Prédation de nos données de santé : SantéNathon ne lâche pas l’affaire

Les conséquences des stratégies économiques et technologiques d’un État peuvent parfois prendre des tournures très concrètes. En matière de données de santé des citoyens, beaucoup pouvaient penser que l’humanisme des professionnels de santé pouvait suffire pour protéger les données de santé des citoyens, dans le respect du secret médical. Mais la pression concurrentielle et l’éthique font rarement bon ménage.

En novembre 2019, nous avions confié les colonnes de ce blog au collectif Interhop qui promeut l’usage des logiciels libres et de l’open source en santé. Il fait partie du collectif SantéNathon qui a lancé une démarche de recours à l’encontre du projet très discuté du Health Data Hub, une plateforme nationale de données de santé dont l’opérateur choisi par les autorités est l’entreprise Microsoft. À l’heure où le Privacy Shield est tombé, à l’heure du RGPD, à l’heure où la « souveraineté numérique » n’est plus seulement un sujet stratégique mais aussi sécuritaire, nous confions de nouveau ces colonnes pour un point d’étape sur les enjeux et les actions en cours.


Plateforme Nationale des Données de Santé

À l’occasion d’une audience prévue au Conseil d’État ce 08 octobre 2020, cette petite vidéo a été tournée devant les locaux d’une entreprise bien connue.

Le Health Data Hub Centralise les données de santé chez Microsoft. Le collectif SantéNathon, issu du monde informatique et de la santé, s’oppose à la centralisation chez Microsoft Azure des données de santé de plus de 67 millions de personnes. Un recours déposé au Conseil d’État demande l’application de la décision de la plus haute juridiction européenne qui s’alarmait de l’accès sans limitation des services de renseignement américains aux données hébergées par les GAFAM.

La genèse du projet Health Data Hub

Tout commence en janvier 2016 avec la loi de modernisation du système de santé. Le Système national des données de santé (SNDS) est créé. Initialement il est limité aux données médico-administratives et met à disposition des données individuelles de santé issues de 3 bases de données :

  • Les données de la carte vitale,
  • Les données de la tarification des établissements de santé,
  • Les données statistiques relatives aux causes médicales de décès.

En juillet 2019, la loi élargit considérablement le SNDS et crée le Health Data Hub ou Plateforme des Données de Santé — PDS. La CNIL s’alarme du changement de paradigme engendré : « Au-delà d’un simple élargissement, cette évolution change la dimension même du SNDS, qui vise à contenir ainsi l’ensemble des données médicales donnant lieu à remboursement ».

En plus du SNDS historique voici à titre d’exemples les bases qui doivent être hébergées au sein de la PDS :

  • la base OSCOUR : base de données relative aux passages aux urgences en France. Pour chaque patient admis aux urgences, elle recueille les éléments suivants : code postal de résidence, date de naissance, sexe, date et heure d’entrée et de sortie, durée de passage, mode d’entrée, provenance, mode de transport, classification de gravité, diagnostic principal et associés, mode de sortie, destination pour les patients mutés ou transférés.
  • le Registre France Greffe de Moelle : données permettant d’étudier le parcours de soin entre l’annonce du don et le don de Moëlle.
  • Base des 500 000 angioplasties : données permettant d’étudier l’impact des stents dans la vie réelle.
  • la cohorte I-Share : données permettant d’analyser la santé des étudiants.
  • SIVIC : données nationales de suivi de la prise en charge de patients hospitalisés COVID19 (depuis mars 2020).
  • STOIC : bases de données de scanners thoraciques issus de plusieurs centres ainsi que des données cliniques.
  • COVID TELE : formulaires d’orientation concernant la COVID19 issues d’application en santé et outils de télémédecine.

Cette liste est loin d’être exhaustive ; les données de cabinets de médecins généralistes, des hôpitaux, des laboratoires, d’imagerie doivent aussi remplir cette plateforme. Toutes ces bases seront centralisées et liées (on parle d’appariement) pour former le catalogue de données de la PDS.

Vives inquiétudes quant au choix de Microsoft Azure

Le 10 décembre 2019, l’alerte est lancée. Dans une tribune parue dans Le Monde, un collectif initié par des professionnels du secteur de santé et de l’informatique médicale s’inquiète. En effet, la PDS qui regroupe l’ensemble des données de santé de plus de 67 millions de personnes sera hébergée chez Microsoft Azure, le cloud du géant américain. Ces données constituent la part la plus sensible des données à caractère personnel car elles sont protégées par le secret médical.

Progressivement, ce collectif évolue. Il s’appelle maintenant SanteNathon.org. C’est une rencontre inédite de 18 personnes physiques et morales issues :

  • de l’industrie du logiciel libre :
    • Conseil National du Logiciel Libre (CNLL)
    • Ploss Auvergne-Rhône-Alpes
    • SoLibre
    • NEXEDI
  • des associations de patients et de volontaires :
    • Association Constances
    • Association les “Actupiennes”
    • Association Française des Hémophiles
    • Mme Marie Citrini, représentante des Usages des Hôpitaux de Paris
  • des associations de professionnels de santé :
    • Syndicat National des Jeunes Médecins Généralistes (SNJMG)
    • Syndicat de la Médecine Générale (SMG)
    • Union Française pour une Médecine Libre (UFML)
    • M. Didier Sicard, médecin et professeur de médecine à l’Université Paris Descartes).
  • d’ingénieurs :
    • l’Union Fédérale Médecins, Ingénieurs, Cadres, Techniciens (UFMICT-CGT)
    • l’Union Générale des Ingénieurs, Cadres et Techniciens (UGICT-CGT)
    • l’Association interHop
    • Monsieur Bernard Fallery, professeur émérite en systèmes d’information
  • d’organisations de la société civile :
    • L’Observatoire de la transparence dans les politiques du médicament
    • Le Syndicat National des Journalistes (SNJ)

Ce collectif dénonce le choix de Microsoft essentiellement à cause de l’absence d’appel d’offre et des effets de l’extraterritorialité du droit américain. En effet Microsoft est soumis au CLOUD Act qui permet aux autorités américaines de mettre la main sur des données détenues par des entreprises américaines même si les données sont hébergées dans l’Union Européenne.

Pire encore la Cour de Justice de l’Union Européenne a récemment révélé que les renseignements américains n’ont aucune limitation quant à l’utilisation des données des Européen⋅ne⋅s. En ce sens, elle a invalidé l’accord facilitant le transfert des données entre les USA et l’Union Européenne, le “Privacy Shield” ou « Bouclier de Protection des Données ».

Menacée directement par les conséquences de cette décision qui rend illicites tous les transferts de données en dehors des frontières de l’Union, Facebook fait pression sur l’Union Européenne. Elle menace de stopper ses services d’ici la fin de l’année.

Le bras de fer entre les États-Unis et l’Union Européenne est engagé. Nos données de santé ne doivent pas être prises en otage. Le collectif SantéNathon se bat pour une recherche garante du secret médical et protectrice de nos données.

Les actions initiées par le collectif SantéNathon

Un premier recours a été déposé le 28 mai 2020 devant le Conseil d’Etat. La juge concluait à plusieurs irrégularités dans le traitement des données sur la plateforme et des risques majeurs pour les droits et libertés fondamentales. Cependant, le Conseil d’État considérait, qu’au moment du jugement, la société Microsoft intégrait la liste des organisations ayant adhéré au « Bouclier de protection des données ». Le transfert des données était donc licite. Ce n’est plus le cas aujourd’hui !

Les parties requérantes ont donc déposé un nouveau référé liberté. Elles demandent par conséquent au Conseil d’État de prendre la mesure de l’invalidation du “Privacy Shield” et des risques en matière de respect de la vie privée. En ce sens, elles sollicitent la suspension du traitement et la centralisation des données au sein du Health Data Hub.

Elles font également valoir que les engagements contractuels conclus entre la société Microsoft et le Health Data Hub sont insuffisants.

Une audience au Conseil d’État est donc prévue le 8 octobre 2020…

— Collectif SantéNathon

 


Image d’en-tête : Luis Jiménez Aranda — La sala del hospital en la visita del médico en jefe (1889). Wikipédia.

 

 




Appel à participer aux États généraux du numérique libre et des communs pédagogiques

Lors de l’annonce du confinement, Framasoft se faisait le relai d’un collectif citoyen dont l’objectif était d’accompagner et soutenir les enseignant⋅es dans leur pratiques numériques. Ce collectif, quelques mois plus tard, donnait naissance à l’association collégiale Faire École Ensemble (FÉE). Aujourd’hui, bien que la position de Framasoft vis-à-vis du Ministère de l’Éducation Nationale soit sensiblement la même qu’en 2016, nous relayons leur appel dans les colonnes du Framablog afin que les publics intéressés par la démarche d’« États Généraux du Numérique libre et des communs pédagogiques » puissent y participer.


Appel à participation
État généraux du numérique libre dans l’éducation
— Auteur : Faire École Ensemble (FÉE)

 

Des États généraux du numérique libre et des communs pédagogiques sont proposés par Internet le 3 novembre 2020 sur l’impulsion initiale de l’association collégiale Faire École Ensemble (FÉE) qui facilite les collaborations entre les citoyens et la communauté éducative.

Ces rencontres sont une contribution originale aux États Généraux du Numérique organisée par le Ministère de l’Éducation Nationale et s’adressent à un public large et diversifié : enseignants, parents, libristes, designers, acteurs de l’éducation populaire, médiateurs numériques, bricoleurs, agents des collectivités, élus, syndicalistes, amateurs et curieux…

S’inscrire

Le confinement et la fermeture brutale des établissements scolaires ont conduit à une situation sans précédent d’enseignement « à distance » généralisé. Face à l’urgence de la situation, de nombreux enseignants, parents et acteurs associatifs ont fait preuve d’une créativité renouvelée et ont repensé leur manière d’agir avec le numérique. Quotidiennement nombre d’entre-eux se tournaient – par nécessité – vers les GAFAM et autres plateformes internationales, que ce soit pour trouver une vidéo (YouTube), pour concevoir des exercices (Google Edu), pour partager des références (Padlet), pour faire une visioconférence (Zoom) ou pour écrire un document à plusieurs mains (Google Docs).

Le manque de débat sur la place prise par les GAFAM dans l’éducation pendant cette crise ne doit pas restreindre celui sur les solutions alternatives et les autres modèles de collaboration et d’apprentissage tournés vers la culture du libre et la pratique des communs. En effet, des milliers d’enseignants, de parents et d’acteurs associatifs se sont tournés vers la production et l’utilisation de ressources libres (contenus, logiciels, données) pour coopérer, mutualiser des connaissances, élaborer des scénarios d’apprentissage et s’organiser tout au long de la crise provoquée par le confinement. Si ces pratiques ont fait preuve de leur efficience, elles méritent d’être connues et partagées au plus grand nombre.

Afin que la mise en débat public ait lieu, Faire École Ensemble propose de se réunir par Internet le 3 novembre, pour les États généraux du numérique libre et des communs pédagogiques. Cette initiative, s’inscrit comme une forme originale de contribution aux États généraux du numérique éducatif organisés par le Ministère de l’Éducation Nationale, les 4 et 5 novembre à Poitiers.

Les EGN libre et des communs pédagogiques proposeront des temps d’inspiration, d’écoute des besoins, de mise en discussion (enjeux et propositions) et de mise en pratique. Ils participeront par cela à révéler l’existant, à faciliter le lien entre communautés qui agissent pour la production, l’usage ou la pérennisation de ressources libres et de communs pédagogiques. La programmation se destine à être entièrement co-construite avec les différents participants d’ici le 20 octobre.

Appel à participation

Enseignants, parents, développeurs, designers, acteurs de l’éducation, populaire et du numérique, communautés organisées, bricoleurs, agents des collectivités, élus, syndicats, etc. il nous est donné une occasion de se rencontrer, de révéler des pratiques et de promouvoir la culture du libre et des communs dans l’éducation. Nous vous invitons  à vous joindre aux #EGN_Libre pour témoigner de votre expérience, vous informer et échanger 🙂

Comment participer ?

  • S’inscrireici
  • Alimenter la programmation et proposer un événement : ici
  • Partager votre expérience et témoigner de votre pratique du libre et des commun dans l’éducation sous la forme de récit audio : suivre ce lien
  • Soutenir les propositions déposées sur la plateforme officielle des EGN  et regroupées ici et relayées quotidiennement sur ce compte twitter et ce compte mastodon
  • Pour toute suggestion : logiciel.libre@faire-ecole.org



Détruire le capitalisme de surveillance (1)

Le capitalisme de surveillance tel qu’analysé ici par Cory Doctorow est une cible agile, mouvante et surtout omnipotente et omniprésente. Comment maîtriser le monstre, à défaut de le détruire ?

La longue analyse de Doctorow, publiée sur OneZero, comprend plusieurs chapitres que Framalang vous traduira par étapes. Voici dans un premier temps un examen des luttes des militants du numérique et les limites de leurs actions.

Un point important : C. Doctorow nous a autorisés à traduire et publier dans les termes de la même licence : CC-NC-ND (pas d’utilisation commerciale et pas de travaux dérivés). Par principe nous sommes opposés à ces restrictions de libertés, pour les éditions Framabook où nous publions seulement du copyleft (voir les explications détaillées dans cette page qui précise la politique éditoriale de Framabook). Nous faisons ici une exception en limitant la publication à ce blog, avec l’accord explicite de l’auteur naturellement.

Billet original sur le Medium de OneZero : How To Destroy Surveillance Capitalism

Traduction Framalang : Alain (Mille), Barbidule, draenog, Fabrice, Goofy, Juliette, Lumibd, Laure, LaureR, Mannik,

Comment détruire le capitalisme de surveillance (1)

Cory Doctorow CC-BY-SA Jonathan Worth

PAR CORY DOCTOROW

Note de l’éditeur
Le capitalisme de surveillance est partout. Mais ce n’est pas le résultat d’une malencontreuse dérive ou d’un abus de pouvoir des entreprises, c’est le système qui fonctionne comme prévu. Tel est le propos du nouvel essai de Cory Doctorow, que nous sommes ravis de publier intégralement ici sur OneZero. Voici comment détruire le capitalisme de surveillance.

La Toile aux mille mensonges

Le plus surprenant dans la renaissance au 21e siècle des partisans de la Terre plate c’est l’étendue des preuves contre leur croyance. On peut comprendre comment, il y a des siècles, des gens qui n’avaient jamais pu observer la Terre d’un point suffisamment élevé pour voir la courbure de la Terre aient pu en arriver à la croyance « pleine de bon sens » que la Terre, qui semblait plate, était effectivement plate.

Mais aujourd’hui, alors que les écoles primaires suspendent régulièrement des caméras GoPro à des ballons-sondes et les envoient assez haut pour photographier la courbure de la Terre – sans parler de la même courbure devenue banale à voir depuis le hublot d’un avion – il faut avoir une volonté de fer pour maintenir la croyance que le monde est plat.

Il en va de même pour le nationalisme blanc et l’eugénisme : à une époque où l’on peut devenir une simple donnée de la génomique computationnelle en prélevant un échantillon d’ADN dans sa joue et en l’envoyant à une entreprise de séquençage génétique avec une modeste somme d’argent, la « science des races » n’a jamais été aussi facile à réfuter.

Nous vivons un âge d’or où les faits sont à la fois aisément disponibles et faciles à nier. Des conceptions affreuses qui étaient demeurées à la marge pendant des décennies, voire des siècles, se sont répandues du jour au lendemain, semble-t-il.

Lorsqu’une idée obscure gagne du terrain, il n’y a que deux choses qui puissent expliquer son ascension : soit la personne qui exprime cette idée a bien amélioré son argumentation, soit la proposition est devenue plus difficile à nier face à des preuves de plus en plus nombreuses. En d’autres termes, si nous voulons que les gens prennent le changement climatique au sérieux, nous pouvons demander à un tas de Greta Thunberg de présenter des arguments éloquents et passionnés depuis des podiums, gagnant ainsi nos cœurs et nos esprits, ou bien nous pouvons attendre que les inondations, les incendies, le soleil brûlant et les pandémies fassent valoir leurs arguments. En pratique, nous devrons probablement faire un peu des deux : plus nous bouillirons et brûlerons, plus nous serons inondés et périrons, plus il sera facile aux Greta Thunberg du monde entier de nous convaincre.

Les arguments en faveur de croyances ridicules en des conspirations odieuses, comme ceux des partisans anti-vaccination, des climato-sceptiques, des adeptes de la Terre plate ou de l’eugénisme ne sont pas meilleurs que ceux de la génération précédente. En fait, ils sont pires parce qu’ils sont présentés à des personnes qui ont au moins une connaissance basique des faits qui les réfutent.

Les anti-vaccins existent depuis les premiers vaccins, mais les premiers anti-vaccins s’adressaient à des personnes moins bien équipées pour comprendre les principes de base de la microbiologie et qui, de plus, n’avaient pas été témoins de l’éradication de maladies meurtrières comme la polio, la variole ou la rougeole. Les anti-vaccins d’aujourd’hui ne sont pas plus éloquents que leurs prédécesseurs, et ils ont un travail bien plus difficile.

Ces théoriciens conspirationnistes farfelus peuvent-ils alors vraiment réussir grâce à des arguments supérieurs ?

Certains le pensent. Aujourd’hui, il est largement admis que l’apprentissage automatique et la surveillance commerciale peuvent transformer un théoricien du complot, même le plus maladroit, en un Svengali capable de déformer vos perceptions et de gagner votre confiance, ce grâce au repérage de personnes vulnérables, à qui il présentera des arguments qu’une I.A. aura affinés afin de contourner leurs facultés rationnelles, transformant ainsi ces gens ordinaires en platistes, en anti-vaccins ou même en nazis.
Lorsque la RAND Corporation accuse Facebook de « radicalisation » et lorsque l’algorithme de Facebook est tenu pour responsable de la diffusion de fausses informations sur les coronavirus, le message implicite est que l’apprentissage automatique et la surveillance provoquent des changements dans notre conception commune de ce qui est vrai.

Après tout, dans un monde où les théories de conspiration tentaculaires et incohérentes comme le Pizzagate et son successeur, QAnon, ont de nombreux adeptes, il doit bien se passer quelque chose.

Mais y a-t-il une autre explication possible ? Et si c’étaient les circonstances matérielles, et non les arguments, qui faisaient la différence pour ces lanceurs de théories complotistes ? Et si le traumatisme de vivre au milieu de véritables complots tout autour de nous – des complots entre des gens riches, leurs lobbyistes et les législateurs pour enterrer des faits gênants et des preuves de méfaits (ces complots sont communément appelés « corruption ») – rendait les gens vulnérables aux théories du complot ?

Si c’est ce traumatisme et non la contagion – les conditions matérielles et non l’idéologie – qui fait la différence aujourd’hui et qui permet une montée d’une désinformation détestable face à des faits facilement observables, cela ne signifie pas que nos réseaux informatiques soient irréprochables. Ils continuent à faire le gros du travail : repérer les personnes vulnérables et les guider à travers une série d’idées et de communautés toujours plus extrémistes.

Le conspirationnisme qui fait rage a provoqué de réels dégâts et représente un réel danger pour notre planète et les espèces vivantes, des épidémies déclenchées par le déni de vaccin aux génocides déclenchés par des conspirations racistes en passant par l’effondrement de la planète causé par l’inaction climatique inspirée par le déni. Notre monde est en feu et nous devons donc l’éteindre, trouver comment aider les gens à voir la vérité du monde, au-delà des conspirations qui les ont trompés.

Mais lutter contre les incendies est une stratégie défensive. Nous devons prévenir les incendies. Nous devons nous attaquer aux conditions matérielles traumatisantes qui rendent les gens vulnérables à la contagion conspirationniste. Ici aussi, la technologie a un rôle à jouer.

Les propositions ne manquent pas pour y remédier. Du règlement de l’UE sur les contenus terroristes, qui exige des plateformes qu’elles contrôlent et suppriment les contenus « extrémistes », aux propositions américaines visant à forcer les entreprises technologiques à espionner leurs utilisateurs et à les tenir pour responsables des discours fallacieux de leurs utilisateurs, il existe beaucoup d’énergie pour forcer les entreprises technologiques à résoudre les problèmes qu’elles ont créés.

Il manque cependant une pièce essentielle au débat. Toutes ces solutions partent du principe que les entreprises de technologie détiennent la clé du problème, que leur domination sur l’Internet est un fait permanent. Les propositions visant à remplacer les géants de la tech par un Internet plus diversifié et pluraliste sont introuvables. Pire encore : les « solutions » proposées aujourd’hui exigent que les grandes entreprises technologiques restent grandes, car seules les très grandes peuvent se permettre de mettre en œuvre les systèmes exigés par ces lois.

Il est essentiel de savoir à quoi nous voulons que notre technologie ressemble si nous voulons nous sortir de ce pétrin. Aujourd’hui, nous sommes à un carrefour où nous essayons de déterminer si nous voulons réparer les géants de la tech qui dominent notre Internet, ou si nous voulons réparer Internet lui-même en le libérant de l’emprise de ces géants. Nous ne pouvons pas faire les deux, donc nous devons choisir.

Je veux que nous choisissions judicieusement. Dompter les géants de la tech est essentiel pour réparer Internet et, pour cela, nous avons besoin d’une action militante pour nos droits numériques.

Le militantisme des droits numériques après un quart de siècle

Le militantisme pour les droits numériques est plus que trentenaire à présent. L’Electronic Frontier Foundation a eu 30 ans cette année ; la Free Software Foundation a démarré en 1985. Pour la majeure partie de l’histoire du mouvement, la plus grande critique à son encontre était son inutilité : les vraies causes à défendre étaient celle du monde réel (repensez au scepticisme qu’a rencontré la Finlande en déclarant que l’accès au haut débit est un droit humain, en 2010) et le militantisme du monde réel ne pouvait exister qu’en usant ses semelles dans la rue (pensez au mépris de Malcolm Gladwell pour le « clictivisme »).

Mais à mesure de la présence croissante de la tech au cœur de nos vies quotidiennes, ces accusations d’inutilité ont d’abord laissé place aux accusations d’insincérité (« vous prêtez attention à la tech uniquement pour défendre les intérêts des entreprises de la tech », puis aux accusations de négligence (« pourquoi n’avez-vous pas prévu que la tech pourrait être une force aussi destructrice ? »). Mais le militantisme pour des droits numériques est là où il a toujours été : prêter attention aux êtres humains dans un monde où la tech prend inexorablement le contrôle.

La dernière version de cette critique vient sous la forme du « capitalisme de surveillance », un terme inventé par la professeure d’économie Shoshana Zuboff dans son long et influent livre de 2019, The Age of Surveillance Capitalism : The Fight for a Human Future at the New Frontier of Power (à paraître en français le 15/10/2020 sous le titre L’Âge du capitalisme de surveillance). Zuboff avance que le « capitalisme de surveillance » est une créature unique de l’industrie de la tech et qu’au contraire de toute autre pratique commerciale abusive dans l’histoire, elle est « constituée par des mécanismes d’extraction imprévisibles et souvent illisibles, de marchandisation et de contrôle qui éloignent en réalité les personnes de leur comportement propre, tout en créant de nouveaux marchés de prédiction et de modification comportementales. Le capitalisme de surveillance défie les normes démocratiques et s’écarte de manière décisive de l’évolution du capitalisme de marché au cours des siècles ». C’est une forme nouvelle et mortelle du capitalisme, un « capitalisme scélérat », et notre manque de compréhension de ses capacités et dangers sans précédents représente une menace existentielle pour l’espèce entière. Elle a raison sur la menace que représente actuellement le capitalisme pour notre espèce, et elle a raison de dire que la tech pose des défis uniques à notre espèce et notre civilisation, mais elle se trompe vraiment sur la manière dont la tech est différente et sur la façon dont elle menace notre espèce.

De plus, je pense que son diagnostic incorrect nous mènera dans une voie qui finira par renforcer les géants de la tech, au lieu de les affaiblir. Nous devons démanteler les géants et, pour cela, nous devons commencer par identifier correctement le problème.

L’exception de la tech, hier et d’aujourd’hui

Les premiers critiques du mouvement des droits numériques, dont les meilleurs représentants sont peut-être les organisations militantes comme l’Electronic Frontier Foundation, la Free Software Foundation, Public Knowledge ou d’autres, qui mettent l’accent sur la préservation et l’amélioration des droits humains dans un environnement numérique, ont diabolisé les militants en les accusant de défendre « une exception technologique ». Au tournant du nouveau millénaire, les gens sérieux ridiculisaient toute affirmation selon laquelle les réglementations sur la tech pouvaient avoir un impact sur « le monde réel ». Les craintes exprimées sur la possibilité que les réglementations de la tech aient des conséquences sur les libertés d’expression, d’association, de vie privée, sur les fouilles et saisies, les droits fondamentaux et les inégalités, tout cela était qualifié de grotesque, comme une prétention à faire passer les inquiétudes de tristes nerds se disputant à propos de Star Trek sur des forums au-dessus des luttes pour les droits civiques, des combats de Nelson Mandela et du soulèvement du Ghetto de Varsovie.

Au cours des décennies suivantes, les accusations d’« exception technologique » n’ont fait que s’affûter alors que le rôle de la tech dans la vie quotidienne s’est affirmé : maintenant que la tech s’est infiltrée dans tous les recoins de nos vies et que notre présence en ligne a été monopolisée par une poignée de géants, les défenseurs des libertés numériques sont accusés d’apporter de l’eau au moulin des géants de la tech pour couvrir les négligences (ou pire encore, leurs manœuvres malfaisantes) qui servent leurs propres intérêts.

De mon point de vue, le mouvement pour les droits numériques est resté immobile alors que le reste du monde a progressé. Depuis sa naissance, la préoccupation principale du mouvement était les utilisateurs, ainsi que les créateurs d’outils numériques qui fournissaient le code dont ils avaient besoin pour concrétiser les droits fondamentaux. Les militants pour les droits numériques ne se sentaient concernés par les entreprises que dans la mesure où elles agissaient pour faire respecter les droits des utilisateurs (ou, tout aussi souvent, quand les entreprises agissaient de manière tellement stupide qu’elles menaçaient d’adopter de nouvelles règles qui rendraient plus difficile pour les bons élèves d’aider les utilisateurs).

La critique du « capitalisme de surveillance » a remis en lumière les militants pour les droits numériques : non pas comme des alarmistes qui surestiment l’importance de leurs nouveaux joujoux, ni comme des complices des géants de la tech, mais plutôt comme des brasseurs d’air tranquilles dont le militantisme de longue date est un handicap qui les empêche de discerner de nouvelles menaces, alors qu’ils continuent de mener les combats technologiques du siècle dernier.

Mais l’exception de la tech est une lourde erreur, peu importe qui la commet.

illustration de Shira Inbar




Sepia Search : our search engine to promote PeerTube

Today we are opening a new door on PeerTube, making it easier to discover videos that are published in a federation that is growing every day.

PeerTube is the alternative we are developing so that everyone can emancipate their videos from YouTube and the likes. Except that unlike YouTube, PeerTube is not a single platform.

PeerTube is a software that specialists can install on a server to create multiple video platforms (called « instances »), which can be linked together within a federation.

Opening the door on a diverse federation

The problem with federation is that it is much more varied and complex than a one-website platform. It’s all well and good to decentralize to prevent the creation of new web giants, but where’s the front door?

Do we really need to explain the notion of instance? Insist on the need to find one’s own and therefore to learn about the federation policies of each instance? … to someone who simply asks :

But… I just wanted to watch videos!



The solution would be to create a search engine for all the videos published through PeerTube.

If you open a single gateway to the federation, then the structure that holds the keys to that gate gets great powers. They get the power to decide what will be accepted (or rejected) in the search directory. They get the power to record who searched for what, when, from where. And they get the power to intervene in the order and display of the results.

It is on such power mechanisms that Google has built its monopoly. Obviously, at Framasoft, we do not seek to be in a position of power… and even less to follow Google’s (bad) example! Nevertheless, we want to show the emancipating potential of this software which allows to reclaim the means to stream videos.

We therefore take the responsibility of opening Sepia Search, our gateway to videos and videomakers on PeerTube. It’s a door we open while limiting as much as possible the power we’d get, to keep respecting your attention as well as your browsing.

Presenting PeerTube without monopolizing attention

In the federation universe, the « fediverse », there are many PeerTube instances where people can sign up and create as many channels as they want, channels where they can upload their videos.

Our goal with Sepia Search is not to present all of this content. We simply want to show you the space of autonomy that PeerTube opens up, respecting the values of transparency, openness and freedom that we have been defending for more than 16 years.

Here is Sepia, PeerTube’s mascot – Illustration CC-By David Revoy

A publicly auditable indexing tool (transparency)

Behind Sepia Search, there are two softwares.

The first one is the engine: it is the software where you enter a search, it compares this search with the list of contents in its directory, and then gives the matching results.

The second one is the bodywork, the chassis: it is the software that will present the search bar, receive the request you typed, and show you the results, specifying in orange where you will go when you click on « Go and watch this video ».

The source code, the « recipe » of each of these softwares, is transparent. We publish it on our software forge. Anyone who is able to read this code can do so, and determine if there are tools to cheat with the results display, or others to spy on your behavior.

We already know that these codes are ethical and do not spy on you. We have a good reason: as stated in our TOS, we are really, really not interested in your data!

An a posteriori moderated search engine (openness)

Not all PeerTube instances will be referenced on Sepia Search. This search engine will be based on the list of instances we maintain at instances.joinpeertube.org.

We recently announced a change in the indexing policy for this list, to align with the policy for all of the services we offer:

Thus, if we are notified of an instance where contents explicitly condone terrorism or promote historical revisionism, we will remove it from the index (non-compliance with French laws, which we insist on in our TOS). Such removal will eliminate all videos hosted by that instance from the search results.

On the other hand, if one or more people come to abuse the time of our moderators with inappropriate and abusive reports, their word will be discredited and ignored (as indicated in our moderation policy (FR)).

This moderation, which we hope will be as light as possible, will allow us to limit the results offered by Sepia Search to videomakers who upload original content and to channels (or even instances) that contribute to emancipate.

Illustration CC-By David Revoy

A reproducible tool, adaptable to your conditions (freedom)

It may sound paradoxical to talk about openness in order to detail the conditions under which we close Sepia Search to certain content (especially illegal content).

However, at Framasoft, we believe in the paradox of tolerance, and therefore that openness can only be maintained if the limits of this openness are honestly defined and defended.

We are aware that this is a point of view we get from our French culture (or even from Western European culture). It may, for example, shock people from a North American culture (where unconditional Free Speech is a cultural norm) or from « official » Chinese culture (where, currently, the government sets strict limits on freedom of expression).

We don’t want to impose our culture, nor do we want to deny it. This is why we made sure, legally and technically, that everyone is free to set and host their own instance list, indexing engine and search site, by copying and adapting what we have created.

Sepia Search is just our gateway to PeerTube. This site aims to introduce you to the emancipatory PeerTube we work for, with our culture, activism and subjectivity.

Expecting an actor to do everything, all by theirself, is in fact a reflex of submission to the internet of platforms. It is up to you to take the power (and responsibilities) by hosting your search engine, set up according to your culture, your indexing policy and your values!

Illustration CC-By David Revoy

What Sepia Search can do for you

If we’ve done a good work , Sepia Search will allow you to discover videos and therefore channels (or even PeerTube instances) that will interest you!

The Sepia Search site has been designed to inform you while respecting your attention:

  • The results will be the same for everyone, based only on your search (and the language of your browser’s language), and absolutely not pre-sorted according to a profile (because there is no profiling, here!);
  • The results are presented in a clear and detailed way, to avoid the attention war leading to clickbait thumbnails and all caps over-the-top titles;
  • Search filters give you the power to sort the results out and display those you really want;
  • If you want to see a video from the results, Sepia Search will redirect you directly to the instance where it is hosted (since we have no interest in locking you into the search engine’s website). This is a way to help anyone experience and understand the notion of federation.

The 2 first results when you type « Talk » in.

The search engine that runs Sepia Search is a free « libre » software, which means that it is open to modifications and adaptations. More advanced uses (through what is called an API) will very quickly allow even more emancipation.

For example, Internet users using Firefox will be able to add Sepia Search to the list of search engines in their browser directly from the site. Likewise, our engine (or another installation of the same engine) will be a tool for extensions that notify you when a YouTube video is also available on PeerTube, and will probably contribute to their efficiency.

A Community Funded Tool

Sepia Search is an additional and necessary step in the roadmap to PeerTube v3, for which a crowdfunding is still underway.

Being able to search for videos in the federation was in high demand, which is why we made it the first step in our roadmap. Prior to PeerTube v2.3, when using the search bar for an instance, results were limited to the videos in the federation bubble of that instance.

Thanks to your donations which have funded our work, we released version 2.3 of PeerTube at the end of July. Since then, the same search can now display results from all PeerTube instances listed in a « Search PeerTube » search engine, including the one we provide.

However, the usage surveys conducted by Marie-Cécile (the designer who has been working with us on this roadmap to improve PeerTube) and the feedback we have received from you has made us realize that this was not enough: we also needed a specific web site to promote this search engine.

Click to try SepiaSearch

Your donations fund our freedom of action: we understood the need, so we announced in mid-August that we were going to rearrange our workload and free some time up to fulfill the need, which we felt was a priority. This is how Sepia Search was born.

Last stop before the live!

There is now one big straight line on our roadmap to PeerTube v3: implementing live, peer-to-peer video streaming! As we announced, this will be a first implementation of this feature, and it will be very spartan (no chat module, no filters, no emoticons).

Illustration CC-By David Revoy

At the time of writing, nearly 1,000 people have funded €42,000 of the €60,000 needed to fully develop this v3. While the world is facing a pandemic, we did not find it decent to condition these developments to your donations. Whether we collect the €60,000 or not, we will produce this v3, even if we have to do it on our own funds (which we did for the v2).

We still hope that some of you will share our values and our approach, and that by talking about this project as widely as possible, we will manage to raise this sum (and not to overstretch our budget for next year!).

To support PeerTube, please consider sharing the roadmap page where anyone can make a donation!

 

Learn more

Learn even more (experts)




Sepia Search : notre moteur de recherche pour découvrir PeerTube

Nous ouvrons aujourd’hui une nouvelle porte d’entrée vers PeerTube, pour faciliter la découverte des vidéos qui sont publiées dans une fédération qui grandit de jour en jour.

À noter : cet article bénéficie désormais d’une version audio.
Merci à Sualtam, auteur de lectureaudio.fr pour cette contribution active.

PeerTube, c’est l’alternative que nous développons pour que chacun·e puisse émanciper ses vidéos des YouTube et autres TikTok. Sauf qu’à l’inverse de YouTube, Peertube n’est pas une plateforme unique.

PeerTube est un logiciel que des spécialistes peuvent installer sur un serveur pour créer de nombreuses plateformes vidéos (des « instances »), qui peuvent se relier entre elles au sein d’une fédération.

Une porte d’entrée vers une fédération diverse

Le problème, avec les fédérations, c’est qu’elles sont beaucoup plus variées et complexes qu’une plateforme à guichet unique. C’est bien joli de décentraliser pour empêcher la création de nouveaux géants du Web, mais elle est où la porte d’entrée ?

Doit-on vraiment expliquer la notion d’instance ? Insister sur le besoin de trouver la sienne et donc de se renseigner sur les politiques de fédération de chaque instance ? … à une personne qui demande simplement :

Mais… moi, je voulais juste regarder des vidéos !

La solution serait de créer un moteur de recherche pour toutes les vidéos publiées grâce à PeerTube.

Si l’on ouvre une porte d’entrée unique vers la fédération, alors la structure qui détient les clés de cette porte prend le pouvoir. Elle prend le pouvoir de décider ce qui sera accepté (ou refusé) dans l’annuaire de recherche, elle prend le pouvoir de noter qui a cherché quoi, quand, depuis où, et elle prend le pouvoir d’intervenir dans l’affichage et l’ordre des résultats.

C’est sur de tels mécanismes de pouvoir que Google a construit son monopole. Autant vous dire que, chez Framasoft, nous ne cherchons pas à être en situation de pouvoir… et encore moins à suivre le (mauvais) exemple de Google ! Pour autant, nous voulons montrer le potentiel émancipateur de ce logiciel qui permet de se réapproprier les moyens de diffusion.

Nous prenons donc la responsabilité de vous ouvrir Sepia Search, notre porte d’entrée vers des vidéos et des vidéastes sur PeerTube… Une porte que nous ouvrons en limitant au maximum les pouvoirs qui lui sont associés, pour respecter votre attention comme votre navigation.

Présenter PeerTube sans monopoliser les attentions

Dans l’univers de la fédération, le « fédiverse », on trouve de nombreuses instances PeerTube où des personnes s’inscrivent pour créer autant de chaînes qu’elles veulent, des chaînes où ces personnes peuvent publier leurs vidéos.

Notre objectif, avec Sepia Search, n’est pas de présenter l’intégralité de ces contenus. Nous voulons simplement vous montrer l’espace d’autonomie qu’ouvre PeerTube, en respectant les valeurs de transparence, d’ouverture et de liberté que nous défendons depuis plus de 16 ans.

Voici Sepia, læ mascotte de PeerTube – Illustration de David Revoy (CC-By)

Un outil d’indexation publiquement auditable (transparence)

Derrière Sepia Search, il y a deux logiciels.

Le premier, c’est le moteur : c’est le logiciel dans lequel on entre une recherche, qui compare cette recherche avec la liste des contenus de son annuaire, et qui donne les résultats correspondants.

Le deuxième, c’est la carrosserie : c’est le logiciel qui va présenter la barre de recherche, recevoir la demande que vous avez saisie, et vous afficher les résultats en précisant bien en orange où vous vous rendrez lorsque vous cliquerez sur « Aller voir cette vidéo ».

Le code source, la « recette de cuisine » de chacun de ces logiciels, est publié en toute transparence sur notre forge logicielle. N’importe quelle personne sachant lire ce code peut l’examiner, et déterminer s’il existe des outils pour tricher dans l’affichage des résultats, ou d’autres pour espionner vos comportements.

Nous, nous savons déjà que ces codes sont éthiques et ne vous espionnent pas. Nous avons une bonne raison : comme c’est marqué dans nos CGU, vos données ne nous intéressent vraiment, mais alors vraiment pas !

Un moteur de recherche modéré a posteriori (ouverture)

Toutes les instances PeerTube ne seront pas référencées sur Sepia Search. Ce moteur de recherche opèrera sur la liste d’instances que nous maintenons sur instances.joinpeertube.org.

Nous avons récemment annoncé un changement dans la politique d’indexation de cette liste afin qu’elle s’aligne sur la politique de l’ensemble des services que nous proposons :

Ainsi, si l’on nous signale une instance dont les contenus font explicitement l’apologie du terrorisme ou promeuvent le révisionnisme historique, nous la retirerons de l’index (non-respect des lois françaises, sur lequel nous insistons dans nos CGU), ce qui éliminera des résultats de recherche toutes les vidéos hébergées par cette instance.

A contrario, si une ou des personnes viennent abuser du temps de nos modérateur⋅ices par des signalements intempestifs et sans fondement, leur parole sera discréditée et ignorée (comme l’indique notre charte de modération).
Cette modération nous permettra de limiter les résultats proposés par Sepia Search aux vidéastes qui font des créations originales et aux chaînes (voire aux instances) qui contribuent à émanciper les esprits. Nous souhaitons qu’elle soit aussi légère que possible.

Illustration de David Revoy (CC-By)

Un outil reproductible, adaptable à vos conditions (liberté)

Il peut sembler paradoxal de parler d’ouverture pour détailler dans quelles conditions nous fermons Sepia Search à certains contenus (notamment illégaux).

Pourtant, à Framasoft, nous croyons au paradoxe de la tolérance, et donc que l’ouverture ne peut perdurer que si les limites de cette ouverture sont honnêtement définies et défendues.

Nous avons conscience qu’il s’agit là d’un point de vue venant de notre culture française, voire d’Europe de l’ouest. Il peut, par exemple, choquer des personnes de culture nord-américaine (où se pratique un Free Speech inconditionnel) ou de culture chinoise « officielle » (où, actuellement, le gouvernement pose des limites strictes à la liberté d’expression).

Nous ne voulons ni imposer notre culture, ni la renier. C’est pourquoi nous avons fait en sorte, légalement comme techniquement, que chacun·e soit libre d’éditer sa propre liste d’instances, son moteur d’indexation et son site de recherche, en copiant et adaptant ce que nous avons créé.

Sepia Search n’est que notre porte d’entrée vers PeerTube. Ce site a pour objectif de vous présenter le PeerTube émancipateur pour lequel nous travaillons, avec notre culture, notre militance et notre subjectivité.

Attendre d’un acteur qu’il fasse tout, tout seul, c’est finalement un réflexe de soumission à l’Internet des plateformes. Libre à vous de prendre le pouvoir (et les responsabilités) en hébergeant votre moteur de recherche, paramétré selon votre culture, votre politique d’indexation et vos valeurs !

Illustration de David Revoy (CC-By)

Ce que Sepia Search peut faire pour vous

Si nous avons bien travaillé, Sepia Search va vous permettre de découvrir des vidéos, donc des chaînes (voire des instances PeerTube) qui vous intéresseront !

Le site Sepia Search a été conçu pour vous informer en respectant votre attention :

  • Les résultats seront les mêmes pour tout le monde, en fonction uniquement de votre recherche (et de la langue de votre navigateur), et absolument pas pré-triés selon un profil (parce qu’il n’y a pas de profilage !) ;
  • Les résultats sont présentés de manière claire et détaillée, afin d’éviter la course à la vignette putassière et aux titres criards tout en majuscules ;
  • Les filtres de recherches vous donnent le pouvoir de trier l’affichage des résultats de manière avancée ;
  • Si vous voulez voir la vidéo, Sepia Search vous redirigera directement sur l’instance où elle est hébergée (puisque nous n’avons aucun intérêt à vous enfermer dans le site web du moteur de recherche). Cela permet au passage de montrer concrètement la notion de fédération.

Les 2 premiers résultats de la recherche du mot « critique », en filtrant pour ne garder que des vidéos en langue française.

Le moteur de recherche qui fait tourner Sepia Search est un logiciel libre, ce qui signifie qu’il est ouvert aux modifications et adaptations. Des usages plus poussés (passant par ce qu’on appelle une API) vont très vite permettre encore plus d’émancipation.

Par exemple, les internautes utilisant Firefox pourront ajouter Sepia Search à la liste des moteurs de recherche de leur navigateur directement depuis le site. De même, notre moteur (ou une autre installation du même moteur) pourra servir aux extensions qui permettent de signaler quand une vidéo YouTube est aussi disponible sur PeerTube, afin de les rendre plus performantes.

Un outil financé par la communauté

Sepia Search est une étape supplémentaire et nécessaire à la feuille de route vers la v3 de PeerTube, pour laquelle une collecte est toujours en cours.

Le fait de pouvoir rechercher des vidéos dans la fédération était très demandé : c’est pourquoi nous en avons fait la première étape de notre feuille de route. En effet, avant la version 2.3 de PeerTube, lorsqu’on utilisait la barre de recherche d’une instance, les résultats se limitaient aux vidéos dans la bulle de fédération de cette instance.

Grâce à vos dons qui ont financé notre travail, nous avons publié fin juillet la version 2.3 de PeerTube. Depuis, la même recherche peut désormais afficher les résultats de toutes les instances PeerTube listées dans un moteur de recherche « Search PeerTube », dont celui que nous mettons à disposition.

Cependant, les enquêtes d’utilisation menées par Marie-Cécile (la designer qui s’est engagée avec nous sur cette feuille de route afin d’améliorer PeerTube) et les retours dont vous nous faites part nous ont permis de comprendre que c’était insuffisant : il fallait, en plus, un site web spécifique, faisant office de moteur de recherche.

Cliquez pour découvrir SepiaSearch

Vos dons financent notre liberté d’action : nous avons vu ce manque, et nous avons annoncé mi-août que nous allions réaménager notre plan d’action et dégager du temps pour y remédier, ce qui nous semblait prioritaire. Voici comment est né Sepia Search.

Dernier arrêt avant le live !

Il reste désormais une seule et grosse ligne droite sur notre feuille de route vers la v3 de PeerTube : implémenter la diffusion de vidéos en direct et en pair à pair ! Comme nous l’avons annoncé, il s’agira là d’une première version de cette fonctionnalité, et elle sera très spartiate (sans module de tchat, ni filtres, ni réactions émoticonées).

Illustration de David Revoy (CC-By)

À l’heure où nous écrivons ces lignes, près de 1 000 personnes ont financé 42 000 € sur les 60 000 € nécessaires au développement complet de cette v3. Alors que le monde entier fait face à une pandémie, nous n’avons pas trouvé décent de conditionner ces développements à vos dons. Que nous récoltions les 60 000 € ou non, nous produirons cette v3, quitte à le faire sur nos fonds propres (ce que nous avions déjà fait pour la v2).

Nous espérons malgré tout que certain·es d’entre vous partagerons nos valeurs et notre démarche, et qu’en parlant de ce projet le plus largement possible, nous parviendrons à réunir cette somme (et à ne pas gréver notre budget pour l’an prochain !).

Pour soutenir PeerTube, pensez à partager la page de la feuille de route sur laquelle vous pouvez faire un don !

 

Pour aller plus loin

Pour aller encore plus loin (expert·es)




Liiibre, une solution complète pour vos projets collaboratifs

Hier, mardi 15 septembre, les copains et copines de Indie Hosters (structure membre du Collectif des Hébergeurs Alternatifs Transparents Ouverts Neutres et Solidaires) ont officiellement mis en ligne leur nouvelle solution : Liiibre. Iels nous avaient parlé de ce projet pendant la période de confinement et au sein de Framasoft, on les avait encouragé⋅es dans cette voie. En effet, chez Framasoft, nous  accompagnons depuis plusieurs années les organisations qui prennent conscience de la nécessité de mettre en cohérence leurs outils numériques et leurs valeurs. Avec cette solution, c’est dorénavant bien plus simple pour elles de migrer sur des outils libres et émancipateurs. Nous vous proposons donc une petite présentation de cette solution en mode interview.

 


Alors, c’est quoi exactement Liiibre ?
Liiibre, c’est un espace sécurisé avec un compte pour chaque usager·e donnant accès aux meilleurs outils libres pour collaborer en ligne dans une seule interface unifiée : stockage de données, agendas partagés (Nextcloud), édition de documents (OnlyOffice), messagerie instantanée (RocketChat) et visioconférence (Jitsi). Avec un seul mot de passe, chaque usager·e accède facilement à l’ensemble des outils.

Illustrations originales de Thibault Daumain sous licence CC BY-NC-SA 4.0

Nous sommes partis du constat que sensibiliser à l’usage des outils libres sur de petites infrastructures locales (comme le font les CHATONS) c’est très important, mais qu’il devient indispensable, encore plus depuis la crise de la COVID19 où les besoins de collaborer en ligne se sont multipliés massivement, de proposer un service professionnel robuste et à plus grande échelle. C’est pourquoi nous avons choisi de déployer Liiibre avec Kubernetes, une infrastructure technique qui permet ce passage à l’échelle.

Qui est à l’origine de ce projet ?
C’est l’association IndieHosters. Nous sommes un collectif de personnes provenant d’horizons divers, dotées de compétences/réseaux spécifiques, qui développent un regard transversal sensible aux enjeux humains, écologiques, techniques, économiques, pédagogiques, artistiques, juridiques et politiques et mues par le désir d’inscrire l’association dans l’avenir des communs numériques. Depuis 2016, IndieHosters s’est spécialisé dans la mise à disposition d’outils en ligne répondant à toute une variété d’usages allant du blog au forum, en passant par le réseau social Mastodon ou encore la collaboration en ligne.

Conscients de la nécessité de s’émanciper collectivement des GAFAM, retrouver la maîtrise de nos données et raviver l’utopie concrète que porte en ses gènes l’idée même d’Internet, nous nous sommes donné pour mission de faciliter la transition vers un numérique éthique. Pour tenter d’avancer plus loin dans cette voie, nous nous sommes dernièrement constitué·es en association à but non lucratif et avons choisi de concentrer nos efforts à répondre au besoin le plus pressant aujourd’hui pour les organisations : la collaboration en ligne. Car travailler ensemble à fabriquer l’avenir, nécessite aussi d’utiliser des outils cohérents avec ses idées et valeurs.

Cette aventure a aussi été l’occasion d’étoffer le collectif : de deux personnes, nous sommes passés à six membres dans le collège de l’association. De nombreux contributeur⋅ices nous ont également rejoints, notamment pour mettre en place une équipe dédiée à l’accompagnement, en lien avec un réseau national de formateur⋅ices et de facilitateur⋅ices. Nous pensons en effet que dans un cadre collectif, ce qui va amener chacun·e à tirer les fruits des outils collaboratifs est lié à la qualité de l’animation qui relie l’équipe.

C’est pour qui ?
En mars dernier, alors que toute la France s’est retrouvée confinée, nous nous sommes demandé comment nous pouvions être utiles dans ce contexte inédit, conscients que les tissus coopératifs et associatifs allaient être touchés de plein fouet par la crise.

Durant cette période, les particuliers comme les entreprises se sont mis massivement à recourir à des solutions leur permettant de travailler en ligne. Pour certain⋅es, ce fut l’occasion de découvrir de nouveaux outils, et surtout de nouvelles manières de collaborer. Seulement ces outils nécessitent d’être hébergés quelque part. S’il est possible de faire appel à des hébergeurs éthiques comme les CHATONS pour quelques utilisateur⋅ices, il nous a semblé qu’il était temps de proposer une solution professionnelle et fiable aux entreprises et associations afin qu’elles puissent s’organiser avec des outils respectueux de leurs données et de leur autonomie.

Illustrations originales de Thibault Daumain sous licence CC BY-NC-SA 4.0

Liiibre est donc destiné aux organisations allant d’une trentaine à plusieurs centaines de personnes qui ne souhaitent pas héberger elles-mêmes leurs outils sans pour autant lâcher leur souveraineté sur les données. Si un groupe démarre dans la collaboration en ligne, nous les accompagnons dans la prise en main des outils et surtout dans la découverte des méthodologies de travail à distance en groupe. Et si ce sont des usager·es exigeant·es habitué·es à Google Drive, Slack, et consorts, mais souhaitant reprendre le contrôle sur leurs données, Liiibre s’adresse aussi à elleux.

Pas besoin de se préoccuper de l’hébergement des outils et des données, nous nous en chargeons, en garantissant que nous n’exploiterons jamais les données, ni les métadonnées. Nos outils étant sous licence libre et open source, les usager·es restent également libre de migrer Liiibre chez un autre hébergeur ou sur leurs propres serveurs à tout moment.

Quel est le modèle économique ?
Chez IndieHosters, il n’y a pas de client·e⋅s et nous ne sommes pas prestataires. Ensemble, nous permettons la mise à disposition d’une ressource dont la gestion suit un code social précis qui organise sa pérennité et son statut de commun à long terme sans que cela n’entrave jamais nos libertés, ni la maîtrise de nos données en tant que contributeur·ices.

Illustrations originales de Thibault Daumain sous licence CC BY-NC-SA 4.0

En utilisant Liiibre, non seulement un⋅e usager·e a l’assurance que ses données seront respectées, mais en devenant contributeur⋅ice, iel participe aussi à prouver qu’un modèle économique à échelle locale et humaine où l’on se fait confiance en bonne intelligence est possible sur Internet. Plutôt que de consommer un produit, vous devenez partie prenante d’une ressource commune et de la communauté qui en prend soin.

C’est donc sur ces principes que nous avons calculé le montant de base (8€ par mois pour chaque usager·ère au sein d’une organisation), de manière à ce qu’il permette une viabilité économique tout en étant juste pour les usager·ères. Ce montant est directement lié au coût en infrastructure technique et temps de travail de notre côté, et ne vise pas à faire du profit, seulement à pérenniser les services rendus.

Et parce que chez IndieHosters, c’est l’humain qui passe avant tout, ce montant peut-être réévalué sur la base d’un contrat de réciprocité dans lequel les usager·ères s’engagent à contribuer à la ressource par des moyens différents de la monnaie, ce qui permet à des collectifs d’accéder aux outils sans se ruiner financièrement. De même, si une organisation a les moyens de contribuer en versant le tarif plein, elle soutient en même temps d’autres groupes en leur facilitant l’accès aux outils libres. Elle n’est ainsi pas “cliente” mais bien contributrice de la communauté elle aussi.

En bref, nous gérons la complexité liée à l’hébergement d’outils libres, et nous structurons un modèle économique basé sur les communs qui privilégie le partage et la pérennité des ressources que nous mettons à disposition.




Annuaire des acteurs et actrices de l’accompagnement au numérique libre

En octobre 2019, nous avons publié un article signalant notre besoin d’identifier les acteurs et actrices de l’accompagnement au libre dans lequel nous proposions à toutes celles et ceux qui exercent une activité de médiation numérique (bénévole et/ou professionnelle) autour des logiciels libres de répondre à un questionnaire en ligne.

L’objectif : recenser les personnes, structures et organisations réalisant des accompagnements au numérique libre et publier leurs coordonnées dans un annuaire pour celles qui le désirent. Nous souhaitions d’une part pouvoir estimer la taille de l’écosystème dans lequel nous nous inscrivons, d’autre part pouvoir réorienter les demandes que nous recevons vers d’autres acteur·ices, plus disponibles, plus localisé·es ou plus spécialisé·es que nous.

Une publication retardée pour cause de pandémie mondiale

Nous avons confié ce travail à La dérivation, un collectif d’éducation populaire composé de Mélissa et Lunar, deux camarades de longue date de Framasoft. Nous avons reçu 402 réponses à ce questionnaire. Et après avoir supprimé les réponses vides, les doublons et celles hors du périmètre de l’enquête, nous avons retenu 371 réponses, dont 293 ont choisi de figurer dans l’annuaire.

Nous avions prévu de publier cet annuaire au printemps, mais la diffusion d’un tel recensement au beau milieu d’une pandémie et d’un confinement général ne nous a pas semblé pertinente. Merci pour votre patience concernant ce délai entre l’enquête et la publication des résultats. La « photo » prise par ces documents est de fait déjà un peu datée au moment de sa sortie. Nous espérons cependant qu’elle permettra à celles et ceux qui recherchent un accompagnement dans ce domaine de trouver des contacts adéquats vers lesquels se tourner.

Nous avons fait le choix de ne pas faire figurer dans cet annuaire les structures proposant des accompagnements dédiés à un logiciel ou à une solution technique précise. Notre raisonnement étant que les personnes cherchant un accompagnement sur un outil bien spécifique seront mieux renseignées par une requête type « formations Dolibarr » dans un moteur de recherche.

L’annuaire des acteurs et actrices de l’accompagnement au numérique libre

L’annuaire des accompagnements présente plusieurs moyens de découvrir les données récoltées par ce questionnaire. L’annuaire alphabétique diffuse les informations de chaque répondant⋅e et plusieurs index (type de public, domaine d’intervention, format d’intervention, zone géographique) permettent d’y référer. Diffusé au format .pdf, cet annuaire est à considérer comme un instantané : les informations qui y sont indiquées ne sont peut-être plus à jour et méritent donc d’être vérifiées.

Framasoft menant de front de nombreux projets, nous ne nous lancerons pas dans la mise à jour régulière des données qui composent cet annuaire. Mais en publiant les données brutes, nous permettons à la communauté d’en prendre connaissance pour proposer des modalités de recherche différentes et/ou la création de nouvelles interfaces y donnant accès, et potentiellement permettant de les mettre à jour.

Ces données brutes sont disponibles sous 2 formats. Le fichier Accompagner_au_numérique_donnees_brutes.csv contient les données brutes (séparateur : points virgules ; séparateur de chaînes de caractères : guillemets doubles). Le fichier Accompagner_au_numérique_donnees_brutes.ods est un fichier LibreOffice Calc reprenant ces mêmes données brutes, accompagnées d’un onglet « Glossaire », qui détaille les différentes réponses des questions à choix multiples (séparées par des virgules). Nous avons rédigé un document annexe à destination des personnes souhaitant exploiter les données brutes du questionnaire dans lequel nous avons précisé quelques aspects concernant leur utilisation.

La synthèse des réponses à l’enquête

Les résultats de l’enquête sont présentés dans une synthèse explicative des réponses. Ce sont les grandes tendances que nous avons saisies concernant le statut des intervenant·es, les publics touchés, ainsi que les domaines, formats et zones géographiques des interventions.

Les personnes ayant répondu à ce questionnaire sont pour  39% des bénévoles, pour 33% des professionnels et 27% pratiquent les deux formes d’intervention. Les accompagnements recensés s’adressent plutôt aux néophytes et aux utilisateur·ices quotidien·nes. Les domaines d’intervention les plus souvent cités font écho aux axes principaux d’actions de Framasoft : les alternatives aux GAFAM, les logiciels libres sur ordinateur personnel (plutôt que sur plateformes mobiles) et les outils collaboratifs. Les ateliers pratiques et les accompagnements personnalisés sont les formats d’intervention les plus recensés. Et nous savons désormais que 39% des répondant⋅es ont indiqué proposer des accompagnements en ligne, ce qui, dans le contexte actuel, est une information très utile.

Framasoft tient à remercier chaleureusement toutes les personnes qui ont participé à cette enquête. Nous vous incitons vivement à faire connaître ce document en le partageant au sein de vos communautés. Et nous serions ravi⋅es que d’autres s’emparent à leur tour de cette question et envisagent, en utilisant les données brutes, de proposer des interfaces qui permettraient de mettre à jour facilement cet outil qui répond à une demande forte.




L’Atelier du Chat Perché et les outils libres

Il y a quelques mois, avant que la covid19 ne vienne chambouler notre quotidien, Angie faisait le constat que nous n’avions finalement que très peu documenté sur ce blog les démarches de passage à des outils libres réalisées au sein des organisations. Celles-ci sont pourtant nombreuses à s’être questionnées et à avoir entamé une « degooglisation ». Il nous a semblé pertinent de les interviewer pour comprendre pourquoi et comment elles se sont lancées dans cette aventure. Ce retour d’expérience est, pour Framasoft, l’occasion de prouver que c’est possible, sans ignorer les difficultés et les freins rencontrés, les écueils et erreurs à ne pas reproduire, etc. Peut-être ces quelques témoignages parviendront-ils à vous convaincre de passer au libre au sein de votre structure et à la libérer des outils des géants du Web ?

N’hésitez pas à consulter les autres articles de cette série consacrée à l’autonomisation numérique des organisations.

L’Atelier du Chat Perché est un atelier vélo participatif qui propose des permanences conviviales de mécanique vélo à ses adhérent⋅e⋅s. Lors des permanences, les adhérent⋅e⋅s peuvent venir entretenir et apprendre à réparer leurs bicyclettes. L’atelier vend aussi des vélos d’occasion qui ont été entièrement révisés. L’association participe à de nombreux événements dans Lyon et aux alentours, avec ses vélos bizarres, et propose des ateliers mobiles d’initiation et de formation à la mécanique vélo pour tous publics et toutes structures (écoles, centres sociaux, MJC, collectivités, entreprises).

Nous avons demandé à l’un de ses membres de nous parler de sa démarche de passage à des outils libres.

Bonjour, peux-tu te présenter ? Qui es-tu ? Quel est ton parcours ?
Bonjour, je suis Quentin. Dans le civil, je suis professeur des écoles. Je suis adhérent et bénévole à l’Atelier du Chat Perché depuis 2015. Entre 2016 et 2019, j’ai été membre de la collégiale qui administre l’association et j’ai pris en charge et coordonné la démarche d’autonomisation numérique de l’association. Je n’ai aucune formation en informatique. Je suis un simple sympathisant libriste, sans compétence particulière. Je me considère plutôt comme un utilisateur averti.

Tu nous parles de ton association ?
« Mécanique vélo et Autogestion » sont les mots inscrits sur le logo de l’association. L’Atelier du Chat Perché est donc un atelier de mécanique vélo où l’on vient pour entretenir soi-même sa bicyclette. En mettant des outils à disposition et en proposant une aide bénévole, l’association vise l’autonomie des cyclistes dans l’entretien de leur moyen de transport.

L’association compte 3 salariées et une grosse vingtaine de bénévoles y tient les permanences de mécanique. L’Atelier est géré en collégiale et vise une organisation autogérée. C’est donc un collectif de gestion qui gère l’association en se réunissant une fois par mois pour prendre toutes les décisions. Des commissions et des groupes de travail gèrent des missions particulières et/ou ponctuelles. Une équipe bénévole accueille et organise les permanences de mécanique vélo. Les membres de l’organisation (salarié⋅es et bénévoles) sont plutôt à l’aise avec le numérique, bien qu’il y ait des différences d’un individu à l’autre.

Avant de vous lancer dans cette démarche de dégooglisation, vous utilisiez quels outils / services numériques ?
L’Atelier du Chat Perché proposait un site web hébergé chez Free comme principal moyen de communication externe et utilisait des listes de diffusion (hébergées elles aussi chez Free) pour les échanges entre les membres du collectif de gestion, entre les bénévoles et pour communiquer des informations aux adhérent·es. Nous utilisions aussi quelques Framapad, Framadate et Framacalc pour nous organiser. Pour ce qui est de sa présence sur les réseaux sociaux, l’atelier du Chat Perché n’a jamais utilisé Facebook. Son utilisation a parfois été proposée puis discutée mais toujours rejetée. Les valeurs portées par l’association et celles de Facebook semblent ne pas être compatibles. En revanche, en plus de son infolettre, l’asso utilise les réseaux sociaux diaspora et mastodon pour diffuser automatiquement les publications de son blog.

A l’époque, nous n’avions pas de connexion Internet dans l’atelier. Les services tournaient plutôt bien mais posaient deux problèmes principaux. Tout d’abord, nous étions face à une incohérence : les valeurs de l’association prônent l’autogestion et on avait confié l’hébergement de nos services à un acteur privé. Et puis la gestion de ces outils était totalement centralisée : une seule personne en avait la charge.

Vous avez entamé  une démarche en interne pour migrer vers des outils numériques plus éthiques. Qu’est-ce qui est à l’origine de cette démarche ?
La première motivation était d’être davantage en cohérence avec les valeurs de l’association. Il était évident qu’il nous fallait migrer notre site web et nos listes de diffusion pour ne pas dépendre d’un acteur tel que Free. A titre personnel, j’étais aussi très motivé par cette démarche parce qu’elle allait me permettre d’apprendre à mettre de nouveaux outils en place. J’allais donc enrichir mon expérience et mes compétences, ce qui est totalement en accord avec les valeurs de l’association.

Nous avons donc lancé plusieurs chantiers :

  • mettre en place un nouveau site web afin qu’il soit plus facile à prendre en main par les bénévoles ;
  • réorganiser les contenus d’information qui y étaient publiés pour que ce soit plus clair ;
  • utiliser un service d’auto-hébergement dans la mesure du possible ;
  • transférer certains services (listes de diffusion) ;
  • mettre en place d’autres services (mail, partage de fichiers, infolettres).

Quels sont les moyens humains qui ont été mobilisés sur la démarche ?
Une personne bénévole, en l’occurrence moi-même, ayant peu de compétences techniques mais une expérience d’utilisateur averti, a été chargée de la coordination et de l’administration des services. J’ai fait appel au support bicloud de l’Heureux Cyclage (une sorte de chatons pour le réseau des ateliers vélos) lorsque nous avons eu besoin de compétences techniques. Migrer tous nos outils sur des services libres nous a pris entre deux et trois mois.

logo et contact de l’asso L’heureux cyclage

Peux-tu expliciter les différentes étapes de cette démarche ?
Tout a commencé par une présentation du projet à l’association. La collégiale m’a ensuite chargé de coordonner le projet et m’a transmis toutes les informations nécessaires pour cela (accès aux outils). Conscient de la limite de mes compétences techniques, je me suis rapidement rapproché du bicloud pour me renseigner sur les services proposés. C’est en échangeant avec eux que j’ai pu choisir les outils les plus adaptés aux services numériques dont nous avions besoin. Par exemple, il a fallu choisir quel CMS nous souhaitions utiliser pour notre site web. En revanche, pour les listes de diffusion, le bicloud proposait uniquement le logiciel Sympa et pour le stockage/partage de fichiers, uniquement le logiciel Sparkleshare. Les instances de ces logiciels ont été installées par l’équipe du bicloud. Je n’ai alors plus eu qu’à les configurer.

Avez-vous organisé un accompagnement des utilisateur⋅ices pour la prise en main de ces nouveaux outils ?
Oui, une fois les outils installés et configurés, il a été nécessaire de former les membres du collectif de gestion afin qu’iels puissent publier en autonomie des contenus sur le site web et rédiger l’infolettre. Pour cela, on a proposé des rendez-vous individuels à celleux qui le souhaitaient afin de leur faire la démonstration des nouveaux outils. Et on a aussi programmé un temps de présentation avec questions-réponses pour 4/5 personnes intéressées. Mais je fais le constat que globalement les personnes ne viennent pas bénévoler dans un atelier de mécanique vélo pour gérer des outils informatiques. Il est donc difficile de recruter des bénévoles pour ces tâches qui peuvent paraître loin du cœur de l’activité. D’ailleurs, certaines personnes ont fait un pas de côté et ne se sont pas investies dans les outils informatiques. Mais d’autres se sont remonté les manches et ont pris la mission informatique en main lorsque j’ai quitté le collectif de gestion. Ces personnes ont même déployé d’autre services par la suite (remplacement du Sparkleshare par un Nextcloud).

Quelles difficultés / freins avez-vous rencontrées ?
On a rencontré pas mal de freins : des Cantilever, des V-Brake, des freins à disques, à tambour, à rétropédalage ^^. Plus sérieusement, le frein le plus important, ça a été de maintenir la continuité de ces services. Il est en effet essentiel de penser l’après afin que la personne qui a lancé le processus d’installation des services puisse rapidement transmettre ses compétences à d’autres personnes. Le risque, c’est qu’une fois que les services sont installés, le collectif (qui a d’autres chats à fouetter) s’appuie complètement sur une seule personne pour les faire tourner au quotidien. Et cela peut devenir usant pour ce bénévole qui devient alors indispensable à l’utilisation de ces nouveaux outils.

Et l’avenir ? L’association envisage-t-elle de continuer cette démarche pour l’appliquer à d’autres aspects de son organisation ?
L’association envisage de se doter d’un outil pour communiquer en interne (pour le moment on utilise le mail). On a utilisé le logiciel loomio via le service Framavox pendant un temps, mais peut-être faudrait-il qu’on teste le logiciel Mattermost (Framateam). On verra aussi en fonction de ce que propose le bicloud.

Quels conseils donneriez-vous à d’autres organisations qui se lanceraient dans la même démarche ?
Le premier conseil, ce serait de prendre son temps et d’accepter que ça prenne du temps. Il vaut mieux y aller au fur et à mesure, un ou deux services à la fois. Il est essentiel de réaliser un diagnostic des outils et de leurs usages à un temps T et de s’interroger sur ce qui est réellement utile ou inutile afin de pouvoir définir ensemble ce que l’on veut. Il convient aussi de planifier et prévoir la transmission des connaissances en terme d’utilisation et d’administration des services. Et puis, ça peut être bien de ne pas laisser une seule personne être en charge de la sélection et de l’installation des outils, mais de travailler à plusieurs.

Le mot de la fin, pour donner envie de migrer vers les outils libres ?
Il me semble nécessaire que les associations militantes prennent le temps de mettre en cohérence leurs valeurs et leurs pratiques numériques. Si les associations militantes ne font pas le saut dans le libre, qui va le faire ? Choisir le numérique libre et quitter les GAFAM, c’est comme choisir la bicyclette et se débarrasser de sa bagnole : c’est faire le choix de la résilience, de la convivialité et de l’émancipation.

graf’ sur un mur avec un vélo : la cris epassera, le plaisir restera

Si vous aussi, vous faites partie d’une organisation qui s’est lancée dans une démarche similaire et que vous souhaitez être interviewé, n’hésitez pas à nous envoyer un message pour nous le faire savoir. On sera ravi d’en parler ici !