L’association Framasoft publie son rapport moral 2010

Yesika - CC by-saNé en 2001 Framasoft est un réseau de sites et de projets collaboratifs dont l’objectif est de promouvoir et diffuser le logiciel libre et sa culture au plus large public. Avec le temps ce réseau a pris une telle dimension qu’il a eu besoin de s’appuyer sur une structure associative, créée en 2004, pour soutenir son action.

Vous trouverez ci-dessous le rapport moral et financier de l’association pour l’année 2010.

Encore une année riche et bien remplie. Il faut dire qu’avec un annuaire qui a dépassé les 1 500 logiciels (dont une sélection à installer automatiquement), une collection de désormais 10 livres, une clé USB et un DVD aux multiples déclinaisons, un espace de discussion, un autre d’information, un canal vidéo… et même une boutique en ligne, il y a de quoi faire. Sans compter notre présence sur le terrain à une bonne trentaine de manifestations autour du Libre.

La campagne de dons « 1000 10 1 » (1000 donateurs à 10 euros par mois pendant 1 an) n’a pour le moment pas atteint son objectif initial puisque nous n’en sommes qu’à la moitié du chemin. Elle nous assure cependant déjà la pérennisation complète d’un permanent et nous permet d’envisager l’avenir avec si ce n’est sérénité tout du moins un certain optimisme[1].

Grand merci à tous les donateurs (que la crise n’épargnent souvent pas). Merci également à tous ceux qui nous ont laissés un petit mot sur le site de soutien, nous avons eu l’idée d’en faire une synthèse sous forme de carte heuristique que nous consultons de temps en temps pour nous redonner le moral les jours où le travail se fait trop pesant 😉

Merci enfin et surtout aux animateurs, développeurs, rédacteurs, traducteurs, relecteurs, sous-titreurs, etc., à tous ceux qui de près ou de loin participent avec nous à cette aventure qui voit chaque année le logiciel libre prendre un peu plus de place dans nos ordinateurs et dans nos esprits en témoignant par la pratique que d’autres mondes sont possibles.

Remarque : Framasoft fêtera donc ses 10 ans le 13 novembre prochain (date du dépôt du nom de domaine framasoft.net). Si vous avez des idées originales pour célébrer comme il se doit l’évènement, nous sommes preneurs 😉

Notes

[1] Crédit photo : Yesika (Creative Commons By-Sa)




Internet ne peut pas être contrôlé, autant s’y faire – par Laurent Chemla

Evil Erin - CC byOn trouve un article puissant et inédit de Laurent Chemla en ouverture (ou prolégomènes) du tout récent framabook AlternC Comme si vous y étiez.

Historiquement, techniquement, économiquement et moralement, Internet ne peut pas être contrôlé[1].

Autant s’y faire. Et, contrairement à d’autres, nous nous y faisons très bien 😉

Pour rappel toute l’équipe l’AlternC vous attend à La Cantine lundi 28 mars prochain (de 19h à 22h) pour fêter simultanément la sortie du livre, les dix ans d’AlternC et la version 1.0 du logiciel !

Remarque : Ce n’est pas le premier article de Chemla que nous reproduisons sur le Framablog (cf L’avenir d’Internet). Par ailleurs je le remercie de m’avoir ouvert les yeux en 1999 avec Internet : Le yoyo, le téléporteur, la carmagnole et le mammouth.

Internet ne peut pas être contrôlé, autant s’y faire

Laurent Chemla – juillet 2010 – Licence Creative Commons By-Sa

Plus que jamais, à l’heure où j’écris ces lignes, Internet est la cible des critiques du pouvoir. Il serait responsable de toutes les dérives, de toutes les ignominies, il nous ramènerait aux pires heures de notre histoire et serait le lieu de toutes les turpitudes.

Bon. Depuis longtemps, je dis qu’il est normal – de la part de ceux qui disposaient de l’exclusivité de la parole publique – de s’inquiéter de l’avènement d’un outil qui permet à tout un chacun de s’exprimer. Pas de quoi s’étonner, dès lors, des attaques furieuses que subit le réseau.

Tant qu’il ne s’agit que de mots…

Oh bien sûr, le législateur étant ce qu’il est, il tente souvent d’aller au delà des mots. Il fait aussi des lois. C’est son métier.

Or donc – sans volonté d’exhaustivité – nous avons vu depuis 1995 un certain nombre de tentatives de « régulation », de « contrôle », voire même de « domestication ». Il y a eu la loi Fillon, la commission Beaussant, la LCEN, la DADVSI, la LSI, la LSQ, et plus récemment HADOPI et LOPPSI. Beaucoup d’acronymes et de travail législatif pour un résultat plus que mince : ce qui n’a pas été retoqué par le Conseil Constitutionnel s’est toujours avéré inapplicable.

La seule chose qui reste, c’est le principe d’irresponsabilité pénale des intermédiaires techniques (LCEN). Grand succès !

On pourrait imaginer que le pouvoir apprendrait quelque chose d’une telle suite d’échecs. On pourrait penser, par exemple, qu’il mesurerait le risque de vouloir créer des lois d’exceptions selon qu’on s’exprime sur Internet ou ailleurs. Que nenni : aujourd’hui encore, j’apprends qu’une député vient de se ridiculiser en proposant d’encadrer le journalisme « en ligne ».

J’ai hâte. On en rigole d’avance.

Mais qu’est qui rend Internet si imperméable à ces tentatives réitérées de contrôle ? J’y vois (au moins) quatre raisons majeures :

La première (dans tous les sens du terme) est historique. À la demande de l’armée américaine, qui souhaitait trouver une parade au risque d’une attaque nucléaire contre son réseau de télécommunication, Internet a été inventé à la fin des années 1960 (dans l’Amérique de Woodstock et de la lutte contre la guerre du Vietnam) par de jeunes universitaires qui rêvaient d’un monde dans lequel l’accès à un réseau mondial de communication serait un droit pour tous (pour que son impact social soit positif)[2].

À l’époque de Mac Luhan, les bases théoriques du futur réseau sont toutes influencées par l’utopie du « village global » et teintées d’idéologie libertaire. Le principe selon lequel la rédaction d’une RFC (texte définissant un des standards d’Internet) doit être ouverte à tous, scientifique ou non – et son contenu libre de droit – est adopté en avril 1969.

Quoi d’étonnant dès lors si le résultat est un réseau presque entièrement décentralisé et non hiérarchique ? Après tout, c’est bien ce que l’armée américaine avait demandé à ses jeunes ingénieurs : un réseau centralisé est facile à détruire (il suffit d’attaquer le centre).

Tout ce qui est facile à contrôler est facile à détruire.
Internet est difficile à détruire.
Donc Internet est difficile à contrôler.

Il faudrait, pour qu’Internet soit plus aisément « domestiquable », que ses bases théoriques mêmes soient revues (à l’exemple du Minitel pour lequel l’émission de contenus était soumise à l’approbation préalable de France Telecom). Mais comment démanteler l’existant et interdire l’utilisation d’une technologie ayant fait ses preuves à tous ceux qui l’ont adoptée depuis des années ?

Et surtout – c’est la seconde raison qui fait d’Internet un bastion dont la prise semble bien difficile – le réseau est international.

On peut, même si c’est difficile à envisager, imaginer qu’un pays impose à ses citoyens l’usage d’une technologie « contrôlée » plutôt qu’une autre, trop permissive. Mais quel pouvoir pourrait faire de même à l’échelle du monde ?

Et comment, dès lors qu’il existerait ne serait-ce qu’un seul endroit dans le monde qui protège la liberté totale de communication (comme c’est le cas depuis peu de l’Islande), empêcher les citoyens et les entreprises du monde entier d’exporter dans ce lieu une communication désormais dématérialisée ?

Pour y parvenir, il faudra non seulement pouvoir contrôler tel ou tel réseau imaginaire, mais aussi réussir à interdire toute communication internationale… Mission impossible. Et puis, comment imaginer la fin des « paradis numériques » dans un monde qui n’a jamais réussi à obtenir celle des paradis fiscaux ?

Internet est supranational.
Il existera toujours des paradis numériques.
Donc l’information ne pourra jamais être contrôlée.

D’autant plus – et c’est la troisième raison majeure qui rend dangereuse toute tentative de contrôle des réseaux – qu’Internet est devenu désormais une source de croissance non négligeable. Une croissance qui dépend d’une législation pérenne et qui surtout va faire l’objet d’une concurrence effrénée entre les pays.

On n’imagine pas aujourd’hui une grande entreprise, telle que Google ou Facebook, avoir son siège social dans un pays dont la fiscalité n’est pas, disons, encourageante. Comment imaginer que demain une entreprise innovante, source d’emplois et d’impôts, se créera dans un pays dont la législation imposerait un contrôle trop strict de l’information diffusée ?

Tout contrôle nécessite une infrastructure plus chère, tant humaine que technique. Il va de soi qu’une entreprise capitaliste choisira plutôt, si elle a le choix, le pays d’accueil dont la législation numérique sera la plus laxiste, qui récupérera du coup les emplois et les impôts (et je ne dis pas que c’est bien : je dis juste que c’est dans ce monde là qu’on vit).

Et même avant d’en arriver là : imaginons qu’un pays impose le filtrage à la source de tout contenu illégal (en passant outre la difficulté technique inhérente). Quel entrepreneur de ce pays osera se lancer dans un nouveau projet novateur, sachant qu’il sera immédiatement copié par un concurrent vivant, lui, dans un paradis numérique et qui ne sera pas soumis aux mêmes contraintes ?

Internet est solide, c’est vrai, mais l’innovation reste fragile, et est souvent l’oeuvre de petites structures très réactives et pécuniairement défavorisées. Les lois votées à l’emporte-pièces sans tenir compte de cette fragilité-là sont autant de balles tirées dans le pied de la société toute entière.

La concurrence est mondialisée.
Une législation de contrôle coûte cher.
Donc les lois de contrôle d’Internet sont source de délocalisation.

Malgré tout il existe bel et bien des règles de vie supranationales et qui s’imposent à tout pays se voulant un tant soit peu démocratique. Mais si.

Je vais citer ici l’article 19 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme. Lisez-la bien :

« Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit ».

Elle a été rédigée en 1948. Bien avant Internet, même si à la lire on a l’impression qu’elle a été écrite spécialement pour lui. Car en effet, il n’existait pas grand chose, avant Internet, pour « recevoir et répandre sans considération de frontière les informations et les idées ». Il faut croire que ses rédacteurs étaient visionnaires…

Comment s’étonner, à la lecture de cet article, du nombre de censures que notre Conseil Constitutionnel a opposé aux diverses velléités de contrôle que le pouvoir a tenté d’imposer depuis 15 ans ?

Le droit de recevoir et diffuser de l’information est inaliénable.
Internet est à ce jour l’unique moyen d’exercer ce droit.
Donc tout contrôle d’Internet risque d’être contraire aux droits de l’homme.

Sauf à s’exonérer des grands principes fondamentaux, et donc à vivre dans une société totalitaire, le contrôle ou le filtrage d’Internet se heurtera toujours à la liberté d’expression. Les états peuvent l’accepter, et à l’instar de l’Islande décider d’en profiter, ou refuser de le voir et, à l’instar de la France, se heurter sans cesse à un mur en essayant encore et encore de réguler ce qui ne peut l’être.

Historiquement, techniquement, économiquement et moralement, Internet ne peut pas être contrôlé.

Autant s’y faire.

Notes

[1] Crédit photo : Evil Erin (Creative Commons By)

[2] J.C.R Licklider et Robert Taylor, The Computer as a Communication Device in Science and Technology, April 1968.




Le rêve de Staline ou le cauchemar de Stallman

Eva Blue - CC byUne petite mise à jour de la pensée de Stallman avec cette interview donnée par un confrère américain ?

On y retrouve certaines constantes pour lesquelles il se bat depuis près de trente ans (« la conscience du logiciel libre a été presque entièrement cachée sous le tapis par l’open source »). Mais il donne également son avis, souvent lapidaire, sur des sujets d’actualité comme l’essor de la téléphonie mobile, qualifiée de « rêve de Staline » (où même l’OS Android ne trouve pas grâce à ses yeux).

En toute logique, il ne possède pas de téléphone portable. « Les décisions que vous prenez dépendent de vos valeurs. Et la plupart des gens sont conduits à penser uniquement au prix et à la performance des logiciels, et non au fait de savoir s’ils respectent votre liberté. Les gens qui prennent des décisions sur ces valeurs ne feront jamais aucune concession pour obtenir un logiciel libre, alors que moi je suis prêt à travailler pendant des années et des années pour ne pas avoir de logiciels propriétaires sur mon ordinateur ».

Et vous ?

Et de conclure l’entretien par un message plus politique en référence aux mouvements sociaux du Wisconsin : « Les entreprises et les medias de masse ont, dans une large mesure, convaincu les Américains qu’ils n’ont pas de légitimité pour refuser le système économique, quels que soient les objectifs de ce système économique. Nous avons besoin d’un esprit de résistance en Amérique. Nous devons retrouver l’esprit de liberté avec lequel nous avons bâti les États-Unis. »

PS : Pour ceux qui désireraient mieux connaître le personnage nous rappelons l’existence de notre framabook sur Richard Stallman. Eyrolles vient de nous communiquer les ventes de l’année 2010 qui sont plus qu’encourageantes avec un total dépassant les 2 300 exemplaires.

Les téléphones mobiles sont le « rêve de Staline », selon le fondateur du mouvement du logiciel libre

Cell phones are ‘Stalin’s dream,’ says free software movement founder

Jon Brodkin – 14 mars 2011 – Network World
(Traduction Framalang : Étienne, Siltaar, Pandark, Lolo le 13, Goofy, Ypll, Yoann, Garburst)

Richard Stallman[1] : Les iPhones et autres Androids sont des traceurs à la Big Brother.

Près de trente ans après le début de sa croisade pour débarrasser le monde du logiciel propriétaire, Richard Stallman constate que les smartphones sont une nouvelle menace pour la liberté des utilisateurs.

« Je n’ai pas de téléphone portable. Je n’utiliserai pas de téléphone portable », déclare Stallman, fondateur du mouvement des logiciels libres et créateur du système d’exploitation GNU. « C’est le rêve de Staline. Les téléphones mobiles sont les outils de Big Brother. Je ne vais pas porter sur moi un traceur qui enregistre où je vais en permanence, ni un outil de surveillance qui autorise les écoutes. »

Stallman croit fermement que seul le logiciel libre (NdT: free software dans le texte) peut nous préserver de ces technologies de contrôle, qu’elles soient dans les téléphones portables, les PCs, les tablettes graphiques, ou tout autre appareil. Et par free il n’entend pas gratuit mais la possibilité d’utiliser, de modifier et distribuer le logiciel de quelque façon que ce soit.

Stallman a fondé le mouvement du logiciel libre entre le début et le milieu des années 80, avec le projet GNU et la Free Software Foundation, dont il est toujours le président.

Quand j’ai demandé à Stallman de lister quelques-uns des succès du mouvement du logiciel libre, le premier à être mentionné était Android mais pas la version de Google, non, une autre version du système d’exploitation mobile débarrassé de tout logiciel propriétaire (voir également Stallman soutient LibreOffice).

« Ce n’est que très récemment qu’il est devenu possible de faire fonctionner des téléphones portables largement répandus avec du logiciel libre », dit Stallman. « Il existe une version d’Android appelée Replicant qui peut faire fonctionner le HTC Dream sans logiciel propriétaire, à part aux États-Unis. Aux États-Unis, il a quelques semaines, il y avait encore un problème avec certaines bibliothèques, même si elles fonctionnaient en Europe. À l’heure qu’il est, peut-être cela fonctionne-t’il, peut-être pas. Je ne sais pas. »

Bien qu’Android soit distribué sous des licences libres, Stallman note que les constructeurs peuvent produire et livrer le matériel avec des exécutables non libres, que les utilisateurs ne peuvent pas remplacer « parce qu’il y a un élément dans le téléphone qui vérifie si le logiciel a été changé, et ne laissera pas des exécutables modifiés se lancer». Stallman appelle cela la Tivoisation, parce que TiVo utilise des logiciels libres tout en plaçant des restrictions matérielles qui l’empêchent d’être altéré. « Si le constructeur peut remplacer l’exécutable, mais que vous ne pouvez pas, alors le produit est dans une cage », dit-il.

En théorie, les téléphones qui n’utilisent que des logiciels libres peuvent être à l’abri des risques d’espionnage électronique. « Si vous n’avez que des logiciels libres, vous pouvez probablement vous en protéger, parce que c’est par les logiciels qu’on peut vous espionner », explique Stallman. Petit paradoxe au passage, Stallman répondait à mes questions sur un téléphone portable. Pas le sien, bien entendu, mais celui qu’il avait emprunté à un ami espagnol pour sa tournée de conférneces en Europe. Pendant les 38 minutes de notre échange, la connexion a été coupée cinq fois, y compris juste après un commentaire de Stallman sur l’espionnage électronique et les logiciels libres sur les téléphones. Nous avons essayé de nous reconnecter plusieurs heures plus tard mais il nous a été impossible de terminer l’interview par téléphone. Stallman a répondu au reste de mes questions par email.

Sacrifier le confort est une chose dont Stallman est familier. Il refuse d’utiliser Windows ou Mac, bien évidemment, mais même un logiciel tel qu’Ubuntu, peut-être le système d’exploitation le plus populaire basé sur GNU et le noyau Linux, ne satisfait pas ses critères de liberté. « Peu de monde est prêt à faire les mêmes sacrifices », reconnaît-il.

« Les décisions que vous prenez dépendent de vos valeurs », dit-il. « Et la plupart des gens sont conduits à penser uniquement au prix et à la performance des logiciels, et non au fait de savoir s’ils respectent votre liberté. Les gens qui prennent des décisions sur ces valeurs ne feront jamais aucune concession pour obtenir un logiciel libre, alors que moi je suis prêt à travailler pendant des années et des années pour ne pas avoir de logiciels propriétaires sur mon ordinateur ».

Stallman utilise un ordinateur portable Lemote Yeeloong faisant tourner gNewSense, une distribution GNU/Linux ne comportant que des logiciels libres.

« Il y a des choses que je ne peux pas faire. J’utilise actuellement un ordinateur assez lent, parce que c’est le seul portable avec un BIOS libre. gNewSense est la seule distribution entièrement libre qui tourne sur Lemote, qui est équipé d’un processeur de type MIPS » explique Stallman. Une autre distribution était fournie avec le Lemote, mais elle comprenait des logiciels non libres que Stallman a remplacés par gNewSense.

Stallman, 57 ans, a commencé à faire l’expérience du partage de logiciels à ses débuts au Laboratoire d’intelligence artificielle du MIT en 1971. Cette communauté de partage s’est dispersée au début des années 80 à peu près au moment où Digital Equipment Corp. a arrêté le serveur central sur lequel s’organisait la communauté. Stallman aurait pu rejoindre le monde des logiciels propriétaires s’il avait accepté de « signer des accords de confidentialité et promettre de ne pas aider mes camarades hackers », selon ses propres mots. Au lieu de cela, il a lancé le mouvement du logiciel libre.

Stallman est un personnage fascinant du monde de l’informatique, admiré par beaucoup et injurié par des entreprises comme Microsoft, qui voient en lui une menace pour les profits qu’ils peuvent tirer des logiciels.

Stallman n’a pas réussi à casser la domination de Microsoft/Apple sur le marché de l’ordinateur de bureau, sans parler de celle d’Apple sur les tablettes. Par contre, le mouvement du logiciel libre qu’il a créé a directement participé à la prolifération de serveurs sous Linux dans les data centers qui propulsent une grande partie d’Internet. Il y a peut-être là une ironie, Stallman ayant exprimé de la rancoeur au sujet de la reconnaissance acquise par le noyau Linux aux dépens de son système d’exploitation GNU.

Stallman se dit « plutôt » fier de cette multiplication des serveurs libres, « mais je suis plus inquiet de la taille du problème à corriger que du chemin que nous avons déjà accompli ».

Les logiciels libres dans les data centers, c’est bien, mais « dans le but d’apporter la liberté aux utilisateurs, leurs propres PC de bureau, portable et téléphone sont ce qui a le plus d’effet sur leur liberté ». On se soucie principalement de logiciel plutôt que de matériel, mais le mouvement insiste sur « du matériel avec des spécifications telles que l’on peut créer des logiciels libres qui le supporte totalement », insiste-t-il. « Il est outrageux de proposer du matériel à la vente et de refuser de dire à l’acheteur comment l’utiliser. Cela devrait être illégal ».

Avant d’accepter d’être interviewé par Network World, Stallman a exigé que l’article utilise sa terminologie de référence — par ex. « logiciel libre » à la place d’« open source » et « GNU/Linux » au lieu de juste « Linux ». Il a aussi demandé que l’interview soit enregistrée et que, si l’enregistrement était mis en ligne, il soit publié dans un format compatible avec le libre.

Il y a quatre libertés logicielles essentielles, expliquées par Stallman. « La liberté zéro est la liberté d’utiliser le programme comme bon vous semble. La liberté 1 est la liberté d’étudier le code source, et de le changer pour qu’il fonctionne comme vous le souhaitez. La liberté 2 est la liberté d’aider les autres ; c’est la liberté de réaliser et de distribuer des copies exactes quand vous le souhaitez. Enfin la liberté 3 est la liberté de contribuer à votre communauté, c’est la liberté de distribuer des copies de vos versions modifiées quand vous le souhaitez ».

Stallman a évoqué le terme « copyleft » pour désigner les licences qui garantissent que le code d’un logiciel libre ne peut pas être redistribué dans des produits propriétaires.

La clé de la philsophie de Stallman est la suivante : « Sans ces quatre libertés, le propriétaire contrôle le programme et le programme contrôle les utilisateurs », a-t-il affirmé. « Le programme se retrouve alors être un instrument de pouvoir injuste. Les utilisateurs méritent d’avoir la liberté de contrôler leur informatique. Un programme non libre est un système de pouvoir injuste et ne devrait pas exister. L’existence et l’usage de logiciels non libres est un problème sociétal. C’est un mal. Et notre but est un monde délivré de ce problème. »

Ce problème n’a pas été créé par une entreprise en particulier, mais Microsoft est d’habitude la plus critiquée par les gens comme Stallman.

« Ils continuent à nous considérer comme leurs ennemis », insiste Stallman. Il y a dix ans, dans une saillie restée célèbre, le PDG de Microsoft Steve Ballmer traitait Linux de « cancer ». Depuis Microsoft a baissé le ton en public, mais Stallman ne s’en laisse pas compter : « D’un certain côté ils ont appris à être un peu plus subtils mais leur but est de faire utiliser Windows et non un système d’exploitation libre ». Après cette phrase, notre appel téléphonique s’est une fois de plus interrompu.

À part Microsoft, Stallman épingle « Apple et Adobe, ainsi qu’Oracle et beaucoup d’autres qui font des logiciels propriétaires et contraignent les gens à les utiliser ».

Google « fait de bonnes choses et d’autres mauvaises » dit Stallman. « Il a mis à disposition des logiciels libres comme le codec WebM, et pousse YouTube à adopter son support. Toutefois, le nouveau projet Google Art ne peut être utilisé qu’à travers des logiciels propriétaires. »

Stallman est également en porte-à-faux avec ce qu’on appelle la communauté open source. Les partisans de l’open source sont issus du mouvement du logiciel libre, et la plupart des logiciels open source sont aussi des logiciels libres. Cependant, pour Stallman, ceux qui se disent partisans du logiciel libre ont tendance à considérer que l’accès au code source est simplement un avantage pratique, et ignorent les principes éthiques du logiciel libre. Diverses entreprises commerciales ont pris en route le train de l’open source sans adhérer aux principes auquel croit Stallman et qui devraient selon lui être au cœur du logiciel libre.

« je ne veux pas présenter les choses de façon manichéenne », déclare Stallman. « Il est certain que beaucoup de gens qui ont des points de vue open source ont contribué à des logiciels utiles qui sont libres, et il existe des entreprises qui ont jeté les bases de logiciels utiles qui sont libres aussi. C’est donc du bon travail. Mais en même temps, à un niveau plus fondamental, mettre l’accent sur l’open source détourne l’attention des gens de l’idée qu’ils méritent la liberté. »

L’une des cibles de Stallman est Linus Torvalds, le créateur du noyau Linux et l’une des personnalités les plus célèbres du monde du logiciel libre.

Stallman et son équipe ont travaillé sur le système d’exploitation GNU pendant la majeure partie des années 80, mais il manquait une pièce au puzzle : un noyau, qui puisse fournir les ressources matérielles aux logiciels qui tournent sur l’ordinateur. Ce vide a été comblé par Torvalds en 1991 quand il a mis Linux au point, un noyau analogue à Unix.

Les systèmes d’exploitation qui utilisent le noyau Linux sont couramment appelés « Linux » tout court, mais Stallman se bat depuis des années pour que les gens emploient plutôt l’appellation « GNU/Linux ».

Stallman « voudrait être sûr que GNU reçoive ce qu’il mérite » dit Miguel de Icaza de chez Novell, qui a créé le l’environnement libre GNOME, mais a été critiqué par Stallman pour ses partenariats avec Microsoft et la vente de logiciel propriétaire. « Quand Linux est sorti, Richard n’y a pas prêté sérieusement attention pendant quelque temps, et il a continué à travailler sur son propre noyau. C’est seulement lorsque Linux s’est trouvé sous les feux de la rampe qu’il a pensé que son projet n’était pas assez reconnu. » Le problème, c’est qu’à cette époque, est apparue à l’improviste une communauté qui n’était pas nécessairement dans la ligne GNU.

Le noyau GNU, appelé Hurd, est toujours « en développement actif », selon le site internet du projet.

La contribution de Torvalds au logiciel libre sera largement célébrée cette année à l’occasion des 20 ans du noyau Linux. Mais Stallman n’en sera pas l’une de ses majorettes, et pas seulement à cause de cette querelle sur le nom.

« Je n’ai pas d’admiration particulière pour quelqu’un qui déclare que la liberté n’est pas importante », explique Stallman. « Torvalds a rendu un bien mauvais service à la communauté en utilisant ouvertement un programme non libre pour assurer la maintenance de Linux (son noyau, qui est sa contribution majeure au système d’exploitation GNU/Linux). je l’ai critiqué sur ce point, et bien d’autres avec moi. Quand il a cessé de le faire, ce n’était pas par choix délibéré. Plus récemment, il vient de rejeter la version 3 de la licence GPL pour Linux parce qu’elle protège la liberté de l’utilisateur contre la Tivoisation. Son refus de la GPL v.3 est la raison pour laquelle la plupart des téléphones sous Android sont des prisons ».

Même Red Hat et Novell, largement reconnus comme soutiens du logiciel libre, ne reçoivent pas une franche approbation. « Red Hat soutient partiellement le logiciel libre. Novell beaucoup moins », dit-il, notant que Novell a un agrément de brevet avec Microsoft.

En dépit de son pessimisme apparent, Stallman voit quelques points positifs motivant sa quête de logiciel libre. Quand il n’est pas chez lui à Cambridge (Massachusetts), Stallman parcourt le monde pour y donner des conférences et participer à des débats sur le logiciel libre.

Avant de voyager vers l’Espagne, Stallman s’est arrêté à Londres pour faire une conférence (dans laquelle il a qualifié Windows de « malware ») et pour rencontrer quelques membres du Parlement afin de leur expliquer les principes du logiciel libre. Il reçoit souvent un meilleur accueil en Europe que chez lui.

« Aux États-Unis, la conscience du logiciel libre a été presque entièrement cachée sous le tapis par l’open source. Dès lors on ne trouve aucun responsable gouvernemental qui accepte de parler avec moi ».

Mais hors de l’Amérique du Nord, quelques gouvernements s’engagent dans le logiciel libre. « J’ai découvert hier, qu’en France, les organismes d’État continuent à migrer vers le logiciel libre », dit-il. « Il n’y a pas une politique systématique qui leur enjoint de le faire, mais ils le font de plus en plus. Et dans certains pays, par exemple en Équateur, il existe une politique explicite pour que les organismes gouvernementaux migrent vers le logiciel libre, et ceux qui veulent continuer à utiliser des logiciels non libres doivent demander une dérogation temporaire pour le faire. »

Bien que Stallman ne l’ait pas mentionné, le gouvernement russe exige aussi des organismes qu’ils remplacent les logiciels propriétaires par des alternatives libres d’ici 2015, afin d’améliorer à la fois l’économie et la sécurité, selon le Wall Street Journal.

Au-delà du logiciel libre, Stallman se consacre aux questions politiques, et tient un blog pour le journal Huffington Post. De fait, il voit peu de différences entre les entreprises qui maltraitent la liberté logicielle et les « gredins de Washington » qui sont les obligés des lobbys d’entreprises qui leur font des dons.

Dans les mouvements sociaux récents du Wisconsin, Stallman retrouve quelque chose de son propre état d’esprit. « Quelquefois, la liberté demande des sacrifices et la plupart des Américains n’ont pas la volonté de faire le moindre sacrifice pour leur liberté », dit-il. « Mais peut-être que les manifestants du Wisconsin commencent à changer cela ». Les entreprises et les medias de masse « ont, dans une large mesure, convaincu les Américains qu’ils n’ont pas de légitimité pour refuser le système économique, quels que soient les objectifs de ce système économique. Nous avons besoin d’un esprit de résistance en Amérique. Nous devons retrouver l’esprit de liberté avec lequel nous avons bâti les États-Unis. »

Notes

[1] Crédit photo : Eva Blue (Creative Commons By)




Avec Open Mesh les humains sont les routeurs (et sauvent les révolutions)

Tanakawho - CC byAyant tiré ses propres conclusions de la révolte tunisienne, l’Égypte décida, le 28 janvier dernier, de couper Internet pour neutraliser les moyens de communication et ainsi contrecarrer les manifestations anti-Moubarak.

Et tout d’un coup, ce qui était un extraordinaire avantage devint une formidable faiblesse.

Comment faire dès lors pour se prémunir d’une telle décision radicale et continuer à assurer l’un des droits de plus en plus fondamental de ce nouveau millénaire ?

Comme pour la Freedom Box, une piste de solution est à rechercher du côté du réseau maillé avec l’originalité de jouer nous-mêmes le rôle de routeurs Internet[1] :

« L’idée fondatrice d’OpenMesh est que nous puissions utiliser de nouvelles techniques pour créer un réseau Internet secondaire dans les pays comme la Libye, la Syrie, l’Iran, la Corée du Nord et d’autres régimes répressifs dans lesquels les citoyens ne peuvent pas communiquer librement. En créant des routeurs mobiles qui se connectent entre eux, nous pourrions créer un réseau auquel les téléphones portables et les ordinateurs personnels se connecteraient. La première priorité serait de relier les personnes entre elles, la seconde de les relier au reste du monde. Sur un second front, nous pourrions utiliser des connexions intermittentes par satellite afin que les citoyens de ces pays puissent mettre en ligne et télécharger des informations avec le reste du monde… »

Les humains sont les routeurs

Humans are the routers

Shervin Pishevar – 27 février 2011 – Techcrunch.com
(Traduction Framalang : Naar, Pandark et Goofy)

Le 7 janvier 2010, j’étais convié à un petit dîner privé avec la secrétaire d’État Hillary Clinton au département d’État avec l’inventeur de Twitter, Jack Dorsey, Eric Schmidt, le PDG de Google et quelques autres. Nous étions là pour parler des technologies et des questions diplomatiques du XXIe siècle. Au cours de la discussion, j’ai remarqué près de moi la petite table sur laquelle Thomas Jefferson rédigea le premier jet de la Déclaration d’Indépendance. J’étais inspiré par l’Histoire qui nous entourait pendant que nous discutions de celle qui s’ouvrait devant nous. Je faisais face à Mme Clinton quand elle m’a posé une question à laquelle j’ai répondu : « Madame la Secrétaire d’État, le dernier bastion de la dictature est le routeur ». Cette soirée a fait germer certaines des idées au cœur de l’important discours de la secrétaire d’État au sujet des libertés sur Internet le 21 janvier 2010.

Passons directement, quasi un an plus tard,au 25 janvier 2011 — un jour qui devait marquer l’Histoire aux côtés de dates comme le 4 juillet 1776. La décision de l’Égypte de bloquer entièrement Internet et le réseau de télécommunications mobiles a été l’une des premières salves dans une guerre de munitions électroniques. Sur ce nouveau front, les humains sont les routeurs, et armés des nouvelles technologies, ils ne pourront plus jamais être bloqués ni réduits au silence.

J’étais debout depuis des jours, partageant et tweetant les informations au fur et à mesure de leur apparition. J’avais deux amis proches en Égypte, qui me transmettaient des informations quand ils le pouvaient. Le jour où l’Égypte a bloqué Internet et le réseau mobile, je me suis souvenu de ce que j’avais dit à la secrétaires d’État Clinton. La seule ligne de défense contre le filtrage et le blocage par un gouvernement des communications et de la coordination entre ses citoyens via les réseaux de communication était de créer un nouveau type de technologies de communication que les gouvernements auraient du mal à bloquer : un réseau maillé, sans fil, dédié. J’ai appelé cette idée OpenMesh et l’ai tweettée.

Au cours des heures qui ont suivi, grâce au travail commun des volontaires, le projet OpenMesh prenait forme, avec un nom de domaine, un site web et un forum. Un volontaire, Gary Jay Brooks, tech-entrepreneur du Michigan, s’est proposé comme directeur bénévole pour coordonner le travail. Une autre société au Canada a offert bénévolement des spécifications pour un mini-routeur mobile pouvant être dissimulé dans une poche, et dont la fabrication ne nous coûterait que 90 dollars par unité. Un autre pionnier des communications s’est manifesté pour faire don d’importants brevets dans ce domaine.

L’idée fondatrice d’OpenMesh est que nous puissions utiliser de nouvelles techniques pour créer un réseau Internet secondaire dans les pays comme la Libye, la Syrie, l’Iran, la Corée du Nord et d’autres régimes répressifs dans lesquels les citoyens ne peuvent pas communiquer librement. En créant des routeurs mobiles qui se connectent entre eux, nous pourrions créer un réseau auquel les téléphones portables et les ordinateurs personnels se connecteraient. La première priorité serait de relier les personnes entre elles, la seconde de les relier au reste du monde. Sur un second front, nous pourrions utiliser des connexions intermittentes par satellite afin que les citoyens de ces pays puissent mettre en ligne et télécharger des informations avec le reste du monde. OpenMesh se veut un lieu d’échange d’informations pour connecter les meilleures idées existantes et mettre les outils entre les mains de tous.

Le réseau OpenMesh est un type de réseau au sein duquel chacun des nœuds reliés au réseau peut agir comme un routeur indépendant ou un dispositif intelligent, qu’il dispose ou non d’une connexion à Internet. Les réseaux maillés sont incroyablement robustes, avec des connexions continues qui peuvent se reconfigurer autour de chemins brisés ou bloqués en « sautant » de nœud en nœud jusqu’à ce que la destination soit atteinte, comme un autre appareil sur le réseau ou une liaison vers Internet. Quand un accès local à Internet est disponible, ils peuvent augmenter le nombre de personnes capables de s’y connecter. Lorsqu’il n’y en a pas, les réseaux maillés peuvent permettre aux personnes de communiquer ensemble même si les autres formes de communication électronique sont hors d’usage. Les dispositifs sont compatibles avec la plupart des ordinateurs équipés du wifi et fonctionnent sur les systèmes Microsoft Windows, Apple OS X et Unix existants, ainsi que les appareils mobiles iPhone et Android. Un réseau open source offre de plus une solution adaptable qui engage des frais réduits tout en évitant les erreurs du passé et les verrous des constructeurs. Combinés à du matériel ouvert, ces réseaux rendent plus facile une maintenance évolutive et leur amélioration sur le long terme.

Nous allons établir, construire, soutenir et distribuer un firmware Mesh open source qui permettra aux citoyens du monde de communiquer sans téléphone ni câblo-opérateur. Le produit brut d’OpenMeshProject.org sera libre et gratuit à télécharger et utiliser. La technologie sera distribuée et maintenue comme projet open source GPL v2. Cela signifie que tout le monde peut utiliser ou modifier le logiciel. Notre travail en tant que communauté sera de soutenir le projet. Nous aiderons à créer des standards. Nous aiderons les communautés à créer des réseaux maillés. Nous ferons pression sur les fabricants d’équipement pour qu’ils rejoignent l’initiative du Projet Open Mesh. L’idée tourne entièrement autour de la technologie sans fil qui nous permettra de communiquer ensemble sans ligne, ni câble, ni fibre. Nous construirons un réseau privé capable de couvrir des pays entiers. Nous donnerons le pouvoir aux citoyens de demain. Au final, une grand-mère pourra trouver ce disque dans la rue, rentrer à la maison, installer le CD dans son ordinateur portable et rejoindre le réseau maillé en deux clics. Après quoi elle commencera à voir les autres sur son réseau, à cliquer pour y appeler d’autres membres, rejoindre des conversations multi-utilisateurs ou chercher des amis en ligne pour discuter. Nous, en tant que communauté d’OpenMeshProject.org, faciliterons la construction et le soutien de ce projet. Nous construirons tous ensemble un maillage. Nous inviterons les gens à participer et à proposer de nouvelles innovations. En travaillant ensemble, nous pouvons assurer les communications qui seront nécessaires demain.

La liberté de communiquer fait partie de nos droits fondamentaux. Le XXIe siècle sera défini par le principe qu’aucun gouvernement, aucun pouvoir ne devra jamais bloquer ni brider le droit de tous les hommes et femmes de communiquer ensemble. Mon rêve le plus cher, c’est que de mon vivant, les dictatures soient bannies de cette planète et qu’une véritable démocratie non limitée fleurisse partout. Il est temps que cessent nos marchés faustiens avec les dictateurs brutaux pour des intérêts à court terme et qu’ils soient remplacés par une nouvelle alliance avec les citoyens du monde entier qui recherchent la liberté. OpenMesh est un premier pas qui aidera à créer un monde où une telle alliance pourra se maintenir, un monde où les personnes courageuses armées de ces nouveaux outils ne pourront plus jamais être contraintes ni muselées.

Note de l’éditeur : L’auteur invité Shervin Pishevar est le fondateur du projet OpenMesh et de SGN, ainsi qu’un Business angel actif.

Notes

[1] Crédit photo : Tanakawho (Creative Commons By)




Quand Max, 11 ans, met Inkscape dans sa liste au Père Noël

Inkscape à l'écoleVous voyez les petits personnages sur le dessin ci-contre ? Ils ont tous été réalisés par des enfants d’une dizaine d’années à partir du logiciel libre Inkscape.

C’est l’histoire simple et belle de ces dessins que nous raconte ici le blogueur Phil Shapiro, qui n’oublie pas de remercier au passage le principal développeur d’Inkscape.

En espérant que nombreux seront les enseignants francophones à s’inspirer du projet de Sheena Vaidyanathan.

Je ne sais pas vous, mais moi je trouve cela réconfortant qu’un enfant de 11 ans préfère recevoir Inkscape plutôt qu’une horrible Zhu Zhu Pets comme cadeau de Noël 😉

Les étudiants de Los Altos apprécient le logiciel de dessin Inkscape

Students in Los Altos delight in using Inkscape drawing program

Phil Shapiro – 23 février 2011 – OpenSource.com
(Traduction Framalang : Khyl, Penguin et Naar)

L’un des aspects les plus amusants de mon blog à PCWorld.com est de lire les réactions envoyées par email en provenance du monde entier. Vous ne savez jamais qui va consulter ce que vous écrivez. Parfois, ils vont repérer un billet du blog sur la page d’accueil de PCWorld.com, ou dans le lien d’un message envoyé via Twitter, voire même dans un résultat de recherche sur Google plusieurs mois après que le billet ait été publié.

J’ai ainsi écrit un jour un billet sur Inkscape, l’éditeur de graphisme vectoriel libre pour Linux, Macintosh et Windows, et j’ai été alors ravi de recevoir un email de Sheena Vaidyanathan, qui enseigne l’utilisation d’Inkscape à ses élèves du primaire de Los Altos en Californie, au cœur de la Silicon Valley.

Voici comment Sheena m’a expliqué sa façon d’enseigner : « J’ai commencé à utiliser Inkscape en tant qu’outil de base pour le travail artistique, puis comme logiciel à utiliser après l’école et il est devenu si populaire que l’académie m’a demandé de l’associer à un programme appelé Digital Design pour les 7 écoles élémentaires. J’enseigne à 20 classes chaque semaine allant du CM1 à la 6e et chaque classe compte en moyenne 25 élèves. Après un trimestre, j’ai eu un nouveau groupe d’étudiants, et en un an, j’ai enseigné à tous les élèves de CM1 a la 6e, soit au bas mot 1500 étudiants ! C’est beaucoup de travail, mais j’adore enseigner et partager mon goût pour l’art et la technologie avec les enfants. J’adore utiliser Inkscape et d’autres logiciels libres (j’utilise aussi SketchUp et Scratch) parce que les enfants peuvent tout à fait les installer chez eux et les utiliser en dehors des heures de cours. Je ne suis pas sûre qu’il y ait d’autres écoles publiques qui aient un enseignement comme celui-ci, mais c’est un levier formidable pour motiver les enfants à la technologie et leur apprendre à utiliser les ordinateurs pour exprimer leur créativité. »

L’email de Sheena décrit un scénario qui est le rêve de tout éducateur : libérer les apprentissages par la créativité et les arts. J’ai demandé à Sheena si elle pouvait rédiger une note plus détaillée sur son projet, chose qu’elle a tenu à faire avec beaucoup de gentillesse et que l’on peut voir dans le contenu de ce billet qui comprend des liens vers les dessins de ses élèves réalisés sous Inkscape.

La cerise sur le gâteau dans cette histoire était dans le mail suivant que j’ai reçu de Sheena. Un de ses élèves de 6e, Max Jarrel, a dit à ses parents que ce qu’il souhaitait vraiment pour Noël était le logiciel Inkscape ! Voici le témoignage de son père : « Mon fils, Max, était fasciné par Inkscape et il a dit que c’était ça qu’il voulait pour Noël. J’ai ensuite découvert que le téléchargement du logiciel était facile et gratuit. Et il n’a pas arrrêté de jouer avec. » J’imagine Max sur son Inkscape, essayant chaque jour de créer des œuvres artistiques de plus en plus intéressantes.

Je fais partie de ceux qui croient que l’université ne commence pas une fois que vous avez achevé vos études secondaires. L’université débute au collège, quand vous commencez à prendre conscience de vos talents naturels et de vos sources d’intérêt. Le lycée permet de développer ces talents et ces centres d’intérêts. L’université est la strcuture qui permet de finaliser cela. Les étudiants développent rarement de nouveaux intérêts après avoir quitté le lycée. C’est formidable quand cela arrive, mais c’est l’exception plutôt que la règle.

Ainsi, ce que font Sheena Vaidyanathan et l’académie de Los Altos, c’est d’offrir des possibilités de conception graphique à un grand nombre d’étudiants. En combinaison avec les formations qu’elle dispense dans Google SketchUp et le langage de programmation Scratch, du MIT, ces étudiants font très tôt l’acquisition de solides compétences numériques qui leur rendront d’excellents services plus tard, quelle que soit la carrière qu’ils pourront choisir. De plus tous les logiciels mentionnés ci-dessus sont libres ou gratuits, ce qui signifie que cette académie lutte également contre la fracture numérique.

Quand j’ai lu le best-seller de Daniel Pink, A Whole New Mind (NdT : L’homme aux deux cerveaux), j’ai imaginé à quoi pourrait ressembler l’école du futur avec des élèves occupés à exploiter leurs créations sous la bienveillante direction d’un enseignant sage et attentionné. Sheena Vaidyanathan et ses étudiants sont une preuve vivante que ce futur est déjà là. Teresa Amabile, psychosociologue spécialiste de la créativité et de l’innovation, avait déjà clairement entrevu cela il y a 20 ans dans son livre Growing Up Creative: Nurturing a Lifetime of Creativity (NdT : Grandir créatif ou comment éduquer sa vie à la créativité). Tous les élèves et enseignants ont quelques part une dette envers Daniel Pink et Teresa Amabile. Leurs réflexions nous ont emmenés très loin dans la conception humaine et enrichissante d’une éducation pour nos enfants.

Ce billet ne saurait être complet sans mentionner l’incroyable dévotion et le talent des développeurs bénévoles qui ont conçu Inkscape. Je suis particulièrement impressionné par Jon A. Cruz, qui n’est pas seulement un artiste et un programmeur d’Inkscape, mais qui prend aussi beaucoup de son temps à répondre patiemment aux demandes des utilisateurs sur Twitter. Dans mon esprit, Jon Cruz ressemble un peu à un agriculteur qui dispose de son propre restaurant. Il ne fait pas simplement que produire de la nourriture et la cuisiner, il vient jusqu’à votre table et vous demande si vous l’appréciez. Tel est l’esprit du logiciel libre et du mouvement open source (NdT : FOSS en anglais, pour Free Open Source Software). Si vous n’y avez pas encore goûté, asseyez-vous. Vous êtes ici pour faire un festin !

Par ailleurs, vous pourrez rencontrer et discuter avec Jon Cruz en personne lors du prochain salon Linux (également dénommé SCALE 9x), qui aura lieu fin février 2011 à Los Angeles, en Californie du sud. Il sera présent sur le stand Inkscape. Voici une courte vidéo de Jon Cruz parlant de Inkscape en Australie, au début du mois. Si vous assistez au congrès SCALE 9x, arrêtez-vous également pour dire bonjour à Jonathan Thomas, le programmeur au talent immense d’OpenShot, l’excellent éditeur libre de vidéos pour Linux. Devinez ce qu’OpenShot utilise comme technologie avancée pour ses titres vidéos ? Vous l’avez deviné : Inkscape.




Coupé au montage ou mon trop court passage sur les ondes de France Culture

Brian Fitzgerald - CC by« Apple c’est un peu le Disneyland des nouvelles technologies… »

Aussi étrange que cela puisse sembler j’ai fait une très brève apparition ce matin sur les ondes de France Culture pour évoquer non pas le logiciel libre mais… Apple !

Le journaliste avait à peine trois minutes pour réaliser un sujet d’actualité sur la première Assemblée générale de la société sans Steve Jobs. Et il m’a contacté car il avait visiblement besoin d’un regard critique au milieu d’autres interventions plus laudatives.

Pourquoi moi ?

Je ne le lui ai pas directement demandé mais l’explication la plus plausible est à chercher dans la série d’articles (cf ci-dessous) que nous avons récemment publiés sur ce blog et qui sont assez bien placés dans le référencement des moteurs de recherche (ce qui en creux en dit long sur la présence d’une véritable critique d’Apple[1] dans le Web francophone).

Sachant que ces articles sont eux-mêmes des traductions collectives issues du travail de Framalang, je n’avais aucune légitimité pour m’exprimer. Mais peu importe, me suis-je dit, profitons-en pour tenter de faire passer quelques idées.

Et bien je suis désolé de vous décevoir mais c’est raté 🙁

On ne peut pas trop en vouloir au journaliste qui avait un temps limité (ainsi qu’un sujet qui n’avait rien à voir avec le logiciel libre) et qui a extrait ce qu’il jugeait pertinent de notre entretien téléphonique. Mais ce pertinent pour lui est malheureusement un insignifiant pour moi.

C’est le risque et c’est la loi du genre lorsque l’on n’est pas en direct, mais je me sens solidaire de tous les interviewés qui sont restés frustrés des coupes au montage effectués lors d’un passage radiophonique.

Le reportage tel qu’entendu par les auditeurs de France Culture (3 min – 2 Mo – lien direct au format ogg) :

L’entretien téléphonique presque au complet que le journaliste a eu la gentillesse de mettre en ligne sur le site de la radio (5 min – 6 Mo – lien direct au format ogg) :

Quelques articles du Framablog sur Apple mentionnés plus haut :

Notez que je ne suis pas forcément non plus très satisfait de ma prestation globale lors de l’interview. Vous auriez dit quoi, vous, à ma place ?

J’en conclue donc naïvement que pour réussir ce genre d’exercice, il faut d’abord être bon lors de l’entretien et ensuite prier pour qu’on en tire la substantifique moelle au montage.

Je vous laisse, je vais quand même prévenir ma maman que son fils est passé à France Culture dans le cadre de son quart d’heure warholien de célébrité 😉

Notes

[1] Crédit photo : Brian Fitzgerald (Creative Commons By)




Quand la coopérative dessine le chemin d’une autre voie possible en entreprise

Ernst Vikne - CC by-saSi l’économie est, dans son acception commune, l’activité humaine qui consiste en la production, la distribution, l’échange et la consommation de biens et de services, alors le logiciel libre propose effectivement une organisation originale et alternative à l’économie informatique, le bien étant bien commun et le service véritablement au service de ses utilisateurs.

Il serait un peu rapide et hasardeux d’affirmer que la coopérative est à l’entreprise ce que le logiciel libre est au logiciel.

Il n’en demeure pas moins vrai que les deux mouvements présentent certaines similitudes, à commencer par celle de vouloir se protéger d’un monde qui perd son humanité en se reliant aux autres pour donner sens à son action[1].

Si vous voulez changer le monde, cela passe désormais bien moins par le politique que par l’économique. C’est pourquoi les tentatives pour faire sortie de l’ombre un autre possible en entreprise nous semblent si ce n’est à encourager tout du moins à diffuser et à débattre.

À la limite de la ligne éditoriale de ce blog, ce document de fin de colloque nous semble une bonne base de réflexion aussi bien pratique que théorique.

Déclaration du Forum pour une autre économie

URL d’origine du document

Déclaration du « Forum pour une autre économie »
Faite à Nîmes le 16 janvier 2011

La participation réelle des salariés à la gestion de leur entreprise est une exigence croissante dans la société moderne, pour combler le vide actuellement laissé par les actionnaires dormants à une oligarchie financière qui trop souvent ne gère plus que pour elle-même, sans plus prendre en compte les exigences de l’emploi et de la pérennité réelle des entreprises .

Dans les grandes entreprises, particulièrement celles qui sont cotées, cette oligarchie a imposé un partage de la valeur bien plus favorable au capital qu’au travail , tout particulièrement depuis vingt ans. Le travail et l’emploi, ne sont plus des valeurs mais des variables d’ajustement. Par ailleurs, beaucoup de TPE et les PME souffrent indirectement de cette financiarisation du fait de leur statut de sous-traitantes voire de partenaires de groupes plus importants. Il convient donc de promouvoir toutes les solutions institutionnelles susceptibles de rendre aux individus la maîtrise de leur destin économique.

Tel a été le sens du colloque de Nîmes des 15 et 16 janvier 2011. Notre société s’engage dans l’économie de la connaissance, de l’innovation, du développement durable. La constitution de sociétés de salariés, notamment sous forme de SCOP, est une voie particulièrement efficace pour que les chercheurs du secteur privé, mais aussi du secteur public , puissent développer eux-mêmes leurs créations et innovations, dans une structure participative égalitaire ; et, plus largement, pour que les porteurs de projets concrétisent ceux-ci grâce à une structure participative et rendue durable par son système de propriété à la fois privée et collective.

L’association des travailleurs pour gérer leur avenir commun dans une société dont ils sont les propriétaires, qu’elle soit d’ailleurs ou non de forme coopérative, est une résultante légitime de l’élévation du niveau moyen de savoir. Elle est aussi, à de nombreux égards, la meilleure posture face à un avenir que la mondialisation rend particulièrement aléatoire. Qui mieux que le collectif des salariés peut se soucier de l’avenir de l’entreprise en tant qu’équipe d’hommes et de femmes dont l’intérêt n’est pas d’abord commandé par la rémunération du capital ?

La forme de la Société coopérative de production – SCOP ou coopérative de salariés (l’idée d’Entreprise à Responsabilités et Résultats Partagés a été évoquée) est une solution dotée de trois caractéristiques : la démocratie dans le choix de la stratégie et des responsables, l’équité dans la répartition du résultat, et la pérennité de l’emploi, qui la rendent à la fois crédible et fiable aux yeux de ceux qui y produisent la valeur. Elle s’adapte régulièrement aux nouveaux défis. La Société coopérative d’intérêt collectif – SCIC, qui fait entrer dans la coopérative, différentes catégories de sociétaires à côté des salariés, est un exemple de cette adaptation récente, notamment pour les dynamiques territoriales.

Sur le plan du capital , les outils dont s’est doté le mouvement coopératif avec ESFIN, et sa filiale l’IDES, le fonds de capital-risque SPOT, la société SOCODEN pour les prêts participatifs, permettent de dire qu’existent aujourd’hui la plupart des outils financiers nécessaires pour créer et développer une SCOP. Abonder plus largement ces outils, notamment dans le cadre du « Grand emprunt pour l’économie du futur », serait une condition nécessaire d’un développement plus rapide et plus large de la forme SCOP. Une somme de 100 millions d’euros a déjà été prévue pour l’économie sociale. Elle est trop faible. L’augmenter et l’utiliser pour le développement des SCOP ne dépendent que d’une volonté politique .

Remettre en valeur et assouplir la loi sur le Titre Participatif est une autre priorité. Créer des Fonds Communs de Placement dédiés à l’Économie Sociale aussi.

Dans le même sens, le rachat par les salariés d’entreprises saines, c’est-à-dire avant toute phase critique de gestion, devrait être facilité . En premier lieu, par une intervention plus ample et plus rapide, du fonds souverain français de la Caisse des dépôts ; en second lieu, par la création, dans les entreprises qui doivent envisager leur transmission, d’une réserve de transmission dont la défiscalisation serait conditionnée par le seul fait que les acheteurs sont les salariés. Par ailleurs, la formule ESOP de rachat par les salariés à l’aide de crédits à très long terme, courante aux États-Unis, mérite d’être à nouveau analysée en détail en vue d’une transposition en France . Serait-il impensable aussi de commencer à solvabiliser les salariés, pour la constitution d’un capital, en dédiant une part de la cotisation d’assurance chômage payée pour chaque salarié à la création d’un compte ou livret individuel lui permettant de participer au rachat de son entreprise ou d’en créer une ?

Mais si des outils financiers à la création de SCOP ou à la reprise d’entreprises par les salariés, existent, d’autres conditions s’imposent pour leur développement et réussite.

Résumons les en disant qu’il s’agit de diffuser la culture de l’économie coopérative, « déverrouiller » l’image des SCOP auprès de l’opinion publique en en présentant la diversité des pratiques.

Il faut d’abord que le fonctionnement de l’entreprise soit enseigné, à tous et donc dès la classe de troisième, intégrant évidemment les formes coopératives. Les départements universitaires et les grandes écoles consacrées à l’économie coopérative doivent se multiplier . Les institutions fédérales et confédérales de l’économie sociale doivent offrir, dans le cadre de la formation continue , des enseignements valorisant les pratiques coopératives ; elles doivent aussi renforcer leur expertise et leurs moyens d’appui aux entreprises de l’économie sociale, en particulier pour accompagner les transmissions d’entreprises.

Les propositions qui précèdent n’excluent en rien la poursuite et le développement de l’actionnariat salarié et de la participation, mais ces dispositifs doivent atteindre un seuil d’efficacité pour peser d’un poids suffisant dans les Conseils des entreprises, afin d’infléchir vraiment la gestion. Ceci nécessite aussi l’organisation de formes nouvelles de gestion collective de cet actionnariat.

C’est dans ce contexte que le colloque a abouti à la création d’un Observatoire des alternatives économiques, non seulement dans ce domaine de l’intervention des salariés dans la gestion, mais beaucoup plus largement, dans tous ceux qui feront l’objet des colloques suivants du Forum pour une autre économie, durable, socialement intégratrice, civiquement engagée, écologiquement acceptable.

En 2011 et 2012, cet Observatoire[2] se donnera comme priorité l’analyse des programmes politiques exposés en vue des élections de 2012, et interpellera les formations politiques et divers candidats sur leurs propositions dans ce champ des alternatives économiques. Il ambitionne d’en mesurer la pertinence et d’en proposer l’enrichissement.

Notes

[1] Crédit photo : Ernst Vikne (Creative Commons By-Sa)

[2] il sera notamment piloté par Jean Matouk, Michel Porta, Thierry Jeantet.




La nouvelle version Squeeze de Debian lavera encore plus blanc

Mark Robinson - CC byC’est un billet un peu technique que nous vous proposons aujourd’hui. Il évoque la « quête du 100% libre » des distributions GNU/Linux.

En effet, vous l’ignoriez peut-être, mais rares sont les distributions GNU/Linux qui soient « totalement libres ».

Ainsi la fort pratique distribution Linux Mint installe dès le départ des codecs (MP3, divX…) et des plugins (Java, flash…) propriétaires. On ne peut donc la considérer comme libre.

Mais, plus subtil, la très populaire distribution Ubuntu non plus, car elle embarque en son sein des drivers propriétaires comme ceux pour les cartes graphiques Nvidia et ATI.

Ces drivers sont des exemples de firmwares (ou micrologiciel), ces logiciels intégrés dans un composant matériel, et ils constituent le sujet principal de notre billet, et traduction, du jour.

Debian est l’une des plus anciennes et célèbres distributions GNU/Linux. Elle sert de base de développement à de nombreuses autres distributions, dont justement Ubuntu et Linux Mint.

L’une des principales caractéristiques de Debian, outre sa stabilité reconnue et le grand nombre d’architectures matérielles supportées, est de ne dépendre directement d’aucune société commerciale : comme le navigateur Firefox de la fondation Mozilla, Debian est le fruit d’une association à but non lucratif. Et si Mozilla possède son Manifesto, Debian a son fameux contrat social.

Elle se trouve actuellement dans sa version 5.0 mais la nouvelle version 6 (nom de code « Squeeze ») devrait sortir d’ici quelques jours.

Or le projet Debian a annoncé que cette nouvelle version bénéficierait, à sa sortie, d’un noyau Linux « libéré», c’est à dire débarrassé de tout firmware qui ne serait pas libre[1]. Cette décision a suscité un certain nombre de d’interrogations autour des conséquences pratiques pour l’utilisateur : allait-il pouvoir continuer à faire fonctionner pleinement sa machine avec cette nouvelle version ?

C’est à ces interrogations que répond l’un des développeurs du projet ci-dessous.

Mythes et réalités concernant les firmwares et leur non-retrait de Debian

Myths and Facts about Firmwares and their non-removal from Debian

Alexander Reichle-Schmehl – 20 janvier 2011 – Tolimar’s Blog
(Traduction Framalang : Antistress, Penguin et Goofy)

L’annonce par le projet Debian de la publication de Squeeze avec un noyau Linux complètement libre a retenu l’attention, ce qui n’est pas une mauvaise chose. Pourtant il semble que cette annonce ait parfois été mal interprétée ou mal relayée. Je vais essayer de résumer les principales erreurs et d’y répondre.

  • Mythe : Debian a retiré tous les firmwares de ses noyaux !
  • Réalité : Non, cette décision ne concerne que les noyaux qui seront inclus dans la prochaine version Debian 6.0 Squeeze. Les noyaux de la version stable actuelle Debian 5.0 Lenny restent tels quels… sauf que, bien sûr, nous réaliserons les mises à jour de sécurité qui s’imposent les concernant, mais ils continueront de contenir les mêmes firmwares qu’actuellement.
  • Mythe : Debian est en train de dégrader ses noyaux en en retirant des choses.
  • Réalité : Debian a transféré certains firmwares de sa section principale (NdT : main) vers sa section non-libre (NdT : non-free). Ils sont toujours présents, dans la section dédiée aux logiciels qui ne répondent à nos critères tels qu’ils résultent des principes du logiciel libre selon Debian (NdT : The Debian Free Software Guidelines – ou DFSG).
  • Mythe : La plupart des utilisateurs ne vont plus pouvoir installer Debian.
  • Réalité : les firmwares non-libres resteront disponibles à travers notre infrastructure. Ceux qui sont requis durant l’installation (par exemple pour contrôler l’accès au réseau ou au périphérique de stockage) peuvent également être chargés durant l’installation (qu’ils soients sur un CD ou une clé USB). Nous proposons des archives compressées de ces fichiers (décompressez les simplement sur une clé USB et branchez-la quand cela vous est demandé durant l’installation) ainsi que des images ISO permettant de créer un CD d’installation par le réseau qui contiennent déjà ces fichiers. Bien entendu, elles vont continuer d’exister, même aprés la publication de Squeeze.
  • Mythe : Ces fimwares sont requis, les ôter ne sert à rien et ne rend pas service à l’utilisateur.
  • Réalité : Oui, ces firmwares sont en effet nécessaires au fonctionnement de certains pilotes de certains matériels. Mais tout le monde n’en veut pas. À présent que nous sommes capables de charger ces firmwares sur demande (au lieu de devoir les compiler dans le pilote lui-même), nous pouvons les proposer séparément. Cela permet ainsi à ceux qui ont besoin de firmwares non-libres de les utiliser tandis que que ceux qui n’en veulent pas bénéficieront d’une installation qui en sera dénuée.
  • Mythe : Ah, encore un coup des fêlés de la liberté du projet Debian…
  • Réalité : Il n’y a pas que nous en réalité : nous n’y serions jamais parvenus sans la coopération d’un certain nombre de développeurs du noyau Linux. Et nous ne sommes pas les seuls intéressés par la création d’un noyau libre, d’autres distributions importantes ont également conscience du problème. Citons par exemple le récent commentaire d’un développeur du projet Fedora évoquant des changements dans un de ces firmwares non-libres. Il semble donc que Debian ait simplement été le premier à réaliser le problème des firmwares non-libres.
  • Mythe : Debian fait allégeance à Stallman.
  • Réalité : Je ne me suis pas entretenu avec Richard Stallman à ce sujet mais je pense que Debian n’est pas encore assez libre pour lui ; pour autant que je sache, il aimerait la disparition pure et simple de la section non-libre, ou au minimum qu’elle ne soit plus mentionnée nulle part.

Il reste donc une question : qu’il y a t-il de mal avec les firmwares non-libres ? Ne s’agit-il pas simplement de petits programmes exécutés par le microprocesseur du périphérique concerné ? Pourquoi s’en faire ? Bonne question ! Mettons de côté les problèmes juridiques qui sont susceptibles de se poser, et concentrons-nous sur l’aspect pratique. Le nœud du problème tient au fait que, sans leur code source (et les outils pour les compiler), les firmwares ne sont qu’une suite aléatoire de nombres pour nous. Nous ne savons pas ce qu’ils font, nous ne pouvons pas les analyser ni les améliorer. Nous ne pouvons pas les changer, nous ne pouvons pas assurer leur suivi. Peut-être avez-vous été lire le commentaire du développeur Fedora dont le lien a été donné plus haut ? Je le cite à nouveau car il me semble qu’il a très bien résumé le problème :

Mise à jour des firmwares qlogic 2400 et 2500 vers la version 5.03.13. Que fait la version 5.03.13 ? Personne ne le sait hormis QLogic et ils ne le disent pas. Je leur ai posé la question et ils m’ont répondu que l’information ne pouvait être donnée sans accord de confidentialité. Je vous invite donc à imaginer ce que fait ce firmware et les bogues qu’il corrige. Tant que vous y êtes, imaginez un monde où les fabricants publieraient le code source de leurs firmwares.

À présent que vous savez que nous ne pouvons assurer le suivi de ces firmwares, vous pourriez vous demander si c’est vraiment utile de toute façon. Quels dégâts pourraient bien faire à votre ordinateur un simple petit programme logé dans un périphérique ? Eh bien un scientifique a déjà fait la démonstration d’un firmware pour certaines cartes réseau qui dissimulait un cheval de troie. Donc non seulement c’est un problème en soi, mais cela peut même être un problème de sécurité !

Résumons-nous. Oui, Debian a modifié quelque chose dans ses noyaux. Non, ils vont continuer de fonctionner comme d’habitude. Certains utilisateurs devront peut-être activer le dépôt non-libre mais ce n’est pas obligatoire. Les firmwares nécessaires à l’installation sont aussi disponibles et peuvent être chargés lors du processus d’installation. Alors pourquoi tout ce ramdam ?

À propos, ceux d’entre vous qui craignent de ne pas se rappeler les liens des images ISO et des archives compressées, souvenez-vous de deux choses: wiki et Firmware. Vous trouverez tout ce dont vous avez besoin sur la page Firmware du wiki Debian.

Notes

[1] Crédit photo : Mark Robinson (Creative Commons By)