Ce qui caractérise les utilisateurs de logiciels libres

Shaymus022 - CC by-saAlors voilà. Nous y sommes. Le logiciel libre est clairement en train de gagner la bataille du desktop. Quelque soit son système d’exploitation, on trouve désormais des logiciels libres de grande qualité répondant à tous les usages de base (web, bureautique, graphisme, multimédia…). Dans le même temps des distributions GNU/Linux toujours plus conviviales arrivent à maturité et les revendeurs ne s’y trompent pas puisqu’ils commencent à en proposer au grand public dans leurs offres d’ordinateurs neufs.

Cependant n’oublions pas la phrase en exergue de ce blog : « …mais ce serait peut-être l’une des plus grandes opportunités manquées de notre époque si le logiciel libre ne libérait rien d’autre que du code ».[1]

En effet, utiliser des logiciels libres c’est non seulement faire des économies, c’est non seulement se retrouver avec plein d’applications qui nous comblent au quotidien mais c’est aussi et surtout adopter certains comportements (et rompre avec d’autres), participer à un mouvement et, osons le mot, faire partie d’une culture.

Une culture qui favorise l’écoute, l’indépendance et l’autonomie. Une culture de coopération et non de compétition. Une culture aux antipodes de certaines logiques et structures politico-économiques qui nous demandent avant tout d’être des consommateurs passifs. Il serait non seulement dommage mais fort dommageable que la nouvelle génération d’utilisateurs fraîchement débarqués du monde Windows, et dont Framasoft se réclame, perde cela de vue…

La traduction que nous vous proposons aujourd’hui brosse le portrait d’un utilisateur de logiciels libres[2] en soulignant neuf caractéristiques qui le distinguent justement de l’utilisateur de logiciels propriétaires.

Parce qu’il en va de la responsabilité de tous que cette précieuse culture ne se dilue pas avec sa démocratisation…

9 traits caractéristiques des utilisateurs de logiciels libres

9 Characteristics of Free Software Users

Bruce Byfield – 9 janvier 2008 – Datamation
(Traduction Framalang : GaeliX et Olivier)

Un système d’exploitation n’est pas qu’un code source, il véhicule aussi une culture. Cet état de fait m’est soudainement revenu à l’esprit au cours des vacances quand plusieurs membres de ma famille et des voisins m’ont assailli de questions sur le dépannage de leurs ordinateurs sous Windows. Bien qu’aucun d’entre nous n’ait eu une véritable formation en informatique, je ne sais presque rien sur Windows, j’ai été en mesure de résoudre les problèmes qui déconcertaient les autres – non pas parce que j’ai la science infuse, mais parce que la culture du Libre dans laquelle je baigne tous les jours m’a rendu plus apte à faire face à ce genre de situation.

Les origines de ces cultures sont plus ou moins évidentes. Windows et d’autres logiciels propriétaires sont les produits du marché commercial du logiciel. Dans cette culture, l’information circule essentiellement dans une seule direction : elle émane du fabricant. L’obsession des éditeurs pour la propriété intellectuelle et la main-mise des revendeurs encourage cette culture à réduire les utilisateurs au rôle de consommateurs aveugles.

En revanche, la culture du Libre a deux origines. La première, c’est la culture Unix, qu’Eric Raymond décrit dans « L’art de programmer sous UNIX », et qui met l’accent sur l’excellence. La seconde est l’ensemble des quatre libertés qui définissent un logiciel libre.

Il est vrai que les utilisateurs finaux sont peu susceptibles de s’intéresser eux-mêmes aux libertés d’étudier ou d’améliorer un programme. Mais l’existence de ces libertés pour les développeurs conditionnent les attentes de tout le monde. En outre, les libertés d’exécuter les programmes et de les redistribuer permet à chacun de s’affranchir d’un des aspects les plus pénibles de la culture propriétaire. En tout cas, ces origines créent des utilisateurs plus actifs et plus exigeants que ceux des logiciels propriétaires.

Ce n’est pas une surprise, ces différences d’origines amènent à des attentes différentes. Il y a certes des exceptions et l’amélioration des compétences de l’utilisateur tend à gommer ces différences. En outre, des logiciels libres comme Firefox et OpenOffice.org sont de plus en plus courants sur des plates-formes propriétaires. Et, de même, la culture propriétaire s’immisce dans le logiciel libre car il devient une grosse affaire.

Pourtant, la plupart du temps, vous pouvez vous attendre à ce que les utilisateurs de logiciels libres diffèrent des utilisateurs de logiciels propriétaires sur un certain nombre de points fondamentaux. Le fait d’avoir conscience de ces différences peut avoir un impact considérable sur votre réussite lors de la commercialisation ou du développement de logiciels.

1. Les utilisateurs de logiciels libres désirent des licences ouvertes et non pas des méthodes d’activation

Des éditeurs propriétaires comme Adobe et Xara qui ont fait l’expérience du portage sous GNU/Linux de leurs logiciels sont arrivés à la conclusion que les utilisateurs de logiciels libres n’iront pas acheter de logiciels commerciaux. Toutefois, comme l’ont prouvé des entreprises comme Red Hat et Mandriva, ces conclusions sont plus le fait d’une incapacité à concevoir de nouvelles méthodes de travail que d’une observation de la réalité. A défaut d’autre chose, les utilisateurs iraient le plus souvent acheter dans le commerce afin d’avoir le confort d’une relation traditionnelle avec un fournisseur.

Toutefois, lorsqu’ils ont ce luxe, les utilisateurs de logiciels libres rejettent les licences propriétaires ou les méthodes d’activation qui restreignent leur liberté de copier et redistribuer le logiciel. Certains peuvent accepter les licences propriétaires si ils ne trouvent pas les mêmes fonctionnalités ailleurs. D’autres peuvent accepter une licence propriétaire pour les logiciels non-essentiels, comme les jeux. Mais, au premier signe d’alternative, ils vont abandonner le produit propriétaire. Et beaucoup, bien entendu, n’accepteront même pas ces compromis temporaires.

Si vous cherchez à vendre quelque chose à la communauté du Libre, ne cherchez pas à faire de l’argent avec le logiciel mais cherchez les services que vous pouvez développer autour du logiciel. Ou pensez-vous que c’est un hasard si le partage de fichiers et de la culture libre ont leurs racines dans la communauté du logiciel libre ?

2. Les utilisateurs de logiciels libres désirent avoir des mises à jour et des corrections de façon régulière

Les systèmes d’exploitation Libres sont conçus pour la gratification instantanée. Vous voulez un nouveau logiciel ? Basculer vers le compte root et en l’espace de cinq minutes, vous l’avez, installé et prêt à être utilisé sans redémarrer la machine.

Cette fonctionnalité basique à pour conséquence les mêmes attentes élevées en ce qui concerne les mises à jour et les correctifs. Dans les logiciels libres, les mises à jour et les correctifs ne sont pas un événement annuel pour le logiciel complet avec des bêta-versions. Ils sont plus proches de l’occurrence quotidienne. Les personnes en charge de la maintenance de ces logiciels prennent cette responsabilité tellement au sérieux que l’on a déjà vu nombre d’entre eux prendre sur leur temps personnel pour s’assurer qu’une correction d’anomalie ou qu’un correctif de sécurité sorte aussi rapidement que possible.

3. Les utilisateurs de logiciels libres désirent travailler comme ils l’entendent

En passant de Windows à GNU/Linux, la première chose que les utilisateurs sont susceptibles de remarquer est le nombre d’options de personnalisation qui sont disponibles ne serait-ce que pour l’apparence et le fonctionnement du bureau. A la limite, ils sont presque enclins à penser qu’il y a trop d’options disponibles. Souvent même ils sont surpris de se retrouver devant plus de possibilités qu’ils n’en auraient espérées.

Ces options sont la conséquence directe du sens du contrôle que le logiciel libre encourage chez ses utilisateurs. Non seulement ils s’attendent à pouvoir utiliser les menus, les barres d’outils ou les raccourcis clavier qui ont leur préférence, mais ils s’attendent de plus à contrôler la couleur, les widgets et même l’emplacement des fonctionnalités du bureau de façon simple et efficace. S’ils font le chemin inverse, passant de GNU/Linux à Windows, ils vont se sentir limités, obligés de faire les choses de la façon dont les développeurs ont voulu qu’ils les fassent, plutôt que de fonctionner uniquement suivant leurs propres préférences.

4. Les utilisateurs de logiciels libres désirent avoir le contrôle de leurs propres systèmes

Pour un utilisateur de logiciels libres, l’un des aspects les plus ennuyeux de Windows XP ou Vista, c’est d’être constamment perturbé par les pop-ups. Le système lui-même vous informe des mises à jours disponibles, des éventuels risques de sécurité et de l’état actuel de votre système. Et il n’est pas inhabituel pour votre éditeur de logiciels d’avoir ses propres messages en plus de ceux émis par Java et plusieurs autres programmes. Pendant ce temps, le système d’exploitation et une ou deux autres briques de base logicielles communiquent et les technologies de verrouillage se mettent à contrôler votre informatique. Parfois, vous avez l’impression d’être interrompu toutes les 30 secondes dans votre travail.

Les gestionnaires de bureau dans les systèmes d’exploitation libres commence à émettre des notifications, mais, jusqu’à présent, elles le sont pour l’ensemble du système. Mais surtout, elles peuvent être désactivées. Les utilisateurs avertis de GNU/Linux ou FreeBSD savent que ce types d’évènements basiques sont consignés dans des fichiers de log où l’on peut les consulter à loisir.

Quant au verrouillage ou aux technologies de surveillance, oubliez les. Beaucoup d’utilisateurs de logiciels libres se méfient des outils de sondage automatiques, même relativement innocents comme le Concours de Popularité Debian ou Smolt, sans parler de tout ce qui leur ôterait le contrôle des mains.

5. Les utilisateurs de logiciels libres aiment explorer

J’ai été en mesure de résoudre deux des problèmes Windows auxquels j’ai dû faire face durant les vacances en un rien de temps. L’un simplement en raccordant le moniteur à la carte vidéo dédiée au lieu de celle embarquée sur la carte mère. L’autre en utilisant un gestionnaire de fichiers à la place des outils dédiés fournis avec le nouveau matériel. Quand je leur ai demandé pourquoi ils n’avaient pas cherché une éventuelle solution, ceux que je dépannais marmonèrent, puis finirent par avouer qu’ils avaient peur d’essayer.

Pour moi, ces réactions incarnent l’impuissance acquise que le logiciel propriétaire encourage habituellement. Avec seulement un nombre limité d’outils visibles sur le bureau – de nombreux profondement enterrés dans plusieurs boîtes de dialogue imbriquées – et la plupart de ces outils ne donnant aucune indication sur la manière dont ils arrivent au résultat – l’utilisateur moyen de Windows n’est pas vraiment incité à apprendre l’administration de son système.

De l’autre coté, sur les systèmes libres, l’exploration est facile. La plupart des configurations, par exemple, se font en utilisant les fichiers texte en clair, que vous pouvez consulter à partir de votre gestionnaire de fichiers. Et puisque l’exploration amène des résultats rapides et probants, les utilisateurs de systèmes d’exploitation libres sont encouragés à explorer et à devenir demandeurs de ce type de fonctionnalités. Mettez-les sur un système Windows et ils vont probablement se plaindre d’être isolés du système, comme s’ils essayaient de faire de la saisie avec des moufles.

6. Les utilisateurs de logiciels libres désirent s’entraider

Les utilisateurs de logiciel libre n’ont rien contre les fichiers d’aide. A vrai dire, ils les aiment. Pour les pages « man » Unix traditionnelles, ils ont les pages d’informations en ligne de commande et l’aide en ligne sur le bureau. Mais ils sont beaucoup moins susceptibles que les utilisateurs propriétaires d’attendre un support technique formel. Au lieu de cela, ce qu’ils attendent ce sont les moyens de s’aider eux-mêmes, pas seulement les fichiers d’aide, mais un accès facile aux fichiers de configuration (de préférence en texte clair, lisible par l’homme), ainsi que les mails, les forums, les canaux IRC où ils peuvent se consulter les uns les autres. Une philosophie du « prend toi en main » est sous-jacente chez presque tous les utilisateurs de logiciels libres. Plus ils les utilisent, plus elles sont ancrées en eux.

7. Les utilisateurs de logiciels libres n’ont pas peur de la ligne de commande

Pour les utilisateurs de Windows, la ligne de commande est une chose effrayante. Et ce n’est pas étonnant, compte tenu de sa pauvreté et des ses limitations ; une nouvelle version était une des caractéristiques promises pour Vista mais elle a été abandonnée. Mais la ligne de commande est beaucoup plus conviviale dans les systèmes d’exploitation libres que dans Windows et de nombreux utilisateurs se familiarisent rapidement avec elle.

Dans presque tous les cas, une commande saisie a plus d’options et de puissance que son équivalent graphique dans le logiciel libre. Les utilisateurs se feront un plaisir d’utiliser l’interface graphique, mais, lorsque sa limite est atteinte, beaucoup basculeront avec autant de plaisir vers la ligne de commande. C’est en partie une attitude de geek, mais la vraie raison est le simple aspect pratique. À moins que les concepteurs d’interfaces arrivent à offrir les mêmes fonctionnalités que la ligne de commande, cela ne changera pas et pour être honnête, peu cherchent vraiment à le faire.

8 Les utilisateurs de logiciels libres apprennent des catégories de logiciels, pas des programmes

Empêchés d’apprendre facilement leur système d’exploitation, les consommateurs de logiciels propriétaires fonctionnent comme s’ils lançaient des sorts – recettes rituelles qui, si elles sont utilisées de façon adéquate, leur donneront les résultats escomptés. Ajouté au fait que les logiciels propriétaires peuvent être coûteux, ils ont tendance à se familiariser avec une suite bureautique, un navigateur Web et un client de messagerie. En conséquence, changer de logiciel peut être traumatisant pour eux.

En revanche, les utilisateurs de logiciels libres se trouvent avoir à la fois la connaissance du système et une sélection de logiciels à expérimenter. Ils peuvent s’arrêter à logiciel précis dans chaque catégorie, mais seulement après avoir expérimenté toutes les autres possibilités. S’ils ont besoin d’une fonctionnalité qui n’est pas prise en charge par le logiciel qu’ils avaient choisi, ils lui trouveront un remplaçant temporaire ou permanent, confiants que les autres fonctionnalités dont ils ont besoin seront dans les deux programmes. Beaucoup plus que chez les utilisateurs de logiciels propriétaires, leur loyauté est provisoire et tributaire de la qualité et de la sélection. Ils n’ont pas cet investissement financier qui enchaîne l’utilisateur de logiciels propriétaires à un fournisseur particulier et ne voient aucune raison de changer cela.

9. Les utilisateurs de logiciels libres désirent avoir accès aux développeurs et aux autres membres de la communauté

La communauté Libre peut se targuer d’être une méritocratie où le statut est le résultat d’accomplissements et de contributions. Comme le statut dépend de ce que vous avez fait récemment, il est moins immuable que dans un environnement classique. Même lorsque des dirigeants naturels existent, ils sont plus souvent considérés comme premiers parmi leurs pairs que comme ayant un contrôle direct sur les autres. Cela signifie que les membres de la communauté ne peuvent pas s’isoler derrière le mur de l’autorité. Les membres de la communauté ont généralement un accès direct aux chefs de projets, généralement via mail et IRC. Et personne parmi les chefs de projet ne s’oppose à cet arrangement.

Même dans les entreprises, les traces de cette structure horizontale existent. Au lieu d’y résister, les gestionnaires intelligents vont l’accepter et ne revendiqueront une place à part qu’en raison de leur position.

Conclusion

Combien de temps ces caractéristiques du logiciel libre vont continuer d’exister, cela est incertain. Au cours des dernières années, une nouvelle catégorie d’utilisateurs de systèmes d’exploitation libres sont apparus: ceux qui ne font que de la bureautique. Dans une hâte de devenir plus ergonomique – ce qui signifie généralement semblable à Windows – il est possible que la culture de l’utilisateur de logiciels libres devienne méconnaissable pour les utilisateurs de longue date dans les prochaines années.

Mais, cela semble peu probable. Principalement car la mouvance « strict utilisateur bureautique » ne peut pas saper la culture du Libre au point d’en faire une niche, isolée, traitée comme un cas particulier. À moins qu’ils ne se contentent de rester dans leur routine, sous un an ou deux, les utilisateurs bureautique devront faire face à un problème qu’ils ne pourront résoudre sans devenir soit plus aventureux soit plus en contact avec la véritable culture libre. Le jour où cela se produira, ils auront fait le premier pas pour s’éloigner de leur statut de consommateurs passifs pour devenir les propriétaires de leurs propres machines.

Bruce Byfield est un journaliste informatique qui écrit régulièrement pour Datamation, Linux.com, et Linux Journal.

Notes

[1] Citation issue du reportage d’Arte Nom de code : Linux.

[2] Crédit photo : Shaymus022 (Creative Commons By-Sa)




De l’inexorable déclin de l’empire musical

Qui est en crise ? La musique ou l’industrie musicale ?

Le second aimerait laisser croire que c’est du premier qu’il s’agit mais j’ai ma petite idée sur la question et cet article du célèbre magazine Rolling Stone traduit par nos soins[1] ne fait que renforcer mon impression.

On notera qu’il n’est pas fait mention des modèles alternatifs que pourraient constituer toutes les initiatives actuelles autour de la musique en libre circulation sous licences Creative Commons ou apparentées. Mais la période est propice et nulle doute qu’il naîtra quelque chose d’intéressant de ce petit chaos dont il est difficile de ne pas rendre l’industrie musicale principalement responsable.

Un système fortement propriétaire et monopolistique opposé à une pratique généralisée du piratage dont sortirait vainqueur un troisième larron qui porterait haut la main les couleurs de la liberté, cela nous vous rappelle rien ?[2]

4 pesos - Libertinus - CC BY-SA

Le déclin de l’industrie du disque

The Record Industry’s Decline

Rolling Stone – Brian Hiatt et Evan Serpick – 19 juin 2007

Les ventes de disques plongent et il n’y a pas d’espoir à l’horizon : Qu’est-ce qui a flanché.

Pour l’industrie du disque, ce fut l’une des rares bonnes nouvelles : le nouvel album de Linkin Park s’est vendu à 623 000 exemplaires au cours de sa première semaine en mai, le meilleur démarrage de l’année. Mais c’est loin d’être suffisant. Au cours du même mois, la maison de disque du groupe, Warner Music Group, a annoncé qu’elle allait se séparer de 400 personnes et sa valeur boursière s’est difficilement maintenue à 85% de son maximum de juin l’année dernière.

Les ventes globales de CD se sont effondrées de 65% pour cette année jusqu’à maintenant et ceci après 7 ans d’une érosion presque constante. Face à un piratage à grande échelle, l’attrait grandissant des consommateurs pour les singles numériques face aux albums qui dégagent plus de marge et d’autres maux, l’industrie du disque a plongé dans un déclin historique.

Les principaux labels se battent pour réinventer leurs modèles économiques, certains se demandent même s’il n’est pas déjà trop tard. "Le business du disque est terminé" dit l’avocat de la musique Peter Paterno, qui représente Metallica et Dr Dre. "Les labels ont des avantages formidables… c’est juste qu’ils ne peuvent pas en tirer de l’argent". Une source haut placée dans l’industrie du disque, qui désire rester anonyme, va même plus loin : "Nous avons un business agonisant. Il n’y aura bientôt plus de grand label."

En 2000, les consommateurs américains ont acheté 785.1 millions albums, l’année passée ils en ont acheté 588.2 millions (un nombre qui regroupe les ventes de CD et les albums téléchargés), d’après Nielsen Soundscan. En 2000, les 10 meilleures ventes d’albums aux Etats-Unis représentaient 60 millions d’exemplaires, en 2006 les 10 meilleures n’en totalisaient plus que 25 millions. Les ventes de musique numérique augmentent, les fans ont achetés 582 millions de singles numériques l’an passé, en hausse de 65% par rapport à 2005 et ont acheté pour 600 millions de dollars de sonneries, mais les nouvelles sources de revenus ne compensent pas les pertes.

Plus de 2000 employés de maisons de disque ont été mis à la porte depuis 2000. Le nombre de majors est tombé de cinq à quatre quand Sony Music Entertainment et BMG Entertainment ont fusionné en 2004 et deux des labels restant, EMI et Warner, ont flirté avec leur propre fusion pendant des années.

Environ 2 700 magasins de musique ont fermé à travers le pays en 2003, d’après le groupe d’étude Almighty Institute of Music Retail. L’année dernière, la chaîne Tower Records (89 magasins), qui représente 2,5% des ventes au détail, a mis la clé sous la porte et Musicland, qui chapeautait plus de 800 magasins sous la marque Sam Goody, entre autres, a fait banqueroute. Environ 65% des ventes de musique se font maintenant dans les magasins généralistes comme Wal-Mart et Best Buy, qui proposent moins de variété que les magasins spécialisés et font moins d’effort pour promouvoir les nouveaux artistes.

Il y a encore quelques années, de nombreux dirigeants de l’industrie pensaient que leurs problèmes pourraient être réglés avec des plus gros hits. "Il n’y avait rien qu’un bon hit ne puisse faire pour ces gens-là" nous confie une source qui a travaillé en étroite collaboration avec les grands patrons plus tôt dans cette décennie. "Ils se rendaient compte que les choses allaient mal et ne faisaient qu’empirer, mais je ne suis pas sûr qu’ils avaient la bande passante pour trouver des solutions. Maintenant, peu d’entres eux sont encore à la tête de ces entreprises."

De plus en plus de patrons de maisons de disque maintenant semblent se rendre compte que leurs problèmes sont structurels : Internet paraît être la rupture technologique ayant le plus de conséquence pour l’économie de la vente de musique depuis les années 20, quand les enregistrements phonographiques ont remplacé les partitions comme centre des profits de l’industrie. "Nous devons collectivement comprendre que les temps ont changé", dit Lyor Cohen, PDG de Warner Music Group USA. En juin, Warner a annoncé un accord avec le site web lala.com qui permettra aux consommateurs d’écouter en ligne l’essentiel de leur catalague gratuitement, en espérant que cela les poussera à payer pour des téléchargements. C’est là la dernière des plus récentes tentatives des majors, qui aurait semblé impensable il y a quelques années :

  • En mai, l’une des quatre majors, EMI, a commencé à permettre à l’iTunes Music Store de vendre son catalogue les protections anti-copies sur lesquels les labels ont insisté pendant des années.
  • Quand YouTube a commencé à montrer des clips sans permission, les quatre labels ont signé des accords de licence plutôt que de lancer des poursuites pour violations de droits d’auteur.
  • Au désarroi de certains artistes et managers, les labels s’obstinent sur des accords avec de nombreux artistes grâce auxquels ils touchent un pourcentage sur les tournées, les produits dérivés, les produits sponsorisés et d’autres sources de revenus sans liens avec la musique enregistrée.

Qui a donc tué l’industrie du disque comme nous la connaissions ? "Les maisons de disque ont créé cette situation elles-mêmes", dit Simon Wright, PDG de Virgin Entertainment Group, qui dirige les Virgin Megastores. Bien que certains facteurs ne relèvent pas du contrôle des labels, de l’avènement d’Internet à la popularité des jeux-vidéo et des DVD, beaucoup dans l’industrie voient les sept dernières années comme une série d’opportunités sabotées. Parmi les plus importantes, disent-ils, se trouve l’incapacité qu’ont eu les labels à gérer le piratage en ligne à son balbutiement en faisant la paix avec le premier service de partage en ligne : Napster. "Ils ont jeté des milliards et des milliards de dollars par la fenêtre en attaquant Napster, c’est à ce moment que les labels se sont tués eux-mêmes", dit Jeff Kwatinetz, PDG de l’entreprise de management The Firm. "L’industrie du disque avait alors une opportunité incroyable. Tout le monde utilisait le même service. C’était comme si tout le monde écoutait la même station de radio. Ensuite Napster a fermé et ses 30 à 40 millions d’utilisateurs se sont tournés vers d’autres services de partage."

Les choses auraient pu être différentes : sept ans auparavant, les grands patrons de l’industrie du disque se sont réunis pour des discussions secrètes avec le PDG de Napster, Hank Barry. Lors d’une rencontre le 15 Juillet 2000, les dirigeants, y compris le PDG de la maison mère d’Universal, Edgar Bronfman Jr., le chef de Sony Corp, Nobuyuki Idei, et celui de Bertelsmann, Thomas Middelhof, se sont réunis avec Barry dans un hôtel à Sun Valley, Idaho et lui ont annoncé qu’ils voulaient conclure des accords de licence avec Napster. "M Idei a commencé la réunion", se souvient Barry, maintenant directeur de l’entreprise de droit Howard Rice. "Il disait que Napster était ce que les clients voulaient."

L’idée était de laisser les 38 millions d’utilisateurs de Napster libres de télécharger pour un abonnement mensuel, à peu près 10$, dont les revenus seraient partagés entre le service et les labels. Mais finalement, malgré une offre publique de 1 milliard de dollars de Napster, les compagnies ne sont jamais parvenues à un accord. "Les maisons de disque devaient sauter de la falaise, mais elles n’arrivaient pas à réunir le courage nécessaire", dit Hilary Rosen, qui était alors directrice de la Recording Industry Association of America. "Beaucoup de gens disent, ‘Les labels étaient des dinosaures et des idiots, c’était quoi leur problème ?’ Mais leurs revendeurs leur disaient, ‘Vous feriez mieux de ne rien vendre en ligne moins cher qu’en magasin’ et ils y avaient des artistes qui leur disaient ‘Ne déconnez pas avec les ventes de Wal-Mart.’ " ajoute Jim Guerinot, qui s’occupe de Nine Inch Nails et Gwen Stefani, "Innover signifiait cannibaliser leur marché principal."

Pis encore, les maisons de disque ont attendu presque deux ans après la fermeture de Napster le 2 juillet 2001 avant de donner leur accord à une plateforme légale de téléchargement, une alternative aux services d’échanges non-autorisés : l’iTunes Music Store d’Apple, qui a ouvert au printemps 2003. Avant cela, les labels ont lancé leurs propres services à abonnement : Pressplay, qui ne proposait au début que Sony, Universal et EMI et MusicNet, qui n’offrait que les catalogues de EMI, Warner et BMG. Ces services ont échoué. Ils étaient onéreux, n’offraient peu ou pas de possibilité de graver des CD et n’étaient pas compatibles avec beaucoup de lecteurs MP3 du marché.

Rosen et d’autres voient cette période entre 2001 et 2003 comme désastreuse pour le business. "C’est à ce moment-là que nous avons perdu les utilisateurs" dit Rosen. "Le peer-to-peer a pris le dessus. C’est à ce moment-là qu’on est passé d’une situation où la musique avait une vraie valeur dans l’esprit des gens à une autre où elle n’avait plus de valeur économique mais uniquement émotionnelle.

A l’automne 2003, la RIAA a lancé ses premières poursuites pour violation des droits d’auteur contre des personnes partageant des fichiers. Ils ont depuis attaqué plus de 20 000 fans de musique. La RIAA maintient que les poursuites sont faites pour passer le message que le téléchargement non autorisé peut avoir des conséquences. "Ce n’est pas fait pour punir" dit le président de la RIAA, Mitch Bainwol. Mais le partage de fichiers ne disparaît pas pour autant, le nombre d’utilisateurs de logiciels de peer-to-peer a augmenté de 4,4% en 2006, avec environ 1 milliard de chansons téléchargées illégalement par mois, d’après le groupe d’étude BigChampagne.

Malgré les maux de l’industrie, les gens écoutent toujours au moins autant de musique qu’avant. Les consommateurs ont acheté plus de 100 millions iPods depuis leur commercialisation en novembre 2001 et l’économie des tournées est florissante, atteignant un record l’année passée avec 437 millions de dollars. Et selon l’organisme NPD Group, l’audimat de la musique enregistrée, que ce soit depuis les CD, les téléchargements, les jeux-vidéo, les radios satellites, la radio terrestre, les flux en ligne ou d’autres sources, a augmenté depuis 2002. Le problème auquel fait face l’industrie est de convertir cet intérêt en argent. "Comment se fait-il que les gens qui font la musique fassent banqueroute alors que l’utilisation des produits explose ?" se demande Kwatinetz de chez Firm. "Le modèle est mauvais."

Kwatinetz voit d’autres compagnies, plus petites, depuis les entreprises de management comme la sienne, qui maintenant fait aussi maison de disque, aux pièces rapportées comme Starbucks, s’inviter. Paul McCartney a récemment abandonné sa longue relation avec EMI Records pour signer avec le jeune Hear Music de Starbucks. Le géant des jeux-vidéo Electronic Arts a aussi lancé son label, utilisant la valeur promotionnelle de ses jeux et le renaissant CBS Records va vendre la musique utilisée dans les émissions de la chaîne CBS.

Accorder des droits sur la musique aux jeux-vidéo, aux films, aux émissions de télévision et aux services avec abonnement en ligne devient une source de revenue grandissante. "Nous nous attendons à devenir un organisme qui accorde des contrats de licence" dit Cohen de Warner, qui en mai a lancé une nouvelle division, Den of Thieves NdT : L’antre des voleurs, dédiée à la production d’émissions de télévision et autres contenus vidéo basés sur ses droits musicaux. Et les maisons d’édition cherchent à augmenter leurs parts dans le business en pleine croissance de la publication musicale qui collecte les redevances liées aux droits d’auteur auprès des radios et d’autres sources. La société qui s’occupe de percevoir les droits liés aux spectacles vivants, ASCAP, annonce des revenus records de 785 millions de dollars pour 2006, en hausse de 5% par rapport à 2005. "Tous les indicateurs sont au vert" d’après Martin Bandier, PDG de Sony/ATV Music Publishing, qui contrôle la publication des Beattles. "La publication de musique va prendre une part de plus en plus importante dans le business" dit-il. "Si je travaillais pour une maison de disque, je serais en train de m’arracher les cheveux. Le monde de l’édition musicale est dans la confusion la plus totale, à la recherche d’une échappatoire.

Presque chaque acteur de l’industrie du disque est touché. "L’un des grands secteurs américains a été durement touché", dit Bainwol de la RIAA, qui accuse le piratage, "depuis les paroliers jusqu’aux accompagnateurs ou aux gens qui travaillent pour les labels. Le nombre de groupes en contrat avec les labels a été sérieusement atteint, en baisse de presque un tiers."

Les temps sont durs pour les employés des maisons de disque. "Les gens se sentent menacés" dit Rosen. "Leurs amis se font virer de tous côtés." Adam Shore, directeur de Vice Records, alors affilié à Atlantic Records, disait à Rolling Stone en janvier que ses collègues vivent une "crise existentielle." "Nous avons de super disques, mais nous ne sommes vraiment pas sûrs que les gens vont les acheter" dit-il. "On a un peu l’impression de perdre la foi."

Notes

[1] Nos soins ce sont nos p’tits gars (et filles) de Framalang of course !

[2] L’illustration est une photographie de Libertinus intitulée 4 pesos issue de Flickr et sous licence Creative Commons BY-SA.




Ouvrons le débat de l’informatique à l’école

Reproduction de Informatique et TIC : une vraie discipline ?, un récent article de Jean-Pierre Archambault[1], que nous connaissions depuis longtemps comme héraut du libre éducatif, mais qui élargit ici la problématique au présent et à l’avenir de l’informatique et des TIC à l’école, et ce faisant pose finalement la question de la place des technologies de l’information et de la communication dans notre actuelle et future société.

L’occasion pour moi de citer en rappel deux initiatives liées à la récente campagne présidentielle française 2007, l’une de l’ADULLACT et l’autre de l’APRIL (avec son initiative Candidats.fr).

Extrait de la Lettre aux candidats à l’élection présidentielle de 2007 (ADULLACT)

C’est la jeunesse qui fera le monde de demain. Il est très urgent d’enseigner très tôt la maîtrise et non pas seulement l‘utilisation de l’informatique, les techniques et non pas les modes opératoires. Il faut promouvoir l’informatique comme discipline à part entière dans l’enseignement secondaire, et y encourager l’esprit et les outils de production et de partage, pour le savoir et les richesses. Il faut former les acteurs et non de simples consommateurs de la société de l’information. Pourquoi dans notre pays collégiens et lycéens ne peuvent-il s’initier à la programmation ou au travail collaboratif ?

Extrait du Questionnaire de Candidats.fr (APRIL)

Êtes-vous favorable à ce que l’informatique soit une composante à part entière de la culture générale scolaire de tous les élèves sous la forme notamment d’un enseignement d’une discipline scientifique et technique au lycée ?

Êtes-vous favorable à ce que les élèves soient formés non pas à une gamme de produits (e.g. la suite Microsoft Office) mais à des catégories d’outils (e.g. traitement de texte, tableur, logiciels de présentation…) ?

Avec des réponses contrastées (ADULLACT et APRIL) en particulier de celui qui est devenu dans l’intervalle le président de la République française (réponses PDF de Nicolas Sarkozy à l’ADULLACT et à l’APRIL).

Il est effectivement temps de faire bouger les lignes et ne pas se satisfaire de la situation actuelle qui ressemble parfois à de l’inertie pendant que le monde avance.

Heureusement que, dans un contexte proche de l’urgence, nous pouvons compter sur l’expérience (et l’expertise) de la communauté du libre qui, je crois, lui donne une perception fine des enjeux. Encore faut-il qu’elle soit écoutée en haut lieu…

Vous trouverez une version PDF de l’article en fin de page.[2]

Student in Class - foundphotoslj - CC-BY

Informatique et TIC : une vraie discipline ?

Jean-Pierre Archambault – Medialog 62 Juin 2007

Avec l’introduction de la maîtrise des TIC dans le socle commun de connaissances et de compétences et la généralisation du B2i, un consensus existe pour affirmer qu’il faut préparer les futurs citoyens de la société de la connaissance à devenir des utilisateurs « intelligents » et non « presse-boutons » des technologies. Mais il n’existe pas de consensus sur la façon de s’y prendre. Certains militent pour la création d’une discipline scolaire « Informatique et TIC ».

Tout le monde a en mémoire les débats qui ont accompagné en 2006 la transposition de la directive européenne sur les droits d’auteurs et les droits voisins dans la société de l’information (DADVSI) [3]. Ils concernaient notamment l’exercice du droit à la copie privée, la possibilité d’écouter sur plusieurs appareils un morceau de musique acquis en bonne et due forme… c’est-àdire la vie quotidienne de millions de gens. Ils portaient également sur l’interopérabilité, les DRM (Digital Rights Management) ou mesures techniques de protection, les logiciels de peer to peer, le code source des programmes (il fut abondamment question des logiciels libres), le droit un peu abscons des bases de données… Il est difficile au simple citoyen de maîtriser la complexité de ces notions techniques et juridiques et donc de mesurer l’impact de la loi. Par exemple, dans l’article 13 de la loi finalement adoptée, on peut lire : « Ces mesures techniques sont réputées efficaces lorsqu’une utilisation visée au même alinéa est contrôlée par les titulaires de droits grâce à l’application d’un code d’accès, d’un procédé de protection tel que le cryptage, le brouillage ou toute autre transformation de l’objet de la protection ou d’un mécanisme de contrôle de la copie qui atteint cet objectif de protection… Un protocole, un format, une méthode de cryptage, de brouillage ou de transformation ne constitue pas en tant que tel une mesure technique au sens du présent article… Les mesures techniques ne doivent pas avoir pour effet d’empêcher la mise en oeuvre effective de l’interopérabilité, dans le respect du droit d’auteur… » [4]

Une nouvelle forme d’illettrisme

Or, nul n’est censé ignorer la loi ! Mieux, chacun doit être en mesure de contribuer à sa manière à son élaboration et, pour cela, de comprendre ce dont il s’agit et de bien mesurer les enjeux et les conséquences des textes adoptés par le Parlement. Quelles sont les représentations mentales opérationnelles, les connaissances scientifiques et techniques qui permettent qu’il en soit ainsi ? Ces questions valent également pour la vie de tous les jours, quand il faut décrypter l’offre d’un fournisseur d’accès à Internet, avoir une idée de l’origine et de la responsabilité d’un dysfonctionnement (savoir par exemple pour quelles raisons une page web peut se faire attendre). Nous sommes de plain-pied dans la problématique de la culture générale informatique qui doit être dispensée par l’École. Comment procéder pour former tous les élèves à la société de l’immatériel ? Car, comme le soulignent Maurice Lévy et Jean-Pierre Jouyet, dans l’économie de l’immatériel « l’incapacité à maîtriser les TIC constituera (…) une nouvelle forme d’illettrisme aussi dommageable que le fait de ne pas savoir lire et écrire » [5]. Et comment, dans le même temps, dispenser un enseignement qui prépare au mieux la formation ultérieure des spécialistes de haut niveau dont le pays a besoin ? Car, comme le relevait un article du Monde du 18 octobre 2006 sur les métiers de l’informatique, « la profession, où l’âge moyen est de 35 ans, commence à connaître une forte tension sur les recrutements des meilleurs profils : chefs de projet, ingénieurs spécialisés dans les nouvelles technologies, commerciaux, consultants spécialisés… ».

La question n’est pas nouvelle. Depuis une trentaine d’années, pour l’essentiel, deux approches se succèdent, coexistent, suscitent de vifs et intéressants débats. Pour l’une, les apprentissages doivent se faire à travers les usages de l’outil informatique dans les différentes disciplines existantes. Pour l’autre, l’informatique étant partout, elle doit être quelque part en particulier, à un moment donné, sous la forme d’une discipline scolaire en tant que telle [6].

Dans sa thèse, La constitution de l’informatique comme discipline scolaire (1987), Georges- Louis Baron, professeur à l’Université Paris V, parle de « lent cheminement vers le statut de discipline scolaire », et rappelle les conclusions d’un colloque international organisé à Sèvres en 1970 par le CERI-OCDE : « L’introduction d’un enseignement de l’informatique dans l’enseignement de second degré est apparu comme indispensable » [7]. Il y a eu, dans les années quatre-vingts et quatre-vingt-dix, une option informatique dans les lycées d’enseignement général. Créée en 1982, elle a été supprimée en deux temps, alors qu’elle était en voie de généralisation (première suppression en 1992, rétablissement en 1995, deuxième suppression en 1997). Le « cheminement » est donc quelque peu tortueux. Le cours de technologie au collège comporte une composante informatique bien identifiée. Le B2i, quant à lui, s’inscrit dans la démarche qui situe les apprentissages dans les usages de l’outil informatique dans l’ensemble des disciplines. Il figurera dans les épreuves du brevet des collèges et du baccalauréat, ce qui constitue une reconnaissance institutionnelle qui n’est pas toujours appréciée à sa juste valeur, indépendamment des avis que l’on peut avoir sur les contenus et les modalités d’évaluation.

Il arrive que cette question de la culture générale informatique ne soit pas exempte d’une certaine confusion, dans la mesure où l’on ne distingue pas suffisamment les objectifs généraux, les compétences à acquérir, les contenus scientifiques permettant de les atteindre – que l’on doit expliciter très précisément –, les méthodes pédagogiques et didactiques des disciplines. Rappelons donc succinctement que les statuts et les enjeux éducatifs de l’informatique et des TIC sont multiples.

L’informatique, outil et objet d’ensignement

Il y a un enjeu d’intégration d’instruments modernes pour améliorer la qualité de l’enseignement dans le contexte de sa démocratisation. L’ordinateur enrichit la panoplie des outils de l’enseignant. Il se prête à la création de situations de communication « réelles » ayant du sens pour des élèves en difficulté. Il constitue un outil pour la motivation. Il favorise l’activité. Il aide à atteindre des objectifs d’autonomie, de travail individuel ou en groupe. L’ordinateur est aussi encyclopédie active, créateur de situation de recherche, affiche évolutive, tableau électronique, outil de calcul et de traitement de données et d’images, instrument de simulation, évaluateur neutre et instantané, répétiteur inlassable, instructeur interactif… L’informatique s’immisce dans l’ « essence des disciplines » et leur enseignement doit en tenir compte. Cela vaut pour tous les ordres et niveaux d’enseignement, et notamment pour les formations techniques et professionnelles, tant les métiers, les processus de travail, les profils et les qualifications requises ont évolué. L’ordinateur est outil de travail personnel et collectif des enseignants, des élèves et de la communauté éducative. Enfin, l’informatique et les TIC sont objet d’enseignement car composantes incontournables de la culture générale de notre époque. Tous ces statuts ne s’excluent aucunement. Au contraire, ils se complètent et se renforcent. Ainsi le professeur de SVT pourra-t-il d’autant mieux enseigner l’expérimentation assistée par ordinateur et la simulation qu’il pourra s’appuyer sur de solides connaissances de base que ses élèves auront acquises précédemment et ailleurs que dans sa discipline.

Une discipline scolaire ?

En fait, la vraie question posée est celle de savoir s’il doit y avoir, à un moment donné de la scolarité obligatoire, apprentissages en matière de TIC et d’informatique sous la forme d’une discipline scolaire à part entière, comme c’est le cas dans un certain nombre de pays, par exemple la Corée du Sud, la Pologne et dernièrement le Maroc. Différentes raisons, selon nous, militent en faveur d’une réponse positive. D’abord, peuton considérer que « s’immerger c’est apprendre » ? À l’École et hors de l’École. L’utilisation d’un outil, matériel ou conceptuel, suffit-elle pour le maîtriser ? L’existence des enseignements techniques et professionnels est là pour rappeler que la réponse est évidemment non ! Jean-Michel Bérard, Inspecteur général de l’Éducation nationale, dit sans ambages que « l’utilisation d’un outil, si fréquente et diversifiée soit-elle, ne porte pas en elle-même les éléments qui permettent d’éclairer sa propre pratique » [8]. Ce qui ne signifie pas qu’il ne faille pas s’appuyer sur les pratiques et les expériences des élèves, mais avec l’objectif de les dépasser. Jean-François Cerisier, maître de conférences à l’Université de Poitiers, s’étonne de propos selon lesquels « les jeunes seraient naturellement outillés pour mettre en oeuvre des dispositifs techniques complexes dans une logique d’immersion qui postule implicitement que la pratique naïve des outils suffirait à produire des apprentissages pourtant complexes » [9]. Il indique qu’une étude conduite auprès d’élèves du cycle 3 a montré que la plupart d’entre eux ne disposaient pas d’une représentation suffisamment structurée d’Internet pour engager des démarches de recherche d’information même simples, et qu’ils « peinent à élaborer une requête documentaire lorsqu’ils utilisent un moteur de recherche standard ». Cela ne saurait surprendre quand on sait que le sens des opérateurs logiques (ET, OU) diffère de celui qu’ils ont dans le langage courant, que des éléments de logique figuraient dans les programmes de mathématiques des classes de seconde dans les années soixante-dix, et que leur compréhension n’allait pas de soi. On ne peut donc que le suivre quand, dans un autre article, il demande : « Comment en effet procéder à une recherche d’information efficace lorsque l’on n’a aucune connaissance du mode de fonctionnement de l’instrument utilisé ? » [10]. Par ailleurs, on sait que la science progresse en dégageant du « simple » dans la réalité complexe. Et que la pédagogie recommande de ne pas faire compliqué quand il faut faire simple. Dans une discipline donnée, se fixer, dans le même mouvement, des objectifs cognitifs et d’autres relatifs à l’outil informatique que l’on utilise, risque d’amener à échouer sur les deux tableaux. Chaque chose en son temps. J.-F. Cerisier fait également référence à « l’École comme seul lieu possible de prise en compte systématique des conceptions naïves ». C’est aussi le seul endroit où les élèves rencontrent la connaissance sous une forme structurée et organisée, où ils s’approprient « l’intelligence » des outils conceptuels pour bien s’en servir.

On ne fait pas des sciences expérimentales, ou de la technologie, de la même façon à l’école primaire et au lycée. La culture informatique s’acquiert donc selon des modalités diversifiées dans le temps. À l’école primaire, le B2i correspond bien aux méthodes d’initiation des enfants aux sciences et aux techniques. De plus, et c’est fondamental, il y a un enseignant unique, qui maîtrise donc ses progressions pédagogiques et leurs cohérences, l’organisation du temps scolaire et qui se coordonne facilement avec lui-même ! Ce qui n’est pas le cas au collège : là résident pour une bonne part les difficultés constatées de mise en oeuvre du B2i. Il n’est déjà pas évident d’organiser des apprentissages progressifs sur la durée lorsque les compétences recherchées sont formulées de manière très générale (du type « maîtriser les fonctions de base » ou « effectuer une recherche simple »), éventuellement répétitives à l’identique d’un cycle à l’autre, et que les contenus scientifiques, savoirs et savoir-faire précis permettant de les acquérir, ne sont pas explicités. Mais, quand, en plus, cela doit se faire dans des contributions multiples et partielles des disciplines, à partir de leurs points de vue, sans le fil conducteur de la cohérence didactique des outils et notions informatiques, on imagine aisément le caractère ardu de la tâche au plan de l’organisation concrète. Ainsi, un rapport de l’IGEN souligne-t-il que, « si différentes circulaires précisent les compétences qui doivent être validées et le support de l’évaluation (feuille de position), elles laissent néanmoins dans l’ombre de l’autonomie les modalités concrètes de mise en oeuvre » [11]. Pour se faire une idée de ces difficultés, il suffit d’imaginer l’apprentissage du passé composé et du subjonctif qui serait confié à d’autres disciplines que le Français, au gré de leurs besoins propres (de leur « bon vouloir »), pour la raison que l’enseignement s’y fait en français.

Former des utilisateurs « intelligents »

Au collège, le cours de technologie nous semble être un lieu institutionnel adapté à l’acquisition d’une maîtrise des outils informatiques, dont les enseignants des autres disciplines peuvent alors bénéficier dans leurs démarches pédagogiques, d’une manière réaliste. La complémentarité objet-outil d’enseignement peut donner toute son efficacité quand on l’envisage dans cette optique.

Au lycée, dans le prolongement des acquis précédents, une approche spécifique et scientifique, dans le cadre d’un enseignement particulier, permet de les capitaliser et de favoriser les usages pédagogiques des TIC dans les autres matières. Elle constitue une étape qualitativement nouvelle permettant de se fixer des objectifs ambitieux et incontournables pour des générations appelées à évoluer dans la société de la connaissance, dans laquelle on sait le rôle éminent joué par les TIC, de former des « utilisateurs intelligents » et des citoyens à part entière. Quand une matière est omniprésente dans la société, elle devient un élément de la culture générale, et de la culture scolaire, sous la forme d’une discipline particulière que l’on étudie pour elle-même afin de mieux la mettre au service des autres disciplines. Avec des enseignants spécialisés, des programmes, des horaires et des épreuves au baccalauréat. Jacques Baudé, président d’honneur de l’EPI (association Enseignement Public et Informatique), rappelle opportunément que « pendant plus de dix ans, le Conseil scientifique national (CSN), pilotant l’option informatique des lycées, a montré que la mise au point de programmes d’enseignement n’a pourtant rien d’impossible ; ce n’est ni plus difficile ni plus facile que dans n’importe quelle autre discipline ! Les invariants enseignables au lycée se dégagent somme toute assez facilement à condition de pratiquer une large concertation avec les universitaires et les enseignants du terrain » [12].

Ces invariants, dont parle Jacques Baudé, doivent inclure des activités d’algorithmique et de programmation, non pas pour former des informaticiens professionnels – même si cela y contribue – mais pour que les élèves comprennent la logique de fonctionnement de l’ordinateur et des environnements informationnels (si l’on apprend à résoudre des équations du second degré ce n’est pas parce qu’on en résout tous les jours !). Charles Duchâteau, professeur aux facultés universitaires N.-D. de la Paix de Namur, s’exprime en ce sens : « J’ai été et je reste parmi ceux qui croient que l’apprentissage de la programmation est formatif et qu’il ne faut pas tout mesurer à l’aune de l’utilité immédiate. Je crois aussi que les méthodes et concepts typiques de l’algorithmique sont parmi les plus fondamentaux de l’informatique et que, de plus en plus, une certaine familiarité avec le “faire faire” qui est au coeur de la programmation, au sens large, fait partie d’une utilisation efficace de beaucoup d’outils logiciels récents » [13]. Écrire des programmes informatiques, même très simples, permet également de donner de la substance à ce que sont les codes source et objet, et donc de mieux percevoir les enjeux des logiciels libres. La « philosophie » de ces logiciels est en phase avec l’objectif de former des utilisateurs « intelligents » car la connaissance du code permet la compréhension de la logique et du fonctionnement des logiciels.

Pour Jean-Pierre Demailly, membre de l’académie des Sciences, « un enseignement des langages, des algorithmes et de la programmation serait bien utile à partir du lycée. Tout d’abord parce que c’est un véritable besoin économique de mieux préparer les élèves à acquérir des connaissances technologiques solides, mais aussi parce que cela intéresserait de nombreux jeunes – dont l’informatique est parfois une passion en dehors de l’école » [14].

Pour résumer, une approche équilibrée garante d’une bonne culture générale scolaire doit, selon nous, s’appuyer sur l’utilisation de l’ordinateur dans les disciplines pendant toute la scolarité, le B2i à l’école primaire, le cours de technologie au collège et une matière « Informatique et TIC » au lycée. Avec la conviction que pareille intégration résolue de l’informatique et des technologies modernes dans le système éducatif est de nature à faciliter les évolutions économiques, sociales et culturelles du XXIe siècle.

Notes

[1] Jean-Pierre Archambault – CNDP-CRDP de Paris – Chargé de mission veille technologique

[2] L’illustration est une photographie de foundphotoslj intitulée Student in Class issue de Flickr et sous licence Creative Commons BY-SA

[3] Jean-Pierre Archambault, « Innover ou protéger ? Un cyberdylemne », Médialog n°58.

[4] lien

[5] Maurice Lévy, Jean-Pierre Jouyet, L’économie de l’immatériel – La croissance de demain, rapport de la commission sur l’économie de l’immatériel remis à Thierry Breton, décembre 2006.

[6] Jean-Pierre Archambault, Démocratie et citoyenneté à l’heure du numérique : les nécessités d’un enseignement lien

[7] lien.

[8] Jean-Michel Bérard, « Ordinateur et système éducatif : quelques questions » in Utilisations de l’ordinateur dans l’enseignement secondaire, Hachette Éducation, 1993.

[9] Jean-François Cerisier, « Qui est derrière Internet ? Des représentations tenaces », Les Cahiers pédagogiques n°446, octobre 2006.

[10] Jean-François Cerisier, « La nature du B2i lui permet-elle d’atteindre ses objectifs ? », Les dossiers de l’ingénierie éducative n°55, septembre 2006.

[11] lien en page 17.

[12] Jacques Baudé, Pour une culture générale intégrant l’Informatique et les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC), lien

[13] Charles Duchâteau, Peut-on définir une « culture informatique » ? lien

[14] Jean-Pierre Demailly, professeur à l’université Grenoble I, directeur de l’Institut Fourier, membre de l’académie des Sciences, in interview à l’EPI, avril 2005. lien




Firefox : bilan et perspectives – Entretien avec la présidente de la Mozilla Foundation Mitchell Baker

Mitchell Baker - by Will Pate - CC BY-NC

Le navigateur Firefox est certainement l’une des plus belles réussites en matière de logiciel libre. Nous avons voulu en savoir plus en traduisant l’une des rares (et denses) interviews accordée à APC Magazine par la présidente de la Mozilla Foundation Mitchell Baker dont on peut lire ceci sur le Standblog.

Mitchell est vraiment une femme extraordinaire. Elle est réservée, presque timide, ne cherche pas la reconnaissance du public. Par contre, elle a une éthique et une volonté incroyables. Il y a quelques années, le torchon brûlait entre Netscape et Mozilla.org. La direction de Netscape voulait plus de contrôle et a mis une pression phénoménale sur Mitchell pour qu’elle plie. Devant sa volonté de respecter l’esprit du projet et le travail des contributeurs externes, la direction de Netscape l’a licenciée avec pertes et fracas et a tenté de nommer la vice-présidente de Netscape à la tête de Mozilla.org. Mitchell ne s’est pas laissée faire. Ne pouvant rien faire contre le licenciement (aux Etats-Unis, la loi est clairement du coté de l’employeur), elle s’est accrochée à Mozilla.org et a continué son boulot de Chief Lizard Wrangler (Dompteuse de lézards en chef, son titre officiel) à titre bénévole pendant plusieurs années, jusqu’à monter la Mozilla Foundation. Combien d’entre nous auraient accepté d’être licencés pour ne pas avoir à faire quelque chose qui leur déplait ? Combien auraient continué bénévolement le travail une fois licencié, parce que c’était la chose à faire ? Cette obstination à vouloir faire faire marcher le projet Mozilla malgré les aléas a été un exemple pour beaucoup de contributeurs et n’est pas étranger au fait que Peter et moi ayons pris la décision de monter Mozilla Europe au moment de notre licenciement.

Mitchell est véritablement quelqu’un de bien, et le projet Mozilla a une chance inouïe d’avoir une personne pareille à sa tête.

Une traduction collective[1] de notre groupe de travail Framalang pour une relecture finale assurée par Tristan Nitot himself avec l’aimable autorisation d’APC Magazine[2].

APC Magazine - Future of Firefox

Mozilla CEO speaks out on future of Firefox

Le 7 mai 2007- Dan Warne – APC Magazine

Selon la présidente de la Fondation Mozilla, Mitchell Baker, Firefox n’est encore qu’au début de son cycle de vie. Dans cette interview en tête-à-tête avec APCMag.com, elle parle des origines et du futur de Firefox.

Comment 12 personnes ont fait Firefox 1.0

J’ai eu cette chance rare de parler en tête à tête avec la présidente de la Fondation Mozilla, Mitchell Baker, après son discours d’ouverture du CeBIT à Sydney. J’ai été très surpris de découvrir que si peu de personnes étaient impliquées dans la création de Firefox 1.0.

Dan Warne (APC) : Firefox connaît, à ce qu’il semble, un succès phénoménal, mais on a du mal à s’imaginer à quel point le projet était petit au début et quelle ampleur il a pris depuis.

Mitchell Baker : Oui, le projet Mozilla a commencé en 1998 et était à l’origine hébergé au sein de Netscape, une organisation virtuelle. Nous songions déjà depuis un certain temps à devenir une organisation indépendante, et en 2003, nous avons décidé qu’il était temps d’obtenir un financement initial, de nous donner les actifs et de nous baptiser Mozilla.

Mais à nos débuts, mêmes les machines de développement dont nous disposions étaient réduites à la portion congrue, puisqu’il n’existait pas encore de financement viable à l’époque.

La fondation a donc débuté avec dix ou onze employés et nous avons élargi nos rangs avec deux ou trois employés supplémentaires dans les 15 mois qui ont suivi. Quand nous avons sorti Firefox, donc, nous avions à tout casser 15 employés, c’était vraiment peu.

Dan Warne (APC) : C’est une équipe incroyablement réduite pour un produit si complexe.

Mitchell Baker : On était peut-être même 12. On n’était vraiment pas nombreux, à l’époque. C’a été le grand saut pour chacun de nous : nous espérions que quelque chose ressortirait de cette aventure.

Avant de lancer Firefox 1.0, nous étions assez convaincus de tenir quelque chose et que notre produit, tout comme le moment pour le sortir, étaient bons. Peut-être qu’à l’été 2004, déjà, voire en mai ou juin, nous savions d’après le niveau d’intérêt que suscitait notre technologie et le nombre de personnes l’utilisant que vous avions vu juste.

Mais nous étions à mille lieues d’imaginer ce qui s’est passé lors du lancement effectif de Firefox 1.0 et la façon dont il a décollé. C’était inattendu et imprévisible. A mon sens, c’est difficile de prédire un démarrage pareil. On aurait dit que d’un coup il sortait de nulle part, même si nous y travaillions depuis longtemps.

Une des questions qui nous a demandé le plus de réflexion lors de la conception de Firefox 1.0, ç’a été de trouver comment en faire un produit au maximum pensé pour l’utilisateur. Cela représentait un grand changement pour nous. Dès le départ, Firefox a été conçu pour votre grand-mère ou votre grand-père, une personne intelligente pas forcément à la pointe de la technologie. Comment s’y prendre pour que cette personne apprécie Internet ?

On a donc intégré cette notion au produit, mais alors qu’on entrait dans la dernière ligne droite, nous avons dû résoudre d’autres problèmes, comme par exemple l’apparence lors du premier démarrage. Je crois qu’aujourd’hui, Firefox est bien connu pour sa zone de recherche et sa page de démarrage toute simple, etc., mais ces caractéristiques sont le fruit d’une longue, d’une très longue discussion entre nous.

Dan Warne (APC) : Vraiment ? Ca paraît une telle évidence.

Mitchell Baker : Oui, parce que ç’a été l’une nos toutes premières décisions pour rendre le programme davantage orienté utilisateur, pas dans la conception du produit, mais dans sa présentation.

Nous avons très longuement discuté pour décider si la page d’accueil devait être un portail, tenter de déterminer les réelles attentes des utilisateurs, et savoir si nous devions conserver la page de Mozilla "aidez-nous à écrire le code, voici notre système de référencement de bugs", comme c’était le cas avant, etc.

Finalement, nous sommes parvenus à la conclusion que l’ancienne page d’accueil n’était pas adaptée, et que s’il existe un point commun entre tous les utilisateurs, c’est bien qu’ils effectuent des recherches. Les gens se servent du web pour des tas de trucs différents, mais les recherches, au moins, on savait que tout le monde en fait.

C’est ce qui a décidé notre choix de proposer la fonction de recherche sur la page d’accueil, et il se trouvait que Google était intéressé par un partenariat pour une page d’accueil commune. Voilà comment on en est arrivé à notre page d’accueil. C’a été à mes yeux une bonne décision, parce qu’en effet beaucoup l’apprécient, et que si l’on regarde les pages d’accueil personnalisées des uns et des autres, ont s’aperçoit qu’elles sont toutes très différentes et qu’à part la fonction recherche, c’est aujourd’hui encore difficile de leur trouver un point commun.

Nous avons aussi établi des accords avec les moteurs de recherche concernant les revenus générés par les recherches. Ainsi, alors que les parts de marché de Firefox décollaient – je crois qu’elles progressaient de 1% par mois durant les X premiers mois -, il s’est évidemment avéré que beaucoup plus de personnes que prévu l’utilisaient, et que la combinaison recherches, page d’accueil et outil de recherche a vraiment été un plus.

Grâce à cela, Firefox a attiré un nombre inattendu d’utilisateurs, lesquels effectuaient des recherches en plus grand nombre. Nos espoirs de trouver un modèle viable commençaient donc à se concrétiser, tout allait bien et cela nous rapportait plus d’argent que ce à quoi nous nous attendions au début.

Comment Firefox génère 55 millions de dollars par an

Vous êtes-vous déjà demandé comment Firefox est devenu un navigateur si complet sans disposer d’équipes de développeurs payées pour s’atteler aux tâches laborieuses ? La Fondation Mozilla, grâce à Firefox, génère chaque année des dizaines de millions de dollars, lesquels sont réinjectés dans le développement de projets. Qui est ce généreux donateur ? J’ai posé cette question à la présidente de Mozilla, Mitchell Baker.

Dan Warne (APC) : Je voulais vous interroger à propos de l’argent que vous gagnez grâce à l’outil de recherche de Firefox, car à peu près tout le monde sait que Google paye pour l’intégration de ses fonctionnalités de recherche au navigateur, mais personne ne connaît vraiment les sommes que verse Google.

Mitchell Baker : Je me dois d’apporter plusieurs précisions sur cette question : tout d’abord, Google ne sont pas les seuls. Concernant un des points sur lequel nous avons été pionniers, tout le monde pense aussitôt à Google parce qu’il s’agit du choix par défaut, l’outil de recherche et le moteur qui apparaît en page d’accueil, mais en fait, la véritable innovation ç’a été d’offrir un choix multiple à l’utilisateur.

Si l’on y regarde de plus près, on se rend compte qu’il y a Google, certes, mais aussi Yahoo juste à côté. Ce choix va peut-être de soi pour la plupart des gens, aujourd’hui, mais ça n’était pas le cas lorsque nous avons signé nos premiers accords. Google est l’outil de recherche par défaut, mais nous avons été intransigeants sur le fait que le choix devait être possible, que d’autres moteurs de recherche, qui d’après nous intéresseraient les utilisateurs, devaient être disponibles par défaut, et enfin que les utilisateurs devaient pouvoir ajouter ceux qu’ils voulaient.

Il est très facile d’ajouter un moteur de recherche. C’était un élément fondamental pour les libertés de choix des utilisateurs. Nous avons donc des accords avec des compagnies autres que Google. Nous sommes une organisation à but non lucratif, nos chiffres sont donc audités et rendus publics. L’exercice 2006 n’est pas encore terminé, aussi rien n’est-il encore public, mais les chiffres pour 2005 tournent autour de 55 millions de dollars.

Dan Warne (APC) : Mazette ! Ca fait est un sacré paquet d’argent. Avec 55 millions de dollars, vous avez de quoi accomplir quantité de choses !

Mitchell Baker : Oui, c’est une première pour un projet open source comme le nôtre, je pense. Bien sûr, ce revenu étant imposable la fondation n’en perçoit pas autant, mais c’était néanmoins inattendu et fort bienvenu. Grace à ces gains, nous avons la possibilité d’accomplir énormément de choses, ce qui est important puisque le navigateur est un outil des plus fondamentaux pour Internet.

Nous avons essayé de le faire avec presque rien et nous y sommes plutôt bien parvenus avec Firefox 1.0. Les réussites se sont multipliées et il nous aurait été difficile de poursuivre sur cette voie avec si peu d’argent. Ce partenariat a donc été une aubaine, car les utilisateurs l’apprécient, et qui plus est la fonction de recherche est utile, contrairement à d’autres la vente de boutons pour l’interface du navigateur : ça aurait pu rapporter de l’argent, mais ça n’a aucune utilité pour l’utilisateur.

Un jour, nous trouverons peut-être une nouvelle innovation que les utilisateurs apprécieront, ce qui serait certes formidable, mais en attendant il existe déjà mille façons de générer des revenus grâce à un navigateur.

Selon les stratégies commerciales conventionnelles, il faut absolument diversifier ses revenus, ce qui dans l’idéal serait une bonne chose, mais pas au détriment du produit.

Dan Warne (APC) : Beaucoup d’applications en ligne sont en effet allées trop loin par le passé et ont fini par agacer leurs utilisateurs à cause d’accessoires envahissants.

Mitchell Baker : C’est vrai… alors en fin de compte, ou devrais-je dire dès le début, on s’est retrouvés avec des tas gens qui adoraient Firefox – et parfois je me dis que c’est bizarre de parler de tous ces gens qui se passionnent pour un logiciel, qui débordent d’enthousiasme qui sont prêts à s’investir à fond pour permettre à d’autres de l’adopter, le construire et le créer. Mais le fait est, ça existe pour de bon (rires).

Nous avons donc vu notre base d’utilisateurs croître, nous avons vu l’enthousiasme et – encore un mot galvaudé – la "passion" liés à Firefox se développer au-delà du cercle restreint de notre communauté de développeurs pour toucher un nombre incroyable de gens – et ça, c’est un atout qui n’a pas de prix. Et puis il y a aussi ce sentiment de confiance que suscite Firefox – on se dit : "Oui, c’est un bon navigateur, meilleur que celui dont je me servais avant, mais en plus je lui fais confiance.

Mais c’est à mon sens l’aspect le plus fondamental de Firefox, à la fois grâce à l’immense qualité du produit et grâce à ceux qui savent que nous sommes une organisation œuvrant pour le bien commun, que nous n’essayons pas de maximiser nos profits et que nous ne tentons pas de générer des richesses énormes pour un nombre de personnes restreint. L’actif appartient au public.

Je pense que nombreux sont ceux qui ignorent la nature open source du projet et n’ont aucune idée de la façon dont il est développé, mais qui néanmoins ont le sentiment que le résultat final est à l’image de son mode de conception, que sa réalisation est fortement basée sur la communauté, très centrée sur l’utilisateur – d’une manière ou d’une autre, ça doit se ressentir.

Dan Warne (APC) : Il me semble que l’une des particularités les plus attrayantes de Firefox, c’est l’écosystème des modules complémentaires. Je trouve d’ailleurs assez amusant de voir Microsoft se donner un mal fou pour proposer une offre similaire, mais leur écosystème d’extensions regorge de "payez 30 dollars pour enregistrer ceci", "payez 50 dollars pour enregistrer cela" C’est une démarche très commerciale, et d’après moi, c’est bien la preuve qu’il est très difficile de reproduire une offre comme la vôtre à moins d’être open source soi-même.

Mitchell Baker : C’est exact. Tout d’abord, l’intérêt pour le bien commun en opposition à la richesse personnelle des actionnaires est quelque chose de très difficile à reproduire, car ce sont deux types d’organisations fondamentalement différentes, chacune régie par des contraintes légales qui les conduisent dans des directions opposées. Il est donc par définition impossible de calquer l’une sur l’autre.

Le cadre dans lequel nous opérons, en nous axant sur une action volontaire décentralisée, modérée par une discipline stricte et axée sur le contrôle qualité, est également très ardu à reproduire. Microsoft a certainement eu différentes sources partagées et quelques initiatives plus ou moins fondées sur la collaboration ou le partage, et tant mieux pour eux. C’est une avancée, certes, mais ça n’a aucune commune mesure avec une démarche qui repose sur la mise en partage des ressources accompagnée par une structure décisionnelle, et non commandée par une structure à hiérarchie classique et mue par des impératifs de profit.

Comment alors égaler notre capacité à enrichir Firefox, améliorer la qualité de notre technologie et à permettre à qui veut de résoudre d’éventuels problèmes en retouchant une partie du code de Firefox ? C’est loin d’être à la portée de tous.

Firefox bientôt dans votre portable

La plupart des fanas de technologie se demandent pourquoi les navigateurs des téléphones portables sont médiocres à ce point. La présidente de la Fondation Mozilla, Mitchell Baker, y a réfléchi aussi et s’est demandée comment l’on pourrait adapter Firefox aux plateformes mobiles.

Dan Warne (APC) : Je souhaitais aborder avec vous le sujet de l’adaptation de Firefox aux appareils mobiles, un domaine que Firefox n’a pas encore exploré, alors qu’Opera, et même Microsoft dans une certaine mesure, a réussi à s’y imposer. Allez-vous vous développer dans cette direction ?

Mitchell Baker : Oui, mais il s’agit d’un choix sur le long terme, ça ne se fera pas dans les prochaines semaines ni les prochains mois. La mission que s’est impartie la Fondation Mozilla, c’est d’améliorer l’expérience Internet, laquelle se fera de plus en plus sur des appareils autres que les PC. Si nous ne sommes pas présents dans ce secteur, nous ne serons pas à la hauteur de la philosophie que nous avons contribué à imposer.

C’est donc quelque chose qui devra se faire. Nous avons eu pour projet de nous pencher de plus près sur la question, mais nous avons choisi de nous intéresser d’abord à notre technologie et de la fignoler afin qu’elle soit le mieux adaptée pour cela. Nous y travaillons, mais cela demande du temps.

Nous cherchons aussi un moyen satisfaisant permettant de refléter toute la richesse du web sur un petit appareil avec les contraintes actuelles, mais nous n’avons pas encore la solution. Il n’existe pas de réponse évidente, car le web et ses fonctionnalités s’accroissent sans cesse. Nous y travaillons assidûment.

Nous procédons en ce moment à une expérience qui est clairement une expérience qui gravite autour du PC mais adaptée aux portables (ce n’est pas donc une stratégie purement mobile), mais nous menons des expériences axées sur les liens qu’entretiennent les utilisateurs de Firefox et leurs appareils mobiles. Nous savons que les gens apprécient Firefox pour ses modules complémentaires, la possibilité de le personnaliser et celle d’obtenir des informations précises grâce à Firefox et aux extensions.

Dans cette expérience en cours, que nous avons baptisée Joey, nous cherchons un moyen d’apporter aux utilisateurs les informations auxquelles ils aiment avoir accès sur leur appareil mobile. Certes il est déjà possible d’aller sur le web et d’envoyer des tas de trucs par SMS, mais quelles nouvelles fonctionnalités peut-on inventer ? Firefox offre déjà la possibilité de le personnaliser et de rassembler certains types d’informations, alors comment faire pour que Firefox permette à celui qui l’utilise de connaître une expérience plus riche avec son portable ?

Dan Warne (APC) : Envisagez-vous alors une sorte de service côté serveur qui aiderait à pré-formater le contenu pour les portables, etc. ?

Mitchell Baker : Il y a plusieurs pièces imbriquées – il y aura une partie logiciel côté serveur, une autre côté client. C’est un projet que nous allons lancer en laboratoire incessamment. Je pense que nous avons beaucoup à découvrir dans ce domaine, ce sera donc expérimental dans un premier temps, pas forcément au sein d’un projet de produit, mais une façon de commencer à récolter des infos puisque actuellement dans beaucoup de pays les utilisateurs d’appareils mobiles sont en contact avec un opérateur téléphonique et pas directement avec un vendeur de logiciel.

Donc, même si nous tenions un super produit pour faire ce que à quoi nous sommes les plus doués, c’est-à-dire toucher les Hommes, il n’existe aujourd’hui aucun moyen de l’implanter sur la plupart des appareils. Encore un point auquel nous nous attelons, et si rien ne change, peut-être que la possibilité d’obtenir différentes sortes d’informations prendrait son sens, mais rien n’est fait.

Opera est peut-être plus adapté que nous en tant que fournisseur des opérateurs car de par notre ADN nous nous concentrons sur les consommateurs et les individus. Ainsi, nous menons cette expérience tout en peaufinant notre technologie, et nous voyons ce que ça donne.

Dan Warne (APC) : Firefox a la réputation, je ne sais pas si c’est positif ou négatif, d’avoir un moteur de rendu complexe, et je pense que cela a beaucoup joué quand Apple a choisi le cœur du moteur de rendu KHTML utilisé dans le navigateur Konqueror de Linux. Ils ont déclaré à l’époque que s’ils avaient préféré KHTML à Gecko (le cœur du moteur de rendu de Firefox), c’était qu’il est très léger. Est-ce vrai que Firefox est intérieurement très lourd et pourrait se révéler difficile à faire entrer dans un appareil mobile ?

Mitchell Baker : Eh bien, tous sont difficiles à faire entrer dans un appareil mobile, alors mettons les choses au clair. Opera a fait du très bon boulot pour intégrer quelque chose d’utile dans un appareil mobile, mais leur outil est incomplet et ne possède pas les possibilités de Firefox. Adapter un outil complet à un appareil portable n’est pas une mince affaire, aussi ne peut-on comparer les deux.

Il faut cependant reconnaître, à mon sens, que WebKit d’Apple est pour l’instant plus facile à aborder que notre équivalent technologique.

Mais c’est en partie parce que notre équivalent technologique, Gecko, est accompagné de tout un ensemble d’autres outils qui permettent la création de nos communautés. Donc, pour les extensions, le langage de XUL et toute un tas d’autres choses, c’est notre technologie qui à la primauté.

Plus de fonctionnalités offrent plus de possibilités, mais un logiciel plus réduit a l’avantage d’être plus facile d’accès. Voilà pourquoi quand on envisage d’approcher un nouveau marché, nous savons que nous avons certains avantages, à mon sens inégalables. Elaborer une communauté comme la nôtre, c’est probablement impossible à faire (pour un concurrent propriétaire).

Malgré cela, nous devrions redoubler d’efforts et travailler plus intelligemment pour rendre notre code le plus facile d’accès possible, pour qu’il soit aisé de le développer et de mettre à profit (en tant que développeur) tous les avantages qu’offrent Firefox et la technologie Mozilla.

Des entreprises qui envisagent à nouveau d’adopter Firefox plutôt que de passer à IE7 ?

Avec les changements radicaux apportés par Microsoft, à la fois à l’interface utilisateur et au moteur de rendu d’IE7, un plus grand nombre d’entreprises envisagent à nouveau d’adopter Firefox, d’après Mitchell Baker, présidente de la Fondation Mozilla.

Dan Warne (APC) : Il se passe quelque chose avec l’adoption de IE7. Ce que nous voyons sur le site APC – dont on peut penser qu’il réunit presque exclusivement des adeptes de la première heure, férus de technologie et lecteurs enthousiastes – c’est que beaucoup utilisent encore IE6 au lieu d’IE7. Pensez-vous que Microsoft soit allé trop loin dans les changements avec IE7, ce qui a peut-être incité les utilisateurs à rester sous IE6 ? Et cette stratégie quelque peu malheureuse a-t-elle infléchi votre façon de voir les choses quant à la manière d’effectuer des changements dans Firefox ? Pensez-vous par exemple qu’il est nécessaire que chaque évolution se fasse plus en douceur ?

Mitchell Baker : D’abord, précisons un point ou deux : je ne suis certainement pas experte en ce qui concerne Microsoft. Je regarde IE de temps en temps, mais ce n’est pas un navigateur que j’aurais… très envie d’utiliser.

Dan Warne (APC) : (rires)

Mitchell Baker : Firefox a justement été conçu pour rendre très facile la migration à partir de IE, donc nous savons que nombreux sont ceux qui ne se rendent presque pas compte de la différence.

Des utilisateurs appartenant à de grandes entreprises m’ont confié qu’en voyant IE7, ils envisageaient de nouveau de basculer vers Firefox ou vers le support de Firefox, parce que le passage de IE6 à Firefox pourrait, dans leur cas, être plus facile que le passage de IE6 à IE7.

C’est donc un sujet de discussion intéressant. Je n’ai pas lancé d’études sophistiquées, mais quand on commence à entendre ce genre de propos, qu’on n’entendait pas tellement avant (on entendait seulement "oh non, je préfère ne rien changer.")

Mais les écueils commis par Microsoft ne nous éclairent en aucune façon sur notre plan produit. Nous sommes leaders depuis plusieurs années dans le domaine des navigateurs et de l’aide apportée aux utilisateurs pour comprendre Internet.

Pour répondre à la question de fond, nous portons un grand intérêt à un certain groupe d’utilisateurs, adeptes de la première heure et utilisateurs avancés, pour qui obtenir toujours plus de nouveautés est une exigence et une motivation, et qui se lassent très facilement. Nous avons là une importante fraction de la communauté Firefox, très vive et très active, pour qui l’innovation, les avancées et les nouvelles possibilités sont des exigences primordiales.

Dan Warne (APC) : Un des sujets qui nous tient à cœur, nous, les adeptes de la première heure, c’est le taux de pénétration de Firefox. Combien de personnes l’utilisent, aujourd’hui ?

Mitchell Baker : Au mieux, nous estimons notre socle d’utilisateurs est si situe entre 75 et 100 millions d’utilisateurs… c’est beaucoup ! Ces chiffres ne sont pas exacts car il y a des corrélations entre différentes données, mais si l’on prend 15 % du web mondial, qu’on regarde le nombre de personnes qui téléchargent des mises à jour de sécurité, et que l’on tente de corréler cela, c’est en gros ce qu’on obtient. Chaque méthode d’estimation nous donne à peu près les mêmes résultats.

Dan Warne (APC) : Alors, est-ce compliqué de faire plaisir à tout le monde ?

Mitchell Baker : La plupart de ces gens ne sont pas des utilisateurs avancés et n’apprécient pas d’avoir affaire à des changements permanents au sein d’un outil complexe. Nombreux sont ceux qui ne savent pas distinger Firefox et l’interface de Firefox du contenu dynamique provenant d’une page web.

L’aspect complexe et effrayant que peut représenter le Web pour certains nous pousse à nous concenter sur la façon de conduire notre projet de manière à continuer à leur donner accès aux richesses du web, qui est en mutation constante, à introduire les nouvelles idées exigées et générées par la communauté zélée de nos adeptes de la première heure, tout en continuant à offrir un produit que le consommateur ordinaire puisse utiliser.

Voilà le fil directeur de nos efforts, et c’est tout à fait différent des décisions que Microsoft peut prendre ou ne pas prendre.

Bien sûr, nous utilisons le système de modules complémentaires pour satisfaire beaucoup de ces besoins, et je pense donc que de plus en plus d’idées nouvelles apparaîtront sous forme d’extensions, que nous pourrons peut-être même développer ou promouvoir pour tester des projets expérimentaux tels que The Coop, afin de déterminer, avec l’aide des adeptes de la première heure ou des gens qui ont un intérêt pour un outil particulier, ce qui fonctionne à merveille, ce qui marche bien, et comment ne garder que le meilleur pour l’incorporer au noyau de Firefox, de façon que le consommateur ordinaire, de son côté, puisse y accéder sans être terrifié.

Pourquoi n’existe-t-il pas encore de bloqueur de pub intégré par défaut dans Firefox ?

Les utilisateurs les adorent, alors pourquoi Firefox n’a-t-il pas encore intégré des fonctionnalités de blocage de pub ? La présidente de la fondation Mozilla, Mitchell Baker, est circonspecte sur la raison de cette absence…

Dan Warne (APC) : A propos de modules complémentaires, je suis sûr que nombreux sont ceux qui souhaiteraient savoir pourquoi vous n’avez pas intégré un bloqueur de pub dans Firefox ?

Mitchell Baker : Je l’ignore. Il faudrait que je me renseigne, en fait !

Dan Warne (APC) : Ah oui ? J’avais pensé, en élaborant ma liste de questions, que c’était parce que le web survit plus ou moins grâce aux revenus générés par la pub et que vous ne vouliez pas vous mettre certains acteurs du web à dos. Mais je n’ai pas vraiment d’idée, ce qui explique pourquoi j’étais curieux.

Mitchell Baker : A vrai dire, je n’en sais trop rien. Peut-être parce qu’ils sont trop complexes techniquement, mais là encore, il faudrait que je pose la question.

Dan Warne (APC) : Pas de souci. Ca m’intriguait, parce qu’il existe des extensions appréciées qui remplissent cette fonction.

Mitchell Baker : C’est exact. Je suppose que certaines de ces extensions sont assez complexes d’utilisation. J’ai vu qu’elles demandaient quel élément on veut bloquer etc. Combien d’utilisateurs ordinaires seraient capables de s’en servir, je me le demande.

Dan Warne (APC) : Je pense que la plupart des gens se contentent de télécharger la liste automatique qui possède les réglages nécessaires et qui a été pré-définie par quelqu’un d’autre.

Mitchell Baker : Ce serait peut-être une solution pour en faire une meilleure extension, en effet. Il n’empêche que je ne puis vous répondre sans étudier plus avant la question.

Firefox 3.0 – "lock-in branding", ça veut dire quoi, au juste ?

L’arrivée de la version de Firefox 3.0, dont le nom de code est Gran Paradiso, parle d’une chose curieuse dans les notes de sortie de la version alpha : "ability to lock-in branding". (NdT : possibilité de verrouiller une marque) Est-ce que Firefox va devenir un panneau d’affichage sur votre PC, un peu comme IE4 ?

Dan Warne (APC) : Autre question à propos des exensions. Nous avons jeté un coup d’oeil aux notes de sortie de la version alpha, et l’un des détails que nous avons remarqué, c’est le support du rajout de marques dans Firefox, j’ai supposé que c’était, par exemple, pour que Dell puisse pré-installer Firefox sur leur PC et avoir un petit logo Dell dans Firefox ou quelque chose comme ça ? Je ne sais pas ce que ça veut dire exactement, mais j’espère que ça ne sera pas comme à l’époque d’IE4 quand Microsoft a permis de poser une marque sur c-h-a-q-u-e élément d’IE4 et vous vous retrouviez avec un navigateur dégoûtant avec des écritures géantes et des logos partout.

Mitchell Baker : (Rires) Non, non, rassurez-vous, c’est pour nous quelque chose d’inconcevable !

A propos de marque, les noms de code, comme vous le savez peut-être, sont des noms de parcs. Firefox 3.0 porte le nom de code Gran Paradiso, et il existe un parc Gran Paradiso. Récemment, quand nous cherchions les noms de codes, nous nous sommes rendus sur le site du parc Gran Paradiso, là, en bas de la page se trouvait un bouton "Téléchargez Firefox", je me suis écriée "Bingo ! C’est le nom de code qu’il nous faut !"

Dan Warne (APC) : Oh, c’est une coïncidence marrante, non ? Examinons les notes de Gran Paradiso alpha sur le web et voyons ce qu’elles disent. (Se tourne vers le chargé des relations publiques d’Edelman) Je peux utiliser votre portable deux secondes ?

Chargé des relations publiques : Bien sûr. (A Mitchell Baker) Je suis désolé mais… il n’y a pas Firefox sur ce portable.

Mitchell Baker : C’est donc à ce moment là que je sors en claquant la porte (rires).

Chargé des relations publiques : Je voulais l’installer moi-même, mais je n’ai pas l’accès requis.

Mitchell Baker : A cette machine ?

Chargé des relations publiques : Oui, malheureusement.

Mitchell Baker : Quel genre de machine est-ce ? Où est votre supérieur ? Il est venu plus tôt aujourd’hui… là, je vais me plaindre (rires).

Dan Warne (APC) : Ok, donc il y a marqué à propos de Gran Paradiso : "ability to lock in branding."

Mitchell Baker : D’accord… Ce qui est important, à mon avis, c’est de déterminer ce que signifie "branding" dans ce cas précis. On se sert parfois du terme "branding" pour désigner un ensemble d’éléments.

Par exemple, une compagnie de téléphone, T-Online, a distribué une version de Firefox en Allemagne dans laquelle la page d’accueil est celle de T-Online, il porte les deux marques. Le but, c’était qu’il soit simple pour T-Online de distribuer le navigateur avec leur page d’accueil.

Mais finalement, quand il faut faire une mise à jour, c’est extrêmement complexe, et s’assurer que lors lors d’une mise à jour la page d’accueil soit toujours celle de T-Online et pas celle par défaut pour notre version allemande, qui est celle de Google je crois, c’est très compliqué.

Je pense que "branding" englobe tout ce qui touche à ce genre de contraintes.

Dan Warne (APC) : Un peu comme le "branding" pour les téléphones portables, qui met tout sur le téléphone aux couleurs de l’opérateur ?

Mitchell Baker : Voilà, c’est ça. Ce n’est donc pas ce que vous craigniez.

Firefox va s’attaquer à Flash et Silverlight

Firefox 3.0 apporte un nouveau moteur de rendu graphique, nom de code : "Cairo" – un indice terriblement appétissant qui montrerait que Firefox pourrait s’avanturer sur le territoire d’Adobe Flash, avidement convoité par Microsoft ? Figurez-vous que la réponse est oui… La présidente de Mozilla, Mitchell Baker, m’affirme que les graphismes et le rendu vidéo font absolument partie de ses projets futurs pour Firefox.

Dan Warne (APC) : Autre chose que j’ai vu dans les notes de Gran Paradiso : quelques mentions au sujet du moteur de rendu Cairo. D’après ce que j’ai pu en lire, c’est un moteur de rendu de bonne qualité qui accélère les graphismes vectoriels évolutifs.

Mitchell Baker : Oui, les graphismes en 2D pour le moment.

Dan Warne (APC) : L’échéance est peut-être encore loin, mais je me demandais si vous alliez entrer en compétition avec Flash et Silverlight ?

Mitchell Baker : Les graphismes, c’est un domaine du web qui pourrait être amélioré, c’est évident, aussi nous concentrons-nous tous sur ce point. Nous nous concentrons dessus avec une technologie complètement ouverte, alors que Silverlight est complètement propriétaire, bien sûr, tout comme Flash, bien qu’Adobe prenne doucement la voie du libre.

Nons avons donc – je pense à Brendan et sa feuille de route – proposé à Adobe de montrer plus de signes d’ouverture auxquels afin que nous puissions participer au projet. Nous aimerions beaucoup que sorte une version libre de Flash, mais c’est à Adobe de prendre cette décision, pas à nous.

Comme nous nous intéressons tous aux graphismes et qu’en fin de compte, si Flash devait rester aussi propriétaire que la technologie Microsoft, il nous faudrait poursuivre nos efforts pour développer des graphismes de manière interopérable.

Mais il est clair qu’en ce qui concerne les graphismes, c’est Flash qui règne en maître.

Dan Warne (APC) : On se demande pourquoi Microsoft prend la peine de développer Silverlight pour entrer si tard dans la compétition.

Mitchell Baker : Certes, mais c’est un domaine crucial. Nous, nous faisons la même chose, et c’est à cause de Flash. Le fait qu’il s’agisse d’une technologie propriétaire, ça nous pose problème. Pourquoi est-ce si important, me direz-vous ? D’accord, ça n’est pas vivant – c’est sur le web, mais ça ne provient pas du web, on ne peut pas y faire de recherches, il ne profite pas de toutes les fonctionnalités du navigateur, on ne peut pas en prendre le contrôle, ça vit dans une petite boîte.

Ils s’efforcent sans doute de le faire sortir de sa boîte, mais pour vraiment l’intégrer au reste du web, certaines de ces capacités devraient être dans le client web, c’est-à-dire le navigateur. Nous nourrissons donc toujours des espoirs de ce côté-là, mais nous continuons malgré tout à développer nous-mêmes nos capacités graphiques.

Dan Warne (APC) : C’est super. Est-ce que cette technologie intégrerait des capacités pour la vidéo également ?

Mitchell Baker : Nous nous y intéressons, donc nous avons quelques pistes. L’une d’elles, c’est que le web basé sur le texte autour duquel les navigateurs se sont développés est en mutation, et le rôle de la vidéo ne va cesser de gagner en importance.

Dan Warne (APC) : On a vraiment assisté à une explosion durant les six à douze derniers mois, pas vrai ?

Mitchell Baker : Oui, une fois que les possibilités sont là, ça roule tout seul. Pour certaines d’entre elles, la question qui se pose, c’est que faut-il au navigateur pour être à la hauteur, tant au niveau des applications visibles par l’utilisateur qu’à celui la technologie interne.

Nous étudions donc ces deux aspects pour tenter de dégager une solution. On se rend compte que l’audio ne pose pas de problème particulier, mais que pour la vidéo, c’est beaucoup plus complexe.

Dan Warne (APC) : Ca ne m’étonne pas. Une combinaison sans fin de CODEC…

Mitchell Baker : Il faut se débrouiller. Parmi ces outils, certains sont brevetés, alors on n’a d’autre choix que de s’en accomoder. Nous nous penchons sur le problème, mais nous n’avons pas encore franchi tous les obstacles.

Dan Warne (APC) : Vous arrive-t-il souvent d’avoir une idée, de vouloir la concrétiser, mais de découvrir qu’un brevet a déjà été déposé pour une création similaire ?

Mitchell Baker : Et bien, c’est toujours le risque. Pour l’instant, nous n’avons pas trop été confrontés à ce genre de situation.

Microsoft et les développeurs de Firefox

Y a-t-il une nouvelle idylle entre Microsoft et les développeurs de Firefox ? Chez le Microsoft nouveau, soucieux des autres et partageur, on en a fait des caisses quand on a invité des développeurs de Firefox dans les laboratoires de compatibilité avec Vista, lors du développement du méga-OS. Nous avons demandé à la présidente de Mozilla, Mitchell Baker, comment ça s’était passé.

Dan Warne (APC) : Autre évènement intéressant qui s’est produit il y a quelque temps : l’invitation très publique qu’a faite Microsoft aux développeurs de Firefox pour visiter les laboratoires de compatibilité Vista. Je me souviens avoir demandé à Microsoft à l’époque s’ils pouvaient me donner plus de précisions à ce propos, et voilà en gros ce qu’on m’a répondu : "Nous avons envoyé une invitation à nos concurrents. Qu’ils l’accepter ou pas, à eux de voir, mais s’ils la déclinent, ce n’est pas notre problème." Avez-vous des commentaires à faire sur comment ça s’est passé ?

Mitchell Baker : Il faut reconnaître que Microsoft a fait un effort et que c’était bienvenu. Il y a beaucoup de domaines dans lesquels nous aimerions travailler avec eux, notamment la compatibilité avec Vista. Certes, il est probable qu’ils posent des conditions d’ordre légal, mais quoi qu’il en soit, ils ont reconduit cette proposition. Nous avons accepté et ils ont reçu l’équipe de Mozilla, ce qui je pense nous a été utile. Voilà qui mérite d’être souligné.

Microsoft a opéré son retour dans le monde des navigateurs, à présent, et doit à nouveau prêter attention au web. Nous les rencontrerons sûrement pour discuter de la définition des standards, et c’est certainement là que nous verrons si Microsoft cherchera encore à imposer sa propre technologie propriétaire aux dépens de technologies ouvertes et opérationnelles. Ça arrive souvent dans les réunions de définition des standards. C’est là qu’ils montreront leur vrai visage et nous serons sans doute vite fixés.

Dan Warne (APC) : C’est intéressant. Y a-t-il eu des problèmes entre Firefox et Vista ? Parce que j’ai installé Firefox sur toutes les bêtas de Vista, et je n’ai jamais rencontré de problème.

Mitchell Baker : Super ! Nous avons pas mal travaillé, j’essaie de me souvenir sur quoi… Je crois qu’il y a des différences lors de l’installation.

Dan Warne (APC) : C’est fort possible, vu tous les changements de permissions etc. qu’on trouve dans Vista.

Mitchell Baker : Oui. En fait, le produit de base fonctionnait à merveille , mais on a dû procéder à quelques ajustements et modifier le processus d’installation. Je crois qu’ensuite nous avons encore dû changer deux ou trois trucs. Ce n’était donc pas pour à l’occasion de la sortie de Firefox 2.0, mais pour assurer la compatibilité avec Vista. Néanmoins, je le répète, nous n’avons pas touché aux fonctionnalités de base, seulement à quelques pièces annexes.

La stratégie pour mettre Firefox sur plus d’ordinateurs

Mozilla ne possèdant pas autant de tentacules que la pieuvre géante Microsoft pour assurer la distribution de logiciels, c’est par le bouche à oreille que Firefox a gagné ses parts de marché. Mais que faire maintenant pour faire entrer Firefox dans davantage encore de foyers ? Nous avons posé la question à la présidente de Mozilla, Mitchel Baker.

Dan Warne (APC) : La dernière fois que nous nous sommes parlés, je vous avais demandé quelle était la stratégie de distribution de Firefox. C’était je crois était à peu près au moment de la sortie de Firefox 1.0, et voilà ce que vous m’aviez répondu : "Nous ne faisons pas de commerce, nous préférerions travailler avec les utilisateurs plutôt que les grosses entreprises, et espérons que les utilisateurs le choisiront d’eux-mêmes", ce qu’à l’évidence ils ont fait en masse.

Toutefois, pourriez-vous m’en dire plus à propos de votre stratégie de distribution ? J’aimerais aussi savoir si vous cherchez à conclure des accords avec les fabriquants de PC pour qu’ils pré-installent Firefox, par exemple ?

Surtout maintenant que Dell va pré-installer Ubuntu sur certains de ses ordinateurs… Cela signifie sans doute que Firefox sera sur chaque PC Dell équipé de Linux.

Mitchell Baker : C’est fort probable !

Dan Warne (APC) : Donc, penchons-nous sur l’un de vos principaux distributeurs : Google. Qu’ont-ils à y gagner ? comment distribuent-ils Firefox, et payent-ils pour de bon une commission de 1 dollar aux blogueurs chaque fois que quelqu’un télécharge Firefox à partir d’un lien placé sur leur blog ?

Mitchell Baker : Si vous voulez connaître la ligne officielle de Google, vous devriez vous adresser à eux directement. En tout cas, la réponse consiste sans doute en une variation sur le thème "Firefox, c’est bon pour l’humanité."

Dan Warne (APC) : J’imagine qu’une entreprise ayant autant de moyens et d’autonomie que Google peut se le permettre sans se soucier que les actionnaires leur reproche de jeter l’argent par les fenêtres.

Mitchell Baker : Oui, mais je ne suis pas sûre que ça revienne à jeter l’argent par les fenêtres, justement.

Dan Warne (APC) : Désolé, ça n’était pas un reproche. Ce que je voulais dire, c’est que souvent les actionnaires sont très critiques sur la manière dont est utilisé l’argent s’ils ne voient pas un retour à court terme pour une société.

Mitchell Baker : D’accord, mais il est aussi assez évident que la cible numéro un de Microsoft, c’est Google – ce dont ils ne se cachent pas. Difficile de dire qu’ils jettent l’argent par les fenêtres quand on pense aux batailles que Google mène. Là, il faut tenir compte de Microsoft dans l’équation.

Dan Warne (APC) : Et à propos des autres moyens de distributions… les pré-installations sur PC par exemple ?

Mitchell Baker : Nous avons essayé d’autres solutions pour la distribution et continuons à les explorer. Firefox a été inclus dans les lignes de productions de quelques PC, dont l’une se trouve en Europe, je crois, mais c’est encore récent et nous ne savons pas encore ce que cela va donner.

Être intégré à la distribution de PC serait intéressant, mais de manière générale nous réussissons très bien à assurer nous-même notre distribution – le bouche à oreille, le marketing ou tout nos atouts qui peuvent attirer les gens vers nous, voilà de loin ce qui est le plus efficace. Cela étant, nous n’écartons aucune possibilité.

Le personnage de cartoon de Mozilla Japon, "Foxkeh", et d’autres développements de Firefox dans la région Asie/Pacifique

Certains développeurs majeurs de Mozilla travaillent dans un petit bureau de développement en Nouvelle-Zélande. Ils sont responsables de la réalisation de fonctionnalités clés dans Firefox 3.0. De plus, Mozilla Japon a créé un renard encore plus mignon que Firefox… son personnage de style manga s’appelle Foxkeh.

Dan Warne (APC) : Maintenant que vous êtes implantés en Australie – dans la région Asie/Pacifique –, avez-vous lancé des initiatives au sein de l’APAN (Asia & Pacific Advanced Network), ou avez-vous des contacts intéressants avec des organisations de la région ?

Mitchell Baker : Depuis de nombreuses années, nous avons une communauté active au Japon, et ce groupe est centré sur la communauté, avec une très petite organisation, Mozilla Japon, qui est à but non lucratif. Dès que nous avons commencé a gagner de l’argent,nous avons commencé, il y a environ un an, à investir dans Mozilla Japon, ce qui nous a permis d’engager sept ou huit personnes, parmie elles quelques développeurs et quelques assistants, qui accomplissent un travail intéressant.

Par exemple, ils ont créé Foxkeh. C’est une petite mascotte imaginée par les gens de Mozilla Japon pour rendre Firefox accessible et promouvoir sa diffusion sur le marché.

Ils font, entre autres, de l’excellent travail sur les extensions et conçoivent la documentation en japonais.

Il y a quelques années, nous avons fait un premier pas très discret en Chine. C’était un petit projet qui marchait bien, hébergé par la Chinese Academy of Sciences, et ces derniers mois nous avons décidé que nous devrions nous engager davantage en Chine.

Nous avons embauché du monde pour nous aider. J’y étais il y a quelques mois, et il y a un groupe d’utilisateurs en Chine, peut-être un million, ce qui est minime pour une population comme la Chine. Mais c’est un noyau d’utilisateurs et de blogueurs intéressés et enthousiastes, et certains d’entre eux nous portent un grand intérêt.

Notre sentiment est donc le suivant : Lançons-nous, voyons qui est là et qui est déjà intéressé. Tâchons de savoir si avec plus d’investissement de notre part davantage d’internautes s’intéresseraient à nous. Voyons si la conception de l’Internet à laquelle nous travaillons rencontre un écho ici. Si c’est le cas et qu’il existe une communauté, alors tâchons de les aider.

Cela devrait être un de nos imprtantes expériences pour l’année à venir.

Dan Warne (APC) : Existe-t-il d’autres contributeurs en Australie ou dans cette région du monde ?

Mitchell Baker : Quelques-uns, oui. Depuis de nombreuses années, nous avons un contributeur exceptionnel, Robert O’Callaghan, qui est originaire de Nouvelle-Zélande et qui vit aux Etats-Unis – ou plutôt qui vivait aux Etats-unis – depuis longtemps et qui cherchait à tout prix un moyen de rentrer au pays.

Il est donc rentré en Nouvelle-Zélande et travaille pour nous — nous avons même créé un petit bureau en Nouvelle-Zélande.

Dan Warne (APC) : C’est vrai ?

Mitchell Baker : Oui, car lorsqu’on a un contributeur vraiment génial, qui est également bon pédagogue, qui veut jouer un rôle de mentor et peut attirer autour de lui quelques autres personnes brillantes, c’est pour nous une chance inestimable.

En fait, la démo des applications hors-ligne qu’on vous a montrée ce matin, et qui montrait l’application Web Zimbra fonctionnant sans connexion Internet, elle a été réalisée par notre bureau de Nouvelle-Zélande.

Dan Warne (APC) : Impressionnant ! Est-ce que vous réalisez également des projets en Australie ?

Mitchell Baker : Pas en ce moment. L’une de nos plus anciens collaborateurs est maître de conférences en Australie, à l’université du Queensland, et il est impliqué dans le projet depuis 2000. C’est un mathématicien, ou au moins un spécialiste dans un domaine pour lequel les équations mathématiques sont importantes.

Il existe un langage appelé MathML, et à cette époque, il a décidé que Firefox devait l’intégrer. Depuis lors, il a contribué au projet, et c’est grâce à lui que nous pouvons être crédibles dans ce domaine.

Dan Warne (APC) : Exact… je me suis toujours demandé pourquoi Mozilla gérait totalement les équations mathématiques.

Mitchell Baker : Tout cela, c’est grâce à Roger Sidje de l’université du Queensland. Au début, il a en bavé un bout de temps.

Dan Warne (APC) : Ah oui ?

Mitchell Baker : Eh bien, n’oubliez pas qu’on était en 2000 ; à l’époque, introduire le rendu d’éléments aussi complexes et différents à l’intérieur du moteur central de rendu, c’était très difficile.

Dan Warne (APC) : Ca revient presque à comme réécrire un moteur de rendu HTML complètement différent, car les équations mathématiques se présentent parfois sous une forme très complexe.

Mitchell Baker : C’est exact, et il a été actif depuis lors. Dès que nous avons commencé à gagner de l’argent, nous avons organisé une réunion Firefox des collaborateurs clés et des non-salariés du monde entier, et Roger nous a donc rendu visite plusieurs fois car il joue un rôle prépondérant chez nous.

La bataille concernant les distributions Linux utilisant la marque Firefox

La guerre des mots sur l’usage de la marque Firefox – nom et graphisme du logo – a suscité la controverse, certains commentateurs allant même jusqu’à dire que Firefox n’était pas réellement "libre". Mais d’après la présidente de Mozilla, il existe une explication plus rationnelle et il y a eu un malentendu.

Dan Warne (APC) : J’étais en Chine il y a peu de temps, et j’y ai rencontré les gens de Red Flag Linux qui travaillent avec Intel sur un nouveau système d’exploitation, appelé MIDINUX, pour appareils mobiles pour Internet.

Ils m’ont expliqué que Red Flag Linux était en fait la distribution Linux la plus utilisée à l’échelle mondiale – davantage même qu’Ubuntu – de par l’immensité de la population chinoise. Pourtant, j’ai découvert qu’il est quasi impossible de la télécharger, à cause de l’extrême lenteur des serveurs de téléchargement Red Flag et de leur manque de fiabilité – de plus, elle est uniquement disponible pour le moment en chinois et en espagnol, ce qui à mon avis limite son intérêt pour le reste du monde.

Quoi qu’il en soit, les gens de Red Flag m’ont donné des CD d’installation et nous les avons distribué sur le disque vendu avec APC. Nous l’avons installé pour l’essayer – Firefox y est intégré, et son icône est remarquablement similaire à l’icône Internet Explorer. (Rires).

Mitchell Baker : Tiens, c’est curieux…

Dan Warne (APC) : Et le lecteur multimédia open source a aussi l’icône de Windows Media Player !

Mitchell Baker : Eh bien, il faut vraiment que nous y jetions un coup d’œil, c’est vraiment… intéressant.

Dan Warne (APC) : C’est étrange parce qu’ils ont fait en sorte que le système d’exploitation entier ressemble à Windows XP – c’est comme s’ils avaient pris toutes les icônes et les trucs de Microsoft, et les avaient appliqués à un logiciel open source.

Mitchell Baker : Le logiciel open source et Windows XP, c’est pourtant le jour et la nuit.

Dan Warne (APC) : Tout à fait ! Mais évidemment, ils avaient l’impression que les gens étaient plus à l’aise avec Windows XP, alors ils l’ont fait ressembler à l’OS de Microsoft. C’était très bizarre.

Mitchell Baker : En effet.

Dan Warne (APC) : Sur ce sujet particulier, il y a eu une controverse importante au sujet de l’utilisation de la marque Firefox dans les différentes distributions Linux. De quoi s’agit-il ?

Mitchell Baker : Certaines des distributions Linux distribuent le code Firefox, mais pas le produit Firefox – pas la marque Firefox, par exemple. Certaines des distributions Linux sont très à cheval sur la loi concernant les marques, et donc elles fournissent le navigateur sous une autre marque qui permet à leurs groupes de travailler dans un cadre au sein duquel ils se sentent à l’aise.

Dan Warne (APC) : En tant que présidente de Mozilla, pensez-vous que cela soit nécessaire ? Est-ce que Mozilla entamerait des actions légales contre un système d’exploitation Linux utilisant la marque Firefox ?

Mitchell Baker : Ce n’est pas le fait qu’il intègre Firefox qui nous pose problème, mais plutôt si un groupe de logiciel libre réalise des changements significatifs du code et le distribue en tant que Firefox. Ce serait problématique, et c’est parfois une divergence de point de vue qui nous oppose à certains distributeurs Linux. C’est un problème assez complexe, mais au bout du compte, ce qui nous importe, c’est que lorsque que quelqu’un distribue Firefox, nous voulons savoir exactement de quelle version il s’agit, et être sûrs que tous les patchs de sécurité soient appliqués à cette version.

Voilà ce qui nous intéresse. S’ils tout le monde se contentait de distribuer un Firefox sans modification, nous laisserions faire, mais les distributions Linux distribuent bien évidemment le produit. C’est donc à ce moment-là que nous avons établi certaines règles : vous pouvez fournir les programmes que vous voulez, mais si ce n’est pas notre programme, alors appelez-le autrement.

Dan Warne (APC) : Ce qui est plus que juste.

Mitchell Baker : Eh bien, oui, mais ç’a été source de conflits.

Dan Warne (APC) : Je dois avouer que je n’avais jamais entendu une explication aussi claire sur le problème. Je pensais qu’il s’agissait d’une sorte de guerre de territoire typique de l’industrie technologique – de petits produits open source se transforment en gros succès et commencent à agir selon une logique plus commerciale.

Mitchell Baker : Oh non, pas du tout. Nous tenons à distribuer notre produit sous notre marque, c’est tout. Nous avons cependant une clause spéciale qui autorise des distributions à apporter des modifications à Firefox sans pour autant devoir changer son nom, car certaines modifications sont nécessaires pour pouvoir installer notre navigateur sur certaines distributions Linux.

Donc, nous acceptons même de pour distribuer "Firefox" quand le code n’est pas à 100% conforme au nôtre, mais à condition que nous ayons convenu d’un accord et que nous connaissions la nature des modifications.

Mais lorsqu’il y a des différences dans les fonctionnalités, on finit par rencontrer des problèmes lors des mises à jour, par exemple. Il y a longtemps, nous nous sommes rendu compte que certaines distributions fournissaient des versions différentes de Firefox, dont certaines fondamentalement différentes, aussi ne pouvions-nous pas assurer le fonctionneraient correct des mises à jour. Voilà ce qui nous tenait à cœur, donc.

Le travail de Mozilla sur le Web 3.0 : les applications web qui fonctionnent aussi hors-ligne

Si vous êtes fanas de technologie, vous aurez déjà essayé bon nombre d’applications web… Gmail, Google Spreadsheets, Zimbra… Michael Arrington de TechCrunch en a fait un fond de commerce en les testant. Mais les visions de nirvana du Web 2.0 s’effondrent quand vous vous trouvez sans connexion à un réseau. Tout d’un coup vous vous retrouvez avec votre bon vieux Microsoft Office. La présidente de la Fondation Mozilla Mitchell Baker dit que faire fonctionner les applications web hors-ligne est une priorité pour Firefox et les versions actuelles intègrent déjà une partie de ces fonctionnalités !

Dan Warne (APC) : Votre discours d’ouverture au CeBIT, le 1er mai, traitait du fonctionnement d’applications web hors-ligne, sans connexion internet. C’est extrêmement intéressant parce que tout le monde attend l’arrivée d’un sauveur qui remplacerait Microsoft Office. Mais pour le moment, tous ceux qui ont utilisé une de ces nouvelles suites bureautiques en ligne sont conscient qu’on ne peut pas les utiliser à bord d’un avion, ou depuis tout autre lieu dépourvu de connexion Internet.

Mitchell Baker : C’est vrai. L’idée principale, c’est que nous investissons beaucoup dans le web lui-même en tant plateforme. Mais quelles sont les capacités du web, et sont-elles suffisamment solides pour offir des alternatives viables aux technologies propriétaires comme Silverlight, par exemple ?

Et sont-elles aussi assez robustes pour rendre le web attractif en comparaison des applications de bureau, parce que c’est la plateforme qui nous intéresse.

Ainsi, les applications hors-ligne sont capables de fonctionner hors-ligne un certain temps – c’est un des atouts qui devrait aller de l’avant la plateforme web. Nous avons déjà accompli une bonne partie du travail, et donc , tout le code de base ou presque – les bases de données et le stockage sont nécessaires pour le support des applications web hors-ligne – est déjà présent dans les versions actuelles de Firefox.

Ces fonctionnalités sont présentes depuis Firefox 2, mais les gens l’ignorent et ne s’en servent pas. Nous nous sommes dit que nous devrions faire une démonstration pour que les gens voient de quoi il s’agit. Nous sommes à présent assez au point et disposons d’assez de ressources pour pouvoir le faire. Notre équipe néo-zélandaise qui y travaille sont impressionants.

Mal nous a donc paru le choix idéal pour procéder à cette démo, et il a donc travaillé avec Zimbra, sur quoi il avait bien sûr déjà travaillé en tant que développeur open source. Il nous a livré une très jolie démonstration des capacités de cette technologie.

Ensuite, on a travaillé sur notre site Mozilla Developer Center (developer.mozilla.org) pour expliquer de quoi il s’agit est et fournir de l’aide. Ainsi vous pouvez trouver des infos sur les applications hors-ligne – ce dont nous sommes assez fiers. Nous proposons pas mal de documentation de qualité . Un échantillon de code devrait s’y trouver, mais je ne suis pas sûre qu’il y soit déjà.

L’idée, c’est que toutes les fonctionnalités pour les applications hors-ligne soient disponibles pour la sortie de Firefox 3, et que les sites Web offrent rapidement des applications tirant parti du fonctionnement déconnecté, de sorte que les utilisateurs réalisent l’immense intérêt de la chose.

Dan Warne (APC) : Très intéressant. Et donc la dernière question… combien de temps avant Firefox 3 ?

Mitchell Baker : (Rires) Notre objectif, c’est de le sortir pour la fin de l’année mais nous ne le saurons pas avant les bêtas. C’est quand nous aurons réalisé une certaine quantité de tests que nous pourrons donner une meilleure estimation de la date de sortie.

Nous avons besoin d’entre 50 et 100 000 utilisateurs, donc peut-être 70 000 personnes, pour vraiment avoir une idée d’où nous en sommes. C’est dans ces cas-là que nous trouvons que les tests open sources sont un avantage phénoménal. Quand nous en sommes aux bêtas et que nous atteignons ce nombre grâce au web, nous pouvons tester notre produit dans des conditions réelles sur une très vaste échelle. Même si vous automatisez des tests, vous ne pouvez pas automatiser à une telle échelle.

Donc quand vous atteignez ce nombre de personnes vous recevez beaucoup d’informations qui vous en disent bien plus que tout ce que vous pensiez auparavant. Donc c’est quand nous pouvons commencer à évaluer le nombre de bêtas seront nécessaires (inaudible).

Dan Warne (APC) : Je serai l’un d’entre eux. Merci beaucoup pour avoir partagé vos pensées aussi généreusement.

Notes

[1] Merci à Daria, Don Rico, HL, Olivier, Penguin et Yostral pour cette traduction d’envergure réalisée en un temps record dans la joie et la bonne humeur.

[2] Crédit photo : Will Pate sous licence Creative Commons BY-NC. La ressemblance entre le logo Firefox et la coupe de cheveux de Mitchell Baker ne serait que purement fortuite !




Laissez le yoga libre et en paix !

Sir Mervs - CC byC’est notre ligne de front à nous. À Framasoft on n’est pas de gauche ou de droite mais on est clairement pour la défense des biens communs que certaines logiques économiques tentent de s’approprier à grands coups de lois et de brevets dont on ne me fera plus croire qu’ils sont nécessairement là pour protéger et favoriser l’innovation.

Le bien commun qui nous est cher c’est évidemment le logiciel libre mais fort de notre expérience et de notre culture, il est difficile de ne pas être également sensible aux autres champs qui sont mis à mal actuellement, à commencer par l’écologie qui sur le même modèle humaniste et résistant tente de préserver rien moins que notre planète.

La traduction que nous vous proposons aujourd’hui est une illustration aussi malheureuse qu’emblématique de ces trop nombreux jusqu’où iront-ils ? puisqu’on touche ici directement à notre patrimoine, à notre bien-être et à notre santé. Il s’agit d’évoquer les tentatives de captation marchande du… yoga, avec une pertinente mise en parallèle sur le situation de l’industrie pharmaceutique[1].

L’occasion pour moi de rappeler la sortie en poche de l’excellent livre Du bon usage de la piraterie de Florent Latrive dont le sujet est au cœur même de ce qui est exposé ici et qu’il est donc tout à fait recommandé de parcourir pour aller plus loin et ne pas se réveiller un jour pour constater que nos moindres faits et gestes appartiennent désormais à un je-ne-sais-quel-obscur ayant droit ![2]

Pouvez-vous breveter la sagesse ?

Can you patent wisdom?

Suketu Mehta – International Herald Tribune – 7 mai 2007
(Traduction Framalang : Mben, Penguin, Olivier et Daria)

J’ai grandi en voyant mon père se tenir sur la tête tous les matins. Il faisait le sirsasana, une position de yoga qui explique qu’il ait l’air si jeune à 60 ans passés. Maintenant il serait peut-être obligé de payer une redevance à un détenteur de brevet américain s’il enseignait le secret de sa bonne santé aux autres.

L’office des brevets et des marques américain a publié 150 copyrights liés au yoga, 134 brevets sur des accessoires de yoga, et 2315 marques de yoga. Il y a beaucoup d’argent à gagner en se tordant comme un bretzel — 3 milliards par an dans la seule Amérique. C’est un mystère pour la plupart des Indiens que quelqu’un puisse faire autant d’argent en enseignant un savoir qui n’est pas supposé être acheté ou vendu tel de vulgaires saucisses.

Le gouvernement indien prend la chose au sérieux. Il a mis en place une cellule qui est en train de cataloguer la connaissance traditionnelle, y compris les remèdes ayurvédiques et les centaines de poses de yoga, pour les empêcher d’être piratés et copyrightés par les revendeurs étrangers. Les données seront traduites à partir du Sanskrit ancien et des textes tamouls, stockées numériquement, et disponibles dans cinq langues internationales, de sorte que les offices des brevets des autres pays puissent voir que le yoga n’est pas originaire d’une communauté de San Francisco.

Il est important de remarquer que les premiers à breveter la sagesse traditionnelle indienne sont des Indiens, la plupart du temps à l’étranger. Nous savons saisir une occasion lorsqu’elle se présente et nous avons exporté des générations de gourous, experts dans la vente ambulante de l’épanouissement pour un dollar. Mais, en tant qu’Indiens, ils devraient savoir que l’idée même de faire breveter la connaissance est une grossière violation de la tradition du yoga.

En Sanskrit, « yoga » signifie « union ». Les Indiens croient en un esprit universel — brahman — dont nous sommes tous une partie, et qui médite éternellement. Chacun a accès à cette connaissance.

La connaissance dans l’Inde antique a été protégée par les règles des castes, et non celles de la loi ou de l’argent. Le terme « propriété intellectuelle » était un oxymore : l’intellect ne pouvant être la propriété de quiconque. Peut-être est-ce pour cette raison que les Indiens ne se sentent pas obligés de payer pour la connaissance. Des copies pirates de mon livre sont ouvertement vendues dans les rues de Bombay, pour le quart de son prix officiel. La plupart des intrigues et des musique des films de Bollywood sont tirées d’Hollywood.

Pourtant, les Indiens sont irrités à chaque fois qu’ils entendent les rapports – souvent pompeux – des Occidentaux volant leur sagesse ancienne à travers le mécanisme du droit d’auteur. Leurs craintes sont peut-être exagérées, mais elles sont répandues et reflètent l’expérience mitigée de l’Inde avec la mondialisation.

Les entreprises pharmaceutiques occidentales se font des milliards avec des médicaments qui ont souvent été au départ découvert dans des pays en voie de développement. Mais les plantes médicinales comme la margose ou le curcuma, qui sont connus pour être efficaces contre tout, du diabète aux hémorroïdes, ne rapportent rien aux pays dont les sages en ont en premier isolés les vertus. Le gouvernement indien estime que dans le monde, 2000 brevets basés sur des médicaments traditionnels indiens, sont déposés chaque année.

Les médicaments et le hatha yoga ont le même but : nous aider à mener une vie en meilleure santé. L’Inde a offert au monde le yoga gratuitement. Il n’est pas étonnant que beaucoup de personnes dans le pays trouve que le monde devrait rendre la politesse en rendant disponible à faible coût des médicaments pouvant sauver des vies, ou au moins laisser les entreprises indiennes fabriquer des génériques à faible coût. Si la position du lotus appartient à tout l’humanité, alors la formule du Glivec doit l’être aussi, le médicament pour la leucémie dont le brevet sert de base au procès d’une entreprise pharmaceutique Suisse contre le gouvernement indien.

Pendant des années, la loi indienne a autorisé ses entreprises pharmaceutiques à répliquer des médicaments brevetés en Occident et les vendre à un prix plus faible aux pays trop pauvres pour pouvoir se les offrir autrement. De cette façon, l’Inde a fourni la moitié des médicaments utilisés par les personnes séropositives dans les pays en voie de développement. Mais en mars 2005, le parlement indien, sous la pression de mettre le pays en accord avec les lois sur la propriété intellectuelle de l’Organisation Mondiale du Commerce, a voté une loi déclarant illégale la production de copie générique de médicaments brevetés.

Cela a mis des médicaments anti-rétroviraux pouvant sauver des vies hors de portée de la majorité des 6 millions d’Indiens qui ont le SIDA. Les multinationales du médicament qui protègent bec et ongles leur brevets s’opposent aux tentatives de l’Inde de modifier les règles de l’Organisation Mondiale du Commerce pour protéger leurs remèdes traditionnels. Il y a plus que simplement de l’argent dans la bataille. Il y a aussi la perception que le système commercial mondial est injuste, que les dés sont pipés en défaveur des pays en voie de développement. Si la copie des médicaments occidentaux est illégal, alors le brevetage du yoga doit l’être aussi. Il s’agit également de piratage intellectuel, ou alors la propriété intellectuelle marche sur la tête.

Suketu Mehto est l’auteur de "Maximum City: Bombay Lost and Found."

Notes

[1] Sur cette problématique du yoga qui se propriétarise on pourra lire cet article du Courrier International Yoga : breveter les postures, une belle imposture ? parcourir le site anglophone au titre qui en dit long Open Source Yoga Unity et attendre la diffusion de Yoga Inc. un tout récent documentaire qui dénonce la commercialisation du yoga.

[2] Crédit photo : Sirv Mers (Creative Commons By)




10 règles d’or pour rejoindre les développeurs d’un logiciel libre

TheAlieness GiselaGiardino - CC by-saJe ne sais si c’est un regret mais je ne suis pas développeur. Du coup ma connaissance du logiciel libre est exogène et non endogène et par là-même inévitablement partielle. C’est pourquoi je suis souvent à l’affût d’informations sur les modes opératoire des projets communautaires libres qui me permettent de combler certaines lacunes et parfaire ma culture en la matière. J’y trouve également des sources d’inspiration pour notre propre projet qui est celui d’animer collectivement le réseau Framasoft avec quelque part le même état d’esprit qu’une communauté de développeurs open source.

Tout ça pour dire que cette nouvelle traduction concerne avant tout ceux qui voudraient rejoindre pour la première fois la communauté d’un logiciel libre mais également tous ceux qui en fins observateurs souhaitent un peu mieux comprendre comment ça marche de l’intérieur. Parce qu’effectivement, et Framasoft est là pour en témoigner en aval, force est de constater que le logiciel libre ça marche et même plutôt bien 🙂

Nous avons conservé tout le long l’expression open source utilisée par l’auteur. Même si parfois sujet à précision voire controverse, elle est ici pour nous pleinement synonyme de logiciel libre (free software).

Je signale au passage que sur le même thème notre dynamique petite équipe de traduction (baptisée Framalang) a entrepris une autre chantier autrement plus ambitieux : traduire le livre de Karl Fogel Producing Open Source Software dont nous espérons la matérialisation en un joli Framabook dans le courant de l’été[1].

10 règles d’or pour démarrer avec l’open source

10 golden rules for starting with open source

Tobias Schlitt – 19 avril 2007
(Traduction Framalang : Daria, Olivier et Yostral)

Êtes-vous nouveau en open source ? Si ce n’est pas le cas, vous rappelez-vous encore ce que c’était, quand vous avez commencé pour la première fois avec l’open source? J’ai récemment essayé de me rappeler ces jours… c’était en 2001, quand j’ai découvert PEAR et que, peu de temps après, j’ai commencé à travailler sur mes propres paquets pour PEAR…

Je suis presque sûr d’avoir violé au moins 9 des 10 règles que je vais essayer d’écrire ici, règles que vous devriez connaître et prendre à coeur si vous voulez faire partie de la communauté open source. En tout cas, vous devrez garder ces règles en tête si vous voulez entrer dans la communauté PHP, mais je suis presque sûr que cela s’applique aussi à d’autres communautés.

Si vous voulez vous lancer tout de suite dans le développement open source, soyez sûr de lire les règles suivantes avant d’aller plus loin. Je suis sûr que vous avez beaucoup, beaucoup de grandes idées à l’esprit et que vous ne pouvez pas attendre pour en parler et les réaliser. Mais, prenez d’abord une grande respiration et lisez les règles suivantes, pensez-y, prenez-les à coeur, puis recommencez et repensez-y encore…

1. Collez à votre niveau de Karma

L’open source n’est pas une démocratie. Vous avez entendu autre chose ? C’est faux. Gardez toujours à l’esprit : l’open source n’est pas une démocratie. Chaque développeur a un certain niveau de Karma (inexprimé et inexprimable), ce qui lui permet de décider (ou même de dicter) des choses et d’utiliser certaines infrastructures de la communauté (comme leur système de versionnage , leurs serveurs…). Pensez au Karma comme à votre niveau de points dans un jeu de rôle. Plus le nombre de niveau auxquels vous avez joué augmente, plus vous résolvez des énigmes, plus votre niveau de Karma s’élève. Mais prenez garde, il peut aussi baisser si vous n’agissez pas correctement.

Cela étant, si vous êtes nouveau dans cette communauté, votre niveau de Karma est de 0, par défaut. Vous devrez toujours garder cela en tête. Donc, qu’est-ce que c’est tous ces trucs autour du Karma ? Le Karma représente essentiellement la confiance que la communauté a en vous. Il n’est pas possible de mesurer le Karma avec un nombre ou même de le deviner, parce qu’il y a tellement de facteurs influençant votre Karma, et votre niveau de Karma est différent pour chaque individu de la communauté. Par exemple votre niveau d’expérience technique influence habituellement grandement votre Karma : plus vous en savez à propos du sujet de votre projet et au sujet de l’environnement technique, plus votre Karma sera élevé. Un autre facteur est la quantité de travail que vous investissez dans le projet : si vous êtes membre de ce projet depuis longtemps et que vous avez déjà passé des milliers d’heures à travailler dessus, votre Karma sera probablement élevé aussi.

Il y a beaucoup d’autres facteurs qui influencent votre Karma de développeur open source, comme vous allez l’expérimenter dans les prochaines semaines et prochains mois. Ce que vous devez avant tout vous rappeler est ceci : si vous êtes nouveau dans la communauté votre niveau de Karma est de 0 (ou proche). Pour augmenter votre Karma vous avez besoin de montrer à la communauté que vous êtes digne de confiance. Vous y parviendrez en respectant simplement les 9 règles suivantes.

2. L’information est le Karma

La première chose que vous voudriez probablement faire c’est poser une question ou proposer une idée cool à la communauté. Il y a de bonnes chances pour que vous le fassiez sur une liste de diffusion, qui est le moyen de communication le plus commun dans le monde de l’open source. Evitez de faire cela tout d’abord ! Les gens se fatiguent vraiment très vite si vous leur demandez quelque chose qui est évident à leurs yeux ou si vous proposez une idée/posez une question qui a été proposée/posée par d’autres avant (surtout si cela est déjà arrivé plusieurs fois).

Donc, que devrez-vous effectivement faire avant de poster une question ? Cherchez l’information ! Essayez Google, les sites des projets, les archives des listes de diffusion, la sphère des blogs du projet et toutes les ressources que vous pourrez imaginer. N’effectuez pas une seule recherche, mais affinez votre recherche pour voir s’il n’y a vraiment rien de relatif à votre question. Il n’y a rien? Essayez encore de chercher ! Il n’y a vraiment rien ? Ok, alors allez-y et écrivez votre billet. Mais soyez sûr de lire les 8 règles suivantes avant de le faire !

Et que faire si vous avez une idée ? Faites la même chose que ce que vous devez faire pour les questions ! Regardez si quelqu’un d’autre n’a pas eu la même idée ou une idée similaire. Vous ne trouvez rien ? Vraiment sûr ? Faites alors des recherches sur le sujet. N’écrivez pas simplement quelque chose comme « Ne serait-il pas cool de… » ou « J’ai eu l’idée de… ». Effectuez des recherches sur le sujet dont vous voulez parler avec pédantisme. Comment d’autres projets (peut-être dans d’autres langages ou sur d’autres systèmes d’exploitations) résolvent-ils la question ? N’y a-t-il rien de similaire qui existe ? Pensez aux autres besoins des utilisateurs. Est-ce que c’est quelque chose spécialement pour vous ? Alors commencez à écrire une prétendue proposition. Choisissez un sujet explicite pour votre billet (pas seulement « J’ai une idée » ou quelque chose comme ça). Commencez à écrire une spécification : quel est votre problème ? Quelle est votre idée pour le résoudre ? Comment cela s’intégre-t-il dans le projet ? Qu’est-ce qui est nécessaire pour le faire ? Soyez prolixe sur tout cela. Dans la plupart des cas, les autres personnes ont une perspective complètement différente de la situation globale.

3. S’y habituer

Un point très important avant que vous ne commenciez à devenir un « contributeur » est de vous habituer à ce avec quoi vous travaillez et au sujet dont vous parlez. Vous n’aurez probablement jamais utilisé certains des outils qui sont employés couramment pour le projet, ou bien les outils utilisés sont différents de ceux dont vous avez l’habitude. Habituez-vous à ces outils et, plus important encore, habituez-vous au projet lui-même. Connaître tous les processus qui sont mis en oeuvre dans votre communauté est un point important. Devenir un habitué des outils qu’ils utilisent l’est encore plus.

L’un des ces outils importants est GNU patch, un outil qui applique des modifications (communément appelé un diff pour difference) à une version existante du code. Générer un patch est en général réalisé avec l’outil GNU diff. Si vous voulez produire un patch pour du code, vous aurez probablement besoin de cet outil. Beaucoup de projets utilisent un système de versionnage pour archiver leur code source. Les programmes les plus courants sont CVS et son petit frère plus récent SVN. Habituez-vous à ces systèmes et utilisez les activement ! Ces deux systèmes vous autorisent à extraire (check out en anglais) une certaine version de la source, à la manipuler et automatiquement à génerer un diff pour vos changements.

Si vous avez déjà fait ça, continuez et lisez les 7 prochaines règles !

4. Ne vous surestimez pas

Vous êtes un geek cool. Vous faites du développement depuis des années et, dans votre entourage, vous êtes un des gars les plus intelligents. C’est super. Mais ne présumez pas que cela vaut aussi pour le projet que vous voulez rejoindre. L’open source est habituellement réalisée par des gens qui sont extrêmement intéressés par le sujet, qui sont parfois beaucoup plus intelligents que vous et qui ont probablement une centaine de fois plus d’expérience que vous dans ce sujet spécifique. Restez calme et soyez plutôt timide qu’arrogant. Réfléchissez aux réponses données par les membres du projet, même si vous les trouvez stupides de prime abord ou si elles vous semblent grossières. Etudiez les sujets dont les gens parlent avant d’écrire une réponse. Prenez les réponses à vos demandes sérieusement, même si elles peuvent vous sembler illogiques.

5. Agir signifie Karma

Comme dit auparavant, le Karma est une valeur appréciable, qui dépend d’une centaine de facteurs. Un de ces facteurs est la comparaison entre ce que vous dites et ce que vous faites. Si vous avez une idée pour un projet et que vous êtes capable de la réaliser : allez-y et mettez la en œuvre. Si vous avez besoin d’une fonctionnalité, vous la ferez probablement de toute façon et utiliserez votre patch pour votre usage personnel. Si cela fonctionne, allez à la règle 2 et attachez votre patch à la proposition que vous avez écrite ! Cependant, avant d’agir, finissez de lire les 5 règles suivantes.

6. Soyez amical et ouvert

La plupart des développeurs open source avec qui vous traiterez auront probablement fait de l’open source depuis des années. Ils sont déjà stressés par des utilisateurs qui attendent que quelque chose se passe mal et par les nouveaux développeurs qui ne collent pas aux règles que vous êtes en train de lire. Souvenez-vous de ceci quand vous lisez leurs mails. Ces gars ne sont pas inamicaux ou grossiers, ils sont seulement occupés et ennuyés. Vous arriverez dans un état, où vous aurez à lire 20 listes de diffusion avec des milliers de posts, garder un oeil sur le grand nombre de lignes de code, intervenir dans beaucoup de discussions et interagir avec beaucoup de personnes différentes. Quand vous lirez les mails, prenez juste l’essence objective des mots que vous lisez et ignorez la tonalité que vous pourriez ressentir.

7. S’énerver est mauvais !

Cette règle[2] est presque la même que la règle 6, mais c’est toujours très important. Lisez chaque conversation avec attention. Je connais ce sentiment assez bien, lorsque vous pensez que votre interlocuteur « est un idiot ». Il ne l’est pas ! Il n’y a pas d’idiot ici. Il a juste un point de vue différent du votre, ou a une base technique différente. Restez calme, réfléchissez à votre réponse pendant quelques minutes/heures/jours, puis écrivez-la quand vous ne serez plus en colère. Essayez d’énoncer vos arguments avec des mots polis et expliquez en détails pourquoi vous avez une opinion différente. Si vous sentez votre colère revenir pendant que vous écrivez, gardez votre réponse et revoyez-la encore plus tard. Les discussions enflammées sont vraiment une mauvaise chose et polluent les canaux de communication de votre projet. Elles ne cesseront jamais d’être mais c’est ainsi. La seule chose que vous pouvez faire contre cela, c’est de ne pas y prendre part.

8. Respecter le code étranger

Chaque partie du code que vous verrez a été écrite dans un but précis. Si vous parcourez le code d’autres personnes, vous penserez souvent « Quoi !!! ». Ne changez pas immédiatement le code pour qu’il fonctionne comme vous l’attendez personnellement. Prenez contact avec le développeur qui a écrit le code (par exemple en utilisant « svn blame », voir la règle 3). Discutez de votre point de vue avec lui. Ne faites pas cela en public tant que cela n’affecte pas une grande partie du projet. Si vous le faîtes, référez-vous au système de communication générale de votre projet et annoncez le problème à cet endroit. Souvenez-vous à tout prix des règles 2, 3 et 4. Si vous ne pouvez pas décider si un problème y a sa place, prenez contact avec des gens du projet que vous connaissez déjà et demandez-leur de l’aide. Si vous êtes sympa et que vous leur décrivez ce que vous voulez, ils vous aideront sûrement.

9. N’attendez rien

L’open source signifie habituellement travailler sur la base du volontariat. Ces gens fournissent (pour la plupart) des logiciels gratuits, donc ils ne font pas d’argent avec ce qu’ils réalisent de leurs mains. Ils le font pour différentes raisons. Certains sont juste idéalistes, d’autres veulent simplement partager quelque chose, d’autres veulent se faire connaître, d’autres veulent faire de l’argent avec les services qu’ils fournissent en plus et d’autres encore ont tout en même temps à l’esprit ou encore d’autres raisons… Quelle que soit leur raison pour faire de l’open source, ils le font gratuitement. Gardez toujours cela à l’esprit quand vous leur soumettez une requête.

Par exemple « les demandes de fonctionnalités » sont une bonne chose. Elles donnent aux développeurs une idée de ce dont ils pourraient aussi avoir besoin. Cependant, la majorité des développeurs open source implémenteront seulement les fonctionnalités dont ils ont aussi besoin, ou dans lequel ils voient un défi technique intéressant. Ne soyez pas ennuyé s’ils refusent d’implémenter une fonctionnalité dont vous auriez besoin. C’est leur strict droit de le refuser, jusqu’à ce que vous les payez pour le faire. Si une demande de fonctionnalité est refusée ou n’est pas implémentée, allez-y, implémentez-la vous-même ou envisagez de payer un développeur pour son implémentation. Les développeurs open source ont aussi besoin d’argent pour vivre et ils ne refuseront probablement pas de vous fournir un patch en échange d’un salaire. Quoi qu’il en soit, ils pourraient encore ne pas inclure votre idée dans leur projet ou l’implémenter d’une façon différente. Ne soyez pas fâché ! Ils ont le droit de le faire ! Essayez de faire avec leur conclusion ou essayez de les convaincre de le faire différemment, mais souvenez-vous toujours de respecter les 8 règles précédentes quand vous le faites.

Peu importe ce qui a été décrit avant, reconsidérez toujours votre idée plusieurs fois. Attendre quelque chose d’un développeur open source n’est pas la manière dont les choses marchent habituellement. Le faire vous-même est ce qui habituel.

10. Apprendre est tout

L’idée la plus importante derrière l’open source est l’apprentissage. Les gens fournissent leurs sources de manière ouverte pour permettre à d’autres personnes d’apprendre de leurs sources et d’apprendre des contributions des autres. C’est la même chose pour n’importe quel savoir ou connaissance fourni à propos du projet. Regardez simplement cet article et réfléchissez aux raisons pour lesquelles j’ai pu l’écrire ? C’est exact, c’est parce que je veux partager mon expérience de la communauté open source avec toute personne la découvrant et parce que je veux avoir des retours des autres, pour voir où je pourrais encore avoir des faiblesses et ce à quoi je n’ai pas prêté attention, pour le moment.

Soyez sûr d’apprendre quelque chose de chaque ligne que vous lisez, que ce soit du code ou une conversation. Vous pouvez apprendre de tout le monde, même si cela vous permet seulement d’apprendre comment une chose ne doit pas être faite…

Pendant que j’écrivais ces 10 règles, que je considère très importantes à lire pour chaque nouveau développeur open source, j’avais déjà d’autres règles en tête. Mais restons en là avec ces 10 règles, pour donner un point de départ. Si je pense à d’autres choses qui s’avèreraient être un ajout réellement intéressant, je les ajouterai plus tard. Nous verrons. Merci pour tous vos retours et j’espère que ce billet sera utile à chaque nouveau…

Kore m’a aussi conseillé de me référer à De la bonne manière de poser les questions, qui lui a rappelé ce billet, lorsqu’il le relisait. Je n’ai pas lu cet article avant (mais peut-être un autre semblable), mais cela a vraiment l’air approprié. Si vous avez d’autres ressources, n’hésitez pas à laisser un commentaire !

Notes

[1] Crédit photo : TheAlieness GiselaGiardino (Creative Commons By-Sa)

[2] NdT : Le titre original était Flaming is bad. Vous trouverez une explication du flaming sur Wikipédia.




Sexually Agressive

sexy ubuntu

Doit-on nous aussi (ab)user de la femme objet pour faire la promotion d’Ubuntu comme alternative à Windows ?[1]

Edit : On a finalement trouvé d’où est issu le dessin original qui effectivement n’est certainement pas libre, il s’agit d’une illustration de Greg Horn du personnage d’Emma Frost. On remarquera qu’à la base, la madame brule une lettre d’amour !

Notes

[1] L’image provient de ce blog portugais qui propose entre autres cette drôle de pochette pour le DVD de la nouvelle version d’Ubuntu. Aucune idée du caractère libre du dessin soit dit en passant mais j’ai des doutes.




Lounge Buddha Bar Session

Jeudi dernier, petite escapade vers Florence. Charmante bourgade si il en est mais difficile d’échapper à l’invasion touristique…

Comme il me reste en stock des chansons de l’Inconnue de la Villa Mystère[1], je crains fort que vous n’ayez à subir un nouveau petit clip diaporama avec quelques photos prises autour de la Piazza della Signoria ce jour-là.

Notes

[1] En fait je ne désespère pas de faire quelque chose de libre avec ces chansons quand bien même le contrat SACEM soit totalement anésthésiant. Dans l’intervalle j’ai cru comprendre que la diffusion en streaming n’était certes pas autorisée (sauf sur le site perso de l’artiste) mais moins répréhensible que le téléchargement direct des morceaux au format ogg ou mp3.