Educatice 2009 : Demandez le programme libre, avec Jean-Pierre Archambault

Styeb - CC by-saJean-Pierre Archambault œuvre depuis des années pour le logiciel libre à l’école, contribution au pluralisme technologique..

Il ne le fait pas « de l’extérieur », en se contenant de chausser ses gros sabots pour crier haro sur le baudet dans un blog (suivez mon regard !).

Il le fait « de l’intérieur » et par petites touches, au sein même des arcanes de l’Éducation nationale, dans le cadre de l’accord signé en octobre 1998 par le Ministère de l’Education nationale et l’AFUL, ce qui suppose patience, tactique et diplomatie.

Avec le temps c’est toute une petite équipe qui s’est agrégée autour de lui : le pôle de compétences logiciels libres du SCEREN, qui a pris la bonne habitude de venir chaque année nombreux représenter dignement le logiciel libre au Salon Educatec-Educatice (manifestation parallèle au Salon de l’Education mais réservée aux professionnels de l’éducation).

L’occasion était belle pour rencontrer Jean-Pierre Archambault[1], lui demander le programme 2009 de cette manifestation (du 18 au 20 novembre à Paris) et en profiter au passage pour évoquer le situation actuelle du libre dans l’éducation.

Rencontre avec Jean-Pierre Archambault

CNDP-CRDP de Paris, coordonnateur du pôle de compétences logiciels libres du SCEREN


Comme chaque année depuis 2004, le pôle de compétences logiciels libres du SCEREN sera présent au salon Educatec-Educatice.

Oui. Les organisateurs de ce salon ont toujours considéré comme allant de soi, dans leur vision marquée du sceau du pluralisme, qu’il devait y avoir une composante libre dans leur manifestation consacrée à l’informatique pédagogique dans toute sa diversité. Je tiens à les en remercier à nouveau.

Cette année, nous organisons une table ronde – conférence « Logiciels et ressources libres pour l’éducation ». Elle se déroulera le jeudi 19 novembre, de 15h45 à 17h15 en salle 1. Nous ferons un état des lieux en termes de solutions et ressources utilisées. Nous verrons les coopérations de l’institution éducative avec les associations, les collectivités locales et les entreprises. Nous verrons également en quoi le libre est la réponse appropriée à la question de « l’exception pédagogique ».

Nous participerons à deux autres tables rondes : « L’Ecole numérique, de la théorie à la pratique », le mercredi 18 novembre, de 14h à 17h15, en salle 3 ; et « CRDP : valoriser la diffusion multi-support des documents éditoriaux », le jeudi 19 novembre, de 9h30 à 11h, en salle 3[2].


Et il y a bien sûr le village du pôle dont j’ai le souvenir, les années où je suis venu à Educatice, qu’il était une véritable « ruche ».

Ce village s’inscrit dans la mise en oeuvre de l’une des missions du pôle, à savoir fédèrer les initiatives, les compétences et les énergies, ce qui l’amène à coopérer avec de nombreux acteurs, institutionnels ou partenaires de l’Education nationale, ainsi les collectivités locales, les entreprises, les associations.

Le village accueillera différents exposants, institutionnels et associatifs. Le CRDP de Lyon présentera OSCAR, lauréat aux Trophées du libre 2009, un ensemble d’outils qui permet aux administrateurs réseaux d’installer et de gérer facilement une salle informatique. Le CRDP de Paris présentera lui ses différentes activités en matière de logiciels et de ressources libres : partenariats éditoriaux avec Sésamath, réalisation de clés USB, démonstration de Freemind… La présence du CDDP de Seine-Maritime sera centrée sur l’opération du Conseil général qui a consisté à doter tous les collégiens du département d’un bureau virtuel.

Le Réseau Ecole et Nature, dont le but est de développer l’éducation à l’environnement, fera visiter son site réalisé à partir de logiciels libres, et qui vient de faire peau neuve. On connaît bien Sugar, plate-forme pédagogique libre, née du projet One Laptop Per Child (OLPC). Aujourd’hui utilisée sur le XO par plus d’un million d’enfants dans le monde entier, elle sera sur le village.

Les visiteurs pourront faire connaissance avec la toute jeune association EducOoo (un an juste), liée au projet OpenOffice.org Éducation. Elle sert de ressource et vise à faciliter la mise en place et l’accompagnement de projets entre OpenOffice.org et le monde de l’enseignement.

Les visiteurs pourront mieux connaître deux chaînes éditoriales libres, La Poule ou l’Oeuf et Scenari. La Poule ou l’Œuf est une chaîne éditoriale Web dédiée à l’édition de documents longs (monographies, cours, mémoires, thèses, actes…), à destination électronique aussi bien que papier. Elle s’adresse à toute institution éditrice de contenus académiques pour une production structurée sémantiquement et intégrée au réseau, en vue d’une exploitation dynamique et évolutive des savoirs. Scenari, elle, est une chaîne éditoriale générique, basée sur la séparation des formats de stockage et des formats de publication : les formats de stockage décrivent la structure du fonds documentaire et les formats de publication la forme physique du document vue par l’utilisateur.

Seront également présents l’AFUL (Association francophone des utilisateurs de Linux et des logiciels libres) et Scidéralle (les logiciels du Terrier, AbulÉdu, AbulEduLive…).


Educatice est un moment important de l’année scolaire pour le pôle de compétences logiciels libres du SCEREN.

Effectivement. Il s’inscrit aussi dans ce qui est la mission première du pôle qui est d’informer la communauté éducative, afin d’aider les uns et les autres à faire leurs choix. Les modalités sont diverses : organisation et/ou participation à des journées, séminaires, colloques, salons mais aussi textes et articles. Les initiatives sont multiples. Pour les dernières années scolaires, on peut mentionner, entre autres : depuis 2000, la présidence du cycle Education du salon Solutions Linux ; Paris Capitale du Libre ; le Forum Mondial du Libre ; les journées Autour du libre coorganisées par le CNDP et les ENST ; les colloques et séminaires d’ePrep ; les Rencontres de l’Orme, les Trophées du libre ; la Semaine de la Science ; les Rencontres mondiales des logiciels libres…


Comment ces actions d’information sont-elles reçues ?


En général très bien ! Il faut dire qu’est tellement évidente la convergence entre les principes du libre et les missions du système éducatif, la culture enseignante de libre accès à la connaissance et de sa diffusion à tous, de formation aux notions et non à des recettes. L’enseignement requiert la diversité des environnements scientifiques et techniques. La compréhension des systèmes suppose l’accès à leur « secret de fabrication ». Des formes de travail en commun des enseignants, de travail et d’usages coopératifs supposent des modalités de droit d’auteur facilitant l’échange et la mutualisation des documents qu’ils produisent. Du côté des usages éducatifs des TIC, on retrouve l’approche du libre, notamment ses licences GPL ou Creative Commons.

Il faut cependant ajouter qu’informer sur le libre, dans un esprit de diversité scientifique et technologique, ne fut pas toujours un « long fleuve tranquille ». Dans l’éducation comme ailleurs, il y a une pluralité de points de vue. Mais les choses sont entendues, depuis un certain temps déjà : le libre est sans conteste une composante à part entière et de premier plan de l’informatique pédagogique.


Peux-tu nous rappeler le contexte institutionnel ?

Créé en 2002, regroupant aujourd’hui vingt-trois CRDP, le pôle de compétences logiciels libres du SCÉRÉN est à la fois une structure de réflexion et d’action. Il a pris le relais de la Mission veille technologique à qui la direction générale du CNDP avait confié, dès 1999, le pilotage du « chantier » des logiciels libres, dans le contexte institutionnel éducatif défini, en octobre 1998, par un accord-cadre signé entre le Ministère de l’Éducation nationale et l’AFUL. Cet accord, régulièrement reconduit depuis lors, indiquait qu’il y a pour les établissements scolaires, du côté des logiciels libres, des solutions alternatives de qualité et à très moindre coût aux logiciels propriétaires, dans une perspective de pluralisme technologique. Et depuis plus de dix ans, les différents directeurs généraux qui se sont succédé à la tête du CNDP ont accordé une attention particulière au dossier des logiciels libres.


Quel est l’accueil du côté des collectivités locales ?

Bon également. Il y a des enjeux financiers, la question étant moins celle de la gratuité que celle du caractère « raisonnable » des coûts informatiques. Comme le dit François Elie, président de l’Adullact (Association pour le développement des logiciels libres dans l’administration et les collectivités territoriales), un logiciel est gratuit une fois qu’il a été payé et l’argent public ne doit servir qu’une fois pour payer un logiciel.

Les logiciels libres permettent de réduire d’une manière très significative les dépenses informatiques dans le système éducatif. Les collectivités locales sont de plus en plus sensibles à cet aspect des choses, notamment pour le poste de travail avec la suite bureautique OpenOfice.org. La licence GPL permet aux élèves, et aux enseignants, de retrouver à leur domicile leurs outils informatiques, sans frais supplémentaires et en toute légalité. Concernant les ENT, la région Ile-de-France va déployer une solution libre.


Et les ressources pédagogiques ?

Dans l’éducation, le libre c’est le logiciel mais également (et peut-être surtout) les ressources pédagogiques. Dans ce domaine, le « vaisseau-amiral » est l’association Sésamath[3]. Les lecteurs de Framasoft étant très bien informés des multiples activités de cette association remarquable, nous rappellerons qu’elle a eu un Prix de l’UNESCO en 2007 et qu’elle édite (en partenariat avec un éditeur privé) des manuels scolaires pour le collège qui connaissent un franc succès, et bientôt pour les CPGE (Classes préparatoires aux grandes écoles).


On sait que le numérique et les réseaux ont plongé l’édition scolaire (et l’édition en général) dans une période de turbulences. D’un côté, Sésamath met librement et gratuitement ses réalisations pédagogiques sur la Toile. De l’autre, elle procède à des coéditions, à des prix « raisonnables », de logiciels, de documents d’accompagnement, de produits dérivés sur support papier avec des éditeurs, public (les CRDP de Paris et de Lille) et privé, à partir des ressources mises en ligne sur la Toile. Le succès est au rendez-vous. La question est posée de savoir si ce type de démarche préfigure un nouveau modèle économique de l’édition scolaire, dans lequel la rémunération se fait sur le produit papier, sur le produit dérivé, le produit hybride et par le service rendu.


Des enjeux de société aussi


Oui, comme l’ont montré les vifs débats qui ont accompagné la transposition par le Parlement en 2006 de la directive européenne sur les Droits d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information (DADVSI) et plus récemment à propos de la loi Hadopi.

John Sulston, prix Nobel de médecine, évoquant en décembre 2002 dans les colonnes du Monde Diplomatique les risques de privatisation du génome humain, disait que « les données de base doivent être accessibles à tous, pour que chacun puisse les interpréter, les modifier et les transmettre, à l’instar du modèle de l’open source pour les logiciels ». Il existe une transférabilité de l’approche du libre à la réalisation des biens informationnels en général.

La question est donc posée de savoir si le modèle du libre préfigure des évolutions majeures en termes de modèles économiques et de propriété intellectuelle. Le logiciel libre est un « outil conceptuel » pour entrer dans les problématiques de l’économie de l’immatériel et de la connaissance. Incontournable pour le citoyen. Or l’on sait que l’une des trois missions de l’Ecole est de former le citoyen !

En guise de conclusion

Je voudrais profiter de cet interview pour remercier l’association Framasoft pour la place qu’elle occupe dans le paysage éducatif et culturel, et le rôle qu’elle y joue, la qualité de sa réflexion, son attachement au bien commun et au pluralisme.

Et puis, rendez-vous au salon Educatice. Pré-enregistrement sur le site d’Educatec-Educatice avec demande de badge d’accès gratuit.

Notes

[1] Crédit photo : Styeb (Creative Commons By-Sa)

[2] Signalons que Jean-Pierre Archambault, cette fois-ci avec sa casquette de président de l’EPI, animera également une table ronde, le vendredi 20 novembre de 11h15 à 12h45, « Un enseignement de l’informatique au lycée », avec Gérard Berry, Professeur au Collège de France, membre de l’Académie des Sciences, Gilles Dowek, Professeur d’informatique à l’École Polytechnique et Pierre Michalak, IA-IPR de l’Académie de Versailles. Thème souvent évoqué dans le Framablog.

[3] Remarque : Sésamath sera non seulement présent à Educatice mais également au Salon de l’Éducation, stand CE40.




Avez-vous le réflexe OpenStreetMap ?

Francois Schnell - CC byDans la série « les projets pharaoniques (mais sans esclaves) de la culture libre hors logiciels », on cite toujours, et à juste titre, Wikipédia. Mais il se pourrait bien qu’OpenStreetMap vienne rapidement le rejoindre aux yeux du grand public.

Afin d’accélerer le mouvement, adoptons tous « le réflexe OpenStreetMap », qu’il s’agisse de participer directement à son édition ou plus modestement de l’utiliser autant que faire se peut dans nos documents, messages, sites, blogs et autres réseaux sociaux.

Qu’est-ce qu’OpenStreetMap, ou OSM pour les intimes ?

(et je m’adresse ici bien moins aux fidèles lecteurs du Framablog qu’à ceux, bienvenus, qui arrivent un peu par hasard et curiosité, par exemple à partir de Wikio et son « classement » des blogs)

Commençons par ce petit reportage vidéo issu des archives Framatube, et poursuivons en interrogeant encore (et toujours) Wikipédia : « OpenStreetMap est un projet pour créer des cartes libres du monde, en utilisant le système GPS ou d’autres données libres. OpenStreetMap a été fondé en juillet 2004 par Steve Coast au University College de Londres. Les cartes sont disponibles sous les termes de la licence Creative Commons Attribution-ShareAlike 2.0. Par l’utilisation de moyens informatiques basés sur Internet qui permettent l’intervention et la collaboration de tout utilisateur volontaire, le projet OpenStreetMap relève de la géomatique 2.0 et est aussi une contribution à ce qui est appelé la néogéographie. »

Du coup on le surnomme parfois « le Wikipédia de la cartographie » et, licences et affinités obligent, on ne s’étonnera pas de trouver les cartes de l’un dans les articles de l’autre.

Mais vous en saurez beaucoup plus en parcourant l’excellent dossier OpenStreetMap, les routards du web réalisé cet été par Camille Gévaudan pour le non moins excellent site Ecrans.fr (l’année d’avant c’était le tour de Wikipédia mais surtout de la désormais célèbre Saga Ubuntu d’Erwan Cario !).

Non seulement ce dossier nous permet de mieux appréhender le projet dans son extraordinaire dimension collaborative (avec interview de contributeurs à la clé) mais il fournit en prime un mode d’emploi par l’exemple pour ceux qui aimeraient à leur tour participer à dessiner librement le monde. Ce qui, par contagion, est une conclusion presque naturelle de la lecture du dossier (quand bien même on vous prévient qu’il faut être sacrément motivé parce que techniquement parlant les ballades « Je cartographie ma ville pour OpenStreetMap » relèvent parfois du parcours du combattant).

Extraits de l’introduction :

OpenStreetMap, sorte de Wikipédia de la cartographie, est un projet un peu fou qui tente depuis 5 ans de redessiner le monde (…), rue après rue. Sa communauté œuvre d’abord par idéologie. Convaincue que les données géographiques de la planète devraient appartenir au bien commun et non aux agences qui les ont relevées pour les exploiter commercialement.

(…) Et comme toute réutilisation des contenus propriétaires de Google Maps, Yahoo ! Maps et autres Mappy est formellement interdite, l’exercice est un peu sportif… au sens littéral du terme. Ni clavier ni souris : les outils du cartographe 2.0 sont un appareil GPS et une voiture, un vélo ou une bonne paire de baskets. On enregistre son itinéraire en parcourant méthodiquement les rues de sa ville ou les sentiers d’une randonnée locale, avant de transférer les coordonnées sur son ordinateur et de convertir le paquet de chiffres en tracés de routes. La dernière étape consiste à associer aux tracés des informations (nom, type de voie, largeur…) qui leur permettent d’être correctement interprétés et affichés sur la carte interactive.

(…) L’ampleur du travail à fournir et le côté un peu « roots » du projet ne semble pas décourager les participants, dont les contributions sont de plus en plus nombreuses. Quand on s’est toujours figuré les militants du Libre comme des geeks blafards et sédentaires, on ne peut qu’être fortement intrigué…

Alors, à Ecrans.fr, on a eu envie d’essayer aussi. Un GPS en main (…), on se donne comme objectif d’apporter une petite pierre à l’édifice. Disons deux ou trois rues, pour commencer. Lire la suite…

Mais est-ce que ne pas posséder de GPS est éliminatoire pour contribuer ? Que nenni !

Rendez-vous sur le wiki francophone du site officiel où l’on vous expliquera[1] comment vous pouvez cartographier les traces GPS existantes et/ou ajouter des informations (ou tags) aux cartes qui ne demandent que cela (cf cette page et cette aide-mémoire pour avoir une idée de la diversité de la chose). On remarquera qu’il n’y aucune raison de se restreindre aux routes et chemins proprement dits, comme en témoignent ces extensions au projet que sont OpenCycleMap[2] (vélo), OpenPisteMap (ski) ou encore OpenSeaMap (balises maritimes) !

Imaginons maintenant que vous n’ayez ni GPS, ni la patience, la disponibilité, etc. d’enrichir les informations des cartes ? Et bien vous pouvez quand même participer !

En effet, à chaque fois que vous avez besoin d’afficher une carte dynamique sur vos sites, oubliez Google Maps[3] et autres aspirateurs propriétaires à données, et pensez à OpenStreetMap.

Comme la planète entière n’a pas encore été « openstreetmapisée » (une question de temps ?), il se peut fort bien que votre zone géographique soit mal ou non renseignée. Mais dans le cas contraire (comme c’est généralement désormais le cas pour les grandes voire moyennes villes occidentales), ce serait vraiment dommage de s’en priver et ne pas en profiter du même coup pour faire à moindre effort la promotion de ce formidable projet.

Comment procède-t-on concrètement ? C’est très simple. On se rend sur le site d’OpenStreeMap et on parcourt le monde en zoomant jusqu’à tomber sur le lieu qui nous intéresse. Si vous êtes satisfait du résultat (c’est à dire si les dimensions et la qualité de la carte vous conviennent), cliquez alors sur l’onglet Exporter en choisissant le format HTML incorporable. Un code à recopier directement sur votre site Web vous sera alors proposé (notez au passage que l’on peut également exporter en XML, PDF, PNG, etc.).

Voici ce que cela donne ci-dessus pour mon chez moi à moi qui se trouve pile au centre de la carte (que l’on peut aussi consulter en grand sur le site d’OSM bien entendu).

D’ailleurs si vous passez un jour à Rome, n’hésitez pas à me contacter pour qu’on refasse le monde ensemble autour d’un cappuccino !

Autant le refaire plus libre qu’avant du reste, si vous voulez mon humble avis 😉

MapOSMatic - Exemple de La Cantine à ParisMais ça n’est pas fini ! En combinant les données, le très prometteur projet dérivé MapOSMatic vous délivre de véritables cartes « qualité pro » avec un magnifique index coordonné des rues.

Par exemple, si je veux vous donner rendez-vous à La Cantine à Paris pour un « TrucCamp » autour du libre, je peux faire comme précédemment mais je peux également y adjoindre une carte générée par MapOSMatic avec le PDF du plan et de son index (cf photo ci-contre et pièces jointes ci-dessous). Impressionnant non ?! Le tout étant évidemment sous licence libre.

Il faut vraiment être blasé pour ne pas s’enthousiasmer une fois de plus sur la formidable capacité de travail que peuvent fournir bénévolement les gens lorsqu’il sont motivés par une cause qui leur semble noble, juste et source de progrès.

Pour le moment le programme est restreint à la France (à ce que j’en ai compris), pour cause de projet démarré chez nous[4], mais nous n’en sommes qu’au début de l’application qui ne compte certainement pas en rester là.

Voilà, d’une implication forte (mais qui fait faire de belles ballades individuelles ou collectives en mapping party) à une participation plus légère (qui rend service et embellit nos sites Web), prenons tous « l’habitude OSM » et parlons-en autour de nous. Ce n’est pas autrement que nous réussirons là encore un projet de type « ils ne savaient pas c’était impossible alors ils l’ont fait » qu’affectionne tout particulièrement le logiciel libre lorsqu’il part à la rencontre des biens communs.

« La route est longue mais la voie est libre », avons-nous l’habitude de dire à Framasoft. Ce n’est pas, bien au contraire, le projet OpenStreetMap qui nous démentira !

Notes

[1] Dans la mesure où l’édition dans OpenStreetMap n’est pas forcément chose aisée, je me prends à rêver d’un framabook dédié ouvrant plus facilement l’accès au projet. Des volontaires ?

[2] Crédit photo : François Schnell (Creative Commons By)

[3] À propos de Google Maps, quelques questions pour d’éventuels commentaires. Peut-on considérer que les deux projets sont concurrents ? Est-ce que la comparaison est valable et valide ? Est-ce que, à terme, l’un peut librement se substituer à l’autre ?

[4] À propos de MapOSMatic, sachez que l’un des prochains entretiens du Framablog concernera justement ce projet puisque nous partirons à la rencontre de l’un de ses créateurs, le prolifique développeur Thomas Petazzoni.




Ce que nous dit Windows Vista de l’Éducation nationale

Cave Canem - CC by-saRetournons le titre de mon billet du jour en mode interrogatif. Qu’est-ce que nous dit l’Éducation nationale de Windows Vista ?

Rien. Elle ne nous a strictement rien dit, et c’est bien là le problème.

Aujourd’hui, l’arrivée de Windows 7 vient refermer le chapitre du système d’exploitation précédent de Microsoft. On aurait cependant tort de ne pas tenter de tirer le bilan de cet épisode, en particulier au sein de l’Éducation nationale française. Parce qu’il se pourrait bien que cet (assourdissant) silence soit révélateur…

Petit retour en arrière. Windows Vista a vu officiellement le jour en janvier 2007. Et très vite, comme nous le rappelle Wikipédia, « de nombreuses critiques ont fusé concernant la faible compatibilité matérielle, le matériel minimum nécessaire, les mauvaises performances et le peu d’innovations depuis Windows XP ».

Un an plus tard paraissait en Angleterre un rapport, riche et détaillé, de la très sérieuse et officielle agence Becta, sur l’opportunité ou non d’utiliser Windows Vista et MS Office 2007 dans les écoles du pays[1].

Les arguments et conclusions de ce rapport étaient sans équivoque.

Pour rappel en voici quelques extraits (dont je vous laisse juge de leur actualité un an et demi plus tard) :

« Les nouvelles fonctionnalités de Microsoft Vista présentent certes un intérêt, mais ne justifient pas une implantation immédiate dans le domaine de l’éducation : les coûts seraient élevés et les avantages loin d’être évidents. »

« Alors qu’on estime à 66% le nombre de machines du parc informatique scolaire pouvant fonctionner avec Vista (d’après la définition de Microsoft), nous estimons quant à nous à 22% le nombre de machines répondant aux critères pour faire fonctionner Vista de manière correcte. »

« Le coût total du déploiement de Vista dans les écoles anglaises et galloises se situe autour de 175 millions de livres sterling (environ 230 millions d’euros). Si cette estimation n’inclut pas les cartes graphiques supplémentaires nécessaires au fonctionnement de l’interface Aero (ce qui augmenterait nettement le montant minimum) elle tient compte des mises à niveau matérielles nécessaires, du coût des licences, des tests ainsi que du coût de la configuration et du déploiement. Environ un tiers de cette somme est imputable au prix des licences Microsoft. »

« Les machines sous Vista pourraient ne fonctionner qu’avec une autre version d’une application voir même seulement avec des produits différents. Cela peut être source de confusion si le personnel ou les élèves doivent travailler avec les deux systèmes d’exploitation. Il pourrait aussi être nécessaire de dupliquer le travail pour certaines leçons ou pour certains projets pour les adapter à Windows Vista et Windows XP. »

« Nous suggérons que les nouvelles machines achetées avec Windows Vista pré-installé soient remises sous Windows XP en attendant que tout le réseau puisse être mis à jour. »

« une standardisation de fait (par l’utilisation généralisée de produits d’un même fournisseur) peut être néfaste pour la concurrence et le choix, ce qui revient à augmenter les coûts. De plus en plus, les gouvernements, les entreprises et le système d’éducation refusent de voir leurs informations contrôlées par un fournisseur unique. Il en résulte un mouvement qui tend à délaisser les formats de fichiers propriétaires pour s’intéresser aux nouveaux formats de fichiers, plus ouverts, sous le contrôle d’un organisme de normalisation efficace. »

« Si l’on n’intervient pas, ces évolutions vont créer, pour les utilisateurs béotiens, une vision de l’intéropérabilité des documents qui sera complexe et partisane, ce qui serait un échec de l’objectif initial d’aller vers des standards ouverts. Microsoft a une position dominante sur le segment des systèmes d’exploitation pour PC et cette position risque d’être renforcée par son approche actuelle des standards de documents ouverts. »

« Contrairement à d’autres secteurs ou la demande pour des solutions en logiciels libres est visible et croissante, les estimations dans le secteur éducatif montrent une demande faible, Becta est vu comme un facteur clé dans l’instauration de cette demande. »

« Au cours des douze prochains mois Becta prendra un certain nombre de mesures pour encourager un choix plus efficace dans le cadre d’un usage éducatif. Ce travail inclura la publication d’un programme de travail dont le but sera de :
– fournir plus d’informations sur le site de Becta sur ce qu’est un logiciel libre et quels sont ses avantages pour l’éducation en Grande-Bretagne
– compléter la base de recherche actuelle qui recense les usages des logiciels libres dans le secteur éducatif et identifier des déploiements modèles de logiciels libres. Cela engloberait également l’esquisse d’un tableau national des usages des logiciels libres dans les écoles et les universités
– travailler avec la communauté du logiciel libre pour établir un catalogue en ligne des logiciels libres appropriés pour l’usage dans les écoles de Grande-Bretagne. Parmi les informations disponibles on retrouvera les moyens d’obtenir une assistance dédiée à ces logiciels et comment contribuer à leur développement futur. Ce catalogue sera publié sous une licence Creative Commons afin que les fournisseurs puissent le modifier pour leur propre usage
– donner des indications aux sociétés de services en logiciels libres pour qu’elles puissent efficacement participer dans de nouvelles structures compétitives et pour qu’elles puissent proposer des logiciels libres via la structure de fournisseurs existante de Becta »

Si nous pouvons vous proposer ces citations directement en français c’est parce que nous avions décidé de traduire ce rapport dans son intégralité, annoncé en juin 2008 sur le Framablog sous la forme d’une question (dont on a malheureusement aujourd’hui la réponse) : Le débat sur Windows Vista et MS Office 2007 à l’école aura-t-il lieu ?

Et pourquoi avions-nous fait cet effort ? Parce que, Anne, ma sœur Anne, nous ne voyions justement rien de similaire venir en France.

Il y a peut-être eu des mémos internes, quelques craintes exprimées ça et là localement sur des sites académiques, et bien sûr de la perplexité chez certains profs d’en bas. Mais, à ma connaissance, aucune étude digne de ce nom, aucune recommandation ou mise en garde publiée publiquement sur les sites nationaux de l’Education nationale, à commencer par Educnet, le site portail des TICE.

Le ministère de la Défense peut qualifier, avec la diplomatie qui le caractérise (mais tout le monde aura compris), Windows Vista de système qui « manque de maturité » et préconiser l’usage des distributions GNU/Linux Mandriva et Ubuntu, la contagion interministérielle n’aura pas lieu du côté de la rue de Grenelle.

Qu’un Café Pédagogique, soutenu par Microsoft, demeure muet si ce n’est pour annoncer benoîtement la sortie de Vista et de ses mises à jour, c’est dommageable mais compréhensible (et c’est même certainement compris dans le prix du soutien), mais il en va tout autrement pour le ministère.

N’en allait-il pas de sa responsabilité de prévenir tous ses établissements scolaires et toutes les collectivités territoriales pourvoyeuses de nouveaux matériels (susceptibles de subir le phénomène de la vente liée), qu’il était au moins urgent d’attendre ? Attente qu’il aurait pu mettre à profit pour évaluer les alternatives libres et prendre enfin les décisions qui s’imposent (comme par exemple ce qui se fait dans le Canton de Genève).

Au lieu de cela un silence radio pour le moins étonnant. Et trois années de perdues pour le déploiement massif, assumé et coordonné du logiciel libre à l’école ! Avec en prime prolifération de Vista et passage à la caisse.

Étudiants, enseignants, parents d’élèves, contribuables, et plus généralement tous ceux désormais nombreux que le sujet intéresse, sont légitimement en droit de se demander pourquoi, afin que cette politique de l’autruche ne se reproduise plus.

Notes

[1] Crédit photo : Cave Canem (Creative Commons By-Sa)




Quand la Francophonie soutient le logiciel libre en Afrique

En septembre 2006, la francophonie réunie à Bucarest par l’OIF proposait sur le site officiel de l’évènement un très intéressant article intitulé Le choix des logiciels libres, que nous avons reproduit ci-dessous.

Il n’est donc pas étonnant mais tout à fait réjouissant de les retrouver dans ce petit reportage réalisé à Niamey au Niger par TV5 Québec Canada.

« Cette formation, qui va durer une semaine, permettra à une trentaine de nigériens issus de différents secteurs d’activités, l’administration publique en général, le secteur de l’éducation, le secteur privé, de bénéficier d’une formation de pointe en environnement libre. »

—> La vidéo au format webm

Le choix des logiciels libres

URL d’origine du document

Conformément aux Conférences ministérielles sur la culture (Cotonou, 2001) et sur la société de l’information (Rabat, 2003), la Francophonie favorise le développement, la diffusion et l’usage de logiciels libres…

La Francophonie favorise le développement, la diffusion et l’usage de logiciels libres pour éviter que les pays en développement ne se trouvent en situation de dépendance technologique vis-à-vis d’un fournisseur.

La liberté de choix technologique défendue par la Francophonie vise à favoriser une appropriation réelle et maîtrisée des technologies. Mettre en commun le savoir, le faire évoluer librement, l’enrichir par une dynamique collaborative et répondre ainsi au besoin légitime de tous de participer pleinement à l’édification de la société de l’information sont le fondement même du concept des logiciels libres.

L’expression « logiciel libre » fait référence à la liberté pour les utilisateurs d’exécuter le programme, d’étudier son fonctionnement et de l’adapter à leurs besoins, de redistribuer des copies, d’améliorer le programme et de publier les améliorations pour en faire profiter toute la communauté. Le choix de l’utilisation de normes et de standards ouverts permet d’éviter des incompatibilités techniques pouvant conduire à des pertes de données publiques.

Il s’oppose à toute restriction des échanges et encourage la diversité d’expression. Beaucoup plus qu’une solution technique, il défend le libre accès aux savoirs. Grâce à leur faible coût d’opération et surtout aux principes de liberté et de partage qu’ils sous-tendent, les logiciels libres représentent une opportunité pour soutenir le développement durable des pays francophones du Sud.

L’OIF a donc soutenu l’organisation des Rencontres africaines du logiciel libre (respectivement du 4 au 7 octobre à Ouagadougou et du 19 au 21 octobre à Libreville). Les Rencontres mondiales 2005 sur les logiciels libres de Dijon (France, 5-9 juillet) ont également été soutenues, ainsi que le 7e Forum international du logiciel libre de Porto Alegre (Brésil, 19-22 avril 2006).

L’AUF, en partenariat avec l’Association francophone des utilisateurs de Linux et logiciels libres, a mis en place un réseau de centres Linux et logiciels libres fondé sur le développement et l’utilisation de solutions technologiques et pédagogiques ouvertes dans les pratiques d’enseignement, de recherche ou de communication. Ces centres sont basés à Antananarivo, Bamako, Chisinau, Dakar, Hanoi et Rabat.

L’Intif met en place des Laboratoires TIC (Labtic), véritables espaces collectifs mutualisés servant de cadre à la démultiplication des transferts de compétences au niveau national, en associant les acteurs des secteurs public, privé et associatif. Les Labtic permettent ainsi de faire des formations tout en créant un environnement matériel et logiciel permettant aux stagiaires de poursuivre et de consolider leurs acquis de manière continue. Ces actions de formation favorisent une appropriation technologique réelle qui peut servir de base à une industrie nationale numérique. En 2006, 15 laboratoires sont en place auprès de partenaires locaux dans les pays en développement : Bulgarie, Burkina Faso, Cameroun, Côte d’Ivoire, Gabon, Guinée, Laos, Madagascar, Mali, Maroc, Mauritanie, Niger, Sénégal, Togo, Vietnam.




Claude Bernard Lyon 1 offre les premières bourses Microsoft à ses étudiants

Stuartpilbrow - CC by-saL’université française ne doit plus pleurer sur le désengagement de l’État, le sauveur et bienfaiteur Microsoft est là pour y remédier.

Hier c’était Paris Descartes qui décidait de confier la communication numérique de ses étudiants à la firme de Redmond. Et aujourd’hui, fait unique dans les annales, ont vu le jour les premières bourses d’étudiants financées pour le privé.

C’est à l’Université Claude Bernard Lyon 1 que l’on doit cet acte pionnier et, vous l’aurez compris, c’est encore de Microsoft qu’il s’agit.

Extrait du communiqué de presse :

Alors qu’en novembre 2007, l’Université Claude Bernard Lyon 1 s’était engagée avec Microsoft France sur une série d’actions visant à rapprocher les deux structures en termes de partenariat économique, après plusieurs années de projets communs – l’Université et Microsoft France concrétisent aujourd’hui l’un de ses axes de partenariat qui était de contribuer financièrement au soutien d’étudiants boursiers, par le biais de la Fondation partenariale Lyon 1.

Cinq bourses sont accordées pour la rentrée universitaire 2009 à des étudiants débutants leurs études en première année de licence (…) La bourse d’un montant de 3 000 €, versée en une fois, doit permettre à des étudiants méritants d’entamer des études scientifiques dans de bonnes conditions financières.

(…) Ils recevront lundi 19 octobre 2009 à 14h30 dans la salle du conseil de l’Université leur bourse des mains d’Eric Le Marois, Directeur Education et Recherche de Microsoft France et de Lionel Collet, président de l’Université Lyon 1.

À l’issue de cette remise de bourse, Lionel Collet et Eric le Marois se prêteront au jeu des questions-réponses sur les thématiques des nouvelles technologies auprès de jeunes étudiants de l’Université.

Inclinons-nous et disons merci à la généreuse société américaine pour le soutien ainsi apporté au fleuron de notre jeunesse[1].

Quand on pense au coût annuel que représente la somme totale de toutes les licences Windows et MS Office de tous les postes de tous les établissements scolaires de France et de Navarre, on se dit que ces 5 bourses de 3 000 € ne méritent pas forcément une vaste opération de communication.

Il faut être naïf, malintentionné ou bien carrément parano pour n’y voir avant tout qu’une belle arnaque consistant à déshabiller l’élève Pierre pour habiller l’étudiant Paul sous l’œil bienveillant d’une puissance publique de moins en moins puissante et de moins en moins publique.

Notes

[1] Crédit photo : Stuartpilbrow (Creative Commons By-Sa)




CaRMetal : Entretien avec Eric Hakenholz

CaRMetal - Copie d'écranCaRMetal est un excellent logiciel éducatif de géométrie dynamique. CaRMetal est un logiciel libre (sinon d’ailleurs il n’aurait jamais vu le jour puisqu’il est directement issu du code source d’un autre logiciel libre). CaRMetal est développé et maintenu par un professeur de mathématiques français fort expérimenté qui a des choses à dire.

Autant de bonnes raisons de rencontrer Eric Hakenholz pour un entretien témoignage riche et intéressant.

Remarque : Le Framablog poursuit ici sa série de mises en valeur et en lumière de projets éducatifs libres et de ceux qui les portent.

Entretien avec Eric Hakenholz

Eric bonjour, une rapide présentation personnelle ?

Je suis professeur de mathématiques depuis 1989. J’ai passé mes deux premières années d’enseignement dans une école française installée dans un lycée public australien (Melbourne). Grâce à ce poste d’enseignant, j’ai eu la chance de pouvoir travailler dès 89 dans un environnement très informatisé et d’être témoin de nombreuses pratiques pédagogiques liées à l’utilisation du réseau (les nombreux Mac Plus de l’établissement étaient tous interconnectés). J’ai programmé là-bas mon premier logiciel Mac : un traceur de courbes et de surfaces, dont l’interface paraîtrait aujourd’hui bien désuète.

J’ai passé ensuite douze années dans l’académie de la Réunion, où j’ai « milité » pour l’utilisation du logiciel Cabri-Géomètre par le biais de formations et de publications (sites, journal bimestriel abraCAdaBRI, développement de l’utilitaire Cabri File Exchange). En 2004, en arrivant dans l’académie de Toulouse, j’ai cherché s’il existait un autre logiciel de géométrie dynamique, libre et gratuit cette fois-ci, qui puisse rivaliser avec la puissance et la pertinence de Cabri : j’ai découvert cette année-là le logiciel C.a.R. (Compass and Ruler).

Qu’est-ce que le logiciel CaRMetal ?

C’est un logiciel de géométrie dynamique, un environnement qui permet notamment d’explorer de manière interactive les propriétés géométriques des figures. Dans ce type de logiciel, les utilisateurs peuvent effectuer des constructions géométriques et déplacer les objets sur lesquels se basent la construction.

Pendant ces déplacements les propriétés sont conservées, et de nombreuses constatations peuvent surgir à ce moment-là : le simple mouvement des figures permet de mettre en évidence de nombreuses propriétés géométriques qui seraient passées inaperçues dans un environnement papier-crayon.

CaRMetal - Copie d'écran

Lorsque j’ai découvert le logiciel C.a.R. de René Grothmann en 2004, je me suis aperçu qu’il contenait de nombreuses fonctionnalités très originales, avec une gestion très pointue des macro-constructions (possibilité de se créer des outils à partir de ceux déjà existants). Cependant, malgré tout l’émerveillement que me procurait la découverte des possibilités de C.a.R., je gardais un oeil assez critique sur la façon d’accéder aux fonctionnalités, sur l’interface utilisateur.

CaRMetal au départ (février 2006) était juste un « TP » motivé par mon envie d’apprendre le langage java. Mes années de programmation en Pascal et en C m’ont amené petit à petit à vouloir changer pour un langage objet multi-plateforme, sur un code qui puisse être exécuté aussi bien sur GNU/Linux, Macintosh ou Windows. Les sources du logiciel C.a.R., écrits en Java par un programmeur clair, rigoureux et doué, ont rempli à merveille leur rôle de tuteur pendant mes deux premiers mois d’apprentissage. Le but que je m’étais fixé au départ était de reprendre les algorithmes mathématiques de C.a.R. et de les installer dans une interface neuve, intuitive, et toute en manipulation directe. Les choses sont allées plus vite que je ne le pensais, et les premiers résultats m’ont encouragé à changer d’optique : ce qui n’était qu’un TP est rapidement devenu un vrai projet, que j’ai décidé de publier sur Internet et de mettre à jour régulièrement.

On développe aujourd’hui des interfaces avec le soucis de donner une réponse immédiate à l’action de l’utilisateur : on s’aperçoit qu’il est presque toujours possible, avec des efforts de programmation supplémentaires, de supprimer toute situation bloquante (comme un dialogue avec boutons ok ou appliquer) ou toute situation qui ralentirait l’action (comme l’obligation systématique de dérouler un menu et de chercher l’item). Développée dans ce sens, avec le soucis d’une organisation claire et rationnelle des outils, une interface graphique permet de travailler d’une façon beaucoup plus fluide, avec un gain de temps très sensible, et une impression de liberté pour l’utilisateur qui s’en trouve nettement améliorée.

C’est avec l’objectif de produire un logiciel qui réponde un peu à ces critères que j’ai programmé CaRMetal : les seules boîtes à dialogues qui existent sont celles relatives à l’enregistrement et l’ouverture des fichiers. En phase de construction ou d’édition des objets, aucun menu n’est à dérouler, l’accès aux fonctionnalités est sans étape intermédiaire et les modifications apportées à l’aspect des objets sont visibles immédiatement dans la fenêtre de travail.

Jusqu’en décembre 2007, je suivais de très près l’évolution du logiciel C.a.R. en incluant dans CaRMetal, version après version, les modifications que René apportait à son « moteur mathématique ». Mais à partir de cette date j’ai souhaité mettre la main sous le capot algorithmique, ce qui nécessitait l’abandon du copier-coller de C.a.R. vers CaRMetal, et plusieurs dizaines de fonctionnalités qui me tenaient particulièrement à coeur ont ainsi pu voir le jour.

CaRMetal - Copie d'écran

En quoi se distingue-il des autres logiciels de la catégorie ? Je pense en particulier à Geogebra lui aussi libre et sous Java.

L’interface utilisateur de CaRMetal se distingue de celle des autres logiciels pour toutes les raisons évoquées précédemment. Certains utilisateurs me disent aussi que, pour leurs élèves, les retours vidéos systématiques ainsi que le caractère graphique des palettes et de l’inspecteur rend pratiquement nul le temps de prise en main du logiciel. D’autres, en général des adultes habitués à des logiciels différents, disent que l’absence de menus-boutons classés par types d’objets les perturbent : je laisse donc le soin aux utilisateurs de se faire leur propre opinion !

Bien sûr il y a de nombreuses fonctionnalités originales qui ne se retrouvent que dans CaRMetal, mais dire uniquement ceci serait oublier un peu trop vite que c’est aussi le cas pour d’autres logiciels de géométrie dynamique, comme Geogebra (je pense notamment à sa récente fonctionnalité « tableur » qui ne se retrouve nulle part ailleurs, du moins dans une forme très proche de celle des tableurs).

Comparer les fonctionnalités est un exercice assez subjectif : chacun peut faire son propre tableau avec en ligne le nom des logiciels, en colonne ses propres fonctionnalités, et ainsi faire apparaître une belle et unique ligne entièrement cochée… Je préfère de loin m’intéresser à l’ergonomie et l’expérience utilisateur, mais je vais tout de même essayer de faire une liste non exhaustive de quelques fonctionnalités "exotiques" de CaRMetal :

  • Les diaporamas : CaRMetal peut transformer automatiquement (en un seul clic comme disent les commerciaux) un dossier contenant des figures en un mini site web. En cliquant sur les liens de la page générée, on charge des applets qui correspondent à chacune des figures.
  • Les objets magnétiques : Cela permet notamment de créer un point sur plusieurs objets ou un point tout simplement attiré par un ensemble d’objets, conformément à une zone d’attraction définie en pixels par l’utilisateur.
  • Les contrôles systèmes : on peut inclure dans la figure des curseurs systèmes, des menus déroulants, des boîtes à cocher, des boîtes d’entrées numériques et des boutons poussoir.
  • Le JavaScript : un éditeur graphique permet de créer des scripts utilisant l’intégralité du langage javascript, enrichi de commandes liées à la pratique de la géométrie dynamique. Le logiciel permet de lancer un script et de l’annuler dans une figure.
  • Attribution automatique des noms de points : avec un tableau numérique interactif, il est assez gênant d’avoir à utiliser le clavier. Un dispositif d’attribution de noms permet de sélectionner à la volée et au stylet les noms qu’on veut donner aux objets.
  • Le mode « tableau numérique interactif » (TNI) : un stylet sur un tableau interactif ne se comporte pas tout à fait comme une souris. On perd la notion de mouse over et par conséquent bon nombre d’informations que donne la souris lors du survol d’objets d’intérêts (retours vidéos). Va-t-on par exemple, en cliquant, créer un point à une intersection, ou va-t-on louper sa cible et créer un point libre à côté ? En mode TNI, un cliquer-glisser équivaut à un survol de souris, et un lâché de stylet correspond à un clic de souris. Dans ce mode, sur un tableau interactif, on garde le même confort visuel et la même précision que lorsqu’on construit à la souris.
  • Les exercices : le formateur peut créer une construction-exercice avec comme objectif de faire construire un objet-cible (un orthocentre par exemple). L’élève doit effectuer la construction et s’il la réussit correctement, le message bravo ! apparaît. Dans ce type de figure c’est le logiciel lui-même qui s’assure que le travail a été effectué sans erreur.

CaRMetal dérive du logiciel C.a.R. (Compass and Ruler) développé par un professeur allemand. C’est parce que ce dernier était un logiciel libre que vous avez pu récupérer les sources et le modifier pour l’adapter à vos besoin. Que cela vous inspire-t-il ?

Certains informaticiens qui vivent en free-lance de leurs productions n’ont pas envie de produire des algorithmes ouverts, de peur que ce qu’ils programment ne soit immédiatement repris et vendu par d’autres. De peur finalement que le bénéfice de leurs travaux, pour lesquels ils ont dépensé beaucoup d’énergie et monopolisé beaucoup de connaissances, aillent dans une autre poche que la leur. Même si je ne fais pas partie de ce monde-là, je peux comprendre cette démarche de protection, par fermeture, dans des secteurs pointus dominés par les majors, les requins et la course au profit. Je préfère de très loin cette démarche cohérente à celle de nombreuses boîtes informatiques entièrement habillées chez Microsoft, et qui d’un autre côté ne jurent que par l’open source, en utilisant abondamment ce label dans le seul but de faire du dollars à grands coups de copier-coller. Concernant l’open source, les choses ne sont donc pas si simples et si manichéennes…

C.a.R. est un logiciel libre, et pas seulement open source : il est sous licence GNU-GPL et par conséquent CaRMetal l’est aussi. René Grothmann, le concepteur de C.a.R., a développé son logiciel dans une démarche d’ouverture et de partage : le véritable esprit du libre est-là, dans un comportement plus éthique et moral que purement technique. Reprendre les sources de René, les adapter suivant mes préférences, ajouter de nouvelles fonctionnalités m’a permis de créer un autre logiciel, qui a son tour peut être repris, et amélioré dans le même esprit.

L’idée du libre me fait penser au chanteur folk américain Woody Guthrie, qui, prenant le contre-pied des copyrights déjà en vogue à son époque, écrivait ceci en 1930 dans un recueil de chansons : This song is Copyrighted in U.S., under Seal of Copyright #154085, for a period of 28 years, and anybody caught singin’ it without our permission, will be mighty good friends of ourn, cause we don’t give a dern. Publish it. Write it. Sing it. Swing to it. Yodel it. We wrote it, that’s all we wanted to do.

Rares sont les enseignants développeurs de logiciels libres, êtes-vous reconnu et soutenu par l’Institution ? Est-ce important pour vous ?


N’ayant jamais aimé jouer les commerciaux, je n’ai jamais rien demandé à personne pendant ces quatre années de développement. C’est peut-être la raison pour laquelle je n’ai jamais eu aucun soutien, aucune reconnaissance de la part de ma hiérarchie institutionnelle ici, dans l’académie de Toulouse.

Lorsque je lis par exemple des présentations de CaRMetal comme celle mise en ligne par l’académie de Poitier, cela me fait bien évidemment plaisir, et je ne cacherai pas qu’une petite reconnaissance du travail effectué, par ma hiérarchie toulousaine, me paraîtrait bien sympathique. Développer un logiciel comme celui-ci prend beaucoup de temps, et le temps n’est pas extensible… Pour la petite histoire, en dehors de mes 19h00 de cours hebdomadaire, il m’a été reproché l’an dernier de ne pas avoir voulu m’investir et participer à la vie informatique de mon établissement, comme personne ressource. Si l’absence de reconnaissance de ma hiérarchie locale n’est pour moi qu’un petit regret, ce genre de reproche-là, par contre, fait plutôt du mal.

Hors institution par contre, l’encouragement est très présent, avec des articles récents comme celui publié sur le portail des IREMs (Institut de Recherche sur l’Enseignement des Mathématiques), ou par exemple les travaux réalisés par l’IREM de La Réunion. L’IREM de Toulouse m’a contacté très tôt, en 2007, pour savoir si je voulais intervenir dans ses stages « Enseigner les maths au collège » et c’est avec grand plaisir que j’ai accepté, et que je donne dans ce cadre-là quelques heures de formation par an. Tout ce qui est écrit aussi au sujet de CaRMetal dans le monde du logiciel libre me donne bien sûr l’envie de continuer !

Que pensez-vous du label RIP et de l’initiative SIALLE visant à promouvoir le logiciel libre dans l’éducation ?


Sans même parler des critères d’attribution de ce label RIP (Reconnu d’Intérêt Pédagogique), on peut se demander si les enseignants ont vraiment besoin qu’on leur indique quelles ressources sont intéressantes pour eux, avec comme corollaire possible que les autres ne le sont pas. Une ressource pédagogique n’étant pas tout à fait comparable à un poulet sous cellophane, j’ai toujours été assez réservé sur la nécessité de labelliser quoi que ce soit dans notre métier d’enseignant. Pour bénéficier de ce label, il faut le demander, et ce n’est peut-être pas dans la culture de tous les développeurs libres du monde éducatif. Cependant, je n’irai pas jusqu’à affirmer que c’est pour cela que presque aucun logiciel libre n’est classé RIP !

Je n’ai jamais demandé le label RIP pour CaRMetal, qui ne fait donc pas partie de la liste : on constate par contre que cela convient tout à fait aux sociétés privées de e-learning qui cherchent à se faire estampiller leurs animations flash, et qui, par les temps qui courent, y arrivent plutôt bien.

Je vois par contre d’un tout autre oeil l’initiative SIALLE, qui montre que l’idée du libre fait aussi son chemin dans l’Education Nationale, même si tout cela reste très timide. C’est pour cette raison-là que lorsqu’on m’a contacté il y a deux ans pour faire partie de cette base de logiciels, j’ai donné mon accord immédiatement. Je regrette un peu l’aspect rigide de la base de données, avec des classements par étoiles qui ne sont issus en général que d’un ou deux avis, mais il reste que cette initiative a le mérite d’exister et qu’il faut l’encourager, et faire en sorte qu’elle prenne plus d’importance.

En mathématiques, il y a l’incontournable et très libre association Sésamath. Participez-vous, de près ou de loin, à ses travaux ?

Non, et c’est un de mes grands regrets… J’ai participé il y a trois ans, avec l’équipe de développeurs de mathenpoche, à une réunion qui s’était fixée pour objectif de jeter les bases du Labomep à venir. J’aurai dû continuer à collaborer sur ce projet avec ces collègues sympas et talentueux, mais je suis resté "en solo" sur CaRMetal, en ne traitant que l’infinie liste des choses à faire pour ce logiciel… On n’a qu’une vie et c’est dommage ! Je suis par contre, dans ma pratique pédagogique, un utilisateur très assidu de toutes les productions de cette association : les manuels, les démos, Mathenpoche, Sesaprofs, eBep’s etc.

Sésamath est un formidable ballon d’oxygène au milieu d’un monde de brutes. Je ne prendrai qu’un seul exemple, que je souhaite détailler : celui des manuels numériques. A l’occasion des nouveaux programmes de sixième estampillés « manuels numériques », les enseignants ont reçu en fin d’année dernière de nombreux spécimens, avec du Bordas, du Nathan, du Hachette et du Hatier comme s’il en pleuvait. Rien de très nouveau dans cette avalanche de papier glacé, mise à part la possibilité de vidéo-projeter le manuel. Il n’y a souvent aucune interactivité véritable dans les documents proposés : juste du texte, des images, et l’idée véhiculée qu’avec tout ça, on allait enfin pouvoir se sentir dans le vent.

Les choses se compliquent lorsque l’enseignant veut installer pour lui et pour sa classe les manuels numériques en question :

  • On commence par la case tiroir-caisse avec en moyenne 5,50€ par élève, si on a bien sûr déjà payé les 20€ par élève du manuel papier. Ceux qui souhaitent étudier de près les grilles de tarification des éditeurs, peuvent cliquer ici pour visualiser l’exemple de l’offre de la maison Hachette.
  • On part sur un site portail (KNE) pour télécharger son manuel, avec les codes d’accès achetés par l’établissement.
  • On installe une application nommée delivery (logiciel utilisé pour les ventes de magazines en ligne) qui a pour fonction de télécharger, lire, et cadenasser la ressource par l’utilisation d’un format propriétaire (.dly).

Pour un enseignant donné, le manuel ne s’installe qu’une seule fois, avec à la limite une autre installation possible sur une clé USB. Si cela vous rappelle quelque chose, c’est normal : il s’agit bien de DRMs appliquées à l’Education Nationale. J’allais oublier de signaler que l’installation de ces manuels numériques, quand on y arrive (de nombreux collègues rencontrent de grosses difficultés techniques pendant cette phase), ne peut se faire que sur windows ou mac. Amis linuxiens, bonjour. Les collègues qui ont opté pour le manuel sesamath 6e (mais aussi les autres !) peuvent aller librement sur le site, téléchargent sans code d’accès ce qu’ils veulent, d’où ils veulent, sous format pdf ou OpenOffice.org, le modifient comme ils le souhaitent, utilisent les démos interactives des chapitres, le site Mathenpoche, ainsi que tous les formidables outils produits par cette association.

Sésamath, c’est le choix de la pertinence et de la sérénité, très loin des contraintes, des contorsions techniques et des interdits que veulent nous imposer les marchands du temple par le biais de leurs relais institutionnels.

La situation du logiciel libre à l’école : excellente, bonne, peut mieux faire ?

Peut beaucoup mieux faire bien entendu… J’attends impatiemment que l’institution se mette enfin à étudier sérieusement les alternatives libres, mais avec des exemples récents comme celui des manuels numériques, on peut se dire qu’il y a encore beaucoup de travail à faire de ce côté-là.

Il serait pourtant possible d’imaginer des établissements entièrement équipés de clients linux sur les réseaux pédagogiques : l’offre logicielle, ainsi que la simplicité d’installation et d’utilisation des nouvelles distributions le permettrait dès maintenant. Il manque juste, pour se faire, une évolution des mentalités des acteurs du monde éducatif, et je ne parle pas que de l’institution : beaucoup de collègues, qui ne se sentent pas en confiance avec l’outil informatique, sont encore très attachés au système windows qui leur a été livré en standard avec leur machine. Je peux comprendre cela et je ne critique pas : je pense juste que la situation du logiciel libre à l’école va sûrement évoluer, mais pas aussi rapidement qu’on pourrait le croire…

Que manque-t-il à CarMetal selon vous et quels sont les améliorations que vous aimeriez voir figurer dans les prochaines versions ?

CaRMetal est un logiciel de géométrie plane qui simule assez bien la 3D, mais il lui manque certaines fonctionnalités pour qu’on puisse directement construire et manipuler des objets dans l’espace : c’est sur cette question-là que je travaille en ce moment, et une version qui véritablement 3D devrait voir le jour d’ici décembre.

Une autre amélioration en vue : le multi-fenêtrage de l’application devrait être remplacé, dans un avenir proche, par une navigation par onglets qui permettra un accès plus simple aux figures.

CaRMetal - Copie d'écran




Quand la Fondation Codeplex de Microsoft déchire la communauté

A priori nous devrions tous nous réjouir de voir Microsoft faire un pas significatif vers le logiciel libre avec la toute récente création de la Fondation Codeplex, dont l’objectif affiché dès la page d’accueil du site est de « permettre l’échange de code et une entente entre les éditeurs de logiciels et les communautés open source ».

Sauf que, le diable est dans les détails, l’entente proposée concerne donc explicitement les communautés open source et non la communauté du logiciel libre.

A partir de là, méfiance et vigilance nous dit Richard Stallman[1] dans l’article que nous avons traduit ci-dessous, en égratignant au passage le mythique Miguel de Icaza[2] (GNOME, Mono…), membre initial de la Fondation, qui en prend pour son grade en étant qualifié « d’apologiste Microsoft ».

Réponse immédiate de l’intéressé (toujours traduite ci-dessous) qui reproche vertement à Stallman de s’attaquer ainsi à ses propres alliés et de se complaire dans la paranoïa Microsoft, pratique pour fédérer ses troupes mais néfaste si l’on souhaite réellement aller de l’avant.

Au delà du conflit personnel qui frise parfois l’outrage, nous sommes face à une énième opposition entre le logiciel libre et l’open source.

L’avantage de l’open source c’est qu’il rend le logiciel libre enfin fréquentable pour des sociétés comme Microsoft qui l’ont longtemps ignoré puis dénigré. L’inconvénient, rappelé en exergue de ce blog, c’est d’aboutir à ce que le logiciel libre ne finisse par ne plus rien libérer d’autre que du code…

Codeplex… Perplexe ?

Lest CodePlex perplex

Richard Stallman – 5 octobre 2009 – FSF.org
(Traduction Framalang : Olivier Rosseler)

Eneko Astigarraga - CC by-saLa Codeplex Foundation ne fait pas l’unanimité au sein de notre communauté. En effet, le fait que des employés, ou ex-employés de Microsoft, plus l’apologiste Miguel de Icaza, dominent le comité de direction n’a rien de rassurant. Mais l’habit ne fait pas nécessairement le moine.

Le jour viendra où nous pourrons juger l’organisation pour ses actions (ainsi que sa communication). À l’heure d’aujourd’hui, nous pouvons seulement essayer d’anticiper ses actions, d’après ses déclarations et celles de Microsoft.

On remarque premièrement que l’organisation évite soigneusement de parler de la liberté des utilisateurs, elle emploie le terme « open source » et ne fait pas mention de « logiciel libre ». Ces deux termes définissent deux philosophies qui n’ont pas les mêmes valeurs : le logiciel libre promeut la liberté et la solidarité alors que l’open source s’intéresse uniquement aux aspects pratiques, telle que l’efficience et la fiabilité du logiciel par exemple. Voir Pourquoi l’« open source » passe à coté du problème que soulève le logiciel libre pour plus d’informations.

Il est évidemment préférable pour Microsoft d’affronter l’adversité concrète que représente l’open source plutôt que la position éthique que défend le mouvement du logiciel libre. En ne reconnaissant, et en ne critiquant, que l’open source, comme la société le fait depuis si longtemps, Microsoft poursuit deux objectifs : attaquer un concurrent tout en détournant l’attention d’un autre.

Codeplex applique strictement la même tactique. Son but déclaré est de convaincre les « éditeurs de logiciels commerciaux » de contribuer davantage à l’open source. Comme presque tous les logiciels open source sont aussi des logiciels libres, ces programmes seront certainement libres, mais la philosophie « open source » n’enseigne pas aux développeurs à défendre leurs libertés. S’ils ne comprennent pas l’importance de cette liberté, les développeurs seront plus enclins à succomber aux stratagèmes de Microsoft les encourageant à utiliser des licences plus faibles, ce qui reviendrait à mettre le doigt dans un engrenage, à accepter la cooptation de brevets et à rendre ainsi les logiciels libres dépendant d’éléments privateurs.

Cette fondation n’est pas le premier projet Microsoft à porter le nom de « Codeplex ». On retrouve aussi codeplex.com, une forge qui ne recense pas parmi les licences autorisées, la troisième version de la GNU GPL. Peut-être est-ce dû au fait que la GNU GPL v3 a été créée pour protéger les logiciels libres de la menace que représentent les brevets Microsoft au travers d’accords comme celui conclu entre Novell et Microsoft. Les intentions de la Codeplex Foundation vis à vis de la GPL v3 nous sont encore inconnues, mais le passif de Microsoft n’incite pas à l’optimisme.

Le terme « éditeurs de logiciels commerciaux » est lui-même ambigu. Par définition, toute entreprise a un but commercial, donc tout logiciel développé par une entreprise, qu’il soit libre ou privateur, est automatiquement commercial. Mais beaucoup associent faussement « logiciel commercial » et « logiciel privateur » (voir Termes prêtant à confusion, que vous devriez éviter (ou utiliser avec précaution)).

Cette confusion est grave, puisqu’elle implique qu’on ne peut pas faire commerce de logiciels libres. De nombreux éditeurs de logiciels contribuent déjà aux logiciels libres, et ces contributions commerciales sont très utiles. Peut-être que Microsoft souhaite ici renforcer cette fausse impossibilité dans l’esprit des gens.

Toutes ces considérations prises en compte, il nous apparait que Codeplex encouragera les développeurs à ne pas penser à la liberté. Il instillera subtilement l’idée que le commerce de logiciel libre ne peut se faire sans l’appui des éditeurs de logiciels privateurs commme Microsoft. Il pourrait aussi, cependant, convaincre certains fabricants de logiciels privateurs de publier plus de logiciels libres. Cette contribution servira-t-elle la liberté des utilisateurs ?

Ça ne pourra être le cas que si le logiciel libéré fonctionne correctement sur des plateformes libres, dans des environnements libres. Mais c’est à l’opposé de ce que Microsoft cherche à accomplir.

Sam Ramji, maintenant président de Codeplex, annonçait il y a quelques mois que Microsoft (son employeur d’alors) souhaitait promouvoir le développement d’applications libres qui encourageaient l’usage de Microsoft Windows. Peut-être que Codeplex cherche à corrompre les développeurs de logiciels libres pour qu’ils fassent de Windows leur plateforme principale. Codeplex.com héberge désormais de nombreux projets qui sont des extensions de logiciels privateurs. Ces programmes sont pris dans un piège similaire au Piège Java (voir Libre mais entravé – Le Piège Java).

Mais, même en cas de succès, les implications seraient limitées puisqu’un programme qui ne fonctionne pas (ou mal) dans le Monde Libre ne contribue pas à notre liberté. Un programme non-libre prive ses utilisateurs de leur liberté. Pour éviter de se retrouver ainsi lésés, nous devons rejeter les systèmes privateurs ainsi que les applications privatrices. Les extensions libres pour des programmes privateurs que l’on trouve sur Codeplex accroissent notre dépendance vis à vis de ces programmes privateurs, l’exact opposé de ce dont nous avons besoin.

Les développeurs de logiciels libres sauront-ils résister à ce travail de sape de nos efforts pour gagner plus de liberté ? C’est là que leur éthique devient cruciale. Les développeurs adeptes de la philosophie « open source », pour laquelle la liberté n’est que secondaire, n’attachent peut-être que peu d’importance à la liberté de l’environnement dans lequel leur logiciel est exécuté. Mais les développeurs se battant pour la liberté, la leur comme celle des autres, peuvent reconnaître le piège et l’éviter. Pour rester libre, la liberté doit être notre but.

Si la Codeplex Foundation souhaite devenir un vrai contributeur de la communauté du logiciel libre, elle ne peut se contenter d’extensions libres pour des paquets non-libres. Elle doit encourager le développement de logiciels portables capables de fonctionner sur des plateformes libres basées sur GNU/Linux et d’autres systèmes d’exploitation libres. Si elle essaie de nous leurrer dans une direction opposée, il nous faut absolument nous y refuser.

Mais que les actions de la Codeplex Foundation soient bonnes ou mauvaises, elles ne peuvent excuser les actes d’agression dont Microsoft s’est rendu coupable envers notre communauté. De sa tentative récente de vendre des brevets à des intermédiaires pour qu’ils fassent le sale boulot contre GNU/Linux, à sa croisade pour la promotion des menottes numériques (DRM), Microsoft n’a de cesse de s’en prendre à nous. Nous serions bien naïfs de le perdre de vue.

Copyright 2009 Richard Stallman
La reproduction exacte et la distribution intégrale de cet article est permise sur n’importe quel support d’archivage, pourvu que cette notice soit préservée.

Chacun sa vision

World Views

Miguel de Icaza – 5 octobre 2009 – Blog personnel
(Traduction Framalang : Olivier Rosseler)

Storem - CC by-saApparemment, Richard Stallman n’a rien de mieux à faire que de m’attaquer personnellement. Dans son dernier texte, il s’est trouvé une nouvelle lubie : me traiter d’apologiste de Microsoft car je ne participe pas à sa chasse aux sorcières.

J’ai simplement un point de vue différent du sien au sujet de Microsoft. Certains de ses employés sont des personnes vraiment bien, et je sais qu’ils sont nombreux au sein de l’entreprise à essayer de lui faire prendre une meilleure voie. Cela fait maintenant quelques années que j’en parle sur mon blog.

Au fond, nous voulons tous les deux la même chose : le succès du logiciel libre. Mais Richard, plutôt que d’utiliser son temps pour défendre sa cause, s’en prend à ses propres alliés car ils ne sont pas pareils que lui. À ses yeux, débiter des inepties, telles que Linus « ne croit pas en la Liberté », est tout à fait normal[3].

Tout est une question de point de vue

Il y a de cela quelques années, j’ai eu la chance d’échanger avec Benjamin Zander sur son monde des possibles. Son livre, « L’art des possibilités » m’a profondément marqué.

Benjamin y raconte cette histoire :

Deux vendeurs de chaussures sont envoyés en Afrique au début du XXe siècle en prospection.

Le premier envoie son télégramme : « Situation désespérée. Stop. Personne ne porte de chaussures ».

L’autre envoie : « Opportunité d’affaires. Stop. Ils n’ont pas de chaussures ».

Notre temps sur Terre étant limité, j’ai décidé d’occuper le mien à essayer de faire comme le deuxième vendeur. J’essaie de voir des possibilités quand d’autres ne voient aucun débouché.

J’aime mon boulot pour cette raison précise, parce que je travaille avec des amis qui défient sans cesse les probabilités et parce que nous avons toujours su faire mentir ceux qui nous critiquent. Chacun de mes collègues veut changer le monde et aucun d’entre nous ne se laisse décourager par la peur.

La peur est un frein puissant et empêche trop souvent les gens de proposer des solutions créatives. Je préfère largement travailler à l’élaboration de solutions constructives plutôt que de me plaindre.

La paranoïa est un secteur très actif. C’est la solution de facilité pour ceux qui ne savent pas mener leurs troupes en donnant l’exemple. Créez un bouc émissaire, enrobez votre histoire, mentez, ou propagez des semi-vérités, satanisez, voilà une bonne recette pour fédérer votre base.

La paranoïa de Richard

Le documentaire « Le pouvoir des cauchemars » offre une description passionnante de l’économie de la « sécurité », de ces entreprises qui vendent de la « sureté » aux personnes effrayées, de ces dirigeants qui se servent de la peur des gens pour atteindre leurs buts. La paranoïa de Richard n’est en rien différente.

Richard Stallman fait souvent appelle à des bouc émissaire pour rassembler ses troupes. Parfois il s’en prend à Microsoft, d’autres fois il invente des faits, ou sinon il s’en prend à sa propre communauté[4]. Ses élocutions simplistes n’ont rien à envier à celle de Georges W. Bush : le Bien contre le Mal, Nous contre Eux.

La Codeplex Foundation est née de l’effort de ceux, chez Microsoft, qui croit en l’open source. Ils s’acharnent, au sein de l’entreprise, à la changer. Encourager Codeplex est une formidable opportunité d’encourager Microsoft dans la bonne direction.

Mais Richard n’arrive pas à le comprendre.

Aux yeux de Richard, il n’y a rien de bon à tirer de ce monde. Moi, à l’opposé, j’y vois des possibilités et des opportunités.

Non seulement on a jamais attrapé de mouches avec du vinaigre, mais il y a aussi beaucoup de chaussures à vendre.

Notes

[1] Crédit photo : Eneko Astigarraga (Creative Commons By-Sa)

[2] Crédit photo : Storem (Creative Commons By-Sa)

[3] Votre ami Google vous donnera de nombreux exemples d’attaques contre les défenseurs et développeurs de l’open source / logiciel libre.

[4] Le problème « open source » contre « logiciel libre » qui n’en est pas un et la guerre « Linux » contre « GNU/Linux » débutée dans les années 90 mais qui nous poursuit encore.




Devenir chasseur de primes pour la FSF (en débusquant du code non libre)

FSF - GNU BuckPeut-être ignoriez-vous que la Free Software Foundation (FSF) maintient une liste de ce qu’elle considère selon ses propres critères comme des distributions GNU/Linux libres.

Ses critères sont stricts, voire drastiques. Rares sont celles qui ont passé l’examen avec succès. Ubuntu, Fedora, Mandriva, openSUSE… les plus connus des distributions grand public n’en font pas partie ! Même Debian n’y est pas, c’est vous dire !

L’idée, me semble-t-il, n’est pas de désigner ces distributions comme le mal absolu, en nous invitant à nous en détourner, mais plutôt, en alertant ainsi publiquement l’opinion, d’inciter les développeurs à ne plus inclure du code non libre dans leurs distributions (que cette inclusion soit effective ou potentielle).

Et pour garantir que ces distributions soient bien libres et surtout le demeurent, la FSF vient d’annoncer une originale campagne visant à récompenser toute personne qui trouverait du code non libre accidentellement inclus dans les distributions de la fameuse liste.

Une campagne qui se veut pragmatique mais non dénuée d’un certain humour hacker.

FSF Gnu Bucks

FSF announces new bounty program, offering "GNU Bucks" for finding nonfree works in free distributions

Communiqué de presse – 1 octobre – FSF.org
(Traduction Framalang : Quentin et Claude)

La Free Software Foundation annonce un nouveau programme de récompenses, en offrant des « GNU Bucks » à toute personne qui découvrirait des travaux non libres dans les distributions libres.

BOSTON, Massachussets, USA, Jeudi 1er Octobre 2009. La Free Software Foundation (FSF) a annoncé aujourd’hui qu’elle allait récompenser, d’une reconnaissance publique accompagnée d’une rémunération honorifique en « GNU Buck », ceux qui débusqueraient des composants non-libres contenus dans les distributions de systèmes d’exploitation libres. La FSF tient une liste de directives définissant ce qui, selon elle, est une distribution libre, et approuve les distributions qui s’engagent à suivre ces directives.

« En incitant les utilisateurs à trouver et à rapporter les problèmes, ce nouveau programme de récompenses aidera à s’assurer que les distributions GNU/Linux approuvées par la FSF demeurent réellement libres », dit Peter Brown le directeur exécutif de la FSF.

« Depuis que nous avons publié les directives nécessaires pour être une distribution libre, nous avons cherché des solutions pratiques pour nous assurer que des composants non libres n’étaient pas inclus accidentellement dans ces distributions (dans la mesure de nos moyens et de ceux des responsables de distribution). Cette nouvelle initiative est un bon moyen de participer à la recherche de ces composants. » dit Brett Smith, l’ingénieur en charge de la conformité des licences pour la FSF.

Les personnes retenues pour les récompenses recevront des billets « GNU Buck », d’un montant égal au nombre Pi et signé par Richard Stallman, le président de la Free Software Foundation et « Chef de la GNUisance ».

Pour avoir droit à une récompense GNU Buck, la personne doit initialement envoyer à la FSF et aux responsables de la distribution, un rapport détaillé concernant l’élément non libre trouvé. Si ce rapport est confirmé, la personne recevra sa récompense et l’option d’une reconnaissance publique. La FSF avertira alors les autres distributions libres impactées pour s’assurer qu’elles traitent également du problème.

Ces récompenses s’inscrivent dans la tradition des chèques que le légendaire ingénieur informatique Donald Knuth envoyait à ceux qui trouvaient des erreurs dans son livre phare The Art of Computer Programming. Recevoir un chèque de Donald Knuth était un tel honneur qu’il était la plupart du temps affiché sur les murs du bureau et non encaissé. (Knuth a arrêté d’envoyer des chèques en 2008 pour cause de fraude.)

À propos de la Free Software Foundation

La Fondation pour le Logiciel Libre, fondée en 1985, est dédiée à la promotion des droits des utilisateurs d’ordinateurs à utiliser, copier, modifier et redistribuer les programmes informatiques. La FSF encourage le développement et l’emploi de logiciels libres, particulièrement du système d’exploitation GNU et de ses variantes et de la documentation libre pour le logiciel libre. La FSF renforce également la sensibilisation autour des problèmes éthiques et politiques de la liberté dans l’usage des logiciels.

Son site Internet, http://www.fsf.org/, est une importante source d’information sur GNU/Linux. Des contributions pour soutenir son travail peuvent être faites à http://donate.fsf.org/. Son siège est à Boston, MA, USA.

À propos du Logiciel Libre et de l’Open Source

Le mouvement du logiciel libre a pour but la liberté des utilisateurs. Certains, plus spécialement des sociétés, soutiennent un point de vue différent, connu sous le nom d‘open source, qui évoquent seulement les buts pratiques comme construire un logiciel solide et sûr, se concentrant sur les modèles de développement, et évitant les discussions d’éthiques et de liberté. Ces deux points de vue sont profondément différents.

Pour en savoir plus : http://www.gnu.org/philosophy/open-source-misses-the-point.html.

À propos du système d’exploitation GNU et de Linux

Richard Stallman annonça en Septembre 1983 le projet de développer un logiciel libre semblable au système d’exploitation Unix qui s’appelerait GNU. GNU est le seul système d’exploitation développé spécifiquement pour la liberté des utilisateurs.

Pour en savoir plus : http://www.gnu.org/gnu/the-gnu-project.html.

En 1992, les composants de GNU étaient complets, à une expression près : le noyau. Quand en 1992, le noyau Linux a été re-publié sous GNU GPL, faisant de lui un logiciel libre, la combinaison de GNU et de Linux a formé un système d’exploitation complètement libre, qui donnait la possibilité pour la première fois de faire tourner un PC sans logiciel non-libre. Leur combinaison est le système d’exploitation GNU/Linux.

Pour en savoir plus : http://www.gnu.org/gnu/gnu-linux-faq.html.