technologies de fabrication dans les petites entreprises et établissements scolaires.

Dans dix ou vingt ans, tous les foyers et bureaux posséderont leur machine d’autofabrication.

Dans une génération, on sera bien en peine d’expliquer à ses petits-enfants comment on a pu vivre sans son autofabricateur, et qu’on devait commander des biens préfabriqués en ligne et attendre qu’ils nous arrivent dans notre boîte au lettre livrés par la Poste. »

Cette citation qui claque est extraite d’un passionnant rapport américain d’une centaine de pages sur l’émergence de la fabrication personnelle.

Commandé par l’Office of Science and Technology Policy américain, on y expose clairement de quoi il s’agit tout en proposant d’importantes recommandations pour encourager et accompagner le mouvement.

Vous en trouverez le résumé et les principales recommandations traduits ci-dessous[1].

On ne s’étonnera pas de constater que l’accent est avant tout mis sur l’éducation, en relation avec les futurs petite entreprises qui immanquablement sortiront des garages des fab labs pour proposer localement leurs services et redessiner une économie plus humaine[2].

Certains nous reprochent notre idéalisme ou notre irréalisme, mais, telle l’impression 3D qui n’est qu’un élément du mouvement, comment ne pas voir ici l’un des plus grands espoirs d’un avenir incertain ?

Et pendant ce temps-là en France me direz-vous ? Vu comment l’Éducation nationale méprise superbement le logiciel libre et sa culture depuis plus d’une décennie, ce n’est pas demain la veille qu’on rédigera une telle étude et qu’on verra arriver des laboratoires de fabrication personnelle dans nos établissements scolaires. Quitte à prendre encore plus de retard sur le véritable train du futur et du progrès.

Pour en savoir plus sur le sujet, InternetActu est un excellent point de départ : Les enjeux de la fabrication personnelle, La prochaine révolution ? Faites-là vous-mêmes !, FabLabs : refabriquer le monde, Makers (1/2) : Faire société, Makers (2/2) : Refabriquer la société.

L’usine @ la maison : l’économie émergente de la fabrication personnelle (résumé)

Factory@Home : The Emerging Economy of Personnal Manufacturing

Hod Lipson & Melba Kurman – décembre 2010 – OSTP
(Traduction Framalang : Lolo le 13 et Yonnel)

Ce rapport souligne l’émergence des technologies de fabrication personnelle, décrit leur potentiel économique, leurs bénéfices sociaux et recommande des mesures que le gouvernement devrait prendre en considération pour développer leur potentiel.

Les machines de fabrication personnelle, parfois appelées « fabber », sont les descendantes des grandes machines de production de masse des usines, mais de taille minuscule et à faible coût. Ces machines à fabriquer à l’échelle individuelle utilisent les mêmes méthodes de fabrication que leurs ancêtres industrielles mais sont plus petites, meilleur marché et plus faciles à utiliser.

Les machines à la taille du foyer telles que les imprimantes 3D, les découpeuses laser et les machines à coudre programmables, combinées avec plan conçu sur ordinateur (en CAO), permettraient aux gens de produire des produits fonctionnels à la maison, sur demande, en appuyant simplement sur un bouton. En quelques heures, ces mini-usines pourront fabriquer un objet simple comme une brosse à dents, reproduire des pièces d’une machine complexe, créer des bijoux comme un artisan ou réaliser des ustensiles ménagers. En quelques années, les machines de fabrication personnelle pourraient être suffisamment sophistiquées pour permettre à n’importe qui de fabriquer des objets complexes tels que des appareils avec de l’électronique intégrée.

Un certain nombre de forces convergentes sont en train d’amener la conception et la production industrielles à un point critique où elles deviendront peu chères, fiables, faciles et suffisamment versatiles pour une utilisation personnelle.

L’adoption des technologies de fabrication personnelle est accelérée par les machines à bas coût, les communautés d’utilisateurs sur Internet, des logiciels de Conception Assistée par Ordinateur (CAO) d’usage plus aisé, un nombre grandissant de plans de CAO disponibles en ligne et des matières premières de plus en plus accessibles.

Les technologies de fabrication individuelle auront un impact profond sur notre façon de concevoir, fabriquer, transporter et consommer les produits physiques. En suivant le même chemin que l’ordinateur devenu personnel, les technologies de fabrication passeront de l’usine à la maison. Ces outils de production personnalisés permettront aux consommateurs, aux écoles et aux entreprises de travailler et de jouer différemment.

Ces technologies de fabrication naissantes introduiront une évolution industrielle qui réunira le meilleur de la production de masse et de la production artisanale, avec le potentiel d’inverser en partie le mouvement de délocalisation.

Les technologies de fabrication personnelle feront émerger des marchés mondiaux pour des produits personnalisés (sur le modèle de la longue traîne), dont les volumes de vente seront assez rentables pour faire vivre des entreprises spécialisées (fabrication de niche,design…). Les communautés mal desservies ou isolées géographiquement auront la possibilité de concevoir et fabriquer localement leurs propres matériel médical, jouets, pièces mécaniques et autres outils, en utilisant les matériaux présents sur place.

À l’école, les outils de fabrication à petite échelle encourageront une nouvelle génération d’innovateurs et cultiveront l’intéret des élèves pour les cours de sciences, de technologie, d’ingéniérie et de mathématiques.

Les obstacles et les défis

Nombre d’obstacles qui découragent leur généralisation à la maison, à l’école et dans les entreprises se trouvent sur le chemin de l’adoption par le grand nombre des technologies de fabrication personnelle.

Un obstacle majeur est le classique paradoxe de l’œuf et de la poule : les marchés actuels pour les technologies de fabrication personnelles à destination des consommateurs et de l’enseignement sont trop petits pour attirer l’attention d’entreprises, ce qui décourage les investissements dans la création de produits et de services qui donc ne parviennent pas à attirer plus de consommateurs.

Les autres barrières sont les questions de sécurité, les défis de la standardisation des pièces et des contrôles de versions, les problèmes de propriété intellectuelle et un manque de contrôles adaptés sur la sécurité et la réglementation.

Recommandations

Il y a plus de trente ans, notre nation a conduit le mouvement de la révolution de l’informatique personnelle. Aujourd’hui, nous devons nous assurer que nous conduirons le mouvement de la révolution de la fabrication personnelle. Des investissements gouvernementaux réfléchis et visionnaires sont nécessaires pour garantir que les États-Unis resteront compétitifs dans l’ère de la fabrication personnelle et tireront les bénéfices potentiels des technologies de la fabrication personnelle.

Ce rapport recommande les actions suivantes :

1. Créer un laboratoire de fabrication personnelle dans chaque école.

2. Former les enseignants aux technologies de conception et de fabrication en relation avec les matières scientifiques et technologiques.

3. Créer des cursus scolaires de grande qualité avec des modules optionnels de fabrication.

4. Inclure la conception et la fabrication dans les cours de soutien après l’école.

5. Allouer des ressources publiques afin d’initier les entreprises locales à la production numérique en partenariat avec les établissements scolaires locaux.

6. Encourager la publication des spécifications matérielles.

7. Développer les formats de fichiers ouverts pour les plans de CAO.

8. Créer une base de données de fichiers CAO utilisés par les pouvoirs publics.

9. Imposer la publication des sources/de la géométrie pour les ressources gouvernementales publiques.

10. Mettre en place un « Programme de Recherche et d’Innovation Individuelle » pour les entrepreneurs du DIY (Do It Yourself).

11. Donner la priorité lors d’appels d’offres aux entreprises qui utilisent la fabrication personnelle.

12. Établir un « bouclier anti-propriété intellectuelle » pour les agrégateurs et les producteurs ponctuels.

13. Explorer les microbrevets comme une unité de propriété intellectuelle plus petite, plus simple et plus agile.

14. Revisiter les réglementations sur la sécurité pour les produits fabriqués individuellement.

15. Introduire une définition plus granulaire d’une « petite » entreprise industrielle.

16. Encourager la création de Fab Labs.

17. Les avantages fiscaux accordés aux « entreprises propres » devraient également concerner les entreprises de fabrication personnelle.

18. Accorder des réductions d’impôts sur les matières premières aux entreprises de fabrication personnelle.

19. Financer une étude du Département d’éducation sur la fabrication personnelle dans les matières scientifiques et technologiques.

20. Renforcer la connaissance et l’apprentissage sur la conception de produit.

Notes

[1] Dans l’idéal nous souhaiterions traduire l’intégralité du rapport, s’il y a des volontaires qu’ils n’hésitent pas à se manifester via le formulaire de contact.

[2] Crédit photo : Fluid Forms (Creative Commons By)




Google Chromebook ou le choix volontaire du confortable totalitarisme numérique

Jule Berlin - CC byÇa y est, les premiers « ordinateurs Google », les Chromebooks – un Acer et un Samsung pour commencer – vont bientôt arriver sur le marché. Ils seront tous les deux munis du système d’exploitation maison Google Chrome OS (qui, rappelons-le, repose sur une couche open source Chromium OS).

Potentiellement il s’agit bien moins d’une évolution que d’une véritable révolution.

Je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans… mais souvenons-nous de nos premiers PC. On avait nos applications (téléchargées en ligne ou installées depuis un cédérom) que l’on mettait à jour volontairement et manuellement. Parmi ces applications, il y a une qui a pris de plus en plus d’importance au fil des ans, c’est notre navigateur Web. Mais on conservait encore du temps pour notre suite bureautique ou notre traitement d’images. Si on n’avait pas la chance d’être sur un OS libre alors il fallait aussi un antivirus. Et puis on avait nos fichiers, dans notre disque dur ou nos périphériques.

Avec un Chromebook, tout ceci disparaît d’un coup de baguette magique ! Direction : « le nuage » !

Ici notre ordinateur se confond avec notre navigateur et se transforme en un terminal de connexion à Internet (vous avez dit Minitel 2.0 ?). Nous n’avons plus à nous soucier des applications, de leurs mises à jour, des fichiers et de leur stockage. Ce sont les serveurs de Google qui s’en chargent pour nous. Quel confort, quelle praticité, quelle simplicité !

C’est bien l’image que souhaite nous en donner Google en tout cas dans cette signifiante publicité vidéo : le Chromebook ce n’est pas un ordinateur portable, ce n’est pas un portable qui a accès au Web, c’est le Web matérialisé dans le Chromebook, on peut tout faire désormais sur le Web, y accéder de n’importe où, etc. et la dernière phrase, emblématique : le Chromebook sera prêt quand vous le serez.

Bon, imaginons que ces ordinateurs soient massivement adoptés et qu’au fur à mesure que le temps passe et que la connexion en tout lieu s’améliore, ils soient de plus en plus plébiscités… en grignotant chaque jour davantage de part de marché. Alors, soyons un peu provocateur, il ne servira plus à rien de se rendre, comme nous la semaine prochaine[1], à l’Ubuntu Party de Paris. Car l’adoption ou la migration de Windows vers GNU/Linux sera alors complètement court-circuitée. Idem pour d’autres célèbres migrations, d’Internet Explorer à Firefox (bonjour Google Chrome), de MIcrosoft Office à LibreOffice (bonjour Google Documents). Framasoft aussi du reste ne servira plus à rien (ou presque) puisque son annuaire, ses clés ou ses dvd seront définitivement à ranger dans les archives du Web.

Le danger est réel pour « la communauté du libre ». D’autant qu’en son sein Google jouit d’une bien meilleure image qu’un Microsoft, Apple ou Facebook et que nous sommes nombreux à posséder un compte Gmail.

Mais le danger est encore plus réel pour le futur acheteur d’un Chromebook. Car la condition sine qua non pour l’utiliser c’est de posséder un compte Google et de souscrire de facto à ses conditions d’utilisation. Conditions pas toujours très claires quant à l’usage de vos données personnelles et qui peuvent changer à tout moment selon le bon vouloir de Google (et de ses actionnaires). Vous ne vendrez pas spécialement votre âme au diable, mais dites-vous bien que vous confiez tout, absolument tout, à la société commerciale américaine Google[2].

C’est, entre autres critiques, ce que souligne Ryan Cartwright dans la traduction ci-dessous.

Si le Chromebook devient un succès, peut-être allons-nous devenir de « vieux réacs du Web » (des « Zemmour du Web » !) avec notre souhait et notre souci de conserver le contrôle et donc la liberté sur nos serveurs, nos machines, nos applications, nos fichiers et nos données.

Mais au moins aura-t-on tenté de résister et de vous prévenir…

Chromebooks – Le futur commence aujourd’hui ?

Chromebooks – has the future arrived?

Ryan Cartwright – 18 mai 2011 – Free Software Magazine
(Traduction Framalang : Goofy et Lolo le 13)

On a l’impression que ça fait une éternité que Google a annoncé ChromeOS, ce qui bien sûr a fait couler beaucoup d’encre, y compris dans ce magazine. Maintenant que deux fabricants s’apprêtent à lancer deux modèles de Chromebooks, il pourrait être utile de se souvenir des problèmes liés au « système d’exploitation basé sur le nuage », en général et dans ce cas précis.

C’est quoi le « nuage » ?

Il n’y a pas de réelle définition de ce qu’est le « nuage ». C’est comme la « Propriété Intellectuelle » : c’est surtout un terme de marketing qu’on peut recycler à son gré pour lui faire dire ce qu’on veut. Quand j’utiliserai l’expression ici, « un système d’exploitation dans les nuages » est quelque chose où toutes les données et les applications utilisateurs sont sur le World Wide Web. La seule chose qui reste au plan du matériel lui-même, c’est un système d’exploitation basique sur un disque et un navigateur Web. Je suis certain qu’on peut trouver des définitions plus complexes et plus détaillées de système d’exploitation dans les nuages et/ou de ChromeOS, mais ma définition ira bien pour cet article.

Vie privée et confidentialité des données

Ce sera toujours le plus gros problème en ce qui concerne le système d’exploitation basé sur le nuage. Si vous-même en tant qu’utilisateur vous espérez stocker vos données en ligne, alors vous les mettez (avec beaucoup d’autres choses) en danger. Il y a assez d’exemples de données en lignes qui ont été lues par des personnes non autorisées pour rendre inquiétant un système d’exploitation entier basé sur ce concept. Alors qu’il est vrai que beaucoup de gens ne font pas l’effort de sécuriser leurs données sur un support externe, certains pensent que ces données seront protégées derrière une porte fermée. Oui, donner à ces soi-disant ordinateurs un accès au Web en fait des ressources ouvertes, même si la plupart des données personnelles de l’utilisateur lambda manquent d’intérêt pour les malfaisants. Cependant, réunissez toutes les données sur un simple serveur (ou un groupe de serveurs) et soudain les données deviennent bien plus attractives. Et plus elles sont attirantes plus le risque est élevé. Pour faire une analogie, c’est comme la différence entre ceux qui stockent leur économies dans un coffre-fort à la maison et ceux qui les confient à la banque. Le fait de passer de maison en maison pour faire une série de casses n’était pas très attirant pour les voleurs. Par contre, mettez tout cet argent dans un seul coffre-fort d’une banque et soudain le facteur de retour sur l’effort fait que la chose est bien plus séduisante.

Donc si ChromeOS m’autorisait à stocker mes données dans un serveur de mon choix et me laissait la possibilité d’avoir un autre apps store dans un autre endroit, alors au moins les données pourraient être davantage sous mon contrôle. C’est vrai, plein d’utilisateurs de ces Chromebooks n’y feront probablement pas attention mais sans même cette éventualité, il est inutile de chercher à leur faire comprendre l’idiotie de leur renoncement.

Accès

ChromeOS est conçu et vendu comme « basé sur le nuage », avec la Wi-Fi et la 3G (il existe des versions avec la wifi seule). Ce qui présente aussitôt à mes yeux un problème particulier. Que se passe-t-il quand vous n’avez pas de connexion ? Existe-t-il une option hors-connexion ? Mes recherches suggèrent que non mais pour être honnête toute la documentation sur ce point est soit du marketing de Google ou des fabricants soit rédigée au doigt mouillé sur des sites de technos qui veulent se positionner au plus haut dans les résultats des moteurs de recherche.

J’imagine que la cible marketing des Chromebooks sera le marché des netbooks et tablettes. J’ai noté qu’on utilisait la plupart du temps ce genre d’appareils dans des conférences ou des cafés. Il existe une bonne raison à ça — on trouve généralement dans ces endroits une connexion wifi à peu près correcte. Dans ce genre d’environnement le Chromebook conviendra parfaitement, mais si la connexion Internet devient un peu chancelante, que se passera-t-il ? Que va devenir un document que vous avez à moitié entamé au moment où la connexion s’interrompt ? Je suis certain que Google s’est penché sur le problème mais jusqu’à maintenant je n’ai pas vu grand-chose qui aille dans le sens d’une solution.

Pendant que j’y suis, parlons un peu de l’impression. Comme Chromebooks fait tout « dans le nuage », imprimer localement devient un problème. Il semble que la solution soit de connecter votre imprimante locale à l’Internet et d’imprimer via les serveurs de Google. Oui, vous avez bien lu, et je le répète : pour imprimer avec un Chromebook, vous aurez besoin d’utiliser une imprimante qui sera connectée au réseau. Donc, vous devez partager non seulement vos données avec Google, mais aussi votre imprimante. Bon d’accord en réalité la plupart des utilisateurs enregistreront leurs documents avec Google docs et les imprimeront depuis un ordinateur qui ne sera pas dans le nuage, à l’aide d’une imprimante locale. Mais même ainsi c’est à mes yeux un nouvel inconvénient.

Applis

Aucun appareil digne de ce nom ne peut être lancé sans une myriade d’applis. Dans le cas de Chromebook il existe des applis web pour le navigateur Chrome. Certaines sont gratuites, d’autres sont gratuites dans la période d’essai, d’autres enfin sont carrément commerciales. Aucune de celles que j’ai vues n’est libre au sens où nous en parlons ici. je ne suis pas toujours d’accord à 100% avec Richard Stallman (gare au troll) mais il a raison de déclarer :

« C’est aussi nul que d’utiliser un programme propriétaire. Faites vos opérations informatiques sur votre propre ordinateur avec votre programme respectueux de vos libertés. Si vous utilisez un programme propriétaire ou le serveur web de quelqu’un d’autre, vous êtes sans défenses. Vous êtes à la merci de celui qui a conçu le logiciel ». Richard Stallman, cité par le Guardian, 29 septembre 2008.

Il existe aussi un autre problème qui nous concerne en tant qu’utilisateurs de logiciels libres. La licence de ces applis web n’est pas mentionnée dans la boutique d’applis de Chrome. Google a probablement raison de prétendre que la plupart des utilisateurs de ChromeOS seront plus préoccupés par le prix que par la liberté, mais malgré tout l’absence d’information sur la licence soustrait un point important de l’esprit du public. Quand vous pensez à tout le temps qu’il a fallu pour avoir les libertés en informatique que nous avons aujourd’hui, omettre délibérément ces informations revient simplement à encourager les gens à ignorer les problèmes de liberté et de confidentialité. Les cyniques répondront que c’est le problème de Google (et autres géants du secteur informatique) et que c’est certainement payé par Android. Ce qui a été lancé comme un système d’exploitation pour mobile « basé sur Linux » est maintenant connu comme « Android de Google ». Tout comme si des questions importantes — mais finalement un peu barbantes — comme la sécurité, la confidentialité et la liberté devaient être sacrifiées sur l’autel non du prix cassé mais de l’accès facile. Tant qu’on peut le faire facilement, le sacrifice que vous devez faire passe inaperçu.

Pas ma tasse de thé

Vous aurez probablement deviné que le Chromebook ne figure pas en tête de la liste de cadeaux à me faire sur mon compte Amazon. Mais ce n’est pas un problème car je n’ai pas pour habitude de partager ma liste de vœux avec tout le monde. Il existe simplement beaucoup trop de problèmes importants à mes yeux qui restent sans solution et qui ne pourront être résolus compte-tenu du modèle économique de ChromeOS. Toutefois à la différence des iTrucs (que je déteste pour des raisons évidentes) et les tablettes, qui ne me donnent pas la moindre raison de les acheter (l’indice certain que je vieillis), j’ai comme l’intuition que les Chromebooks ne se vendront pas si bien que ça. La raison majeure c’est que beaucoup ne supporteront pas l’idée de devoir être toujours en ligne. Avoir une connexion un peu faiblarde pour un usage basique du Web c’est une chose, mais quand vous en avez besoin pour votre travail vous êtes vraiment très vite furieux. Mais je pense que les problèmes que je viens de soulever ne vont pas se dissiper. Nous autres dans la communauté du logiciel libre (encore une expression dont les contours sont flous), nous avons pris conscience depuis un certain temps des problèmes de libertés posés par « l’informatique dans le nuage », mais nous avons flirté avec ça sur le marché des appareils mobiles. Je crains que des entreprises propriétaires rapaces ne se mettent à vouloir prendre le contrôle de portions toujours plus vastes de nos vies grâce à des choses comme Chromebook. En quelque sorte ils auront plus vite résolu les problèmes de bande passante que ceux posés par le respect de la vie privée.

Retour vers le passé

La dernière fois que j’ai publié un billet sur ChromeOs j’ai fait quelques prédictions. Comme toujours dans ces cas-là, certaines étaient évidentes (le magasin ChromeOs, les netbooks plus petits et moins voraces en énergie), et d’autres restent encore à accomplir (le développement des logiciels qu’on paiera suivant la consommation). Mais l’une d’entre elles a malheureusement bien des chances de s’accomplir. Si les problèmes que j’ai soulignés dans ce billet comme la confidentialité et les libertés prennent de l’ampleur, alors les logiciels libres, sans forcément disparaître, vont sortir de la sphère d’influence publique et c’est une bien mauvaise chose.

Notes

[1] Voici le programme de l’UP de Paris qui aura lieu du 27 au 29 mai prochain. On notera pour ce qui concerne Framasoft : Le vendredi 27 mai à 13h Utiliser les licences libres par Benjamin Jean, à 14h30 Les logiciels libres c’est quoi par Simon Descarpentries – Le samedi 28 à 14h30 La route est longue mais la voie est libre par Alexis Kauffmann, à 16h Le libre au delà du logiciel par Pierre-Yves Gosset – Le dimanche 29 à 13h Utiliser les licences libres par Benjamin Jean, à 16h l’atelier Framapad, contribuer en ligne par Pierre-Yves Gosset.

[2] Crédit photo : Jule Berlin (Creative Commons By-Sa)




Montrez-nous les données ! Ce sont les nôtres après tout…

Ernst Vikne - CC by-saLe monde de plus en plus numérique qui se met en place présente le risque et le paradoxe de nous déposséder d’une part de nous-mêmes, celle qui laisse toujours plus de traces sur le réseau.

Dans un récent article publié par le New York Times, le professeur économiste Richard Thaler en appelle à plus de transparence quant à l’utilisation commerciale de nos données[1].

Mais il en appelle surtout à la possibilité de réutiliser nous-mêmes nos propres données, ce qui est loin d’être le cas actuellement.

Et la situation ne pourra évoluer que si les utilisateurs sont de plus en plus nombreux à prendre conscience du problème en mettant alors la pression sur les structures qui exploitent ces données.

Nos données nous appartiennent. Montrez-les-nous !

Show Us the Data. (It’s Ours, After All.)

Richard Thaler – 23 avril 2011 – The New York Times
(Traduction Framalang : Goofy et Don Rico)

Nul ne sait mieux que moi ce que j’aime.

Cette affirmation peut passer pour une évidence, mais la révolution des technologies de l’information a généré une liste croissante d’exceptions. Votre épicier sait ce que vous aimez manger et peut probablement vous donner des conseils judicieux et appropriés sur d’autres aliments qui pourraient vous plaire. Votre opérateur téléphonique sait qui vous appelez, et votre téléphone sait où vous êtes allé. Quant à votre moteur de recherche, il peut anticiper vos désirs avant même que vous ayez achevé de les saisir au clavier.

Les entreprises accumulent des masses considérables d’informations sur ce qui vous plaît ou pas. Mais ce n’est pas seulement parce que vous êtes digne d’intérêt. Plus elles en savent sur vous, plus cela leur rapporte d’argent.

La récolte et la diffusion de ces informations soulève une quantité de problèmes de confidentialité, bien entendu, et un tandem de sénateurs des deux camps, John Kerry et John McCain, a proposé de les régler avec leur Commercial Privacy Bill of Rights (Ndt : Déclaration des Droits à la confidentialité dans le commerce). Protéger notre vie privée est important, mais la démarche des deux sénateurs fait l’impasse sur un problème plus important : elle n’inclut pas le droit d’accès à nos propres données personnelles. Non seulement nos données devraient être protégées, mais elles devraient aussi être disponibles pour que nous puissions les utiliser selon nos propres besoins. Après tout, ces données nous appartiennent.

Voici un principe de base : si une entreprise commerciale collecte électroniquement les données des utilisateurs, elle devrait leur fournir une version de ces informations facile à télécharger et à exporter vers un autre site Web. On peut résumer cette démarche ainsi : vous prêtez vos données à une entreprise, et vous en voudriez une copie pour votre usage personnel.

Le gouvernement de la Grande-Bretagne vient d’annoncer une initiative intitulée « mydata » qui va dans ce sens (j’ai travaillé comme consultant pour ce projet). Bien que les lois britanniques demandent déjà aux entreprises de donner à leurs clients des informations sur l’utilisation de ces données, le programme vise à fournir des données accessibles via un ordinateur. Pour commencer, le gouvernement travaille en concertation avec plusieurs grandes banques, les émetteurs de cartes de crédit, les opérateurs et revendeurs de téléphones mobiles.

Pour comprendre comment un tel programme pourrait améliorer la façon dont fonctionne le marché, songez par exemple à la façon dont vous choisissez un nouvel abonnement à un service de téléphonie mobile. Deux études ont démontré que les consommateurs pouvaient économiser plus de 300 dollars chaque année en souscrivant un abonnement mieux adapté. Mais pour cela, il faut être capable d’estimer ses besoins en termes de services : SMS, médias sociaux, musique en streaming, envoi de photos, etc.

Il se peut que vous ne soyez pas en mesure de traduire tout cela en mégaoctets, mais votre opérateur lui, en est capable. Bien que certaines informations soient déjà disponibles en ligne, elles ne se trouvent généralement pas encore disponibles dans un format exportable – vous ne pouvez pas les couper-coller facilement sur un autre site, un comparateur de prix par exemple – et elles ne se présentent pas de telle manière qu’il vous soit facile de calculer quel est le meilleur abonnement pour vous.

Si l’on suit la règle que je propose, votre opérateur vous donnerait accès à un fichier comprenant toutes les informations qu’il a récoltées depuis que vous avez un mobile, ainsi que toutes les factures en cours pour chacun des services que vous utilisez. Les données vous seraient remises dans un format utilisable par les créateurs d’applications, si bien que de nouveaux services pourraient voir le jour, proposant aux consommateurs des conseils pratiques (pensez à Expedia, par exemple). Ainsi, ce cercle vertueux créerait des emplois pour ceux qui ne rêvent que de lancer ce genre de nouveaux sites Web.

Avant de se plaindre qu’il est difficile de se soumettre à une telle règle, les entreprises devraient jeter un coup d’œil à une initiative du gouvernement fédéral appelée Blue Button. Cette procédure déjà en vigueur offre aux anciens combattants et bénéficiaires de Medicare (NdT : programme de sécurité sociale pour personnes âgées) la possibilité de transmettre leur dossier médical à un organisme de confiance (le nom « Blue Button » fait allusion au bouton bleu sur lequel peut cliquer l’utilisateur qui désire récupérer ses données).

L’initiative Blue Button se répand déjà dans les applications du secteur privé. Northrop Grumman a développé une application pour smartphone qui permet aux anciens combattants d’accéder à leur dossier médical et de recevoir sur leur téléphone des conseils de santé pour être en bonne forme. HealthVault, un site Microsoft pour l’organisation de ses soins de santé, permet également aux utilisateurs de Blue Button d’y rechercher leurs informations médicales. La possibilité d’accéder à ces différents types de services pourrait sauver des vies en cas d’urgence.

Si le gouvernement est capable de collecter et restituer des informations confidentielles de manière sécurisée et utile, les entreprises privées peuvent en faire autant, ce qui donnera davantage de chances aux consommateurs d’être des clients plus avisés.

Revenons à l’exemple des smartphones. Une fois que le propriétaire d’un téléphone fournit ses informations personnelles à des sites Web tiers, ceux-ci (BillShrink, par exemple) peuvent l’aiguiller vers les abonnements de meilleur rapport qualité/prix. Vous envisagez de changer votre téléphone ? Les sites tiers peuvent vous avertir si votre utilisation risque de s’accroître, en se basant sur l’expérience d’utilisateurs qui ont fait avant vous le même changement.

Si les données personnelles sont accompagnées d’informations détaillées sur les coûts, comme je l’écrivais dans mon dernier article, les consommateurs connaîtront mieux la façon dont ils utilisent vraiment les services, ainsi que leur coût réel. La tarification transparente, elle, donnera un avantage compétitif aux fournisseurs honnêtes et de qualité sur ceux qui ont des pratiques opaques. Ces éléments permettront une croissance économique saine.

Les applications possibles sont innombrables. Les supermarchés, par exemple, savent déjà qu’ils peuvent attirer plus de clients dans leurs clubs de consommateurs en offrant des réductions exclusives à ceux qui en font partie. Ce qui permet aux magasins de connaître les habitudes de consommation des clients et de cibler les bons de réduction d’après leurs achats. Les clients peuvent se désinscrire – mais alors ils perdront leurs réductions.

Exigeons donc que ce soit à double sens. Pourquoi ne pas vous donner, à vous consommateur, quelque chose en échange de votre participation ? Exigez du supermarché qu’il vous fournisse l’historique de vos achats. Il ne se passera pas longtemps avant qu’un entrepreneur astucieux ne vous concocte une application capable de vous indiquer des solutions de remplacement moins coûteuses et plus saines, qui seront aussi bonnes pour votre ligne que pour votre compte en banque. Les applications ne servent pas qu’à économiser de l’argent ; elles pourraient aussi avertir les clients souffrant d’allergies, par exemple, qu’ils achètent des aliments contenant des ingrédients auxquels ils sont sensibles, comme les arachides ou le gluten.

La capacité qu’ont les entreprises à surveiller notre comportement fait déjà partie de notre quotidien, et ce n’est qu’un début. Nous devons évidemment protéger notre droit à la confidentialité, mais si nous sommes malins, nous utiliserons également les données qui sont collectées pour améliorer notre existence.

J’espère que les entreprises américaines suivront l’exemple de leurs homologues britanniques et coopèreront au programme « mydata ». Sinon, nous exigerons des entreprises qu’elles nous indiquent ce qu’elles savent déjà sur nous. Pour paraphraser Moïse, demandons-leur : « laisse aller mes données, afin qu’elles me servent »

Richard H. Thaler est professeur d’économie et des sciences du comportement à l’école de commerce Booth de l’Université de Chicago.

Notes

[1] Crédit photo : Ernst Vikne (Creative Commons By-Sa)




Geektionnerd : Blender 2.57

Blender 2.57 vient de voir le jour. Pour une visite guidée c’est ici.

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Le saviez-vous ? Microsoft contribue au noyau Linux !

—> La vidéo au format webm