Quand Jeanne-Marie découvre le logiciel libre via l’Eee PC

Le Eee Pc tout le monde en a parlé et nous aussi. Dans cet article nous émettions l’hypothèse qu’on avait à faire avec un excellent vecteur de propagation du logiciel libre auprès du grand public. A condition de rester vigilant mais aussi d’informer les utilisateurs de cet ordinateur d’un nouveau genre qu’il repose quasi exclusivement sur du logiciel libre. Sinon ils feront, comme Monsieur Jourdain, du logiciel libre sans le savoir et ce serait bien dommage.

Grand public et information sur le logiciel libre, c’est pour cette double raison que j’ai particulièrement apprécié ce test de SVM TV auprès de Jeanne-Marie, collaboratrice au magazine.

Test ainsi présentée : Jeanne-Marie utilise un portable chaque jour pour son travail, pour ses loisirs, mais n’y connaît pas grand-chose à Linux, comme d’ailleurs près de 95 % des Français. Après avoir joué avec l’Eee PC d’Asus, son avis sur la question a complètement changé.

Vous me direz que travailler pour SVM c’est certainement être plus compétent que votre belle-mère. Certes mais, avec tout mon respect, elle joue parfaitement bien le rôle de la candide qui découvre ce nouvel objet et tente de l’apprivoiser. Quant à la conclusion, titrée Eee PC : Enfin une vitrine alléchante pour le logiciel libre ?, je ne sais pas si ils avaient répété avant mais elle méritait bien la retranscription ci-dessous.

Le vidéaste : Bon t’as paru assez étonnée du fait qu’on avait un espèce de Word sur cette machine, même un Powerpoint et un tableur qui t’ont paru assez performants. Tu m’avais l’air assez étonnée en fait.

Jeanne-Marie : Oui c’est vrai j’ai été très étonnée, je ne m’attendais pas à trouver des logiciels qui proposent autant de fonctionnalités, je pensais que ça existait pas.

Le vidéaste : T’es habituée quand même à la suite classique Word, Excel, Powerpoint…

Jeanne-Marie : Tout à fait. Et là je suis non seulement pas du tout dépaysée mais en plus je retrouve mes fonctions de base classiques dont j’ai besoin dans tous ces logiciels. Et voilà effectivrement je suis très agréablement surprise.

Le vidéaste : Ca t’a permis de découvrir une alternative à ce que propose Microsoft et tu penses que là, avec ta prochaine machine, au lieu d’installer une suite Office, tu te diras, tiens peut-être que je vais essayer d’utiliser régulièrement…

Jeanne-Marie : Ah ben complètement parce je ne m’attendais pas à trouver autant de qualité et autant de fonctionnalités. Donc oui, oui, tout à fait. Je pense que j’y réfléchirai et je pense que je sauterai le pas, si j’ai cette possibilité je pense que je le ferai.

—> La vidéo au format webm




Le vocable Ubuntu va-t-il se substituer à Linux auprès du grand public ?

Jeff Kubina - CC by-saRichard Stallman répète inlassablement partout où il passe qu’il faut dire « GNU/Linux » et non « Linux ». Et si l’avènement de la distribution Ubuntu finissait par mettre tour le monde d’accord pour faire oublier Linux, GNU et tout le reste ?

C’est peu probable mais il faut reconnaitre que le succès non démenti d’Ubuntu change doucement la donne du monde jusque là assez tranquille des distributions Linux. Pour un utilisateur de base candidat à la migration, il y a désormais Ubuntu et les autres[1], avec peut-être le risque collatéral de voir se diluer l’expression Linux derrière Ubuntu.

Cette glissement sémantique peut-il se produire ? Et si oui est-ce un réel problème ? C’est l’objet de cette traduction à la lisière du troll que nous devons à VLI pour Framalang.

Ubuntu est-elle en passe de devenir la distribution Linux générique ?

Is Ubuntu becoming the generic Linux distro?

Adrian Kingsley-Hughes – 02 avril 2008 – ZDNet.com
(Traduction Framalang : VLI)

Suis-je le seul à avoir remarqué le nombre important de débutants sous Linux qui semblent penser que Ubuntu est Linux et que Linux est Ubuntu ?

Depuis l’année dernière, j’ai en effet remarqué un nombre croissant de newbies (un terme que j’emploie affectueusement) intéressés pour tester Linux : par exemple le nombre de mails que je reçois sur le sujet est passé de zéro il y a un an à quelques dizaines par semaine aujourd’hui. Les raisons de leur intérêt pour Linux sont diverses et variées, tout comme leur niveau d’engagement pour quitter Windows ou Mac. Néanmoins, une chose émerge de toutes ces conversations : le nombre de gens qui semblent confondre Ubuntu et Linux. Je dis cela parce qu’ils utilisent les deux termes de manière interchangeable, ou en utilisant le nom Ubuntu d’une manière générique. Et ce traitement de faveur est réservé à Ubuntu. Je n’ai pas vu le nom d’une autre distribution utilisé de la sorte.

Je dois admettre que j’aime bien Ubuntu. Je l’aime vraiment bien. J’ai essayé des dizaines de distributions Linux ces douze à dix-huit derniers mois, et je reviens toujours à Ubuntu. Même si je ne me considère pas dans la catégorie des noob Linux, je sais que je n’en suis pas encore si éloigné de telle sorte que la convivialité et la simplicité de Ubuntu ne sont pas inutiles pour moi. Mais un autre attrait de Ubuntu est son cycle de développement clair que les développeurs suivent, ajouté au fait que chaque version que j’ai essayée s’est révélée être une amélioration significative par rapport à la précédente. Il y a un réel élan dans ce projet. Il faudra voir si le même niveau de développement continue une fois que les bases auront été scellées, mais pour l’heure, le développement semble avancer à un bon rythme.

Je suis de ceux qui pensent que cette évolution d’Ubuntu vers la distribution Linux générique n’est pas une mauvaise chose. Mon opinion est que lorsqu’un débutant aborde le monde Linux, le nombre sidérant de distributions disponibles est déconcertant (je sais que beaucoup ne sont pas d’accord avec moi sur ce point et clament que le choix est une bonne chose, mais personne ne peut me démontrer avec évidence que les nouveaux utilisateurs embrassent facilement le nombre important de distributions). Une seule distribution offre à ceux qui veulent s’initier à Linux un endroit pour démarrer et si Ubuntu répond à leurs besoins alors c’est très bien, sinon il y a une grande variété de distributions Linux pour expérimenter et jouer avec.

La prochaine version, au nom de code Hardy Heron (NdT : le Héron Hardi), sera l’une des distributions les plus faciles à essayer pour les newbies grâce à l’ajout du chargeur umenu et de l’installeur Wubi, qui tous deux simplifient l’installation conjointe de Ubuntu avec et depuis Windows. Ceci rendra sans aucun doute Ubuntu encore plus populaire chez les newbies Linux.

Des idées ? Pensez-vous que Ubuntu est en train de devenir la distribution Linux générique ? Est-ce une bonne chose ? Est-ce que Ubuntu est la meilleure distribution pour les débutants ? Et si non, que suggérez-vous ?

Notes

[1] Crédit photo : Jeff Kubina (Creative Commons By-Sa)




Pour que la démocratisation du logiciel libre ne soit pas un rendez-vous manqué

Extranoise - CC by« …ils auraient tout aussi bien fait d’être restés sous Windows. »

Voici un sujet souvent traité ici comme ailleurs : la risque de dilution de certaines valeurs du libre dans son processus en marche de démocratisation.

Parce que si le nouvel utilisateur de logiciels libres est avant tout préoccupé par son propre confort matériel (pris dans tous les sens du terme) alors il se pourrait bien que l’occasion offerte devienne un rendez-vous manqué[1].

De la domination de GNU/Linux pour de mauvaises raisons

GNU/Linux World Domination for the Wrong Reasons

Bruce Byfield – 11 mars 2008 – Datamation
(Traduction Framalang : GaeliX)

A chaque fois que j’entends les gens parler des opportunités qu’a GNU/Linux de devenir de plus en plus populaire, je me souviens d’une réflexion de Tommy Douglas[2], le social-démocrate qui est devenu un héros pour la création de la couverture sociale universelle au Canada : « Si je pouvais appuyer sur un bouton et gagner un million d’électeurs qui n’ont pas compris ma politique », a-t-il dit, « je n’appuierais pas sur ce bouton ». Il voulait dire par là qu’il ne faisait pas de la politique simplement pour être élu, mais pour amener d’autres personnes à partager ses idéaux – et qu’il était déterminé à ne pas perdre de vue ses objectifs à long terme tout en poursuivant ceux à court terme.

Cette reflexion a du sens pour moi parce que, de plus en plus, dans la hâte de s’attribuer des parts de marché, beaucoup de gens semblent perdre de vue que l’objectif de GNU/Linux et des logiciels libres n’est pas en soi d’être populaire, mais de faire accepter un ensemble d’idéaux à une plus grande audience.

A la base, le logiciel libre est là pour aider les utilisateurs à prendre le contrôle de leurs ordinateurs afin qu’ils puissent participer sans entrave aux communications numériques sur les réseaux et Internet. Il s’agit de pouvoir installer un logiciel librement, plutôt qu’encadré par un fabricant. Il s’agit de pouvoir utiliser votre ordinateur comme vous le voulez, plutôt que d’en céder le contrôle à des boites noires installées par les éditeurs de logiciels sans votre autorisation.

On pourrait qualifier cet objectif d‘activisme de consommateurs si cela vous fait plaisir, mais une description plus adéquate serait extension de la liberté d’expression, et peut-être même extension de la liberté d’association, qui sont des droits fondamentaux sur lesquels les sociétés industrielles modernes sont censées être construites.

Toutefois, ce sont rarement ces objectifs qui sont décrits par les bloggers et chroniqueurs quand ils évoquent les possibilités que GNU/Linux devienne plus populaire. Selon eux (et leurs critères n’ont pas beaucoup évolués entre 2002 et 2008), ce dont ce système d’exploitation a besoin c’est de plus d’applications commerciales, d’un meilleur support matériel, de l’amélioration de l’interopérabilité avec Windows, et de plus de machines pré-installées. Et quand ils évoquent l’embellie dans l’utilisation de GNU/Linux pour cause de résistance à Vista, ils vont plus se servir du mot « libre » (NdT : free en anglais) pour parler de prix ou de coût total d’acquisition, que pour parler de politique ou de philosophie.

Ils abordent le sujet, en résumé, d’un point de vue business ou technique, plus fondé sur la facilité que sur les idéaux. Et, sur le court terme, il n’y a rien de vraiment gênant là dedans (même si je ne peux m’empêcher de penser que l’interopérabilité avec Windows est l’une des excuses pour le tristement célèbre accord Microsoft-Novell en novembre 2006).

Ceci dit, j’apprécie l’excellence technique autant que tout un chacun et si tout ce que vous souhaitez est une excellente alternative à Windows, alors OS X fera votre bonheur (et peut-être plus encore, d’après certains). Comme GNU/Linux, c’est un sytème dérivé d’Unix mais dont la facilité d’utilisation est inégalée. Si votre priorité est la performance technique, le fait qu’il soit propriétaire ne devrait pas trop vous poser de problèmes.

De la même façon, si les graticiels vous intéressent, il y a suffisamment d’applications à disposition pour que vous n’ayez jamais à payer un cent, sans parler d’Acrobat ou des lecteurs Flash qui sont téléchargeables gratuitement.

En fait, au moins autant de gens se tournent vers ces solutions de rechange que vers GNU/Linux du fait de leur ressentiment envers Windows. Sans trop réfléchir, je pense à au moins une douzaine de consultants qui distribuent des solutions de serveurs libres basées sur Drupal ou Joomla et qui utilisent OS X sur leurs ordinateurs portables.

De la même manière, il vous suffit de jeter un coup d’œil sur les forums des principales distributions comme Fedora ou Ubuntu pour voir que les utilisateurs sont plus intéressés par obtenir les pilotes vidéos propriétaires que d’avoir le contrôle de leurs ordinateurs. Après tout, les pilotes propriétaires sont disponibles, gratuitement, tout comme les pilotes libres qui le sont par choix éthique, alors pourquoi ne pas les utiliser, surtout quand ils sont technologiquement plus au point ? J’ai même vu certains utilisateurs reprocher à Fedora de ne pas fournir les pilotes propriétaires dans ses dépôts.

Il ne leurs viendrait jamais à l’esprit que le faire serait contraire à la politique de Fedora de ne mettre à disposition que des logiciels libres. Avec ces utilisateurs, l’avantage à court terme d’avoir des pilotes propriétaires techniquement supérieurs l’emporte sur l’éthique de la liberté. D’ailleurs, la plupart de ceux qui se plaignent semblent ne jamais avoir entendu parler des idéaux défendus par les logiciels libres. Pas plus qu’ils ne se fatiguent à écouter quand ces idéaux sont évoqués.

Certes, certains d’entre eux utilisent temporairement les pilotes propriétaires en attendant que des pilotes libres performants soient disponibles. Mais l’attitude générale donne à penser qu’ils n’ont aucune compréhension des objectifs à long terme. Peut-être qu’ils pourraient aider à augmenter suffisamment le nombre d’utilisateurs GNU/Linux pour encourager les fabricants à mettre à disposition des pilotes libres, mais je crains que leur contribution réelle ne fasse que conforter les fabricants dans leurs pratiques habituelles. En terme de bénéfice à long terme, pour eux-mêmes ou pour les autres, ils auraient tout aussi bien fait d’être restés sous Windows.

On retrouve le même manque de perspective dans d’autres raisons à court terme d’utiliser GNU/Linux. Toute personne ayant le sens l’équité se doit de s’interroger sur Microsoft ou tout autre logiciel en situation de monopole. Bien que le refus ou la règlementation des monopoles puisse conduire à des victoires à court terme, sur le long terme, de telles attitudes ou efforts font très peu de différence. Détruisez un monopole, et un autre se précipitera pour combler la brèche. Plus important encore, qu’importe la société qui a le monopole, il y a de fortes chances qu’elle soit propriétaire.

« Le problème quand on parle des monopoles », m’a dit il y a quelques années Peter Brown, directeur exécutif de la Free Software Foundation: « C’est qu’on laisse à penser que si il ne s’agissait pas d’un monopole, si il y avait de la concurrence entre les sociétés propriétaires, alors cela ne nous poserait pas de problème. Mais c’est faux, ce ne serait pas satisfaisant notre point de vue. »

Et Brown de continuer, « Nous ne voulons nous battre pour une victoire à court terme, car cela focalise les gens sur de mauvaises questions. Nous avons toujours eu à cœur de nous concentrer sur les plus gros problèmes, de façon à ce que si des gens s’orientent vers les logiciels libres, ils les fassent pour de bonnes raisons. »

Ou, comme Richard Stallman me l’a expliqué en 2007, « L’objectif du mouvement logiciel libre est de vous donner le contrôle du logiciel que vous utilisez. Ensuite, si vous voulez le rendre plus puissant, vous pouvez travailler à le rendre plus puissant ».

Oubliez ces priorités, et ce n’est même pas la peine de vous ennuyez à configurer un poste de travail ou un portable sous GNU/Linux. Vous avez perdu de vue ce qui est important et différent.

Comme Peter Brown a déclaré au nom de la Free Software Foundation, « A la fin de la journée, nous ne cherchons pas à être l’organisation la plus populaire du monde. Beaucoup d’organisations examinent leur situation et se disent : Quelle est la meilleure façon d’être en avance sur les autres ? Comment allons-nous composer avec notre ligne de conduite pour réaliser quelque chose, pour devenir plus populaire et réussir ? Mais quand vous avez un chef de file comme Richard Stallman, ces considérations ne sont jamais de mise. Il n’y a pas de considérations à court terme. Notre travail consiste élever le logiciel libre au statut de question éthique. Et à partir de là, nous pouvons aller de l’avant ».

Voir GNU/Linux passer de l’ombre à la lumière est passionnant, aucun doute là dessus. S’impliquer dans cette transformation l’est plus encore. Pourtant, dans la joie rebelle de regarder ces paradigmes évoluer, il nous faut prendre en compte que l’acceptation se fait parfois à un prix trop élevé. Il est vrai qu’insister pour que l’éthique de partage à la base de ce système d’exploitation fasse partie de son succès peut retarder ou même de mettre fin à ce même succès. Pourtant si cette éthique ne survit pas ce succès ne vaudra rien.

Notes

[1] Crédit Photo : Extranoise (Creative Commons By)

[2] NdT : Tommy Douglas sur Wikipédia.




Comment je suis devenu un enseignant innovant

aKa - BSOD - CC-By

Suite à un coup de téléphone avec le responsable Microsoft des partenariats éducatifs en France, j’ai décidé d’adhérer à l’association Projetice m’assurant ainsi une promotion immédiate au rang d’enseignant innovant (et accessoirement une place pour le prochain voyage à Bangkok).

J’aurais a priori en charge l’aspect communication du dossier Déploiement de Windows Vista et MS Office 2007 à l’école, dossier rendu difficile par la pression constante (et, il faut bien le dire, souvent malintentionnée) exercée par les partisans du logiciel libre qui serait, dit-on, mais cela reste à prouver, une alternative crédible aux produits Microsoft que tant de professeurs, élèves et parents utilisent au quotidien.

L’école a à l’heure actuelle bien d’autres chats à fouetter et il serait inopportun de créer une perturbation en obligeant la communauté scolaire à changer ses habitudes numériques durement acquises au fil des années.




Windows Vista ce sont ceux de Microsoft qui en parlent le mieux

Quand le New York Times se met à évoquer Windows Vista et ses déboires, on ne peut le soupçonner de partialité…

Big thanx à Mallorie pour la traduction.

Copie d'écran - Randall Stross - New York Times

Ils ont critiqué Vista. Parce qu’ils savaient.

They Criticized Vista. And They Should Know.

Randall Stross – 9 mars 2008 – New York Times

Un an après l’arrivée de Windows Vista, pourquoi tant d’utilisateurs de Windows XP refusent encore de passer à cette nouvelle version ?

D’après Microsoft, les prix élevés joueraient un rôle dissuasif. Le mois dernier, la compagnie a baissé les prix des packs Vista, en espérant voir les clients passer outre leurs réticences. Aux Etats-Unis, un utilisateur XP peut maintenant acquérir une version Vista Home Premium pour 129.95$ au lieu de 159.95$.

Mais une autre théorie circule sur l’échec de Vista : sa réputation le précèderait. Les utilisateurs XP seraient peu enthousiastes en entendant leurs amis ou connaissances leur narrer leurs expériences ratées de passages à Vista. La carte graphique qui ne supporte pas les effets spéciaux de Vista. Le temps de chargement trop long. La lenteur d’exécution des applications. Les imprimantes, scanners ou autres périphériques qui cessent de fonctionner correctement sous Vista, faute de pilotes adéquats, alors qu’ils tournaient sans problème sous XP.

En quoi Vista pourrait-elle être qualifiée de « version supérieure » ?

Voici l’histoire d’un passage à Vista plutôt malheureux qui s’est déroulé au début de l’année dernière. Jon (appelons-le Jon, je vous révélerai d’ici peu son identité) décide de passer deux machines sous XP à Vista. Il se rend alors compte qu’il manque des pilotes pour faire fonctionner son imprimante et son scanner sous Vista et qu’il doit réinstaller XP sur un des PC pour pouvoir encore utiliser ses périphériques.

Jon a-t-il simplement joué de malchance ? Apparemment pas. Lorsque Steve apprend les déboires de Jon, il confirme qu’il manque les pilotes de périphériques de toutes sortes – « c’est pareil dans tout l’écosystème ».

Vient alors le tour de Mike, dont le nouveau portable arbore le rassurant logo Windows Vista Capable. Il pense pouvoir profiter de toute la magnificience de Vista, ainsi que de ses programmes Microsoft préférés comme Movie Maker. Conclusion : « Je me suis fait avoir ». Logo ou pas, son nouveau portable ne comporte pas la puce graphique nécessaire pour utiliser son éditeur vidéo préféré et ne peut faire tourner qu’une version bridée de Vista. Comme il dit lui-même : « je possède désormais une machine à mails de 2100$ ».

Or, il s’avère que Mike n’est pas précisément un novice. Il s’agit de Mike Nash, vice-président de Microsoft, chargé de la gestion des produits. Et Jon, dépité d’apprendre que les pilotes dont il a besoin n’existent pas ? C’est Jon A. Shirley, membre du conseil d’administration et ancien président directeur géneral de Microsoft. Et Steven, que le manque de pilotes n’étonne plus, est bien placé pour le savoir : il s’agit de Steven Sinofsky, vice-président en charge de Windows.

Leurs remarques sont tirées d’e-mails internes à Microsoft, échangés en février 2007, donc après le lancement de Vista – alors considéré comme un produit achevé que les consommateurs achèteraient au prix fort. Entre les pilotes manquants et les étiquettes Prêt pour Vista apposées sur des portables qui ne l’étaient visiblement pas, Vista a tout de suite eu mauvaise réputation: Attention : Pas Prêt à l’Emploi.

Il est surprenant d’entendre les pontes de Microsoft se plaindre de leurs frustrations personnelles dues à Windows. Mais une action intentée contre Microsoft en mars 2007 devant la Cour de Justice de Seattle a révélé de nombreux documents internes. D’après les plaignants, Dianne Kelley et Kenneth Hansen, qui ont acheté leurs PC fin 2006, peu avant la sortie de Vista, les autocollants de Microsoft Windows Vista Capable induisent en erreur lorqu’ils ont apposés sur des machines qui s’avèrent incapables de faire tourner les versions de Vista pourvues des fonctionnalités les plus emblématiques que Microsoft mettait en avant pour promouvoir cet OS.

Le mois dernier, le juge Marsha A. Pechman a accordé à l’action intentée le statut d’« action groupés » (class action) et le procès est prévu pour octobre prochain. (Microsoft a fait appel de la décision de ce statut la semaine passée.)

Les personnes ayant acheté un PC labelisé Windows Vista Capable sans être également mentionné Premium Capable peuvent maintenant se joindre à la partie civile. Le juge a aussi rendu public quelque 200 e-mails et rapports internes, couvrant des débats internes à Windows au sujet de la meilleure façon de présenter Vista, entre 2005 et janvier 2007, au moment de sa sortie officielle.

Microsoft se vante aujourd’hui d’avoir deux fois plus de pilotes disponibles pour Vista que lors de son lancement, mais les problèmes graphiques et de performance perdurent. (En tentant de contacter la semaine dernière M. Shirley et ses collègues à propos de leurs expériences actuelles avec Vista, le porte-parole de Microsoft, David Bowerman, a déclaré qu’aucune des personnes citées dans les e-mails ne pourrait faire de commentaire tant que le procès serait en cours).

Les e-mails ont été publiés dans le désordre, mais en les remettant dans l’ordre chronologique, on peut y lire une tragédie en trois actes :

Acte I : En 2005, Microsoft a l’intention d’annoncer que seuls les PC suffisamment équipés pour supporter les exigences graphiques de Vista seront Vista Ready.

Acte II : Début 2006, Microsoft décide de revoir à la baisse les exigences graphiques théoriques afin de ne pas nuire aux ventes de Windows XP sur des machines bas de gamme alors que Vista est disponible. (Un client pourrait raisonnablement tirer la conclusion que Microsoft lui souffle: achetez maintenant, passez à Vista plus tard). Un ajustement sémantique est fait: au lieu de dire d’un PC qu’il est Vista Ready, ce qui peut amener à croire comme son nom l’indique qu’il est prêt à tourner sous Vista, on dira qu’il est Vista Capable, ce qui sous-entend que les résultats attendus pourraient ne pas être atteints.

Cette décision de revoir à la baisse les exigences graphiques de départ est accompagnée de protestations internes considérables. La configuration matérielle minimale est si basse que « même un vieux PC pourri ferait l’affaire », selon les propres termes de Anantha Kancherla, manager des programmes Microsoft, dans un des e-mails internes récemment rendus publics, tout en ajoutant « Ce serait une tragédie complète si on laissait faire ça. »

Acte III : 2007 voit la sortie des différentes versions de Vista, dont l‘Edition Familiale Basique, dépourvoue des fonctionnalités graphiques emblématiques de l’OS. Ce qui a placé les partenaires de Microsoft dans une situation embarrassante. Dell, dans un rapport également étudié lors du procès, enterrait d’ores et déjà Microsoft et faisait sèchement remarquer : « Les clients n’ont pas compris ce que signifiait Capable et s’attendaient à davantage que simplement pourrait être disponible. »

Tout était écrit. En février 2006, quand Microsoft a abandonné l’idée de réserver l’étiquette Vista Capable aux PC les plus puissants, son propre personnel a essayé de prévenir le déluge de plaintes de consommateurs à propos des PC plus limités. « Il serait beaucoup moins coûteux de faire les choses correctement pour les clients dès maintenant », déclara Robin Leonard, directeur commercial chez Microsoft, dans un e-mail à ses supérieurs, « plutôt que de devoir débourser par la suite pour essayer de résoudre les problèmes. »

Maintenant que Microsoft doit faire face à une action groupée, c’est un juge qui devra gérer la réparation de ces problèmes. Entretemps, Microsoft pourra-t-il racheter sa crédibilité perdue ?




Les licences Creative Commons expliquées aux élèves

Une invitation lancée aux enseignants pour s’inspirer de ce document en vue d’une présentation en classe.

Textes, images, multimédia… C’est bien gentil de critiquer les agissements de Microsoft qui tente de nous faire passer sa propre définition de la « propriété intellectuelle » à l’école mais c’est encore mieux d’être constructif en proposant des alternatives plus conformes à notre propre vision des choses.

Imaginons en effet que vous soyez un professeur souhaitant évoquer cette histoire de « propriété intellectuelle » à l’ère du numérique avec vos élèves. Pour la France cette éventualité est d’autant plus susceptible de se produire qu’elle figure dans le référentiel du B2i pour le domaine Adopter une attitude responsable (par exemple avec la compétence C.2.3 Lorsque j’utilise ou transmets des documents, je vérifie que j’en ai le droit).

Vous avez alors le choix de l’approche.

Vous pouvez par exemple vous appuyer sur le document (powerpoint) Droit et éducation – La propriété intellectuelle de l’association Projetice. Il n’est pas inintéressant en soi, avec par exemple son rappel de la nécessité d’élaborer ensemble une charte TICE dans chaque établissement scolaire. Mais, parcourez-le, et vous vous trouverez peut-être comme moi confronté à la désagréable impression d’évoluer dans le monde austère et intimidant des tu n’as pas le droit de faire ceci, tu n’as pas le droit de faire cela, sauf à demander constamment, au cas pas cas, de fastidieuses et parfois hypothétiques autorisations. Règles qui stipulent q’il n’y pas d‘exception pédagogique. Règles contraignantes qui s’appliquent de fait aussi à mes propres créations. Ici c’est d’abord la fermeture par défaut qui prévaut, et commes les autres mondes ne sont pas mentionnés il semble que ce soit le seul monde possible.

Mais, sans nier l’existence du monde précédent qui a toute sa raison d’être, vous pouvez cependant débuter votre intervention en adoptant une autre approche comme celle proposée par le diaporama ci-dessous au sujet des salutaires licences Creative Commons. Une approche qui ne vous condamne pas à égréner la longue liste de ce que l’on ne peut pas faire mais qui au contraire, affirme d’entrée son ouverture en favorisant le partage des créations numériques, qu’elles soient vôtres ou celles d’autrui. Les demandes d’autorisation n’ont pas disparu mais elles sont ponctuelles et ne sont là que pour ajouter de la liberté à une situation de départ qui garantie au minimum la libre circulation de l’oeuvre. Nous ne sommes plus dans le il est impossible de faire… sauf… mais dans le il est possible de faire… sous telles conditions. Et mine de rien lorsque l’on travaille dans un contexte scolaire c’est une belle bouffée d’oxygène[1].

Ce diaporama est dans le domaine public. Il a été réalisé par Alex Roberts, Rebecca Rojer et Jon Phillips en vue de l’intégrer à un autre beau projet éducatif, à savoir l’OLPC. Vous trouverez toutes les images sources sur cette page du site Creative Commons. Libres à vous de les modifier et d’en adapter les légendes comme bon vous semblera. Nous vous en proposons ci-dessous une version francisée par nos soins[2]. C’est un work in progress non finalisé qui ne demande qu’à se bonifier avec vos propres suggestions de traduction dans les commentaires[3].

Diapo 1

Sharing Creative Works 01

Creative Commons presents : Sharing Creative Works

Creative Commons présente : partager les créations

Diapo 2

Sharing Creative Works 02

Computers are powerful tools for creation. You can use a computer to write stories, draw pictures, take photographs, record music, and capture video.

Les ordinateurs sont de formidables outils pour la création. Vous pouvez utiliser un ordinateur pour écrire des histoires, faire du dessin, prendre des photos, enregistrer de la musique et des vidéos.

Diapo 3

Sharing Creative Works 03

When you draw a picture, only one copy exists. You can keep that copy, or give it to a friend, or maybe even sell it.

Quand vous faites un dessin, il n’existe qu’en un seul exemplaire. Vous pouvez conserver cet exemplaire, le donner à un ami, ou peut-être même le vendre.

Diapo 4

Sharing Creative Works 04

But when you draw a picture on your computer, it is possible to create a perfect copy of that picture. You can keep your picture and give a copy to your friend and even sell a copy, if you like.

Mais quand vous faites un dessin sur votre ordinateur, il est possible de créer une copie à l’identique de ce dessin. Vous pouvez conserver un exemplaire pour vous et en donner un à un ami et même en vendre un, si vous en avez envie.

Diapo 5

Sharing Creative Works 05

Once someone has one copy of your picture, they have the ability to make more exact copies and then share them. They also have the ability to make changes to your picture, and share that. But what if you don’t want them to?

Une fois que quelqu’un a un exemplaire de votre dessin, cette personne a les moyens d’en faire d’autres copies à l’identique et ensuite de les partager. Cette personne a aussi la possibilité d’apporter des modifications à votre dessin et de les partager. Mais que se passe-t-il si vous n’êtes pas d’accord avec ça ?

Diapo 6

Sharing Creative Works 06

This is where the law comes in. Although anyone with a computer has the ability to share or change your creation, because of copyright law, they are not allowed to do so without your permission. (*)
(*) Though, depending on where you live, there may be specific exceptions to this rule. In the United States, this is called “Fair Use.”

C’est là que la loi entre en jeu. Même si n’importe qu’elle personne disposant d’un ordinateur a techniquement la possibilité de partager ou de modifier votre création, du fait des lois sur les droits d’auteurs, elle n’a pas le droit de le faire sans votre permission, en dehors des exceptions et limitations prévues par la loi applicable dans le pays où vous vivez.

Diapo 7

Sharing Creative Works 07

The law automatically grants you full “copyright” over any creative work you make, including the stories you write, the pictures you draw, the music you record, the photos you take, and the video you capture. This means that unless you say otherwise, nobody may share your work or make changes to it.

La loi vous accorde automatiquement un droit d’auteur exclusif sur toute œuvre de votre création, comme par exemple les histoires que vous pouvez écrire, la musique que vous pouvez enregistrer, les photos que vous pouvez prendre, et les vidéos que vous pouvez filmer. Ce qui signifie que sans avis contraire de votre part, personne ne peut diffuser votre travail ou y apporter des changements.

Diapo 8

Sharing Creative Works 08

But what if you want to legally and clearly allow anyone in the world to share and experience your work?

Mais que se passe-t-il si vous souhaitez légalement et sans ambigüité autoriser toute personne dans le monde à partager et découvrir votre travail ?

Diapo 9

Sharing Creative Works 09

What if you want others to build upon your work or create something new from your original?

Que se passe-t-il si vous souhaitez que d’autres puissent se baser sur votre travail pour créer quelque chose de nouveau à partir de l’original ?

Diapo 10

Sharing Creative Works 10

While you could tell each and every person that they may use your original, there is a vastly simpler way. If you would like to allow for your work to be shared around the world, consider using a Creative Commons License.

Vous pourriez dire à chaque personne individuellement qu’elle peut utiliser votre travail original, mais il y a beaucoup plus simple. Si vous voulez permettre le partage de votre travail à travers le monde, vous devriez songer à utiliser une Licence Creative Commons.

Diapo 11

Sharing Creative Works 11

Creative Commons is an organization which provides a collection of free content licenses that you may apply to your work.

Creative Commons est une organisation qui met à votre disposition un ensemble de licences que vous pouvez appliquer à votre travail.

Diapo 12

Sharing Creative Works 12

A content license is a document that states the freedoms and limitations that you apply to your work– an explanation of what someone can and cannot do with what you make.

Une licence sur le contenu est un document qui exprime les libertés et les limitations qui s’appliquent à votre travail – une liste de ce qu’une personne peut ou ne peut pas faire avec votre travail.

Diapo 13

Sharing Creative Works 13

Creative Commons Licenses have been translated into many languages and jurisdictions (legal systems) all over the world. They are designed to work internationally, so that even someone across the globe can understand the permissions you have granted them.

Les licences Creative Commons ont été traduites dans de nombreuses langues et juridictions de part le monde. Elles sont conçues pour être applicables internationalement, de telle façon que même une personne à l’autre bout du monde peut comprendre les droits que vous lui avez concédés.

Diapo 14

Sharing Creative Works 14

Creative Commons offers 6 different licenses so that you can share your work exactly how you want to.

Creative Commons vous propose six licences différentes qui vous permettent de partager votre travail de la façon qui vous convient le mieux.

Diapo 15

Sharing Creative Works 15

All Creative Commons licenses require attribution. This means that others may share your work so long as they credit you. There are some other things to consider when you choose to share your work with the world.

Toutes les licences Creative Commons utilisent la notion de paternité. Ce qui signifie que d’autres peuvent partager votre travail tant qu’il vous en attribuent la paternité. Mais il y a d’autres aspects à prendre en compte quand vous faites le choix de partager votre travail avec le monde.

Diapo 16

Sharing Creative Works 16

Do you want to allow other people to sell or make money off of your creation without having to ask? Prohibiting people from using your work commercially may limit how widely it is spread.

Souhaitez-vous autoriser d’autres personnes à vendre ou à faire de l’argent avec votre création sans avoir à demander l’autorisation ? Interdire l’utilisation commerciale de votre travail peut réduire son champ de diffusion.

Diapo 17

Sharing Creative Works 17

This also means that no one can make any money from your work without your permission. You can work out individual arrangements for commercial use so that you can get paid when others profit from your creation.

Cela signifie aussi que personne ne peut tirer de profit financier de votre travail sans votre autorisation. Vous pouvez passer des accords individuels pour usage commercial de façon à être rétribué quand d’autres tirent profit de votre création.

Diapo 18

Sharing Creative Works 18

Do you want to allow others to make changes (derivatives) to your work without having to ask? Prohibiting derivatives might prevent others from making something really cool out of your original.

Souhaitez-vous autoriser d’autres personnes à modifier votre travail (œuvre dérivée) sans avoir à demander l’autorisation ? Interdire les œuvres dérivées peut empêcher d’autre personnes de créer une nouvelle œuvre vraiment intéressante à partir de votre original.

Diapo 19

Sharing Creative Works 19

But, this also means they may not use your work in a way you disagree with.

Mais cela signifie aussi que personne ne peut utiliser votre travail à des fins qui ne vous conviendraient pas.

Diapo 20

Sharing Creative Works 20

If you allow others to make changes to your work, you also need to think about whether or not you will require them to use the same license as you (“Share Alike”). A ShareAlike condition ensures that the terms you chose for your original creation are preserved, but also may limit how much the derivative work can be shared (and in turn, how likely it is for someone to use your original work in a derivative)

Si vous autorisez d’autres personnes à faire des modifications de votre travail, vous devez aussi réfléchir si oui ou non vous souhaitez leur demander d’utiliser la même licence que vous (conditions initiales à l’identique). La clause conditions initiales à l’identique garantie que les choix que vous avez fait pour la création originale seront préservés, mais elle peut aussi limiter la diffusion des œuvres dérivées (et par là-même les possibilités que quelqu’un soit tenté d’utiliser votre original pour une œuvre dérivée)

Diapo 21

Sharing Creative Works 21

On the other hand, Share-Alike ensures that your work is always used under the terms you want, even after many generations of copies and derivatives.

D’un autre coté, les conditions initiales à l’identique garantissent que votre œuvre sera toujours utilisée sous les mêmes conditions, même après plusieurs générations de copies et de dérivés.

Diapo 22

Sharing Creative Works 22

It’s up to you to choose what you will create, and how you will share it with the world!

C’est à vous de décider ce que vous allez créer et comment vous allez le partager avec le monde !

Edit du 25 mars : Illustrant parfaitement le remix culturel permis par les licences Creative Commons, voici une version animée du diaporama réalisée par Alexandre Lebailly à partir de notre traduction.

—> La vidéo au format webm

Notes

[1] Petite suggestion finale : En profiter pour évoquer en bout de chaîne le logiciel libre dont les licences présentent la particularité de ne pas posséder de clauses non commerciales et non dérivables.

[2] Merci à notre équipe de traducteurs Framalang, Yostral, Olivier et surtout GaeliX en tête.

[3] En particulier nous avons quelques doutes sur la fidélité de traduction des diapos 1, 6, 13 et 20.




Parce que je pense qu’il faut créer des richesses avant de les partager

Sarkozy - Guillaume Paumier - CC By-Sa

Comment se fait-il que le Framablog n’ait encore rien écrit sur Sarkozy ? Une lacune enfin comblée !

Le 15 février dernier, Nicolas Sarkozy[1] était en visite dans une école de Périgueux en compagnie de Xavier Darcos pour y présenter sa réforme de l’école primaire. Les élèves de CE2 avaient préparé avec leur instituteur un questionnaire de Proust à l’intention du chef de l’Etat français. Pourquoi êtes-vous de droite ? a ainsi candidement demandé un enfant[2].

Réponse du président :

« Parce que je pense qu’il faut créer des richesses avant de les partager »

J’image qu’il a ainsi voulu pointer une différence avec la gauche qui d’après lui se soucierait d’abord du partage quitte à ce qu’il n’y ait plus rien à se partager. Mais amusons-nous à sortir la citation de son contexte pour la plonger dans le logiciel libre.

La réponse de Sarkozy est-elle soluble dans le logiciel libre ? Telle est la drôle de question du jour.

C’est sûr, la notion de partage implique d’avoir quelque chose à partager. Mais si l’on se place dans un référentiel logiciel libre alors il y a je crois au moins deux éléments à préciser.

Le premier concerne la chronologie des évènements. Notre président semble dessiner là un processus en deux temps bien distincts : d’abord la création (qui aboutit à un produit fini), ensuite le partage (direct ou indirect via la taxation). Pour un logiciel il faut une idée de départ bien sûr, mais à partir du moment où vous décidez de lui accoler une licence libre pour en faire un logiciel libre alors le partage pointe tout de suite le bout de son nez.

Le second concerne la notion même de richesses. Ce n’est certainement pas un hasard si ce mot possède plusieurs acceptions comme l’illustre la longue page dédiée du Wiktionnaire de Wikipédia. On peut se focaliser sur la richesse financière ou tout du moins matérielle mais on également extrapoler sur la richesse comme étant ce qui est précieux à moi, à autrui et à toute une communauté. Pour un logiciel, à partir du moment où vous décidez de lui accoler une licence libre pour en faire un logiciel libre alors le partage est non seulement présent mais peut également grandement participer à sa bonification. GNU/Linux sans le partage aurait tout simplement perdu toute sa richesse.

Et si, parfois, la richesse d’une création venait avant tout de son partage ?

Notes

[1] Photographie de Guillaume Paumier sous licence Creative Commons By-Sa.

[2] Source LeMonde.fr : Le président, la fondue et le questionnaire de Proust.




Le logiciel libre devrait-il être obligatoire à l’école ?

Serge Pouts-Lajus, membre fondateur de l’association d’enseignants Projetice, a tout récemment rapporté l’anecdote suivante dans les commentaires du Framablog.

« Un responsable informatique dans un rectorat m’a dit un jour ceci : le libre, ça devrait être obligatoire. Et le rapprochement de ces deux mots, libre et obligatoire, ne le choquait pas. Je dois avouer que ça m’a un peu glacé. »

Dans le même temps Richard Stallman conclut ainsi ce court extrait vidéo issue d’une conférence qui avait lieu samedi dernier[1].

—> La vidéo au format webm

« …Parce que les écoles ont une mission sociale, la mission d’éduquer la nouvelle génération comme de bons citoyens d’une société forte, capable, indépendante et solidaire, c’est-à-dire les éduquer à utiliser uniquement le logiciel libre. L’école doit enseigner uniquement le logiciel libre. »

Je profite de l’occasion pour reproduire également ci-dessous cet article[2] du même Stallman qui prolonge et précise son point de vue.

Pourquoi les écoles devraient utiliser exclusivement des logiciels libres

par Richard Stallman

Il existe des raisons très générales pour lesquelles tout utilisateur d’ordinateur devrait se focaliser sur les logiciels libres. Ils donnent la possibilité de contrôler notre propre ordinateur, alors qu’avec les logiciels commerciaux l’ordinateur obéit au propriétaire du logiciel – l’éditeur – et non plus au propriétaire de l’ordinateur lui-même. Avec les logiciels libres, les utilisateurs ont la liberté de coopérer, de mieux diriger leur vie. Cela s’applique aux écoles comme à tout le monde.

Mais il existe des raisons spécifiques qui concernent les écoles.

D’abord, les logiciels libres permettent aux écoles d’économiser de l’argent. Même dans les pays riches, les écoles ont un budget très serré. Les logiciels libres donnent aux écoles, comme aux autres utilisateurs, la liberté de copier et de redistribuer les logiciels, si bien que l’Éducation nationale (ou tout système éducatif) peut faire des copies pour tous les ordinateurs de toutes les écoles. Dans les pays pauvres, cela peut aider à réduire la « fracture numérique ».

Cet argument économique évident, quoi qu’important, n’a qu’une portée assez marginale. En effet les développeurs de logiciels propriétaires peuvent éliminer cet inconvénient en donnant des copies aux écoles. Mais attention : une école qui accepte ce « cadeau » risque de devoir payer les futures mises à jour.

Approfondissons donc la question.

L’École devrait enseigner aux élèves des comportements qui profiteront à la société toute entière. Elle devrait promouvoir l’utilisation des logiciels libres tout comme elle promeut le recyclage. Si l’École enseigne les logiciels libres aux élèves (et aux étudiants), ceux-ci les utiliseront encore après la fin de leurs études. Cela pourra aider la société toute entière à échapper à la domination (et à la lamination) par les multinationales. Ces entreprises offrent des versions gratuites de logiciels aux écoles pour la même raison que des compagnies de tabac américaines distribuent des cigarettes gratuites : pour rendre les enfants dépendants[3]. Ils ne feront pas de remises à ces élèves et étudiants après leurs études une fois qu’ils auront grandi.

Les logiciels libres permettent aux élèves et aux étudiants d’apprendre comment les logiciels fonctionnent. À l’adolescence, certains d’entre eux veulent tout apprendre au sujet de leur ordinateur et de ses logiciels. C’est à cet âge que les personnes qui deviendront de bons programmeurs devraient l’apprendre. Pour bien apprendre à écrire des logiciels, les élèves et les étudiants ont besoin de lire beaucoup de code source et d’écrire beaucoup de logiciels. Ils ont besoin de lire et de comprendre de vrais programmes que les gens utilisent réellement. Ils seront extrêmement curieux de lire le code source des programmes qu’ils utilisent.

Le logiciel propriétaire rejette cette soif de connaissance ; il dit « le savoir que tu veux est un secret, l’apprendre est interdit ! » Le logiciel libre encourage tout le monde à apprendre. La communauté du logiciel libre rejette ce « culte de la technologie », qui maintient le grand public dans l’ignorance du fonctionnement de la technologie ; nous encourageons les élèves et les étudiants de tous âges et de toutes origines à lire du code source et à apprendre autant qu’ils veulent savoir. Les écoles qui utilisent les logiciels libres encouragent cela et permettent aux apprentis programmeurs doués de progresser.

La raison suivante est encore plus profonde. Nous attendons de l’École qu’elle enseigne aux élèves et étudiants des connaissances de base et des compétences utiles, mais ce n’est pas son unique mission. La mission la plus fondamentale de l’École est d’enseigner aux gens à être de bons citoyens et de bons voisins pour œuvrer avec ceux qui ont besoin d’aide. Dans le domaine de l’informatique, cela signifie enseigner à partager les logiciels. Les écoles élémentaires, par dessus tout, devraient dire à leurs élèves : « si tu apportes un logiciel à l’école, tu devras le partager avec les autres enfants ». Bien entendu, l’école doit pratiquer ce qu’elle prêche : tous les logiciels installés par l’école devront être accessibles aux élèves pour être copiés, emportés à la maison et redistribués par la suite.

Enseigner l’utilisation des logiciels libres aux élèves et étudiants et prendre part à la communauté des logiciels libres est une forme d’éducation à la citoyenneté. Cela démontre aussi aux étudiants les avantages d’un modèle basé sur le service public plutôt que celui prôné par les ultralibéraux. Les logiciels libres devraient être utilisés à tous les niveaux de l’École.

La reproduction exacte et la distribution intégrale de cet article est permise sur n’importe quel support d’archivage, pourvu que cette notice soit préservée.

Notes

[1] Les enclosures des biens communs : du vivant aux logiciels – Conférence de Richard Stallman et Jean-Pierre Berlan à La Cantine le samedi 23 février, organisé par la Radio du Ministère entité du Labo de la Générale et de BelliGnu/Bellinux.

[2] Traduction : Laurent Bertaud.

[3] La compagnie de tabac RJ Reynolds fut condamnée à 15 millions de dollars d’amende en 2002 pour avoir fourni des échantillons gratuits de cigarettes sur des évènements ciblés sur les enfants. Voir ce lien.