Longue vie au Web, par Tim Berners-Lee

Neal Fowler - CC By « Sir » Tim Berners-Lee, le père du Web, a livré ce week-end au magazine Scientific American, une analyse complète lucide et accessible des menaces qui pèsent aujourd’hui sur ce curieux phénomène qui depuis vingt ans a changé la face du monde : Internet.

En termes simples, Berners-Lee revient sur l’universalité de ce réseau, qui n’a pu se développer que grâces à des conditions initiales propices :

  • Une technique simple et libre, donc bidouillable par chacun dans son coin;
  • Une conception décentralisée, permettant une croissance tous azimuts;
  • Le principe de neutralité du réseau, qui permet à tous de proposer du contenu.

Or, force est de constater que ces conditions, qui ont démarqué ce que nous appelons aujourd’hui « Internet » des autres tentatives de mise en réseau à grande échelle d’ordinateurs de par le monde, sont attaquées et mises en péril par de grandes entreprises, et, presque comme une conséquence par de nombreux gouvernements. [1]

À la lecture de ce texte, on peut également se rendre compte que la France est malheureusement en bonne position parmi les gouvernements les plus hostiles au réseau, et que la HADOPI, comme un pavé jeté dans la mare, éclabousse effectivement de honte le pays des droits de l’Homme face à ses voisins. Contrastant par exemple clairement avec le droit au haut débit pour tous mis en place par la Finlande et lui aussi mentionné par Berners-Lee.

Toutefois, la principale qualité de cette riche synthèse est son ton résolument grand public, qui a mobilisé l’équipe Framalang tout un week-end pour venir à bout de la traduction des 6 pages de l’article original en moins de 48h.

Longue vie au Web ! Un appel pour le maintien des standards ouverts et de la neutralité

Long Live the Web, A Call for Continued Open Standards and Neutrality

Tim Berners-Lee – lundi 22 novembre – ScientificAmerican.com
Traduction Framalang : Goofy, Pablo, Seb seb, Misc, Siltaar

Le Web est un enjeu crucial non seulement pour la révolution numérique mais aussi pour notre prospérité — et même pour notre liberté. Comme la démocratie elle-même, il doit être défendu.

Le world wide web est venu au monde, concrètement, sur mon ordinateur de bureau à Genève en Suisse en décembre 1990. Il était composé d’un site Web et d’un navigateur, qui d’ailleurs se trouvaient sur la même machine. Ce dispositif très simple faisait la démonstration d’une idée fondamentale : n’importe qui pouvait partager des informations avec n’importe qui d’autre, n’importe où. Dans cet esprit, le Web s’est étendu rapidement à partir de ces fondations. Aujourd’hui, à son 20ème anniversaire, le Web est intimement mêlé à notre vie de tous les jours. Nous considérons qu’il va de soi, nous nous attendons à ce qu’il soit disponible à chaque instant, comme l’électricité.

Le Web est devenu un outil puissant et omniprésent parce qu’il a été conçu suivant des principes égalitaires et parce que des milliers d’individus, d’universités et d’entreprises ont travaillé, à la fois indépendamment et ensemble en tant que membres du World Wide Web Consortium, pour étendre ses possibilités en se fondant sur ces principes.

Le Web tel que nous le connaissons, cependant, est menacé de diverses façons. Certains de ses plus fameux locataires ont commencé à rogner sur ses principes. D’énormes sites de réseaux sociaux retiennent captives les informations postées par leurs utilisateurs, à l’écart du reste du Web. Les fournisseurs d’accés à Internet sans fil sont tentés de ralentir le trafic des sites avec lesquels ils n’ont pas d’accords commerciaux. Les gouvernements — qu’ils soient totalitaires ou démocratiques — surveillent les habitudes en ligne des citoyens, mettant en danger d’importants droits de l’Homme.

Si nous, les utilisateurs du Web, nous permettons à ces tendances et à d’autres encore de se développer sans les contrôler, le Web pourrait bien se retrouver fragmenté en archipel. Nous pourrions perdre la liberté de nous connecter aux sites Web de notre choix. Les effets néfastes pourraient s’étendre aux smartphones et aux tablettes, qui sont aussi des portails vers les nombreuses informations fournies par le Web.

Pourquoi est-ce votre affaire ? Parce que le Web est à vous. C’est une ressource publique dont vous, vos affaires, votre communauté et votre gouvernement dépendent. Le Web est également vital pour la démocratie, en tant que canal de communication qui rend possible une conversation globale permanente. Le Web est désormais plus crucial pour la liberté d’expression que tout autre média. Il transpose à l’âge numérique les principes établis dans la constitution des États-Unis, dans la Magna Carta britannique et d’autres textes fondateurs : la liberté de ne pas être surveillée, filtrée, censurée ni déconnectée.

Pourtant les gens semblent penser que le Web est en quelque sorte un élément naturel, et que s’il commence à dépérir, eh bien, c’est une de ces choses malheureuses contre lesquelles on ne peut rien faire. Or il n’en est rien. Nous créons le Web, en concevant les protocoles pour les ordinateurs et les logiciels. Ce processus est entièrement entre nos mains. C’est nous qui choisissons quelles caractéristiques nous voulons qu’il ait ou non. Il n’est absolument pas achevé (et certainement pas mort). Si nous voulons contrôler ce que fait le gouvernement, ce que font les entreprises, comprendre dans quel état exact se trouve la planète, trouver un traitement à la maladie d’Alzheimer, sans parler de partager nos photos avec nos amis, nous le public, la communauté scientifique et la presse, nous devons nous assurer que les principes du Web demeurent intacts — pas seulement pour préserver ce que nous avons acquis mais aussi pour tirer profit des grandes avancées qui sont encore à venir.

L’universalité est le principe fondateur

Il existe des principes-clés pour s’assurer que le Web devienne toujours plus précieux. Le premier principe de conception qui sous-tend l’utilité du Web et son développement, c’est l’universalité. Lorsque vous créez un lien, vous pouvez le diriger vers n’importe quoi. Cela signifie que chacun doit être capable de mettre tout ce qu’il veut sur le Web, quel que soit l’ordinateur, le logiciel utilisé ou la langue parlée, peu importe qu’on ait une connexion avec ou sans wifi. Le Web devrait être utilisable par des personnes handicapées. Il doit fonctionner avec n’importe quelle information, que ce soit un document ou un fragment de données, quelle que soit la qualité de l’information — du tweet crétin à la thèse universitaire. Et il devrait être accessible avec n’importe quel type de matériel connectable à Internet : ordinateur fixe ou appareil mobile, petit ou grand écran.

Ces caractéristiques peuvent paraître évidentes, allant de soi ou simplement sans importance, mais ce sont grâce à elles que vous pourrez voir apparaître sur le Web, sans aucune difficulté, le site du prochain film à succès ou la nouvelle page d’accueil de l’équipe locale de foot de votre gamin. L’universalité est une exigence gigantesque pour tout système.

La décentralisation est un autre principe important de conception. Vous n’avez nul besoin de l’approbation d’une quelconque autorité centrale pour ajouter une page ou faire un lien. Il vous suffit d’utiliser trois protocoles simples et standards : écrire une page en HTML (langage de balisage hypertextuel), de la nommer selon une norme d’URI (identifiant uniforme de ressource), et de la publier sur Internet en utilisant le protocole HTTP (protocole de transfert hypertexte). La décentralisation a rendu possible l’innovation à grande échelle et continuera de le faire à l’avenir.

L’URI est la clé de l’universalité (à l’origine j’ai appelé le procédé de nommage URI, Universal Resource Identifier – Identifiant Universel de Ressource ; par la suite il est devenu URL, Uniform Resource Locator – Localisateur Uniforme de Ressource). L’URI vous permet de suivre n’importe quel lien, indépendamment du contenu vers lequel il pointe ou de qui publie ce contenu. Les liens transforment le contenu du Web en quelque chose de plus grande valeur : un espace d’information inter-connecté.

Plusieurs menaces à l’encontre de l’universalité du Web sont apparues récemment. Les compagnies de télévision par câble qui vendent l’accès à Internet se demandent s’il faut pour leurs clients limiter le téléchargement à leurs seuls contenus de divertissement. Les sites de réseaux sociaux présentent un problème différent. Facebook, LinkedIn, Friendster et d’autres apportent essentiellement une valeur en s’emparant des informations quand vous les saisissez : votre date de naissance, votre adresse de courriel, vos centres d’intérêts, et les liens qui indiquent qui est ami avec qui et qui est sur quelle photo. Les sites rassemblent ces données éparses dans d’ingénieuses bases de données et réutilisent les informations pour fournir un service à valeur ajoutée — mais uniquement sur leurs sites. Une fois que vous avez saisi vos données sur un de ces services, vous ne pouvez pas facilement les utiliser sur un autre site. Chaque site est un silo, séparé des autres par une cloison hermétique. Oui, vos pages sur ces sites sont sur le Web, mais vos données n’y sont pas. Vous pouvez accéder à une page Web contenant une liste de gens que vous avez rassemblée au même endroit, mais vous ne pouvez pas envoyer tout ou partie de cette liste vers un autre site.

Cette compartimentation se produit parce que chaque élément d’information est dépourvu d’URI. L’interconnexion des données existe uniquement à l’intérieur d’un même site. Ce qui signifie que plus vous entrez de données, et plus vous vous enfermez dans une impasse. Votre site de réseau social devient une plateforme centrale — un silo de données fermé, qui ne vous donne pas le plein contrôle sur les informations qu’il contient. Plus ce genre d’architecture se répand, plus le Web se fragmente, et moins nous profitons d’un unique espace d’information universel.

Un effet pervers possible est qu’un site de réseau social — ou un moteur de recherche, ou un navigateur — prenne une telle ampleur qu’il devienne hégémonique, ce qui a tendance à limiter l’innovation. Comme cela s’est produit plusieurs fois depuis les débuts du Web, l’innovation permanente du plus grand nombre peut être la meilleure réponse pour contrer une entreprise ou un gouvernement quelconque qui voudrait saper le principe d’universalité. GnuSocial et Diaspora sont des projets sur le Web qui permettront à chacun de créer son propre réseau social sur son propre serveur, et de se connecter à d’autres sur leur site. Le projet Status.net, qui fait tourner des sites comme Identi.ca, vous permet de monter votre propre réseau de micro-blogage à la manière de Twitter mais sans la centralisation induite par Twitter.

Les standards ouverts sont le moteur de l’innovation

Permettre à chaque site d’être lié à n’importe quel autre est nécessaire mais pas suffisant pour que le Web ait une armature solide. Les technologies de base du Web, dont les particuliers et les entreprises ont besoin pour développer des services avancés, doivent être gratuites et sans redevance. Amazon.com, par exemple, est devenu une gigantesque librairie en ligne, puis un disquaire, puis un immense entrepôt de toutes sortes de produits, parce que l’entreprise avait un accès libre et gratuit aux standards techniques qui sous-tendent le Web. Amazon, comme tout usager du Web, a pu utiliser le HTML, l’URI et le HTTP sans avoir à en demander l’autorisation à quiconque et sans avoir à payer pour cela. La firme a pu également bénéficier des améliorations de ces standards développées par le World Wide Web Consortium, qui permettent aux clients de remplir un bon de commande virtuel, de payer en ligne, d’évaluer les marchandises achetées et ainsi de suite.

Par « standards ouverts » je veux dire des standards à l’élaboration desquels peuvent participer tous les spécialistes, pourvu que leur contribution soit largement reconnue et validée comme acceptable, qu’elle soit librement disponible sur le Web et qu’elle soit gratuite (sans droits à payer) pour les développeurs et les utilisateurs. Des standards ouverts, libres de droits et faciles à utiliser génèrent l’extraordinaire diversité des sites Web, depuis les grands noms tels qu’Amazon, Craigslist et Wikipédia jusqu’aux blogs obscurs maintenus par des passionnés, en passant par les vidéos bricolées à la maison et postées par des ados.

La transparence signifie aussi que vous pouvez créer votre site Web ou votre entreprise sans l’accord de qui que ce soit. Au début du Web, je ne devais pas demander de permission ni payer de droits d’auteur pour utiliser les standards ouverts propres à Internet, tels que le célèbre protocole de contrôle de transmission (TCP) et le protocole Internet (IP). De même, la politique de brevets libres de droits du W3C (World Wide Web Consortium) dit que les entreprises, les universités et les individus qui contribuent au développement d’un standard doivent convenir qu’ils ne feront pas payer de droits d’auteur aux personnes qui pourraient l’utiliser.

Les standards libres de droits et ouverts ne signifient pas qu’une entreprise ou un individu ne peut pas concevoir un blog ou un programme de partage de photos et vous faire payer son utilisation. Ils le peuvent. Et vous pourriez avoir envie de payer pour ça, si vous pensez que c’est « mieux » que le reste. L’important est que les standards ouverts permettent un grand nombre d’options, gratuites ou non.

En effet, de nombreuses entreprises dépensent de l’argent pour mettre au point des applications extraordinaires précisément parce qu’elles sont sûres que ces applications vont fonctionner pour tout le monde, sans considération pour le matériel, le système d’exploitation ou le fournisseur d’accés internet (FAI) que les gens utilisent — tout ceci est rendu possible par les standards ouverts du Web. La même confiance encourage les scientifiques à passer des centaines d’heures à créer des bases de données incroyables sur lesquelles ils pourront partager des informations sur, par exemple, des protéines en vue de mettre au point des remèdes contre certaines maladies. Cette confiance encourage les gouvernements des USA ou du Royaume-Uni à mettre de plus en plus de données sur le réseau pour que les citoyens puissent les inspecter, rendant le gouvernement de plus en plus transparent. Les standards ouverts favorisent les découvertes fortuites : quelqu’un peut les utiliser d’une façon que personne n’a imaginée avant. Nous le voyons tous les jours sur le Web.

Au contraire, ne pas utiliser les standards ouverts crée des univers fermés. Par exemple, le systéme iTunes d’Apple identifie les chansons et les vidéos par des URI que l’on ouvre. Mais au lieu d’« http: », les adresses commencent par « itunes: » qui est propriétaire. Vous ne pouvez accéder à un lien « itunes: » qu’en utilisant le logiciel propriétaire iTunes d’Apple. Vous ne pouvez pas faire un lien vers une information dans l’univers iTunes, comme une chanson ou une information sur un groupe. L’univers iTunes est centralisé et emmuré. Vous êtes piégés dans un seul magasin, au lieu d’être sur une place ouverte. Malgré toutes les fonctionnalités merveilleuses du magasin, leurs évolutions sont limitées par ce qu’une seule entreprise décide.

D’autres entreprises créent aussi des univers fermés. La tendance des magazines, par exemple, de produire des « applis » pour smartphone plutôt que des applications Web est inquiétante, parce que ce contenu ne fait pas partie du Web. Vous ne pouvez pas le mettre dans vos signets, ni envoyer par email un lien vers une page pointant dessus. Vous ne pouvez pas le « tweeter ». Il est préférable de créer une application Web qui fonctionnera aussi sur les navigateurs des smartphones et les techniques permettant de le faire s’améliorent en permanence.

Certaines personnes pourraient penser que les univers fermés ne sont pas un problème. Ces univers sont faciles à utiliser et peuvent donner l’impression de leur apporter tout ce dont elles ont besoin. Mais comme on l’a vu dans les années 1990 avec le système informatique bas débit d’AOL, qui vous donnait un accès restreint à un sous-ensemble du Web, ces « jardins emmurés », qu’importe qu’ils soient agréables, ne peuvent rivaliser en diversité, en profusion et en innovation avec l’agitation démente du Web à l’extérieur de leurs portes. Toutefois, si un « clôt » a une emprise trop importante sur un marché cela peut différer sa croissance extérieure.

Garder la séparation entre le Web et l’Internet

Conserver l’universalité du Web et garder ses standards ouverts aide tout le monde à inventer de nouveaux services. Mais un troisième principe — la séparation des couches — distingue la conception du Web de celle de l’Internet.

Cette séparation est fondamentale. Le Web est une application tournant sur Internet, qui n’est autre qu’un réseau électronique transmettant des paquets d’information entre des millions d’ordinateurs en suivant quelques protocoles ouverts. Pour faire une analogie, le Web est comme un appareil électroménager qui fonctionne grâce au réseau électrique. Un réfrigérateur ou une imprimante peut fonctionner tant qu’il utilise quelques protocoles standards — aux États-Unis, on fonctionne sur du 120 volts à 60 hertz. De la même façon, chaque application — parmi lesquelles le Web, les courriels ou la messagerie instantanée — peut fonctionner sur Internet tant qu’elle suit quelques protocoles standards d’Internet, tels que le TCP et l’IP.

Les fabricants peuvent améliorer les réfrigérateurs et les imprimantes sans transformer le fonctionnement de l’électricité, et les services publics peuvent améliorer le réseau électrique sans modifier le fonctionnement des appareils électriques. Les deux couches de technologie fonctionnent en même temps mais peuvent évoluer indépendamment. C’est aussi valable pour le Web et Internet. La séparation des couches est cruciale pour l’innovation. En 1990 le Web se déploie sur Internet sans le modifier, tout comme toutes les améliorations qui ont été faites depuis. À cette période, les connexions Internet se sont accélérées de 300 bits par seconde à 300 millions de bits par seconde (Mbps) sans qu’il ait été nécessaire de repenser la conception du Web pour tirer profit de ces améliorations.

Les droits de l’homme à l’âge électronique

Bien qu’Internet et les principes du Web soient distincts, un utilisateur du Web est aussi un utilisateur d’Internet et par conséquent il compte sur un réseau dépourvu d’interférences. Dans les temps héroïques du Web, il était techniquement trop difficile pour une entreprise ou un pays de manipuler le Web pour interférer avec un utilisateur individuel. La technologie nécessaire a fait des bonds énormes, depuis. En 2007, BitTorrent, une entreprise dont le protocole de réseau « peer to peer » permet de partager les musiques, les vidéos et d’autres fichiers directement sur Internet, a déposé une plainte auprès de la FCC (commission fédérale des communications) contre le géant des fournisseurs d’accès Comcast qui bloquait ou ralentissait le trafic de ceux qui utilisaient l’application BitTorrent. La FCC a demandé à Comcast de cesser ces pratiques, mais en avril 2010 la cour fédérale a décidé que la FCC n’avait pas le droit de contraindre Comcast. Un bon FAI (Fournisseur d’Accès Internet) qui manque de bande passante s’arrangera souvent pour délester son trafic de moindre importance de façon transparente, de sorte que les utilisateurs soient au courant. Il existe une différence importante entre cette disposition et l’usage du même moyen pour faire une discrimination.

Cette différence met en lumière le principe de la neutralité du réseau. La neutralité du réseau garantit que si j’ai payé pour une connexion d’une certaine qualité, mettons 300 Mbps, et que vous aussi vous avez payé autant, alors nos communications doivent s’établir à ce niveau de qualité. Défendre ce principe empêcherait un gros FAI de vous transmettre à 300 Mbps une vidéo venant d’une société de média qu’il posséderait, tandis qu’il ne vous enverrait la vidéo d’une société concurrente qu’à une vitesse réduite. Cela revient à pratiquer une discrimination commerciale. D’autres situations complexes peuvent survenir. Que se passe-t-il si votre FAI vous rend plus facile l’accès à une certaine boutique en ligne de chaussures et plus difficile l’accès à d’autres ? Ce serait un moyen de contrôle puissant. Et que se passerait-il si votre FAI vous rendait difficile l’accès à des sites Web de certains partis politiques, de groupes à caractère religieux, à des sites parlant de l’évolution ?

Hélas, en août Google et Verizon ont suggéré pour diverses raisons que la neutralité ne doit pas s’appliquer aux connexions des téléphones portables. De nombreuses personnes dans des zones rurales aussi bien dans l’Utah qu’en Ouganda n’ont accés à l’Internet que par leur téléphone mobile. Exclure les accès sans fil du principe de neutralité laisserait ces utilisateurs à la merci de discriminations de service. Il est également bizarre d’imaginer que mon droit fondamental d’accés à la source d’information de mon choix s’applique quand je suis sur mon ordinateur en WiFi à la maison, mais pas quand j’utilise mon téléphone mobile.

Un moyen de communication neutre est la base d’une économie de marché juste et compétitive, de la démocratie et de la science. La polémique est revenue à l’ordre du jour l’année dernière pour savoir s’il est nécessaire qu’une législation gouvernementale protège la neutralité du réseau. C’est bien le cas. Même si généralement Internet et le Web se développent grâce à une absence de régulation, quelques principes fondamentaux doivent être protégés légalement.

Halte à l’espionnage

D’autres menaces envers le web résultent d’indiscrétions touchant Internet, ce qui inclut l’espionnage. En 2008, une entreprise du nom de Phorm a mis au point un moyen pour un FAI de fouiner dans les paquets d’informations qu’il envoie. Le fournisseur peut alors déterminer chaque URI sur laquelle un de ses clients a surfé, et ensuite créer un profil des sites que l’utilisateur a visités afin de produire des publicités ciblées.

Accéder à l’information contenue dans un paquet Internet est équivalent à mettre un téléphone sur écoute ou ouvrir le courrier postal. Les URI que les gens utilisent révèlent beaucoup de choses sur eux. Une entreprise ayant acheté les profils URI de demandeurs d’emploi pourrait les utiliser pour faire de la discrimination à l’embauche sur les idées politiques des candidats par exemple. Les compagnies d’assurance-vie pourraient faire de la discrimination contre les personnes qui ont fait des recherches concernant des symptômes cardiaques sur le Web. Des personnes mal intentionnées pourraient utiliser les profils pour traquer des individus. Nous utiliserions tous le Web de façon très différente si nous savions que nos clics pouvaient être surveillés et les données ainsi obtenues partagées avec des tierces personnes.

La liberté d’expression devrait être elle aussi protégée. Le Web devrait être semblable à une feuille de papier blanche : disponible pour y écrire, sans qu’on puisse contrôler ce qui y est écrit. Au début de cette année Google a accusé le gouvernement chinois d’avoir piraté ses bases de données pour récupérer les courriels des dissidents. Ces intrusions supposées ont fait suite au refus de Google d’obéir aux exigences du gouvernement, qui demandait à l’entreprise de censurer certains documents sur son moteur de recherche en langue chinoise.

Les régimes totalitaires ne sont pas les seuls qui violent les droits du réseau de leurs citoyens. En France une loi créée en 2009, appelée HADOPI, autorise une administration du même nom à déconnecter un foyer pendant un an si quelqu’un dans la maison est accusé par une compagnie de distribution de médias d’avoir téléchargé de la musique ou des vidéos. Suite à une forte opposition, en octobre le Conseil constitutionnel français a demandé qu’un juge soit saisi du dossier avant que l’accès à Internet ne soit coupé, mais si le juge l’accepte, le foyer familial pourra être déconnecté sans procédure légale digne de ce nom. Au Royaume-Uni, le Digital Economy Act, hâtivement voté en avril, autorise le gouvernement à demander à un FAI (Fournisseur d’Accès Internet) d’interrompre la connexion de quiconque figure dans une liste d’individus soupçonnés de violation de copyright. En septembre, le Sénat des États-Unis a introduit le Combating Online Infringement and Counterfeits Act (loi pour lutter contre la délinquance en ligne et la contrefaçon), qui devrait permettre au gouvernement de créer une liste noire de sites Web — qu’ils soient ou non hébergés aux USA — accusés d’enfreindre la loi, et d’obliger tous les FAI à bloquer l’accès des-dits sites.

Dans de tels cas de figure, aucune procédure légale digne de ce nom ne protège les gens avant qu’ils ne soient déconnectés ou que leurs sites soient bloqués. Compte-tenu des multiples façons dont le Web s’avère essentiel pour notre vie privée et notre travail, la déconnexion est une forme de privation de notre liberté. En s’inspirant de la Magna Carta, nous pourrions maintenant proclamer :

« Aucun individu ni organisation ne pourra être privé de la possibilité de se connecter aux autres sans une procédure légale en bonne et due forme qui tienne compte de la présomption d’innocence. »

Lorsque nos droits d’accès au réseau sont violés, un tollé général est déterminant. Les citoyens du monde entier se sont opposés aux exigences de la Chine envers Google, à tel point que la Secrétaire d’état Hillary Clinton a déclaré que le gouvernement des États-Unis soutenait la résistance de Google et que la liberté de l’Internet — et avec elle celle du Web — allait devenir une pièce maîtresse de la politique étrangère américaine. En octobre, la Finlande a fait une loi qui donne le droit à chaque citoyen d’avoir une connexion à haut débit de 1 Mbps.

Connexion vers l’avenir

Tant que les principes fondamentaux du Web seront maintenus, son évolution ultérieure ne dépendra d’aucun individu ni d’aucune organisation particulière — ni de moi, ni de personne d’autre. Si nous pouvons en préserver les principes, le Web est promis à un avenir extraordinaire.

La dernière version du HTML par exemple, intitulée HTML5, n’est pas simplement un langage de balisage mais une plateforme de programmation qui va rendre les applications Web encore plus puissantes qu’elles ne le sont aujourd’hui. La prolifération des smartphones va mettre le Web encore plus au cœur de nos vies. L’accès sans fil donnera un avantage précieux aux pays en développement, où beaucoup de gens n’ont aucune connexion filaire ou par câble mais peuvent en avoir sans fil. Il reste encore beaucoup à faire, bien sûr, y compris en termes d’accessibilité pour les personnes handicapées, et pour concevoir des pages qui s’afficheront aussi bien sur tous les écrans, depuis le mur d’images géantes en 3D jusqu’à la taille d’un cadran de montre.

Un excellent exemple de futur prometteur, qui exploite la puissance conjuguée de tous ces principes, c’est l’interconnexion des données. Le Web d’aujourd’hui est relativement efficace pour aider les gens à publier et découvrir des documents, mais nos programmes informatiques ne savent pas lire ni manipuler les données elles-mêmes au sein de ces documents. Quand le problème sera résolu, le Web sera bien plus utile, parce que les données concernant presque chaque aspect de nos vies sont générées à une vitesse stupéfiante. Enfermées au sein de toutes ces données se trouvent les connaissances qui permettent de guérir des maladies, de développer les richesses d’un pays et de gouverner le monde de façon plus efficace.

Les scientifiques sont véritablement aux avants-postes et font des efforts considérables pour inter-connecter les données sur le Web. Les chercheurs, par exemple, ont pris conscience que dans de nombreux cas un unique laboratoire ou un seul dépôt de données en ligne s’avèrent insuffisants pour découvrir de nouveaux traitements. Les informations nécessaires pour comprendre les interactions complexes entre les pathologies, les processus biologiques à l’œuvre dans le corps humain, et la gamme étendue des agents chimiques sont dispersées dans le monde entier à travers une myriade de bases de données, de feuilles de calcul et autres documents.

Un expérience réussie est liée à la recherche d’un traitement contre la maladie d’Alzheimer. Un grand nombre de laboratoires privés ou d’état ont renoncé à leur habitude de garder secrètes leurs données et ont créé le projet Alzheimer’s Disease Neuroimaging. Ils ont mis en ligne une quantité phénoménale d’informations inter-connectées sur les patients, ainsi que des scanners cérébraux, une base dans laquelle ils ont puisé à maintes reprises pour faire progresser leurs recherches. Au cours d’une démonstration dont j’ai été témoin, un scientifique a demandé : « quelles protéines sont impliquées dans la transduction des signaux et sont liées aux neurones pyramidaux ? ». En posant la question avec Google, on obtenait 233 000 résultats — mais pas une seule réponse. En demandant aux bases de données inter-connectées du monde entier pourtant, on obtenait un petit nombre de protéines qui répondaient à ces critères.

Les secteurs de l’investissement et de la finance peuvent bénéficier eux aussi des données inter-connectées. Les profits sont générés, pour une grande part, par la découverte de modèles de recherche dans des sources d’informations incroyablement diversifiées. Les données sont également toutes liées à notre vie personnelle. Lorsque vous allez sur le site de votre réseau social et que vous indiquez qu’un nouveau venu est votre ami, vous établissez une relation. Et cette relation est une donnée.

Les données inter-connectées suscitent un certains nombre de difficultés que nous devrons affronter. Les nouvelles possibilités d’intégration des données, par exemple, pourraient poser des problèmes de respect de la vie privée qui ne sont pratiquement pas abordés par les lois existantes sur le sujet. Nous devrions examiner les possibilités légales, culturelles et techniques qui préserveront le mieux la vie privée sans nuire aux possibilités de bénéfices que procure le partage de données.

Nous sommes aujourd’hui dans une période enthousiasmante. Les développeurs Web, les entreprises, les gouvernements et les citoyens devraient travailler ensemble de façon collaborative et ouverte, comme nous l’avons fait jusqu’ici, pour préserver les principes fondamentaux du Web tout comme ceux de l’Internet, en nous assurant que les processus techniques et les conventions sociales que nous avons élaborés respectent les valeurs humaines fondamentales. Le but du Web est de servir l’humanité. Nous le bâtissons aujourd’hui pour que ceux qui le découvriront plus tard puissent créer des choses que nous ne pouvons pas même imaginer.

Notes

[1] Crédit photo : Neal Fowler – Creative Commons By




Une école de la coopération et non de la compétition ?

Rolands Lakis - CC byVingt personnalités ont récemment lancé un appel afin de supprimer les notes à l’école élémentaire.

Parmi ces personnalités, on notera Boris Cyrulnik, Axel Kahn, Daniel Pennac, François Dubet, Richard Descoings, Marcel Rufo ou encore l’ami du logiciel libre Michel Rocard.

L’appel a été repris hier dans un article de Libération et le moins que l’on puisse dire c’est que cela n’a pas laissé les lecteurs indifférents. C’est une belle foire d’empoigne dans les commentaires qui dépassent déjà les cinq cents occurrences !

Au delà de l’intéressant débat, ce qui m’a frappé, et qui vaut mention sur ce blog, c’est la dernière phrase en guise de conclusion :

« Nous appelons tous ceux qui souhaitent réaffirmer que l’école élémentaire doit être celle de la coopération et non de la compétition, à signer le présent appel. »

Consciemment ou non, en plein ou en creux, tous ceux qui défendent le logiciel libre et sa culture défendent également un monde où la coopération n’est pas écrasée par la compétition.

Je ne sais si la seule suppression des notes pour un seul niveau[1] permet d’y arriver (j’aurais même quelques doutes) mais il n’est pas anodin de remarquer que l’opposition coopération / compétition est une grille de lecture de plus en plus souvent utilisée.

PS : Et à l’âge adulte, dans la sphère du travail, ce serait quoi « un monde sans notes » ? Un monde sans discrimination à la fiche de paie ? Avec un « revenu de vie » garanti pour tous ?

Notes

[1] Crédit photo : Rolands Lakis (Creative Commons By)




Un mois de campagne « 1000 10 1 »

Harrypopof - Licence Art Libre

Il y a tout juste un mois, nous lancions ici même une audacieuse et indispensable campagne de soutien.

Aujourd’hui, plus de 600 personnes ont soutenu Framasoft suite à cet appel et plus de 250 ont décidé de participer à l’opération en nous assurant d’un soutien régulier et mensuel. Nous tenons donc, en premier lieu, à les en remercier très sincèrement.

Toutefois, comme l’illustre Harrypopof [1] avec humour et talent, si un quart de l’objectif a déjà été atteint, la route est encore longue… [2]

Depuis sa création, Framasoft n’a cessé de mener à bien des projets visant à promouvoir le logiciel libre et sa culture. Au-delà de Framasoft.net, le grand annuaire francophone et collaboratif de logiciels libres, des bénévoles sont venus apporter toujours plus de bonnes idées et de bonne volonté pour réaliser de nouveaux projets, rencontrant à leur tour des succès encourageants. On retrouve ainsi les forums Framagora et leurs 250 000 messages, les logiciels francophones adaptés pour clé USB de Framakey.org, téléchargés et distribués par centaines de milliers, les livres libres de la collection Framabook, les compilations d’œuvres libres des FramaDVD, les 100 000 logiciels libres installés via Framapack, le Framablog, ses 850 billets, ses traductions Framalang et ses vidéos Framatube, le tout consulté plus de 80 000 fois par mois…

Toutefois, cela n’aurait pas été possible sans un premier permanent, Pierre-Yves Gosset, assurant l’administration des serveurs, le suivi des projets, les relations publiques, les tâches administratives et le support… (plus de détails sur LinuxFR.org)

Pour continuer à accompagner les projets de l’association et répondre à la charge croissante, Framasoft a décidé en juin dernier d’embaucher un second permanent, Simon Descarpentries, pour épauler le premier dans ses semaines à plus de 50h et lui permettre de prendre ses premières vacances depuis deux années passées sur les chapeaux de roues.

Cette décision est aujourd’hui menacée par manque de financement, ce qui nous amène à une question simple :

« Souhaitez-vous que Framasoft continue à créer de nouveaux projets, tout en consolidant les précédents succès ? »

Framasoft a besoin de vous aujourd’hui pour continuer, en toute indépendance, à soutenir le logiciel libre et sa culture, et à créer des projets qui mettent du libre entre toutes les mains.

Nous avons ainsi mis en place une campagne intitulée « 1000 10 1 », qui vise à réunir 1000 personnes donnant 10 € par mois pendant au moins 1 an, afin de proposer une solution franche et durable qui permettra à l’association de consacrer plus de temps au développement des projets et moins à la recherche de financement. Grâce à la reconnaissance d’intérêt général dont bénéficie l’association Framasoft, l’opération ne coûtera au final qu’un peu plus de 3 € par mois, soit 40€ au total aux contribuables français, soit 2 DVD en grande surface ou 4 albums en MP3 DRMisés sur Fnac.com 🙂 Enfin, si 1000 personnes permettraient d’assurer le fonctionnement de l’association sur une année, la moitié de cet objectif est nécessaire d’ici la fin de l’année pour le maintien du poste de notre second permanent.

Pour l’heure, nous avons eu le plaisir d’annoncer le lancement de nouveaux projets tels que le FramaDVD École, ou encore les Framabooks « Simple comme Ubuntu », « Le C en 20 heures » et « Pour aller plus loin avec la ligne de commande sous Unix » tous trois librement disponibles sur le site de la collection Framabook [3], ou encore de tenir conférences [4] et ateliers lors de la dernière Ubuntu Party et au centre de formation de la librairie Eyrolles avec l’April. Sans détailler l’effort tout particulier qui se poursuit encore quant à la mise à jour 10.10 Maverick Meerkat de la Framakey Ubuntu-fr Remix, bientôt disponible sur notre boutique EnVenteLibre.

Pour que Framasoft reste à vos côtés encore longtemps, répondez à l’appel de l’April, de LinuxFr, de Benjamin Bayart (président de FDN), de Jérémie Zimmermann (Co-Fondateur de La Quadrature du Net) ou encore de Tristan Nitot (président de Mozilla Europe).

Soutenez Framasoft sur : http://soutenir.framasoft.org

Harrypopof - Licence Art Libre

Notes

[1] Crédit : Harrypopof – Licence Art Libre

[2] …mais la voie est toujours libre !

[3] Et 4 autres sont bien avancés…

[4] Au sujet de la Framakey pour Pierre-Yves et devant des collégiens pour ma part.




Rap News sur WikiLeaks, une improbable conscience ?

TheJuiceMedia CC-By-NC-SALes jours fériés, on les consacre à ses passions non ? Alors après le rap militant de Dan Bull contre ACTA, laissez moi vous présenter Rap News [1], ce journal vidéo reprenant les codes du JT pour diffuser, en rythme et en rimes, de l’actualité comme on en voit rarement à la télé.

En effet, pour accompagner les deux dernières publications massives de télégrammes américains des guerres en Afghanistan et en Irak par WikiLeaks, le collectif TheJuiceMedia, un média australien indépendant, a réalisé deux vidéos pertinentes et humoristiques, plantant le décor politique de ces fuites, sur fond de défense de la neutralité du net [2].

Bourrées de références [3], ces vidéos valent autant par les prouesses de l’acteur que la finesse des textes, et c’est pourquoi, avec l’ami Koolfy de la Nurpa.be, croisé sur le canal IRC de La Quadrature du Net [4], nous avons souhaité offrir une version sous-titrée de ces vidéos pour les francophones de tous pays (même la Belgique !).

Après plusieurs heures de temps libre [5] bien employé, nous proposions donc nos sous-titres à l’adresse de contact du collectif TheJuiceMedia qui les accueillit avec enthousiasme et les ajouta directement aux vidéos « officielles », déjà visionnées respectivement plus de 80 000 et 100 000 fois sur YouTube [6].

Toutefois, les voici reproduites ici pour vous avec l’accord des auteurs, servies et sous-titrées librement, stockées dans Framatube, et passées à travers Universal Subtitles. Ne manquez pas l’invité de prestige dans la deuxième vidéo.

Rap News contre le Pentagon

Rap News vs The Pentagon

—> La vidéo au format webm
—> Le fichier de sous-titres

Rap News contre Nouvelles Ordre Mondial

Rap News vs News World Order

—> La vidéo au format webm
—> Le fichier de sous-titres

Notes

[1] Travail copyrighté pour l’instant, mais sûrement dû à un « choix » par défaut. Je viens d’écrire aux auteurs sur ce sujet et vous tiendrai informés. Édition le 12/11/2010 à 1:52 : Leur réponse est à la hauteur de leur travail, ils me prient de considérer leur travail comme étant couvert par une CC-By-NC-SA. Seul le design du site web de thejuicemedia.com est sous Copyright de la conceptrice graphique.

[2] Rien à voir, dans ce contexte, avec le FDNN que vous avez croisé si vous soutenez, comme moi, la Quadrature du Net 😉

[3] Notamment cet extrait de JT présenté par Bill O’Reilly sur les télé. américaines.

[4] Et cet été à Bordeaux aux RMLL 2010.

[5] C’est une notion assez vague pour un Framaslave 🙂

[6] Et nous sommes fiers de constater que des collègues allemands, brésiliens et grecs nous ont rejoint dans cette initiative.




La promiscuité sans fil des réseaux WiFi publics

David Goehring - CC-BySe connecter à un Wifi public dans un parc, une gare ou un café [1] pour accéder à Internet, c’est un peu comme passer par la salle d’attente du médecin avant une consultation. Dans les deux cas, vous avez confiance en votre destination [2], mais vous êtes au préalable enfermé dans un espace avec des étrangers, tous plus ou moins malades.

En effet, le WiFi d’un café vous connecte, comme la salle d’attente, avec votre entourage direct, sans que vous ayez rien demandé. Or, si votre dossier médical est confidentiel, il suffit de faire tomber ses papiers dans une salle d’attente pour que toutes les personnes présentes puissent les lire, et il suffit de se connecter (via un WiFi public) à un service qui n’utilise pas le protocole HTTPS pour que votre entourage connecté puisse s’immiscer dans votre session et votre intimité.

Les coupables ? Les sites conservant à votre place des éléments de votre vie privée d’une part, et proposant d’autre part et sans la protection du petit cadenas qui dénote de l’utilisation du protocole HTTPS, de « garder votre session ouverte » grâce à un cookie. Si vous y prenez garde, ce n’est pas le cas des services en ligne de votre banque.

Toutefois, si l’auteur est assez pessimiste dans son petit billet complémentaire (reproduit ici à la suite du premier) face aux moyens de protection à notre disposition, il existe plusieurs extensions Firefox pour limiter les risques sans trop se compliquer la vie, citons (sur les bons conseils de Goofy) HTTPS Everywhere, et Force-TSL. De plus, il me semble également assez simple de se connecter, où qu’on soit, d’abord à un VPN personnel, ou directement en SSH sur son serveur à soit (voir l’extension Foxyproxy de Firefox), pour surfer ensuite l’esprit tranquille et sans laisser de traces locales, comme si on était à la maison. D’ailleurs, votre WiFi chez vous, il est protégé comment ?

Quand le berger prévient les moutons à New York City

Herding Firesheep in New York City

Gary LosHuertos – 27 octobre 2010 – TechnologySufficientlyAdvanced.blogspot.com
Traduction Framalang : Goofy, Pablo, cheval_boiteux

On a beaucoup parlé de Firesheep ces derniers jours. Cette extension gratuite pour Firefox récolte pour vous les cookies qui sont envoyés depuis un réseau WiFi non protégé n’utilisant pas le protocole SSL. Vous la mettez en route, elle collecte les cookies de Facebook, Twitter et de 24 autres sites (par défaut). Ensuite, vous pouvez voler l’identité d’un compte et obtenir l’accès sous cette identité.

L’extension n’a rien de scandaleux en elle-même. Si vous êtes un développeur un peu compétent, vous savez depuis longtemps que cette faille existait, n’est-ce pas ? Mais quid du reste du monde ? Tous ces gens qui n’ont jamais entendu parler de cette nouvelle menace si facile d’accès, qui n’ont pas été alertés par leurs amis, qui ne regardent pas Engadget, ni Slashdot, ni ABC Pronews7 à Amarillo ?

Je me suis dit que j’allais faire passer le message et aider les béotiens après leur travail, puisqu’il y a un grand Starbucks tout près de chez moi. J’y suis allé, j’ai acheté un peu de nourriture malsaine, j’ai ouvert mon portable et lancé Firesheep. Moins d’une minute plus tard, j’avais cinq ou six identités disponibles dans le panneau latéral. Trois d’entre elles étaient sur Facebook.

Absolument rien de surprenant ; Firesheep n’est pas magique, et tous ceux qui vont au Starbucks savent qu’un tas de gens y mettent à jour leur statut Facebook sans faire attention, tout en sirotant leur café au lait. J’ai pensé que j’allais y passer un peu plus de temps, j’ai donc écouté un peu de musique, parlé à quelques amis, et le plus important (mais pas le plus simple) je n’ai navigué sur aucun site avec le protocole standard HTTP (et surtout pas sur Facebook évidemment).

Environ une demi-heure plus tard, j’avais récolté entre 20 et 40 identités. Puisque Facebook était de loin le service le plus représenté (et qu’il détient plus d’informations personnelles que Twitter) j’ai décidé d’envoyer aux utilisateurs des messages depuis leur propre compte, pour les avertir des risques auxquels ils s’exposaient. J’ai fait un modèle de message sympa qui précisait la localisation du Starbucks, la nature de la vulnérabilité, et comment y remédier. J’ai envoyé des messages aux 20 personnes autour de moi.

J’ai nettoyé le panneau latéral, retiré mes écouteurs, et j’ai attendu. J’ai entendu quelqu’un marmonner un juron pas très loin, et me suis demandé si mon message en était la cause. Pendant le quart d’heure suivant, je n’ai entendu strictement personne parler de ce qui venait se passer (pourtant ceux qui fréquentent les Starbucks ne sont le plus souvent pas du genre à tenir des conversations discrètes). Pourtant, j’ai pu vraiment constater une nette chute du nombre d’identités que je pouvais récolter quand j’ai relancé Firesheep.

C’était un soulagement — en voilà qui avaient compris le message. Avec un peu de chance, ils allaient alerter leurs amis, mettre à l’abri leur femme et leurs enfants. J’ai de nouveau nettoyé le panneau latéral, et après une vingtaine de minutes de conversations impromptues j’ai vu que cinq identités que j’avais déjà croisées étaient revenues dans mon troupeau.

C’était assez surprenant. Avaient-ils reçu le premier message ? Je me suis mis sur leur compte avec leurs identifiants, et en effet ils l’avaient reçu. L’un d’entre eux était même sur Amazon.com, site contre lequel j’avais mis en garde dans mon premier message. Je l’ai choisi pour première cible : j’ai ouvert sa page perso sur Amazon, j’ai repéré un truc sur lequel il avait récemment jeté un coup d’œil et lui ai envoyé un mot : « non, c’est pas sérieux » sur Facebook depuis son propre compte, avec un clin d’œil sur ses goûts musicaux.

J’ai encore une fois effacé les identités, attendu dix minutes, et lorsque j’ai à nouveau rassemblé mon troupeau avec Firesheep, il était parti. Mais il y en avait encore quatre qui restaient là. Peut-être, me suis-je dit, qu’ils ont cru que c’était un message d’avertissement automatique les ciblant au hasard (bien que j’aie mentionné leur localisation dans un rayon d’une trentaine de mètres). Donc, un dernier message était nécessaire.

J’ai bricolé un très court message (le premier était peut-être trop long ?) et je l’ai envoyé aux quatre, une fois encore avec leur propre compte :

« C’était vraiment pas une blague l’avertissement sur la sécurité. Je n’enverrai plus d’autre message après celui-ci –– à vous de prendre sérieusement en main votre propre sécurité. Vous êtes au Starbucks XYZ connecté de façon non sécurisée, et absolument n’importe qui peut accéder à votre compte avec l’outil approprié nécessaire (et disponible à tous). »

Vingt minutes ont passé, et tous les quatre utilisaient encore Facebook frénétiquement. Encore une fois, j’ai envisagé qu’ils auraient pu ne pas recevoir le message, mais en vérifiant leur compte j’ai vu qu’ils l’avaient bel et bien reçu.

Voilà ce qu’il y a de plus choquant à propos de la sécurité sur Internet : ce n’est pas que nous soyons tous scotchés sur un réseau global qui tient avec des bouts de sparadrap et laisse béants d’horribles failles de sécurité ; ce n’est pas non plus qu’un outil librement disponible puisse récolter des cookies d’authentification ; et ce n’est toujours pas qu’il y ait des gens pas du tout au courant de l’un ni de l’autre. Ce qui est absolument incompréhensible, c’est qu’après avoir été averti d’un danger (et sur son propre compte !) on puisse tranquillement ignorer l’avertissement, et reprendre le fil de ses activités.

Mais enfin j’ai tenu parole et n’ai pas envoyé d’autre message. J’ai rangé mon matériel, fait un petit tour dans le café, et reconnu plusieurs personnes auxquelles j’avais montré leur vulnérabilité. Je n’avais pas laissé d’indices sur ma propre identité, moins par crainte de rétorsion que parce que l’intrusion dans la vie privée est encore plus traumatisante quand elle est commise par un étranger complet, dont on n’a pas la moindre chance de découvrir l’identité.

En revenant chez moi, j’ai réfléchi à ce que cette expérience révélait de notre société. Peu importe le nombre de mesures de sécurité que nous procurons au monde entier, il y aura toujours des gens qui laisseront la porte ouverte, même s’ils ont été victimes d’une intrusion. Le maillon le plus faible de la sécurité c’est et ce sera toujours la décision de l’utilisateur.

De retour dans mon appartement, j’ai commencé à m’installer — et c’est le moment où je me suis rendu compte que pendant toute la soirée j’avais eu la braguette grande ouverte. La preuve par neuf finalement : nous nous baladons tous avec des vulnérabilités qu’il nous reste à découvrir.

Addendum

Herding Firesheep Addendum

Gary LosHuertos – 04 novembre 2010 – TechnologySufficientlyAdvanced.blogspot.com
Traduction Framalang : Siltaar, RaphaelH, Goofy

À la suite du billet précédent, je me suis dit qu’en voulant faire court j’avais omis quelques informations. Ceci sert donc d’addendum à mon précédent billet, et a été rédigé de la manière la plus courte possible.

Le message original envoyés aux clients était le suivant :

Comme vous utilisez Facebook sans chiffrement dans un Starbucks, votre compte a été compromis. Je ne suis qu’un amical client du Starbucks qui a souhaité vous prévenir de cette vulnérabilité.

Vous pouvez en apprendre davantage en cherchant des informations sur « Firesheep ». Il n’y a pas vraiment de solutions disponibles pour protéger votre compte Facebook lorsque vous êtes connectés à un réseau public, et je vous recommande donc simplement de ne pas vous y connecter lorsque vous êtes dans un Starbucks. Cette faille affecte également Twitter, Amazon.com, Google (mais pas Gmail), et quantité d’autres services.

Votre mot de passe n’a pas été compromis. Vous déconnecter de Facebook est tout ce que vous avez besoin de faire.

Pour préciser mes motivations, laisser un compte Facebook sans protection ne signifie pas seulement que quelqu’un peut regarder vos photos, vos coups de cœurs et messages. Un compte Facebook compromis donne à quelqu’un d’autre l’accès à votre identité, lui permettant de se faire passer pour vous auprès de vos amis, ruinant potentiellement des relations. S’il est possible de rattraper les choses ensuite, le temps et l’énergie que ça demande sont importants, surtout pour quelqu’un qui a beaucoup d’amis. Quelqu’un envoyant un faux message à l’un de vos amis n’est peut être pas un gros problème, mais un faux message envoyé à 500 de vos amis est déjà plus gênant. D’autant plus qu’il peut y avoir des collègues de travail, des membres de votre famille, ou des clients dans ces 500 personnes.

Concernant la légalité de mes actions : ça n’était pas l’objet de mon article. On peut toujours spéculer sur fait que je finisse en prison, mais c’est hors sujet par rapport à ce dont je parle dans mon billet : les sites non protégés comme Facebook et Twitter sont dangereux pour leurs utilisateurs. Il semble plus intéressant de consacrer son énergie à faire passer le mot plutôt que de troller sur mon éventuelle incarcération.

Enfin concernant ce que les utilisateurs peuvent faire, la meilleure réponse à l’heure actuelle est : rien. Ne vous connectez pas aux réseaux non protégés pour utiliser ces sites web, ou bien utilisez une application qui n’utilise pas d’authentification par cookie non protégée (pour ce que j’en sais, l’application Facebook pour iPhone ne le ferait pas). Assurez-vous que votre réseau WiFi domestique est chiffré en WPA, voire en WPA2 (le WEP est trivialement déchiffrable). Si vous utilisez Facebook au travail sur une connection sans-fil, vérifiez le chiffrement du réseau. La faille de sécurité ne vient pas seulement de Firesheep, elle vient du manque de protection des connexions. La menace la plus grande vient des outils automatisés qui existent depuis des années [3].

Notes

[1] Crédit : CarbonNYC David Goehring Creative Commons By

[2] Et le sujet ici, n’est pas savoir si cette confiance est bien placée…

[3] Voir la magie des Google Cars expliquées par PCINpact ou ZDNet par exemple…




TF1 réclame (sans rien risquer) Google censure (sans vérifier)

Vidberg © LeMonde.fr Sur le Framablog, on ne manque pas une occasion d’agir contre la censure, ou de publier le témoignage d’un citoyen s’élevant contre les menaces et restrictions faites à nos libertés fondamentales [1]. Parce qu’après tout, et comme me le fit un soir remarquer Benjamin Bayart, qu’est-ce qui nous motive tous dans le mouvement du Logiciel Libre ? Et dans la défense de la neutralité du réseau qui lui est indispensable ? Qu’est-ce qui nous réunit, si ce n’est la liberté d’expression ? Cette petite flamme fragile et dangereuse qui vacille au souffle du pouvoir et nécessite, pour être entretenue, notre attention constante.

Le témoignage que nous vous proposons aujourd’hui est celui de Theocrite, un « administrateur système » engagé pour le Logiciel Libre, qui nous explique comment TF1 [2] a silencieusement fait censurer par Google un extrait vidéo de débat à l’Assemblée Nationale.

On savait déjà que certains n’hésitent pas à attaquer, en vertu du Copyright de sa bande son, une vidéo compromettante, au mépris du « fair-use » largement accordé aux vidéos de lolcats. Mais cet extrait, posté par La Quadrature du Net, n’a lui pour seule bande son que le discours à l’Assemblée des députés de la République. Cela n’a pourtant pas arrêté TF1 [3] dans son coup de poker, son nouveau coup de poignard dans le dos de l’éthique et de notre liberté d’information.

Cette vidéo, c’est celle du rejet intégral par l’Assemblée Nationale du projet de loi HADOPI 1 le 9 avril 2009, et, pour illustrer le principe selon lequel une tentative de censure s’avère toujours contre-productive pour le censeur, la voici, archivée dans notre collection Framatube :

—> La vidéo au format webm

TF1 censure des vidéos HADOPI sur YouTube

Et Google ne vérifie pas la véracité des accusations

Theocrite – 1er novembre 2010

En me promenant sur le compte YouTube de la Quadrature du Net, j’ai découvert récemment dans les paramètres du compte que certaines vidéos étaient listées comme pouvant « comporter un contenu appartenant à un tiers ».

Theocrite - CC By Sa

Hm, c’est possible… Intrigué, je clique sur le lien proposé et je m’aperçois que la vidéo en question est la vidéo du rejet de la loi HADOPI l’Assemblée Nationale.

Theocrite - CC By Sa

Bigre ! Voilà que des vidéos contenant des discours « prononcés dans les assemblées politiques » serait en contradiction avec le droit d’auteur. Voilà qui est bien étrange.

Pour en savoir plus, je clique sur « Afficher les informations sur les droits d’auteur ».

Theocrite - CC By Sa

On y apprend des choses très intéressantes… Comme le fait que les vidéos produites dans l’hémicycle seraient la propriété de « lgl_tf1 ». Un peu présomptueux de la part de la vieille chaîne qui descend.

Bon, portons réclamation. Après avoir lu une page chiante à mourir, on accède à un formulaire de réclamation, fortement limité, mais je suis décidé à faire avec.

Theocrite - CC By Sa

Theocrite - CC By Sa

Je fais alors subtilement remarquer que dans la législation française, les débats politiques sont publics… Puis je valide l’envoi du formulaire.

Theocrite - CC By Sa

Le lendemain, je constate que j’ai obtenu gain de cause : la vidéo est débloquée. Mais pour combien de temps ? Google n’a pas pris la peine de nous notifier que la vidéo était à nouveau disponible. On pouvait toujours attendre en relevant notre boîte mail.

Theocrite - CC By Sa

Bilan

Google est réactif, mais pas spécialement poli. Pas de notifications lors du blocage de la vidéo, ni lors du déblocage.

La vidéo a été bloquée pendant un certain temps. Combien de temps ? Aucune idée. Mais TF1 a tenté et a réussi à faire censurer la vidéo, peu importe combien de temps, et ce sans rien risquer. C’est un jeu permanent dans lequel les plaignants ne peuvent pas perdre et les internautes ne peuvent pas gagner.

Ce n’est pas une nouvelle, pour TF1 quand il s’agit d’HADOPI, tous les moyens sont bons pour supporter la loi. Que ce soit en inventant un plébiscite lors d’un vote, en censurant son rejet comme nous venons de le voir ou encore en s’occupant des « salariés qui, manifestement, aiment tirer contre leur camp. »

Mais sur YouTube, TF1 ne s’arrête pas à HADOPI. TF1 sort le bulldozer. Je vous invite à rechercher lgl_tf1 dans un moteur de recherche. Celui de nos amis possesseurs de YouTube par exemple, ou bien sur un moteur de recherche libre, vous y trouverez des réactions unanimes d’Internautes énervés, soit parce que lgl_tf1 a bloqué des vidéos de France 2. Soit parce que TF1 a bloqué des vidéos sur lesquelles elle a acquis les droits de diffusions pour une certaine partie du monde, et se passe de demander aux auteurs s’ils autorisent cette rediffusion.

Notes

[1] Telles que garanties par la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, et rappelées par le « considérant n°12 » de la décision n°2009-580 DC du 10 juin 2009 du Conseil Constitutionnel concernant HADOPI 1 par exemple.

[2] Crédit première illustration : Vidberg © LeMonde.fr, reproduite avec l’aimable autorisation de l’auteur. Licence équivalente à une CC-By-NC-ND avec autorisation préalable requise.

[3] Ou peut-être un imposteur, que le chaîne laisserait agir « en son nom » depuis plus de deux ans.




Geektionnerd : Soutenez Framasoft (2/2)

Gee est à l’honneur cette semaine chez Mozilla, puisque ses personnages du Geektionnerd, placés sous licence Creative Commons By-Sa, ont été repris dans diverses réalisations touchant à la sécurité.
Il y a :

  • Une vidéo détaillant la marche à suivre pour choisir un bon mot de passe;
  • Une brochure PDF sur le même sujet;
  • Un article reprenant calmement l’explication;
  • Et enfin une petite BD « Mozillians ».

Le tout affichant à chaque fois la paternité de Simon ‘Gee’ Giraudot sur les remix de ses œuvres.

Toutefois, continuant sur sa lancée il a choisi cette semaine de faire un nouveau clin d’œil à notre indispensable campagne “1000 10 1”. Toute ressemblance avec une BD parue la semaine dernière serait fortuite :

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

D’ailleurs, comme je vous l’annonçais la semaine dernière, la bannière de Gee est disponible parmi la sélection de notre générateur de bannières, qui accueille également une contribution inédite de Nojhan depuis peu.

Soutenez Framasoft - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Toutefois, re-voici le code pour l’ajouter directement à un site, où elle sera toujours du plus bel effet :

 <a href="http://soutenir.framasoft.org"><img src="https://framablog.org/public/_img/geektionnerd/Gee_banniere_1000_10_1_couleurs_cc-by-sa_600.jpg" alt="Soutenez Framasoft - http://soutenir.framasoft.org" style="margin: 0pt auto;" title="Soutenez Framasoft - Simon Gee Giraudot - CC by-sa"></a> 

Et en format badge :

Soutenez Framasoft - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

 <a href="http://soutenir.framasoft.org"><img src="https://framablog.org/public/_img/geektionnerd/Gee_badge-1000_10_1_couleurs_cc-by-sa_180.jpg" alt="Soutenez Framasoft - http://soutenir.framasoft.org" style="margin: 0pt auto;" title="Soutenez Framasoft - Simon Gee Giraudot - CC by-sa"></a> 

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Prix unique du livre, même numérique ?

Michael Mandiberg - CC-by-sa Nouvel exemple du refus des tenants d’industries du siècle dernier de considérer l’ère du numérique (ouverte par l’informatique et Internet [1]) comme une opportunité nouvelle et non comme une menace passagère, les sénateurs examineront bientôt une proposition de loi visant à imposer une recette sociale adaptée à l’économie matérielle d’objets, au commerce que l’on qualifiait encore il y a peu de « virtuel », des œuvres numériques, disponibles en-ligne et à volonté.

Tel est en effet l’objectif de cette proposition de loi : appliquer le prix-unique du livre également sur Internet. Si, naïvement, l’idée peut sembler bonne de prime abord, puisqu’elle a sûrement contribué à sauver les petites librairies françaises, elle dénote surtout une incompréhension chronique par la classe politique et les marchants de culture, de la notion de fichier d’ordinateur, ce support numérique réplicable en un instant et sans véritable coût à l’échelle de la population mondiale.

Sans en arriver aux extrémités répressives qu’instaure la loi HADOPI II, ce nouveau mouvement législatif se traduit par une énième tentative de limitation des fantastiques possibilités d’une économie nouvelle, dans le but de la faire entrer dans le moule rassurant des précédents modèles. Ici encore, au lieu d’explorer et d’exploiter au mieux ce qu’Internet rend possible, le législateur s’entête à refuser le potentiel d’un réseau numérique mondial, en s’entêtant aveuglément à transposer avec le minimum de réflexion possible ce qui marchait bien avant. D’autres pays plus pragmatiques vivent avec le Net, s’y adaptent et connaissent (est-ce lié ?) les plus forts taux de croissance de la planète depuis ces dix dernières années, mais pendant ce temps, nos sénateurs ont à cœur de préserver les recettes du passé, quitte à gâcher, pour un temps, celles du futur.

Si le Framablog parle rarement d’économie, nous vous parlons plus régulièrement d’œuvres libres, partagées par leurs auteurs à grande échelle via Internet. Or, cette loi ignore tout simplement la question et entre en contradiction avec l’essence même des licences libres, confirmant pour le moins que si la voie est libre, la route semble encore bien longue avant que les paradigmes du libre ne soient connus, compris et reconnus en haut lieu.

À l’heure de la sortie imminente de deux nouveaux Framabooks, Framasoft se joint donc aux inquiétudes soulevées par ses partenaires Adullact et AFUL dans leur dernier communiqué commun :

Le prix unique du livre numérique doit-il s’opposer à la création libre ?

14/10/2010 – URL d’origine

L’ADULLACT et l’AFUL s’inquiètent de la proposition sénatoriale de loi sur le prix [unique] du livre numérique, dont la rédaction actuelle menace sans nécessité la création sous licence libre. Leurs représentants au CSPLA s’en expliquent dans ce communiqué.

Nous avons eu récemment connaissance de la proposition de loi faite au Sénat par Mme Catherine DUMAS et M. Jacques LEGENDRE [2] relative au prix [unique] du livre numérique.

Nous comprenons le souci de la représentation nationale de préserver la filière du livre dans le monde numérique [3], en reprenant une formule qui s’est montrée efficace pour le livre imprimé traditionnel [4].

Cependant le monde numérique n’est pas le monde des supports matériels traditionnels et, s’il pose les problèmes que nous connaissons depuis plusieurs années, notamment en ce qui concerne la multiplication des copies illicites, c’est précisément parce qu’il obéit à des lois économiques nouvelles. En un mot : une fois l’œuvre créée, la production de copies peut se faire à un coût essentiellement nul.

Cela n’implique nullement qu’il soit légitime de faire ces copies sans l’accord des titulaires des droits, mais cela implique la possibilité et, de fait, l’existence de nouveaux modèles de création et d’exploitation des œuvres, modèles qui sont tout aussi légitimes que les modèles traditionnels issus du monde de l’imprimé.

Pour ne citer qu’un exemple, l’association Sésamath produit des livres numériques "homothétiques" (selon la terminologie de l’exposé des motifs), disponibles sous licence Creative Commons By-Sa. Cette licence implique que ces livres peuvent être exploités commercialement par quiconque, quelle que soit la forme que pourrait prendre cette exploitation, mais que les livres sont toujours cédés avec cette même licence sans contrainte nouvelle. Cela exclut en particulier toute contrainte de prix, ce qui est essentiel à la dynamique de création mutualisée et de maximisation du public recherchée par les auteurs.

Il ne s’agit nullement d’un phénomène marginal, même s’il est ignoré par certains rapports officiels [5]. Les versions imprimées des livres de Sésamath représentent environ 15% du marché qui les concerne, ce qui est loin d’être négligeable. Ces œuvres participent déjà au rayonnement de la France dans plusieurs pays francophones. C’est manifestement un modèle de création qui se développe : il a d’ailleurs fait l’objet des travaux d’une Commission Spécialisée [6] du Conseil Supérieur de la Propriété Littéraire et Artistique (CSPLA) où nous siégeons tous deux.

Il y a donc tout lieu de s’inquiéter de la compatibilité de la proposition de loi avec ces nouveaux modèles.

Ainsi l’article 2 prévoit la fixation d’un prix par le diffuseur commercial. Certes, les licences ouvertes – par exemple Creative Commons By-Sa – tout en permettant la diffusion gratuite et non commerciale, n’excluent nullement la diffusion commerciale, qu’elle soit le fait des créateurs initiaux ou de tiers. Mais le principe même de ces licences est par nature exclusif de toute fixation de prix puisqu’elles sont choisies par l’auteur précisément pour donner la liberté d’en décider, sans contrôle amont de l’aval de la chaîne de diffusion.

Cette loi n’a pas l’intention, on peut l’espérer, de tuer dans l’œuf ces nouveaux modes de création et d’exploitation, ce qui ne serait guère dans l’intérêt de notre pays, des créateurs concernés ou du public. Il faut donc préciser que la fixation du prix du livre numérique ne s’applique pas aux œuvres numériques libres ou ouvertes. Cela peut être réalisé très simplement par un amendement à l’article 2.3 qui prévoit déjà quelques cas d’exemption, sans aucunement porter atteinte aux modes d’exploitation commerciale que la loi vise à encadrer, au bénéfice des titulaires de droit qui souhaitent une telle protection.

Le monde du numérique et les modèles économiques associés sont complexes et mouvants, et la prudence doit probablement prévaloir avant d’y figer quoi que ce soit. Du moins faut-il préciser avec soin quels objets sont visés par le législateur. Il nous semble important que les nouveaux modèles de création et d’exploitation aient le droit de se faire entendre au même titre que les modèles traditionnels. Il y va de la compétitivité économique et culturelle de notre pays dans un univers bouleversé par le numérique. Le meilleur témoin de l’intérêt économique et social de ces modèles est le soutien que leur apportent les collectivités territoriales par leur adhésion à l’association ADULLACT présidée par l’un de nous.

Le rapport Patino préconise [7] de "mettre en place des dispositifs permettant aux détenteurs de droits d’avoir un rôle central dans la détermination des prix". Nous ne demandons rien d’autre.

Bernard LANG
Membre titulaire du CSPLA
Vice-président de l’AFUL
bernard.lang@aful.org, +33 6 62 06 16 93

François ELIE Membre suppléant au CSPLA
Président de l’ADULLACT
Vice-Président de l’AFUL
francois@elie.org, +33 6 22 73 34 96

Notes

[1] Crédit photo : Michael Mandiberg – Creative Commons Paternité Partage à conditions initiales

[2] http://www.senat.fr/leg/ppl09-695.html

[3] Le rapport de M. Bruno Patino, sur le livre numérique http://www.culture.gouv.fr/culture/actualites/conferen/albanel/rapportpatino.pdf s’inquiéte du moyen d’étendre la loi Lang au numérique (page 45).

[4] Sur ce point, discutable, voir Mathieu Perona et Jérôme Pouyet : Le prix unique du livre à l’heure du numérique http://www.cepremap.ens.fr/depot/opus/OPUS19.pdf

[5] C’est d’autant plus regrettable que les modèles explorés par Sésamath sont cités dans le monde entier comme précurseurs et innovants.

[6] http://www.cspla.culture.gouv.fr/travauxcommissions.html, Commission sur la mise à disposition ouverte des œuvres.

[7] C’est sa quatrième recommandation.