La liberté sur Internet : certains en parlent, d’autres la font… Rejoignez-nous !

Le mouvement du logiciel libre a la chance de posséder deux grands tribuns de l’autre côté de l’Atlantique : Richard Stallman, que l’on ne présente plus, et Eben Moglen.

Ils n’ont pas le même style, dans le fond comme dans la forme, mais ils sont tous deux bigrement efficaces et efficients lorsqu’il s’agit de porter la bonne parole, en la rendant accessible au plus grand nombre dans un anglais simple, clair et percutant. Quand on sort de l’une de leurs conférences, on s’en trouve souvent comme revigoré pour ne pas dire galvanisé 🙂

Nous avions fait l’effort de sous-titrer une longue mais pasionnante et magistrale intervention d’Eben Moglen il y a quelques temps de cela : 1 heure de votre temps pour écouter Eben Moglen.

Donnée en février dernier dans le cadre d’un évènement autour du journalisme et des nouveaux médias, voici une conférence du même acabit et du même auteur qui n’a pas son pareil pour donner l’impression que la somme de tout ce que nous, modestes petites fourmis, faisons chacun dans notre coin du Web fait sens commun et nous dépasse.

Il y évoque notamment l’un des projets qui lui tient hacker et nous avec puisque nous lui avions consacré un enthousiaste et prometteur billet : La Freedom Box ou la petite boîte qui voulait que l’Internet restât libre.

En 2012, c’est décidé, je vote Eben Moglen !!

PS : Le sous-titrage provient de l’excellent projet Mozilla Universal Subtitles. Merci à Eric Verdier pour la traduction. Et si vous la jugez perfectible, suivez le même lien ci-avant pour l’amélioration 🙂

Navigating the Age of Democratized Media

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Transcript

Merci Tom, c’est un grand plaisir d’être ici.

Je suis très heureux d’avoir l’occasion de parler des questions qui me préoccupent le plus dans un contexte qui nous permet de parler un peu du journalisme et un peu de l’ignorance et un peu de l’abus de pouvoir.

Le problème que représente la presse c’est-à-dire la machine de communication depuis le début de l’industrialisation de la communication et de la lutte contre l’ignorance en Europe, au 15e siècle. Le problème posé par la presse est sa soumission incroyable au pouvoir. Presse et Pouvoir sont difficiles à séparer plus difficiles à séparer que le beurre d’arachide et la gelée, plus difficile à séparer que la nuit et le jour. Presse et Pouvoir sont liés l’un à l’autre depuis le début parce que dès le début il a été clair que l’alternative à une étreinte entre la presse et le pouvoir est une constante révolution alimentée par le désir des gens à connaître et à s’autoriser à agir dans leur propre intérêt, indépendamment de l’intérêt du pouvoir.

Notre adoption de la presse dans le monde européen après l’effondrement de l’unité de la chrétienté et la fin du système pour le contrôle de l’esprit qu’ a été l’Église catholique universelle, dans cette grande révolution intellectuelle, morale et politique que nous avons appelé la Réforme. La réponse à la Réforme fut l’apprentissage par toutes les sociétés européennes, protestantes et catholiques à la fois, que la presse ne pouvait pas être autorisée à être libre, et le résultat a été la censure presque partout pendant des centaines d’années.

Dans de rares endroits en Europe, en Hollande et au Royaume-Uni, en fait en Angleterre après 1650, puis à nouveau après 1695, dans les rares endroits où la presse était libre d’imprimer sans contrôle, le résultat a été le révolution intellectuelle, politique et morale que nous appelons les Lumières et la Révolution française, qui est une preuve de plus que permettre aux gens de savoir, d’apprendre, de s’éduquer les uns les autres et de partager entraînera la décentralisation du pouvoir et une menace pour tous les « Ancien Régime ».

Mais à l’âge des médias capitalistes dans lequel nous sommes en train de passer le mariage entre la presse et le pouvoir a été une fois de plus une question d’attraction magnétique. La presse, qui est la production industrielle et la diffusion de l’information organisée, la presse est devenue la bonniche de la classe possédante.

Liberté de la Presse. Le grand critique de presse américain A. J. Liebling a écrit: « La liberté de la presse appartient à celui qui en possède une » et à travers le 20e siècle tant à l’égard de la presse que de son proche cousin, la diffusion ça a été encore plus vrai.

Nous sommes en train de sortir de l’ère de la presse comme nous passons de l’idée qu’il y a une machine qui transforme l’information du local et temporaire à l’universel et permanent. A la place, nous avons commencé de vivre à l’intérieur d’un système nerveux numérique qui relie chaque être humain sur la planète à tout autre être humain sur la planète actuellement ou potentiellement sans intermédiaires

À la fin de la prochaine génération quelques soient les horreurs ou victoires qui arriveront dans l’intervalle d’ici la fin de la prochaine génération nous allons vivre dans ce monde de l’interconnexion généralisée sociale de l’homme qui est ce que nous voulons dire lorsque nous parlons de l’Internet.

Chaque fax, heu, les quelques-unes restantes, tous les scanners, chaque imprimante, chaque téléphone, chaque appareil, chaque caméra vidéo, ai-je dit par téléphone… téléphone… téléphone… téléphone ? Chaque objet avec une alimentation électrique sera une collecteur d’informations et un système de distribution contrôlée par certains êtres humains quelque part, à une extrémité ou à l’autre.

S’il est contrôlée au final là où sont les êtres humains, où ils luttent, où ils cherchent à vendre leurs légumes, où ils sont offensés par un policier refusant de leur permettre de vendre leurs légumes où ils agissent dans la rue pour aider un vendeur de légumes empêché de vendre ses légumes par un policier offensant partout nous aurons des informations réalisées par des personnes pour se libérer.

Considérez ceci : des Indiens maintenant les plus pauvres des pauvres ont des téléphones mobiles et sur ce téléphone mobile, sur le mobile de chacun, chaque livre, chaque morceau de musique chaque vidéo, chaque carte, chaque expérience scientifique, tout type d’information utile ou belle pourra être mis à disposition de chacun s’il n’y avait pas de règles contre le partage.

Tout ce que nous ont laissé dans ce grand système nerveux de l’humanité, tout ce que nous ont laissé que fait obligatoire l’ignorance sont les règles contre le partage.

Lorsque les lois contre le partage auront disparues, et ça va venir, l’ignorance, pour la première fois dans l’histoire de la race humaine, pourra être évitée partout. En ce moment, on voit à travers le monde les jeunes montrer qu’ils sont prêts à tenir debout devant les balles pour la liberté. Plus tard dans ce siècle, vous verrez les jeunes à travers le monde montrer qu’ils sont prêts à tenir devant des balles afin d’avoir la liberté d’apprendre.

Lorsque cela se produira, la race humaine traversera la révolution la plus importante depuis 1789, et un « ancien régime », qui mérite de périr périra dans le monde entier ici nous discutons aujourd’hui de quelques-unes, simples, premières pièces de cette immense révolution. Le démembrement des systèmes de production de l’information contrôlée et de sa distribution qui existent depuis le matin après Gutenberg.

Mais on est le lendemain du matin après Gutenberg.

C’est le moment où les disparités de pouvoir et les disparités d’accès commencent à céder la place et de l’autre côté, en ce moment, sont presque tous les gouvernements et presque toute la presse et presque tous les privilégiés qui ne veulent pas que le monde change.

Je dînais avec un gouvernement officiel à Washington, DC plus tôt cette semaine et je lui ai dit « Vous savez, environ la moitié des réseaux de télévision en Europe cherchent à m’avoir pour un interview pour discuter de l’hypocrisie du gouvernement américain sur la politique de la liberté sur Internet », J’ai dit « et si la moitié des réseaux de télévision au Europe veulent me parler de l’hypocrisie de la politique américaine sur la liberté de l’Internet, ça fait penser que le Département d’État a un problème ». Il a dit « Oui, ils savent qu’ils ont un problème, et ils veulent faire quelque chose. »

Et ils devraient, mais tous les gouvernements de la Terre ont du mal à parler de l’Internet libre, parce que tous les gouvernements de la Terre font partie d’une structure de pouvoir qui perdront quelque chose à des flux d’information libre, tout comme les grandes institutions économiques dominant notre époque, comme les institutions de surveillance qui vous offrent leur moteur de recherche tant que vous partagez tout ce que vous cherchez, et un e-mail gratuit, tant que vous les laisser les lire, et des appels téléphoniques gratuits, tant qu’ils peuvent les écouter, juste pour les besoins de la publicité, vous surveille.

S’il vous plaît, apportez un demi-million de personnes ici et vivez votre vie sociale à l’intérieur de mon système de surveillance. Je vais prendre soin de vous. Bien sûr, sauf si vous êtes dans la rue protestant contre la dictature, dans ce cas, ce que nous allons vous dire, c’est : notre grand service de réseau social est complètement neutre entre les dictateurs et les les gens dans la rue se combattant… pas notre préoccupation ici à whatchamacallit.

Il s’agit d’une phase de transition, vous comprenez ? Je vous ai dit où nous allons. Maintenant, la question est de savoir comment allons-nous y arriver ?

Voici comment nous allons y arriver : le monde va se remplir de bon marché, petits, dispositifs de faible puissance qui vont remplacer la plupart des ordinateurs auxquels vous êtes habitués.

Tous ces gros ordinateurs sur les bureaux et dans les placards, et dans des chambres pleines de serveurs quelque part, remplacés par des choses pas beaucoup plus grosses qu’un chargeur de téléphone portable, et beaucoup, beaucoup plus capables que le premier ordinateur que vous avez possédé, quel qu’il ai été ou peut-être même l’ordinateur que vous utilisez maintenant.

Ces dispositifs ne coûteront à peu près rien et il y en aura partout, et nous allons créer un logiciel qui s’exécutera dans chacun d’eux, qu’un enfant de 12 ans pourra installer et qu’un de 6 ans pourra utiliser qui permettra aux gens de communiquer librement partout, tout le temps, sans contrôle de l’État, sans contrôle d’un businessman, sans contrôle, ce seront des Freedom Box. Elles feront la liberté.

Nous n’avons pas à faire les boîtes, les boites vont remplir le monde. Nous avons juste besoin de créer le logiciel. Et la bonne nouvelle est que nous n’avons pas besoin de créer les logiciels, nous l’avons déjà créer. Tout le monde dans cette salle avec un téléphone Android l’utilise déjà. Tout le monde dans cette salle qui a été sur Facebook aujourd’hui, s’en est servi de l’autre côté.

Tout le monde qui a utilisé une banque ou un supermarché ou une compagnie d’assurance ou une gare, la semaine dernière a utilisé notre logiciel. Il est partout. Nous l’avons fait pour être partout. C’est libre et gratuit. Cela signifie que nous pouvons la copier, modifier, et le redistribuer librement. Cela signifie aussi que cela fonctionne pour les personnes, pas pour les entreprises.

Tout cela est déjà fait. C’est le résultat de 25 ans d’efforts de notre part.

Maintenant, en ce moment, dans la rue, à l’heure actuelle, nous commençons à montrer pourquoi il protège la liberté et pourquoi les gens en ont besoin. Et nous commençons à préparer à leur livrer.

A. J. Liebling, le critique de presse dont j’ai déjà parlé, a écrit une fois : « La presse américaine me fait penser à l’état d’une conserverie de poissons de 12 milliards de dollars en surchauffe, du dernier cri, comptant pour son approvisionnement sur six gars dans une barque en mauvais état. »

Le fait est, bien sûr, que le bloc monolithique de la presse industrielle du 20e siècle faisait tout bien sauf du reportage, ce qu’elle a mal fait, parce que le reportage a été le déjeuner gratuit dans le saloon, et à tout moment le gardien du saloon pouvait le couper, ce qu’il a fait. Je n’ai pas besoin de vous dire que ce processus s’est accélérée depuis A. J. Liebling qui mourut en 1975.

Donc, nous vivons désormais dans un monde où nous sommes sur le point de combler une lacune dans les reportages. Vous savez ce qui comble une lacune dans l’information – on en a déjà parlé – c’est tous ces téléphones, toutes ces caméras vidéo, tous ces tweets. En d’autres termes, nous avons déjà démocratisé le système de reportage.

Ce qui est effrayant pour le Système dans Wikileaks est que Wikileaks est pour la collecte d’informations ce que la Craig’s List est pour les petites annonces. Il modifie la gestion des fuites.

Je déteste corriger tout le monde sur n’importe quel point, mais je tiens à souligner que Wikileaks n’a pas publié les 250.000 câbles du Département d’État. Il possède 250.000 État câbles du ministère et a publié environ 2.000 d’entre eux. Ce qui est le nombre de câbles diplomatiques montrés aux correspondants diplomatiques à travers le monde travaillant pour les principaux journaux, chaque jour.

Mais personne ne dit que c’est de la trahison, parce que c’est le commerce officiel des fuites, à partir de laquelle les représentants du gouvernement, des seigneurs de presse et des propriétaires à travers le monde tirent du bénéfice tous les jours.

Le pouvoir économique, politique et le pouvoir de garder les gens dans l’ignorance.

Qu’est-ce qui se passe dans le Net, maintenant, dans les téléphones, dans les nœuds de sortie Tor, et ce qui se passera dans le monde multiplié par cent, dans peu de temps, dans toutes ces Freedom Box c’est, des informations libres pour le bénéfice de ceux qui en ont besoin.

Demandez-vous ce qui arrivera quand tous ceux qui en ont besoin pourront les avoir et tous ceux qui en ont, pourront les fournir. Qu’est-ce qui va se passer dans les quartiers ? Qu’est-ce qui se passera dans les postes de police. Ce qui va se passer, c’est ce qu’il se passe quand il y a un incendie ou un tremblement de terre, ce qui arrive quand un tyran chute.

Ces mêmes petites boîtes de peu dont je parle seront également en mesure de créer un réseau maillé wifi c’est-à-dire que si quelqu’un coupe le réseau de télécommunications dans un quartier le quartier va continuer à fonctionner.

Ce que M. Moubarak et ses conseillers ont mal compris. C’est pourquoi il est à Charm el Cheikh, avec l’espoir d’acheter un appartement dans l’une des tours en construction à La Mecque, sans doute. Parce que M. Moubarak et ses conseillers pensaient que si vous éteignez l’Internet, vous éteignez la génération Internet.

C’est une erreur. Car, en fait, ce n’est pas un système particulier de télécommunications, ou une structure de réseau social, une base de données particulière de « twatts » … ou twuts… ou twoots, ou quel que soit la façon dont ils les appellent. Ce n’est pas la technologie qui les font marcher c’est que les êtres humains ont compris quelque chose sur la société s’ils ont grandi dans le Net.

La plupart des êtres humains, la plupart du temps, dans la plupart des contextes sociaux, croient que le réseau social le plus précieux pour eux, c’est les gens qu’ils voient tous les jours, et les gens avec qui ils ont de forts rapports émotionnels. Voilà comment la plupart des gens,depuis toujours, pensent le monde social. C’est parce que nous avons évolué pendant des millions d’années pour penser de cette façon.

Comme parties de petits groupes de quelques dizaines de primates vivant au sol. Nos neurones ont évolués pour que nos heuristiques sociales évoluent pour que nous pensions que le réseau social assez solide pour nous soutenir, c’est le peuple que nous voyons autour de nous et que les gens dont nous nous soucions sont ceux qui se soucient de nous en retour.

Mais la génération des gens qui grandissent à l’intérieur du Net le sait maintenant, le sait viscéralement, le sait tout le temps comme une question d’habitude, c’est que le réseau social qui est suffisamment robuste pour changer le monde autour de vous comprend des milliers de personnes auprès desquelles vous ne vivez pas, et avec qui vous n’avez pas de lien émotionnel direct, mais que ce sont les gens qui croient ce que vous croyez, et veulent faire quelque chose, eux-aussi.

Qu’est-ce que nous avons appris à la fin du 20ème siècle d’abord en Pologne, puis dans d’autres endroits, c’est que ce qui fait la révolution, c’est la solidarité. La capacité qu’ont des personnes ne vivant pas à proximité les unes des autres dans l’espace social ou géographique, n’ayant pas de liens personnels immédiats les liant entre elles, de percevoir la capacité à s’auto-organiser pour la réalisation soudaine de profondes fins sociales

Ce que le réseau fait, ce que la vie avec le réseau fait, est d’enseigner aux humains que le coût de la solidarité a baissé. Qu’il est plus facile et plus rapide d’être solidaire qu’il ne l’a jamais été auparavant, et si vous prenez un tas de gens qui le savent, et vous coupez le réseau, ils vont être solidaires de la meilleure façon qu’ils connaissent. Ils jettent des tracts dans la rue, ils se servent de pigeons voyageurs, du téléphone arabe.

Ils font tout ça, parce que la vraie compétence acquise par l’humanité est possibilité l’auto-organisation, et ce que nous voyons maintenant, aujourd’hui, dans le Maghreb, à l’heure actuelle, aujourd’hui, dès maintenant, c’est que la solidarité par auto-organisation est plus forte que les balles des mitraillettes.

Partout dans le monde, la tyrannie aime dire : « L’alternative à mon pouvoir, c’est le chaos », et tout autour du monde, tout le monde peut voir que ce n’est pas vrai.

Donc, ce que nous allons faire, c’est que nous allons fabriquer des objets bon marché, et nous allons les équiper de logiciels libres, et nous allons les mettre entre toutes les mains, et nous allons dire: « Ici. Cela fabrique la solidarité. Utilisez-le. Soyez bien. Soyez libre » Ça va marcher.

Il n’y a pas de raison d’être du côté de la presse, comme il n’y a aucune raison d’être du côté du pouvoir. C’est simple, maintenant. Le pouvoir a été déplacé à la périphérie du réseau, et ca va continuer pour la génération à venir.

Ce sera une grande révolution, et ça va changer le sort de milliards d’êtres humains. Ça rendra l’ignorance obsolète, et quand çà aura rendu obsolète l’ignorance, ca va changer l’avenir de la condition humaine.

La presse ne va pas le faire. Le pouvoir ne va pas le faire. Les gens vont le faire. La technologie pour permettre aux gens de le faire existe déjà. Tout ce dont il y a besoin, c’est un peu de l’affiner. Nous sommes les gens qui vont l’affiner. Nous ne cherchons pas de l’argent. Nous ne cherchons pas le pouvoir. Nous voulons seulement partager.

Tout le monde veut parler de la liberté sur Internet, sauf nous. Nous ne voulons pas parler de la liberté sur Internet, nous voulons juste la faire.

Rejoignez-nous !

Je vous remercie beaucoup.




Le code deviendra-t-il le latin du XXIe siècle ?

I Write CodeOutre sa dimension historique, culturelle et civilisationnelle, apprendre le latin c’est aussi mieux connaître les bases de notre langue française pour mieux la maîtriser.

Et si, pour mieux comprendre et avoir la capacité de créer (et non subir), la programmation informatique prenait peu ou prou la même place que le latin dans la nouvelle ère qui s’annonce ?

Même si c’est avec un léger train de retard, c’est la question que l’on se pose actuellement en France, mais aussi comme ci-dessous dans une Grande-Bretagne passablement secouée par le récent sermon de Monsieur Google.

« Bien informés, les hommes sont des citoyens ; mal informés ils deviennent des sujets. »
Alfred Sauvy

La programmation – le nouveau latin

Coding – the new Latin

Rory Cellan-Jones – 28 novembre 2011 – BBC
(Traduction Framalang : Goofy, Pandark, Penguin, e-Jim et Marting)

La campagne de promotion de l’apprentissage de l’informatique à l’école — en particulier la programmation — rassemble ses forces.

Aujourd’hui, Google, Microsoft et les autres grands noms du domaine technologique vont prêter leur soutien au dossier soumis au gouvernement plus tôt cette année dans un rapport appelé Next Gen. Il soutient notamment que le Royaume-Uni pourrait être un centre mondial pour l’industrie des jeux vidéos et des effets spéciaux — mais seulement si le système éducatif s’y emploie.

Les statistiques sur le nombre d’étudiants allant à l’université pour étudier l’informatique donnent à réfléchir. En 2003, environ 16 500 étudiants postulaient à l’UCAS (NdT : Universities and Colleges Admissions Service, service gérant les admissions à l’Université au Royaum-Uni) pour des places en cours d’informatique.

En 2007, ce nombre était tombé à 10 600, bien qu’il soit un peu remonté depuis, 13 600 l’année dernière, à cause de la hausse globale des demandes à l’université. Le pourcentage d’étudiants cherchant à étudier le sujet est donc descendu de 5% à 3%. Plus encore, la réputation de l’informatique comme domaine réservé aux hommes geeks a été renforcée, avec un pourcentage de candidats masculins en hausse de 84% à 87%.

Mais le problème, d’après les promoteurs du changement, commence dès l’école avec les ICT (NdT : Technologies de l’Information et de la Communication, TIC ou TICE chez nous), une matière vu par ses détracteurs comme l’enseignement de simples compétences techniques (NdT : Savoir mettre en gras dans un traitement de texte par exemple) plutôt que de la réelle compréhension de l’informatique.

Et il semble bien que les enfants reçoivent le même message car ils sont de moins en moins à étudier cette matière. La réponse, d’après les entreprises et associations qui appellent au changement, est de mettre des cours d’informatique appropriés au programme, sous forme d’apprentissage à la programmation.

Et il semblerait bien qu’ils aient trouvé ce qui pourrait être un bon slogan pour leur campagne. « Coder, c’est le nouveau latin », dit Alex Hope, co-auteur du rapport de Next Gen qui a donné le signal de départ à tout cela. « Nous devons donner aux enfants une compréhension correcte des ordinateurs si nous voulons qu’ils puissent comprendre et s’adapter à toutes sortes de futurs métiers. ».

M. Hope croit fermement que l’association des nouvelles technologies et de l’industrie culturelle est le meilleur espoir de la Grande Bretagne — et il est bien placé pour le savoir.

Son entreprise d’effets spéciaux Double Negative est une belle réussite, avec des apparitions aux génériques de Films comme Harry Potter, Batman ou Inception, pour lequel elle a gagné un Oscar. Il emploie désormais plus d’un millier de personnes depuis ses débuts éblouissants en 1998.

Alex Hope dit que sa société a besoin d’un riche mélange de talents : « nous cherchons des génies universels — des gens avec des connaissances en informatique, mathématiques, physique, ou arts plastiques qui peuvent toutes s’épanouir et se développer ». Il explique comment le travail pour donner une apparence réelle à la Tamise en image de synthèse dans Harry Potter implique des mathématiques et de la physique complexe.

Mais il trouve difficile de recruter des personnes avec une expérience en sciences dites dures. « Nous ne produisons tout simplement pas assez de diplomés avec des compétences en informatique ou en mathématiques ».

Comme bien d’autres tirant la sonnette d’alarme pour une éducation différente, Alex Hope en revient à 1980 lorsqu’il apprenait à programmer en utilisant un BBC Micro. Aujourd’hui, il va être rejoint par le principal ingénieur de Google au Royaume-Uni et le dirigeant de Microsoft éducation au Royaume-Uni pour proposer une nouvelle approche. Ils disent rien de moins que c’est le potentiel de croissance et d’emplois qui est en jeu pour une partie vitale de l’économie.

« Le gouvernement cherche des opportunités de croissance » dit Alex Hope. « Pour cela, ils y a nécessité à former les programmeurs dont les entreprises créatives et de hautes technologies ont et auront besoin pour monter leurs affaires ».

Et il semble que le gouvernement soit réceptif à ce message. Il y a deux semaines, j’ai posé des questions au premier ministre concernant le problème de l’éducation à l’informatique. David Cameron a admis que « nous ne faisons pas assez pour former la prochaine génération de programmeurs », et déclaré que des actions seraient menées à ce sujet.

Nous découvrirons bientôt de quels types d’actions il s’agit, lorsque le gouvernement publiera ses réponses au rapport de Next Gen écrit par Alex Hope et Ian Livingstone. On attend une réponse largement positive, bien qu’un engagement définitif de mettre tout de suite l’informatique au programme soit peu probable.

Mais ce qui pourrait être plus important, ce serait de changer l’image de cette matière. Et alors que « coder est le nouveau latin » est peut-être un bon message à envoyer aux parents et aux politiciens, quelque chose de plus sexy sera nécessaire pour convaincre les écoliers que l’informatique est quelque chose de cool.




L’industrie du Copyright – Un siècle de mensonge

Jonathan Powell - CC byDepuis plus d’un siècle les chiens du copyright aboient, la caravane qui transporte la création passe…

Piano mécanique, gramophone, radio, film parlant, télévision, photocopieuse, cassette audio, mp3, internet… à chaque fois qu’est apparu une nouvelle technologie, elle a drainé inévitablement avec elle sa cohorte de réactionnaires hostiles[1].

C’est alors toujours la même rengaine : on brandit la menace de la mort du message alors qu’il ne s’agit que de la mort des messagers qui profitaient du système précédent et qu’il y aura toujours des auteurs de messages.

Une nouvelle traduction de notre ami Rick Falkvinge qui rend optimiste quant à l’issue du combat actuel.

L’industrie du Copyright – Un siècle de mensonge

The Copyright Industry – A Century Of Deceit

Rick Falkvinge – 27 novembre 2011 – Torrent Freak
(Traduction Framalang / Twitter : Kamui57, Yoha, Goofy, Jean-Fred, e-Jim et FredB)

On dit qu’il faut étudier l’Histoire pour ne pas être condamné à répéter les erreurs du passé. L’industrie du copyright a ainsi appris qu’elle pouvait profiter de sa position de monopole et de rentière à chaque apparition d’une nouvelle technologie, simplement en se plaignant assez fort auprès des législateurs.

Ces cent dernières années ont vu l’apparition de nombreuses avancées techniques en matière de diffusion, de duplication et de transmission de la culture. Mais cela a également induit en erreur les législateurs, qui tentent de protéger l’ancien au détriment du nouveau, simplement parce que le premier se plaint. D’abord, jetons un œil à ce que l’industrie du copyright a tenté d’interdire, ou du moins taxer au seul motif de son existence.

Cela a commencé vers 1905, lorsque le piano mécanique est devenu populaire. Les vendeurs de partitions de musique ont affirmé que ce serait la fin de l’art s’ils ne pouvaient plus gagner leur vie en étant l’intermédiaire entre les compositeurs et le public, alors ils ont demandé l’interdiction du piano mécanique. Une célébre lettre de 1906 affirme que le gramophone et le piano mécanique seraient la fin de l’art, et de fait, la fin d’un monde vivant et musical.

Dans les années 1920, alors que la radiodiffusion émergeait, une industrie concurrente demanda son interdiction car elle rognait ses bénéfices. Les ventes de disques ont chuté de 75 millions de dollars en 1929 à 5 millions seulement 4 ans plus tard — une chute bien plus forte que ce que connaît actuellement l’industrie du disque. (à noter que la chute des bénéfices coïncide avec la crise de 1929) L’industrie du copyright a attaqué en justice les stations radio, et les entreprises de collecte ont commencé à récolter une part des bénéfices des stations sous couvert de frais de diffusion. Des lois ont proposé d’immuniser le nouveau médium de diffusion qu’était la radio contre les propriétaires des droits d’auteur, mais elles n’ont pas été votées.

Dans les années 1930, les films muets ont été supplantés par les films avec des pistes audio. Chaque cinéma employait jusque-là un orchestre pour jouer la musique accompagnant les films muets ; désormais, ceux-ci étaient au chômage. Il est possible que cela fût le pire développement technologique pour les musiciens et interprètes professionnels. Leurs syndicats demandèrent des emplois garantis pour ces musiciens, sous différentes formes.

Dans les années 1940, l’industrie du cinéma s’est plainte de ce que la télévision entraînerait la mort du cinéma, alors que les recettes de l’industrie cinématographique avaient plongé de 120 millions de dollars à 31 millions en cinq ans. Une citation célèbre : « Pourquoi payer pour aller voir un film lorsque vous pouvez le regarder gratuitement chez vous ? »

En 1972, l’industrie du copyright a tenté d’interdire la photocopieuse. Cette campagne venait des éditeurs de livres et magazines. « Le jour n’est peut-être pas loin où personne n’aura à acheter de livres. »

Les années 1970 ont vu l’arrivée de la cassette audio, et c’est à cette période que l’industrie du copyright s’est acharnée à revendiquer son dû. Des publicités scandant « L’enregistrement maison tue la musique ! » étaient diffusées partout. Le groupe Dead Kennedys est connu pour y avoir répondu en changeant subtilement le message en « L’enregistrement maison tue les profits de l’industrie musicale », et « Nous laissons cette face (de la cassette) vierge, pour que vous puissiez aider.»

Les années 1970 ont également été un autre tournant majeur, où les DJ et haut-parleurs ont commencé à prendre la place des orchestres de danse. Les syndicats et l’industrie du copyright sont devenus fous furieux et ont suggéré une « taxe disco » qui serait imposée aux lieux qui diffusent de la musique disco enregistrée, pour être collectée par des organisations privées sous mandat gouvernemental et redistribuées aux orchestres. Cela fait rire de bon cœur de nos jours, mais les rires tournent court lorsqu’on apprend que la taxe disco a réellement été créée, et existe toujours.

Les années 1980 sont un chapitre singulier avec l’apparition des enregistreurs sur cassettes. Depuis cette période, la célèbre citation du plus haut représentant de l’industrie du copyright prononcée au Congrès des États-Unis d’Amérique « Le magnétoscope est aux producteurs et au public américain ce que l’Étrangleur de Boston est à la femme seule au foyer » est entrée dans la légende. Malgré tout, il faut garder à l’esprit que l’affaire Sony-Betamax est allée jusqu’à la Cour suprème des Etats-Unis, et que le magnétoscope n’a jamais été aussi proche d’être écrasé par l’industrie du copyright : l’équipe du Betamax a gagné l’affaire par 5 votes à 4.

Toujours à la fin des années 1980, nous avons assisté au flop complet de la Digital Audio Tape (DAT), principalement parce que l’industrie du copyright a été autorisée à orienter la conception en faveur de ses intérêts. Cette cassette, bien que techniquement supérieure à la cassette audio analogique, empêchait délibérément la copie de musique, à un point tel que le grand public la rejeta en bloc. C’est un exemple de technologie que l’industrie du copyright a réussi à tuer, bien que je doute que cela ait été intentionnel : on a simplement exaucé leurs vœux sur le fonctionnement du matériel afin de ne pas perturber le statu-quo.

En 1994, la Fraunhofer-Gesellschaft publia un prototype d’implémentation de sa technique de codage numérique qui devait révolutionner l’audio numérique. Elle rendait possible des fichiers audio de qualité CD n’occupant qu’un dixième de cet espace, ce qui était très apprécié à cette époque où un disque dur typique ne faisait que quelques gigaoctets. Connu sous le nom technique de MPEG-1 Audio Layer III, il a rapidement été connu sous le nom de « MP3 » dans la vie courante. L’industrie du copyright s’est encore plainte, le qualifiant de technologie ne pouvant être utilisée qu’à des fins criminelles. Le premier lecteur de MP3 à succès, le Diamond Rio, a vu le jour en 1998. Il avait 32 mégaoctets de mémoire. Malgré des bonnes ventes, l’industrie du copyright a attaqué son créateur, Diamond Multimedia, jusqu’à l’oubli : alors que le procès était invalidé, l’entreprise ne s’est pas remise du fardeau de sa défense. Les avocats de ces industries ont agressivement tenté d’obtenir l’interdiction des lecteurs MP3.

À la fin du siècle, les apôtres du copyright firent pression en faveur d’une nouvelle loi aux États-Unis, le Digital Millennium Copyright Act (DMCA), qui aurait tué Internet et les média sociaux en introduisant la responsabilité de l’intermédiaire — tuant dans l’œuf les réseaux sociaux. C’est seulement avec de gros efforts que l’industrie technologique a évité le désastre en introduisant une « responsabilité amoindrie » qui protège les hébergeurs à condition que ceux-ci dénoncent les utilisateurs finaux sur demande. Internet et les media sociaux ont échappé de très peu au massacre opéré par l’industrie du copyright, et n’en sont pas encore pleinement remis.

Juste après le début du nouveau siècle, l’utilisation des enregistreurs numériques était considérée comme du vol car elle permettait d’éviter les coupures publicitaires (comme si personne ne faisait cela avant).

En 2003, l’industrie du copyright a tenté de s’immiscer dans le design de la HDTV, avec un « broadcast flag » (littéralement « marqueur de diffusion ») qui aurait rendu illégale la fabrication de matériel capable de copier des films ainsi marqués. Aux États-Unis, la FCC (« Federal Communications Commission » ? « Commission fédérale des communications ») a miraculeusement accédé à cette demande, mais le projet a été réduit en cendres par les juges, qui ont déclaré qu’elle avait outrepassé ses prérogatives.

Ce que nous avons là, c’est un siècle de mensonges, un siècle qui met au grand jour la culture interne propre à l’industrie du copyright. Chaque fois qu’une nouveauté est apparue, l’industrie du copyright a appris à pleurer comme un bébé affamé, et a presque à chaque fois réussi à faire en sorte que le législateur dirige vers elle l’argent du contribuable ou restreigne les industries concurrentes. Et à chaque fois que l’industrie du copyright réussit à le faire, ce comportement s’en est trouvé encore renforcé.

Il est plus que temps que l’industrie du copyright perde ses privilèges, chacune des redevances qu’elles perçoit et qu’elle soit expulsée de son nid douillet pour se mettre au boulot et apprendre à opérer sur un marché libre et équitable.

Notes

[1] Crédit photo : Jonathan Powell (Creative Commons By)




L’Islande, la crise, la révolution et moi

Laurent Gauthier - CC byL’article que nous vous proposons traduit aujourd’hui est hors-sujet par rapport à ce que nous publions habituellement. Il est de plus sujet à caution car certainement un peu simpliste voire angélique dans son propos et ses arguments.

Il n’empêche qu’il a été aussitôt retweeté cet été par Naomi Klein : « #Iceland is proving that it is possible to resist the Shock Doctrine, and refuse to pay for the bankers crisis ».

Il n’empêche surtout qu’il s’est passé des choses intéressantes en Islande depuis la crise monétaire de 2008. Et il est étonnant de constater le peu d’entrain de nos grands médias pour en parler, alors que c’est nous que la crise frappe désormais de plein fouet.

En agissant en conséquence, peut-on dire symboliquement « non à la Banque, oui à la Démocratie ! » comme on dirait « non au Logiciel Propriétaire, oui au Logiciel Libre ! » ou encore « non à l’Hadopi, oui au Partage ! » ?

Il fallait oser cette dernière phrase ! J’ai osé, en cherchant (désespérément) le lien avec la ligne éditoriale du Framablog 🙂

Une oppression, suivie de tentatives de libération témoignant qu’il est possible de s’engager dans une autre direction. Ce que nous dit l’Islande[1] ici c’est qu’il n’y a pas forcément une fatalité à subir les logique de la finance mondiale et qu’on peut rebondir en impliquant les citoyens.

Ou alors continuons à laisser les experts travailler, ces gens sérieux qui eux seuls savent ce qui est bon pour nous…

Pour en savoir plus (rapidement) sur ce projet de nouvelle « Constitution collaborative », on pourra voir ce reportage glané sur YouTube et parcourir ce récent billet beaucoup plus pragmatique que romantique d’Owni. N’oublions pas non plus que l’Islande se trouve à la pointe des expérimentation sur la liberté d’expression à l’ère d’Internet.

Et pour une critique directe de l’article ci-dessous, on pourra lire A Deconstruction of “Iceland’s On-going Revolution”.

La révolution en marche de l’Islande

Iceland’s On-going Revolution

Deena Stryker – 1 août 2011 – Daily Kos
(Traduction Framalang : Lolo le 13, Goofy, Pandark et Yonnel)

Un reportage à la radio italienne à propos de la révolution en cours en Islande est un exemple frappant du peu d’intérêt de nos médias pour le reste du monde. Les Américains se rappeleront peut-être qu’au début de la crise financière de 2008, l’Islande a littéralement fait banqueroute. Les raisons ont été indiquées seulement en passant, et depuis, ce membre peu connu de l’Espace économique européen est retourné aux oubliettes de l’info.

Alors même que l’un après l’autre chaque pays européen tombe ou risque de tomber, mettant en péril l’euro, avec des répercussions dans le monde entier, la dernière chose que les puissants souhaitent est que l’Islande devienne un exemple. Voici pourquoi.

Cinq ans de régime néo-libéral strict avaient fait de l’Islande (dont la population compte 320 000 habitants, et qui n’a pas d’armée) un des pays les plus riches au monde. En 2003 toutes les banques du pays furent privatisées, et dans un effort pour attirer les investisseurs étrangers, elles ont proposé des services en ligne dont le faible coût permettait d’offrir des taux de rendement relativement élevés. Les comptes titres, appelés IceSave, attiraient énormément de petits épargnants anglais et néerlandais. mais à mesure que les investissements croissaient, la dette extérieure des banques augmentait aussi. En 2003 la dette de l’Islande équivalait à 200 fois son PNB, et en 2007, elle était de 900%. La crise financière mondiale de 2008 fut le coup de grâce. Les trois principales banques islandaises, Landbanki, Kapthing and Glitnir, se retrouvèrent sur la paille et furent nationalisées, pendant que la couronne islandaise perdait 85% de sa valeur par rapport à l’euro. À la fin de l’année l’Islande se déclara en banqueroute.

Contrairement à ce qu’on pouvait imaginer, la crise finit par permettre aux Islandais de retrouver leurs droits souverains, grâce à un processus de démocratie participative directe qui aboutit à une nouvelle constitution. Mais ce ne fut pas sans mal.

Geir Haarde, le premier ministre de la coalition gouvernementale social-démocrate, négocia un prêt de deux millions cent mille dollars, auquel les pays scandinaves ajoutèrent deux autres millions et demi. Mais les marchés financiers firent pression sur l’Islande pour lui imposer des mesures drastiques. Le FMI et l’Union européenne voulaient récupérer sa dette, prétendant que c’était la seule façon pour le pays de rembourser les Pays-Bas et la Grande-Bretagne, qui avaient promis de rembourser leurs citoyens.

Les manifestations et les émeutes continuèrent, et finirent par contraindre le gouvernement à démissionner. Des élections anticipées eurent lieu en avril 2009, portant au pouvoir une coalition de gauche qui condamnait le système économique néolibéral, mais qui posa comme exigence immédiate que l’Islande devrait rembourser un montant de trois millions et demi d’euros. Ce qui revenait à demander à chaque citoyen islandais la somme de 100 euros par mois pendant quinze ans, à un taux de 5,5%, pour rembourser une dette contractée par des sociétés privées auprès d’autres acteurs privés. C’était la goutte d’eau qui fit déborder le vase.

Ce qui s’ensuivit fut extraordinaire. On croyait que les citoyens devaient payer pour les erreurs des monopoles financiers, et qu’une nation tout entière devait subir des impôts pour rembourser des dettes privées, mais ce mythe vola en éclats. Cela changea complètement la relation entre les citoyens et leurs institutions politiques et en définitive les dirigeants islandais se retrouvèrent du côté de leurs électeurs. Le chef d’État, Olafur Ragnar Grimsson, refusa de ratifier le décret qui aurait rendu les citoyens islandais responsables des dettes des banques, et il accepta de recourir à un référendum.

Bien sûr, la communauté internationale ne fit qu’augmenter la pression sur l’Islande. La Grande-Bretagne et la Hollande la menacèrent d’affreuses représailles qui isoleraient le pays. Alors que les Islandais allaient voter, les banquiers étrangers menacèrent de bloquer toute aide du FMI. Le gouvernement britannique menaça de geler l’épargne et les comptes courants islandais. Comme l’a dit Grimsson : « On nous avait dit que si nous refusions les conditions de la communauté internationale, nous deviendrions le Cuba du Nord. Mais si nous avions accepté, nous serions devenu le Haïti du Nord » (combien de fois ai-je écrit que les Cubains se considèrent chanceux en voyant l’état de leur voisin Haïti).

Au référendum de mars 2010, il y eut 93% des votes contre le remboursement de la dette. Le FMI gela immédiatement son prêt. Mais la révolution (bien que non télévisée aux États-Unis) ne saurait être intimidée. Avec le soutien des citoyens furieux, le gouvernement lança une procédure civile et pénale contre les responsables de la crise financière. Interpol lança un mandat d’arrêt international contre l’ex-président de Kaupthing, Sigurdur Einarsson, alors que les autres banquiers impliqués dans le krach fuyaient le pays.

Mais les Islandais ne s’arrêtèrent pas là : ils décidèrent de jeter les bases d’une nouvelle constitution qui libèrerait le pays du pouvoir outrancier de la finance internationale et de l’argent virtuel (la constitution en vigueur datait de l’époque où l’Islande avait acquis son indépendance vis-à-vis du Danemark, en 1918, et la seule différence avec la constitution danoise était que le mot « président » remplaçait le mot « roi »).

Pour écrire la nouvelle constitution, les Islandais élirent 25 citoyens parmi 522 adultes qui n’appartenaient à aucun parti mais étaient recommandés par au moins 30 citoyens. Ce document n’était pas le travail d’une poignée de politiciens, mais fut écrit sur Internet. Les réunions de la constituante sont diffusées en streaming et des citoyens peuvent envoyer leurs commentaires et suggestions, assistant à l’élaboration du document pas à pas. La constitution qui émergera finalement de ce procédé démocratique participatif sera soumise à l’approbation du parlement après les prochaines éléctions.

Certains lecteurs se souviendront que l’effondrement de l’économie agraire de l’Islande au neuvième siècle était détaillée dans le livre de Jared Diamond du même nom. Aujourd’hui, ce pays se relève de son effondrement financier par des moyens diamétralement opposés à ceux que l’on considère généralement inévitables, comme l’a confirmé hier la nouvelle présidente du FMI Christine Lagarde à Fareed Zakaria. On a dit au peuple grec que la privatisation de son secteur public était la seule solution. Et les peuples d’Italie, d’Espagne et du Portugal doivent faire face à la même menace.

Ils devraient jeter un coup d’œil du côté de l’Islande. En refusant de courber l’échine face aux intérêts étrangers, ce petit pays a fait savoir haut et fort que ce sont les peuples qui commandent.

Voilà pourquoi on n’en entend plus parler aux infos.

Notes

[1] Crédit photo : Laurent Gauthier (Creative Commons By)




Le logiciel libre perd de son influence, la faute à la FSF de Stallman ?

Steve Winton - CC byVoici un billet un brin polémique qui affirme que le logiciel libre (et non l’open source) perd actuellement de son influence et que la Free Software Foundation de Richard Stallman en porte une lourde responsabilité.

Il est signé du chroniqueur Bruce Byfield que nous avons souvent traduit par le passé et qu’on ne peut soupçonner de troller pour troller. Il s’agit au contraire d’un réel et sincère amour déçu[1].

D’accord, pas d’accord ? Trop américano-centré ? En France, en Europe, il en va différemment ? Le logiciel libre se résume-t-il à la FSF ? etc. Il va sans dire que nous vous attendons dans les commentaires sinon c’est pas drôle 🙂

7 raisons qui expliquent pourquoi le logiciel libre perd de son influence

7 Reasons Why Free Software Is Losing Influence

Bruce Byfield – 22 Novembre 2011 – Datamation
(Traduction Framalang : Goofy)

Pourquoi les idéaux du logiciel libre sont-ils moins populaires qu’il y a cinq ans ? La réponse n’est pas évidente et un peu polémique.

Il y a cinq ans, quand la majeure partie du code Java a été publiée sous licence GPL (General Public License), Sun Microsystems a pris soin d’associer la FSF (Free Software Foundation) à l’annonce, d’obtenir une déclaration d’approbation de Richard Stallman, le président de la FSF, et d’Eben Moglen son conseiller juridique.

Aujourd’hui, on voit mal quelle entreprise serait susceptible de faire le même effort. Lentement mais sûrement, le logiciel libre a perdu l’influence qu’il exerçait au sein de la communauté qu’il a créée.

Pratiquement il est difficile d’employer l’expression FOSS (Free and Open Source Software) en espérant être compris. Dans la plupart des cas, l’expression « logiciel libre », que l’on n’entend pratiquement plus, a été remplacée par « open source ».

Que s’est-il donc passé ?

Je ne dispose pas de chiffres précis à l’appui mais je suggère ici au moins sept raisons possibles. Certaines externes à la FSF, d’autres résultant directement de ses prises de décision. Choix qui ont pu paraître sensés à une époque mais ont eu parfois des effets pervers à long terme, quand ils n’ont pas été effectués trop hâtivement…

1. Trop de bonnes causes, pas assez de ressources

La FSF fonctionne avec une équipe dirigeante de moins d’une douzaine de personnes, et avec des bénévoles. Ses revenus pour 2010 étaient de 1,23 million de dollars. Avec de telles ressources, elle soutient le projet GNU, aide des entreprises et des projets à se conformer aux licences libres, et lance une dizaine de campagnes, depuis la lutte contre les DRM et les initiatives anti-Windows jusqu’aux efforts pour convaincre le plus grand nombre d’utiliser des formats audio libres.

Tous ces efforts sont dignes d’intérêt en eux-mêmes, mais pour rarement mentionnés et relayés, ils ne trouvent que peu d’écho. Mais ce sont là des problèmes bien plus nombreux que ceux qu’a traités la FSF dans le passé, et elle le fait avec à peine quelques centaines de milliers de dollars de plus qu’en 2006, quand ses ressources lui permettent difficilement de mener à bien une seule de ces actions. Par conséquent la FSF finit par se révéler inefficace, et rares sont les campagnes qui captivent l’attention générale au sein de la communauté, plus rares encores celles qui atteignent leur objectif.

2. On ne trouve pas de nouveaux adeptes et on néglige les anciens

Ces cinq dernières années, la FSF s’est efforcée d’investir son activité sur les réseaux sociaux, pour atteindre un plus large public. Le mérite de ces efforts revient essentiellement aux actions du précédent directeur général Peter Brown, parce qu’il a une trajectoire personnelle d’activiste. C’est un pas en avant dont j’ai dit tout le bien que je pensais à l’époque, et je considère encore que c’est une bonne stratégie.

Malheureusement, cette tentative a largement échoué, certainement là encore victime de ressources trop limitées. Par ailleurs il s’agissait dans le mouvement d’établir une distinction entre la FSF et le plus technique projet GNU. J’ai entendu beaucoup de développeurs exprimer leur réticence quant aux positions activistes de la FSF en souhaitant qu’elle recentre ses activités sur le logiciel. Au final la FSF a aggravé son cas : échouant à gagner de nouveaux publics à sa cause, éloignant d’elle ses adeptes déjà existants.

3. Ubuntu a remplacé Debian

Nombreux sont ceux qui ne s’en souviennent plus aujourd’hui, mais il y a cinq ans, la communauté Debian était une référence pour le logiciel libre. Elle n’était pas toujours d’accord avec la FSF, en fait, Debian était réputé pour suivre son propre chemin, imposer sa propre définition du logiciel libre, et se faire un avis autonome sur des questions comme celle de savoir si la licence GNU Free Documentation est vraiment une licence libre (oui, c’est Debian qui décidait après un long débat, dans certaines occasions). Et encore récemment quand la FSF a créé la version 3 de la GPL, elle a pris soin de consulter les représentants de Debian.

Toute aigreur mise à part, en tant que distribution basée sur la communauté la plus répandue, Debian a donné une crédibilité supplémentaire à la reconnaissance du logiciel libre. Tout du moins Debian a-t-elle aidé à donner l’impression d’une communauté suffisamment grande pour avoir des différences. Aujourd’hui, cependant, alors que Debian est une distribution plus influente que jamais, une bonne part de la notoriété dont elle jouissait a été captée par sa dérivée Ubuntu. Et ce n’est pas la faute d’Ubuntu qui, soutenue par une entreprise commerciale qui doit rechercher le profit, n’hésite pas à renoncer à certains principes du logiciel libre par commodité

Avec cet allié et partenaire de la FSF qui devient moins influent, c’est toute la cause du logiciel libre qui s’est affaiblie. À défaut de mieux, la controverse et les débats avec Debian ont aidé à garder présents à l’esprit de la communauté les problèmes de principes.

4. Le défi des nouvelles technologies n’est pas relevé

De nouvelles technologies aient été introduites ces cinq dernières années. Or la stratégie majeure de la FSF a été de les dénoncer, puis de les ignorer. Ces derniers temps, Stallman a ainsi vilipendé l’informatique dans les nuages, les e-books, les téléphones mobiles en général et Android en particulier.

Dans chaque cas, Stallman a souligné à juste titre les problèmes concernant la vie privée et les droits du consommateurs, ce que les autres ont souvent oublié de mentionner. Le problème c’est qu’en continuant d’ignorer ces nouvelles technologies on ne résout rien, et que le mouvement du logiciel libre devient moins pertinent dans la vie des gens. Beaucoup sont attirés par ces nouvelles technologies, et d’autres sont contraints de les utiliser pour échanger, travailler et communiquer avec la majorité.

La licence libre Affero GNU GPL de la FSF devait etre tout indiquée pour l’informatique dans le nuage. Pourtant, selon les statistiques de Black Duck, elle n’est dans le fait que trop rarement utilisée, seulement 401 logiciel sont sous cette licence alors qu’il existe des centaines de milliers de logiciels sous licence libre. En persistant à mettre l’accent sur l’ordinateur de bureau traditionnel, le logiciel libre se tient à distance des technologies actuelles pour lesquelles justement il serait le plus nécessaire.

6. La scission de la licence GPL

En juin 2007, la FSF a publié la version 3 de la GPL. Cette mise à jour s’efforçait de prendre en compte les nouvelles technologies et les moyens de contourner les clauses de la version 2. Cette nouvelle version a été le résultat d’une concertation sans précédent entre la communauté et les entreprises parties prenantes.

Toutefois, cette consultation demandait d’atteindre un consensus. Lorsque Linus Torvalds a décidé que le noyau Linux resterait sous la GPLv2, la FSF est allée de l’avant vers la GPLv3 sans en tenir compte.

Sur le moment, la décision a paru sensée pour éviter une impasse. Mais on se retrouve actuellement avec une GPLv2 utilisée par 42,5% des logiciels libres contre moins de 6,5% pour la GPLv3 selon Black Duck.

Avant cette révision majeure, la licence GPL contribuait à unifier la communauté, et la FSF, en tant que créateur, promoteur et défenseur de la GPL, avait une forte présence en son sein. Or aujourd’hui, la GPLv2 est considérée comme la version que privilégient les supporters de l’open source, et la GPLv3 celle des défenseurs du logiciel libre. Et non seulement l’ensemble de la philosophie du logiciel libre en apparaît affaiblie, mais encore le fossé s’élargit entre logiciel libre et open source.

Plus encore, comme si la situation n’était pas déjà assez mauvaise, il semble qu’il y ait une tendance à adopter des licences permissives qui n’exigent pas le partage du code, comme le font toutes le versions de la GPL.

6. On n’assiste pas aux conférences

Richard Stallman et beaucoup d’autres membres de la FSF refusent de participer à des conférences qui n’utilisent pas l’expression exacte « GNU/Linux » en lieu et place du simple « Linux » dans leur intitulé et leur promotion. En fait Stallman est connu pour refuser de s’exprimer devant un groupe de journalistes qui n’utiliseraient pas la bonne nomenclature, c’est-à-dire la sienne (NdT : cf la librologie Les mots interdits de Richard Stallman).

La principale exception à ma connaissance est Eben Moglen, dont le travail à la Software Freedom Law Center implique beaucoup de gens qui se revendiquent comme des supporters de l’open source.

Je comprends que ce refus soit une question de principe. Cependant, en dépit de tous les moyens de communication qu’offre Internet, le contact et la communication directs demeurent importants pour la communauté. En maintenant coûte que coûte leurs idéaux, les défenseurs du logiciel libre se sont rendus invisibles, se coupant des réseaux sociaux et autres associations informelles qui émergent lorsque les gens se parlent dans la vraie vie.

7. Richard Stallman fait des gaffes

En tant que fondateur et principal porte-parole de la FSF, Richard Stallman a joué un rôle décisif dans l’histoire du logiciel libre. Personne ne peut le contester et personne ne reviendra là-dessus

Mais l’entêtement de Stallman, qui a aidé la diffusion et l’essor des principes du logiciel libre, semble maintenant à beaucoup un handicap. Stallman affiche de façon continuelle son obsession des définitions qui détournent des principaux points pour lesquels la liberté logicielle est nécessaire. De plus, ces temps-ci, il semble ne vouloir jamais rater la moindre occasion de critiquer, pas toujours avec pertinence, la philosophie de l’open source,

Pire encore, Stallman a tout un passé de gaffeur, sans jamais admettre avoir eu tort. En juillet 2009, il a suscité la controverse en refusant de retirer une remarque sexiste qu’il avait faite au Desktop Summit à la Grande Canarie. Plus récemment, Stallman notait à propos de Steve Jobs « je ne suis pas content qu’il soit mort, mais je suis content qu’il soit parti », puis il a précisé son propos quelques semaines plus tard. Le problème ce n’est pas qu’il ait eu tort d’accuser Jobs de rendre populaires des technologies fermées, c’est que beaucoup de gens ont trouvé que ses déclarations étaient indélicates et inopportunes en parlant d’un homme qui venait de mourir, et qu’un responsable d’organisation aurait dû montrer plus de bon sens et ne pas faire de suite de telles remarques.

Stallman est loin de représenter à lui seul l’ensemble du logiciel libre, mais force est de constater que beaucoup de gens ont une mauvaise opinion de ce mouvement à cause de lui.

Renverser la vapeur

Aucune des raisons mentionnées ci-dessus ici n’est fatale en elle-même. Cependant, additionnées, elles forment une longue trame sur laquelle on peut expliquer pourquoi les idéaux de la FSF et des logiciels libres exercent moins d’influence qu’auparavant.

En tant que supporter du logiciel libre, je ne peux qu’espérer que ce manque d’influence pourra être renversé. Cinq ans c’est court, et je ne vois aucune raison qui pourrait empêcher le logiciel libre de récupérer le temps et le terrain perdus.

Le seul problème est de savoir si les membres influents du logiciel libre vont admettre les problèmes et les corriger… Je l’espère, mais je ne suis pas très optimiste quant à la réponse.

Notes

[1] Crédit photo : Steve Winton (Creative Commons By)




Une communauté de pratique se cache-t-elle derrière votre site web ?

Felix E. Guerrero - CC by-saFramasoft se présente volontiers comme un réseau de sites web visant à faire connaître et diffuser le logiciel libre. Sauf qu’en s’arrêtant là rien ne le distingue à priori des autres sites web comme celui du télé-achat de TF1 par exemple.

En bout de chaîne tous ces sites proposent un service au visiteur mais il est intéressant de s’interroger sur la finalité de ce service et surtout la manière dont il a été motivé, imaginé et réalisé[1].

Seul dans son coin ou partie prenante d’une communauté de pratique ?

Telle est la petite réflexion-traduction du jour…

Une communauté de pratique est plus qu’un site web

A community of practice is more than a website

Steve Radick – 10 novembre 2011 – OpenSource.com
(Traduction Framalang : Lolo le 13, Julien et Pandark)

Une communauté de pratique (CoP, pour community of practice) est, d’après les anthropologues cognitifs Jean Lave et Etienne Wenger, un groupe de personnes qui partagent un intérêt, une compétence, et/ou une profession.

Au cours des dernières années, le terme de « communauté de pratique » est entré dans le lexique des mots à la mode des réseaux sociaux avec la collaboration virtuelle, l‘engagement, les plateformes, et l‘Entreprise 2.0. Les grands entrepreneurs veulent les implémenter, on demande aux nouveaux employés de les rejoindre, et on dit aux managers expérimentés de les soutenir, mais que sont-elles exactement ?

À aucun endroit dans la définition ci-dessus ne sont mentionnés les mots site web, wiki, blog, ou réseau social. Nulle part il n’est dit que cela doit être virtuel ou physique, ni même uniquement l’un des deux. Il n’y a pas de références aux outils qui sont utilisés pour faciliter la communication et la collaboration, et pas plus de définition d’un ensemble de caractéristique qui déterminerait comment une communauté de pratique fonctionne ou sur quels sujets portent les discussions.

Un groupe de gens qui partagent un intérêt, une compétence et/ou une profession. Ça semble assez simple, pas vrai ? Si on le présente ainsi, chacun pourrait dire qu’il est déjà membre d’une douzaine de communautés de pratique — au travail, à l’église, à l’école, etc. C’est simplement un groupe de gens qui communiquent et collaborent ouvertement autour d’un sujet qui leur tient à coeur. L’existence des CoPs est aussi ancienne que le désir des gens de faire et d’apprendre les uns des autres.

Ce n’est pas parce que toutes leurs communications et collaborations n’apparaissent pas sur votre site que les gens ne sont pas déjà en train de communiquer et collaborer dans les coulisses à propos de ce centre d’intérêt partagé. Les communautés de pratique sont vivantes et s’épanouissent dans la plupart des organisations.

Créez-vous une communauté de pratique ou allez-vous uniquement ajouter un site web de plus ? Comment votre CoP est-elle en phase avec certaines de ces hypothèses ci-dessous ?

  • Les gens passent du temps bénévole à aider les autres au sein d’une communauté de pratique. Les gens visitent un site pour télécharger ce dont ils ont besoin
  • Les CoPs se concentrent sur l’ajout de valeur pour leurs membres. Les sites se concentrent sur le fait d’avoir de nouveaux utilisateurs.
  • Le succès d’une CoP est mesurée avec des anecdotes vécues ensemble, des projets collectifs et la satisfactions de ses membres. Le succès d’un site est mesuré avec des hits, des visites et des références venant d’autres sites.
  • Le membre d’une CoP partage son expertise pour créer de nouvelles fonctionnalités. Un site rémunère des gens pour ajouter de nouvelles fonctionnalités.
  • Une CoP est construite autour des conversations. Un site est construit autour du contenu.

Des communautés de pratique nous ont entourés depuis des décennies et le feront encore pour des décennies, elles ont aidé d’innombrables organisations à faire des changements majeurs, à accroître leur efficacité, à supprimer les doublons et à rendre le travail plus agréable. Dans bien des cas, l’utilisation des réseaux sociaux a amélioré ces CoPs en leur donnant plus d’outils et de possibilités d’interconnecter les gens ensemble. Malheureusement, les réseaux sociaux participent également à séparer les gens en produisant du contenu singulier qui flatte avant tout leur ego.

Et vous que construisez-vous ?

Pour plus d’information à propos des communautés de pratique, voir « Culivating Communities of Practice : A Guide to Managing Knowledge », édité par Harvard Business School Press en 2002 par Étienne Wenger, Richard McDermott et William M. Snyder.

Notes

[1] Crédit photo : Felix E. Guerrero (Creative Commons By-Sa)




Les inspecteurs de l’éducation nationale convoqués chez Microsoft

Paris, mardi 22 novembre 2011, communiqué de presse.

À l’occasion du salon de l’éducation Éducatec-Éducatice 2011[1], les inspecteurs de l’Éducation nationale chargés de mission nouvelles technologies (IEN-TICE), conseillers techniques des inspecteurs d’académie, tiendront leurs journées annuelles. Cette année, l’administration centrale de l’Éducation nationale les convoque directement au siège de la société Microsoft, à Issy-les-Moulineaux. L’April et Framasoft regrettent vivement que le programme de ces journées ne mentionne pas les logiciels et ressources libres.

Pas moins d’une centaine d’IEN-TICE sont donc conviés au siège de Microsoft, le mardi 22 novembre, veille de l’ouverture du salon, pour une réunion dédiée aux technologies de cette entreprise[2].

Convocation IEN Microsoft

Convocation IEN Microsoft

Les journées se poursuivront ensuite jusqu’au 24 novembre, à la Porte de Versailles, selon un programme pré-établi qui semble faire la part belle aux technologies propriétaires.

Nous pensons, comme de nombreux enseignants, que le fait que les IEN-TICE soient convoqués chez Microsoft constitue une véritable entorse à l’indispensable neutralité scolaire[3]. Cela nous semble incompatible avec les missions et les valeurs du système éducatif et des enseignants, contraire à leur culture de diversité, de pluralisme, de diffusion et d’appropriation de la connaissance par tous. « Les IEN-TICE ont droit à une formation qui respecte la neutralité scolaire et le pluralisme technologique. En 2011, il est difficile d’ignorer les nombreux apports du libre pour l’éducation ou de les passer sous silence » estime Rémi Boulle, vice-président de l’April, en charge du groupe de travail Éducation.

Selon le programme, une table-ronde aura pour objectif de dégager les grandes tendances et les besoins qui se dessinent sur le plan des usages pédagogiques et des ressources numériques éducatives. Nous espérons que de nombreuses références seront faites aux ressources libres et que les questions de « l’exception pédagogique » et de l’incitation à la mutualisation sous licence libre seront évoquées.

Rappelons que, depuis longtemps, le monde du logiciel libre s’engage auprès du Ministère et aux cotés des professionnels de l’éducation, en faveur de l’égalité des chances, du droit à l’accès aux technologies les plus récentes, et pour la réduction de la fracture numérique.

De nombreuses associations et entreprises développent des ressources et des logiciels libres pour l’enseignement. Citons notamment, pour le premier degré, GCompris, les produits de la société Ryxéo ou ceux de DotRiver, les logiciels du Terrier développés par des enseignants pour des enseignants, FrenchKISS, OpenOffice4kids, le serveur d’exercices WIMS, édubuntu…

Ces solutions sont pérennes et bénéficient d’une large base d’utilisateurs dans les écoles françaises. Les logiciels libres constituent des solutions alternatives de qualité, et à moindre coût, dans une perspective de pluralisme technologique. Par ailleurs, ils favorisent l’emploi local.

Soulignons que le Ministère lui-même met à la disposition des enseignants le service SIALLE[4], une source d’informations sur l’offre en matière de logiciels libres éducatifs. Le Ministère est également impliqué dans le projet national et le pôle de compétences EOLE[5]. Enfin, un accord cadre[6] a été signé par le ministère de l’Éducation nationale en faveur de l’utilisation de logiciels et ressources libres dans l’éducation. Malgré tout, leur importance continue d’être minimisée par certains acteurs.

Dans l’intérêt des professeurs et des élèves, il aurait été indispensable que le programme des journées IEN-TICE prévoie au moins un espace dédié aux logiciels et ressources libres. C’est d’autant moins compréhensible que le salon fait toute sa place au programme Sankoré (un écosystème international, public et privé, de production de ressources numériques éducatives libres) qui concerne au premier chef l’enseignement primaire.

Nous nous tenons à la disposition des inspecteurs pour toute information complémentaire sur les logiciels et ressources libres pour l’éducation et leur souhaitons un riche salon Éducatec-Éducatice.

Notes

[1] Éducatec-Éducatice

[2] http://www.april.org/sites/default/files/convocation-IEN-TICE-Microsoft_1.png et http://www.april.org/sites/default/files/convocation-IEN-TICE-Microsoft_2.png

[3] Sur cette même thématique, on pourra lire avec profit le « Code de bonne conduite des interventions des entreprises en milieu scolaire »

[4] SIALLE

[5] http://eole.orion.education.fr/ : EOLE est tout un ensemble de modules développés pour les établissements scolaires. Citons Amon (pare-feu libre), Scribe (serveur pédagogique complet), Eclair (serveur de clients légers GNU/Linux qui permet de faire démarrer, depuis le réseau, des machines sans système d’exploitation installé), Amon Ecole…

[6] http://eduscol.education.fr/data/fiches/aful.htm : signé en 1998 entre l’AFUL et le Ministère. Il a été reconduit depuis.




Framasoft et le logiciel libre sur France Culture

Ce samedi 19 novembre à 18h10 (ou plus tard en podcast) l‘excellente émission Place de la Toile sur France Culture nous fait l’honneur de nous inviter à l’occasion de notre dixième anniversaire.

Framasoft sur France Culture - Gee - CC by-sa