L’Angleterre se pose la question du Libre dans l’éducation

Superbomba - CC by-saAprès Barack Obama et l’Open Source, voici une autre traduction émanant de la BBC, autour du Libre et l’éducation cette fois.

C’est un plaisir non dissimulé de voir un tel grand média s’intéresser à la question et lui donner ainsi un fort coup de projecteur dans l’opinion (avec analyses, témoignages, perspectives… du vrai travail de journaliste en somme, tout simplement). Mais c’est également une belle satisfaction de constater la maturité du discours et de l’évaluation du logiciel libre chez la Perfide Albion[1].

Il me tarde de voir pareille situation traverser la Manche. Puissent tous les articles connexes de ce blog modestement y contribuer…

La question du Libre dans l’éducation

Open source question for schools

Andrew Miller – 26 janvier – BBC News
(Traduction Framalang : Daria, Olivier, Don Rico)

Andrew Miller se demande si les logiciels Open Source ne pourraient pas aider les écoles à mieux gérer leur budget.

Au salon British Education Training and Technology, BETT 2009, un rapide coup d’œil suffisait pour se convaincre, par la dimension de l’évènement, que les technologies de l’éducation bénéficient d’un budget plus que conséquent.

Sachant que les logiciels Open Source disponibles gratuitement et librement couvrent l’essentiel des exigences du programme national, on peut se demander pourquoi les écoles n’y ont pas plus recours, avec une économie potentielle de plusieurs millions de livres à la clé.

Comme leur nom le suggère, les logiciels Open Source sont des logiciels communautaires et leur code source est ouvert à tous. N’importe qui peut modifier le logiciel selon ses besoins et ensuite partager ces modifications avec tout le monde.

En entendant parler de logiciel Open Source, nombreux sont ceux qui pensent Linux – le système d’exploitation alternatif disponible sous différentes distributions comme Ubuntu, openSUSE ou Fedora.

Linux propulse les serveurs depuis longtemps, mais l’Open Source touche à toutes sortes de projets. Le navigateur Web Firefox et la suite bureautique OpenOffice en sont de bons exemples.

Promotion ouverte

Dans le secteur de l’éducation, seule une poignée de technophiles, agissant de leur propre initiative, font la promotion des logiciels Open Source et les utilisent pour employer au mieux leur budget technologie.

Les critiques accusent Becta – une agence gouvernementale qui supervise les acquisitions de toutes les technologies pour les écoles – de n’avoir pas assez œuvré à la promotion des logiciels Open Source.

Peter Hughes, responsable des accords d’acquisition au Becta, a assuré à la BBC que Becta sera plus actif dans ce sens.

« En tant qu’organisation, on nous a principalement reproché de ne pas avoir présenté comme il se devait les solutions Open Source et de trop favoriser les solutions propriétaires, comme celles de Microsoft. Nous avons tenu compte de ces critiques et, dans l’exercice de nos conseils en matière de stratégie et de distribution de la technologie dans l’éducation, nous avons tenté de rester impartiaux dans les avis que nous émettons pour aider les écoles à faire les meilleurs choix », a-t-il indiqué.

Fin 2008, le Becta a collaboré avec l’organisation gouvernementale des services d’acquisition OGCBuying.Solutions pour approuver 12 fournisseurs, lesquels ont en commun la capacité à équiper les écoles avec des logiciels Open Source.

Le Becta considère la désignation de Sirius comme un « grand pas en avant » et comme un message envoyé à la communauté : « Nous prenons les logiciels Open Source au sérieux ».

John Spencer, chef du développement commercial de Sirius, a confié à la BBC que l’Open Source est encore trop méconnu, pas seulement dans les écoles, et que Linux souffre d’un problème d’image.

« Beaucoup d’établissements scolaires sont restés bloqués en l’an 2000, quand il est devenu évident que la connaissance de l’outil informatique deviendrait une nécessité, mais depuis ils n’ont rien fait. Ils ont peur d’avancer en terrain inconnu, et il ne s’agit pas seulement de Linux mais également de Vista et d’Office 2007. Les bons professeurs chercheront toujours à aller de l’avant mais ils sont si occupés qu’ils préfèrent souvent s’en tenir à ce qu’ils connaissent », a précisé Mr. Spencer.

Sirius a déjà installé des logiciels libres dans beaucoup d’établissements au Royaume-Uni.

Dans le cadre d’un projet mené à Twickenham, on autorise les portables et ultra-portables appartenant à l’établissement ou aux élèves à démarrer sur le réseau pour leur donner accès aux fichiers et aux programmes dont ils ont besoin.

« Le réseau coûte moitié moins que ce que RM peut proposer et les économies d’énergie réalisées permettent au système de s’autofinancer en moins de 3 ans », affirme Mr. Spencer

Le temps de la compétition

Une autre initiative du Becta est centrée sur le site opensourceschools.org.uk, lancé fin 2008. Il a pour objectif de fournir des informations essentielles et des conseils aux professeurs pour une bonne utilisation des logiciels Open Source.

Cependant, le Becta émet quelques réserves.

« Nous voulons que les professeurs se rendent compte qu’ils peuvent, et doivent, considérer les logiciels Open Source comme une alternative solide », a déclaré Mr. Hughes.

« Les établissements doivent malgré tout bien se renseigner. Les mises en garde à l’égard de l’Open Source sont aussi nombreuses qu’à l’égard des logiciels propriétaires. »

Et que pensent les grosses entreprises informatiques des logiciels Open Source qui marchent sur leurs plate-bandes ?

Steve Beswick, le directeur de l’éducation pour Microsoft Royaume-Uni, a déclaré à la BBC que même si les logiciels Open Source peuvent, sur la valeur nominale, permettre des économies, il faut se méfier des coûts cachés, pécuniaires et autres.

« Beaucoup de monde est habitué à utiliser les outils Microsoft, et il faut donc re-former les gens à l’utilisation des solutions Open Source, ce qui peut avoir un coût élevé », affirme-t-il.

« Pour faire le bon choix, les établissements colaires et les universités doivent avoir toutes les informations en main. »

M. Beswick a prétendu que Microsoft n’est pas opposé à l’Open Source, et cite leur « engagement en faveur l’interopérabilité » démontré par le support du format Open Document Format dans le Service Pack 2 d’Office 2007.

Il a aussi mentionné le travail que Microsoft a réalisé en acquérant IIS, son logiciel de serveur phare, pour travailler avec le langage PHP.

Le ministre de l’Éducation, Jim Knight, s’est fait l’écho du point de vue de Becta. Dans une déclaration, il a annoncé : « Les établissements scolaires et les universités doivent maîtriser les tenants et les aboutissants du problème pour faire le bon choix – qu’il se porte vers l’Open Source ou le propriétaire –, et doivent être conscients du coût total de la solution adoptée, en n’oubliant pas le support à long terme et la formation. Je pense que c’est le rôle du Becta de travailler avec les fournisseurs de logiciels, aussi bien Open Source que propriétaires, afin que les écoles et universités puissent tirer au mieux parti des logiciels pour appuyer l’enseignement et l’apprentissage. »

Et du côté de la communauté Open Source alors ?

Gerry Gavigan, le président du consortium Open Source, a dit à la BBC que l’adoption des logiciels Open Source ne pouvait que passer par un changement des mentalités.

« Les coûts de la formation continue ne disparaissent pas simplement grâce au passage des logiciels propriétaires aux logiciels gratuits et Open Source. En revanche, les coûts associés aux formations induites par les mises à niveau encouragées ou forcées par une tierce partie ne sont plus d’actualité », a-t-il indiqué.

On parle aussi fréquemment du problème du verrouillage technologique, une des explications principales, pour les défenseurs de l’Open Source, à la domination prolongée de Windows.

« L’un des paramètres qui n’est pas toujours pris en compte dans le calcul des contrats d’achat de logiciels sont les coûts à long terme résultant des licences ou du verrouillage technologique », a déclaré Mr. Gavigan.

Mr. Gavigan admet que la gratuité des logiciels Open Source leur a parfois nui.

« Annoncer que vous avez essayé de régler un problème en dépensant des sommes faramineuses a plus d’impact sur votre public que de dire que vous avez utilisé une solution gratuite. D’après une croyance malheureuse, si ça ne coûte rien, ça ne vaut rien », a-t-il déploré.

Le monde connecté

Quoiqu’il en soit, certaines écoles se mettent aux logiciels Open Source. Le lycée Highworth, à Ashford, propose à la fois des logiciels propriétaires et des logiciels Open Source à ses étudiants.

L’administrateur réseau de l’école, Marc Blake, a confié que bien qu’il soit important que les élèves connaissent des alternatives à Windows, il convient de reconnaître qu’ils vivent dans un monde dominé par Microsoft.

Mais il a annoncé à la BBC que d’importantes économies pourraient être réalisées en utilisant des alternatives Open Source.

« Nous proposons à la fois Office 2003 et OpenOffice, de sorte que les clients aient le choix. J’estime que 98% des clients choisissent Microsoft Office à la place d’OpenOffice, mais au moins ce choix existe », a précisé Mr. Blake.

« La seule mise à jour vers Office 2007 de toute l’école nous coûterait environ 27000£, mais ce montant n’inclut pas le coût de remise à niveau des utilisateurs ni les mises à jour des documents associés ou du matériel pédagogique. Acquérir l’équivalent de Moodle (logiciel libre d’e-apprentissage) pour nos 1200 étudiants nous aurait coûter plus de 3000£ par an. Pour ce prix-là on n’a pas le support professionnel, mais si on est prêt à faire ce sacrifice, c’est beaucoup d’argent économisé », a-t-il ajouté.

Avant d’adopter Linux, Mr. Blake s’inquiétait de la compatibilité de certaines des plus récentes technologies du Web. Ses inquiétudes se sont envolées puisque son établissement a maintenant plusieurs Asus EeePC fonctionnant sous Linux qui sont utilisés majoritairement pour les projets Web 2.0.

Cette année au BETT, un nombre non négligeable de logiciels pédagogiques ont fait le grand saut vers le Web 2.0 pour s’assurer une compatibilité avec toutes les plateformes.

L’utilisation de l’Open Source pourrait permettre aux écoles de réaliser d’importantes économies, mais cela implique un gros investissement en temps, en recherche et en formation. Mais allier logiciels commerciaux et logiciels Open Source, comme le fait le lycée Highworth, peut permettre une réduction des coûts tout en donnant le choix aux étudiants.

Voilà un bon point à faire figurer sur le bulletin scolaire des écoles.

Notes

[1] Crédit photo : Superbomba (Creative Commons By-Sa)




Cloud computing, logiciel libre et service public

Per Ola Wiberg - CC byEn ce début d’investiture Obama, de nombreux internautes expriment souhaits et desiderata à la nouvelle administration.

Le vœu de William Hurley a retenu notre attention. « Je suggère que vous créiez un cloud computing financé par l’État, mis à la disposition des facultés et des universités », nous dit-il. Nous n’en saurons pas vraiment plus car il n’est pas entré dans les détails mais nous avons néanmoins saisi la perche pour en faire un billet où nous pourrions nous interroger ensemble sur les relations entre l‘informatique dans les nuages, le logiciel libre et un éventuel rôle de la puissance publique.

Placer nos données personnelles, nos fichiers, nos liens, etc. sur le Grand Internet présente en effet de nombreux avantages pratiques à l’heure où l’on peut « quasiment » se connecter partout tout le temps. Mais ce n’est pas sans poser quelques questions pour ne pas dire quelques problèmes. Je pense par exemple à la mésaventure récente de ce pauvre Marc L***[1] que l’on pouvait suivre au jour le jour à la trace via Facebook et consorts. Je pense également à notre récent billet La tête dans les nuages mais les pieds sur terre. Je pense enfin à la toile tissée méthodiquement par Google avec tous ses services en ligne (Gmail, Reader, Maps, Earth, Picasa, Calendar, Docs, YouTube…) que nous sommes nombreux à utiliser au quotidien.

Et puisqu’il est question d’éducation supérieure et d’université[2], je dois bien vous avouer que, l’année dernière, lorsqu’il a été question de créer en deux-trois coups de cuillère à pot des adresses de messagerie (avec ou sans chat) pour tous les enseignants et étudiants de mon établissement scolaire, de se doter d’agendas partagés et d’une suite bureautique en ligne (fichiers tableurs et traitements de texte potentiellement accessibles en lecture écriture, selon les droits, à toute la communauté, et disponibles au format ODF), je me suis tourné vers… Google Apps Education sans avoir « malheureusement » à le regretter.

En tant que responsable TICE de mon lycée J’ai donc osé confier les données de mes élèves à Google ! Est-ce grave docteur ? Oui ça l’est ! J’en ai bien conscience et je compte bien un jour me soigner (quand bien même Google n’affiche bien entendu pas de publicités pour ce service spécifique au monde éducatif). Il faut tout de même dire, à ma décharge, que par rapport à ma problématique et à mes besoins (temps limité, budget nul et situation particulière d’un lycée à l’étranger) je ne pouvais raisonnablement pas m’appuyer sur un quelconque Espace Numérique de Travail (ENT) dont je doute de plus en plus de leur pertinence et efficience à mesure que le temps passe (surtout si l’on continue à s’obstiner à les développer académie par académie).

Les partisans du logiciel libre peuvent sensibiliser sur les risques encourus à confier nos documents et informations numériques à des services en ligne « gratuits » proposés par des sociétés commerciales « web 2.0 » qui n’offrent pas de garanties sur l’avenir et sont souvent opaques au niveau de nos droits et des formats. Ils peuvent pousser à ce que des licences plus adaptées et plus transparentes soient adoptées (telle la licence AGPL). Mais, contrairement à un Microsoft où il « suffisait » de proposer des alternatives logicielles libres, ils ne peuvent absolument pas concurrencer un Google sur son terrain, c’est-à-dire justement le cloud computing, qui nécessite des investissements très très lourds ne serait-ce que pour pour installer et maintenir les batteries de serveurs disséminés un peu partout sur le réseau. Et alors je crois effectivement que le politique et le secteur public (national ou supra-national) peuvent nous être d’un grand secours pour modifier la donne (si tant est que l’on juge que la donne mérite modification).

C’est certainement l’alliance « logiciel libre + secteur public » qui pourra faire en sorte de ne pas laisser le champ libre aux seules sociétés privées. Ne privatisons pas la totalité du cloud computing (surtout dans le domaine éducatif), voilà par extrapolation, le sujet du billet du jour. Un peu comme ce qu’a voulu faire le projet de bibliothèque numérique européenne Europeana pour contrarier Google Books avec pour le moment le succès que l’on sait

L’enseignement supérieur a besoin d’un nuage informatique national

Higher education needs a national computing cloud

William Hurley – 26 janvier 2009 – InfoWorld
(Traduction Framalang : Don Rico)

Le cloud computing (ou informatique dématérialisée ou informatique dans les nuages), est vital pour l’avenir de l’enseignement supérieur aux États-Unis, et j’invite le Président Obama à agir

Le 26 janvier 2009
M. le Président Barack Obama
La Maison Blanche
Washington, DC 20500-0001

M. le Président,

Je tiens à vous adresser mes plus sincères félicitations, Monsieur, pour votre récente investiture à la fonction de 44ème Président des États-Unis d’Amérique. Votre victoire est la preuve de la grandeur de notre démocratie, mais aussi de la capacité de transformation de cette même démocratie. Comme des millions de mes semblables du monde entier, j’ai regardé avec une grande fierté votre prestation de serment, lors de laquelle vous êtes devenu un exemple vivant de l’impact que peut avoir un seul citoyen américain.

Vous avez déclaré « Le monde change, et nous devons changer avec lui ». Je suis on ne peut plus d’accord, M. le Président, et je crois que la politique que mènera votre administration sera une fontaine d’innovation. Je sais que le vice-président et vous êtes profondément favorables au développement des initiatives de recherche dans les instituts d’enseignement supérieur qui sont au cœur de l’innovation américaine. Pour ces instituts, l’avenir est déjà là. Mais, comme l’a écrit William Gibson « il n’est pas encore tout à fait équitablement réparti ».

Nous avons laissé le coût de la technologie entraver notre capacité à innover. Les chercheurs ne sont plus limités par le manque d’idées ou de connaissances, mais plutôt par les moyens informatiques nécessaires pour conduire des expériences et en analyser les résultats.

Je suggère donc que vous créiez un cloud computing financé par l’État, mis à la disposition des facultés et des universités. Une telle ressource aurait le mérite de niveler le terrain universitaire. Les chercheurs qui travaillent d’arrache-pied dans des milliers d’instituts de taille modeste auraient alors accès à une puissance informatique qui n’est pour l’instant accessible qu’à une poignée de privilégiés. Il nous est impossible de prédire d’où viendra la prochaine grande innovation, mais des ressources informatiques dématérialisées publiques amélioreraient de façon extraordinaire nos moyens de coopérer et d’innover au niveau national.

Les grandes avancées technologiques et sociales peuvent se produire presque simultanément. En septembre 1962, un jeune chercheur publiait ce qui donnerait naissance aux plus grandes avancées technologiques de notre temps, et au même moment, un autre jeune homme originaire de Kosciusko, dans le Missouri, amorçait un itinéraire personnel qui aboutirait à un moment charnière dans la lutte pour les droits civiques. D’aucuns peuvent y voir une coïncidence, mais en ce qui me concerne j’y vois la providence. Les recommandations de Paul Baran en faveur d’une structure nationale publique destinée à transporter des données informatiques et l’entrée de James Meredith à l’université du Mississipi ont, du point de vue technologique et social, changé les États-Unis en profondeur.

Votre administration, par sa connaissance des nouvelles technologies, tient l’occasion d’accomplir un autre grand bond en avant. On ne peut comparer ma lettre à l’article de Baran, mais j’espère suggérer cette idée au moment opportun. Une idée trop en avance sur son temps a aussi peu de valeur qu’une idée avancée après que des engagements ont déjà été pris. J’espère donc attirer votre attention maintenant, avant que vos projets de réformes pour l’éducation aient été élaborés, et tant qu’il reste du temps pour prévoir le financement d’un cloud computing ayant le potentiel de transformer des chercheurs dispersés et inégaux en une locomotive d’innovation la plus puissante du monde.

Encore une fois, M. le Président, je tiens à vous féliciter, votre équipe et vous, pour votre victoire grandiose acquise grâce aux nouvelles technologies, ainsi que pour votre investiture inattendue, exaltante et triomphante.

Notes

[1] J’en profite pour saluer ici le très libre curieux magazine curieux Le Tigre.

[2] Crédit photo : Per Ola Wiberg (Creative Commons By)




Quand Mozilla participe à la libération de la vidéo

Theilr - CC by-saEt si les vidéos en streaming Flash et le casse-tête actuel des formats (.mov, .wmv, .mpeg, .avi…) ne constituaient qu’une parenthèse dans l’histoire du multimédia numérique ?

Nous n’en sommes pas encore là (loin de là), mais merci à Mozilla, en pleine cohérence avec son manifeste, de contribuer grandement à tenter d’améliorer une situation qui évoluera d’autant plus favorablement que nous, utilisateurs, serons nombreux à lui emboiter le pas[1].

Et quelle satisfaction de voir Mozilla, Wikipédia et Xiph.org (Ogg Theora/Vorbis) s’associer pour construire le monde que nous voulons et non celui que nous avons !

Pourquoi libérer la vidéo ?

Why open video?

Christopher Blizzard – 26 janvier 2009
(Traduction FrenchMozilla : Goofy)

Chacun se rend bien compte que le Web ouvert devient de plus en plus important dans nos relations avec les autres. Nos applications, nos conversations et nos échanges tendent à se passer en ligne, et Mozilla se trouve de plus en plus au cœur même de ce phénomène, bien placée pour définir à la fois la technologie sous-jacente et la pratique des usagers du Web. C’est un rôle crucial, et c’est l’une des raisons pour lesquelles il est important de nous comporter comme une entreprise à but non-lucratif en pleine conscience de notre mission et de notre impact.

En prenant un peu de recul, on se rend compte que l’arrivée du Web ouvert comme plateforme technologique est un phénomène dont l’histoire donne peu d’exemples. L’imprimerie nous a permis de reproduire les connaissances facilement et à bas prix. La télévision et la radio ont abaissé le coût de diffusion des médias. Le Web a fait disparaître la centralisation par de grands médias de masse, et chacun peut maintenant produire et diffuser. Les coûts de reproduction, de diffusion et d’interactivité par des commentaires sont devenus presque négligeables.

Je pense quant à moi que c’est possible grâce aux choix technologiques qui ont été faits dès les premières années de l’évolution du Web. Des formats lisibles par l’être humain, des applications simples fournies avec leur code source et la possibilité pour chacun de publier et de créer. Il n’existait pas en ces temps reculés de tours d’ivoire ni de développeurs professionnels, aussi le processus de création devait-il être simple. La technologie du Web exigeait d’avoir une forme d’esprit très orientée vers la technique, mais vous n’aviez pas besoin d’un long apprentissage pour vous lancer. Si l’on ajoute à ça le principe du bout en bout avec Internet, et le fait que le premier venu pouvait installer un serveur ou un client, cela signifie que le Web n’a pas pris son envol grâce au soutien de grands acteurs, mais est devenu une immense ressource partagée, fondée sur les petits efforts de milliers d’individus.

Il en est résulté une explosion générale de créativité et d’investissements, depuis les simples particuliers jusqu’aux plus grandes entreprises. Chacun peut avoir une impact et chacun peut influencer la technologie du Web. Car quiconque parle la lingua franca (NdT : un langage de communication, comme le latin autrefois, ou l’anglais basique aujourd’hui) du Web peut construire ses propres outils sans demander la permission, vous pouvez trouver des outils pour faire absolument tout vous voulez. C’est véritablement une place de marché très animée.

Mais il existe une exception notable : la vidéo sur le Web. Bien que les vidéos soient disponibles en ligne sur des sites comme Youtube, elles ne bénéficient pas des caractéristiques d’accessibilité au plus grand nombre qui ont assuré au Web sa vitalité et sa diffusion. Et ça se voit. La centralisation a entraîné quelques problèmes intéressants dont les symptômes sont la censure après des violations de DMCA et la concentration excessive du public sur un petit nombre de sites qui ont les capacités et la technologie nécessaires pour héberger des vidéos. Je crois que des problèmes comme ceux que nous voyons autour de YouTube sont l’indice d’un problème bien plus important, celui de l’absence de déconcentration comme de compétition dans les technologies vidéos — ce qui est très éloigné de tout ce qui existe sur le Web d’aujourd’hui.

Selon moi il existe deux choses qui peuvent aider à mener cette décentralisation :

  • Il devrait être facile de comprendre comment passer d’un format de document lisible par un ordinateur à un contenu tel qu’il est présenté à l’utilisateur. Par exemple, convertir un fichier HTML en document, un fichier JPEG en image sur l’écran, ou pouvoir utiliser le protocole HTTP pour télécharger un fichier.
  • Il doit être possible d’implémenter et de distribuer cette technologie sans avoir à demander l’autorisation ou la licence de quiconque. En termes concrets cela veut dire qu’elle doit être disponible sans avoir à payer de droits et sans documentation accablante.

Dans le monde de la vidéo, on trouve des formats qui remplissent la première condition : certains formats sont bien documentés, identifiés et même largement répandus. Mais bien trop souvent ils sont soumis à des droits à payer à l’unité, ou de lourds tributs dès le départ, si bien que la création de contenus sous ces formats (pour les coder) est souvent chère au point d’être prohibitive pour tous, si ce n’est pour des firmes aux poches bien lestées et des startups les mieux dorées sur tranche. Et il existe bien peu de formats vidéo qui remplissent la seconde condition. Ce n’est pas ce genre de décentralisation qui profite au Web. Ce serait plutôt l’inverse.

Nous voilà donc dans cette histoire au moment où Mozilla joue son rôle : voici ce que nous allons faire.

  • Dans Firefox 3.1, nous ajoutons la prise en charge native du conteneur OGG avec les codecs audio et vidéo Vorbis et Theora, pour la balise <video>. Il s’agit d’une des rares associations de formats qui remplisse les deux conditions ci-dessus. Ce ne sont pas des formats parfaits, mais ils sont certainement d’une qualité amplement suffisante pour l’usage de la vidéo sur Internet de nos jours. Et ils vont aller en s’améliorant.
  • Nous assurons également le développement de la vidéo ouverte avec une subvention de 100 000 dollars qui sera gérée par la fondation Wikimedia pour soutenir et développer Theora. Vous pouvez espérer voir sortir de grandes choses de ce financement. Et ce travail finira par profiter tout autant à Firefox.
  • Encore une chose que nous pouvons accomplir : donner pleinement droit de cité à la vidéo sur le Web. Cela signifie que nous pouvons faire des choses avec la vidéo et la faire interagir avec d’autres types de contenus (SVG, Canvas, HTML) comme il était impossible de le faire jusqu’à présent. Nous espérons qu’en libérant la vidéo du carcan imposé par les plugins pour qu’elle puisse jouer en harmonie avec le reste, nous pourrons lancer une nouvelle vague de créativité autour de la vidéo. J’en dirai plus long dans un autre billet.

Nous n’espérons pas qu’en faisant cela nous allons tout changer du jour au lendemain. Loin de là — les changements de cet ordre prennent du temps. Mais nous pouvons certainement jouer notre rôle, du moins rendre possible le développement de ce genre de phénomènes. Nous voulons voir émerger un marché de la vidéo comme nous l’avons vu émerger pour le Web. Telle est notre contribution pour lancer le mouvement.

Notes

[1] Crédit photo : Theilr (Creative Commons By-Sa)




À propos du portail ministériel sur les associations

Victoriapeckham - CC byDans la série « le courrier des lecteurs/trices », Isabelle nous écrit pour nous signaler ce qu’elle considère être un problème : la visibilité du Libre sur le site gouvernemental dédié aux associations. « Vous serez à même de réaliser une étude plus poussée que la mienne », nous dit-elle.

Merci pour le crédit et la confiance que vous nous accordez mais nous manquons de temps actuellement (en fait nous manquons toujours de temps) alors plutôt qu’attendre une hypothétique future enquête digne de ce nom, nous avons choisi la voie de la facilité en reproduisant l’intégralité de son message à même ce billet, en espérant que les commentaires viennent enrichir et préciser le propos[1].

J’en profite au passage pour signaler trois ressources intéressantes sur le sujet. Le groupe de travail LibreAssociation de l’April. Le logiciel libre Galette (pour Gestionnaire d’Adhérents en Ligne Extrêmement Tarabiscoté mais Tellement Efficace) qui comme son nom l’indique vous permet de gérer en ligne vos adhérents. Et le livre Réussir un site web d’association… avec des outils libres dans la collection Accès Libre d’Eyrolles (pour l’anecdote ce livre s’appelait avant Réussir un site web d’association… avec des outils gratuits).

Mail d’Isabelle

Bonjour,

Membre de l’association Musique Libre (Dogmazic) et du collectif Gironde Logiciel Libre, je lis avec plaisir et intérêt un bon nombre de vos articles comme par exemple ceux qui décortiquent certains sites à but éducatif.
J’aurais un sujet de ce type à vous soumettre et je pense que vous serez à même de réaliser une étude plus poussée que la mienne. Voilà, lors de mes pérégrinations webesques concernant la gestion d’une association, je suis fatalement tombée sur ce site institutionnel associations.gouv.fr.

Lors de ma (rapide) navigation j’ai pu constater la chose suivante : il semble que le site est en Spip, mais cela n’apparaît clairement quasiment nulle part, en tout cas pas sur l’accueil… il faut cliquer tout en bas sur le petit lien administration.

Il y a beaucoup de rubriques qui parlent de droits d’auteurs et beaucoup de références à la SACEM… rien au sujet des licences ouvertes et libre diffusion… je n’en ai vu aucune, même en faisant une recherche.

Donc pour un site très prompt à rappeler les obligations des associations en matière de droits d’auteur et surtout pécuniaire… je trouve proprement scandaleux que :

  1. Ce site gouvernemental ne respecte pas ces mêmes droits en ne citant pas le logiciel utilisé pour la réalisation du site.
  2. Ce site ne fasse aucune allusion sur la possibilité pour les associations d’utiliser du contenu libre. Il n’existe qu’un seul article datant de 2004 pour promouvoir le logiciel libre où Framasoft est cité (je n’ai pas vu cet article tout de suite : il a fallu que je fasse une recherche sur le mot libre, je crois, il faut dire que pour le trouver on doit faire le chemin suivant pas évident : Accueil > Guide d’informations pratiques > Associations et Internet > Accéder à Internet >). Et puis il y a surtout la rubrique L’association et les droits d’auteur, extrêmement partiale puisque les trois articles qu’elle contient (La propriété littéraire et artistique : le principe, Les sociétés d’auteur, percepteurs des droits, La SACEM) ne font aucune mention de la possibilité d’utiliser des contenus sous licences ouvertes.
  3. Je ne puisse faire toutes ses remarques directement aux responsables de ce site puisque la page contact me donne une page vide.

En espérant que ce sujet retienne votre attention,
Cordialement.

Notes

[1] Crédit photo : Victoriapeckham (Creative Commons By)




Barack Obama sera-t-il un président Open Source ?

Acaben - CC by-saScott McNealy, PDG de Sun, vient tout juste d’être chargé par la Maison Blanche d’élaborer une étude sur l’Open Source. L’occasion pour la BBC d’évoquer dans un récent article la question d’une éventuelle « gouvernance Open Source » de la nouvelle administration américaine, en interrogeant aussi bien l’intéressé que Michael Tiemann (de l’OSI et de Red Hat).

Quelques citations extraites de l’article, traduit par nos soins, pour vous mettre en appétit[1] : « C’est par un accident de l’histoire que les standards propriétaires se sont si tôt et si fortement imposés, entraînant des dépenses colossales dans le budget gouvernemental (…) La philosophie de la démocratie américaine n’est pas simplement par le peuple et pour le peuple, mais aussi avec le peuple (…) Errol Louis décrit M. Obama comme notre premier président Open Source, un dirigeant désireux de voir tout un chacun se demander comment, quand et où s’impliquer. Il a remarqué que la stratégie popularisée par les entreprises de logiciels, qui consiste à donner à d’autres une application pour qu’ils l’améliorent, a maintenant été transposée dans le domaine politique. »

Appels à une gouvernance Open Source

Calls for open source government

Maggie Shiels – 21 janvier 2009 – BBC News
(Traduction Framalang : Goofy, Don Rico)

Le secret d’une gouvernance plus économe et plus sûre consiste à passer par des technologies et logiciels Open Source.

Cette proclamation vient d’une des figures les plus respectées parmi les entrepreneurs de la Silicon Valley, le cofondateur de Sun Microsystems Scott McNealy.

Il a révélé qu’on lui avait demandé de préparer un rapport sur cette question pour la nouvelle administration.

« Intuitivement, il est évident que l’Open Source est moins coûteux et plus efficace que le logiciel propriétaire », a-t-il déclaré.

« L’Open Source ne vous réclame pas de verser le moindre centime, ni à Microsoft, ni à IBM ou Oracle, pas la moindre somme à une quelconque entreprise de logiciels propriétaires. »

Améliorations

M. McNealy a déclaré à la BBC qu’il voulait s’assurer que le gouvernement ne serait pas pieds et poings liés à un fournisseur unique ni à une entreprise particulière.

« Le gouvernement devrait préconiser des applications basées sur des références Open Source pour améliorer la sécurité, gagner en qualité logicielle, baisser les coûts, augmenter la fiabilité – tous les bénéfices inhérents aux logiciels Open Source. »

Le langage de programmation Java créé par Sun Microsystems est un produit Open Source qu’utilisent des milliards d’appareils comme les téléphones portables et les ordinateurs. Au lieu d’être une application payante sous copyright, le logiciel Open Source est généralement disponible pour tous, sous une licence qui permet l’usage gratuit et sans restriction, et son code est ouvert à tous pour être consulté, copié et adapté gratuitement.

L’idée sous-jacente, c’est que grâce aux contributions d’un grand nombre de gens, une application va s’améliorer à pas de géant et conserver toute sa pertinence. Un rapport de XMG, société de recherche en technologie globale, mentionne que les entreprises « s’intéressaient aux avantages des logiciels Open Source » en raison du « coût prohibitif » des logiciels propriétaires.

« Des dépenses colossales »

Le président Obama a déclaré être prêt à scruter le budget « ligne par ligne » pour éliminer les dépenses inutiles, mais jusqu’à présent n’a donné aucune indication précise sur la manière dont il comptait procéder.

L’Initiative Open Source (ou OSI) est pleinement solidaire des propositions de M. McNealy, qui constituent à leurs yeux une des solutions majeures que le nouveau président ne peut pas se permettre d’ignorer.

« Scott a tout à fait raison de souligner les avantages qui ont été démontrés tant et plus », confirme Michael Tiemann, le président de l’OSI.

« C’est par un accident de l’histoire que les standards propriétaires se sont si tôt et si fortement imposés, entraînant des dépenses colossales dans le budget gouvernemental. »

Selon M. Tiemann, même si quelques départements utilisent déjà des technologies Open Source, on estime que globalement les sommes perdues dans les logiciels propriétaires se monteraient « à plus d’un trillion de dollars par an » (NdT : soit un million de millions de dollars).

Il a déclaré que le coût minimum pour les États-Unis est de « 400 milliards de dollars, estimation basse. »

« Passer à l’Open Source réduira les coûts et augmentera la productivité, » ajoute M. Tiemann, qui est également vice-président de Red Hat, le prestataire de solutions technologiques Open source leader sur le marché international.

« C’est le genre de changement dont nous avons besoin si nous espérons voir un jour le gouvernement réformer ses capacités opérationnelles et maîtriser ses dépenses. S’ils n’y parviennent pas, c’est encore un coup d’épée dans l’eau. Étant donné l’état actuel des marchés des capitaux, nous ne pouvons plus nous permettre d’en rester au status quo », a-t-il déclaré.

L’Alliance pour les Solutions Libres (Open Solutions Alliance) a estimé que la crise économique actuelle « va conduire à adopter de plus en plus des solutions libres, en raison de leur flexibilité, de leur extensibilité et de leur faible coût. »

Dans le même temps la société de recherche Gartner a bien prévenu que les bénéfices escomptés de l’Open Source ne seraient pas au rendez-vous sans une saine gestion.

« N’espérez pas économiser systématiquement de l’argent avec un logiciel Open Source (OSS), ou avec une quelconque technologie sans une gestion financière efficace », a déclaré l’analyste Mark Driver.

Microsoft et Oracle ont ouvert aux développeurs le code de quelques-uns de leurs logiciels et protocoles.

« Un président Open Source »

Reste à savoir jusqu’à quel point le 44ème président sera réceptif à l’idée de développer les travaux de la nouvelle administration avec les standards Open Source ?

« Le concept d’Open Source est en passe de devenir sous-jacent dans presque tout ce que qu’entreprend l’administration, » a déclaré Michael Tiemann de l’OSI.

« La philosophie de la démocratie américaine n’est pas simplement par le peuple et pour le peuple, mais aussi avec le peuple. »

Il souligne que nous avons déjà vu à l’œuvre l’attachement à cet esprit d’ouverture dans la campagne électorale du président Obama.

« Je pense que nous allons à présent assister à une meilleure acceptation du modèle Open Source dans l’esprit des gens, en Amérique et dans le monde entier. »

Errol Louis, du quotidien New York Daily News, semble d’accord.

Il décrit M. Obama comme « notre premier président Open Source, un dirigeant désireux de voir tout un chacun se demander comment, quand et où s’impliquer. »

Il a remarqué que la stratégie popularisée par les entreprises de logiciels, qui consiste à donner à d’autres une application pour qu’ils l’améliorent, a maintenant été transposée dans le domaine politique.

Bien entendu, le nouveau site Web change.gov se présente comme un portail pour une «gouvernance interactive » et une « démocratie Open Source. »

« Superviser »

M. McNealy a déclaré qu’un nouveau poste de haut responsable de l’information (CIO) était nécessaire pour mener un changement de fond en comble.

Il a ajouté que le CIO devrait avoir « un droit de veto, le droit d’éliminer tout matériel, logiciel ou application en réseau qui affecterait le réseau fédéral. Il ou elle devrait avoir un pouvoir véritable, celui de superviser vraiment et de prendre des mesures effectives à l’encontre de ceux qui ne se conformeraient pas à l’architecture globale. C’est ce que font toutes les entreprises mais que ne fait pas le gouvernement », a-t-il conclu.

M. Tiemann a estimé au contraire qu’un poste de CIO serait « du gaspillage de pouvoir exécutif ».

« Connaissant comme je les connais la structure et la nature du gouvernement fédéral, je ne peux croire à l’intérêt de nommer un CIO qui aurait à imposer sa voix par-dessus des départements qui, indépendamment des obstacles matériels, ont souvent du mal à collaborer. »

« Nommer un CIO reviendrait seulement à créer un poste improductif pour les quatre prochaines années », a déclaré M. Tiemann.

Notes

[1] Crédit photo : Acaben (Creative Commons By-Sa)




L’ex-chanteur des Tears for Fears explique son choix des Creative Commons

Curt Smith Official - CC byIl y a ceux qui se morfondent à constater la crise actuelle de l’industrie musicale et qui croient naïvement que la loi Hadopi[1] va résoudre leurs problèmes. Et puis il y a les autres, comme le chanteur Curt Smith, qui nous explique calmement et sereinement en quoi les licences Creative Commons sont un choix contemporain simple et pertinent, pour ne pas dire « naturel », quand on souhaite autoriser la diffusion de sa musique sous certaines condition (ici la non exploitation commerciale).

Curt Smith (à ne pas confondre avec Robert Smith) ne vous dira peut-être rien, mais certains vieux (comme moi) se souviennent de son groupe Tears for Fears dont les quelques chansons suivantes bercèrent la jeunesse new wave des années quatre-vingts : Mad Word, Change, Shout ou encore Sowing the seeds of love.

Depuis Curt Smith[2] poursuit une carrière solo et a donc placé son dernier album Halfway, pleased sous licence Creative Commons By-Nc-Sa. Il s’en explique dans cette interview vidéo donnée le mois de novembre dernier sur le site de Dave Harris RetroRewind. La clarté de ses propos associée au climat tendu que fait régner la « menace Hadopi » nous ont donné envie de faire acte de résistance et de subversion en traduisant et sous-titrant[3] ci-dessous le début de l’entretien.

—> La vidéo au format webm

Notes

[1] La loi Hadopi, rebaptisée « Création et Internet », devrait arriver à l’Assemblée nationale fin février. Nous vous suggérons deux sites pour suivre son hacktualité et mieux en décrypter ses tenants et aboutissants : La Quadrature du Net et Numerama.

[2] Crédit Photo : Curt Smith Official (Creative Commons By)

[3] Remerciements Framalang : Olivier pour la transcription, Don Rico pour la traduction, Xavier pour le sous-titrage et Yostral pour le montage final (sacré travail d’équipe !)




Tableau numérique interactif et interopérabilité

eBeam - CC byL’usage des tableaux numériques interactifs (TNI, également appelés parfois TBI pour tableau blanc interactif) se diffuse actuellement à l’Éducation Nationale, comme l’illustre par exemple le récent dossier de Sésamath. Personne ne songerait à mettre en cause leur potentiel pédagogique, quand bien même cela demande aux enseignants réflexion et adaptation (sans oublier que cela demande également de l’argent à l’Institution).

Pilotes, logiciels, formats de fichiers… il y a cependant quelques questions à se poser si l’on ne veut pas se retrouver pieds et poings liés autour d’une technologie propriétaire[1].

Le pilote c’est le programme informatique qui va permettre l’interaction entre l’ordinateur et le périphérique (ici le tableau). Il est généralement fourni par le constructeur du périphérique qui a le choix de le placer sous licence libre ou propriétaire et de le proposer pour un ou plusieurs systèmes d’exploitation (Windows, Mac, Linux).
Il y a également les logiciels spécifiques au périphérique, ceux censés en tirer sa substantifique moelle. Par exemple tous les TNI disposent d’un mode « paperboard », c’est-à-dire la possibilité d’envisager le TNI comme un tableau blanc où l’on peut non seulement écrire avec le stylet mais ajouter des images, des médias, des figures interactives, des liens internet, etc. Tout comme les pilotes, ces logiciels peuvent être libres ou propriétaires, liés ou non à un constructeur, disponibles uniquement pour Windows ou pour d’autres OS.
Enfin il y a les fichiers que vous générez avec ces logiciels (par exemple le fichier issu d’une session « paperboard » où vous retrouvez tout ce qui aura été écrit de pertinent sur le TNI pendant la séance et que les élèves sont susceptibles d’emporter avec eux si on leur offre cette opportunité). Ces fichiers ont un format qui là encore peuvent être ouverts ou fermés.

Sachant cela, le cauchemar c’est le TNI A d’un constructeur B disponible uniquement pour le système d’exploitation C (et pas même les anciennes versions de C) et ne pouvant être exploité qu’avec le logiciel propriétaire D (du constructeur B) ne produisant qu’un format de fichier fermé E lié au logiciel D. Enseignants et élèves sont alors obligés d’avoir un ordinateur sous l’OS C avec le logiciel D pour préparer, relire, échanger, modifier et archiver une séance « paperboard ». Quand à l’établissement, le jour où le constructeur B décide ne plus produire et suivre son TNI A et son logiciel D (pour x raisons : la faillite, la production d’un nouveau modèle bien plus mieux mais non compatible avec l’ancien modèle A+D, etc.), il se retrouve dans une position délicate avec tous ses profs et élèves disposant de fichiers au format E désormais illisibles et donc inutilisables.

Et le paradis ? Ce serait le TNI A d’un constructeur B qui proposerait des pilotes libres pour de nombreux OS (dont au moins un OS libre) avec des logiciels exploitant le TNI qui seraient eux aussi sous licence libre et disponibles pour de nombreux OS et qui produiraient des fichiers dans des formats ouverts et donc interopérables.

Quelle naïveté, me direz-vous ! Quel constructeur est en effet assez fou pour remplir ce cahier des charges qui non seulement ne ferait que rallonger le temps de travail (et donc les coûts) mais serait également susceptible de lui faire perdre des parts marché. On ne va tout de même pas offrir ainsi des années de R&D à la concurrence !

Certes. Mais alors le minimum vital à assurer, surtout en milieu non lucratif comme l’école, concerne le format de fichiers. Disposer en effet d’un format de fichiers ouvert, documenté et standardisé permet au plus gros verrou de sauter. Parce que du coup cela permet à tous les développeurs de logiciels pour TNI de se caler et proposer par défaut à leurs utilisateurs le même format pérenne quel que soit le TNI utilisé, l’OS utilisé et le logiciel utilisé (libre ou non).

Et comme il est assez rare de voir les constructeurs éditeurs créer spontanément un format ouvert pour les fichiers issus de leurs logiciels, il convient alors aux clients de leur mettre gentiment la pression pour les pousser soit à libérer leurs formats soit à adopter un nouveau format reconnu pas tous et par là-même interopérable (cf par exemple l’affaire du format OOXML de Microsoft).

Or c’est le Ministère de l’Éducation Nationale française qui est le principal client ici. Il en irait a priori de sa responsabilité. Mais n’ayant visiblement pas accordé une attention soutenue à la problématique des formats de fichiers des suites bureautiques, il ne risquait pas, en l’état actuel de la situation, de se préoccuper de celle des formats de fichiers TNI.

C’est donc une fois de plus vers l’Angleterre que nous nous tournons, et son agence gouvernementale Becta, avec ce récent communiqué intitulé Format de fichiers standard pour les tableaux interactifs : où en sommes nous ? dont nous avons traduit un extrait ci-dessous :

Becta et RM, en consultation avec des fournisseurs de tableaux interactifs, ont élaboré un brouillon de spécifications d’interopérabilité pour un format de fichiers standard destiné aux tableaux blancs interactifs. Notre objectif est de développer un format de fichiers universel qui pourra être adopté comme standard dans toute la branche d’activité.

Les syndicats d’enseignants et de formateurs ont aussi participé à la conception du brouillon de spécifications. Leur contribution vient renforcer l’idée qu’un format de fichiers standard présenterait d’immenses avantages pour la pédagogie, en permettant l’échange de ressources au sein des institutions et entre elles.

Le communiqué renvoie à ce brouillon (draft) où l’on peut lire la chose suivante :

Ce format de fichiers servira de support à du contenu destiné à être visionné sur un grand écran. Puisque la plus grande partie de ce contenu sera conçue pour être interactive, les objets pourront être déplacés dans la page.

L’objectif premier consiste à créer un format que l’on peut ouvrir, modifier, sauvegarder et utiliser avec de nombreux logiciels pour tableaux interactifs, de sorte que le contenu pédagogique puisse être échangé entre établissements. À cet égard, le format doit être d’architecture simple mais adaptable de façon balisée afin d’assurer la compatibilité.

Ce format porte le nom « d’Interactive Whiteboard File Format » (NdT : format de fichiers pour tableaux interactifs), ou IWB en abrégé.

Conclusion : longue vie au format IWB, qui profitera non seulement aux écoles britanniques mais à toutes celles des autres pays qui n’ont pas la chance d’avoir un Becta chez eux.

Notes

[1] Crédit photo : eBeam (Creative Commons By)




Logiciel libre et éducation : quand le Royaume-Uni montre le chemin…

Kifo - CC by-saOn s’active de l’autre côté de la Manche. Preuve en est cette fort bienvenue nouvelle initiative de l’agence britannique Becta, à savoir l’ouverture récente du très prometteur site Open Source Schools dédié, comme son nom l’indique, aux logiciels libres à l’école.

Ce site est l’une des conséquences du rapport Becta Microsoft Vista et Microsoft Office 2007, rédigé il y a un an, que nous avions traduit cet été. Ses conclusions étaient limpides et il en allait selon nous de la responsabilité des autres pays si ce n’est d’adopter la même posture tout du moins de se poser les mêmes questions en évaluant sérieusement la pertinence des produits Microsoft mais surtout des alternatives libres[1].

On pouvait notamment lire ceci en page 34 § 6.11 :

Au cours des douze prochains mois Becta prendra un certain nombre de mesures pour encourager un choix plus efficace dans le cadre d’un usage éducatif. Ce travail inclura la publication d’un programme de travail dont le but sera de :

– fournir plus d’informations sur le site de Becta sur ce qu’est un logiciel libre et quels sont ses avantages pour l’éducation en Grande-Bretagne;

– compléter la base de recherche actuelle qui recense les usages des logiciels libres dans le secteur éducatif et identifier des déploiements modèles de logiciels libres. Cela engloberait également l’esquisse d’un tableau national des usages des logiciels libres dans les écoles et les universités;ourceschools-montre-la-voie-a-suivre

– travailler avec la communauté du logiciel libre pour établir un catalogue en ligne des logiciels libres appropriés pour l’usage dans les écoles de Grande-Bretagne. Parmi les informations disponibles on retrouvera les moyens d’obtenir une assistance dédiée à ces logiciels et comment contribuer à leur développement futur. Ce catalogue sera publié sous une licence Creative Commons afin que les fournisseurs puissent le modifier pour leur propre usage;

– donner des indications aux sociétés de services en logiciels libres pour qu’elles puissent efficacement participer dans de nouvelles structures compétitives et pour qu’elles puissent proposer des logiciels libres via la structure de fournisseurs existante de Becta.

Le site Open Source Schools est donc clairement l’une des concrétisations de ce rapport. Nous vous proposons ci-dessous la traduction du communiqué de presse mis en ligne pour l’occasion sur le site du Becta :

Un service de support pour les établissements scolaires qui utilisent des logiciels libres

Support for schools on using open source software

Becta – 13 janvier 2009
(Traduction Framalang : Don Rico)

Les établissements scolaires peuvent à présent trouver des conseils sur un nouveau site communautaire leur permettant de mieux savoir en quoi l’utilisation de logiciels libres pourrait leur être avantageuse.

Le site Open Source Schools propose des ressources pour montrer en quoi les logiciels libres peuvent profiter à l’enseignement et à l’apprentissage, favoriser l’implication des élèves et des parents, faciliter la gestion des informations et des ressources, et simplifier l’administration de l’établissement.

On y accorde une place centrale à une série d’études de cas sur la mise en place et le développement des logiciels libres dans le milieu scolaire. On y trouve aussi des forums où proviseurs, enseignants, techniciens informatiques et d’autres encore peuvent partager leur expérience de ce modèle alternatif d’acquisition, de distribution et de développement de logiciel. Le site met en exergue des blogs qui traitent des logiciels libres dans l’éducation, des actualités et des liens vers des sites de développeurs de logiciels Open Source.

Ce site s’inscrit dans un projet soutenu par Becta, qui vise à faire connaître les logiciels libres.

Promenons-nous quelques instant sur Open Source Schools

On remarquera tout d’abord que le site est sous Drupal (avec inscription autorisant l’OpenID) mais on remarquera surtout que la licence par défaut est la Creative Commons By-Sa. Droit d’usage, de copie, de distribution, de modification, droit d’exploitation commerciale… autrement dit une licence qui offre à ses utilisateurs les mêmes droits que les licences des logiciels libres (et qui est donc approved for free cultural works).

Il y a un forum, un annuaire sélectif de logiciels libres (où l’on recense la crème de la crème sans oublier la spécificité éducative), et des études de cas (qui sont autant de témoignages d’expériences réussies susceptibles d’influencer positivement les collègues),

Une attention toute particulière a été donnée à l’entrée About OSS (à propos du logiciel libre). Outre une page d’accueil conséquente nous expliquant ce qu’est un logiciel libre, on y trouve également une dizaine d’autres articles abordant des sujets comme la pertinence du logiciel libre en milieu scolaire, le logiciel libre et la gratuité, la différence entre logiciel libre et web 2.0, une information sur les licences, etc.

Parmi ces articles Becta negotiations with Microsoft explique calmement et sereinement entre autres pourquoi il y a des problèmes avec la politique de licences et d’interopérabilité des produits Microsoft (rappelant au passage l’existence du fameux rapport), pourquoi le Becta s’en est plaint auprès de l’Office of Fair Trading, et pourquoi le Becta pousse à ce que Microsoft adopte réellement le format ODF.

On notera enfin que l’on ne craint pas (dans la colonne de droite) de référencer des fils d’actualités de sites ou blogs non institutionnels qui évoquent l’actualité du logiciel libre et sa culture.

Quant à la page About Us (qui sommes-nous ?), il nous a semblé qu’elle méritait elle aussi sa petite traduction :

Notre initiative Open Source Schools Community a pour but de sensibiliser les établissements scolaires aux logiciels libres (LL), de les aider à les adopter, à les utiliser et à les développer. De nombreux établissements ont déjà compris en quoi les LL étaient bénéfiques à leur stratégie TIC. Ce projet s’attachera donc à faire partager leur expérience (appuyée par des exemples de mise en pratique des LL réussie dans d’autres secteurs, aux personnels de l’éducation dans leur ensemble) parmi lesquels enseignants, décisionnaires et spécialistes des technologies de l’information.

Open Source Schools est un projet qui doit durer deux ans et qui bénéficie du soutien de Becta. L’objectif étant qu’au terme de cette période la communauté comptera suffisamment de membres actifs pour qu’elle se suffise à elle-même.

Notre site se veut un site d’information objectif visant à montrer quels avantages les LL peuvent apporter à l’apprentissage, à l’enseignement et aux infrastructures scolaires. Notre projet consiste à développer et à soutenir une communauté de pratiques impliquant ceux qui utilisent déjà les LL, accueillant et apportant de l’aide aux nouveaux membres qui souhaitent découvrir le potentiel des LL.

Notre but est de créer un site Internet centré sur l’éducation et dont le contenu sera dicté par les besoins de la communauté – on y répondra aux questions, fournira des conseils sur mesure, ouvrira les perspectives, encouragera les contributions et les débats au sein de la communauté, et donnera les moyens à ceux qui le souhaitent de prendre des décisions en ayant toutes les cartes en main et de devenir des utilisateurs confiants des LL qui répondront à leurs besoins. Pour commencer, il s’agit de développer des ressources avec l’aide de défenseurs chevronnés des LL, en les encourageant à partager leur expérience avec les nouveaux membres désireux de s’initier aux logiciels libres.

Nous sommes là pour compléter des initiatives déjà existantes de la communauté du logiciel libre au sein des établissements scolaires et ailleurs. Nous mettons à disposition un annuaire de logiciels libres et fournisseurs de services dans le domaine des LL, ainsi que des cas d’études de mises en pratique réussies fournis par la communauté, en mettant l’accent sur les bénéfices concrets qu’apportent les LL aux établissements.

Bien qu’il existe déjà une grande quantité d’informations disponibles, le cœur de ce projet consiste à développer une communauté de pratique en ligne rassemblant ceux qui souhaitent découvrir les solutions qu’offrent les logiciels libres pour améliorer l’apprentissage et l’enseignement dans les écoles, et en faire profiter la vie des établissements.

Impressionnant non ? Surtout si l’on envisage ce site tout jeune comme une sorte de version 1.0 sujet à de futures améliorations mais surtout de futures collaborations. Le souci d’accueillir les nouveaux entrants est bien là, tout comme celui de le rendre autonome via une communauté à construire.

Du coup la participation des acteurs éducatifs (enseignants, administrateurs, techniciens) est clairement encouragée. D’abord en permettant à quiconque de commenter et de poster dans les forums sans inscription (et avec modération a posteriori) mais également en invitant les visiteurs à s’inscrire pour rejoindre l’équipe constituée, s’impliquer et bonifier eux-mêmes le site de leur propre contenu

En un mot comme en cent : c’est bien pensé tout ça, chapeau bas le Becta !

Sauf que inévitablement on en vient à se poser la question de la situation française. Comparaison n’est pas raison, mais y aurait-il chez nous quelque chose qui ait l’ambition de ressembler de près ou de loin à ce que nous proposent ici nos amis anglais ?

La réponse à cette question fera l’objet d’un prochain billet où, contrairement à l’habitude, nous irons au delà de simple constat alarmant pour être source de concrètes propositions…

Notes

[1] Crédit photo : Kifo (Creative Commons By-Sa)