À force de les rencontrer sur des événements libristes comme les RMLL et POSS, nous avons demandé aux ambassadeurs français d’openSUSE de nous parler de leur distribution GNU/Linux.
Salut ! Présentez-vous. Comment justifiez-vous votre existence ?
Nicolas : Je viens d’un monde pur Windows. Un jour j’ai dû monter un petit serveur web où je devais installer une version Linux de mon choix sans rien y connaître. J’ai trouvé un tuto openSUSE 10.3 expliquant comment installer un serveur Apache + PhP en deux clics avec Yast-HTTP et je suis tombé dedans. Ensuite j’ai voulu tester sur mon PC pour virer mon Windows XP LSD (si, si…). J’ai commencé en 2005 avec un dual boot pour terminer exclusivement sous openSUSE depuis 2008. J’ai pris part à la communauté, puis à la création de l’association loi 1901 en 2012 en tant que secrétaire. L’an dernier j’ai repris le flambeau en devenant président.
Formaliser une association pour la promotion d’openSUSE en France était une nécessité pour faciliter la présence des membres et ambassadeurs openSUSE aux salons. Ils étaient reconnus par le programme openSUSE international mais pas forcément légitimes vis-à-vis des organisateurs locaux. On a un système d’adhésion qui couvre le budget hébergement. Quant aux goodies en version française et les clés USB, on vend à prix coûtant pour autofinancer les rééditions. Une année on était en galère mais on a eu la chance d’avoir du sponsoring de SUSE France qui nous soutient quand ils le peuvent, que ce soit financièrement ou matériellement au travers de goodies, etc. C’est appréciable de reproduire dans l’hexagone la synergie entre la communauté opensource et l’entreprise.
Antoine : openSUSE est la première distribution que j’ai utilisée. Je l’ai découverte en 2008, dans un magazine Linux. Des amis à moi utilisaient Ubuntu et m’avait convaincu d’essayer mais je n’avais trouvé que ce magazine, avec un DVD d’openSUSE (10.3) à l’intérieur. J’ai accroché : le changement, le vert, le caméléon comme logo. Bref, je l’ai installée (dual-boot), cassée, réinstallée, recassée, etc. J’ai appris plein de trucs, notamment grâce au forum Alionet. J’ai depuis essayé d’autres distributions, « en dur » mais aussi dans des machines virtuelles. Au final, je reviens toujours vers openSUSE, parce que c’est là où je me sens le mieux.
J’ai commencé à écrire des news sur Alionet en 2014, après la mort de jluce, un des admins du site qui en écrivait plein. Je trouvais dommage de ne pas essayer de continuer ce qu’il avait commencé. J’écris des articles sur openSUSE, pour informer de l’actualité du projet ; parfois des tutos, notamment quand je vois plusieurs personnes ayant une même difficulté sur le forum ; et enfin, sur tout ce qui touche au libre en général.
Qu’est-ce qui différencie openSUSE des autres distros ?
À mon sens, c’est une distribution qui s’adresse aussi bien aux débutants qu’aux utilisateurs avancés (powerusers) avec un certain nombre de qualités :
La distribution répond aussi bien à des besoins de poste de travail, d’ordinateur portable ou encore de serveur (elle partage le même core SUSE Linux Entreprise Server). Je l’utilise sur mes propres serveurs qu’ils soient physiques ou virtualisés, mes stations de travail fixes ou portables. Quelle que soit l’utilisation, ce qu’appréciera l’utilisateur, c’est sa stabilité. D’ailleurs, il existe également des images ARM pour les Raspberry Pi, Pi2 et Pi3.
L’ensemble des environnements graphiques proposés ont le même degré de finition et d’intégration dans la distribution que ce soit sur l’ISO de base : KDE (défaut), GNOME (mon bureau par défaut), LXQt, XFCE mais aussi via les dépôts en ligne pour MATE ou Cinnamon ou encore Enlightenment.
L’outil d’administration Yast est un atout indéniable pour administrer la machine que ce soit les dépôts en ligne, l’ajout/suppression de logiciel, la gestion des services, des utilisateurs, etc. De nombreux modules sont disponibles et de nouveaux arrivent régulièrement pour suivre les évolutions technologiques comme Snapper pour gérer les instantanés (snapshots) du système de fichiers Btrfs ou encore celui pour gérer des conteneurs Dockers.
Pour les utilisateurs débutants il est possible d’installer via Yast un serveur web, FTP ou email en quelques clics. Idéal pour avoir une base fonctionnelle et ensuite « mettre les mains dedans ». D’ailleurs l’édition manuelle, n’invalide pas l’utilisation de YaST dans la majorité des cas.
Si l’utilisateur avancé ne veut pas utiliser Yast, il est tout à fait en droit d’éditer les fichiers de configurations manuellement et d’utiliser Zypper pour la gestion des paquets (un équivalent robuste de apt-get des familles DEB). Les administrateurs systèmes apprécieront également le dernier projet né : Machinery, un outil pour GNU/Linux afin d’inspecter les configurations des machines.
Ce que j’apprécie justement dans la communauté openSUSE c’est que les outils ne sont pas élitistes et profitent également aux autres distributions. Prenons par exemple l’outil OpenBuildService (OBS) qui est une forge utilisée pour construire des packages. L’instance publique utilisée pour les différentes versions d’openSUSE (et de SLES) est ouverte aux contributions, actuellement l’openSUSE Build Service héberge 47 593 projets, pour un total de 402 280 paquets dans 77 223 dépôts et est utilisée par 45 616 personnes. Il est simple et ouvert à tous de se créer un compte et packager sur cette plate-forme sans pour autant se limiter à *SUSE seulement, ni aux plates-formes Intel. Votre paquet peut-être construit pour toutes les distributions majeures (RHEL, CentOS, Fedora, SLES, openSUSE, Debian, Ubuntu, Mageia, AchLinux, etc) avec le support matériel allant des processeurs ARM jusqu’au mainframe. D’ailleurs le projet VLC utilise sa propre instance de l’OBS pour packager l’ensemble des versions du célèbre logiciel. L’instance privée permettant également la construction de logiciels pour les plateformes Windows.
Pourquoi est-elle moins connue en France qu’en Allemagne ?
Elle n’est pas populaire qu’en Allemagne, de nombreux pays l’utilisent et ce n’est pas pour rien qu’elle est souvent entre la troisième et cinquième place sur DistroWatch.
En revanche, c’est indéniable, elle reste méconnue en France. Je pense qu’il y a plusieurs raisons à cela.
D’une part, c’était une distribution payante à la base, elle n’est devenue gratuite sous l’appellation openSUSE qu’à partir la version 10.
Quand j’ai démarré Linux en 2004, j’ai commencé avec Ubuntu car j’avais des problèmes de reconnaissance de matériel, ce qui s’est clairement amélioré par la suite. À présent, je ne rencontre plus de difficulté de support matériel que ce soit sur de l’assemblé ou du constructeur même si bien évidemment, je me documente avant d’acheter. Un autre manque était le nombre de logiciels disponibles mais là encore la communauté a largement rattrapé son retard.
Ensuite, il y a eu le « scandale » des accords Novell Microsoft alors que Novell possédait SUSE. Paradoxalement, même si tout le monde a crucifié la distribution, c’est cette collaboration qui a permis à l’ensemble des distributions Linux de s’insérer sur un réseau géré en active directory 100% Windows. Comme je me fais souvent troller sur les stands avec cela, je tiens d’ailleurs à préciser que suite au rachat de Novell par Microfocus, SUSE et Novell sont deux entités distinctes et les accords liaient spécifiquement Novell et Microsoft, SUSE n’est donc plus concerné.
Pour toutes ces raisons, je pense que la communauté francophone est en retrait par rapport aux autres mais dès que l’on franchit les frontières de l’Hexagone, ce n’est plus la même répartition. C’est d’autant plus frustrant que lors d’événements du type RMLL, Solutions Linux, Paris OpenSource Summit, Capitole du Libre, des personnes viennent nous revoir d’une année à l’autre en nous disant qu’elles ne regrettent pas d’avoir essayé notre caméléon. Elles n’ont pas eu besoin de venir sur le forum chercher de l’aide. Comme toujours, les personnes qui s’inscrivent ont généralement des problèmes à résoudre, il manque les autres pour qui tout s’est bien passé.
En tout cas c’est moins facile d’avoir de l’aide… Moi aussi, je me suis battu avec une carte réseau récalcitrante et j’ai laissé tomber. Dommage, j’aimais bien. Comment on fait quand on galère ?
La communauté openSUSE francophone est clairement moins importante que celles d’autres distributions. C’est l’histoire de l’œuf ou la poule : est-ce que la communauté est petite à cause de sa popularité dans l’Hexagone ou est-ce l’inverse ?
Il existe néanmoins des moyens de trouver de l’aide sur openSUSE :
Bref, un éventail de plate-formes pour essayer de correspondre à chacun.
Vous avez tout le temps plein de goodies. Il y a des sous dans openSUSE ? Quel est le modèle économique ?
openSUSE est financée en majeure partie par SUSE, qui a lancé la distribution. L’entreprise encourage ses ingénieurs à participer à openSUSE. Du coup ils peuvent bosser sur la distribution sur une partie de leur temps de travail. Il y a aussi d’autres entreprises qui font des dons de matériel (notamment les machines pour l’openSUSE Build Service).
Concernant les goodies, lorsqu’on est ambassadeur openSUSE, il est possible via le wiki + email de prétendre à un kit stand. Il faut indiquer l’événement, le volume de personnes attendues, etc. openSUSE envoie alors un kit stand que nous devons redistribuer gratuitement. (nappe, 2 t-shirts, flyers en anglais).
En parallèle l’association Alionet a pris plusieurs initiatives :
Prendre contact avec SUSE France avec qui nous avons d’excellents contacts pour quelques goodies supplémentaires.
Éditer sur le budget de l’association propre des t-shirts et clés USB car nous n’en avions pas de la part de nos partenaires.
Nous prenons en charge l’impression de documents en français puisque openSUSE ne fournit que des informations en anglais.
Pourquoi est-elle passée en rolling release ?
En fait, elle n’est pas passée en rolling release. 😉
Le projet propose maintenant deux distributions : une « classique », openSUSE Leap, la distribution principale, l’héritière de l’openSUSE que l’on connaissait jusqu’à l’an dernier. La dénomination Leap souligne le fait qu’il y a eu un changement dans la façon de construire la distribution, en faisant une base commune avec SUSE Linux Enterprise (SLE) la distribution commerciale de SUSE. Un « saut » qui s’est traduit également dans le numéro de version : 13.2 -> 42.1.
Une en rolling release effectivement : openSUSE Tumbleweed (« virevoltant » en anglais). Elle, c’est l’héritière de « Factory », une base de code instable qui servait aux contributeurs du projet à mettre au point openSUSE ancienne formule (avant Leap). Cette base de code a évolué, s’est dotée de nouveaux outils pour finalement être considérée comme « stable » – dans le sens où ça ne casse pas, mais bien sûr ça bouge vite – et être appelée Tumbleweed.
Pourquoi faire ça ? Pour mieux répondre aux besoins de chacun : ceux qui ont besoin d’une grande stabilité ou ne veulent pas beaucoup de changements sur leur système peuvent utiliser Leap, ceux qui veulent des logiciels toujours plus récents (mais stables ; pas des préversions ou très peu) peuvent utiliser Tumbleweed.
Quoi de neuf dans la nouvelle version, justement ?
Une des nouvelles les plus intéressantes est l’arrivée de Plasma 5.8.1, la toute dernière version du bureau KDE. C’est une version estampillée LTS, c’est-à-dire que KDE va se focaliser sur la stabilité et la durée pour cette version, ce qui colle avec les objectifs de Leap. Pour la petite histoire, openSUSE et KDE se sont mis d’accord pour que leurs calendriers respectifs collent et que Leap 42.2 puisse intégrer dans de bonnes conditions cette nouvelle version de Plasma. Et pour la deuxième petite histoire : KDE chez openSUSE, c’est entièrement géré par la communauté (ça ne vient pas de SLE).
Pour les amateurs de cartes et d’embarqué, de nouveaux portages pour ARM sont disponibles.
Pour les amateurs de nouveaux systèmes de fichiers : Snapper peut utiliser les quotas Btrfs pour gérer le nettoyage des snapshots.
Pas à ma connaissance. Il y a peut être eu des signes en amont qui expliqueraient pourquoi openSUSE a revu son mode de fonctionnement en proposant deux versions : Leap et son rapprochement avec la version SUSE Linux Entreprise et la rolling release Tumbleweed face à la popularité d’Archlinux par exemple.
Ce que je constate en revanche, c’est le déclin de communauté d’entraide en général. La montée des réseaux sociaux a tué les bons vieux forums d’entraide et les mentalités ont changé. On peine à recruter des bonnes volontés mais ce n’est pas un problème exclusif à Alionet.
Comment peut-on aider au développement d’openSUSE ?
Une petite liste non-exhaustive de choses que l’on peut faire pour participer :
En parler à ses amis/ses collègues/son LUG pour mieux faire connaître les distribs ;
Demander, on trouvera quelque chose à vous faire faire ^^
Le mot de la fin est pour vous
openSUSE est un projet global vraiment passionnant avec une communauté internationale très ouverte. Sa communauté francophone bien que peu nombreuse n’en est pas moins réactive et les personnes ont toujours trouvé des réponses à leurs questions.
N’hésitez pas à tester cette distribution et à venir à notre rencontre. 🙂
Le travail de Salim Virani que nous vous invitons à parcourir est remarquable parce qu’il a pris la peine de réunir et classer le très grand nombre de « petites » atteintes de Facebook à notre vie privée. Ce n’est donc pas ici une révélation fracassante mais une patiente mise en série qui constitue une sorte de dossier accablant sur Facebook et ses pratiques avouées ou inavouables. Vous trouverez donc de nombreux liens dans l’article et au bas de l’article, qui sont autant de sources.
Si comme nous le souhaitons, vous avez déjà renoncé à Facebook, il est temps d’en libérer vos proches : les références et les faits évoqués ici par Salim Virani seront pour vous un bon réservoir d’arguments.
Par quoi remplacer Facebook lorsqu’on va supprimer son compte ? Telle est la question qui reste le point bloquant pour un certain nombre de personnes. Bien sûr il existe entre autres Diaspora et ses divers pods (dont Framasphère bien sûr), mais Salim Virani répond plutôt : par de vrais contacts sociaux ! Avons-nous vraiment besoin de Facebook pour savoir qui sont nos véritables amis et pouvoir échanger avec eux ?
N’hésitez pas à nous faire part de votre expérience de Facebook et de ses dangers, dont le moindre n’est pas l’addiction. Saurons-nous nous dé-facebook-iser ?
Dites à ceux que vous aimez de laisser tomber Facebook
par Salim Virani
J’ai écrit ce qui suit pour ma famille et mes proches, afin de leur expliquer pourquoi les dernières clauses de la politique de confidentialité de Facebook sont vraiment dangereuses. Cela pourra peut-être vous aider aussi. Une série de références externes, et des suggestions pour en sortir correctement, se trouvent au bas de cet article.
Mise à jour 2017 : beaucoup des inquiétudes que j’avais se sont avérées fondées. Facebook a persévéré dans sa logique de mépris envers ses utilisateurs. J’ai actualisé cet article en y ajoutant quelques liens et arguments supplémentaires.
« Ah au fait, j’avais envie de te demander pourquoi tu quittes Facebook », telle est la question embarrassée qu’on me pose du bout des lèvres très fréquemment ces temps-ci. Genre vous savez plus ou moins que Facebook c’est mal, mais vous n’avez pas trop envie de savoir jusqu’à quel point.
J’ai été un grand supporter de Facebook – un des premiers utilisateurs de mon entourage à défendre ce moyen génial de rester en contact, c’était en 2006. J’ai fait s’inscrire ma mère et mes frères, ainsi qu’environ vingt autres personnes. J’ai même enseigné le marketing de Facebook à l’un des plus prestigieux programmes technologiques du Royaume-Uni, la Digital Business Academy. Je suis un technico-commercial – donc je peux voir les implications – et jusqu’à maintenant elles ne m’avaient pas inquiété plus que ça. Je ne prenais pas au sérieux les personnes qui hésitaient en invoquant des questions de vie privée.
Juste pour vérifier…
Pendant les vacances 2014/2015, j’ai voulu passer quelques minutes à vérifier les prochains changements dans la politique de confidentialité, avec une attitude prudente en me demandant « et si… ? ». Certaines éventualités étaient inquiétantes, en particulier concernant nos informations financières et de localisation, sans oublier tout le reste. En fait, ce que je soupçonnais a déjà eu lieu il y a deux ans, depuis 2011 ! Ces quelques minutes se sont changées en quelques jours de lecture. J’ai ignoré beaucoup d’affirmationspas qui, selon moi, peuvent être expliquées comme des accidents (« techniquement plausibles » ou « techniquement fainéantes »).
Après tout, je suis moi-même le fondateur d’une start-up, et je sais à quel point les questions techniques peuvent être complexes. Par exemple, les droits d’accès excessifs demandés par l’application Facebook pour Android proviennent d’un problème technique étroitement lié à Android. Mais il restait encore beaucoup de préoccupations concernant la protection de la vie privée, et j’ai croisé ces faits avec des techniques que je sais être standards dans le marketing basé sur les données.
Avec ces derniers changements de confidentialité le 30 janvier 2015, j’ai peur.
Facebook a toujours été légèrement pire que toutes les autres entreprises technologiques avec une gestion louche de la confidentialité ; mais maintenant, on est passé à un autre niveau. Quitter Facebook n’est plus simplement nécessaire pour vous protéger vous-même, c’est devenu aussi nécessaire pour protéger vos amis et votre famille. Cela pourrait être le point de non-retour – mais il n’est pas encore trop tard pour reprendre le contrôle.
Une petite liste de pratiques de Facebook
Il ne s’agit plus simplement des informations que Facebook dit qu’il va prendre et ce qu’il va en faire ; il s’agit de tout ce qu’il ne dit pas, et qu’il fait tout de même grâce aux failles qu’ils se sont créées dans les Conditions de Service, et la facilité avec laquelle ils reviennent sur leurs promesses. Nous n’avons même plus besoin de cliquer sur « J’accepte ». Ils modifient simplement la politique de confidentialité, et en restant sur Facebook, vous acceptez. Et hop !
Aucune de vos données sur Facebook n’est sécurisée ni anonyme, quels que soient vos paramètres de confidentialité. Ces réglages sont juste des diversions. Il y a des violations de confidentialité très sérieuses, comme la vente de listes des produits que vous recommandez à des annonceurs et des politiciens, le pistage de tout ce que vous lisez sur Internet, ou l’utilisation des données de vos amis pour apprendre des informations privées sur vous – aucune de ces pratiques n’a de bouton « off ». Pire encore, Facebook agit ainsi sans vous le dire, et sans vous révéler les dommages que vous subissez, même si vous le demandez.
Facebook donne vos données à des « tiers » via les applications que vous utilisez, puis il affirme que c’est vous qui le faites, pas eux. À chaque fois que vous utilisez une application connectée à Facebook, vous autorisez Facebook à échapper à sa propre politique de confidentialité avec vous et vos amis. C’est comme quand mon frère me forçait à me frapper moi-même, puis me demandait « Pourquoi tu te frappes tout seul ? ». Et il allait dire à ma mère que ce n’était pas de sa faute.
En creusant un peu, j’ai découvert tout le pistage que fait Facebook – et je l’ai vérifié avec des articles de sources connues et réputées, ainsi qu’avec des études qui ont été examinées minutieusement. Les liens sont dans la section Source à la fin de ce post.
Ça semble fou quand on met le tout bout à bout !
Facebook crée de fausses recommandations de produits venant de vous pour vos amis – et ils ne vous le disent jamais.
Quand vous voyez un bouton « J’aime » sur le web, Facebook est en train de repérer que vous êtes en train de lire cette page. Il parcourt les mots-clés de cette page et les associe avec vous. Il sait combien de temps vous passez sur les différents sites et les différents sujets.
Ils repèrent votre localisation et l’utilisent pour trouver des informations sur vous, si par exemple vous êtes malade (si vous êtes chez un médecin ou un spécialiste), avec qui vous couchez (qui est à vos côtés pendant la nuit), où vous travaillez, si vous êtes en recherche d’emploi (un rendez-vous d’une heure dans les bureaux de la concurrence), etc.
Ils ont organisé des campagnes de quasi-dénonciation pour inciter par la ruse les amis des gens à révéler des informations sur eux, alors qu’ils avaient décidé de les garder secrètes.
Ils utilisent l’énorme quantité de données qu’ils ont sur vous (avec vos « J’aime », ce que vous lisez, ce que vous écrivez mais que vous ne publiez pas) pour créer des profils très précis de qui vous êtes – même si vous faites tout pour garder ces choses secrètes. Il y a des techniques statistiques, qui existent depuis des décennies en marketing, pour trouver des modèles comportementaux en corrélant les actions et les caractéristiques d’une personne. Même si vous n’avez jamais publié quoi que ce soit, ils peuvent facilement déduire vos âge, sexe, orientation sexuelle et opinions politiques. Quand vous publiez, ils en déduisent beaucoup plus. Puis ils le révèlent aux banques, aux compagnies d’assurances, aux gouvernements et, évidemment, aux annonceurs.
« Je n’ai rien à cacher »
Pourtant, beaucoup de gens ne s’en inquiètent pas, estimant qu’ils n’ont rien à cacher. Pourquoi s’intéresseraient-ils à ma petite personne ? Pourquoi devrais-je m’inquiéter de cela alors que je ne fais rien de mal ?
L’histoire est désormais célèbre : une adolescente enceinte a vu sa grossesse révélée au grand jour par le magasin Target, après que ce dernier a analysé ses données d’achat (sacs à main plus grands, pilules contre le mal de tête, mouchoirs…) et a envoyé par erreur un message de félicitations à son père, qui n’était pas au courant. Oups !
Il arrive la même chose à vos données, qui sont révélées à n’importe quelle entreprise sans contrôle de votre part. Et cela se traduit par les différentes manières dont vos données peuvent révéler des choses vous concernant à des entités que vous ne souhaitez pas mettre au courant.
L’un des problèmes les plus évidents ici concerne les compagnies d’assurance. Les données qu’elles récoltent sur vous sont exploitées pour prédire votre futur. Aimeriez-vous qu’on vous refuse une assurance santé sous prétexte qu’un algorithme a prédit à tort que vous aviez commencé à consulter un cardiologue ?
Et si votre employeur ou futur employeur savait que vous êtes peut-être enceinte ?
Aimeriez-vous que votre patron soit au courant quand vous n’êtes pas réellement cloué au lit, ou quand vous cherchez un autre job ?
Aimeriez-vous que n’importe qui soit au courant si vous avez des difficultés à payer votre prêt ? Si vous vendez votre maison, les acheteurs sauront qu’ils sont en position de force.
Même si nous avons pour la plupart d’entre nous le sentiment que nous n’avons rien à cacher, nous nous retrouvons tous parfois dans des situations où nous avons besoin que certaines choses restent secrètes, au moins pendant un temps. Mais nous renonçons à cela – et pour quelle raison ?
Extraits des « Conditions d’utilisation » (et non « Politique de confidentialité », vous voyez l’astuce ?)
Vous nous donnez permission d’utiliser votre nom, image de votre profil, le contenu et les informations en lien avec des activités commerciales, soutiens sponsorisés et autres contenus (comme les marques que vous aimez), proposés ou mis en avant par nos soins.
Plus bas :
Par « information » nous voulons dire les données et autres informations qui vous concernent, ce qui inclut les faits et gestes des utilisateurs et des non-utilisateurs qui interagissent avec Facebook.
Donc cela inclut tout ce qu’ils collectent sur vous mais sans vous le dire. Tout ce que vous lisez sur Internet, tout ce qu’on a jamais publié à votre propos, toutes vos transactions financières privées.
De plus, vos données commencent à être combinées avec les données de vos amis pour faire un modèle encore plus précis. Il ne s’agit pas que de vos données, mais ce que l’on obtient quand on combine tout ensemble.
Le problème n’est pas ce que nous avons à cacher, il s’agit de garantir le droit fondamental à notre liberté – lequel est notre droit à la vie privée
Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes à son honneur et à sa réputation.
Nous avons le droit de dire un mot sur la façon dont ces informations seront utilisées. Mais en utilisant Facebook, nous les abandonnons volontairement, pas seulement les nôtres mais aussi celle de nos amis, de notre famille !
Si vous admettez avoir commis quelque chose d’illégal dans les messages privés de Facebook, ou si vous avez simplement mentionné un soutien à une action politique, cela pourra être utilisé contre vous à l’avenir, tout particulièrement par un gouvernement étranger. Vous pouvez être arrêté simplement parce que vous étiez au mauvais endroit au mauvais moment, ou être mis à l’écart à l’aéroport un jour, pour risquer de la prison car vous avez révélé que vous avez fait quelque chose d’illégal il y a 5 ans. Un comédien New Yorkais a vu une équipe SWAT (un groupe d’intervention policière américaine musclé) entrer dans son appartement pour une blague sur Facebook. Les forces de l’ordre commettent souvent des erreurs, et vous leur donnez plus de pouvoir et plus de chance d’être dans l’erreur. Vous rechargez le fusil, le pointez sur votre tempe, et le donnez à n’importe quel « applicateur de la loi » à la gâchette facile capable d’acheter vos données personnelles.
Pas besoin de parler d’une hypothétique surveillance gouvernementale ici. L’un des premiers investisseurs de Facebook, Greylock, a un conseil d’administration en lien avec la CIA via une entreprise appelée In-Q-Tel. Selon leur site web, ils « identifient les technologies de pointe pour aider la CIA et plus largement l’intelligence américaine à poursuivre leur mission ». Et si vous n’êtes toujours pas au courant, il a été révélé que les données de Facebook ont été livrées directement au programme PRISM.
Les courtiers en données commerciales
Et comme je l’explique plus loin, ces informations se retrouvent de toute façon en grande partie publiquement accessible. Pas besoin des programmes de la NSA, les entreprises de données marketing s’en occupent, en dés-anonymisant toutes vos données pour les vendre encore et encore. C’est fait systématiquement et automatiquement. Il y a toute une industrie autour de ça. Il y a des places de marché pour acheter et vendre les données des consommateurs, qui étaient bâties originellement autour des agences de crédit et des entreprises de publipostage, puis qui ont évolué avec l’industrie de la barre d’outil de navigateur, quand Internet Explorer était répandu – maintenant il y a encore plus d’informations qu’avant. Un exemple récent est RapLeaf qui a collecté et publié des informations identifiables personnellement, y compris des identifiants Facebook et MySpace.
Ils ont arrêté suite à une sérieuse controverse, mais non seulement le mal avait été fait, mais il y a eu d’autres entreprises qui ont échappé à cette mauvaise publicité et ont continué ces pratiques. Il ne s’agit pas de la façon dont les commerciaux vous adressent des publicités ciblées : le problème, c’est que vos données sont achetées et vendues pour cela.
Dans quel pays envisagez-vous de partir en voyage ? Êtes-vous d’accord pour confier toutes ces informations sur vous aux forces de l’ordre de ce pays ? Parce que, sachez-le : elles les achètent.
Le truc, c’est qu’il n’y a pas besoin d’approuver une théorie du complot pour être concerné. Mark Zuckerburg lui-même a été très clair publiquement avec ses investisseurs à propos de ses intentions :
1) Être l’intermédiaire de toutes les communications personnelles.
C’est pour cela qu’ils ont conçu Messenger et acheté WhatsApp, mais n’oubliez pas qu’ils ont essayé pire. Quand ils ont lancé les emails Facebook, ils ont profité des utilisateurs qui avaient synchronisé leurs contacts Facebook. Ils ont fait en sorte que l’adresse @facebook.com soit l’adresse par défaut pour tout le monde. Pourquoi ? Pour que vos amis vous envoient des e-mails sur votre adresse @facebook.com au lieu de votre adresse normale, ce qui leur permettra de lire vos correspondances.
2) Rendre publiques toutes les communications privées au fil du temps.
C’est pour cela qu’ils ont lentement changé les paramètres de vie privée par défaut vers public, rendu les configurations de la vie privée de plus en plus difficiles à utiliser, et prétendent maintenant que leur outil d’aide à la vie privée va changer cela.
En réalité, il y a une foule de violations de la vie privée qui ne peuvent être désactivées, comme permettre aux publicitaires d’utiliser votre liste de contacts, couper la façon dont Facebook suit ce que vous lisez sur Internet, ou empêcher Facebook de collecter d’autres informations sur vous. Vous ne pouvez pas les désactiver !
Facebook ne vous laisse pas partager ce que vous voulez
Même si vous n’avez rien à cacher, inquiétez-vous du contraire, ce que Facebook choisit de cacher quand vous souhaitez le partager. Ils vous filtrent.
« Je voulais te demander pourquoi tu quittes Facebook » arrive généralement après quelque chose comme « Tu n’as pas vu mon post la semaine dernière ? ».
Si vous avez déjà eu cette conversation, vous aurez noté qu’il y a une grande différence entre vos attentes lorsque vous communiquez sur Facebook et ce qui arrive réellement. En gros, Facebook filtre vos posts suivant que les utilisateurs utiliseront plus Facebook ou non s’ils ne le voient pas.
On a l’impression que Facebook est la seule manière de rester en contact. Avec les photos et les commentaires. On a l’impression que tout le monde y est et qu’on y voit une bonne partie de leur vie.
En fait, un grand nombre de vos messages ne sont jamais vus par personne !
Et vous en manquez plein aussi. Même si ceux de vos amis vous arrivent, cela ne veut pas dire que les vôtres leur parviennent.
Les messages privés puent aussi. Combien de messages Facebook envoyés sans réponse ? À combien de messages Facebook pensez-vous avoir oublié de revenir plus tard, combien en manquez-vous simplement ? Est-ce comme ça que vous voulez traiter vos amis ?
Facebook est un moyen vraiment peu fiable pour rester en contact.
Le mois dernier (NdT : en 2015), j’ai simplement cessé d’utiliser Facebook. Quelque chose d’incroyable est arrivé. Les gens m’ont téléphoné, et on s’est vraiment donné de nos nouvelles. Ma famille était plus en contact. Mon frère m’a envoyé des courriels avec des nouvelles. Des amis sont venus chez moi me dire bonjour.
C’était, disons, social.
Censure politique
Facebook bloque des publications s’il y a du contenu politique qu’il n’aime pas. Ils ont bloqué des publications concernant Ferguson et d’autres manifestations politiques. Quand Zuckerberg a prétendument pété un câble et a banni les mots « vie privée » des réunions à Facebook, cela a aussi été censuré dans toutes les publications Facebook. Vous aviez juste un message d’erreur à propos de « contenu inapproprié ». Ouais, c’est ça ! Inapproprié pour qui ?
Pourtant, nous ne devrions pas être surpris. Facebook n’est pas une plate-forme neutre – nous devons être conscients des objectifs des gens qui sont derrière. Zuckerberg a révélé ses intentions publiquement. Le premier membre du conseil de Facebook aussi, Peter Thiel, un conservateur. Quand il était plus jeune, il a écrit un livre remettant en question le multiculturalisme à Stanford, et il soutient maintenant une théorie appelée le « Désir Mimétique » qui, parmi d’autres choses positives, peut utiliser les groupes sociaux des gens pour manipuler leurs désirs et leurs intentions (je suis un fan de Thiel quand il parle des startups – mais on oublie souvent que beaucoup de gens ne connaissent pas tout ceci).
Facebook va jusqu’à laisser des organisations politiques bloquer vos communications. Il suffit de quelques personnes pour classer comme offensant un article d’actualité, et il est supprimé du flux de tout le monde. Cette fonctionnalité est souvent détournée. Je peux bloquer n’importe quel article sur Facebook en convainquant quelques amis de le classer comme offensant. C’est de la censure facile et pas chère.
Mise à jour de 2017 : on a vu combien cela a affecté les élections des États-Unis. Les fils d’actualité des gens qui avaient des idées opposées étaient souvent filtrés, et pourtant des fausses actualités se sont facilement répandues facilement, parce que ces faux gros-titres renforcent nos convictions et nous sommes contents de les partager.
Tout cela confirme que c’est une mauvaise idée de compter sur Facebook pour communiquer avec des gens qui sont importants pour vous. Votre habitude d’utiliser Facebook implique que d’autres personnes doivent utiliser Facebook.
C’est un cercle vicieux.
En fait, cela nuit à vos relations avec beaucoup de gens, parce que vous pensez que vous êtes en contact avec eux, mais vous ne l’êtes pas. Au mieux, vous êtes en contact avec une version filtrée de vos amis. Ces relations s’affaiblissent, alors que vos relations avec des personnes qui publient du contenu qui plaît à Facebook prennent leur place.
Non seulement Facebook veut lire toutes vos communications, mais il veut aussi les contrôler.
Vous balancez vos amis
Même si vous pensez que tout ça ne vous pose pas trop de problèmes, en utilisant Facebook, vous forcez vos amis et votre famille à accepter la même chose. Même ceux qui ne sont pas sur Facebook, ou qui vont jusqu’à utiliser des faux noms.
Si vous avez déjà utilisé la synchronisation des contacts Facebook, ou si vous avez déjà utilisé Facebook sur votre téléphone, alors Facebook a récupéré la totalité de votre liste de contacts. Les noms, les numéros de téléphone, les adresses, les adresses électroniques, tout. Puis ils utilisent tout ça pour créer des « profils fantômes » des gens que vous connaissez et qui ne sont pas sur Facebook. Les internautes qui n’utilisent pas Facebook s’en aperçoivent souvent en recevant des e-mails qui contiennent leurs informations personnelles de la part de Facebook. Les internautes qui utilisent Facebook s’en aperçoivent aussi quand ils publient une photo d’un ami qui n’est pas sur Facebook, et qu’elle se retrouve automatiquement taguée. Mon ami n’est pas sur Facebook, mais comme d’autres amis et moi avons utilisé Facebook sur nos téléphones, Facebook connaît son nom et ses informations de contact, et sait aussi qui sont ses amis, puisqu’il peut le voir dans leur liste de contacts et leur journal d’appel. Il suffit de publier quelques photos avec son visage (ils peuvent l’identifier sur des photos), et voilà, ils peuvent ajouter les données de géolocalisation tirées des photos à son profil fantôme. Beaucoup d’autres techniques de Facebook fonctionnent aussi avec les profils fantômes. Et par-dessus le marché, ils peuvent déduire beaucoup de choses sur lui très précisément en s’appuyant sur des similitudes statistiques avec ses amis.
Donc en gros, on a tous balancé accidentellement nos amis qui voulaient préserver leur vie privée. Facebook nous a piégés.
Mais les pièges de Facebook vont encore plus loin.
La « vie privée » ne s’applique pas à ce que Facebook déterre
Tout comme les profils fantômes des gens, Facebook peut « deviner un like » en fonction d’autres informations qu’il possède sur vous, comme ce que vous lisez sur Internet ou ce que vous faites dans les applications quand vous vous y authentifiez avec Facebook ou ce qu’il y a sur votre facture de carte bleue (j’en parlerai davantage plus loin). Appelez cela un « like fantôme ». Cela leur permet de vous vendre à plus d’annonceurs.
Il y a déjà une vaste documentation sur la collecte de ces informations par Facebook. La technique du « like fantôme » est simplement une utilisation standard des techniques statistiques en marketing de base de données. Si vous lisez beaucoup sur ce sujet, vous l’aimez probablement. Ce genre de chose. Ces techniques sont utilisées en marketing depuis les années 80 et vous pouvez embaucher des étudiants en statistiques pour le faire, même si bien sûr, Facebook embauche les meilleurs du domaine et cherchent à faire avancer l’état de l’art en intelligence artificielle pour cela. En Europe, Facebook est légalement obligé de partager toutes les informations qu’il a sur vous, mais il refuse. Donc il y a encore une autre action en justice contre eux.
Les permissions
Au travers de son labyrinthe de redéfinitions des mots comme « information », « contenu » et « données », vous permettez à Facebook de collecter toutes sortes d’informations sur vous et de les donner à des annonceurs. Avec votre permission seulement, disent-ils, mais la définition de « permission » contient l’utilisation d’une application ou qui sait quoi d’autre.
Et vous pensiez que ces requêtes Farmville étaient embêtantes. À chaque fois que vous en voyez une, cet ami révèle vos informations à des « tiers ».
Vous voyez comment ça marche ? Vous dites à Facebook que c’est « uniquement pour vos amis », mais vos amis peuvent le révéler à un « tiers ». Et la plupart des applications qu’ils utilisent sont des « tiers ».
Donc en fait, tout ce que vous marquiez en « amis seulement » n’a pas grande importance. En étant sur Facebook, il y a bien plus d’informations à votre propos qui sont collectées, combinées, partagées et utilisées.
Ils disent qu’ils « anonymisent » ça, mais en réalité il n’y a qu’une étape pour le dés-anonymiser. Beaucoup de données anonymes, comme ce que vous postez et quand, vos photos, votre localisation à tel moment est suffisant pour un grand nombre d’entreprises qui relient ces données anonymes à vous – et les revendent (c’est pour cela que ça n’a pas d’importance que vous utilisiez un faux nom sur Facebook, vos données sont comme une empreinte digitale et permettront de vous associer à votre vrai nom).
En plus, ils permettent à toutes les applications Facebook d’avoir un accès complet à vos informations – avec votre nom et tout. Et même si vous n’utilisez jamais d’application sur Facebook, vos amis le font. Lorsqu’ils utilisent ces applications, ces amis partagent toutes vos informations pour vous. Il y a toute une industrie derrière.
Certaines choses ont bien un bouton « off », mais rappelez-vous que c’est temporaire, et comme Facebook l’a fait dans le passé, ils les réactiveront sans vous en avertir. Lorsque Facebook a démarré (et sans doute quand vous vous êtes inscrit) c’était clairement un endroit sûr pour partager avec vos amis. C’était leur grande promesse. Avec le temps, ils ont passé les paramètres de confidentialité à « public par défaut ». De cette façon, si vous vouliez toujours garder Facebook mais seulement pour vos amis, vous deviez trouver manuellement plus d’une centaine de paramètres sur d’innombrables pages cachées. Ensuite, ils ont abandonné ces paramètres pour forcer les informations à être publiques de toute façon.
Pourquoi est-ce que vous vous frappez tout seul ? 🙂
Vente de vos recommandations sans votre accord
Vous avez sûrement déjà remarqué des publicités Facebook avec une recommandation de vos amis en dessous. En gros, Facebook donne aux annonceurs le droit d’utiliser vos recommandations, mais vous n’avez aucun contrôle dessus. Cela ne concerne pas simplement quand vous cliquez sur un bouton « J’aime ». Il y a des cas connus de végétariens qui recommandent McDonald’s, d’une femme mariée heureuse qui recommande des sites de rencontres, et même un jeune garçon qui recommande un sex club à sa propre mère !
Ces cas étaient si embarrassants que les personnes concernées s’en sont rendu compte. Les gens les ont appelées. Mais dans la plupart des cas, ces « recommandations » ne sont pas découvertes – les gens pensent qu’elles sont vraies. C’est encore plus effrayant, car Facebook est largement utilisé pour la promotion politique, et la recommandation de produits. Les gens savent que j’ai déjà collecté des fonds pour le soutien d’enfants malades du cancer, donc cela ne les étonnera peut-être pas de voir une publicité où je recommande un programme chrétien d’aide aux enfants pauvres en Afrique. Mais je ne soutiens absolument pas les programmes qui ont une tendance religieuse, car ils sont connus pour favoriser les gens qui se convertissent. Pire, des gens pourraient s’imaginer des choses fausses sur mes convictions religieuses à partir de ces fausses recommandations. Et je passe sur tous les trucs à la mode sur les startups que je ne cautionne pas !
Ils profitent de la confiance que vos proches ont en vous
Nous n’avons aucun moyen de savoir si notre cautionnement a été utilisé pour vendre des conneries ineptes en notre nom. Je n’ai pas envie d’imaginer ma mère gâcher son argent en achetant quelque chose qu’elle pensait que je cautionnais, ou les investisseurs financiers de ma startup voir des publicités pour des produits inutiles avec mon visage en dessous.
Utiliser Facebook signifie que ce genre de chose se produit à tout moment. Les publicitaires peuvent acheter votre cautionnement sur Facebook et vos informations à des revendeurs de données extérieurs. Vous n’êtes jamais mis au courant de ça et vous ne pouvez pas le désactiver.
Les derniers changements en matière de vie privée
Finalement, je veux expliquer comment ce dernier changement dans nos vies privées engendre des choses encore pires, et la manière dont vous continuerez à en perdre le contrôle si vous restez sur Facebook.
L’usage de Facebook exige de vous suivre à la trace, de connaître ce que vous achetez, vos informations financières comme les comptes bancaires et les numéros de carte de crédit. Vous avez donné votre accord dans les nouvelles « conditions de service ». Ils ont déjà commencé à partager des données avec Mastercard. Ils utiliseront le fait que vous êtes restés sur Facebook comme « la permission » d’échanger avec toutes sortes de banques et institutions financières afin d’obtenir vos données d’eux. Ils diront que c’est anonyme, mais comme ils dupent vos amis pour qu’ils dévoilent vos données aux tiers avec des applications, ils créeront des échappatoires ici aussi.
Facebook insiste aussi pour suivre à la trace votre emplacement via le GPS de votre téléphone, partout et tout le temps. Il saura exactement avec qui vous passez votre temps. Il connaîtra vos habitudes, il saura quand vous appelez au travail pour vous déclarer malade, alors que vous êtes au bowling. « Machin a aimé : « bowling à Secret Lanes a 14h. » ». Ils sauront si vous faites partie d’un groupe d’entraide de toxicomanes, ou allez chez un psychiatre, ou un médium, ou votre maîtresse. Ils sauront combien de fois vous êtes allé chez le médecin ou à l’hôpital et peuvent le partager avec d’éventuels assureurs ou employeurs. Ils sauront quand vous serez secrètement à la recherche d’un travail, et vendront votre intérêt pour des sites de recherche de travail à vos amis et collègues – vous serez dévoilé.
Ils sauront tout ce qui peut être révélé par votre emplacement et ils l’utiliseront pour faire de l’argent.
Et – tout sera fait rétrospectivement. Si vous restez sur Facebook après le 30 janvier, il n’y a rien qui empêchera tout vos emplacements et vos données financières passés d’être utilisées. Ils obtiendront vos localisations passées avec vos amis vérifiés – donc avec vous, et les données GPS stockées dans les photos ou vous êtes identifiés ensemble. Ils extrairont vos vieux relevés financiers – ce médicament embarrassant que vous avez acheté avec votre carte de crédit il y a 5 ans sera ajouté à votre profil pour être utilisé selon les choix de Facebook. Il sera vendu à maintes reprises et probablement utilisé contre vous. Il sera partagé avec des gouvernements et sera librement disponible pour des tas d’entreprises « tierces » qui ne vendent rien que de données personnelles et éliminent irréversiblement votre vie privée.
Désormais c’est irréversible.
Les données relatives à votre géolocalisation et vos moyens financiers ne sont pas seulement sensibles, elles permettent à des entreprises tierces (extérieures à Facebook) de dés-anonymiser des informations vous concernant. Cela permet de récolter toutes sortes d’informations disponibles sur vous, y compris des informations recoupées que vous n’avez pas spécifiées. C’est un fait que même Facebook lui-même ne parvient pas à maintenir totalement le caractère privé des données – on ne peut pas dire que ça les préoccupe, d’ailleurs.
C’est sans précédent, et de même que vous n’avez jamais pensé que Facebook puisse revendre vos libertés lorsque vous vous êtes inscrits en 2009, il est trop difficile de prédire quels revenus Facebook et les vendeurs de données tiers vont tirer de cette nouvelle énergie dormante.
C’est simplement une conséquence de leurs nouveaux modèles économiques. Facebook vous vend au plus offrant, parce que c’est comme cela qu’ils font leur beurre. Et ils subissent des pressions monstrueuses de leurs investisseurs pour en faire plus.
Qu’est-ce que vous pouvez faire de plus à ce sujet ? Facebook vous offre deux possibilités : accepter tout cela ou sauter du bus Facebook.
Pour être honnête, ce bus est de plus en plus fou et pue un peu, n’est-ce pas ? Il y a de plus en plus de problèmes qui prennent des proportions sidérantes. Entre vous et moi, je doute que les choses s’orientent vers quelque chose de rationnel un jour…
Comment se tirer de ce pétrin
D’après la décision de justice rendue il y a quelques années par le FTC (Federal Trade Commission, NdT), après que Facebook a été poursuivi par le gouvernement des États-Unis pour ses pratiques en matière de vie privée, Facebook est « tenu d’empêcher que quiconque puisse accéder aux informations d’un utilisateur plus de 30 jours après que cet utilisateur a supprimé son compte ».
On peut l’interpréter de différentes façons. Certains disent qu’il faut supprimer chacune de vos publications, une par une ; d’autres disent qu’il faut supprimer votre compte, et d’autres disent qu’ils garderont vos données quand même – tout ce que vous pouvez faire, c’est arrêter de leur donner plus d’informations. Et puis, il y a les courtiers en données qui travaillent avec Facebook, qui ont déjà récupéré vos informations.
Donc supprimer votre compte Facebook (pas simplement le désactiver) est nécessaire pour arrêter tout ça, puis il y a quelques autres étapes à suivre pour tenter de réparer les dégâts :
Récupérez vos photos. J’ai utilisé cette application Android puisque l’outil Facebook ne vous permet pas de récupérer toutes vos photos, ni dans leur résolution maximale (j’ai aussi téléchargé la page avec ma liste d’amis, simplement en faisant défiler la page jusqu’en bas pour charger tout le monde, puis en cliquant sur Fichier -> Enregistrer. Honnêtement, je n’ai pas eu besoin du fichier jusqu’à présent. Il s’avère que je n’ai pas besoin d’un ordinateur pour savoir qui sont mes amis).
Ensuite, il y a toutes les applications que vous avez utilisées. C’est l’une des plus grosses failles de Facebook, car cela leur permet de dire qu’ils ne peuvent pas contrôler ce que les applications font avec vos données une fois que vous les leur avez données. Du coup, j’ai sauvegardé sur mon disque dur la page de paramètres qui montre quelles applications j’ai utilisées, et j’ai désactivé l’accès de chacune d’elles manuellement. Chacune de ces applications a sa propre politique de confidentialité – la plupart sont une cause perdue et prétendent avoir des droits illimités sur mes informations, donc je les coupe simplement et je passe à autre chose.
Facebook pourra toujours vous pister avec un « compte fantôme », mais cela peut-être bloqué.
Pour empêcher Facebook (et consort) de surveiller ce que je lis sur internet (ils le font même si vous n’avez pas de compte), j’utilise Firefox avec l’option « Ne pas me pister » activée.
Si vous n’utilisez pas Firefox, EFF a un plugin pour votre navigateur appelé Privacy Badger (et pendant que l’on y est, l’EEF a fait en sorte que ce plugin génial choisisse automatiquement le serveur qui dispose de la connexion la plus sécurisée, cela rend plus difficile d’intercepter votre activité numérique pour l’industrie de l’information).
Mise à jour 2017 : au début, je pensais essayer des alternatives à Facebook. Je ressentais un besoin de remplacer Facebook par quelque chose de similaire comme Diaspora, mais l’e-mail et le téléphone se sont révélés bien meilleurs ! Après un mois sans Facebook, je n’ai plus ressenti le besoin de le remplacer. Les coups de téléphone ont suffi, figurez-vous. Tout le monde en a déjà un, et on oublie combien ils sont super faciles et pratiques à utiliser. Je vois moins de photos, mais je parle à des gens pour de vrai. Plus récemment, nous sommes tous allés sur un grand salon de messagerie instantanée. Je recommande actuellement Signal pour faire ça. Vous pouvez faire des appels, chatter et partager des photos de façon chiffrée, et très peu de choses sont stockées sur leurs serveurs. En fait, c’est bien mieux que Facebook, puisque c’est plus instantané et personnel.
Si vous avez d’autres idées ou conseils, merci de me joindre. Je considère ceci comme une étape responsable pour éviter qu’on me prive de ma liberté, et celle de ma famille et mes amis, et que nos relations personnelles en pâtissent.
Gardez bien à l’esprit que ce n’est pas juste une question technique. En restant sur Facebook, vous leur donnez l’autorisation de collecter et d’utiliser des informations sur vous, même si vous n’utilisez pas Internet. Et en y restant, les données qu’ils collectent sur vous sont utilisées pour créer des modèles sur vos amis proches et votre famille, même ceux qui ont quitté Facebook.
Internet est libre et ouvert, mais ça ne veut pas dire que nous acceptons d’être espionnés
Pour finir, le monde est rempli de gens qui disent « ça n’arrivera jamais », et quand cela finit par arriver, cela se change en « on ne peut rien y faire ». Si, on peut. Internet a été décentralisé pendant 50 ans, et contient un tas de fonctionnalités faites pour nous aider à protéger nos vies privées. Nous avons notre mot à dire sur le monde dans lequel nous voulons vivre – si nous commençons par agir à notre niveau. Et en plus, nous pouvons aider tout le monde à comprendre, et faire en sorte que chacun puisse faire son propre choix éclairé.
Cet article a maintenant été lu par 1 000 000 personnes. C’est un signe fort que nous pouvons nous informer et nous éduquer nous-mêmes !
Merci de partager ceci avec les gens qui vous sont importants. Mais honnêtement, même si cet article est vraiment populaire, il est clair que beaucoup de gens pensent savoir ce qu’il contient. Partager un lien n’est jamais aussi efficace que de parler aux gens.
Si vous avez lu jusqu’ici et que vous voulez partager avec un proche, je vous suggère de faire ce que j’ai fait – décrochez votre téléphone.
Une question pour vous
Cet article a été écrit en réaction à la politique de confidentialité de janvier 2015, il y a 2 ans. Ça a toujours été un article populaire, mais en janvier 2017, il a connu un pic de popularité. Je me demande bien pourquoi, et ça serait sympa si vous pouviez me dire ce que vous en pensez, par Twitter ou par e-mail.
Je me demande pourquoi mon article sur la vie privée sur Facebook (qui date de plusieurs années) subit une vague de popularité depuis la semaine dernière. Des idées ?
– Salim Virani (@SaintSal) 8 janvier 2017
Sources
Une petite note sur la qualité de ces sources : j’ai essayé de trouver des références dans des médias majeurs, avec tout un échantillon de biais politiques. Ces articles sont moins précis techniquement, mais on peut s’attendre à ce qu’ils soient plus rigoureux que les blogs pour vérifier leurs sources. Pour les aspects plus techniques, d’autres sources comme The Register sont certainement plus crédibles, et Techcrunch est notoirement peu fiable en matière de fact-checking. J’ai toutefois inclus certains de leurs articles, parce qu’ils sont doués pour expliquer les choses.
Articles en anglais
Facebook likes reveal sensitive personal information eff.org
Private traits and attributes are predictable from digital records of human behavior pnas.org table of top likes
New Facebook Policies Sell Your Face And Whatever It Infers forbes.com
Framaestro : menez vos réunions et collaborations à la baguette !
Vous souhaiteriez afficher et partager, dans un seul et même onglet, une page d’écriture collaborative, un site web, une visio-conférence et un tableur…?
Pas de problème : avec Framaestro, c’est vous qui orchestrez un bureau collaboratif !
Plusieurs outils dans une seule page web
C’est, en quelque sorte, le défi que nous avons lancé à JosephK. Comment orchestrer, sur une seule page web, de multiples services Framasoft afin d’avoir tous les outils nécessaires à sa réunion, aux discussions, à la collaboration sur des documents, etc. ? Imaginez que sur une seule et même page web, à l’intérieur de cadres, vous puissiez afficher :
un Framapad (pour écrire collaborativement) qui peut durer un jour, une semaine, un, deux ou six mois, ou même un an ;
un Framacalc, afin d’avoir un tableur sous la main ;
un Framémo, pour organiser ses petites notes dans des colonnes ;
un Framavectoriel, pour dessiner ce que vous voulez ;
et surtout la (ou les) page(s) web de votre choix (pour travailler sur un site web, par exemple)…
Avec Framaestro, c’est à vous d’orchestrer un bureau collaboratif comme vous l’entendez ! Il vous suffit de créer votre projet (comme pour un pad : vous choisissez simplement son nom), d’ajouter les cadres que vous voulez y voir (par exemple un pad, une visio-conf, et des pages web), de les arranger comme bon vous semble, puis de partager l’URL (l’adresse web) de votre Framaestro avec vos collaborateurs et collaboratrices.
Dès lors, vous pouvez utiliser ensemble et en même temps, tous les outils choisis.
Une création originale pour des usages multiples
Cela fait quelques semaines, maintenant, que Pierre-Yves a lancé l’idée d’un tel (méta-)outil. C’est JosephK qui a saisi la balle au bond, afin de nous coder cela aux petits oignons. En se basant sur de multiples briques existantes (le principe des iframes, JSPanel, Bootstrap, TogetherJS, de l’IRC pour le tchat…), il a créé un service, qui utilise d’autres services, et dont les possibilités d’applications sont nombreuses !
Bien entendu, il s’agit là d’une toute première version, avec ses limites et ses lacunes. L’internationalisation n’est pas encore intégrée (donc, pour l’instant, la seule langue disponible est le Français), il y a des efforts à fournir pour rendre ce service accessible aux personnes en situation de handicap (l’accessibilité nous tient à cœur), et il existe des restrictions sur les sites web que l’on peut afficher (liées à la sécurité de ces sites, tout est expliqué lorsque vous utilisez cette fonctionnalité). Pour nous aider à améliorer ce code, vous pouvez y contribuer sur notre forge logicielle, ou bien encore suggérer des améliorations par ici.
Néanmoins, Framaestro vous permet d’ores et déjà de nombreuses choses :
En réunion, sur l’écran de votre vidéo-projecteur, vous voulez afficher de multiples outils avec lesquels tous les participants peuvent collaborer sans en modifier l’agencement ni en rajouter ? Pas de souci, Framaestro le fait.
À distance, vous souhaitez créer un espace de collaboration libre, où chacun-e peut voir les curseurs et clics des autres, tout en ajoutant les cadres qu’iels veulent ? No problemo, Framaestro le fait aussi.
Vous en avez marre des Frama-services, mais voulez simplement afficher plusieurs pages web bien agencées sur une seule et même page ? OK : Framaestro fait ça tranquillou.
En fait, il y a une chose que Framaestro ne fait pas…
Les Framaoliques anonymes se réunissent sur Framaestro.
Afin de vous présenter un exemple concret, nous avons décidé d’imaginer la réunion d’un groupe de parole de personnes atteintes d’une addiction, d’une maladie terrible : celle des gens qui mettent « Frama- » partout dans leurs phrases. Pour préserver leur anonymat, nous avions décidé de les appeler « Hioupou », « Yves-Pierre », et « LàPeuple ». Merci de votre compréhension.
Hioupou est chargé de préparer la prochaine réunion des Framaoliques Anonymes. Comme chaque semaine, ce petit groupe se réunit en ligne pour se soutenir, libérer la parole, et arriver à vivre une vie sereine, comme tout le monde, une vie où on ne dit pas « Tu peux me passer la Framagrafeuse ? »
Cette semaine, au lieu d’utiliser un (scrogneugneu-)Pad pour écrire ensemble le contenu de la réunion, et un (non-je-le-dirai-pas-)Talk pour la visio-conférence, il décide d’utiliser Framaestro(snif, je l’ai dit) où tout peut se trouver au même endroit.
Il se rend donc sur le site, et choisi le nom de son projet « 20160112ReunionFA ».
Il tombe sur une page blanche, avec une barre d’outils en haut. Certainement la page qui sera partagée avec ses collègues. Il clique donc sur le bouton « Ajouter » en haut à droite et décide de commencer par ajouter un Pad à durée hebdomadaire.
En quelques clics, il décide d’afficher aussi sur ce bureau partagé la page « Addiction » de Wikipédia, une visio-conférence (avec le bouton ), ainsi qu’un salon de tchat par IRC (bouton ) pour les anonymes qui ne veulent pas utiliser la visio conf. Cela ne lui demande pas trop d’efforts…
…pour la page Wikipédia, il lui suffit de copier coller l’adresse web (l’URL) dans la barre du menu « ajouter » ;
…il doit simplement accepter de partager son micro et sa webcam pour la visio-conférence ;
…et il lui suffit de rentrer un nom de salon et son pseudonyme pour le salon de tchat IRC.
Après avoir un peu joué à déplacer les cadres et à les redimensionner (seul le cadre Framatalk lui a donné du fil à retordre, et en même temps c’est un cadre vidéo ^^), il arrive à un joli résultat !
Il ne lui reste plus qu’à partager son travail avec les autres membres des Framaoliques Anonymes ! Il repère assez vite le bouton de partage , et voit qu’il a deux possibilités : un partage simple avec le permalien (il suffit de copier/coller le lien du dessus dans un email à Yves-Pierre et LàPeuple), ou un partage activant certaines options collaboratives. Aventureux, Hioupou choisit de partager selon les options cochées, et demande à Framaestro de lui raccourcir le lien : ce sera plus pratique à faire passer !
Une joyeuse réunion en ligne plus tard, grâce à Framaestro, les Framaoliques Anonymes décident de franchir une nouvelle étape dans leur guérison, en arrêtant collectivement de dire qu’ils trempent leurs Frama-chips dans du Fraguacamole. Voilà une réunion rondement menée !
Bien entendu, ce n’est là qu’une des utilisations possibles de Framaestro… à vous d’inventer la vôtre !
Des routes et des ponts (18) – À la croisée des chemins
Le 12 septembre dernier, Framalang commençait la traduction de l’ouvrage de Nadia Eghbal Des routes et des ponts. Aujourd’hui, nous vous proposons le dernier chapitre de ce livre.
Ce chapitre s’interroge sur la marche à suivre pour continuer les avancées technologiques et sociales des cultures open source et libres. Cette conclusion rappelle qu’à l’heure de l’information, tout le monde est concerné par les technologies ouvertes, bien que nous n’en ayons souvent que peu conscience. Ainsi, afin de pouvoir continuer d’utiliser cette infrastructure qui a été mise à notre disposition, nous devons nous mobiliser pour en garantir la pérennité.
L’état actuel de notre infrastructure numérique est un des problèmes les moins bien compris de notre temps. Il est vital de le comprendre.
En s’investissant bénévolement dans notre structure sous-jacente, les développeurs ont facilité la construction de logiciels pour autrui. En la fournissant gratuitement plutôt qu’en la facturant, ils ont alimenté une révolution de l’information.
Les développeurs n’ont pas fait cela pour être altruistes. Ils l’ont fait car c’était la meilleure manière de résoudre leurs propres problèmes. L’histoire du logiciel open source est l’un des grands triomphes de nos jours pour le bien public.
Nous avons de la chance que les développeurs aient limité les coûts cachés de ces investissements. Mais leurs investissements initiaux ne nous ont amenés que là où nous sommes aujourd’hui.
Nous ne sommes qu’au commencement de l’histoire de la transformation de l’humanité par le logiciel. Marc Andreessen, co-fondateur de Netscape et reconnu comme capital-risqueur derrière la société Andreessen Horowitz, remarque en 2011 que «le logiciel dévore le monde» (source). Depuis lors, cette pensée est devenue un mantra pour l’ère moderne.
Le logiciel touche tout ce que l’on fait : non seulement les frivolités et les loisirs, mais aussi les choses obligatoires et critiques. OpenSSL, le projet décrit au début de cet essai, le démontre bien. Dans une interview téléphonique, Steve Marquess explique qu’OpenSSL n’était pas utilisé seulement par les utilisateurs de sites web, mais aussi par les gouvernements, les drones, les satellites et tous «les gadgets que vous entendez bipper dans les hôpitaux» [Entretien téléphonique avec Steve Marquess, NdA.].
Le Network Time Protocol [protocole de temps par le réseau, NdT], maintenu par Harlan Stenn, synchronise les horloges utilisées par des milliards de périphériques connectés et touche tout ce qui contient un horodatage. Pas seulement les applications de conversations ou les courriels, mais aussi les marchés financiers, les enregistrements médicaux et la production de produits chimiques.
Et pourtant, Harlan note:
Il y a un besoin de soutenir l’infrastructure publique libre. Mais il n’y a pas de source de revenu disponible à l’heure actuelle. Les gens se plaignent lorsque leurs horloges sont décalées d’une seconde. Ils disent, «oui nous avons besoin de vous, mais nous ne pouvons pas vous donner de l’argent». (source)
Durant ces cinq dernières années, l’infrastructure open source est devenue une couche essentielle de notre tissu social. Mais tout comme les startups ou la technologie elle-même, ce qui a fonctionné pour les 30 premières années de l’histoire de l’open source n’aidera plus à avancer. Pour maintenir notre rythme de progression, nous devons réinvestir dans les outils qui nous aident à construire des projets plus importants et de meilleure qualité.
Trouver un moyen de soutenir l’infrastructure numérique peut sembler intimidant, mais il y a de multiples raisons de voir le chemin à parcourir comme une opportunité.
Premièrement, l’infrastructure est déjà là, avec une valeur clairement démontrée. Ce rapport ne propose pas d’investir dans une idée sans plus-value. L’énorme contribution sociale de l’infrastructure numérique actuelle ne peut être ignorée ni mise de côté, comme cela est déjà arrivé dans des débats tout aussi importants sur les données, la vie privée, la neutralité du net, ou l’opposition entre investissement privé et investissement public. Il est dès lors plus facile de faire basculer les débats vers les solutions.
Deuxièmement, il existe déjà des communautés open source engagées et prospères avec lesquelles travailler. De nombreux développeurs s’identifient par le langage de programmation qu’ils utilisent (tels que Python ou JavaScript), la fonction qu’ils apportent (telles qu’analyste ou développeur opérationnels), ou un projet important (tels que Node.js ou Rails). Ce sont des communautés fortes, visibles, et enthousiastes.
Les constructeurs de notre infrastructure numérique sont connectés les uns aux autres, attentifs à leurs besoins, et techniquement talentueux. Ils ont déjà construit notre ville ; nous avons seulement besoin d’aider à maintenir les lumières allumées, de telle sorte qu’ils puissent continuer à faire ce qu’ils font de mieux.
Les infrastructures, qu’elles soient physiques ou numériques, ne sont pas faciles à comprendre, et leurs effets ne sont pas toujours visibles, mais cela doit nous encourager à les suivre plus en détail, pas moins. Quand une communauté a parlé si ouvertement et si souvent de ses besoins, tout ce que nous devons faire est d’écouter.
Remerciements
Merci à tous ceux qui ont courageusement accepté d’être mentionnés dans cet ouvrage, ainsi qu’à ceux dont les réponses honnêtes et réféléchies m’ont aidée à affiner ma pensée pendant la phase de recherche :
André Arko, Brian Behlendorf, Adam Benayoun, Juan Benet, Cory Benfield, Kris Borchers, John Edgar, Maciej Fijalkowski, Karl Fogel, Brian Ford, Sue Graves, Eric Holscher, Brandon Keepers, Russell Keith-Magee, Kyle Kemp, Jan Lehnardt, Jessica Lord, Steve Marquess, Karissa McKelvey, Heather Meeker, Philip Neustrom, Max Ogden, Arash Payan, Stormy Peters, Andrey Petrov, Peter Rabbitson, Mikeal Rogers, Hynek Schlawack, Boaz Sender, Quinn Slack, Chris Soghoian, Charlotte Spencer, Harlan Stenn, Diane Tate, Max Veytsman, Christopher Allan Webber, Chad Whitacre, Meredith Whittaker, Doug Wilson.
Merci à tous ceux qui ont écrit quelque chose de public qui a été référencé dans cet essai. C’était une partie importante de la recherche, et je remercie ceux dont les idées sont publiques pour que d’autres s’en inspirent.
Merci à Franz Nicolay pour la relecture et Brave UX pour le design de ce rapport.
Enfin, un très grand merci à Jenny Toomey et Michael Brennan pour m’avoir aidée à conduire ce projet avec patience et enthousiasme, à Lori McGlinchey et Freedman Consulting pour leur retours et à Ethan Zuckerman pour que la magie opère.
Framasoft remercie chaleureusement les 40 traducteurs et traductrices du groupe Framalang qui depuis septembre ont contribué à vous proposer cet ouvrage (qui sera disponible en Framabook… quand il sera prêt) :
Nous arrivons bientôt au terme de notre traduction semaine après semaine de l’ouvrage Des routes et des ponts de Nadia Eghbal (version originale en PDF). Pour remonter vers les épisodes précédents il suffit de cliquer sur ce lien.
Aujourd’hui nous vous proposons un chapitre qui recense les moyens dont les institutions et entreprises pourraient contribuer au développement et à la pérennité des projets open source qui constituent la colonne vertébrale de l’infrastructure numérique.
Il est trop tôt pour dire à quoi devrait ressembler le soutien institutionnel à long terme d’un point de vue prospectif, mais il y a plusieurs domaines de travail critiques qui peuvent nous aider à le déterminer. Les propositions suivantes sont rattachées à trois domaines :
Traiter les infrastructures numériques comme un bien commun essentiel et les élever au rang d’acteur intersectoriel clé ;
Travailler avec des projets pour améliorer les standards, la sécurité et les flux de production ;
Augmenter la taille du groupe de contributeurs de manière à ce que davantage de personnes, et davantage de personnes de types différents, puissent élaborer et soutenir ensemble les logiciels publics.
Conscientiser et éduquer les acteurs clés
Comme nous l’avons relevé dans ce rapport, beaucoup d’acteurs clés — dont les startups, les gouvernements, et les sociétés de capital risque — pensent à tort que les logiciels publics « fonctionnent, tout simplement » et ne requiert pas de maintenance supplémentaire. Pour entretenir correctement l’écosystème de nos infrastructures numériques, ces populations devraient être les premières à être informées du problème. Les infrastructures numériques ont besoin de porte-paroles qui soient affranchis de toute contrainte politique ou commerciale et qui puissent comprendre et communiquer les besoins de l’écosystème.
Traiter les infrastructures numériques comme des biens publics essentiels pourrait également motiver l’investissement direct dans la construction de meilleurs systèmes à partir de zéro. Par exemple, aux États-Unis, les autoroutes inter-états et le réseau de bibliothèques publiques furent dès l’origine conçus comme des ressources publiques. Les unes et les autres ont eu leur champion (respectivement le Président Dwight Eisenhower et le philanthrope Andrew Carnegie) qui ont clairement argumenté en faveur du bénéfice social et financier qui résulterait de tels projets.
Un réseau national d’autoroutes ne sert pas uniquement à nous relier en tant qu’individus, en facilitant les déplacements d’un endroit à un autre, mais il apporte aussi la prospérité financière dans tous les coins du pays, grâce à l’usage commercial des voies rapides pour acheminer les marchandises. Dans les bibliothèques Andrew Carnegie, publiques et gratuites, les livres étaient accessibles et non stockés en magasin, pour permettre aux gens de les feuilleter et d’y trouver eux-mêmes l’information sans avoir recours à un⋅e bibliothécaire. Cette pratique a aidé à démocratiser l’information et à donner aux gens les moyens de s’éduquer eux-mêmes.
Une meilleure éducation et une meilleure prise de conscience pourraient s’étendre jusqu’aux gouvernements, dont certains ont rendu, par la loi, les infrastructures numériques difficiles à soutenir et qui ne sont peut-être pas familiers des normes culturelles et de l’histoire de l’open source. Aux USA, l’IRS [NdT : Internal Revenue Service – organisme qui collecte l’impôt] a une définition très restrictive des activités caritatives, et comme l’open source est mal comprise, son impact positif sur la société demeure ignoré. Cela complique l’institutionnalisation de plus gros projets à travers une fondation ou une association professionnelle.
Mesurer l’utilisation et l’impact de l’infrastructure numérique
L’impact de l’infrastructure numérique est encore très difficile à mesurer. Les indicateurs habituels sont soit très imprécis, soit simplement indisponibles. Ce n’est pas un problème facile à résoudre. Mais sans données relatives aux outils utilisés et à notre dépendance vis-à-vis d’eux, il est difficile de se faire une idée nette de ce qui manque de financement.
Avec de meilleurs indicateurs, nous pourrions décrire l’impact économique de l’infrastructure numérique, identifier les projets essentiels qui manquent de financement, et comprendre les dépendances entre les projets et entre les personnes. Pour le moment, il est impossible de dire qui utilise un projet open source à moins que l’utilisateur, individu ou entreprise, ne le révèle. Pour déterminer quel projet a besoin de plus de soutien, nous ne disposons que d’informations anecdotiques.
De meilleures statistiques pourraient également nous aider à identifier les « contributeurs clé de voûte ». En biologie environnementale, une « espèce clé » est une espèce animale qui a un impact disproportionné sur son environnement au regard de ses effectifs. Dans la même idée, un « contributeur clé » pourrait être un développeur qui contribue à plusieurs projets essentiels, qui est le seul responsable d’un projet crucial, ou qui est généralement perçu comme influent et digne de confiance. Les « contributeurs clés » sont des défenseurs essentiels, les valoriser en leur fournissant les ressources dont ils ont besoin pourrait améliorer le système dans son ensemble. Comprendre les relations entre les communautés open source et les « contributeurs clés » pourrait aider à identifier rapidement les secteurs qui auront besoin de soutien supplémentaire.
On dispose également de peu de données sur les contributeurs eux-mêmes : qui contribue à l’open source, quelles conditions leur permettent de le faire, et quelles sont les contributions effectuées. Les femmes, les non-anglophones, et les nouveaux contributeurs à l’open source sont des exemples de population qui devraient être suivies dans le temps, en particulier pour mesurer l’impact des programmes de soutien.
Les seules statistiques disponibles sur les dépôts GitHub sont le nombre de personnes ayant étoilé (action semblable à liker), vu (c’est-à-dire qu’elles reçoivent des nouvelles du projet) ou « forké » un projet. Ces chiffres permettent de fournir des indicateurs concernant la popularité, mais ils peuvent être trompeurs. Beaucoup de personnes peuvent étoiler un projet, parce qu’il a une conception intéressante par exemple, sans toutefois l’intégrer à leur propre code.
Certains gestionnaires de paquets tels npm (qui est celui de Node.js) suivent les téléchargements. Le « popularity contest » de Debian piste les téléchargements du système d’exploitation libre Debian. Néanmoins, chaque gestionnaire de paquets est limité à un écosystème particulier, et aucun de ces gestionnaires ne peut donner une image du système dans son ensemble. Plusieurs projets ne sont pas inclus dans un gestionnaire de paquets et ne sont pas suivis. Libraries.io, un site web créé par Andrew Nesbitt, est une tentative pour agréger des données des projets open source en fonction de leur usage, il piste environ 1,3 millions de bibliothèques open source sur 32 gestionnaires de paquets.
Travailler avec les projets pour moderniser l’organisation de travail
Beaucoup de projets sont en difficulté et pas seulement à cause d’un manque de financement, mais aussi parce qu’il est difficile d’y contribuer, ou encore parce qu’il existe un goulot d’étranglement au niveau des mainteneurs qui traitent les demandes de modification (pull requests) de la communauté. C’est vrai, en particulier, pour les plus anciens projets qui ont été bâtis avec des outils de développement, des langages et des processus qui ne sont plus populaires (ceux qui par exemple utilisent un système de contrôle de version autre que Git, dont la popularité croît chez les développeurs).
On peut faire beaucoup de choses pour faciliter la contribution à un projet, depuis la migration vers un flux de travail (workflow) plus moderne, le nettoyage du code, la fermeture des pull request délaissées, jusqu’à la mise en place d’une politique claire pour les contributions. Certains projets expérimentent pour rendre les contributions plus simples. Le développeur Felix Geisendörfer, par exemple, a suggéré que chaque personne qui soumet une modification du code devrait avoir une permission de commit afin de réduire l’engorgement au niveau de l’unique mainteneur vérifiant et approuvant ces changements. Felix a estimé que « cette approche est un fantastique moyen d’éviter que le projet ne se ratatine en transformant le projet d’un seul homme en celui d’une communauté. »
Le règlement de contribution de Node.js, qui peut être adopté par les autres projets Node, met l’accent sur l’augmentation du nombre de contributeurs et sur leur autonomisation dans la prise de décision, plutôt que de désigner les mainteneurs comme seule autorité approbatrice. Leurs règles de contribution expliquent comment soumettre et valider des pull requests, comment consigner des bugs, etc. Les mainteneurs Node.js ont constaté qu’adopter de meilleures règles les avait aidés à gérer leur charge de travail et à faire évoluer leur communauté vers un projet plus sain et actif.
Dans un premier temps, il y a des recherches à faire pour déterminer quels projets doivent avancer. Autrement dit, à quoi ressemble un « projet à succès », aussi bien en termes de financement et de modèles de gouvernance, que dans l’équilibre à trouver entre mainteneurs, contributeurs et usagers ! La réponse peut varier en fonction des différents types de projets et de leur ampleur.
Encourager les standards communs dans les projets open source
Bien que GitHub soit en train de devenir une plateforme standard pour la collaboration sur le code, de nombreux aspects des projets open source ne sont pas encore standardisés, notamment l’ampleur et la richesse de la documentation, des licences et des guides de contribution, ainsi que le style de code et le formatage.
Encourager l’adoption de standards de projets pourrait faciliter, pour les mainteneurs, la gestion des contributions, tout en réduisant pour les contributeurs les obstacles à la participation.
Parmi les exemples de standardisation croissante, on trouve le code de conduite, qui est un règlement détaillant les attentes en termes d’attitude et de communication.
Ces dernières années, des codes de conduite ont été adoptés par un nombre croissant de communautés de projets, notamment Node.js, Django et Ruby. Bien que le processus d’adoption ait pu donner lieu à d’intenses débats au sein de certaines communautés, leur prolifération révèle un intérêt croissant pour la responsabilisation du comportement des communautés.
Augmenter le nombre de contributeurs et contributrices open source
Comme nous l’avons évoqué dans un chapitre précédent de ce rapport, l’industrie du logiciel est florissante, avec un nombre croissant de nouveaux développeurs mais aussi d’autres talents variés : il y a du travail à faire pour encourager ces nouveaux arrivants à contribuer à l’open source. Augmenter le nombre de contributeurs permet aux projets open source d’être plus durables, car davantage de personnes participent à leur développement. Permettre à davantage de personnes de contribuer à l’open source accroît également l’empathie et la communication entre les « utilisateurs » de l’open source et les projets dont ils dépendent.
« Your First PR » (« votre première PR », PR pour Pull Request, NdT) est un exemple d’initiative, développée par la programmeuse Charlotte Spencer, qui aide les nouveaux venus à effectuer leur première contribution à l’open source. « First Timers Only » (Réservé aux débutants) et « Make a Pull Request » (Faites une pull request) sont deux autres exemples de ressources populaires qui introduisent les nouveaux venus à l’open source. Certains projets open source utilisent également des étiquettes telles que « first bug » ou « contributor friendly » pour signaler les problèmes susceptibles d’être résolus par des contributeurs moins expérimentés. Il serait également bénéfique d’encourager les contributions à l’open source autres que le code, comme la rédaction de documentation technique, la gestion des tâches et des flux de travail, ou la création d’un site internet pour le projet.
En plus de l’augmentation de la proportion de techniciens talentueux contribuant à l’open source existe la possibilité de puiser dans un groupe de contributeurs plus large. Faire en sorte que les non-anglophones se sentent bienvenus dans les communautés open source, par exemple, pourrait rendre la technologie plus accessible à travers le monde. Et comme beaucoup de recruteurs utilisent les travaux open source comme un portfolio au moment d’embaucher un développeur, une communauté open source plus diverse encouragerait l’apparition d’un personnel technique globalement plus inclusif.
Améliorer les relations entre projets et acteurs extérieurs
Les entreprises sont une pièce incontournable de l’écosystème open source, et leur rôle ne fait que gagner en importance à mesure que davantage d’entre elles adoptent les logiciels open source. Faciliter la collaboration entre entreprises et projets, ainsi qu’aider les entreprises à comprendre les besoins des communautés open source, pourrait débloquer le soutien des entreprises susceptibles de devenir mécènes ou promoteurs de l’open source.
Selon l’étude annuelle des entreprises open source réalisée par Black Duck, seulement 27 % des entreprises ont un règlement formel concernant les contributions de leurs employés à l’open source. Clarifier la possibilité ou non pour les employés de contribuer à l’open source sur leur temps de travail, et les encourager à le faire, pourrait grandement améliorer le soutien des entreprises aux projets open source.
En 2014, un groupement d’entreprises a fondé le TODO Group, pour partager les bonnes pratiques autour de la participation corporative à l’open source. Parmi les membres de ce groupe, on trouve Box, Facebook, Dropbox, Twitter et Stripe. En mars 2016, le TODO Group a annoncé qu’il serait hébergé par la Fondation Linux en tant que projet collaboratif.
Les entreprises peuvent également fournir un soutien financier aux projets, mais il est parfois difficile pour elles de trouver comment formaliser leur mécénat. Créer des budgets dédiés au mécénat en direction des équipes d’ingénieurs ou des employés, ou encore créer des documents permettant aux projets de « facturer » plus facilement leurs services aux entreprises, sont autant d’initiatives qui pourraient augmenter les contributions financières à l’open source.
Poul-Henning Kamp, par exemple, travaille sur un projet open source nommé Varnish, utilisé par un dixième des sites les plus visités d’internet, notamment Facebook, Twitter, Tumblr, The New York Times et The Guardian. Pour financer ce travail, il a créé la Varnish Moral License pour faciliter la sponsorisation du projet par les entreprises.
Même si en pratique la relation est un mécénat, Poul Henning utilise une terminologie familière aux entreprises, avec des termes tels que « facturation » et « licences », pour réduire les obstacles à la participation.
Augmenter le soutien aux compétences diverses et aux fonctions hors-codage
Dans un passé pas si lointain, les startups de logiciels étaient fortement centrées sur les compétences techniques. Les autres rôles, comme le marketing et le design, étaient considérés comme secondaires par rapport au code. Aujourd’hui, avec la création et la consommation rapide de logiciels, cette conception ne tient plus. Les startups sont en concurrence pour capter l’attention de leurs clients. L’identité de la marque est devenue l’un des principaux facteurs de différenciation.
Ces cinq dernières années ont été celles de l’essor du développeur full stack (polyvalent) : des développeurs plus généralistes que spécialisés, capables de travailler sur plusieurs domaines d’un logiciel complexe, et qui sont susceptibles d’avoir des compétences dans la conception et la production. Les équipes de développement sont plus soudées, elles utilisent les méthodes agiles avec des approches de conception d’architecture logicielle (où le livrable est élaboré en faisant des navettes entre les équipes de techniciens, designers et commerciaux), plutôt qu’une approche en cascade (où chaque équipe apporte sa pièce à l’édifice avant de la transmettre au groupe de travail suivant).
Les projets open source ont connu peu d’évolutions de ce genre, malgré notre dépendance croissante à leurs logiciels. On comprend aisément que le code soit au cœur d’un projet open source, il est en quelque sorte le « produit final » ou le livrable. Les fonctions relatives à la gestion de la communauté, à la documentation, ou à la promotion du projet, qui sont la marque d’une organisation saine et durable, sont moins valorisées. Il en découle que les projets sont déséquilibrés. Beaucoup de choses pourraient être entreprises pour financer et soutenir les contributions autres que le code, des dons en nature pour payer les serveurs par exemple, ou des avantages comme une assurance maladie. Disposer de soutiens de ce type permettrait de réduire notablement la charge des développeurs.
Bon anniversaire, l’April !
Aujourd’hui nous ouvrons avec plaisir nos colonnes à Véronique Bonnet, membre du C.A de l’April, qui évoque avec ferveur l’histoire et l’esprit de cette association amie dont nous partageons les combats et des valeurs.
L’April vient d’avoir 20 ans
par Véronique Bonnet
Ces jours-ci, l’April a eu 20 ans. Et toutes ses dents. Pas les dents de l’amer GAFAM, crocs avides des requins du Web et autres loups. Des dents, plutôt, qui ne mâchent pas leurs mots pour dénoncer l’inventivité souriante, glaçante, de firmes qui veulent continuer à dominer. Pour dire ce qu’un partenariat entre un ministère chargé d’éduquer à l’autonomie et Microsoft a de troublant. Pour s’étonner de l’open bar opaque de la Défense.
Alors même que le projet de loi pour une république numérique faisait miroiter de vertueux principes. Sur ce qui devait être transparent, interopérable et communicable, dans l’espace public. Sur ce qui devait rester inviolable et inaliénable dans l’espace privé. Loi tronquée, l’April l’a dit. C’est sa manière à elle de décliner la loi de Stallman :
« Tant que les grandes entreprises domineront la société et écriront les lois, chaque avancée ou chaque changement de la technologie sera pour elles une bonne occasion d’imposer des restrictions ou des nuisances supplémentaires à ses utilisateurs. »
La naissance de l’April, dès novembre 1996, avant le dépôt des statuts, a eu lieu au Bocal, cœur du laboratoire informatique de Paris 8 Saint-Denis. Des étudiants, dont notre actuel délégué général, Frédéric Couchet, fondent alors l’APRIL« Association pour la Promotion et la Recherche en Informatique Libre », devenue l’April « Association francophone de promotion et défense du logiciel libre ». Cette association relaie ainsi en France la FSF (Free Software Foundation) constituée par Richard Stallman en octobre 1985 : « une fondation sans but lucratif avec la mission cosmopolitique de promouvoir la liberté des utilisateurs d’ordinateurs et de défendre les droits de tous les utilisateurs du Free Software ». Dès novembre 1998, l’April accueillait RMS en conférence, à l’université Paris 8. Inspirée par l’indignation d’un utilisateur empêché d’utiliser son informatique comme il le voulait, l’April a été, elle aussi, inspirante. Quand on aime le Libre, on ne compte pas en rester là, on essaime.
Et il le faut, pour faire face ensemble, jamais dans l’entre-soi, à des évolutions empoisonnées qui se donnent des aspects riants, innocents. Que l’on touche à nos libertés, et l’April se met en colère. Avec la Quadrature du net. Framasoft. La FFDN. On n’est jamais trop pour se répartir la tâche de discerner, sous des angles divers, les faux semblants des rapaces de tout poil.
Marguerite Yourcenar, dans les Mémoires d’Hadrien, met dans la bouche de son empereur romain des conjectures à propos de certaines manœuvres dilatoires :
« Je doute que toute la philosophie du monde parvienne à supprimer l’esclavage, on en changera tout au plus le nom. Je suis capable d’imaginer des formes de servitude pires que les nôtres parce que plus insidieuses. Soit qu’on réussisse à transformer les hommes en machines stupides et satisfaites qui se croient libres alors qu’elles sont asservies, soit qu’on développe chez eux un goût du travail aussi forcené que la passion de la guerre […] »
La réduction des individus au machinal leur fait adopter des gestuelles dont ils ne saisissent plus les tenants et aboutissants. Et va même jusqu’à faire du travail, théoriquement émancipateur, une suite d’enchaînements sans signification. Cybernétique étrange, dont les acteurs ne seraient plus que des agents dociles de mécanismes qui n’auraient de sens que pour d’autres et qui ne serviraient qu’à d’autres. Comme si la vocation humaine à faire de sa vie une histoire, s’essayer à des tournants, tenter une élaboration symbolique intime, partagée ou non, n’avait plus cours.
Dans son Discours de la servitude volontaire, La Boétie, lui, se référait à Cyrus qui avait mis les Lydiens durablement sous sa coupe en ouvrant « des bordels, des tavernes et des jeux publics ». Pour que ceux qu’il avait vaincus, subjugués par la prégnance des sensations, laissent en sommeil leurs compétences à percevoir et analyser. Stratégie de l’amollissement de l’esprit critique que Jules César pour les Romains, avait réitérée : « … car son humanité même, que l’on prêche tant, fut plus dommageable que la cruauté du plus sauvage tyran qui fût oncques, pour ce qu’à la vérité ce fut cette sienne venimeuse douceur qui, envers le peuple romain, sucra la servitude ». Tibère et Néron se hâtèrent de lui emboîter le pas.
Débusquer alors la subordination derrière des activités qui occupent l’esprit en le réduisant à une instantanéité sans recul ? La servitude s’avance masquée. Les cookies, c’est confortable, c’est cool, ça anticipe même les désirs. Les menottes numériques, c’est indolore, et ça facilite la navigation. Le nuage, on n’en cause même pas. Tu n’as plus à t’occuper de rien. Le Saas, c’est aussi la nasse. Mais pourquoi pas, puisque ça habitue à déléguer. Former ? Autant formater. Futur usager, apprends à t’en remettre à des logiciels qui simplifient la vie. On ne voit plus les verrous qui les sous-tendent, ni le profilage qu’ils effectuent, ni le dépeçage de données qu’ils opèrent.
L’April, qui promeut et défend le logiciel libre, ne va pas prendre le thé n’importe où. Elle se méfie des belles pommes rouges, regarde où elle met les pieds, et fait son possible pour signaler les sables mouvants d’une informatique douce-amère. Elle alerte sur des outils apparemment conviviaux qui, mine de rien, privent de tout. Elle sensibilise à ce qui emprisonne et empoisonne, imperceptiblement.
L’April est un bon contre-poison. Dans les événements festifs qui ponctuent ses 20 ans, qu’ils aient déjà eu lieu, à Lyon, Toulouse, Marseille, Lille, Sarrebourg, Valenciennes, Digne, Nantes… ou qu’ils aient lieu après Newtonmas, Brest, le 6 janvier, Saint Denis le 11, Paris le 26… pas de sirop frelaté, ni de bouillon d’onze heures.
Ces jours-ci, l’April a eu 20 ans. Bon anniversaire l’April !
Des routes et des ponts (15) – les institutions et l’open source
Voici le plus long des chapitres de Des routes et des ponts de Nadia Ehgbal que nous traduisons pour vous semaine après semaine (si vous avez raté les épisodes précédents). Il s’agit cette fois-ci des institutions (ici nord-américaines) qui par diverses formes de mécénat, contribuent au développement et au maintien des projets d’infrastructure numérique open source parce qu’elles y trouvent leur intérêt. Pas sûr qu’en Europe et en France ces passerelles et ces coopérations bien comprises entre entreprises et open source soient aussi habituelles…
Les efforts institutionnels pour financer les infrastructures numériques
Il existe des institutions qui s’efforcent d’organiser collectivement les projets open source et aider à leur financement. Il peut s’agir de fondations indépendantes liées aux logiciels, ou d’entreprises de logiciels elles-mêmes qui apportent leur soutien.
Soutien administratif et mécénat financier
Plusieurs fondations fournissent un soutien organisationnel, comme le mécénat financier, aux projets open source : en d’autres termes, la prise en charge des tâches autres que le code, dont beaucoup de développeurs se passent volontiers. L’Apache Software Foundation, constituée en 1999, a été créée en partie pour soutenir le développement du serveur Apache HTTP, qui dessert environ 55 % de la totalité des sites internet dans le monde.
Depuis lors, la fondation Apache est devenue un foyer d’ancrage pour plus de 350 projets open source. Elle se structure comme une communauté décentralisée de développeurs, sans aucun employé à plein temps et avec presque 3000 bénévoles. Elle propose de multiples services aux projets qu’elle héberge, consistant principalement en un soutien organisationnel, juridique et de développement. En 2011, Apache avait un budget annuel de plus de 500 000 $, issu essentiellement de subventions et de donations.
Le Software Freedom Conservancy, fondée en 2006, fournit également des services administratifs non-lucratifs à plus de 30 projets libres et open source. Parmi les projets que cette fondation soutient, on retrouve notamment Git, le système de contrôle de versions dont nous avons parlé plus haut et sur lequel GitHub a bâti sa plateforme, et Twisted, une librairie Python déjà citée précédemment.
On trouve encore d’autres fondations fournissant un soutien organisationnel, par exemple The Eclipse Foundation et Software in the Public Interest. La Fondation Linux et la Fondation Mozilla soutiennent également des projets open source externes de diverses façons (dont nous parlerons plus loin dans ce chapitre), bien que ce ne soit pas le but principal de leur mission.
Il est important de noter que ces fondations fournissent une aide juridique et administrative, mais rarement financière. Ainsi, être sponsorisé par Apache ou par le Software Freedom Conservancy ne suffit pas en soi à financer un projet ; les fondations ne font que faciliter le traitement des dons et la gestion du projet.
Un autre point important à noter, c’est que ces initiatives soutiennent le logiciel libre et open source d’un point de vue philosophique, mais ne se concentrent pas spécifiquement sur ses infrastructures. Par exemple, OpenTripPlanner, projet soutenu par le Software Freedom Conservancy, est un logiciel pour planifier les voyages : même son code est open source, il s’agit d’une application destinée aux consommateurs, pas d’une infrastructure.
Créer une fondation pour aider un projet
Certains projets sont suffisamment importants pour être gérés à travers leurs propres fondations. Python, Node.js, Django et jQuery sont tous adossés à des fondations.
Il y a deux conditions fondamentales à remplir pour qu’une fondation fonctionne : accéder au statut d’exemption fiscale et trouver des financements.
Réussir à accéder au statut 501(c), la loi américaine qui définit les organismes sans but lucratif, peut s’avérer difficile pour ces projets, à cause du manque de sensibilisation autour de la technologie open source et de la tendance à voir l’open source comme une activité non-caritative. En 2013, une controverse a révélé que l’IRS (Internal Revenue Service, service des impôts américain) avait dressé une liste de groupes postulant au statut d’exemption fiscale qui nécessiteraient davantage de surveillance : l’open source en faisait partie. Malheureusement, ces contraintes ne facilitent pas l’institutionnalisation de ces projets.
Par exemple, Russell Keith-Magee, qui était jusqu’à une époque récente président de la Django Software Foundation, a expliqué que la fondation ne pouvait pas directement financer le développement logiciel de Django, sans prendre le risque de perdre son statut 501(c). La fondation soutient plutôt le développement via des activités communautaires.
En juin 2014, la Fondation Yorba, qui a créé des logiciels de productivité qui tournent sous Linux, s’est vu refuser le statut 501(c) après avoir attendu la décision pendant presque quatre ans et demi. Jim Nelson, son directeur exécutif, a été particulièrement inquiété par le raisonnement de l’IRS : parce que leur logiciel pouvait potentiellement être utilisé par des entités commerciales, le travail de Yorba ne pouvait pas être considéré comme caritatif. Une lettre de l’IRS explique :
« Se contenter de publier sous une licence open source tous usages ne signifie pas que les pauvres et les moins privilégiés utiliseront effectivement les outils. […] On ne peut pas savoir qui utilise les outils, et encore moins quel genre de contenus sont créés avec ces outils. »
Nelson a pointé les failles de ce raisonnement dans un billet de blog, comparant la situation à celle d’autres biens publics :
« Il y a une organisation caritative ici à San Francisco qui plante des arbres pour le bénéfice de tous. Si l’un de leurs arbres… rafraîchit les clients d’un café pendant qu’ils profitent de leur expresso, cela signifie-t-il que l’organisation qui plante des arbres n’est plus caritative ? »
Les projets qui accèdent au statut 501(c) ont tendance à insister sur l’importance de la communauté, comme la Python Software Foundation, dont l’objet est de « promouvoir, protéger et faire progresser le langage de programmation Python, ainsi que de soutenir et faciliter la croissance d’une communauté diversifiée et internationale de programmeurs Python ».
En parallèle, certains projets candidatent pour devenir une association de commerce au sens du statut 501(c)(6). La Fondation jQuery en est un exemple, se décrivant comme « une association de commerce à but non-lucratif pour développeurs web, financée par ses membres ». La Fondation Linux est également une association de commerce.
Le deuxième aspect de la formalisation de la gouvernance d’un projet à travers une fondation est la recherche de la source de financement adéquate. Certaines fondations sont financées par des donations individuelles, mais ont proportionnellement de petits budgets.
La Django Software Foundation, par exemple, gère Django, le plus populaire des frameworks web écrits en Python, utilisé par des entreprises comme Instagram et Pinterest. La Fondation est dirigée par des bénévoles, et reçoit moins de 60 000 $ de donations par an. L’année dernière, la Django Software Foundation a reçu une subvention ponctuelle de la part de la Fondation Mozilla.
Parmi les autres sources habituelles de financement on trouve les entreprises mécènes. En effet, les entreprises privées sont bien placées pour financer ces projets logiciels, puisqu’elles les utilisent elles-mêmes. La Fondation Linux est l’un de ces cas particuliers qui rencontrent le succès, et ce grâce la valeur fondamentale du noyau Linux pour les activités de quasiment toutes les entreprises. La Fondation Linux dispose de 30 millions de dollars d’un capital géré sur une base annuelle, alimenté par des entreprises privées comme IBM, Intel, Oracle et Samsung – et ce chiffre continue d’augmenter.
Créer une fondation pour soutenir un projet est une bonne idée pour les projets d’infrastructure très conséquents. Mais cette solution est moins appropriée pour de plus petits projets, en raison de la quantité de travail, des ressources, et du soutien constant des entreprises, nécessaires pour créer une organisation durable.
Node.js est un exemple récent d’utilisation réussie d’une fondation pour soutenir un gros projet. Node.js est un framework JavaScript, développé en 2009 par Ryan Dahl et différents autres développeurs employés par Joyent, une entreprise privée du secteur logiciel. Ce framework est devenu extrêmement populaire, mais a commencé à souffrir de contraintes de gouvernance liées à l’encadrement par Joyent, que certaines personnes estimaient incapable de représenter pleinement la communauté enthousiaste et en pleine croissance de Node.js.
En 2014, un groupe de contributeurs de Node.js menaça de forker le projet. Joyent essaya de gérer ces problèmes de gouvernance en créant un conseil d’administration pour le projet, mais la scission eut finalement lieu, le nouveau fork prenant le nom d’io.js. En février 2015 fut annoncée l’intention de créer une organisation 501(c) (6) en vue d’extraire Node.js de la mainmise de Joyent. Les communautés Node.js et io.js votèrent pour travailler ensemble sous l’égide de cette nouvelle entité, appelée la Fondation Node.js. La Fondation Node.js, structurée suivant les conseils de la Fondation Linux, dispose d’un certain nombre d’entreprises mécènes qui contribuent financièrement à son budget, notamment IBM, Microsoft et payPal. Ces sponsors pensent retirer une certaine influence de leur soutien au développement d’un projet logiciel populaire qui fait avancer le web, et ils ont des ressources à mettre à disposition.
Un autre exemple prometteur est Ruby Together, une organisation initiée par plusieurs développeurs Ruby pour soutenir des projets d’infrastructure Ruby. Ruby Together est structuré en tant qu’association commerciale, dans laquelle chaque donateur, entreprise ou individu, investit de l’argent pour financer le travail à temps plein de développeurs chargés d’améliorer le cœur de l’infrastructure Ruby. Les donateurs élisent un comité de direction bénévole, qui aide à décider chaque mois sur quels projets les membres de Ruby Together devraient travailler.
Ruby Together fut conçue par deux développeurs et finance leur travail de : André Arko et David Radcliffe. Aujourd’hui, en avril 2016, est également rémunéré le travail de quatre autres mainteneurs d’infrastructure. Le budget mensuel en mars 2016 était d’un peu plus de 18 000 dollars par mois, couvert entièrement par des dons. La création de Ruby Together fut annoncée en mars 2015 et reste un projet récent, mais pourrait bien servir de base à un modèle davantage orienté vers la communauté pour financer la création d’autres projets d’infrastructure.
Programmes d’entreprises
Les éditeurs de logiciels soutiennent les projets d’infrastructure de différentes manières.
En tant que bénéficiaires des projets d’infrastructures, ils contribuent en faisant remonter des dysfonctionnements et des bugs, en proposant ou soumettant de nouvelles fonctionnalités ou par d’autres moyens. Certaines entreprises encouragent leurs employés à contribuer à des projets d’une importance critique sur leur temps de travail. De nombreux employés contribuent ainsi de manière significative à des projets open source extérieurs à l’entreprise. Pour certains employés, travailler sur de l’open source fait clairement partie de leur travail. L’allocation de temps de travail de leurs salariés est une des plus importantes façons de contribuer à l’open source pour les entreprises.
Les grandes entreprises comme Google ou Facebook adhèrent avec enthousiasme à l’open source, de façon à inspirer confiance et renforcer leur influence ; elles sont de fait les seuls acteurs institutionnels assez importants qui peuvent assumer son coût sans avoir besoin d’un retour financier sur investissement. Les projets open source aident à renforcer l’influence d’une entreprise, que ce soit en publiant son propre projet open source ou en embauchant des développeurs de premier plan pour qu’ils travaillent à plein temps sur un projet open source.
Ces pratiques ne sont pas limitées aux entreprises purement logicielles. Walmart, par exemple, qui est un soutien majeur de l’open source, a investi plus de deux millions de dollars dans un projet open source nommé hapi. Eran Hammer, développeur senior à Walmart Labs, s’est empressé de préciser que « l’open source, ce n’est pas du caritatif » et que les ressources d’ingénierie gratuites sont proportionnelles à la taille des entreprises qui utilisent hapi. Dion Almaer, l’ancien vice-président en ingénierie de Walmart Labs, a remarqué que leur engagement envers l’open source les aidait à recruter, à construire une solide culture d’entreprise, et à gagner « une série d’effets de levier ».
En termes de soutien direct au maintien du projet, il arrive que des entreprises embauchent une personne pour travailler à plein temps à la maintenance d’un projet open source. Les entreprises donnent aussi occasionnellement à des campagnes de financement participatif pour un projet particulier. Par exemple, récemment, une campagne sur Kickstarter pour financer un travail essentiel sur Django a reçu 32 650 £ (environ 40 000 €) ; Tom Christie, l’organisateur de la campagne, a déclaré que 80 % du total venait d’entreprises. Cependant, ces efforts sont toujours consacrés à des projets spécifiques et les infrastructures numériques ne sont pas encore vues communément comme une question de responsabilité sociale par les entreprises de logiciel à but lucratif. Cela laisse encore beaucoup de marge aux actions de défense et promotion.
L’un des programmes d’entreprise les plus connus est le Summer of Code de Google (été de programmation, souvent nommé GSoC), déjà mentionné dans ce livre, qui offre de l’argent à des étudiant⋅e⋅s pour travailler sur des projets open source pendant un été. Les étudiant⋅e⋅s sont associé⋅e⋅s à des mentors qui vont les aider à se familiariser avec le projet. Le Summer of Code est maintenu par le bureau des programmes open source de Google, et il a financé des milliers d’étudiant⋅e⋅s.
Le but du Summer of Code est de donner à des étudiants la possibilité d’écrire du code pour des projets open source, non de financer les projets eux-mêmes.
L’an dernier, Stripe, une entreprise de traitement des paiements, a annoncé une « retraite open source », offrant un salaire mensuel d’un maximum de 7500 dollars pour une session de trois mois dans les locaux de Stripe. À l’origine, l’entreprise voulait uniquement offrir deux bourses, mais après avoir reçu 120 candidatures, le programme a été ouvert à quatre bénéficiaires.
Ces derniers ont été enchantés par cette expérience. L’un d’entre eux, Andrey Petrov, continue de maintenir la bibliothèque Python urllib3 dont nous avons déjà parlé, et qui est largement utilisée dans l’écosystème Python.
À propos de cette expérience, Andrey a écrit :
« La publication et la contribution au code open source vont continuer que je sois payé pour ou non, mais le processus sera lent et non ciblé. Ce qui n’est pas un problème, car c’est ainsi que l’open source a toujours fonctionné. Mais on n’est pas obligé d’en rester là. […]
Si vous êtes une entreprise liée à la technologie, allouez s’il vous plaît un budget pour du financement et des bourses dans le domaine de l’open source. Distribuez-le sur Gittip [Note : Gittip est maintenant dénommé Gratipay. Le produit a été quelque peu modifié depuis la publication originelle du billet d’Andrew] si vous voulez, ou faites ce qu’a fait Stripe et financez des sprints ambitieux pour atteindre des objectifs de haute valeur.
Considérez ceci comme une demande solennelle de parrainage : s’il vous plaît, aidez au financement du développement d’urllib3. »
La retraite open source de Stripe peut servir de modèle aux programmes de soutien. Stripe a décidé de reconduire le programme pour une deuxième année consécutive en 2015. Malgré la popularité de leur programme et la chaude réception qu’il a reçue chez les développeurs et développeuses, cette pratique n’est toujours pas répandue dans les autres entreprises.
Les entreprises montrent un intérêt croissant pour l’open source, et personne ne peut prédire au juste ce que cela donnera sur le long terme. Les entreprises pourraient régler le problème du manque de support à long terme en consacrant des ressources humaines et un budget aux projets open source. Des programmes de bourse formalisés pourraient permettre de mettre en contact des entreprises avec des développeurs open source ayant besoin d’un soutien à plein temps. Alors que les équipes de contributeurs à un projet étaient souvent composées d’une diversité de développeurs venant de partout, peut-être seront-elles bientôt composées par un groupe d’employés d’une même entreprise. Les infrastructures numériques deviendront peut-être une série de « jardins clos », chacun d’entre eux étant techniquement ouvert et bénéficiant d’un soutien solide, mais en réalité, grâce à ses ressources illimitées, une seule entreprise et de ses employés en assureront le soutien.
Mais si on pousse la logique jusqu’au bout, ce n’est pas de très bon augure pour l’innovation. Jeff Lindsay, un architecte logiciel qui a contribué à mettre en place l’équipe de Twilio, une entreprise performante de solutions de communication dans le cloud, livrait l’an dernier ses réflexions dans une émission :
« À Twilio, on est incité à améliorer le fonctionnement de Twilio, à Amazon on est incité à améliorer le fonctionnement d’Amazon. Mais qui est incité à mieux les faire fonctionner ensemble et à offrir plus de possibilités aux usagers en combinant les deux ? Il n’y a personne qui soit vraiment incité à faire ça. »
Timothy Fuzz, un ingénieur système, ajoute :
« Pour Bruce Schneier, cette situation tient du servage. Nous vivons dans un monde où Google est une cité-état, où Apple est une cité-état et… si je me contente de continuer à utiliser les produits Google, si je reste confiné dans l’environnement Google, tout me paraît bénéfique. Mais il est quasi impossible de vivre dans un monde où je change d’environnement : c’est très pénible, vous tombez sur des bugs, et aucune de ces entreprises ne cherche vraiment à vous aider. Nous sommes dans ce monde bizarre, mais si vous regardez du côté des cités-états, l’un des problèmes majeurs c’est le commerce inter-étatique : si on doit payer des droits de douane parce qu’on cherche à exporter quelque chose d’Austin pour le vendre à Dallas, ce n’est pas un bon modèle économique. On pâtit de l’absence d’innovation et de partage des idées. On en est là, aujourd’hui. »
Bien que l’argument du « servage » se réfère généralement aux produits d’une entreprise, comme l’addiction à l’iPhone ou à Android, il pourrait être tout aussi pertinent pour les projets open source parrainés. Les améliorations prioritaires seront toujours celles qui bénéficient directement à l’entreprise qui paie le développeur. Cette remarque ne relève pas de la malveillance ou de la conspiration : simplement, être payé par une entreprise pour travailler à un projet qui ne fait pas directement partie de ses affaires est une contrainte à prendre en compte.
Mais personne, pas plus Google que la Fondation Linux ou qu’un groupe de développeurs indépendants, ne peut contrôler l’origine d’un bon projet open source. Les nouveaux projets de valeur peuvent germer n’importe où, et quand ils rendent un service de qualité aux autres développeurs, ils sont largement adoptés. C’est une bonne chose et cela alimente l’innovation.
Aide spécifique de fondation
Deux fondations ont récemment fait part de leur décision de financer plus spécifiquement l’infrastructure numérique : la Fondation Linux et la Fondation Mozilla.
Après la découverte de la faille Heartbleed, la Fondation Linux a annoncé qu’elle mettait en place l’Initiative pour les infrastructures essentielles (Core Infrastructure Initiative, CII) pour éviter que ce genre de problème ne se reproduise. Jim Zemlin, le directeur-général de la Fondation Linux, a réuni près de 4 millions de dollars en promesses de dons provenant de treize entreprises privées, dont Amazon Web Services, IBM et Microsoft, pour financer des projets liés à la sécurité des infrastructures pour les trois ans à venir. La Fondation Linux s’occupe également d’obtenir des financements gouvernementaux, y compris de la Maison-Blanche.
La CII est officiellement un projet de la fondation Linux. Depuis sa création en avril 2014, la CII a sponsorisé du travail de développement d’un certain nombre de projets, dont OpenSSL, NTP, GnuPG (un système de chiffrement des communications) et OpenSSH (un ensemble de protocoles relatifs à la sécurité). La CII se concentre en priorité sur une partie de l’infrastructure numérique : les projets relatifs à la sécurité.
Au mois d’octobre 2015, Mitchell Baker, la présidente de la Fondation Mozilla, a annoncé la création du Programme de soutien à l’open source de Mozilla (Mozilla Open Source Support Program, MOSS) et a promis de consacrer un million de dollars au financement de logiciels libres et open source. Selon Baker, ce programme aura deux volets : un volet « rétribution » pour les projets qu’utilise Mozilla et un volet « contribution » pour les projets libres et open source en général. Grâce aux suggestions de la communauté, Mozilla a sélectionné neuf projets pour la première série de bourses. Ils se disent également prêts à financer des audits de sécurité pour les projets open source importants.
Enfin, certaines fondations contribuent ponctuellement à des projets de développement logiciel. Par exemple, la Python Software Foundation propose aux individus et aux associations des bourses modestes destinées pour la plupart aux actions pédagogiques et de sensibilisation.
Autres acteurs institutionnels
Il existe plusieurs autres acteurs qui apportent diverses formes de soutien aux infrastructures numériques : Github, le capital-risque et le monde universitaire. Si Facebook est un « utilitaire social » et Google un « utilitaire de recherche », tous deux régulant de facto les corps dans leur domaine respectif – alors Github a une chance de devenir « l’utilitaire open source ». Son modèle économique l’empêche de devenir un mastodonte financier (contrairement à Facebook ou Google dont le modèle est basé sur la publicité, alors que Github se monétise par l’hébergement de code pour les clients professionnels, et par l’hébergement individuel de code privé), mais Github est toujours un endroit où aujourd’hui encore l’open source est créée et maintenue.
Github s’est doté de grandes aspirations avec une levée de fonds de capital-risque de 350 millions de dollars, même si l’entreprise était déjà rentable. Si Github assume pleinement son rôle d’administrateur du code open source, l’organisation peut avoir une énorme influence sur le soutien apporté à ces projets. Par exemple, elle peut créer de meilleurs outils de gestion de projets open source, défendre certaines catégories de licences, ou aider les gestionnaires de projets à gérer efficacement leurs communautés.
Github a subi de grosses pressions venant des développeurs qui gèrent certains projets, ces pressions incluent une lettre ouverte collective intitulée « Cher Github », principalement issue de la communauté Javascript. Cette lettre explique : « Beaucoup sont frustrés. Certains parmi nous qui déploient des projets très populaires sur Github se sentent totalement ignoré par vous ». La lettre inclut une liste de requêtes pour l’amélioration de produits, qui pourrait les aider à gérer plus efficacement leurs projets.
Github se confronte de plus en plus à des difficultés largement documentées dans les médias. Auparavant, l’entreprise était connue pour sa hiérarchie horizontale, sans aucun manager ni directive venant d’en haut. Les employés de Github avaient aussi la liberté de choisir de travailler sur les projets qu’ils souhaitaient. Ces dernières années, tandis que Github s’est développée pour atteindre presque 500 employés, l’entreprise a réorienté sa stratégie vers une orientation plus commerciale en recrutant des équipes de vente et des dirigeants, insérés dans un système hiérarchique plus traditionnel. Cette transition d’une culture décentralisée vers plus de centralité s’est faite dans la douleur chez Github : au moins 10 dirigeants ont quitté l’organisation durant les quelques mois de l’hiver 2015-2016, ces départs incluant l’ingénieur en chef, le directeur des affaires financières, le directeur stratégique et le directeur des ressources humaines. En raison de ces conflits internes, Github n’a toujours pas pris position publiquement pour jouer un rôle de promoteur de l’open source et assumer un leadership à même de résoudre les questions pressantes autour de l’open source, mais le potentiel est bel et bien là.
Pour le capital-risque, abordé précédemment, il y a un enjeu particulier dans l’avenir des infrastructures numériques. Comme les outils des développeurs aident les entreprises du secteur technologique à créer plus rapidement et plus efficacement, meilleurs sont les outils, meilleures sont les startups, meilleure sera la rentabilité du capital-risque. Néanmoins, l’infrastructure, d’un point de vue capitaliste, n’est en rien limitée à l’open source mais plus largement focalisée sur les plateformes qui aident d’autres personnes à créer. C’est pour cela que les investissements dans Github ou npm, qui sont des plateformes qui aident à diffuser du code source, ont un sens, mais tout aussi bien les investissements dans Slack, une plateforme de travail collaboratif que les développeurs peuvent utiliser pour construire des applications en ligne de commande connectées à la plateforme (à ce propos, le capital-risque a constitué un fonds de 80 millions dédié au support de projets de développement qui utilisent Slack). Même si le capital-risque apprécie les mécaniques sous-jacentes de l’infrastructure, il est limité dans ses catégories d’actifs : un capitaliste ne peut pas investir dans un projet sans modèle économique.
Enfin, les institutions universitaires ont joué un rôle historique éminent dans le soutien aux infrastructures numériques, tout particulièrement le développement de nouveaux projets. Par exemple, LLVM, un projet de compilateur pour les langages C et C++, a démarré en tant que projet de recherche au sein de l’Université de l’Illinois, à Urbana-Champaign. Il est maintenant utilisé par les outils de développement de Mac OS X et iOS d’Apple, mais aussi dans le kit de développement de la Playstation 4 de Sony.
Un autre exemple, R, un langage de programmation répandu dans la statistique assistée par ordinateur et l’analyse de données, a été d’abord écrit par Robert Gentleman et Ross Ihaka à l’Université d’Auckland. R n’est pas uniquement utilisé par des entreprises logicielles comme Facebook ou Google, mais aussi par la Bank of America, l’Agence américaine des produits alimentaires et médicamenteux et le Service météorologique national américain, entre autres.
Quelques universités emploient également des programmeurs qui ont alors la liberté de travailler à des projets open source. Par exemple, le protocole d’heure réseau ou NTP (Network Time Protocol) utilisé pour synchroniser le temps via Intrenet, fut d’abord développé par David Mills, maintenant professeur émérite de l’université du Delaware — le projet continuant à être maintenu par un groupe de volontaires conduit par Harlan Stenn. Bash, l’outil de développement dont nous parlions dans un chapitre précédent, est actuellement maintenu par Chet Ramsay, qui est employé par le département des technologies de l’information de l’université Case Western.
Les institutions universitaires ont le potentiel pour jouer un rôle important dans le soutien de nouveaux projets, parce que cela coïncide avec leurs missions et types de donation, mais elles peuvent aussi manquer de la réactivité nécessaire pour attirer les nouveaux programmeurs open source. NumFOCUS est un exemple d’une fondation 501(c)(3) qui soutient les logiciels scientifiques open source à travers des donations et parrainages financiers. Le modèle de la fondation externe peut aider à fournir le soutien dont les logiciels scientifiques ont besoin dans un contexte d’environnement universitaire. Les fondations Alfred P. Sloan et Gordon & Betty Moore expérimentent aussi des manières de connecter les institutions universitaires avec les mainteneurs de logiciels d’analyse des données, dans le but de soutenir un écosystème ouvert et durable.
Dégooglisons Internet : on publie les chiffres !
Quelques semaines après le lancement de la 3e année de Dégooglisons (et des six nouveaux services qui l’ont accompagné), nous avons fait une photographie des statistiques d’utilisations (anonymisées, rassurez-vous ^^), afin de vous livrer un petit bilan de ce projet…
Des grands classiques qui marchent bien
On ne le cache pas, Framadate, notre alternative à Doodle, est le site le plus visité par chez nous. Avec 591 000 sondages créés depuis son lancement et plus de 1 100 sondages créés par jour, on peut dire que vous aimez planifier des choses en toute liberté !
Framapad (pour écrire collaborativement vos documents) n’est pas en reste. Mais, depuis que les pads que nous hébergeons s’effacent au bout d’un certain temps d’utilisation, il est difficile de donner des chiffres significatifs. Ah si, tiens : MyPads (qui vous permet de créer un compte pour avoir des pads permanents et d’en modérer l’accès), héberge à ce jour plus de 41 500 pads… Autant vous dire qu’on a un serveur en béton (et un admin-sys super-saiyan) !
À leurs côtés, Framacalc (les feuilles de calcul collaboratives) et Framindmap (pour travailler à plusieurs sur des cartes heuristiques) feraient presque figure d’outsiders. Sauf qu’ils sont respectivement les 4e et 3e services les plus visités de notre réseau, avec plus de 105 000 comptes et 133 000 cartes heuristiques créées par vos soins sur Framindmap !
Des outils pratiques et pratiqués
Ça a été dur de choisir parmi tous les services existants. Donc on a choisi de vous en dire le plus possible. Prêt⋅e⋅s pour une liste à la Prévert (en moins poétique car plus chiffrée…) ?
Ok, c’est parti !
Visiblement, vous aimez dessiner sur la géographie, vu qu’il y a eu 403 comptes et plus de 5 800 cartes créées sur Framacarte.
Avec 5 084 comptes et 1,1 To de données synchronisées, Framadrive (notre alternative à Dropbox) affiche complet… Mais nous ne désespérons pas de trouver une solution (peut-être même qu’une est en cours de route…). Et, pour plus d’espace disque, vous pouvez toujours prendre un compte chez IndieHosters qui nous aide à maintenir ce service, ou chez un autre des CHATONS…
Par contre, notre lecteur de flux RSS Framanews ne fera pas mieux : 500 utilisateurs et utilisatrices y synchronisent et consultent déjà plus de 10 800 flux RSS.
Avec 11 420 comptes créés, Framabag (l’alternative à Pocket) vous permet de conserver vos articles préférés dans la poche. Pensez à soutenir les créateurs du logiciel Wallabag en prenant directement un compte à prix modique chez eux. Vous pourrez ainsi bénéficier d’une nouvelle version majeure avec plus de fonctionnalités !
Framadrop est un cas particulier : cette alternative à WeTransfer (le chiffrement en plus) efface automatiquement les fichiers après que vous les aurez partagés. On ne peut donc que vous donner des instantanés ! À l’heure où nous préparons cet article, vous échangez plus de 48 000 fichiers pesant 874 Go…
Framapic, notre hébergeur d’images, permet lui aussi un effacement au bout de X temps. Actuellement, c’est plus de 141 800 images qui sont sur nos serveurs.
Frama.link raccourcit d’ores et déjà 46 900 URL (adresses web) bien trop longues, et ce, nous l’espérons, de manière aussi fiable que durable.
Vous aimez discuter dans vos groupes : Framateam (l’alternative à Slack et aux groupes Facebook) vient de franchir la barre des 10 000 utilisateurs et utilisatrices, se partageant pas loin de 2 770 équipes, et plus de 734 000 messages. Chez Framasoft, nous l’utilisons beaucoup, mais de là à dire que les plus bavard⋅e⋅s d’entre nous seraient à l’origine de 42 % des messages, ce serait un mensonge :p.
Enfin Framavox, qui vous sert à prendre des décisions en équipe, compte désormais plus de 1 500 groupes où se répartissent 3 626 personnes. Alors, c’est-y pas jubilatoire d’avoir un outil de prises de décisions transversales ?
Les petits nouveaux ne sont pas en reste !
En septembre, avant de fêter les deux ans de Dégooglisons, nous avons tout de même sorti deux services : Framinetest Édu (une alternative à Minecraft Éducation, dont vous avez vu la carte plus haut), et Framémo. Ce petit tableau pour organiser ses idées collaborativement, en direct et en ligne, remporte une fière adhésion, puisqu’en moins d’un trimestre vous avez déjà créé plus de 5 800 tableaux de notes !
Il y a aujourd’hui plus de 1 850 listes sur Framalistes, notre alternative à Google Groups, servant près de 1 050 emails par jour à plus de 21 500 utilisateurs et utilisatrices ;
Notre alternative à Evernote, Framanotes, héberge aujourd’hui plus de 3 060 comptes, dont les 12 900 notes sont chiffrées de bout en bout, ce qui fait que nous ne pouvons rien savoir de ce qu’elles contiennent ;
Près de 1 800 formulaires sont publiés grâce à Framaforms, l’outil qui permet de ne pas transmettre les réponses de vos questionnaires à Google Forms ;
Avec une moyenne de 1 000 salons d’audio/visio conférences créés par semaine, Framatalk vous libère de plus en plus de Skype (et ne nécessite aucune installation logicielle) ;
Plus de 4 500 d’entre vous se sont libéré⋅e⋅s (délivrééééééééééééé⋅e⋅s) de Google / Apple / Microsoft agenda en se créant un compte sur Framagenda : félicitations !
MyFrama, l’alternative à Del.icio.us (qui vous permet en plus de trier et conserver les adresses web des Frama-services que vous utilisez) est utilisé par plus de 2 650 personnes.
Tous ces chiffres nous donnent le tournis, tant ils nous enchantent et nous inquiètent.
Ils nous enchantent car ils renforcent notre conviction qu’une alternative aux services centralisateurs, intrusifs et privatifs des GAFAM est attendue et utilisée. Cela signifie qu’un nombre croissant de personnes sont conscientes des enjeux de la centralisation du web et cherchent à prendre des mesures pour protéger leurs données, leur vie numérique.
Ils nous inquiètent parce que, même si on est à des années-lumière des statistiques d’utilisation de Google et Cie, il existe une possibilité de re-centraliser et concentrer vos données personnelles, ce que nous ne voulons pas. Une initiative moins scrupuleuse que la nôtre pourrait donc en profiter pour peu qu’elle vous propose une certaine éthique, ou du chiffrement, ou du logiciel libre…
Il existe donc une nouvelle « niche de marché » pour conquérir l’or 3.0 que sont vos données, et les géants du Web sont d’ores et déjà en train de s’y attaquer (exemples ici, là ou encore là).
Nous ne le répéterons jamais assez, les services que nous proposons sont des démonstrations à grande échelle, et nous ne sommes jamais autant heureux⋅ses que lorsque vous les quittez parce que :
Bref : lorsque votre passage par Framasoft vous a mené vers plus d’indépendance et de liberté dans votre vie numérique !
Le point sur les dons : l’hiver est rude !
Tous ces chiffres ne sont possibles que grâce à vos dons. Nous avons (enfin !) rattrapé notre retard afin de publier nos rapports d’activités 2014 et 2015 agrémentés des données statistiques et financières de l’association (dont les comptes sont, depuis l’exercice 2015, validés par un commissaire aux comptes). À nos yeux (et comme pour tous les membres du collectif CHATONS), la transparence n’est pas négociable : promis, nous ne prendrons pas autant de temps pour publier notre rapport sur 2016 😉
En 2015, plus de 90 % de nos ressources proviennent de votre soutien financier, qui nous offre cette indépendance et cette liberté si chères à nos yeux.
Ces dons servent principalement à financer, dé-précariser et pérenniser les 6 postes des personnes employées par Framasoft. Car, si le bénévolat est essentiel, il ne permet pas tout : la stabilité des services, les développements spécifiques, le suivi des 1 046 demandes (d’aide, de soutien technique, de réponses et d’interventions) reçues ces trois derniers mois, depuis le lancement de l’an 3 de Dégooglisons… mais aussi l’organisation et la logistique derrière tous ces projets : cela demande du temps et du savoir-faire que l’on ne peut exiger de la part de bénévoles (en tous cas, pas sans les épuiser -_-…)
À ce jour, nous avons du mal à boucler le budget 2016 tel que nous l’envisagions. Sur 205 000 € de budget souhaité pour 2016, nous en sommes à environ 185 000 €. Rien d’alarmant, on ne va pas mettre la clé sous la porte !
Mais de ces financements découleront directement les énergies que nous pourrons mettre dans nos projets pour cette nouvelle année : les derniers services à Dégoogliser (YouTube, Meetup, Twitter, blog, pétitions, voire le mail !), la transmission d’expérience et la promotion du collectif CHATONS, la participation au développement de solutions d’auto-hébergement… ce ne sont pas les envies qui manquent !
Alors une fois encore, nous nous permettons de vous rappeler que vous pouvez participer financièrement à nos actions, par un don ponctuel ou mensuel, déductible des impôts pour les contribuables Français. Par exemple, un don de 100€ ne vous coûtera (après déduction fiscale) que 34€.