Pour que la démocratisation du logiciel libre ne soit pas un rendez-vous manqué

Extranoise - CC by« …ils auraient tout aussi bien fait d’être restés sous Windows. »

Voici un sujet souvent traité ici comme ailleurs : la risque de dilution de certaines valeurs du libre dans son processus en marche de démocratisation.

Parce que si le nouvel utilisateur de logiciels libres est avant tout préoccupé par son propre confort matériel (pris dans tous les sens du terme) alors il se pourrait bien que l’occasion offerte devienne un rendez-vous manqué[1].

De la domination de GNU/Linux pour de mauvaises raisons

GNU/Linux World Domination for the Wrong Reasons

Bruce Byfield – 11 mars 2008 – Datamation
(Traduction Framalang : GaeliX)

A chaque fois que j’entends les gens parler des opportunités qu’a GNU/Linux de devenir de plus en plus populaire, je me souviens d’une réflexion de Tommy Douglas[2], le social-démocrate qui est devenu un héros pour la création de la couverture sociale universelle au Canada : « Si je pouvais appuyer sur un bouton et gagner un million d’électeurs qui n’ont pas compris ma politique », a-t-il dit, « je n’appuierais pas sur ce bouton ». Il voulait dire par là qu’il ne faisait pas de la politique simplement pour être élu, mais pour amener d’autres personnes à partager ses idéaux – et qu’il était déterminé à ne pas perdre de vue ses objectifs à long terme tout en poursuivant ceux à court terme.

Cette reflexion a du sens pour moi parce que, de plus en plus, dans la hâte de s’attribuer des parts de marché, beaucoup de gens semblent perdre de vue que l’objectif de GNU/Linux et des logiciels libres n’est pas en soi d’être populaire, mais de faire accepter un ensemble d’idéaux à une plus grande audience.

A la base, le logiciel libre est là pour aider les utilisateurs à prendre le contrôle de leurs ordinateurs afin qu’ils puissent participer sans entrave aux communications numériques sur les réseaux et Internet. Il s’agit de pouvoir installer un logiciel librement, plutôt qu’encadré par un fabricant. Il s’agit de pouvoir utiliser votre ordinateur comme vous le voulez, plutôt que d’en céder le contrôle à des boites noires installées par les éditeurs de logiciels sans votre autorisation.

On pourrait qualifier cet objectif d‘activisme de consommateurs si cela vous fait plaisir, mais une description plus adéquate serait extension de la liberté d’expression, et peut-être même extension de la liberté d’association, qui sont des droits fondamentaux sur lesquels les sociétés industrielles modernes sont censées être construites.

Toutefois, ce sont rarement ces objectifs qui sont décrits par les bloggers et chroniqueurs quand ils évoquent les possibilités que GNU/Linux devienne plus populaire. Selon eux (et leurs critères n’ont pas beaucoup évolués entre 2002 et 2008), ce dont ce système d’exploitation a besoin c’est de plus d’applications commerciales, d’un meilleur support matériel, de l’amélioration de l’interopérabilité avec Windows, et de plus de machines pré-installées. Et quand ils évoquent l’embellie dans l’utilisation de GNU/Linux pour cause de résistance à Vista, ils vont plus se servir du mot « libre » (NdT : free en anglais) pour parler de prix ou de coût total d’acquisition, que pour parler de politique ou de philosophie.

Ils abordent le sujet, en résumé, d’un point de vue business ou technique, plus fondé sur la facilité que sur les idéaux. Et, sur le court terme, il n’y a rien de vraiment gênant là dedans (même si je ne peux m’empêcher de penser que l’interopérabilité avec Windows est l’une des excuses pour le tristement célèbre accord Microsoft-Novell en novembre 2006).

Ceci dit, j’apprécie l’excellence technique autant que tout un chacun et si tout ce que vous souhaitez est une excellente alternative à Windows, alors OS X fera votre bonheur (et peut-être plus encore, d’après certains). Comme GNU/Linux, c’est un sytème dérivé d’Unix mais dont la facilité d’utilisation est inégalée. Si votre priorité est la performance technique, le fait qu’il soit propriétaire ne devrait pas trop vous poser de problèmes.

De la même façon, si les graticiels vous intéressent, il y a suffisamment d’applications à disposition pour que vous n’ayez jamais à payer un cent, sans parler d’Acrobat ou des lecteurs Flash qui sont téléchargeables gratuitement.

En fait, au moins autant de gens se tournent vers ces solutions de rechange que vers GNU/Linux du fait de leur ressentiment envers Windows. Sans trop réfléchir, je pense à au moins une douzaine de consultants qui distribuent des solutions de serveurs libres basées sur Drupal ou Joomla et qui utilisent OS X sur leurs ordinateurs portables.

De la même manière, il vous suffit de jeter un coup d’œil sur les forums des principales distributions comme Fedora ou Ubuntu pour voir que les utilisateurs sont plus intéressés par obtenir les pilotes vidéos propriétaires que d’avoir le contrôle de leurs ordinateurs. Après tout, les pilotes propriétaires sont disponibles, gratuitement, tout comme les pilotes libres qui le sont par choix éthique, alors pourquoi ne pas les utiliser, surtout quand ils sont technologiquement plus au point ? J’ai même vu certains utilisateurs reprocher à Fedora de ne pas fournir les pilotes propriétaires dans ses dépôts.

Il ne leurs viendrait jamais à l’esprit que le faire serait contraire à la politique de Fedora de ne mettre à disposition que des logiciels libres. Avec ces utilisateurs, l’avantage à court terme d’avoir des pilotes propriétaires techniquement supérieurs l’emporte sur l’éthique de la liberté. D’ailleurs, la plupart de ceux qui se plaignent semblent ne jamais avoir entendu parler des idéaux défendus par les logiciels libres. Pas plus qu’ils ne se fatiguent à écouter quand ces idéaux sont évoqués.

Certes, certains d’entre eux utilisent temporairement les pilotes propriétaires en attendant que des pilotes libres performants soient disponibles. Mais l’attitude générale donne à penser qu’ils n’ont aucune compréhension des objectifs à long terme. Peut-être qu’ils pourraient aider à augmenter suffisamment le nombre d’utilisateurs GNU/Linux pour encourager les fabricants à mettre à disposition des pilotes libres, mais je crains que leur contribution réelle ne fasse que conforter les fabricants dans leurs pratiques habituelles. En terme de bénéfice à long terme, pour eux-mêmes ou pour les autres, ils auraient tout aussi bien fait d’être restés sous Windows.

On retrouve le même manque de perspective dans d’autres raisons à court terme d’utiliser GNU/Linux. Toute personne ayant le sens l’équité se doit de s’interroger sur Microsoft ou tout autre logiciel en situation de monopole. Bien que le refus ou la règlementation des monopoles puisse conduire à des victoires à court terme, sur le long terme, de telles attitudes ou efforts font très peu de différence. Détruisez un monopole, et un autre se précipitera pour combler la brèche. Plus important encore, qu’importe la société qui a le monopole, il y a de fortes chances qu’elle soit propriétaire.

« Le problème quand on parle des monopoles », m’a dit il y a quelques années Peter Brown, directeur exécutif de la Free Software Foundation: « C’est qu’on laisse à penser que si il ne s’agissait pas d’un monopole, si il y avait de la concurrence entre les sociétés propriétaires, alors cela ne nous poserait pas de problème. Mais c’est faux, ce ne serait pas satisfaisant notre point de vue. »

Et Brown de continuer, « Nous ne voulons nous battre pour une victoire à court terme, car cela focalise les gens sur de mauvaises questions. Nous avons toujours eu à cœur de nous concentrer sur les plus gros problèmes, de façon à ce que si des gens s’orientent vers les logiciels libres, ils les fassent pour de bonnes raisons. »

Ou, comme Richard Stallman me l’a expliqué en 2007, « L’objectif du mouvement logiciel libre est de vous donner le contrôle du logiciel que vous utilisez. Ensuite, si vous voulez le rendre plus puissant, vous pouvez travailler à le rendre plus puissant ».

Oubliez ces priorités, et ce n’est même pas la peine de vous ennuyez à configurer un poste de travail ou un portable sous GNU/Linux. Vous avez perdu de vue ce qui est important et différent.

Comme Peter Brown a déclaré au nom de la Free Software Foundation, « A la fin de la journée, nous ne cherchons pas à être l’organisation la plus populaire du monde. Beaucoup d’organisations examinent leur situation et se disent : Quelle est la meilleure façon d’être en avance sur les autres ? Comment allons-nous composer avec notre ligne de conduite pour réaliser quelque chose, pour devenir plus populaire et réussir ? Mais quand vous avez un chef de file comme Richard Stallman, ces considérations ne sont jamais de mise. Il n’y a pas de considérations à court terme. Notre travail consiste élever le logiciel libre au statut de question éthique. Et à partir de là, nous pouvons aller de l’avant ».

Voir GNU/Linux passer de l’ombre à la lumière est passionnant, aucun doute là dessus. S’impliquer dans cette transformation l’est plus encore. Pourtant, dans la joie rebelle de regarder ces paradigmes évoluer, il nous faut prendre en compte que l’acceptation se fait parfois à un prix trop élevé. Il est vrai qu’insister pour que l’éthique de partage à la base de ce système d’exploitation fasse partie de son succès peut retarder ou même de mettre fin à ce même succès. Pourtant si cette éthique ne survit pas ce succès ne vaudra rien.

Notes

[1] Crédit Photo : Extranoise (Creative Commons By)

[2] NdT : Tommy Douglas sur Wikipédia.




Entretien avec un lycéen

Gregory - CC by-saEt si on donnait la parole aux lycéens ? Enfin non, à un lycéen, qui plus est rencontré sur… LinuxFr.

Merci en tout cas à Fabien (alias Xion345) d’avoir trouvé le temps, en pleines révisions du BAC, de répondre à quelques questions[1].

Bonjour, peux-tu rapidement te présenter…

Bonjour,

Je suis Fabien André, lycéen en terminale S option SVT (spé Maths). J’envisage des études d’ingénieur dans le domaine de l’électronique, de l’informatique ou des télécoms.

Quels logiciels libres utilises-tu au quotidien ?

J’utilise surtout les logiciels libres sur l’ordinateur familial, sous GNU/Linux (Kubuntu, majoritairement). Les logiciels que j’utilise le plus souvent sont le navigateur web Firefox, le client mail Thunderbird et le lecteur multimédia VLC. J’utilise également l’environnement KDE (Kopete pour la messagerie instantanée, amaroK comme lecteur musical).

Parmi les logiciels libres moins connus que j’apprécie particulièrement, il y a BasKet qui permet d’organiser ses notes simplement et efficacement ainsi que Freemind qui permet de créer des "cartes mentales", utiles pour classer ses idées.

Comment as-tu découvert les logiciels libres et en quoi te semblent-ils intéressants ?

J’ai découvert les logiciels libres il y a 4 ans avec Firefox (à l’époque dans sa version 0.7 :-)). Internet Explorer plantait tout le temps et j’étais à la recherche d’un bon navigateur. J’ai rapidement découvert Firefox et en cherchant un peu plus d’informations à propos de celui-ci, j’ai découvert qu’il s’agissait d’un logiciel libre. Impressionné par la qualité de ce logiciel, je me suis mis à utiliser VLC et OpenOffice. Plus tard, j’ai découvert qu’il existait même un système d’exploitation libre: Linux. Je me suis ensuite fait télécharger une Knoppix 3.6 par un ami que j’ai après installé par curiosité.

Ce n’est que plus tard, que j’ai vraiment cherché à m’informer sur les valeurs et l’esprit du logiciel libre.

Ils me semblent intéressants car on peut comprendre leur fonctionnement voir même les améliorer. Je suis souvent impressionné par leur capacité à fédérer les gens, à les faire coopérer. Je trouve que ce modèle de partage, de coopération et de diffusion du savoir est très riche !

Au cours de ton parcours scolaire as-tu souvent rencontré des logiciels libres ? Y a-t-il des professeurs qui t’en ont parlé, qui les ont utilisés en classe avec vous ?

J’ai très rarement rencontré des logiciels libres, que ce soit au collège ou au lycée. La dernière fois que j’en ai entendu parler remonte à la troisième : mon prof de techno installait Ubuntu sur un poste de la salle !

Je crois que les professeurs (en tout cas pour ce que j’en ai vu) ne sont pas mieux informés que le reste de la population en ce qui concerne les logiciels libres. Ils font un peu comme tout le monde et nous présentent les logiciels utilisés dans les Travaux Pratiques de bac (ce qui est on ne peut plus normal) : Excel et Geoplan en Mathématiques, Aviméca et Regressi (voire Excel) en Physique, Anagène, Phylogène et Sismolog en SVT.

Lorsqu’ils nous proposent de l’aide pour certains devoirs, ils nous demandent d’envoyer nos documents au format Word par e-mail !

Penses-tu que les logiciels propriétaires comme Windows et MS Office (Word, Excel…) sont trop présents à l’école. Et si oui que proposerais-tu pour améliorer la situation ?

En fait, plus que la trop forte présence des logiciels propriétaires dans l’éducation, c’est la quasi-absence des logiciels libres qui me gène un peu. Je n’ai rien contre les logiciels propriétaires mais dans le domaine de l’éducation, je pense que les logiciels libres présentent de nombreux avantages : possibilité pour les élèves de les utiliser à la maison, possibilité pour les profs de demander l’ajout de nouvelles fonctionnalités… Le navigateur Firefox était installé dans mon lycée sur les postes du CDI mais il n’est pas mis a jour ni correctement configuré pour utiliser le proxy de l’établissement.

Pour améliorer la situation, je pense qu’il serait possible d’installer des logiciels comme Firefox, OpenOffice, VLC, Geogebra ou 7-zip sur les postes des CDI des lycées. Je suis conscient que ce n’est pas si simple et que cela engendre des couts de maintenance mais ça reste faisable. Pourquoi ne pas également informer les profs de l’existence de ces logiciels et même les encourager à présenter certains logiciels libres utiles dans leurs matières ?

Il me parait que la distribution de clés USB équipés avec des logiciels libres (ou de CD) aux profs ou aux élèves est une bonne chose mais je crois que pour être totalement efficaces, ces opérations devraient être assorties d’une courte présentation des logiciels et d’explication de ce que sont les logiciels libres.

Certains caricaturent les jeunes et leur usage d’internet qui se résumérait à MSN, Skype, Skyblog, World of Warcraft et du copier/coller de Wikipédia. Qu’as-tu envie de dire à ces gens là ?

Je crois que leur répondrait qu’ils se trompent assez lourdement ! Je peux comprendre qu’ils ait rencontré des "djeuns’" utilisant Internet de cette façon. Il y en a une partie, je veux bien le croire. Cependant, il ne faut pas généraliser, ils représentent une minorité.

La plupart ont bien compris qu’Internet ne se résume pas à MSN et Skyblog. Nous l’utilisons pour nous informer sur les sujets qui nous intéressent, discuter sur des forums et bien sur pour nos documenter sur nos exposés (voir même développer des logiciels libres !). Et il peut arriver que certains publient des informations intéressantes sur leurs blogs ou sites personnels ! En revanche, tout le monde utilise MSN (et moi le premier), ce qui n’est pas forcément une bonne chose pour l’interopérabilité mais sous Jabber, je n’ai aucun contact !

Quant au copier/coller, j’aimerais leur dire que nous ne somme pas complètement dupes. Nous nous rendons bien compte qu’un prof peut vérifier en deux secondes si un article a été copié de Wikipédia. En plus, nous avons tout de même un certain esprit critique : nous vérifions nos informations, essayons des les comprendre. Nous les adaptons au sujet. Et ça prend du temps! Bref, les gens qui disent que Wikipédia ne sert qu’au copier/coller m’énervent profondément ! De plus, on aurait inventé le plagiat avec Wikipédia ? Il est tout aussi facile de copier un article de "Tout l’univers", d’Encarta ou de l’Encyclopedia Universalis.

Est-il difficile d’expliquer à ses camarades ce qu’est un logiciel libre ? Penses-tu que la diffusion de la pratique du piratage et la confusion libre/gratuit compliquent la situation ?

Oui, en général, ce n’est pas facile car une partie (pas tous !) s’en moquent complètement.

La confusion libre/gratuit complique grandement la situation : peu arrivent à saisir la distinction libre/gratuit car au final "ça ne change rien" pour eux. J’essaye de leur montrer qu’ils se trompent, que c’est différent, que par exemple, du fait de l’ouverture du code source, on a un certain contrôle sur le logiciel, on peut savoir exactement ce qu’il fait.

Penses-tu que ce serait une bonne idée de créer un "cours d’informatique" comme cela se discute actuellement ? Et si oui pour quel niveau et pour quel contenu ?

Oui, je pense que ce serait vraiment une bonne idée étant donné l’importance de l’informatique et d’Internet à la fois dans l’éducation, dans la vie économique, mais aussi dans notre vie personnelle, pour s’informer, se divertir voire même pour entretenir nos relations sociales.

Cependant, je ne pense pas qu’il serait utile d’apprendre aux élèves à utiliser le traitement de texte XYZ, le tableur XYZ ou encore tel logiciel de géométrie dynamique. Ce genre de chose est déjà fait, et je pense que c’est une bonne chose, dans les matières où l’utilisation de tels logiciels est pertinente. Je pense qu’il faudrait plutôt traiter certaines questions comme : Qu’est ce qu’un format ? Quelle est la différence entre interopérable et compatible ? Qu’est-ce que la licence d’un logiciel ? Pour quels usages a-t-on le droit de copier tout ou partie d’un article sur internet ? En matière de liberté d’expression, qu’est-ce qui est autorisé ou non sur internet ?

Bref, plus un cours d’informatique citoyenne, ou un cours de bon usage de l’informatique plus qu’un cours d’informatique technique. Je crois que 4 ou 5 heures par an seraient suffisantes pour nos informer sur ces questions.

Comment vois-tu l’avenir du logiciel libre ?

Ce n’est pas une question facile ! 🙂

Je pense que le logiciel libre a avenir prometteur. De toutes façons, il a réussi à se développer dans des conditions pas très favorables avec une société qui domine le secteur de l’informatique. Un nombre incroyable de personnes le soutiennent que ce soit en écrivant du code, de la documentation ou simplement en aidant les nouveaux venus…

Je crois aussi qu’en ce moment, au niveau économique, le vent souffle dans le sens du logiciel libre, l’économie migre vers les services (les SSLL ont une croissance importante), les constructeurs de matériel ouvrent leurs spécifications, de grosses sociétés comme Sun ou IBM s’y intéressent.

Il reste cependant menacé par les DRM, la soi-disant "informatique de confiance" et la vente liée.

Bonne chance pour le BAC 😉

Merci. Je me prépare, je me prépare ;-).

Notes

[1] Crédit photo : Gregory (Creative Commons By-Sa)




Comment je suis devenu un enseignant innovant

aKa - BSOD - CC-By

Suite à un coup de téléphone avec le responsable Microsoft des partenariats éducatifs en France, j’ai décidé d’adhérer à l’association Projetice m’assurant ainsi une promotion immédiate au rang d’enseignant innovant (et accessoirement une place pour le prochain voyage à Bangkok).

J’aurais a priori en charge l’aspect communication du dossier Déploiement de Windows Vista et MS Office 2007 à l’école, dossier rendu difficile par la pression constante (et, il faut bien le dire, souvent malintentionnée) exercée par les partisans du logiciel libre qui serait, dit-on, mais cela reste à prouver, une alternative crédible aux produits Microsoft que tant de professeurs, élèves et parents utilisent au quotidien.

L’école a à l’heure actuelle bien d’autres chats à fouetter et il serait inopportun de créer une perturbation en obligeant la communauté scolaire à changer ses habitudes numériques durement acquises au fil des années.




Les licences Creative Commons expliquées aux élèves

Une invitation lancée aux enseignants pour s’inspirer de ce document en vue d’une présentation en classe.

Textes, images, multimédia… C’est bien gentil de critiquer les agissements de Microsoft qui tente de nous faire passer sa propre définition de la « propriété intellectuelle » à l’école mais c’est encore mieux d’être constructif en proposant des alternatives plus conformes à notre propre vision des choses.

Imaginons en effet que vous soyez un professeur souhaitant évoquer cette histoire de « propriété intellectuelle » à l’ère du numérique avec vos élèves. Pour la France cette éventualité est d’autant plus susceptible de se produire qu’elle figure dans le référentiel du B2i pour le domaine Adopter une attitude responsable (par exemple avec la compétence C.2.3 Lorsque j’utilise ou transmets des documents, je vérifie que j’en ai le droit).

Vous avez alors le choix de l’approche.

Vous pouvez par exemple vous appuyer sur le document (powerpoint) Droit et éducation – La propriété intellectuelle de l’association Projetice. Il n’est pas inintéressant en soi, avec par exemple son rappel de la nécessité d’élaborer ensemble une charte TICE dans chaque établissement scolaire. Mais, parcourez-le, et vous vous trouverez peut-être comme moi confronté à la désagréable impression d’évoluer dans le monde austère et intimidant des tu n’as pas le droit de faire ceci, tu n’as pas le droit de faire cela, sauf à demander constamment, au cas pas cas, de fastidieuses et parfois hypothétiques autorisations. Règles qui stipulent q’il n’y pas d‘exception pédagogique. Règles contraignantes qui s’appliquent de fait aussi à mes propres créations. Ici c’est d’abord la fermeture par défaut qui prévaut, et commes les autres mondes ne sont pas mentionnés il semble que ce soit le seul monde possible.

Mais, sans nier l’existence du monde précédent qui a toute sa raison d’être, vous pouvez cependant débuter votre intervention en adoptant une autre approche comme celle proposée par le diaporama ci-dessous au sujet des salutaires licences Creative Commons. Une approche qui ne vous condamne pas à égréner la longue liste de ce que l’on ne peut pas faire mais qui au contraire, affirme d’entrée son ouverture en favorisant le partage des créations numériques, qu’elles soient vôtres ou celles d’autrui. Les demandes d’autorisation n’ont pas disparu mais elles sont ponctuelles et ne sont là que pour ajouter de la liberté à une situation de départ qui garantie au minimum la libre circulation de l’oeuvre. Nous ne sommes plus dans le il est impossible de faire… sauf… mais dans le il est possible de faire… sous telles conditions. Et mine de rien lorsque l’on travaille dans un contexte scolaire c’est une belle bouffée d’oxygène[1].

Ce diaporama est dans le domaine public. Il a été réalisé par Alex Roberts, Rebecca Rojer et Jon Phillips en vue de l’intégrer à un autre beau projet éducatif, à savoir l’OLPC. Vous trouverez toutes les images sources sur cette page du site Creative Commons. Libres à vous de les modifier et d’en adapter les légendes comme bon vous semblera. Nous vous en proposons ci-dessous une version francisée par nos soins[2]. C’est un work in progress non finalisé qui ne demande qu’à se bonifier avec vos propres suggestions de traduction dans les commentaires[3].

Diapo 1

Sharing Creative Works 01

Creative Commons presents : Sharing Creative Works

Creative Commons présente : partager les créations

Diapo 2

Sharing Creative Works 02

Computers are powerful tools for creation. You can use a computer to write stories, draw pictures, take photographs, record music, and capture video.

Les ordinateurs sont de formidables outils pour la création. Vous pouvez utiliser un ordinateur pour écrire des histoires, faire du dessin, prendre des photos, enregistrer de la musique et des vidéos.

Diapo 3

Sharing Creative Works 03

When you draw a picture, only one copy exists. You can keep that copy, or give it to a friend, or maybe even sell it.

Quand vous faites un dessin, il n’existe qu’en un seul exemplaire. Vous pouvez conserver cet exemplaire, le donner à un ami, ou peut-être même le vendre.

Diapo 4

Sharing Creative Works 04

But when you draw a picture on your computer, it is possible to create a perfect copy of that picture. You can keep your picture and give a copy to your friend and even sell a copy, if you like.

Mais quand vous faites un dessin sur votre ordinateur, il est possible de créer une copie à l’identique de ce dessin. Vous pouvez conserver un exemplaire pour vous et en donner un à un ami et même en vendre un, si vous en avez envie.

Diapo 5

Sharing Creative Works 05

Once someone has one copy of your picture, they have the ability to make more exact copies and then share them. They also have the ability to make changes to your picture, and share that. But what if you don’t want them to?

Une fois que quelqu’un a un exemplaire de votre dessin, cette personne a les moyens d’en faire d’autres copies à l’identique et ensuite de les partager. Cette personne a aussi la possibilité d’apporter des modifications à votre dessin et de les partager. Mais que se passe-t-il si vous n’êtes pas d’accord avec ça ?

Diapo 6

Sharing Creative Works 06

This is where the law comes in. Although anyone with a computer has the ability to share or change your creation, because of copyright law, they are not allowed to do so without your permission. (*)
(*) Though, depending on where you live, there may be specific exceptions to this rule. In the United States, this is called “Fair Use.”

C’est là que la loi entre en jeu. Même si n’importe qu’elle personne disposant d’un ordinateur a techniquement la possibilité de partager ou de modifier votre création, du fait des lois sur les droits d’auteurs, elle n’a pas le droit de le faire sans votre permission, en dehors des exceptions et limitations prévues par la loi applicable dans le pays où vous vivez.

Diapo 7

Sharing Creative Works 07

The law automatically grants you full “copyright” over any creative work you make, including the stories you write, the pictures you draw, the music you record, the photos you take, and the video you capture. This means that unless you say otherwise, nobody may share your work or make changes to it.

La loi vous accorde automatiquement un droit d’auteur exclusif sur toute œuvre de votre création, comme par exemple les histoires que vous pouvez écrire, la musique que vous pouvez enregistrer, les photos que vous pouvez prendre, et les vidéos que vous pouvez filmer. Ce qui signifie que sans avis contraire de votre part, personne ne peut diffuser votre travail ou y apporter des changements.

Diapo 8

Sharing Creative Works 08

But what if you want to legally and clearly allow anyone in the world to share and experience your work?

Mais que se passe-t-il si vous souhaitez légalement et sans ambigüité autoriser toute personne dans le monde à partager et découvrir votre travail ?

Diapo 9

Sharing Creative Works 09

What if you want others to build upon your work or create something new from your original?

Que se passe-t-il si vous souhaitez que d’autres puissent se baser sur votre travail pour créer quelque chose de nouveau à partir de l’original ?

Diapo 10

Sharing Creative Works 10

While you could tell each and every person that they may use your original, there is a vastly simpler way. If you would like to allow for your work to be shared around the world, consider using a Creative Commons License.

Vous pourriez dire à chaque personne individuellement qu’elle peut utiliser votre travail original, mais il y a beaucoup plus simple. Si vous voulez permettre le partage de votre travail à travers le monde, vous devriez songer à utiliser une Licence Creative Commons.

Diapo 11

Sharing Creative Works 11

Creative Commons is an organization which provides a collection of free content licenses that you may apply to your work.

Creative Commons est une organisation qui met à votre disposition un ensemble de licences que vous pouvez appliquer à votre travail.

Diapo 12

Sharing Creative Works 12

A content license is a document that states the freedoms and limitations that you apply to your work– an explanation of what someone can and cannot do with what you make.

Une licence sur le contenu est un document qui exprime les libertés et les limitations qui s’appliquent à votre travail – une liste de ce qu’une personne peut ou ne peut pas faire avec votre travail.

Diapo 13

Sharing Creative Works 13

Creative Commons Licenses have been translated into many languages and jurisdictions (legal systems) all over the world. They are designed to work internationally, so that even someone across the globe can understand the permissions you have granted them.

Les licences Creative Commons ont été traduites dans de nombreuses langues et juridictions de part le monde. Elles sont conçues pour être applicables internationalement, de telle façon que même une personne à l’autre bout du monde peut comprendre les droits que vous lui avez concédés.

Diapo 14

Sharing Creative Works 14

Creative Commons offers 6 different licenses so that you can share your work exactly how you want to.

Creative Commons vous propose six licences différentes qui vous permettent de partager votre travail de la façon qui vous convient le mieux.

Diapo 15

Sharing Creative Works 15

All Creative Commons licenses require attribution. This means that others may share your work so long as they credit you. There are some other things to consider when you choose to share your work with the world.

Toutes les licences Creative Commons utilisent la notion de paternité. Ce qui signifie que d’autres peuvent partager votre travail tant qu’il vous en attribuent la paternité. Mais il y a d’autres aspects à prendre en compte quand vous faites le choix de partager votre travail avec le monde.

Diapo 16

Sharing Creative Works 16

Do you want to allow other people to sell or make money off of your creation without having to ask? Prohibiting people from using your work commercially may limit how widely it is spread.

Souhaitez-vous autoriser d’autres personnes à vendre ou à faire de l’argent avec votre création sans avoir à demander l’autorisation ? Interdire l’utilisation commerciale de votre travail peut réduire son champ de diffusion.

Diapo 17

Sharing Creative Works 17

This also means that no one can make any money from your work without your permission. You can work out individual arrangements for commercial use so that you can get paid when others profit from your creation.

Cela signifie aussi que personne ne peut tirer de profit financier de votre travail sans votre autorisation. Vous pouvez passer des accords individuels pour usage commercial de façon à être rétribué quand d’autres tirent profit de votre création.

Diapo 18

Sharing Creative Works 18

Do you want to allow others to make changes (derivatives) to your work without having to ask? Prohibiting derivatives might prevent others from making something really cool out of your original.

Souhaitez-vous autoriser d’autres personnes à modifier votre travail (œuvre dérivée) sans avoir à demander l’autorisation ? Interdire les œuvres dérivées peut empêcher d’autre personnes de créer une nouvelle œuvre vraiment intéressante à partir de votre original.

Diapo 19

Sharing Creative Works 19

But, this also means they may not use your work in a way you disagree with.

Mais cela signifie aussi que personne ne peut utiliser votre travail à des fins qui ne vous conviendraient pas.

Diapo 20

Sharing Creative Works 20

If you allow others to make changes to your work, you also need to think about whether or not you will require them to use the same license as you (“Share Alike”). A ShareAlike condition ensures that the terms you chose for your original creation are preserved, but also may limit how much the derivative work can be shared (and in turn, how likely it is for someone to use your original work in a derivative)

Si vous autorisez d’autres personnes à faire des modifications de votre travail, vous devez aussi réfléchir si oui ou non vous souhaitez leur demander d’utiliser la même licence que vous (conditions initiales à l’identique). La clause conditions initiales à l’identique garantie que les choix que vous avez fait pour la création originale seront préservés, mais elle peut aussi limiter la diffusion des œuvres dérivées (et par là-même les possibilités que quelqu’un soit tenté d’utiliser votre original pour une œuvre dérivée)

Diapo 21

Sharing Creative Works 21

On the other hand, Share-Alike ensures that your work is always used under the terms you want, even after many generations of copies and derivatives.

D’un autre coté, les conditions initiales à l’identique garantissent que votre œuvre sera toujours utilisée sous les mêmes conditions, même après plusieurs générations de copies et de dérivés.

Diapo 22

Sharing Creative Works 22

It’s up to you to choose what you will create, and how you will share it with the world!

C’est à vous de décider ce que vous allez créer et comment vous allez le partager avec le monde !

Edit du 25 mars : Illustrant parfaitement le remix culturel permis par les licences Creative Commons, voici une version animée du diaporama réalisée par Alexandre Lebailly à partir de notre traduction.

—> La vidéo au format webm

Notes

[1] Petite suggestion finale : En profiter pour évoquer en bout de chaîne le logiciel libre dont les licences présentent la particularité de ne pas posséder de clauses non commerciales et non dérivables.

[2] Merci à notre équipe de traducteurs Framalang, Yostral, Olivier et surtout GaeliX en tête.

[3] En particulier nous avons quelques doutes sur la fidélité de traduction des diapos 1, 6, 13 et 20.




Largage de liens en vrac #2

Hamed Saber - CC byVu le succès fou rencontré par mon premier largage de liens, je réitère l’opération en réussissant l’exploit d’être encore plus mal classé que le précédent. J’en rappelle le principe : ils ne sont pas testés (et ne sont donc mentionnés qu’à l’intuition), ne figurent pas encore dans l’annuaire de logiciels libres de Framasoft et sont souvent des nouveautés[1].

  • DreaMule : Un nouveau client eMule qu’il parait qu’il est bien.
  • Open Source Web Chat : Un petit module de chat plutôt sexy (Javascript, PHP, MySQL), autonome ou intégré à des forums comme phpBB ou PunBB.
  • OpenX : Changement de nom (ex Openads) pour cette plate-forme complète de gestion de la publicité sur vos sites web (PHP, MySQL). Devrait intéresser le monde de l’entreprise.
  • WordFlashReader : Un logiciel qui facilite la lecture des fichiers .txt, .html ou encore .pdf en flashant le texte à la vitesse désirée, en marquant la ponctuation, etc. Si vous voulez m’en faire un retour dans les commentaires, vous êtes les bienvenus (Windows et Linux).
  • Eqonomize : Un logiciel de comptabilité pour Linux (KDE) qui a ses adeptes.
  • PureEdit : Je ne sais pas vraiment si on a vraiment besoin d’un nouveau CMS. Celui-ci est bien présenté en tout cas mais à vous de me dire si il apporte quelque chose de plus que les autres.
  • Fastladder : Un puissant aggrégateur de fils RSS en ligne qui passe sous licence libre (MIT).
  • OpenSource FLV Player : Comme son nom l’indique un lecteur libre de fichiers .flv (les mêmes que les vidéos YouTube par exemple).
  • GmailAssistant : Un petit notificateur écrit en Java, utile si vous possédez plusieurs comptes Gmail.
  • Galleria : Une très jolie manière de présenter des photos sur un site web (en Javascript).
  • TorrentFlux : Torrentflux est un client BiTorrent disposant d’une interface web et pouvant de ce fait être administré à distance (nécessite LAMP).
  • Preload : Spécial Ubuntu. Comme son nom l’indique vaguement, il s’agit d’un programme qui permet de lancer un certain nombres d’applications beaucoup plus rapidement en gérant la mémoire à partir de vos propres statistiques d’utilisateur. Il est ainsi dit sur le site qu’OpenOffice.org et Firefox se lancent deux fois plus rapidement avec Preload.
  • Podcast in a Box : Une petit boite noire (Ubuntu inside) qui permet a priori de faire très simplement du podcast avec une clé USB en particulier en milieu scolaire. Si j’ai bien compris le prof programme son enregistrement ou vient directement avec son enregistrement déjà effectué sur sa clé USB, puis les étudiants mettent leur propre clé USB et récupère le podcast du prof. L’idée ce serait de s’affranchir de toute technicité puisque celle-ci est gérée par la box.
  • Gobby : Gobby est un éditeur de texte collaboratif en temps réel. Présent directement dans la distribution spéciale éducation d’Ubuntu (Edubuntu) et on comprend bien pourquoi. Disponible également sous Windows.
  • Umbraco : Encore un CMS, oui, d’accord, mais celui présente l’incongruité l’originalité de reposer sur la technologie Microsoft .NET.
  • SoloWiki : Un éditeur spécial Wikipédia qui permet de créer et prévisualiser du texte en utilisant la syntaxe Médiawiki. En Java et surtout utile pour travailler ses articles Wikipédia en n’étant pas connecté.
  • MindTouch Deki Wiki : Une plateforme de wiki pour les communautées et les entreprises. L’interface est particulièrement soignée contrairement à la plupart des autres moteurs wiki.
  • GlassBox : Très esthétique. Un javascript permettant de faire afficher des fenêtres "glacées" sur vos pages web un peu comme avec du Flash (sauf que c’est pas du Flash justement !).
  • DVD Rip : Un logiciel libre un peu particulier puisqu’il s’utilise en surcouche d’un (excellent) logiciel gratuit, à savoir DVD Shrink. Permet de ripper on ne peut plus facilement vos DVD pour en faire des copies dans l’espace de stockage de votre choix (par exemple un disque dur externe). Avec la possibilité de retirer les langues que vous ne souhaitez pas, les bonus, etc. d’où un gain conséquent de place. Uniquement Windows.
  • VirtualBox : On entend de plus en plus parler de cette solution pour créer des machines virtuelles. Se décline en deux versions dont une est libre. Cf le tutoriel de Zebulon.fr. La société vient récemment d’être rachetée par Sun, c’est vous dire !
  • andLinux : Ici ce n’est plus de la virtualisation, c’est mettre directement Ubuntu dans son Windows comme si c’était une application de plus de son bureau Windows. C’est assez étonnant et ça peut faire découvrir GNU/Linux au béotien. Je reste a priori assez circonspect quant à sa réelle utilité mais d’autres sont plus enthousiastes (et si vous voulez tester la chose je vous conseille cette page d’explications).
  • Todo.txt : On aime aussi la ligne de commande à Framasoft. Voici un gestionnaire de tâches et de projets en pur texte.

Enfin, une excellente nouvelle pour ceux qui pour une raison ou pour une autre ont encore des postes sous Windows : le portage de ce que d’aucuns considèrent comme la meilleure application GNU/Linux, à savoir le lecteur audio Amarok, est sur le point d’aboutir (via le propre portage de KDE). Les plus témeraires peuvent déjà s’y essayer avec la version preview.

Notes

[1] Crédit photo : Hamed Saber (Creative Commons By)




Réponse à Thierry de Vulpillières de Microsoft France Education

Stewart - CC byLe mois dernier je mettais en ligne coup sur coup trois articles gravitant autour de la stratégie de partenariat de Microsoft à l’école française : Projetice ou le cas exemplaire d’un partenariat très privilégié entre Microsoft et une association d’enseignants, Du premier Forum des Enseignants Innovants et du rôle exact de son discret partenaire Microsoft et Forum des Enseignants Innovants suite et fin.

J’ai eu alors l’agréable surprise de voir Thierry de Vulpillières, le responsable Microsoft de ces partenariats, intervenir dans les commentaires. Et comme ce n’est pas tous les jours qu’une telle personnalité vient nous rendre visite, j’ai pris le temps de lui répondre en détail point par point[1].

TdV : Bonsoir, j’ai un peu l’impression d’arriver après la bataille 😉

aKa : Bonjour et merci de vous être déplacé jusqu’ici. La réponse arrive également avec un train de retard 😉

Il n’y a pas de bataille. Il y a juste quelques questions posées publiquement autour d’une association et d’un évènement où vous apparaissez comme simple partenaire.

Je suis Thierry de Vulpillières, en charge de ces partenariats chez Microsoft.

Enchanté, Alexis Kauffmann (alias aKa), professeur de mathématiques, à l’initiative du réseau de sites Framasoft.

Vous êtes en charge de ces partenariats. C’est même votre titre officiel chez Microsoft (Directeur des partenariats éducation), un poste dédié qui témoigne de l’intérêt porté par Microsoft au domaine éducatif.

Merci de ce billet pour le débat ouvert qu’il permet.

De rien. C’est effectivement ce que je souhaitais. Il me semblait qu’il n’y avait pas débat et que tout ceci pourtant en méritait un.

Surtout à l’heure où techniquement l’école et les TICE ont un choix très important à faire : passer ou ne pas passer au nouveau système d’exploitation Windows Vista ? Vous connaissez ma réponse ! Une réponse renforcée aujourd’hui par la présence à tous les niveaux d’alternatives libres de haute qualité qui ne demandent qu’à être adoptées à grande échelle. Ceci permettra à l’école et aux contribuables de faire de très sérieuses économies. Ceci permettra aux élèves de travailler sur des formats ouverts. Ceci permettra aux élèves d’utiliser librement les logiciels de l’école à la maison et réciproquement.

Superbe démonstration pour découvrir quoi : que Microsoft est partenaire de certaines associations et de certains évènements.

Que Microsoft soit partenaire d’associations ou de manifestations éducatives ne me pose aucun problème. Mais que Microsoft soit directement à l’initiative de la création de l’association d’enseignants Projetice ou directement à l’initiative du la création du premier Forum des Enseignants Innovants alors là oui cela me dérange un peu plus. D’abord parce que cela va plus loin qu’un partenariat classique et ensuite parce que vous ne semblez pas vouloir l’assumer. Vous me direz que ce que je formule ici n’est qu’une hypothèse. Certes mais comment se fait-il que pendant toute votre intervention vous ne l’infirmiez pas ?

Mais c’est affiché bien en évidence avec notre logo dans tous ces cas 😉 Pourquoi feindre de découvrir des partenariats qui sont explicites ? (On ne nous dit pas tout ?)

Je ne suis pas un adepte de la théorie du complot mais il semblerait dans ce cas précis qu’on ne nous dise pas tout en effet. Dois-je à nouveau répéter les questions posées ? Allons-y pour une dernière fois : est-ce que Microsoft France Education a impulsé la création de Projetice et la création du Forum ?

Sans détour sophistiqué par la "découverte" que nous avons fourni un site, un dépôt de nom, un stand… Vous pouvez établir la liste (noire ?) des partenaires de Microsoft 😉 Notre site d’ailleurs l’établit pour vous…

Tout figure publiquement sur internet en effet et c’est heureux sinon je n’aurais rien pu écrire. Il n’empêche que mettre la chose en lumière a néanmoins semblé intéresser quelques lecteurs de mon modeste blog. Fournir le site et être en possession du nom de domaine d’une manifestation organisée par une ensemble d’associations qui verra une centaine de professeurs déposer leur projets sur le site en question, ce n’est pas anodin quand bien même cela le soit pour la plupart des collègues qui participeront à votre Forum.

Quant à l’expression liste noire, elle fait écho au on ne nous dit pas tout. Souhaitez-vous habilement déplacer la conversation vers un débat sur la radicalité du mouvement du logiciel libre qui mènerait coûte que coûte une croisade anti-Microsoft ? Ceci présenterait alors l’avantage de ne justement pas répondre aux questions.

Vous dites que vous n’avez rien "contre Microsoft en tant que tel".

Je n’ai effectivement rien contre Microsoft en tant que tel. Framasoft s’est même appuyé très fortement sur Windows pour faire découvrir le logiciel libre. C’était même je crois notre originalité initiale (en 2001). En attendant que GNU/Linux arrive à maturité commençons par sensibiliser nos visiteurs à partir de Windows, tel était notre crédo (crédo renforcé par le fait que Windows XP était du reste un OS globalement stable).

Il se trouve simplement que la donne a changé. Aujourd’hui OpenOffice.org et surtout GNU/Linux sont prêts pour entrer massivement dans les salles informatiques des écoles et votre nouveau système d’exploitation Windows Vista présente déjà de nombreux symptômes de l’accident industriel.

Parfait. Discutons. La question de fond, me semble-t-il, c’est malgré l’opposition féconde de modèles économiques (le site de Framasoft est bien occupé de panneaux publicitaires Google, en dépit des déclarations de lutte contre "la culture marchande"): y a-t-il des actions convergentes entre logiciels libres et logiciels à propriété intellectuelle pour développer l’usage des TICE ?

Le débat sur les modèles économiques est certainement fécond dans le monde de l’entreprise mais je ne suis pas certain qu’il soit pertinent dans un contexte scolaire. Par ailleurs il n’a jamais été question d’une lutte contre la culture marchande mais de ne pas favoriser cette culture à l’école. Ce n’est pas tout à fait le même discours. Je note là encore un déplacement de la conversation qui tendrait à me faire passer pour ce que je ne suis pas.

Pour ce qui est de Framasoft, nous essayons en effet de salarier un voire plusieurs membres de notre association parce qu’avec le temps nous avons grandi et ce développement nécessite selon nous la présence d’éléments permanents pour mieux organiser les énergies qui gravitent autour de nos différents sites et projets. La publicité, qui n’est présente que sur un seul site de notre réseau, n’est pas la panacée, et dès que nous pourrons nous en passer nous le ferons, mais en attendant c’est la moins pire des solutions que nous avons trouvé pour démarrer ce salariat le plus rapidement possible (a priori au cours du prochain mois d’ailleurs). Un mal pour un bien en quelque sorte.

Nous espérons fournir ainsi un meilleur service. Nous espérons également nous renforcer parce que nous pensons qu’il est important pour le libre francophone d’avoir quelques solides points d’ancrage avec tout ce que cela suppose comme possibilité d’action (ne serait-ce que pour être capable de créer un jour, pourquoi pas, un Projetice du libre dans l’éducation). L’évolution d’une structure comme l’April[2], dont le travail de fond bénéficie à toute la communauté, en est un bon exemple.

Quant aux actions convergentes il faudrait déjà que des associations comme Projetice reconnaissent sur leur site officiel l’existence des logiciels libres non ? Dans le cas contraire cela me semble difficile d’envisager en l’état le moindre rapprochement.

Enfin toute dernière chose, je remarque que vous utilisez l’expression logiciel à propriété intellectuelle pour logiciel propriétaire. C’est sémantiquement fort intéressant sauf que, comme le disait Bastien Guerry dans un commentaire[3], un logiciel libre n’est en aucun cas un logiciel sans propriété intellectuelle. L’expression est donc impropre. Les logiciels libres sont tout autant protégés par le droit d’auteur que les logiciels dits propriétaires. La différence réside dans le fait que les auteurs de logiciels libres exercent leur droit d’auteur pour autoriser quiconque à distribuer, lire, modifier et distribuer des versions modifiées du code, alors que les éditeurs de logiciels propriétaires utilisent le droit d’auteur pour fermer l’accès au code source.

Par ailleurs, il me semble curieux de regretter qu’UN site puisse être en aspx quand la totalité serait en "LAMP" ("chose devenue très rare pour des sites éducatifs : l’absence du quatuor magique libre LAMP") : j’avais cru comprendre que l’idée de monopole n’était pas saine 😉

Je tenais juste à évoquer l’une des grandes réussites du logiciel libre dans le domaine des sites web. Pour l’aspx je ne regrette rien, je constate juste que lorsqu’il s’agit de sites éducatifs la présence du format aspx est souvent synonyme de partenariat Microsoft. Rares sont les sites éducatifs qui spontanément pensent à développer leur infrastructure internet en aspx.

De même montrer l’utilité de certains produits de Microsoft dans l’éducation est-il illégitime ? et ça n’interdit en rien Projetice de promouvoir les produits d’autres partenaires (comme les commentaires l’illustrent).

Montrer l’utilité de certains produits Microsoft dans l’éducation n’est en aucun cas illégitime (je pense à l’excellent Age of Empires[4] si il fallait n’en citer qu’un). Quant à Projetice pourquoi ne ferait-il pas également la promotion de produits qui ne viennent pas de leurs partenaires comme les logiciels libres par exemple ?

Framasoft a-t-il proposé de travailler avec Projetice ? J’ai croisé nombre de projéticiens qui ne se retrouveraient tout simplement pas dans votre description de leurs actions réelles: y avez-vous simplement assisté une seule fois, pour vérifier que votre présupposé est faux ?

Loin de moi l’idée d’apparaître suffisant mais, vu notre antériorité, ce serait plutôt à Projetice de venir nous proposer quelque chose. Quant aux projéticiens qui ne se reconnaissent pas dans leurs actions réelles, c’est évident puisque je me suis borné à analyser le site de l’association. La question serait alors plutôt : est-ce que les projéticiens, en particulier ceux qui utilisent du logiciel libre, se reconnaissent dans leur site web ?

Pour pousser un peu : je me demande parfois si ce clivage que vous souhaitez autour d’une position exclusive pour le logiciel libre ne participe pas du retard constaté du développement des TICE en France ? C’est le sens de nos échanges avec Jean-Pierre Archambault ou Sébastien Hache : n’y a-t-il pas mieux à faire pour le développement des TICE que de critiquer toute initiative dès lors que tel ou tel industriel la soutient ? Fût-il Microsoft.

Vous ne poussez pas du tout parce que c’est certainement le fond de votre pensée qui transparait dans toute votre intervention. Votre posture tend très gentiment, très doucereusement, à caricaturer voire carrément à déformer mon propos. Parce qu’il est évident que si je verse dans l’anathème alors je suis d’office discrédité. Je ne me reconnais pourtant pas dans ce que vous décrivez là. Je ne souhaite aucun clivage et aucune position exclusive. Dois-je vous rappeler que c’est l’absence totale de référence au logiciel libre qui a motivé mon article sur le site de Projetice ?

Quant à savoir si c’est le prétendu état d’esprit obtus de ceux qui défendent le logiciel libre à l’école qui participe au retard des TICE en France, je n’y crois pas une seconde quand bien même ce soit un grand honneur que vous nous faites à nous penser si influent ! Ce débat va bien évidemment au delà du débat logiciel libre vs logiciel propriétaire même si je suis persuadé que la culture issue du logiciel libre a beaucoup à apporter aux TICE (cf la réussite de Sésamath).

Votre modèle ici est bâti sur la publicité : c’est aussi un débat. La publicité, "c’est du temps de cerveau disponible pour Coca-Cola" disait-on il y a peu. Ces questions sur les modèles économiques sont de vrais débats de fonds.

Framasoft n’a pas de modèle économique et si modèle il y avait il serait bâti sur des mots-clés comme entraide, coopération, échange, collaboration, enthousiasme… ce qui s’apparente alors beaucoup plus à un modèle social. Je conçois que cela soit assez déroutant lorsque l’on appartient à une multinationale qui doit en répondre à ses actionnaires mais nous ne sommes pas du tout dans le même référentiel.

Il en va de même je crois pour les logiciels libres eux-mêmes. Si les plus gros d’entre eux ont effectivement un modèle économique (souvent original, quitte à donner un petit coup de vieux à des sociétés comme la vôtre) c’est selon moi avant tout pour permettre au modèle social de perdurer et s’épanouir.

Vous écrivez à la fois : « Entendons-nous bien. Je n’ai rien contre Microsoft en tant que tel. Je pense simplement que favoriser ses produits et sa culture marchande à l’école retarde d’autant l’adoption non seulement des logiciels libres mais aussi et surtout de cette salutaire culture non marchande des biens communs qui leur est associée » tout en regrettant de ne pouvoir payer un stand à Educ@tice «J’ai eu moi-même par le passé l’occasion de me pencher un peu sur le coût d’une location d’un stand à ce même salon pour finalement y renoncer car je puis vous dire que cela représente plusieurs milliers d’euros. » Voilà bien un paradoxe qu’il faudrait assumer 😉

Nous l’assumons comme cela a été dit plus haut. Il y a des choix à faire. Certaines portes se ferment effectivement faute de moyens. Mais du moment que la porte d’internet reste ouverte nous poursuivrons notre petite aventure. Pendant de nombreuses années nous avons fonctionné sans le moindre sou et cela ne nous a pas empêché d’avancer (et d’être invités à de nombreuses manifestations).

Mais pourquoi regretter que des enseignants se rencontrent pour échanger sur leur usage des TICE simplement parce que Microsoft y contribuerait ?

Nous avons un peu de mal à nous comprendre. Votre articulation générale tourne autour du fait que je suis contre Microsoft à l’école par principe et que tous les moyens sont bons pour l’en faire sortir. C’est faux. Il est évident que lorsque l’on souhaite la diffusion du logiciel libre, Microsoft ne peut être considérée comme une société comme les autres de part sa position dominante. Je ne suis pas le seul à le penser puisque la commission européenne de Bruxelles vient de vous condamner à une amende de près d’un milliard d’euros pour justement abus de cette position dominante[5]. Et je ne parle même pas des problèmes récurrents de vente liée où votre entreprise est régulièrement prise à parti[6]. Il n’en demeure pas moins que vous ne trouverez nulle trace dans mes articles précédents du moindre appel au boycott de ce Forum des Enseignants Innovants sur le simple prétexte que Microsoft en est partenaire.

Je répète que ce n’est pas l’existence du partenaire Microsoft qui me pose problème ici mais sa manière de faire. Ce n’est pas pourquoi Microsoft, c’est comment Microsoft. Et c’est ce comment Microsoft que j’ai tenté de mettre un peu en lumière aussi bien pour votre partenariat avec les associations Projetice et le Café pédagogique que pour le montage du premier Forum des Enseignants Innovants.

J’insiste lourdement mais plus que jamais Microsoft se doit d’être présent à l’école avec une bonne image parce que plus que jamais il y a urgence à adopter votre nouveau système d’exploitation Windows Vista. Si tel n’est pas le cas c’est tout votre… modèle économique qui s’écroule.

En Angleterre, l’agence TICE du ministère de l’éducation a publiquement émis en janvier dernier de très sérieuses réserves sur le passage à Windows Vista dans ses écoles, jusqu’à carrément le déconseiller dans certains cas[7]. En attendant que notre propre ministère prenne ses responsabilités, y a-t-il une chance de voir Projetice, le Café pédagogique et les associations organisatrices soulever cette question lors du Forum des Enseignants Innovants ?

Moi si je participais à votre forum, je prendrais un stand avec une grande pancarte Pourquoi ne pas adopter Windows Vista ! et je tenterais de montrer aux collègues qu’ils peuvent réaliser les mêmes projets pédagogiques sur des outils libres et des formats ouverts et que c’est dans l’intérêt de tous qu’il en soit ainsi. D’ailleurs, chiche, pourquoi ne pas nous inviter et nous laissez monter un stand comme nous l’entendons ?!

Interrogez les enseignants ou associations qui participent à ces actions plutôt que de feindre de découvrir que nous les soutenons.

Je ne feins pas de découvrir le soutien. Je m’interroge effectivement sur ses modalités. Imaginez par exemple que le soutien de Microsoft soit tel qu’il permette à certaines associations de salarier l’un de leurs membres. L’information serait alors digne d’intérêt et il serait alors plus compliqué pour les associations en question de garder un esprit critique vis-à-vis de votre société (comme par exemple, oui je sais j’en fais une fixation, évaluer en toute objectivité la pertinence de Windows Vista à l’école).

Soutien d’ailleurs sans exclusive comme le rappelle ici Benjamin Clerc avec qui nous avons échangé sur le projet de Forum des enseignants innovants sans lui demander de changer de modèle économique ou de célébrer les vertus de Office pour l’enseignement des maths.

L’un des ces échanges a d’ailleurs eu lieu au siège de Microsoft France pour l’inviter à participer au premier Forum des Enseignants Innovants. Je note que vous utilisez une fois de plus l’expression modèle économique alors que le plus important ici est de ne pas demander à Sésamath de changer de modèle pédagogique (qui repose en grande partie sur l’échange, le partage et la collaboration induites par les licences libres).

Et pour finir, bravo bien sûr pour ce travail minutieux où les faits sont exacts, jusqu’à l’absurdité des éléments juridiques que nous corrigerons pour ce qui relève de nous.

Content de vous l’entendre dire. Comment expliquez-vous que ces absurdités soient restées si longtemps sur le site sans que personne ne s’en émeuve ? Soit les enseignants de Projetice n’ont pas la culture des licences (de sites web, de documents et de logiciels) et je trouve cela assez inquiétant, soit ils vous ont donné toutes les clés pour pondre le site web de leur association et c’est cette confiance aveugle qui est alors préoccupante.

Bon et puis : « un costard-cravate de Microsoft » ? plutôt pas beaucoup chez Microsoft… je vous invite quand vous le souhaitez pour vérifier dans nos bureaux et prolonger cet échange…

Avec plaisir ! (et je m’excuse a postériori pour ce costard-cravate un brin méprisant)

Je reste disponible pour débattre et avancer avec l’anonyme aKa, et même pour organiser une rencontre-débat si vous le souhaitez sur ces questions légitimes à propos desquelles on doit pouvoir faire mieux que des colonnes de commentaires anonymes sur des blogs… non ?

Je tope là 🙂

Notes

[1] Crédit photo : Stewart (Creative Commons By)

[2] April : Promouvoir et défendre le logiciel libre.

[3] Une intervention de Bastien Guerry, faisant suite à celle de Hybrid Son Of Oxayotl, dans les commentaires du billet Projetice ou le cas exemplaire d’un partenariat très privilégié entre Microsoft et une association d’enseignants.

[4] Lien Wikipédia sur le jeu Age of Empires.

[5] Dépêche AFP du 27 février 2008 (via Google Actualités) : Microsoft : l’UE impose une nouvelle amende record de 899 millions d’euros.

[6] Communiqué de l’April du 28 février 2008 : Consommation : vers une multiplication des procès pour le remboursement des « Racketiciels » dont voici un extrait. « En prétendant suivre la demande, les constructeurs ne font que la conditionner. Ceci est d’autant plus inadmissible qu’un nombre toujours croissant de consommateurs, à l’image des administrations, de nos députés, et surtout des entreprises, se tournent vers des solutions alternatives et que le logiciel phare de Microsoft, Vista, est particulièrement décrié et rejeté par le public. Les ventes par millions revendiquées par Microsoft ne doivent donc pas faire illusion : elles sont imposées au moyen de la vente liée. »

[7] Becta (the British Educational Communications and Technology Agency) has conducted a review of Microsoft’s Vista and Office 2007 products. It draws conclusions on whether to upgrade, how to upgrade and document interoperability between home and school.




De la politique migratoire contradictoire des polices européennes

Un titre un peu obscur pour évoquer en vidéo une sorte de chassé-croisé entre une police française (la gendarmerie nationale) et une police belge (de la zone de Bruxelles-Midi). En effet quand l’une fait le choix de passer de la suite bureautique propriétaire Microsoft Office à la suite bureautique libre OpenOffice.org[1] l’autre inverse le mouvement en faisant machine arrière.

Ces flux migratoires opposés sont décrits dans les deux reportages que nous avons reproduit ci-dessous. Même format (ne dépassant pas les deux minutes), même structure (voix off descriptive ponctuée par des entretiens d’un responsable des opérations) mais pas la même conclusion !

Nous les avons accompagnés de leur retranscription écrite histoire de mieux évaluer à froid les arguments et éventuellement d’ouvrir un petit débat dans les commentaires…

De Microsoft Office à OpenOffice.org

—> La vidéo au format webm

Un reportage réalisé par Sia Conseil et glané sur YouTube. Date : novembre 2006 (me semble-t-il).

Retranscription :

« Marie de Paris, ministère des finances, gendarmerie nationale, de plus en plus de services de l’État travaille sous logiciel libre. Un logiciel libre c’est l’inverse d’un logiciel propriétaire, quiconque en possède une copie a en effet le droit de l’utiliser, le modifier, l’améliorer et le redistribuer. La suite bureautique de la gendarmerie nationale a ainsi entièrement migré sous Open Office. Un changement qui a mis fin au problème de communication entre les services informatiques des différentes agences de la sécurité intérieure.
Les logiciels libres portent aujourd’hui les standards, c’est-à-dire des normes qui sont libres, ouvertes et que tout le monde peut utiliser. Ces normes là n’appartiennent pas à un industriel ou à un éditeur.
Autre avantage le libre permet de faire d’importantes économies, ce qui est loin d’être négligeable.
Pour qu’un gendarme bénéficie de toutes les possibilités, on est obligé d’avoir un certain nombre de fonctionnalités. Si pour chaque fonctionnalité on fait appel à un logiciel particulier et qu’on paie la licence, au bout du compte ce sont des centaines de milliers de licences qu’on va être obligé d’acheter. Puisqu’aujourd’hui notre intranet, fin de l’année, est ouvert aux cent mille gendarmes. Donc si demain vous me vendez un logiciel même si il est génial et si vous me dites c’est cent euros par utilisateur ou cent euros par poste on a soixante-dix mille postes, ça veut dire que c’est déjà une facture de sept millions d’euros.
Un argument de poids qui n’a pas fini de séduire et dans le public et dans le privé. La fin du monopole des logiciels propriétaires est donc plus qu’annoncée. »

De OpenOffice.org à Microsoft Office

Un reportage glané sur Microsoft Get the facts Belgique et Luxembourg. Date : non trouvée.

Retranscription :

« En fin d’année dernière, pour des raisons d’économie, la zone de police Midi choisissait Open Office pour ses traitements de textes et tableurs. Très rapidement, les agents de police firent toutefois état de leur insatisfaction au sujet de ces nouvelles applications bureautiques. Ils se plaignaient par exemple de l’interface graphique du progiciel ou du fait qu’ils n’y retrouvaient pas toutes les fonctions qu’ils utilisaient dans Microsoft Office.
Les choses se sont passées en douceur mais pas pour les utilisateurs qui n’étaient pas familiarisés avec l’interface graphique. Ils étaient incapables de trouver les applications ou les fonctions comme c’était le cas avec Microsoft Office.
Les agents de police de ne sont pas des informaticiens et la plupart d’entre eux étaient plutôt désorientés dans le nouvel environnement de travail. Cela provoquait des perte de temps du fait que tout le monde faisait sans cesse appel au helpdesk pour des explications.
Nous recevions beaucoup plus d’appels parce que les utilisateurs n’appréciaient pas les fonctions, ne savaient où procéder à une copie, ce qu’il fallait faire dans telle ou telle circonstance. Nous savions vraiment beaucoup d’appels.
Aujourd’hui la zone de police Midi a installé Microsoft Office 2003, retrouvant, sur ses écrans, les applications bureautiques qui lui sont familères. Bien entendu, le coût total de propriété ne dépend pas uniquement du nombre de licences mais aussi des coûts de formation, de helpdesk et de développements sur la plate-forme de base. La convivialité et l’intégration aident les policiers à passer moins de temps en tâches administratives afin de pouvoir mieux servir les citoyens.
On peut travailler plus rapidement du fait que tout le monde connaît l’application. Plus besoin d’appeler le helpdesk. On perd moins de temps. Les utilisateurs devraient travailler plus vite et plus indépendamment. Par ailleurs, le travail gagnera en qualité. »

Remarques (toutes) personnelles

Premier reportage sur la gendarmerie nationale :

  • Microsoft n’est jamais citée
  • Le réalisateur, Sia Conseil, n’est pas rattaché à une structure d’OpenOffice.org
  • Il est dit : « Un logiciel libre c’est l’inverse d’un logiciel propriétaire » !
  • Ce sont les arguments des standards et du prix qui sont avancés
  • Aujourd’hui la gendarmerie nationale va encore plus loin en planifiant la migration du système d’exploitation Windows vers GNU/Linux (Ubuntu)
  • L’école serait bien inspirée de prendre exemple sur la gendarmerie nationale

Second reportage sur la police de Bruxelles-Midi :

  • Microsoft himself semble avoir réalisée le reportage
  • L’argument des économies réalisées avec OpenOffice.org est repris en ouverture (par contre la question des standards est passée sous silence)
  • Il n’est pas meilleur cadeau fait à Microsoft que de migrer brutalement sans formation et accompagnement
  • Il est possible que les policiers rencontrent des difficultés similaires si ils décident de passer de Microsoft Office 2003 sous Windows XP à Microsoft Office 2007 sous Windows Vista
  • Il est assez étonnant de voir des fonctionnaires de police (« qui ne sont pas des informaticiens ») participer à un publi-reportage
  • À partir du moment où, étant revenu à Microsoft Office, tout se remet en ordre, on voit une voiture de police démarrer à toute allure puisqu’on a ainsi « gagné du temps pour mieux servir les citoyens ».
  • Bruxelles vient tout récemment d’amender Microsoft à hauteur d’un milliard d’euros pour abus de position dominante (ce que l’on peut traduire par la tentative de tenir le plus longtemps possible l’utilisateur sous sa dépendance)

Notes

[1] J’en profite pour rappeler que le nom exact de la suite bureautique libre est bien OpenOffice.org et non Open Office ou OpenOffice.




Le logiciel libre devrait-il être obligatoire à l’école ?

Serge Pouts-Lajus, membre fondateur de l’association d’enseignants Projetice, a tout récemment rapporté l’anecdote suivante dans les commentaires du Framablog.

« Un responsable informatique dans un rectorat m’a dit un jour ceci : le libre, ça devrait être obligatoire. Et le rapprochement de ces deux mots, libre et obligatoire, ne le choquait pas. Je dois avouer que ça m’a un peu glacé. »

Dans le même temps Richard Stallman conclut ainsi ce court extrait vidéo issue d’une conférence qui avait lieu samedi dernier[1].

—> La vidéo au format webm

« …Parce que les écoles ont une mission sociale, la mission d’éduquer la nouvelle génération comme de bons citoyens d’une société forte, capable, indépendante et solidaire, c’est-à-dire les éduquer à utiliser uniquement le logiciel libre. L’école doit enseigner uniquement le logiciel libre. »

Je profite de l’occasion pour reproduire également ci-dessous cet article[2] du même Stallman qui prolonge et précise son point de vue.

Pourquoi les écoles devraient utiliser exclusivement des logiciels libres

par Richard Stallman

Il existe des raisons très générales pour lesquelles tout utilisateur d’ordinateur devrait se focaliser sur les logiciels libres. Ils donnent la possibilité de contrôler notre propre ordinateur, alors qu’avec les logiciels commerciaux l’ordinateur obéit au propriétaire du logiciel – l’éditeur – et non plus au propriétaire de l’ordinateur lui-même. Avec les logiciels libres, les utilisateurs ont la liberté de coopérer, de mieux diriger leur vie. Cela s’applique aux écoles comme à tout le monde.

Mais il existe des raisons spécifiques qui concernent les écoles.

D’abord, les logiciels libres permettent aux écoles d’économiser de l’argent. Même dans les pays riches, les écoles ont un budget très serré. Les logiciels libres donnent aux écoles, comme aux autres utilisateurs, la liberté de copier et de redistribuer les logiciels, si bien que l’Éducation nationale (ou tout système éducatif) peut faire des copies pour tous les ordinateurs de toutes les écoles. Dans les pays pauvres, cela peut aider à réduire la « fracture numérique ».

Cet argument économique évident, quoi qu’important, n’a qu’une portée assez marginale. En effet les développeurs de logiciels propriétaires peuvent éliminer cet inconvénient en donnant des copies aux écoles. Mais attention : une école qui accepte ce « cadeau » risque de devoir payer les futures mises à jour.

Approfondissons donc la question.

L’École devrait enseigner aux élèves des comportements qui profiteront à la société toute entière. Elle devrait promouvoir l’utilisation des logiciels libres tout comme elle promeut le recyclage. Si l’École enseigne les logiciels libres aux élèves (et aux étudiants), ceux-ci les utiliseront encore après la fin de leurs études. Cela pourra aider la société toute entière à échapper à la domination (et à la lamination) par les multinationales. Ces entreprises offrent des versions gratuites de logiciels aux écoles pour la même raison que des compagnies de tabac américaines distribuent des cigarettes gratuites : pour rendre les enfants dépendants[3]. Ils ne feront pas de remises à ces élèves et étudiants après leurs études une fois qu’ils auront grandi.

Les logiciels libres permettent aux élèves et aux étudiants d’apprendre comment les logiciels fonctionnent. À l’adolescence, certains d’entre eux veulent tout apprendre au sujet de leur ordinateur et de ses logiciels. C’est à cet âge que les personnes qui deviendront de bons programmeurs devraient l’apprendre. Pour bien apprendre à écrire des logiciels, les élèves et les étudiants ont besoin de lire beaucoup de code source et d’écrire beaucoup de logiciels. Ils ont besoin de lire et de comprendre de vrais programmes que les gens utilisent réellement. Ils seront extrêmement curieux de lire le code source des programmes qu’ils utilisent.

Le logiciel propriétaire rejette cette soif de connaissance ; il dit « le savoir que tu veux est un secret, l’apprendre est interdit ! » Le logiciel libre encourage tout le monde à apprendre. La communauté du logiciel libre rejette ce « culte de la technologie », qui maintient le grand public dans l’ignorance du fonctionnement de la technologie ; nous encourageons les élèves et les étudiants de tous âges et de toutes origines à lire du code source et à apprendre autant qu’ils veulent savoir. Les écoles qui utilisent les logiciels libres encouragent cela et permettent aux apprentis programmeurs doués de progresser.

La raison suivante est encore plus profonde. Nous attendons de l’École qu’elle enseigne aux élèves et étudiants des connaissances de base et des compétences utiles, mais ce n’est pas son unique mission. La mission la plus fondamentale de l’École est d’enseigner aux gens à être de bons citoyens et de bons voisins pour œuvrer avec ceux qui ont besoin d’aide. Dans le domaine de l’informatique, cela signifie enseigner à partager les logiciels. Les écoles élémentaires, par dessus tout, devraient dire à leurs élèves : « si tu apportes un logiciel à l’école, tu devras le partager avec les autres enfants ». Bien entendu, l’école doit pratiquer ce qu’elle prêche : tous les logiciels installés par l’école devront être accessibles aux élèves pour être copiés, emportés à la maison et redistribués par la suite.

Enseigner l’utilisation des logiciels libres aux élèves et étudiants et prendre part à la communauté des logiciels libres est une forme d’éducation à la citoyenneté. Cela démontre aussi aux étudiants les avantages d’un modèle basé sur le service public plutôt que celui prôné par les ultralibéraux. Les logiciels libres devraient être utilisés à tous les niveaux de l’École.

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Notes

[1] Les enclosures des biens communs : du vivant aux logiciels – Conférence de Richard Stallman et Jean-Pierre Berlan à La Cantine le samedi 23 février, organisé par la Radio du Ministère entité du Labo de la Générale et de BelliGnu/Bellinux.

[2] Traduction : Laurent Bertaud.

[3] La compagnie de tabac RJ Reynolds fut condamnée à 15 millions de dollars d’amende en 2002 pour avoir fourni des échantillons gratuits de cigarettes sur des évènements ciblés sur les enfants. Voir ce lien.