Le logiciel libre européen est-il politiquement de gauche ?

Celesteh - CC byL’April se félicite du succès rencontré par l’initiative du Pacte du Logiciel Libre au lendemain des élections européennes. Bravo pour la mobilisation, c’est effectivement une bonne nouvelle que d’avoir 34 députés issus de 7 pays différents signataires de ce Pacte (même si on pourra m’objecter que cela représente à peine 5% des 736 députés que totalise l’assemblée).

Mais c’est moins la quantité que la qualité des ces élus qui a retenu mon attention.

On dit souvent que le logiciel libre n’appartient à aucun parti ou courant politique. On dit également que le vieux clivage gauche-droite n’est plus forcément pertinent à l’aube de ce nouveau millénaire. On dit enfin que le mouvement écologiste ne doit pas (ou plus) être classé à gauche.

Il n’empêche que si vous regardez dans le détail la liste de ces 34 députes, vous serez peut-être comme moi frappé par la parenté commune de ces élus[1].

Le voici reproduit ci-dessous, accompagnés par des liens Wikipédia donnant de plus amples informations sur les partis auxquels ils appartiennent (j’y ai appris plein de choses personnellement) :

Au final, et à une exception britannique près, il n’y en a que pour « la gauche », prise au sens large (du centre-gauche, aux socialistes, en passant par les verts).

De là à en conclure qu’il n’y a que la gauche qui manifeste un intérêt assumé pour le logiciel libre en Europe, il n’y a qu’un pas que j’hésiterais cependant à franchir.

Et vous ?

Notes

[1] Crédit photo : Celesteh (Creative Commons By)




Un vidéo-clip réalisé avec 4 816 photos sous licence Creative Commons By-Sa

« You Came Out » est le dernier single du groupe electro We Have Band.

Le joli clip de cette chanson a été réalisé en stop motion, succession d’images fixes légèrement déplacées les unes des autres pour donner l’impression d’un mouvement saccadé caractéristique.

Pour que le procédé fonctionne bien, il convient de proposer beaucoup de photographies par unité de temps. Ici on a donc un clip de trois minutes pour exactement… 4 816 photographies.

Elles ont toutes été regroupées sur un compte Flickr dédié et ont été placée, riche idée, sous licence Creative Commons By-Sa.

Ce qui donne d’un coup près de cinq milles photos qui viennent enrichir la culture libre 😉

—> La vidéo au format webm

Cette vidéo a été réalisée par David Wilson, en collaboration avec Fabian Berglund et Ida Gronblom (de l’agence Wieden + Kennedy), et produite par Blinkink. Un intéressant making-of du clip est également disponible.




Mon compte Facebook sait-il que je n’ai plus de toit ?

Hrvoje Go - CC byOn n’y pense pas toujours mais en France près de la moitié des « foyers » n’est toujours pas connectée à Internet. Et que se passe-t-il si on n’a carrément pas de foyer ?

Doit-on renoncer à la « vie numérique » ? Pas forcément, mais on imagine sans peine les difficultés rencontrées.

C’est l’objet d’un récent reportage du Wall Street Journal. On peut se passer de télé, de radio, de journaux mais plus difficilement d’Internet, nous dit l’un des protagonistes. A fortiori quand on l’utilisait « comme tout un chacun » avant notre mise à la rue. A fortiori quand la crise est désormais susceptible d’atteindre plus encore les jeunes et les classe moyennes précarisées[1].

Dans la rue et sur Facebook : sans-abri mais branché sur le Web

On the Street and On Facebook: The Homeless Stay Wired

Phred Dvorak – 30 mai 2009 – Wall Street Journal
(Traduction Framalang : Cheval Boiteux, Tyah, Don Rico)

M. Pitts n’a pas d’adresse postale. Mais il a un ordinateur et anime un forum sur Internet.

Comme la plupart des habitants de San Francisco, Charles Pitts a une vie en ligne. M. Pitts, 37 ans, a un compte sur Facebook, MySpace et Twitter, il anime un forum Yahoo, lit les journaux en ligne et garde le contact avec ses amis par courriel. Le plus difficile pour lui, c’est d’organiser sa vie numérique depuis son lieu de résidence : sous un pont d’autoroute.

« Pas besoin de télé, pas besoin de radio, même pas besoin de journaux papier », explique M. Pitts, poète amateur à la casquette violette et au blouson en polaire jaune, qui dit être SDF depuis deux ans. « Internet, par contre, c’est indispensable. »

L’exemple de M. Pitts démontre à quel point les ordinateurs et l’Internet ont imprégné la société. Il y a quelques années, certains craignaient qu’une « fracture numérique » sépare ceux qui ont accès aux nouvelles technologies et les autres. Les plus démunis n’ont certes pas les moyens de s’offrir un ordinateur et un accès à Internet. Pourtant, de nos jours aux États-Unis, même ceux qui n’ont pas de toit ressentent la nécessité d’avoir une adresse électronique.

La ville de New-York a installé quarante-deux ordinateurs dans cinq des neuf foyers qu’elle gère et projette d’équiper les quatre autres dans le courant de l’année. Environ la moitié des 190 autres foyers de la ville permettent d’accéder à un ordinateur. Selon le président de Central City Hospitality House, une association à but non lucratif de San Francisco, la moitié des visiteurs utilisant ces huit ordinateurs sont des sans-abri. Il y a une telle demande pour l’accès à ces postes que leur temps d’utilisation est limitée à 30 minutes.

D’après le personnel des foyers, le nombre de sans-abri équipés d’un ordinateur portable, qui reste faible, est en augmentation. SF Homeless (NdT : Sans-Abri de San Francisco), forum créé il y a deux ans, compte 140 membres. On y trouve les dates et horaires des réunions pour les logements sociaux et des informations provenant de groupes similaires actifs au Nouveau-Mexique, en Arizona, et dans le Connecticut. Il est complété par un blog qui propose des sondages en ligne sur la vie dans les foyers.

Les prix de plus en plus bas des ordinateurs et l’accès gratuit à Internet alimentent ce phénomène, ainsi que la maîtrise de l’outil informatique de plus en plus généralisée au sein de la population. Pour répondre à une offre d’emploi ou faire une demande de logement, les démarches se déroulent de plus en plus souvent en ligne. Selon certains membres d’associations d’aide aux sans-abri, la crise économique va jeter à la rue de nombreuses personnes issues de la classe moyenne habituées à l’Internet.

Âgé de 29 ans, Paul Weston se destine à une carrière de programmeur. Son Powerbook Macintosh, nous confie-t-il, est pour lui un véritable « canot de sauvetage » depuis qu’il a dû s’installer dans un foyer après avoir perdu son poste de réceptionniste d’hôtel en décembre dernier. Installé dans un magasin Whole Foods qui propose un accès Internet gratuit, M. Weston cherche du travail et écrit un programme informatique qu’il espère réussir à vendre. Il a envoyé des courriels aux élus de la ville pour demander l’amélioration des conditions de vie dans les foyers.

Lisa Stringer, qui dirige une formation où l’on apprend aux SDF et aux habitants défavorisés à chercher un emploi et à se servir de l’outil informatique, explique que certains de ses étudiants, alors qu’ils ne savent ni lire ni écrire, économisent pour se payer un ordinateur. « Dans la société actuelle, posséder un ordinateur signifie qu’on est à la page et connecté », analyse-t-elle. Il lui arrive parfois de conseiller vivement à ses étudiants sans-abri d’attendre que leur situation se soit stabilisée avant d’acheter un portable.

Avoir une vie en ligne lorsqu’on vit dans la rue exige une grande détermination. L’électricité et l’accès à Internet sont des denrées rares. S’ajoutent à ces difficultés les menaces telles que la pluie et le vol.

Robert Livingston, 49 ans, trimballe son portable Asus partout depuis qu’il a perdu son logement en décembre dernier. Homme soigné qui dépense une partie de son allocation mensuelle de 59 dollars chez le coiffeur, M. Livingston raconte qu’il a démissionné d’un poste d’agent de sécurité l’année dernière, et qu’il n’a pas réussi à retrouver du travail à cause de la crise.

Lorsqu’il s’est rendu compte qu’il allait devenir SDF, M. Livingston a acheté un sac à dos robuste pour ranger son matériel, un cadenas pour son casier du foyer et un compte Flickr Premium à 25 dollars pour diffuser ses photos numériques.

Il y a peu, installé dans un café où les clients peuvent parfois profiter de la connexion sans fil, M. Livingston montrait fièrement sa page personnelle, qui propose des liens pour des leçons de chinois.

M. Livingston affirme que son ordinateur l’aide à rester en lien avec la société et à garder son humanité. « Être dans la rue, c’est effrayant », nous confie-t-il. « Sur Internet, je suis sur un pied d’égalité avec tout le monde. »

Pour Skip Schreiber, philosophe amateur de 64 ans qui vit aujourd’hui dans une camionnette, le plus gros défi pour rester connecté, c’est l’électricité. M. Schreiber était chauffagiste avant que le stress et une dépression liés au travail ne le mettent sur la touche il y a quinze ans.

Pour son 60ème anniversaire, il a puisé dans sa pension d’invalidité mensuelle pour s’offrir un ordinateur portable, branché sur la batterie de son véhicule, et a appris seul à s’en servir. « J’aimais le concept d’Internet », explique M.Schreiber, « cette source illimitée d’opinions et de réflexion ».

Récemment, M. Schreiber a changé de machine pour un Mac parce que celui-ci consomme moins. Quand il le peut, il coupe le ventilateur et l’antenne WiFi, et rafraîchit son portable en le posant sur un chiffon humide. Grâce à ces astuces, affirme-t-il, il réussit à faire durer sa batterie jusqu’à seize heures, à condition de proscrire les vidéos.

Dans sa camionnette où s’entassent caisses à outils, matériel électrique et couchage, M. Schreiber nous montre le contenu de son disque dur, qui comprend l’intégralité des codes civil et pénal de la Californie, ou encore des fichiers sur des penseurs tels que Thomas d’Aquin ou le psychologue Philip Zimbardo. M. Schreiber explique que les écrits sur le comportement et les aspirations des hommes l’aident à mieux appréhender son sort.

« Nul ne se conçoit comme un sans-abri », déclare-t-il. « Nous faisons nos choix au mieux, selon ce qui nous est donné. »

Michael Ross produit lui-même son électricité, grâce à un groupe électrogène installé à l’extérieur de sa tente jaune et bleue. Depuis un an, M. Ross assure la surveillance d’un parking où est entreposé du matériel de construction, grâce à un accord passé avec le propriétaire. M. Ross, qui n’a que sa pension de vétéran pour survivre, estime être SDF depuis une quinzaine d’années.

Sous la tente, ce cinquantenaire taciturne possède un laptop HP pourvu d’un écran de 17 pouces et d’un espace de stockage de 320 Go, ainsi que quatre disques durs externes supplémentaires d’une capacité totale de 1000 Go, l’équivalent de 200 DVDs. M Ross adore les films. Il en loue certains en ligne, sur Netflix et Blockbuster, et en télécharge d’autres grâce à une connection Ethernet à la bibliothèque publique de San Francisco.

L’autre soir, M. Ross s’est installé sur son sac de couchage pour regarder un épisode des X-Men, obligé d’écouter au casque pour couvrir le vacarme du groupe électrogène. Lorsqu’il se rend en ville, il emporte tout son matériel avec lui par sécurité. Son sac-à-dos est plein à craquer de cordons et de gadgets électroniques emballés dans du papier-bulle. Selon M. Ross, le poids ne lui pose pas problème.

M. Pitts, le poète qui vit sous un pont, retient de tête une liste d’endroits où il peut recharger sa batterie et se connecter à l’Internet, endroits parmi lesquels on trouve un coin peu fréquenté d’une des gares de la ville et des cafés équipés du WiFi, dont les patrons tolèrent que l’on s’y installe pour longtemps et avec beaucoup de sacs.

Expulsé de son appartement il y a deux ans, M. Pitts raconte : « Je me suis dit que mon existence et ma vie ne s’arrêtaient pas parce que je n’avais plus de toit ».

Il s’est alors acheté un portable Toshiba. Lorsque celui-ci a rendu l’âme, il l’a remplacé par un Dell d’occasion. Le mois dernier, l’écran du Dell s’est cassé. À présent, pour consulter son courrier électronique et participer à son forum consacré aux problèmes des sans-abri, il se sert des ordinateurs des bibliothèques et des campus universitaires, ou encore d’un portable caché par un de ses copains derrière le comptoir d’un café.

Ayant appris il y a un mois que le Dalaï Lama devait venir en viste dans une soupe populaire des environs, M. Pitts est allé sur Wikipédia faire une recherche sur le chef spirituel bouddhiste et a copié le texte de l’article sur son iPod pour le lire au lit, sous le pont qui l’abrite. « Sous ma couverture, à l’abri d’une bâche plastique, j’apprends des tas de trucs sur le Dalaï Lama. »

M. Pitts compte bientôt réussir à économiser assez d’argent pour se racheter un ordinateur. Il espère pouvoir en trouver un à moins de 200 dollars.

Remarque : Sur le site d’origine du Wall Street Journal, on trouve un diaporama avec une dizaine de photographies « en situation » des personnes citées dans l’article.

Notes

[1] Crédit photo : Hrvoje Go (Creative Commons By)




Rencontre avec Eric Bachard du projet OpenOffice.org

Qui a écrit « Voyage au bout de la nuit », réalisé « À bout de souffle » ou composé « Les Quatre Saisons » ? Je ne vous ferai pas l’injure de la réponse. Mais qui donc a codé Firefox, KDE ou Gimp ?

En temps qu’utilisateurs de logiciels libres, il nous arrive souvent d’oublier que derrière ces logiciels que nous utilisons et que nous aimons (et parfois contre lesquels nous pestons), il y a des développeurs, femmes et hommes de chair et d’os, souvent bénévoles, qui mettent leur cœur et leur talent pour les réaliser.

L’AFUL (Association Francophone des Utilisateurs de Logiciels Libres) et Framasoft ont souhaité collaborer dans une série d’interviews d’acteurs « bâtisseurs » de logiciels libres, afin de tenter de rendre ce mode de développement atypique plus compréhensible par tout un chacun, de comprendre les motivations de ceux qui s’impliquent, et (re)placer ainsi un peu d’humain au centre du logiciel.

Nous inaugurons cette rubrique avec Éric Bachard[1] membre plus qu’actif du projet OpenOffice.org.

Interview d’Éric Bachard par Laurent Séguin (AFUL)

Bmilcke - CopyrightBonjour Éric, pouvez-vous vous présenter rapidement ?

Bonjour, je m’appelle Éric Bachard, marié, deux enfants. Dans la vie, je suis professeur de Physique à l’UTBM, et dans le monde du logiciel libre, je suis contributeur à OpenOffice.org, depuis 2003, core développeur depuis 2005 et Lead du projet Éducation depuis 2007.

C’est quoi exactement un « core développeur » et comment le devient-on ?

J’utilise core développeur, pour parler du « core » (le cœur), par opposition à la programmation utilisant l’API d’OpenOffice.org. En effet, ayant beaucoup contribué au port natif Mac OS X, j’ai forcément dû mettre les mains dans le cambouis, et écrire du code pour les « fondations » d’OpenOffice.org. Comment devient-on « core dev » ? En fait, cela dépend 🙂 Depuis que l’on travaille avec des étudiants (surtout dans le projet Éducation), c’est assez bien défini, et le vrai terme est plutôt « Domain Developper », qui signifie qu’on a le droit de commiter dans tout module du code source d’OpenOffice.org, et de créer son propre « child workspace » (son propre espace de travail, mais visible de tous les autres devs sur le dépôt d’OpenOffice.org). En ce qui me concerne, quand j’ai été proposé, c’était un peu plus flou. Pour répondre simplement, on le devient après avoir fait ses preuves, et après une assez longue période d’observation. En fait, quand on m’a propose de commiter moi-même mes patches, j’ai été le premier surpris. J’avais pris l’habitude de les proposer sur une issue et d’attendre.

Donc OpenOffice.org applique le principe de la méritocratie 🙂

Oui, et c’est caractéristique du monde du logiciel libre.

Combien il y a-t-il de développeur au sein du projet ? Combien de bénévoles et de salarié dédié au projet

Le nombre exact n’est pas connu car dépend de critères utilisés pour le calcul, mais on peut parler grosso modo de 75 développeurs ayant écrit du code qui a été intégré dans OpenOffice.org les 6 derniers mois. Avec une règle plus large, on pourrait arriver a un peu moins de 90 personnes contribuant plus ou moins régulièrement pour OpenOffice.org.

Comment vivez vous le rachat de Sun par Oracle au sein du projet OpenOffice.org ?

Je pense que c’était plus ou moins prévisible que Sun allait se faire racheter. Par Oracle, ce fut une surprise. Maintenant, je pense surtout à tous les développeurs, basés principalement à Hambourg, et qui n’en savent pas beaucoup plus que moi. C’est surtout cela qui me préoccupe, car au bout du compte, derrière Sun, il y a des hommes et de femmes.

Cela pourrait-il porter préjudice au projet OpenOffice.org ?

Je ne pense pas. Le code source d’OpenOffice.org a longtemps été compris et maîtrisé par les gens de Sun seulement. Or, depuis quelques temps, ce n’est plus tout à fait vrai, et donc, quoi qu’il arrive, je pense que le code pourra être maintenu par la communauté. Maintenant, pour le projet, savoir que tout est propriété d’une entreprise qui a été rachetée, n’est pas une bonne chose. C’est surtout la propriété du nom « OpenOffice.org » par Sun qui pose le problème de la pérennité d’OpenOffice.org. Pour le reste, le code source étant libre, le travail continue.

Donc sans Sun, le projet est désormais viable par lui même ? Quel est l’investissement de Google, qui utilise OpenOffice.org dans la cadre de son projet Google Documents ? Il y a-t-il d’autres entreprises qui participent activement ?

Dans l’ordre : je pense que sans Sun, le code source est maintenable, mais les meilleurs développeurs sont des Sunnies (NdA : employés de Sun), et il faut en tenir compte dans la balance : ce sera difficile sans eux, si jamais. Certains sont peut être la depuis le début aussi.

Second point : l’investissement de Google, depuis plus d’un an, me semble moindre. Pour illustrer mon propos, cela fait maintenant 2 ans que le projet OpenOffice.org n’a plus de slots pour le Summer of Code, et la réponse « politiquement correcte » qui m’a été faite par exemple par Leslie Hawthorn (NdA : Program Manager de l’équipe Open Source de Google et gérante du Google Summer of Code), c’est que « tous les projets ne peuvent être retenus ». En vérité, le torchon brule entre Google et Sun, mais je ne souhaite pas aller sur ce terrain, car je n’ai pas assez d’informations.

Enfin, pour les entreprises qui participent activement je suis autant que je peux les travaux du groupe « Performance » et je vois régulièrement des gens de RedFlag2000 (NdA : entreprise chinoise développant des produits commerciaux basés sur OpenOffice.org), et d’IBM présents, avec des idées, et des travaux en cours. Il y a bien entendu aussi des gens de RedHat, et de Novell, et d’autres. Désolé, j’avoue surtout connaître les gens par leurs noms, plutôt que par le nom des entreprises qui les emploient, tout cela en compagnie des gens de Sun Germany.

Vous avez développé bénévolement une version spécifique d’OpenOffice.org orienté pour l’éducation, OOo4Kids, pouvez vous nous en parler ?

En fait, c’est en cours de développement, même si elle fonctionne déjà relativement bien

Quel est l’objectif de cette version ?

OOo4Kids - GdiumIl s’agit d’une version allégée d’OpenOffice.org (puisque fonctionnant aussi sur XO et Gdium), sans Base, ni Java et qui doit répondre aux besoins réels des enseignants et des élèves de 7 a 12 ans. Dans la plupart des écoles, les machines sont vieilles et peu puissantes, et il était impératif d’améliorer la vitesse, la taille de l’archive, et surtout, l’interface utilisateur de base inadaptée.

J’avais tout d’abord enlevé l’éditeur d’équations, mais je vais le remettre, au moins partiellement, car le programme de cycle 3 parle de fractions, et donc il faut pouvoir écrire des fractions. Cette version est née de la demande des enseignants.

Quand j’ai commence avec le projet Éducation, j’ai pris une grosse claque, car j’ai découvert que le monde de l’enseignement n’utilisait pas autant que je le pensais OpenOffice.org.

Les enseignants travaillent-ils avec vous sur les spécifications de cette version allégée ?

Oui, nous avons enfin établi le contact, et la coopération a commence. Et donc, j’ai fait la liste des doléances, et des besoins. ensuite, j’ai commence a travailler sur cette version Éduc, après avoir bien réfléchi.

Combien de personnes travaillent sur OO4Kids avec vous ?

OOo4Kids - GdiumLe cœur du projet, c’est a dire concernant le logiciel, c’est Ben Bois, Pierre Pasteau (étudiant Épitech Paris) Jean-Marie Lafon, et moi même. J’ai aussi reçu de l’aide de développeurs tels Thorsten Behrens (Novell), Philipp Lohmann (Sun), Herbert Duerr (Sun), Eike Rathke(Sun), Fridrich Strba (Novell) aussi. Cette aide concernait des points théoriques sur le code, et on gagne beaucoup de temps à travailler avec ceux qui le connaissent parfaitement.

Au passage, j’ajoute qu’OOo4Kids fonctionne sur toutes les machines que j’ai pu approcher 🙂 Linux (Intel, PowerPC, MIPS), Mac OS X (Intel et PowerPC), et Windows

Enfin, l’aide des enseignants qui testent et suggèrent des améliorations est très précieuse. D’ailleurs, on ne pourra pas avancer sans eux, puisque la validation sera faite par eux.

Quel soutient avec vous eu ou avez vous pour ce projet ? Notamment de la part du ministère de l’Éducation nationale ?

Les seuls soutiens que nous avons eus, sont (j’ai oublié de la citer précédemment) : Isabelle Hurbain, pour l’hébergement du Wiki, Microsoft pour la version de Windows XP que j’ai reçue (+ le SDK ), et aussi, depuis peu, Nicolas Jeudy avec TuxServices, mais il aide surtout EducOOo. Tout le reste, c’est du travail de bénévoles, et du temps.

OOo4Kids - WindowsQue vous manque-t-il pour OO4Kids ?

Pas mal de choses, en fait. On n’en est qu’à la 0.3 pour l’instant, mais je pense avoir du temps bientôt (mes cours vont se terminer dans trois semaines). Pour l’avancement, tout est décrit dans la Roadmap. Le code est basé sur le code de la future version 3.2 de OpenOffice.org.

Et plein de bénévoles pour contribuer au projet bien sur 😛

L’accord cadre entre le ministère de l’éducation nationale et l’AFUL pourrait-il vous être utile pour défendre le projet auprès du ministère ou des collectivités territoriales ?

J’avoue ne pas bien connaître cet accord. Cependant, après avoir rencontre Jean-Yves Jannas (NdA : membre du conseil d’administration de l’AFUL) lors du Salon Informatique de Maubeuge, je pense que nous allons devoir nous organiser mieux si une opportunité se présentait.

Merci Éric, il y a-t-il une question à laquelle vous aurez aimé répondre et que je n’ai pas posé ?

Oui : Est-il prévu que cette version devienne une version officielle ?

Et bien je vous la pose 😉

En fait, je suis en train de préparer la demande, afin qu’on puisse<considérer que cela devienne une partie d’OpenOffice.org. le problème théorique, c’est le fait qu’on dépose le nom OOo4Kids, ce qui risque de ne pas plaire. L’idée, c’est que le nom soit la propriété d’une association non profit, de façon a éviter la revente. Histoire vécue 😉

Comme décrit sur la page principale du wiki, il est question de reverser du code, si jamais quelque chose d’intéressant était implémenté dans OOo4Kids, et pouvait être réutilisé dans OOo.

Merci beaucoup d’avoir répondu à ces quelques question Éric. Un mot de fin ?

Merci beaucoup, de la part de tous ceux qui participent à cette belle aventure !

Notes

[1] Crédit Photo : Bmilcke (tous droits réservés)




Microsoft Office à l’école française : stop ou encore ?

Todd Baker - CC byEst-il si loin le jour où nous verrons en France un reportage similaire à celui que nous avons choisi de reproduire ci-dessous ? Titré « le boum des logiciels libres », il nous vient de la TSR (Télévision Suisse Romande) dans le cadre de son émission Nouvo consacrée aux « nouvelles tendances et technologies » (canal YouTube).

Que dire sinon que cela fait plaisir à voir et que nous applaudissons des deux mains ! Difficile en effet selon nous de faire mieux dans le temps imparti. Nous avions d’ailleurs publié un article dédié à cette évolution libre du Canton de Genève[1].

Faut-il le rappeler (et bien moins pour nous enorgueillir que pour déplorer l’immobilisme de la situation de l’autre côté des Alpes) : c’est peu ou prou exactement le même discours que tient le Framablog depuis un petit bout de temps déjà.

Ainsi, il y a tout juste un an (au moment même où le Café pédagogique se découvrait VRP de son généreux sponsor américain) nous avions fait l’effort de traduire un long rapport britannique qui déconseillait, étude sérieuse et détaillée à l’appui, l’usage en milieu scolaire de la suite bureautique propriétaire Microsoft Office 2007 ainsi que le nouveau (et tant décrié) système d’exploitation Windows Vista. Nous étions bien naïfs en pensant alors que ce rapport allait un tant soit peu émouvoir la communauté et réussir à faire naître un débat en haut lieu.

Car il n’en fut rien.

Peut-être parce que l’influence de Microsoft à l’école française demeure aussi efficace que disproportionnée ?

Cela n’empêche certainement pas la suite OpenOffice.org de se déployer silencieusement chaque jour davantage dans toutes les écoles Jean-Macé et les lycées Sud Médoc de France. Mais nous serions certainement allés bien plus vite sans cette résistance passive de notre administration, SDTICE en tête.

Le temps de la décision volontariste et du courage politique est-il enfin venu ?

On notera que le reportage ne se résume pas à l’éducation, puisqu’on y évoque par la suite brièvement la situation du logiciel libre dans le secteur privé (qui ne connait pas la crise) et le secteur public (ici en milieu hospitalier). Avec cette conclusion réaliste : « Pourtant le grand public hésite toujours à faire le pas, fidèle à Microsoft et autres leaders du marché ».

Le boum des logiciels libres

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Reportage : Zian Marro / Montage : Sandro Milone – 1 juin 2009 – TSR (Nouvo)

—> La vidéo au format webm

Transcript

Il s’agit de la retranscription de la première partie de la vidéo consacrée à l’éducation.

Voix off : Cours d’informatique dans cette classe de 8ème.

Le professeur : Le cours d’aujourd’hui consiste à faire faire aux élèves une feuille de calcul pour calculer leur moyenne à l’aide du logiciel libre Calc, qui est le correspondant en fait d’Excel.

Voix off : Les logiciels gratuits d’OpenOffice remplacent les bons vieux Word et Excel de Microsoft. Réputé compliqué, le libre a beaucoup évolué.

Un élève : C’est assez facile de travailler avec, surtout avec les profs qui nous donnent des consignes très claires. C’est très facile.

Voix off : Facile, mais aussi et surtout indépendant. Une ouverture qui plait aux profs.

Le professeur : On n’est pas soumis effectivement à l’hégémonie de certains logiciels. Pour avoir des nouvelles versions, à chaque fois il faut repayer etc. Donc, à mon avis, il faut s’affranchir dans une certaine mesure des logiciels dit propriétaires.

Voix off : Dans un ordinateur, le système d’exploitation, Windows par exemple, ainsi que les programmes sont payants. Aujourd’hui on peut facilement remplacer un, deux voire la totalité de ces coûteux logiciels par du libre. Et cette année l’État de Genève a édité un CD avec OpenOffice pour les élèves.

Une élève : Je trouve que c’est bien parce que comme ça on peut les avoir chez nous et on sait deja comment ça marche.

Voix off : Dans les écoles de Genève tous les ordinateurs sont equipés. L’État évite ainsi des frais de licences pour près de 900 000 francs par an, et surtout ne dépend plus de Microsoft.

Notes

[1] Crédit photo : Todd Baker (Creative Commons By)




À la manière du Petit Nicolas

Pink Sherbet Photography - CC bySi, comme moi, vous avez été bercé par le Petit Nicolas durant votre enfance, alors l’article ci-dessous devrait non seulement vous faire sourire mais vous émouvoir à peu près autant que la madeleine de Proust.

Une belle prouesse stylistique que nous propose là l’ami Ploum (dont c’est la deuxième reprise sur ce blog). Et une manière originale et percutante de faire réfléchir sur le fond (de la calle du bateau des pirates)[1].

Toute ressemblance ou similitude avec des personnages et des faits existants ou ayant existé, ne saurait pas forcément que coïncidence fortuite…

Le piratage

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Lionel Dricot (alias Ploum) – 7 juin 2009 – Licence Creative Commons By

L’autre jour à l’école, on a fait un spectacle pour les parents, un vrai avec une scène et des projecteurs. On était tous habillés avec des lunettes de soleil, des vestes en cuir et on criait « Allumer le feu ! » très fort, c’était terrible. Maixent avait une guitare électrique en plastique et Eudes tapait sur une batterie. Et vous ne devinerez jamais qui la maîtresse avait choisi pour faire le chanteur ! C’est moi ! J’avais un micro en plastique et je levais mes lunettes pour regarder le public. C’était très chouette, on s’amusait bien. Nos parents ont été drôlement impressionnés même que Maman a dit qu’elle n’imaginait pas que nous puissions faire autant de bruit.

Papa il m’a caressé les cheveux avec un grand sourire en faisant « Hé ! Hé ! » et il m’a dit qu’il avait été chanteur dans un groupe et qu’ils auraient certainement sorti un tas d’albums si il ne s’était pas marié, ce qui m’a étonné parce que je savais qu’il avait failli être international de football mais chanteur, ça c’était nouveau; il est terrible mon papa.

Et puis, le lendemain, le directeur est entré dans la classe.
— Debout ! a dit la maîtresse.
— Assis ! a dit le directeur.
Puis il a dit quelque chose à l’oreille de la maîtresse qui a fait les mêmes yeux que Clotaire quand il est envoyé au tableau.
— Mes chers enfants, a dit le directeur. Nous avons reçu une lettre signalant que nous avons utilisé lors de notre fête une composition musicale sans l’accord des ayant droits. À titre exceptionnel, aucune mesure ne sera engagée contre l’école mais vous aurez demain la visite d’un expert qui vous fera une séance d’information sur le piratage.

Nous on a pas vraiment compris ce qu’il voulait dire mais on a pas osé demander car on a bien vu à la tête de la maîtresse que c’était pas le moment de faire le mariole et puis la cloche a sonné la fin de la classe.

Le lendemain, on est tous arrivé tout excité à l’idée d’avoir une formation au piratage. Moi j’aime bien les pirates. Jeudi dernier j’ai vu un film de pirates terrible où le gentil pirate doit travailler sur le bateau du mauvais pirate avec des tas de pirates qui font « Et une bouteille de rhum ! » et « À l’abordage moussaillon ! » puis il s’enfuit en libérant sa fiancée et le perroquet qui était sur l’épaule du méchant. Ils trouvent le trésor et le méchant les retrouve dans la caverne juste quand ils vont sortir et ils se battent pendant que la grotte s’écroule. Terrible.

Geoffroy, qui a un papa très riche qui lui achète tout ce qu’il veut, était venu habillé en pirate avec un bandeau sur l’œil comme le mauvais dans le film de jeudi dernier et un sabre en plastique. Le bouillon a sonné la cloche et on s’est mis en rang pour rentrer en classe.

Dans la classe, la maîtresse nous attendait avec la même tête que Clotaire les jours de composition de grammaire et un gros monsieur habillé tout de noir qui souriait très fort. Elle a tapé avec sa règle sur le bureau et elle a dit :
— Je suis très contente d’accueillir Maître Brouzouf, de l’industrie musicale, qui va vous parler du piratage.
Moi ça m’a étonné qu’elle dise ça parce qu’elle avait pas l’air contente du tout la maîtresse et elle ne nous a pas dit d’être sages comme elle fait toujours quand l’inspecteur vient en classe alors qu’on est de toutes façons plutôt sages. Et puis le monsieur il n’avait pas vraiment l’air d’un pirate mais Rufus a dit que si ça se trouvait, il était déguisé pour pas se faire repérer et que les méchants ça se déguise souvent pour tromper le bon mais que le bon le démasque en disant « C’était donc toi vil faquin ! ».
— Merci, a dit le gros monsieur. Mes chers enfants, vous appréciez certainement la musique, tout comme moi. Cependant, faire de la musique est un gros travail et il est normal qu’un musicien soit payé pour son travail. En utilisant de la musique sans payer, vous empêchez un l’artiste de subvenir à ses besoins. C’est ce que vous avez fait lors de votre fête avec la complicité de votre enseignante au détriment d’un grand nom de notre patrimoine culturel.
La maîtresse est devenue toute rouge.
— Si vous téléchargez de la musique sur Internet, a continué le monsieur, vos chanteurs préférés n’auront bientôt plus de sous.
Moi j’ai été drôlement surpris parce que je savais pas que les chanteurs ils devaient payer pour qu’on puisse télécharger de la musique sur Internet.
— Est-ce qu’il y en a parmi vous qui savent comment télécharger ?
Moi j’ai dis que oui et que c’est mon papa qui m’avait appris quand on a reçu l’ordinateur, enfin pas tout de suite parce qu’il a d’abord fallu que papa comprenne comment il fonctionnait l’ordinateur parce qu’ils avaient tout changé au magasin et que mon papa était pourtant expert mais pas sur ce modèle là.
Le monsieur, ça n’a pas eu l’air de lui plaire qu’on aie changé l’ordinateur au magasin. Ses sourcils ont fait des drôles de mouvements et il a dit tout bas :
— Même les parents ! Mon dieu !
Et puis il m’a demandé comment je faisais et je lui ai dit que quand je reçois un email d’un copain, je clique sur « Télécharger la pièce-jointe » et, bing ! j’ai la photo rigolote sur mon bureau et je peux l’envoyer à d’autres copains et que si il voulait que je lui apprenne à télécharger de la musique, il n’avait qu’à m’en envoyer par mail et je lui montrerai le coup du bing ! sur le bureau.

Le monsieur m’a regardé avec des gros yeux et il a dit que, en téléchargeant, les artistes finirait à la rue.
— C’est pas grave, a dit Eudes, l’autre jour près de chez ma tante Claire, j’ai vu un musicien qui était dans la rue. Et les gens lui jetaient des tas de sous.
— Et puis, a dit Geoffroy, qui habite une grande maison, si un artiste n’a plus de sous, il pourra toujours venir chez moi.
— Sans blague, a dit Eudes, tu crois vraiment que Johnny viendrait chez toi ?
— Parfaitement, a dit Geoffroy.
— Plutôt loger sous un pont, a dit Eudes, et bing ! il lui a donné un coup de poing sur le nez.
Agnan, c’est le chouchou de la maîtresse et on l’aime pas trop mais on peut pas taper dessus à cause de ses lunettes, il a dit qu’il avait calculé que Johnny avait encore de l’argent pour 12.737 années et que la question ne se posait donc pas. Il est fou Agnan.
— On ne t’a pas sonné sale chouchou, il a dit Eudes en menaçant de lui donner un coup de poing sur le nez.
— Mes lunettes, j’ai des lunettes, a hurlé Agnan en se roulant par terre et en pleurant.

La maîtresse a envoyé Eudes et Geoffroy au piquet, elle a mouché Agnan et Maixent a demandé au monsieur qui ne disait plus rien et qui avait l’air un peu surpris si il savait pourquoi il ne pouvait pas lire le CD qu’il avait acheté avec les sous qu’il avait reçu la semaine dernière pour avoir fait septième à la composition d’arithmétique. Le monsieur a dit que c’était certainement que le CD avait une protection pour empêcher le téléchargement et Maixent lui a dit qu’il ne voulait rien télécharger du tout, qu’il voulait juste écouter le CD qu’il avait acheté et que, sans blague, si il avait su il aurait rien acheté du tout, c’est vrai quoi.

Rufus a dit au monsieur qu’il était un peu bête, que si il avait voulu empêcher les téléchargements, il fallait mettre un verrou sur les téléchargements, pas sur le CD.
— C’est vrai, a dit Alceste, un gros copain qui mange tout le temps. Ma maman a mis un cadena sur l’armoire à confitures à la maison. Si elle l’avait mise sur la remise du jardin, j’aurais pu continuer à avoir de la confiture. Vous êtes un peu bête quand même.

Le monsieur, ça ne lui a pas plût du tout l’idée de la maman d’Alceste. Il est devenu tout rouge et ses narines se sont agitées drôlement vite. Il nous a expliqué que lui-même travaillait dans la musique et qu’il voyait bien que si nous continuions à ne pas payer, les artistes arrêteraient de faire de la musique, que tout le monde serait très triste et que lui-même perdrait son travail. Joachim a levé le doigt et il a demandé au monsieur ce qu’il faisait comme musique. Le monsieur a répondu qu’il ne faisait plus de musique mais qu’il avait joué un peu de l’accordéon dans son jeune temps sur quoi Joachim a répondu que c’était normal qu’il ne touche plus de sous si il ne jouait plus de musique et qu’il ne voyait pas en quoi c’était de sa faute si le monsieur perdait son travail. Alceste a ajouté qu’il ne devrait s’en prendre qu’à lui-même si ses confitures disparaissaient.

Le monsieur a regardé la maîtresse, il a dit que nous étions une graine de potence, que nous finirions au bagne et il est parti en claquant la porte.

La maîtresse a poussé un long soupir et on s’est tous tenu drôlement calmes en se disant qu’on avait peut-être un peu fait les guignols et qu’elle nous mettrait en retenue jeudi. Au lieu de ça, elle nous a regardé avec un grand sourire et elle a rigolé en nous appelant ses petites graines de potence. La maîtresse, c’est la plus gentille du monde.

Parce que, c’est vrai, il faut reconnaître qu’on n’a pas été très très sages. On n’a fait que parler de musique et confitures et le monsieur, finalement, il n’aura pas eu le temps de nous parler des pirates et des bâteaux et des trésors. Heureusement, hier, le facteur a amené un paquet pour moi. C’était un cadeau de Mémé, vous ne devinerez jamais quoi ! Un livre avec des tas de pirates qui crient « Et une bouteille de rhum ! » et des trésors. Elle est très chouette ma mémé.

Ce texte, rédigé en bépo avec pyroom, est un honteux piratage sous licence CC By de l’œuvre de deux de mes héros, Sempé et Goscinny, a qui je dédie ce texte et une grande part de mon imaginaire.

Notes

[1] Crédit photo : Pink Sherbet Photography (Creative Commons By)




Largage de liens en vrac #17

Fabbio - CC by-saDans le regard de la fille ci-contre[1] je lis toute l’admiration qu’elle éprouve à me voir compiler consciencieusement tous ces liens logiciels au bénéfice de mes lecteurs bien aimés.

Même quand la sélection est, comme ici, de bonne facture, mais sans forcément faire sauter au plafond.

« Et si tu lâchais ton clavier quelques instants pour m’emmener danser dans le tourbillon de la vie », pense-t-elle également.

Mais ça c’est une autre histoire…

  • LogiLogi : Le modèle blog, à savoir un article suivi de commentaires les uns sous les autres, n’est pas forcément l’idéal si l’on veut pouvoir entamer une vraie discussion en ligne. C’est ce qu’a constaté le créateur de l’application, étudiant en philosophie, ceci expliquant cela. Je manque de temps pour développer mais cela semble vraiment très intéressant. Je vous suggère de lire ce document pour en savoir plus et comprendre l’originalité du programme.
  • OpenConferenceWare is Beautiful Software for Events : Tout nouveau tout beau, peut-être la meilleure application Web pour organiser un évènement (avec conférences et tout et tout). Pour se rendre compte de sa qualité aller sur Open Source Bridge, l’évènement pour lequel l’application a été développé et dont les développeurs ont eu la bonne idée de mettre le code à disposition. Nécessite Ruby on Rails et pas mal de compétences pour l’installer, mais c’est à peine sorti du four et ça devrait s’améliorer avec le temps.
  • pulpTunes : Pas certains que ça plaise à Albanel, ce serveur perso permettant d’accéder à ses playlists iTunes depuis n’importe quel ordinateur connecté au Net (via votre navigateur). D’autant que l’on peut bien entendu partager le tout avec ses amis. Voir une démo.
  • jPlayer : Toujours avec jQuery, ce très sexy lecteur de musique mp3 en HTML, CSS qui permet presque de se passer du format Flash (ce dernier demeurant invisible au niveau de l’habillage mais toujours nécessaire pour appeler la lecture en streaming).
  • prettyPrint : C’est uniquement pour les développeurs Web qui font du JavaScript (autant dire quasiment tout le monde désormais). Parait qu’associé avec l’extension Firebug, ça fait de votre Firefox une outil utilissime pour webmaster.
  • Page Speed : Et puisque l’on parle de Firebug, pourquoi ne pas lui ajouter ce plugin pour analyser et optimiser la vitesse de vos pages.
  • Open Sourcing Launchpad : La fin d’un bon vieux troll, la célèbre forge Launchpad d’Ubuntu (Canonical) sera libérée le 21 juillet prochain à l’occasion de la sortie de la version 3.0 (ouais je sais c’est pas tout à fait une forge mais c’est tout comme).
  • Indamixx : Il s’agit d’un ordinateur netbook (MSI Wind) avec une distribution Linux (basée sur Ubuntu) spécialement configurée pour en faire un véritable petit studio d’enregistrement portable. Les musiciens nomades y trouveront certainement un grand intérêt.
  • Open Share Icon : Une bonne idée même si elle ne prendra pas forcément. Proposer des icônes génériques libres pour tout ce qui est partage et abonnement (réseaux sociaux, fil RSS). Histoire de ne plus voir sur nos sites les petites images Facebook, Twitter & co.
  • 10 Promising CSS Framework That Worth A Look : Les Framework CSS sont ces solutions clé en main pour créer de jolis styles pour vos pages Web en respectant les standards et en ayant l’assurance que cela s’affichera correctement dans (presque) tous les navigateurs.

Notes

[1] Crédit photo : Fabbio (Creative Commons By-Sa)




Pourquoi je vais voter pour le Parti Pirate

Jon Aslund - CC byDemain c’est jour d’élection pour tous les pays de la communauté européenne. En Suède il est un parti tout à fait original, qui, si l’on en croit les derniers sondages, pourrait bien conquérir un siège au prochain Parlement : j’ai nommé le parti pirate (piratpartiet en suédois).

Wikipédia nous dit : « Le parti pirate est un parti politique de type contestataire, fondé en 2006, dont le leader est Christian Engström. Ce parti s’attache notamment à diminuer les droits de la propriété intellectuelle, comme le copyright, les brevets et la protection des œuvres. Le programme comprend aussi un soutien au renforcement des droits de vie privée (comme la propriété privée et les informations privées), à la fois sur Internet et dans la vie courante. Le parti n’a pas de programme autre que ce sujet et il n’est donc pas possible de lui attribuer une position de droite ou de gauche. »

Si chez nous c’est le débat sur l’Hadopi qui aura notoirement contribué à sensibiliser le grand public sur ces questions, chez eux c’est surtout le récent procès (et son verdict) contre le site d’échange de fichiers torrents The Pirate Bay[1] qui, en défrayant la chronique, a eu pour conséquence indirecte de voir un parti pirate, de plus en plus soutenu, occuper le devant de la scène.

Et parmi ces soutiens, il y a le romancier et professeur Lars Gustafsson, dont la maigreur de sa page Wikipédia en français ne doit pas vous tromper sur sa renommée nationale (et internationale). C’est la traduction (ci-dessous) de sa récente tribune au magazine Expressen qui sert de prétexte à ce billet. Qu’un intellectuel de tel renom achève son article en expliquant que « pour toutes ces raisons mon vote ira au parti pirate » a eu son petit effet chez nos amis nordiques et témoigne de l’intérêt que suscite ce parti (et le mouvement qu’il incarne) au sein de la société suédoise.

On notera que ce parti pirate connait de nombreuses déclinaisons dans les autres pays européens, mais aucun n’a le poids du piratpartiet et, de fait, aucun autre ne se présente aux élections.

En France la situation semble un peu confuse, puisqu’on a déjà, au moins, deux « partis pirates » alors même qu’on n’en a pas du tout entendu parler pendant le projet de loi Création et Internet. Il y a en effet un parti pirate canal historique (sic) et un parti pirate tout court. Ce dernier semble le plus crédible a priori, mais je manque d’informations. Peut-être viendront-ils apporter quelques précisions dans les commentaires…

Selon moi, et quand bien même cela ne soit ni son objectif ni sa fonction, une structure emmenée par La Quadrature du Net aurait pu y aller. Avec le risque bien sûr de se planter complètement et que cela se retourne contre elle. Mais elle aurait certainement récupérée pas mal d’abstentionnistes potentiels échaudés par l’épisode Hadopi et tout ce qui, à sa suite, semble se mettre en place. Jusqu’à peut-être, qui sait, gagner un élu, et causer ainsi localement un petit tremblement de terre politico-médiatique.

Mais je vous laisse avec Lars Gustafsson dont nous avons traduit la traduction anglaise de son texte d’origine…

Lars Gustafsson : « Pourquoi je donne mon vote au Parti Pirate »

Lars Gustafsson: “Why my vote goes to the Pirate Party”

Lars Gustafsson – Traduction anglaise Rasmus – 27 mai 2009 – Copyriot
(Traduction Framalang : Olivier)

Introduction du traducteur anglophone

Lars Gustafsson est sans doute l’écrivain suédois en vie le plus prolifique. Depuis les années 1950, il ne cesse de nous abreuver de poésie, de romans et de critiques littéraires. Il y a peu, il officiait encore comme professeur de philosophie à l’Université du Texas. De retour pour de bon en Suède, il vient de commencer à s’auto-publier sur un blog. Il est aussi le lauréat de nombreux prix littéraires, le plus récent date seulement de deux jours lorsque le prix Selma Lagerlöf lui a été remis.

Vous comprendrez donc pourquoi ses récentes déclarations dans le numéro de Expressen publié aujourd’hui ne passent pas inaperçues en Suède. Il y explique que le copyright doit être abandonné et il déclare que son vote ira au parti pirate aux élections européennes toutes proches.

Comme je pense que ce texte pourrait en intéresser plus d’un hors de Suède j’en ai fait une traduction rapide. Elle est sans doute loin d’être parfaite donc je vous demanderai de vous abstenir de poster des commentaires sur les erreurs de traductions, je vous invite plutôt à les corriger vous-mêmes et à indiquer l’adresse dans les commentaires !

Je dois aussi préciser que, personnellement, je ne partage pas entièrement l’analyse de Lars Gustafsson. La dichotomie entre matériel et immatériel particulièrement est problématique. Les technologies numériques offrent en effet la re-matérialisation n’importe où, c’est un point qui fait actuellement débat au sein de l’Embassy of Piracy, débat qui s’intensifiera à la Venice Biennale. Il y a aussi matière à remettre en question le concept de reproductibilité de Walter Benjamin. Cependant Lars Gustafsson, comme Walter Benjamin, a le mérite de réussir à formuler les conflits actuels en termes matérialistes et d’utiliser les références historiques à bon escient. Le débat est lancé. Encore une fois, pardonnez-moi s’il y a des erreurs de traduction…

La tribune de Lars Gustafsson

Därför röstar jag på Piratpartiet

Les écrits anciens qui sont parvenus jusqu’à nous racontent comment l’empereur perse ordonna que les vagues de la mer soient châtiées car une tempête l’empêchait de transporter ses troupes par navire.

Plutôt stupide. De nos jours il se serait sûrement plaint au tribunal d’instance de Stockholm, ou il aurait exigé un entretien avec le juge, peut-être…

La détresse des droits civiques au printemps 2009 me rappelle étrangement les luttes pour la liberté de la presse en France au cours des décennies qui précédèrent la révolution française. Des idées radicalement nouvelles émergent, des idées qui n’auraient jamais vu le jour sans les progrès galopants de la technologie.

Descentes contre les ateliers d’impression clandestins, pamphlets confisqués et même saisie du matériel d’impression. Mises aux arrêts et transports épiques sous le couvert de la nuit à destination de Paris depuis l’enclave prussienne de Neuchâtel – où non seulement une bonne partie de l’Encyclopédie a été produite mais à partir d’où énormément de pornographie osée a circulé également, dissimulée dans des pamphlets athéistes.

Entre les années 1730 et 1780 le nombre de censeurs d’État a quadruplé. Les descentes contre les ateliers d’impression clandestins augmentèrent proportionnellement. Avec le recul maintenant nous savons que ça n’a pas endigué le mouvement en marche. Au contraire, les nouvelles idées se sont encore plus développées et se sont répandues plus rapidement encore, stimulées par la censure toujours plus forte et les descentes dans les ateliers d’impression clandestins.

Le combat porte de nos jours sur la défense de l’essence même d’Internet, un espace de droits civiques et d’échange d’idées. Un espace qui doit rester vierge de toute menace sur la vie privée et de toute influence de puissants intérêts privés.

Le rejet d’une folle proposition de loi franco-allemande au Parlement européen n’est en aucun cas l’assurance que la vie privée en ligne restera un acquis.

Devons-nous vraiment nous inquiéter alors ? Prenons l’exemple de la rivière Dalälven. Au printemps elle est en crue, les pires années elle peut envahir les terres sur 100 voire 200 mètres alentour. Elle inonde alors les quartiers résidentiels et les prairies. Appeler les forces de l’ordre y changera-t-il quelque chose ?

Jusqu’à maintenant, l’Histoire nous montre que les lois n’ont jamais réussi à s’opposer au développement technologique.

Walter Benjamin est l’auteur d’un essai très important, L’œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, dans lequel il tire quelques conclusions très intéressantes sur les évolutions qui doivent accompagner l’avènement de la reproductibilité, malgré son échelle encore modeste à l’époque. La révolution numérique pousse la reproductibilité à un niveau que Walter Benjamin n’aurait pas imaginé même dans ses rêves les plus fous. On peut parler de reproductibilité maximale. Google est sur le point de construire une bibliothèque qui, si on lui permet d’aller au bout de son projet, rendra la plupart des bibliothèques physiques obsolètes ou surannées. Le cinéma et la presse écrite se sont retrouvés les premiers entraînés dans cette nouvelle immatérialité.

Les films, les romans ou les magazines sont facilement reproductibles. Mais ce n’est pas tout, les objets en trois dimensions, comme ceux créés par des machines programmables, peuvent aussi être reproduits, rapidement et sans laisser de trace.

Cette dématérialisation menace naturellement le droit de la propriété intellectuelle. Nous ne parlons pas ici des difficultés que Jan Guillou et une bonne douzaine d’autres auteurs pourraient affronter pour s’acheter une autre maison de campagne encore. C’est un problème social dont, pour être honnête, je me contrefous.

Le droit de la propriété intellectuelle touche à des aspects bien plus sérieux : qu’ont apporté les brevets déposés par les grandes firmes pharmaceutiques sur les trithérapies aux pays du tiers monde ? Et que dire de l’appropriation de plantes et de cochons par Monsanto ?

La société est garante d’un équilibre juste entre des intérêts contraires, l’ignorer serait un non-sens hypocrite. Une armée de défense opérante est plus importante qu’une patinoire ou que des pistes cyclables. Le Net représente une menace pour la propriété intellectuelle ? Et alors ?

La liberté de pensée et la sécurité des citoyens, autrement dit un Internet que les tribunaux aux ordres des lobbies et que les hommes politiques européens bien dressés n’auront pas encore transformé en canal gouvernemental, est sans aucun doute bien plus important que les desiderata d’une scène littéraire et musicale devenue essentiellement industrielle, une industrie que les détenteurs de droits eux-mêmes voient s’effondrer au cours de leur vie. Le souhait de vendre beaucoup de copies ne doit pas prendre le pas sur celui d’être lu, d’influencer ou de décrire son époque. Quand tel est le cas, les intérêts industriels devraient être mis de côté au profit de la défense de l’Art avec un A majuscule.

Le souci premier de tout artiste ou auteur qui se respecte est certainement d’être lu ou entendu par ses contemporains. Les moyens pour atteindre cette fin, c’est-à-dire atteindre son public, de ce point de vue ne sont que secondaires.

Les combats, toujours plus nombreux, pour défendre la formidable liberté de parole offerte par Internet, les droits civiques immatériels, que nous voyons se propager de pays en pays sont les prémices d’un libéralisme porté par la technologie et qui donc accroit notre liberté, à l’instar des changements radicaux qu’a connu le 18ème siècle.

Pour toutes ces raisons mon vote ira au parti pirate.

Reportage vidéo de la télévision Suisse Romande

URL d’origine du document
Reportage : François Roulet / Montage : Sandro Milone – 5 juin 2009 – TSR (Nouvo)

—> La vidéo au format webm

Notes

[1] Crédit photo : Jon Åslund (Creative Commons By)