Quand Mozilla participe à la libération de la vidéo

Theilr - CC by-saEt si les vidéos en streaming Flash et le casse-tête actuel des formats (.mov, .wmv, .mpeg, .avi…) ne constituaient qu’une parenthèse dans l’histoire du multimédia numérique ?

Nous n’en sommes pas encore là (loin de là), mais merci à Mozilla, en pleine cohérence avec son manifeste, de contribuer grandement à tenter d’améliorer une situation qui évoluera d’autant plus favorablement que nous, utilisateurs, serons nombreux à lui emboiter le pas[1].

Et quelle satisfaction de voir Mozilla, Wikipédia et Xiph.org (Ogg Theora/Vorbis) s’associer pour construire le monde que nous voulons et non celui que nous avons !

Pourquoi libérer la vidéo ?

Why open video?

Christopher Blizzard – 26 janvier 2009
(Traduction FrenchMozilla : Goofy)

Chacun se rend bien compte que le Web ouvert devient de plus en plus important dans nos relations avec les autres. Nos applications, nos conversations et nos échanges tendent à se passer en ligne, et Mozilla se trouve de plus en plus au cœur même de ce phénomène, bien placée pour définir à la fois la technologie sous-jacente et la pratique des usagers du Web. C’est un rôle crucial, et c’est l’une des raisons pour lesquelles il est important de nous comporter comme une entreprise à but non-lucratif en pleine conscience de notre mission et de notre impact.

En prenant un peu de recul, on se rend compte que l’arrivée du Web ouvert comme plateforme technologique est un phénomène dont l’histoire donne peu d’exemples. L’imprimerie nous a permis de reproduire les connaissances facilement et à bas prix. La télévision et la radio ont abaissé le coût de diffusion des médias. Le Web a fait disparaître la centralisation par de grands médias de masse, et chacun peut maintenant produire et diffuser. Les coûts de reproduction, de diffusion et d’interactivité par des commentaires sont devenus presque négligeables.

Je pense quant à moi que c’est possible grâce aux choix technologiques qui ont été faits dès les premières années de l’évolution du Web. Des formats lisibles par l’être humain, des applications simples fournies avec leur code source et la possibilité pour chacun de publier et de créer. Il n’existait pas en ces temps reculés de tours d’ivoire ni de développeurs professionnels, aussi le processus de création devait-il être simple. La technologie du Web exigeait d’avoir une forme d’esprit très orientée vers la technique, mais vous n’aviez pas besoin d’un long apprentissage pour vous lancer. Si l’on ajoute à ça le principe du bout en bout avec Internet, et le fait que le premier venu pouvait installer un serveur ou un client, cela signifie que le Web n’a pas pris son envol grâce au soutien de grands acteurs, mais est devenu une immense ressource partagée, fondée sur les petits efforts de milliers d’individus.

Il en est résulté une explosion générale de créativité et d’investissements, depuis les simples particuliers jusqu’aux plus grandes entreprises. Chacun peut avoir une impact et chacun peut influencer la technologie du Web. Car quiconque parle la lingua franca (NdT : un langage de communication, comme le latin autrefois, ou l’anglais basique aujourd’hui) du Web peut construire ses propres outils sans demander la permission, vous pouvez trouver des outils pour faire absolument tout vous voulez. C’est véritablement une place de marché très animée.

Mais il existe une exception notable : la vidéo sur le Web. Bien que les vidéos soient disponibles en ligne sur des sites comme Youtube, elles ne bénéficient pas des caractéristiques d’accessibilité au plus grand nombre qui ont assuré au Web sa vitalité et sa diffusion. Et ça se voit. La centralisation a entraîné quelques problèmes intéressants dont les symptômes sont la censure après des violations de DMCA et la concentration excessive du public sur un petit nombre de sites qui ont les capacités et la technologie nécessaires pour héberger des vidéos. Je crois que des problèmes comme ceux que nous voyons autour de YouTube sont l’indice d’un problème bien plus important, celui de l’absence de déconcentration comme de compétition dans les technologies vidéos — ce qui est très éloigné de tout ce qui existe sur le Web d’aujourd’hui.

Selon moi il existe deux choses qui peuvent aider à mener cette décentralisation :

  • Il devrait être facile de comprendre comment passer d’un format de document lisible par un ordinateur à un contenu tel qu’il est présenté à l’utilisateur. Par exemple, convertir un fichier HTML en document, un fichier JPEG en image sur l’écran, ou pouvoir utiliser le protocole HTTP pour télécharger un fichier.
  • Il doit être possible d’implémenter et de distribuer cette technologie sans avoir à demander l’autorisation ou la licence de quiconque. En termes concrets cela veut dire qu’elle doit être disponible sans avoir à payer de droits et sans documentation accablante.

Dans le monde de la vidéo, on trouve des formats qui remplissent la première condition : certains formats sont bien documentés, identifiés et même largement répandus. Mais bien trop souvent ils sont soumis à des droits à payer à l’unité, ou de lourds tributs dès le départ, si bien que la création de contenus sous ces formats (pour les coder) est souvent chère au point d’être prohibitive pour tous, si ce n’est pour des firmes aux poches bien lestées et des startups les mieux dorées sur tranche. Et il existe bien peu de formats vidéo qui remplissent la seconde condition. Ce n’est pas ce genre de décentralisation qui profite au Web. Ce serait plutôt l’inverse.

Nous voilà donc dans cette histoire au moment où Mozilla joue son rôle : voici ce que nous allons faire.

  • Dans Firefox 3.1, nous ajoutons la prise en charge native du conteneur OGG avec les codecs audio et vidéo Vorbis et Theora, pour la balise <video>. Il s’agit d’une des rares associations de formats qui remplisse les deux conditions ci-dessus. Ce ne sont pas des formats parfaits, mais ils sont certainement d’une qualité amplement suffisante pour l’usage de la vidéo sur Internet de nos jours. Et ils vont aller en s’améliorant.
  • Nous assurons également le développement de la vidéo ouverte avec une subvention de 100 000 dollars qui sera gérée par la fondation Wikimedia pour soutenir et développer Theora. Vous pouvez espérer voir sortir de grandes choses de ce financement. Et ce travail finira par profiter tout autant à Firefox.
  • Encore une chose que nous pouvons accomplir : donner pleinement droit de cité à la vidéo sur le Web. Cela signifie que nous pouvons faire des choses avec la vidéo et la faire interagir avec d’autres types de contenus (SVG, Canvas, HTML) comme il était impossible de le faire jusqu’à présent. Nous espérons qu’en libérant la vidéo du carcan imposé par les plugins pour qu’elle puisse jouer en harmonie avec le reste, nous pourrons lancer une nouvelle vague de créativité autour de la vidéo. J’en dirai plus long dans un autre billet.

Nous n’espérons pas qu’en faisant cela nous allons tout changer du jour au lendemain. Loin de là — les changements de cet ordre prennent du temps. Mais nous pouvons certainement jouer notre rôle, du moins rendre possible le développement de ce genre de phénomènes. Nous voulons voir émerger un marché de la vidéo comme nous l’avons vu émerger pour le Web. Telle est notre contribution pour lancer le mouvement.

Notes

[1] Crédit photo : Theilr (Creative Commons By-Sa)




VoD : l’interopérabilité selon TF1

J - CC by-saCe billet d’humeur aurait pu s’intituler « TF1 Vision : parcours du combattant », ou « TF1 Vision / Microsoft, descente aux enfers d’un candide linuxien », et pour développer je vais vous conter les déboires que m’a valu mon addiction aux séries TV.

Plantons le décor. Je n’ai pas la télé et je ne regarde que des DVDs, notamment des séries. Parmi ces séries, il y a LOST, et récemment, j’ai découvert que la saison 5 était disponible sur TF1 Vision, le site de vidéo à la demande (ou VoD) de TF1. Enthousiaste, je me voyais déjà passer quelques soirées à me repaître de vidéos. C’était sans compter sur les efforts conjugués de TF1 et de Microsoft[1] pour me mettre des bâtons dans les roues…

L’autre soir, donc, je m’installe derrière mon PC dans l’idée de télécharger deux épisodes de LOST. Le site de TF1 Vision passe bien sous Ubuntu Hardy, malgré une architecture truffée d’éléments en Flash, et l’inscription au service se déroule sans accroc. Mais lorsqu’on arrive sur la page de téléchargement, ça se gâte.

Un assistant de vérification de compatibilité m’annonce que mon système d’exploitation n’est pas pris en charge :

  1. Système d’exloitation : Votre système d’exploitation est incompatible avec notre service. Nos contenus sont accessibles sous Windows XP uniquement.
  2. Navigateur Internet
  3. Lecteur vidéo
  4. Activation des cookies

Copie d'écran - TF1 Vision

Qu’ils n’aient pas pensé à GNU/Linux ne m’étonne guère, mais qu’en est-il de Mac, qui est quand même en train de tailler de sérieuses croupières à Microsoft ? Le service commercial de TF1 devrait se tenir au courant de l’actualité informatique : Apple avait atteint début 2008 les 4% de part de marché en France et bénéficie depuis d’une progression fulgurante, GNU/Linux reste marginal mais connaît un succès croissant, et arrive en bonne place sur les mini-PC. Étrange de se couper ainsi de dizaines de milliers de clients potentiels…

Ayant gardé une partition sous XP au cas où l’on me confierait une traduction nécessitant un programme n’existant que pour Windows, je reboote et retourne sur le site de TF1 Vision. De retour sur la page de téléchargement, je clique sur le teaser de la saison 5 de LOST, pour un essai gratuit (pas fou, non plus…).

Ce qui donne alors :

  1. Système d’exloitation : OK
  2. Navigateur Internet : Votre navigateur Internet est incompatible avec notre service. Nos contenus sont accessibles avec Internet Exporer 6.0 ou plus.
  3. Lecteur vidéo
  4. Activation des cookies

Copie d'écran - TF1 Vision

Firefox n’est pas pris en charge. Apparemment, Safari, Chrome et Opera non plus. Pour TF1, c’est IE ou rien. Là encore, les concepteurs du site et les types du service commercial sont en retard de quelques années. Ignorent-ils que Firefox représente 25% de parts de marché en France, que Safari et Opera représentent malgré tout un nombre non négligeable d’utilisateurs ?

Désirant pousser le vice jusqu’au bout, je ferme Firefox et ouvre Internet Explorer 7. Encore une fois, ça coince :

  1. Système d’exloitation : OK
  2. Navigateur Internet : OK
  3. Lecteur vidéo : La version de votre lecteur vidéo est incompatible avec notre service. Nos contenus sont accessibles avec Windows Media 10 ou plus.
  4. Activation des cookies

Copie d'écran - TF1 Vision

N’en ayant pas l’utilité, je n’avais pas installé WMP version 11. Bien entendu, nulle mention d’un autre lecteur, même propriétaire. Il est pourtant loin le temps où Windows Media Player régnait sur le marché des lecteurs multimédia. Quicktime, ne serait que pour le streaming, ou VLC et Miro,comptent un bon paquet d’utilisateurs.

En tant qu’utilisateur de Linux, et même en tant qu’ancien utilisateur de Windows XP, je suis révolté qu’on ne me laisse aucun choix pour les programmes à utiliser. Comble de malchance, un bug de Windows Media Player m’a empêché de voir le fichier téléchargé à grand peine.

Avouez que l’on fait mieux comme expérience utilisateur. Certes, je n’attendais pas de TF1 qu’elle publie ses vidéos au format Ogg et sous licence Creative Commons, mais en arriver à un tel point de mépris de l’interopérabilité est attérant. Pour une entreprise commerciale, se couper d’une part grandissante des consommateurs est par ailleurs une stratégie pour le moins singulière. Mais TF1 n’est hélas pas la seule, de nombreux sites ou plateformes de téléchargement ne respectant pas les standards et l’interopérabilité, Apple et iTunes en tête.

Comment faire lorsqu’on est utilisateur de Linux, que l’on utilise Firefox ou Epiphany pour l’Internet et Totem ou VLC pour le multimédia ? Lorsqu’on est utilisateur de Mac et qu’on utilise Safari et Quicktime, sans parler de logiciels libres ? Et même lorsqu’on est sous Windows mais qu’on préfère surfer avec Firefox ou Opera, et lire ses fichiers vidéo avec VLC ou Miro ?

A-t-on alors d’autre choix que l’abstinence ou le téléchargement illégal lorsqu’on est utilisateur de Linux ? En ce qui me concerne, j’ai une furieuse envie d’installer eMule ou d’aller traîner sur The Pirate Bay… Les entreprises privées qui sont les premières à diaboliser le téléchargement illégal devraient peut-être d’abord faire sauter les verrous (au lieu d’en rajouter, on a vu la pirouette qu’a dû exécuter Apple face à l’ineptie et à l’impopularité des DRM) qui empêchent bon nombre d’entre nous d’accéder à leurs services.

Notes

[1] Crédit photo : J (Creative Commons By-Sa)




Allongement des droits de 50 à 95 ans : bon pour les artistes, les Majors, l’Europe ?

Gisela Giardino - CC by-sa« La Commission européenne, par la voix du libéral-rigide Charlie McGreevy, veut allonger la durée des droits des artistes-interprètes à 95 ans contre 50 ans aujourd’hui. Champagne chez Charles Aznavour, Johnny Hallyday et autres chanteurs dont la carrière a débuté à un époque où la télévision était encore un objet de luxe. Leurs premiers tubes, encore vendus aujourd’hui, ne tomberont pas dans le domaine public, selon l’expression dépréciative commune. Ils ne pourront circuler sur des CD pressés par tout un chacun ou être téléchargés sur le Net sans qu’ils puissent réclamer leur dîme. Sur le papier, ce n’est que justice : pourquoi Charles Aznavour devrait-il ne plus toucher un centime de la vente de ses premiers enregistrements ?[1] Comme bien souvent en matière de propriété intellectuelle, les bons sentiments masquent de mauvaises arrière-pensées. »

C’est ainsi que début un éclairant (et édifiant) article de Florent Latrive Qui veut la peau du domaine public pour faire plaisir à Aznavour ? paru il y a près d’un an sur le site des Écrans. Deux autres articles ont suivi sur le même site permettant d’affiner encore la question et son décryptage : Pétition : Contre l’allongement des droits des artistes-interprètes et Musique : 95 ans de droits pour les interprètes.

Quant à nous, dans la mesure où il n’est pas encore trop tard, nous avons décidé de relayer cet appel à mobilisation de l’Electronic Frontier Foundation en traduisant non seulement le récent communiqué ci-dessous mais en sous-titrant également une vidéo expliquant bien de quoi il en retourne et pourquoi il est important de manifester notre réprobation.

Faites passer et n’oubliez pas de visiter le site Sound Copyright pour signer la pétition !

Prolongement des droits d’auteur dans l’UE : aidez les eurodéputés à entendre un autre son de cloche

EU Copyright Extension: Help MEPs Hear the Other Side

Danny O’Brien – 20 janvier 2009 – Electronic Frontier Foundation
(Traduction et sous-titrage Framalang : Olivier, Don Rico, Xavier et Yostral)

À la lecture de la documentation officielle de la Commission européenne sur la directive prévoyant l’allongement du copyright, on pourrait croire que porter la durée des droits des artistes à 95 ans au lieu de 50 en Europe est une décision généreuse sans aucun effet néfaste. C’est sans doute l’image que souhaite en donner le membre de la commission Charlie McCreevy, lui qui incite le Parlement à mettre au vote cette directive au mois de mars de cette année.

Mais les législateurs de Bruxelles n’entendent qu’un seul son de cloche de la part de ce commissaire. C’est pourquoi, dans le cadre de la campagne contre l’allongement de la durée des droits d’auteur, une réunion va être organisée à Bruxelles où vous et vos eurodéputés êtes cordialement conviés.

Les experts en droits d’auteur européens les plus réputés affirment eux-mêmes que la Commission induit en erreur les Conseil et Parlement européens. Nul n’a encore expliqué aux eurodéputés en quoi cette mesure coûterait des milliards d’euros aux consommateurs européens, alors qu’elle ne rapporterait à la plupart des artistes concernés guère plus de trente euros par an, le plus gros des bénéfices revenant aux plus grosses maisons de disques, les majors. Ils ne se sont pas non plus inquiété des dégâts qu’elle infligerait à un domaine public solide et à l’accès démocratique à l’héritage culturel des pays membres.

En tant qu’acteur de la campagne Sound Copyright, l’Open Rights Group organise une réunion publique le 27 janvier à Bruxelles pour fournir aux eurodéputés des informations objectives sur l’allongement de la durée des droits d’auteur. Écrivez à votre eurodéputé pour lui demander d’y assister, ou mieux encore, faites le déplacement et venez donner vous-même votre avis sur la question.

Si vous désirez connaître davantage de détails sur les dangers de l’allongement de la durée des droits d’auteur, rendez-vous sur le site Sound Copyright, ou regardez le guide vidéo ci-après. Envoyez ensuite ces liens à vos amis européens, et écrivez sans plus tarder à votre eurodéputé.

—> La vidéo au format webm

Notes

[1] Crédit photo : Gisela Giardino (Creative Commons By-Sa)




L’ex-chanteur des Tears for Fears explique son choix des Creative Commons

Curt Smith Official - CC byIl y a ceux qui se morfondent à constater la crise actuelle de l’industrie musicale et qui croient naïvement que la loi Hadopi[1] va résoudre leurs problèmes. Et puis il y a les autres, comme le chanteur Curt Smith, qui nous explique calmement et sereinement en quoi les licences Creative Commons sont un choix contemporain simple et pertinent, pour ne pas dire « naturel », quand on souhaite autoriser la diffusion de sa musique sous certaines condition (ici la non exploitation commerciale).

Curt Smith (à ne pas confondre avec Robert Smith) ne vous dira peut-être rien, mais certains vieux (comme moi) se souviennent de son groupe Tears for Fears dont les quelques chansons suivantes bercèrent la jeunesse new wave des années quatre-vingts : Mad Word, Change, Shout ou encore Sowing the seeds of love.

Depuis Curt Smith[2] poursuit une carrière solo et a donc placé son dernier album Halfway, pleased sous licence Creative Commons By-Nc-Sa. Il s’en explique dans cette interview vidéo donnée le mois de novembre dernier sur le site de Dave Harris RetroRewind. La clarté de ses propos associée au climat tendu que fait régner la « menace Hadopi » nous ont donné envie de faire acte de résistance et de subversion en traduisant et sous-titrant[3] ci-dessous le début de l’entretien.

—> La vidéo au format webm

Notes

[1] La loi Hadopi, rebaptisée « Création et Internet », devrait arriver à l’Assemblée nationale fin février. Nous vous suggérons deux sites pour suivre son hacktualité et mieux en décrypter ses tenants et aboutissants : La Quadrature du Net et Numerama.

[2] Crédit Photo : Curt Smith Official (Creative Commons By)

[3] Remerciements Framalang : Olivier pour la transcription, Don Rico pour la traduction, Xavier pour le sous-titrage et Yostral pour le montage final (sacré travail d’équipe !)




Logiciel libre : idée fausse, quand tu nous tiens !

Skpy - CC by-sa On le sait, les préjugés ont la peau dure, et le logiciel libre a bien du mal à se débarrasser de ceux qu’il traîne derrière lui. Quels que soient ces préjugés, d’où qu’ils viennent, il est assez aisé d’y répondre et de les corriger lorsqu’on s’intéresse un tant soit peu au monde du libre, mais la méconnaissance du « grand public » et les efforts des adversaires du libre pour le dénigrer ont ancré ces idées dans l’esprit de pas mal de gens[1].

Il faut croire que les campagnes de FUD de Microsoft et consorts ont porté leurs fruits, même si heureusement des acteurs du libre tels que Firefox, Wikipédia, OpenOffice.org et Ubuntu, entre autres, contribuent à faire connaître davantage les logiciels libres et à transformer les mentalités. Cependant, malgré les progrès accomplis depuis quelques années, la visibilité croissante et l’image positive qu’est en train de gagner le libre, certaines idées fausses perdurent et constituent sans doute un frein à une adoption plus vaste des logiciels et systèmes d’exploitation libres.

Voici donc un article synthétique[2] qui dresse la liste des cinq idées fausses les plus répandues concernant le Libre, et les arguments à y opposer lorsqu’au détour d’une conversation sur Internet ou chez vos amis un vilain troll pointe le bout de son nez…

Comment mal comprendre le Logiciel Libre

How to Misunderstand Free Software

27 juin 2008 – GetGNULinux.org
(Traduction Framalang : Thomas P., Vincent L., Daria et Yostral)

Cinq idées fausses à propos du Logiciel Libre, avec leurs corrections.

1. L’industrie du logiciel ne peut plus fonctionner si les programmeurs ne sont pas payés.

Commençons par un simple fait: les programmeurs de Logiciel Libre aiment être payés, et ils ont tous besoin d’acheter un déjeuner à un moment ou à un autre. Lorsque nous parlons de Logiciel Libre, nous faisons référence à la liberté, pas au prix. En réalité, vous pouvez payer pour obtenir du Logiciel Libre (ou du logiciel à « source ouverte »), que vous pouvez ensuite étudier, modifier et copier à volonté.

Comment est-ce que cela fonctionne ? Vous pouvez voir cela de cette manière : le logiciel est seulement du code, le code est seulement des mathématiques. Lorsque vous voyez le logiciel comme des mathématiques utiles, un langage élaboré, pas comme de la propriété ordinaire, alors il n’y a pas de raison de limiter son utilisation par d’autres.

Comme pour les mathématiques (où personne ne revendiquerait la propriété d’une équation), le logiciel requiert des connaissances avancées pour être adapté, amélioré, appliqué correctement. C’est là que les programmeurs génèrent des revenus : de nombreux clients, en particulier les entreprises, sont prêtes à payer pour des mises à jour de sécurité régulières et des améliorations de logiciel.

Les entreprises du Logiciel Libre bénéficient d’un système de développement très décentralisé avec un grand nombre de contributeurs bénévoles. Les revenus dans l’industrie du Logiciel Libre sont peut-être plus minces que dans sa contrepartie propriétaire, mais ils ne sont en aucun cas négligeables. Au final, les particuliers finissent généralement par utiliser du Logiciel Libre gratuitement.

Le Logiciel Libre n’a pas pour objet de supprimer les motivations des programmeurs. Il s’agit de voir le code comme de la connaissance qui ne doit pas être cachée à l’utilisateur. Cela fonctionne avec un modèle économique différent, grâce auquel de nombreuses entreprises fonctionnent déjà bien.

2. L’innovation est tuée dans le Logiciel Libre.

Une croyance répandue est que si n’importe qui peut copier des idées, l’innovation va être étouffée.

En réalité, la liberté est souvent la clé d’un logiciel innovant et à succès :

  • N’importe qui est autorisé et encouragé à travailler dessus;
  • De nombreuses personnes sont prêtes à participer;
  • Il n’est pas nécessaire de tout ré-inventer, les idées peuvent être améliorées directement.

Les logiciels non-propriétaires apparaissent dans de nombreux domaines, prenons juste quelques exemples :

  • Applications : Firefox (navigateur web), Inkscape (logiciel de dessin vectoriel).
  • Systèmes complets : Apache (serveur web), OpenBSD (système d’exploitation), et bien sûr GNU/Linux.
  • Formats et protocoles : HTML (pages web), BitTorrent (partage de fichiers), ODF (documents bureautiques).
  • Applications serveur : Drupal (Système de gestion de contenu), WordPress (blog).

3. Tout ce qu’on attend d’un logiciel, c’est que ça fonctionne (qui se soucie du code source ?)

Tout le monde devrait se préoccuper de savoir si son logiciel est libre. Imaginez que vous achetez une voiture dont vous avez interdiction d’ouvrir le capot. Peu importe que vous sachiez comment fonctionne une voiture – le fait est que personne ne sera en mesure de vérifier le moteur. Comment pouvez-vous avoir confiance dans votre voiture, si personne ne peut s’assurer qu’elle est fiable, qu’elle ne fuit pas, qu’elle n’est pas nuisible à la société et à l’environnement ?

L’idée est la même avec le logiciel – excepté que le code fait bien plus que de bouger des voitures. Le logiciel fait tourner nos ordinateurs, téléphones, TV, lecteurs multimédia et bien plus encore, transportant de l’information et notre culture.

Le logiciel libre est aussi important que l’expression libre, que le libre marché. Si le logiciel est libre, les utilisateurs en ont le contrôle tout en gardant leur indépendance vis-à-vis de lui.

Bonnes nouvelle : en plus de tout, le logiciel libre aussi, « Ça fonctionne ». Et en fait, bien souvent, il fonctionne mieux. Démarrez votre PC sur un live-CD GNU/Linux, pour essayer un système bien organisé, tout compris, sans installation, afin de vous en rendre compte par vous-même.

4. Le logiciel libre ne respecte par les droits d’auteurs et les logiciels brevetés.

Pour répondre correctement à ceci, nous devons faire une nette distinction entre le droit d’auteur et les brevets. Le droit d’auteur est un droit attribué à l’auteur sur sa création (par exemple le texte d’un livre, ou le code source d’un programme). Un brevet, quant à lui, est un contrôle exclusif enregistré, payé, sur un processus ou l’application d’une idée.

Les droits d’auteur sont très importants dans le logiciel libre. C’est le mécanisme même, central à la GNU General Public License, qui assure que le logiciel demeure libre, et que les auteurs voient leur travail crédité. Les programmes sont sujets à droits d’auteur, qu’ils soient libres ou propriétaires.

N’importe quel auteur de logiciel propriétaire peut facilement vérifier que son droit d’auteur n’a pas été violé dans une application du logiciel libre, puisque son code source est facilement disponible.

Les brevets logiciels, d’un autre côté, sont un concept très controversé. Pour faire bref : il n’y a rien de tel qu’un « logiciel breveté ». En enregistrant un brevet, toutefois, quelqu’un peut revendiquer sa propriété d’un processus. Le brevet s’applique alors à tous les logiciels qui utilisent ce processus, qu’ils soient propriétaires ou libres. Les brevets logiciels :

  • Sont onéreux et sont délivrés seulement quelques semaines après leur application;
  • Sont limités géographiquement (un brevet délivré aux USA est inutile en Europe);
  • Ont une longue durée de vie (souvent 20 ans) dans une industrie qui bouge vite;
  • Sont souvent complètement triviaux (c’est à dire sans innovation réelle).

En tant que tel, ils sont rarement utilisés pour bénéficier aux innovateurs (et en fait, rarement utilisés par les innovateurs eux-mêmes).

On peut dire sûrement que n’importe quelle partie de taille moyenne d’un logiciel viole des brevets, dans plusieurs pays, qu’il soit libre ou non. En fonction de la capacité de la société détentrice à couvrir de lourds frais juridiques et à se défendre contre des actions légales vengeresses, des royalties et des restrictions peuvent être appliquées grâce à ces brevets.

5. Le logiciel libre est comme le communisme.

Les partisans de cette idée soutiennent qu’il ne peut y avoir de propriété privée avec le logiciel libre (ou « Open Source »). Répondons à ceci avec un exemple.

Supposons que vous utilisez une application qui est du logiciel libre, chez vous et dans votre société. Vous trouvez une belle façon de l’améliorer, de telle manière que maintenant avec votre version modifiée, votre ordinateur fonctionne mieux, et vos usines tournent deux fois plus vite !

Cette version modifiée est votre propre version. Vous n’êtes pas obligés d’en parler à quiconque, ni de partager aucun profit que vous avez fait en l’utilisant. Vous exercez simplement votre liberté à utiliser et modifier le logiciel libre.

Ce que demande la licence sur le logiciel libre est que si vous redistribuez le logiciel, alors vous devez le laissez libre. A savoir, si vous vendez des CD avec votre logiciel, ou commencez à laisser des personnes en dehors de chez vous ou de votre société l’utiliser, alors vous devez :

  • Soit donner à chacun les mêmes droits que lorsque vous aviez obtenu le logiciel original, c’est-à-dire, la liberté d’inspecter, modifier et redistribuer la version modifiée;
  • Ou, séparer clairement le logiciel original et vos ajouts secrets (c’est-à-dire que vos ajouts ne doivent rien contenir de l’oeuvre originale).

Vous « possédez » donc davantage un logiciel libre qu’un logiciel propriétaire, dont le concepteur décide de ce que vous pouvez ou ne pouvez pas en faire.

Le logiciel libre n’a rien à voir avec un système politique. Vous pouvez faire tourner du logiciel libre au-dessus de logiciel propriétaire, aussi bien que l’inverse. La licence sur le logiciel libre est simplement un contrat éthique entre le programmeur et l’utilisateur final.

Notes

[1] Crédit photo : Skpy (Creative Commons By-Sa)

[2] Nous avons traduit cet article l’été dernier en ignorant qu’il en existait déjà une version française sur la très intéressante initiative Passer à Linux (dont nous devrions parler plus souvent d’ailleurs). Du coup cela donne deux versions pour le prix d’une !




Tableau numérique interactif et interopérabilité

eBeam - CC byL’usage des tableaux numériques interactifs (TNI, également appelés parfois TBI pour tableau blanc interactif) se diffuse actuellement à l’Éducation Nationale, comme l’illustre par exemple le récent dossier de Sésamath. Personne ne songerait à mettre en cause leur potentiel pédagogique, quand bien même cela demande aux enseignants réflexion et adaptation (sans oublier que cela demande également de l’argent à l’Institution).

Pilotes, logiciels, formats de fichiers… il y a cependant quelques questions à se poser si l’on ne veut pas se retrouver pieds et poings liés autour d’une technologie propriétaire[1].

Le pilote c’est le programme informatique qui va permettre l’interaction entre l’ordinateur et le périphérique (ici le tableau). Il est généralement fourni par le constructeur du périphérique qui a le choix de le placer sous licence libre ou propriétaire et de le proposer pour un ou plusieurs systèmes d’exploitation (Windows, Mac, Linux).
Il y a également les logiciels spécifiques au périphérique, ceux censés en tirer sa substantifique moelle. Par exemple tous les TNI disposent d’un mode « paperboard », c’est-à-dire la possibilité d’envisager le TNI comme un tableau blanc où l’on peut non seulement écrire avec le stylet mais ajouter des images, des médias, des figures interactives, des liens internet, etc. Tout comme les pilotes, ces logiciels peuvent être libres ou propriétaires, liés ou non à un constructeur, disponibles uniquement pour Windows ou pour d’autres OS.
Enfin il y a les fichiers que vous générez avec ces logiciels (par exemple le fichier issu d’une session « paperboard » où vous retrouvez tout ce qui aura été écrit de pertinent sur le TNI pendant la séance et que les élèves sont susceptibles d’emporter avec eux si on leur offre cette opportunité). Ces fichiers ont un format qui là encore peuvent être ouverts ou fermés.

Sachant cela, le cauchemar c’est le TNI A d’un constructeur B disponible uniquement pour le système d’exploitation C (et pas même les anciennes versions de C) et ne pouvant être exploité qu’avec le logiciel propriétaire D (du constructeur B) ne produisant qu’un format de fichier fermé E lié au logiciel D. Enseignants et élèves sont alors obligés d’avoir un ordinateur sous l’OS C avec le logiciel D pour préparer, relire, échanger, modifier et archiver une séance « paperboard ». Quand à l’établissement, le jour où le constructeur B décide ne plus produire et suivre son TNI A et son logiciel D (pour x raisons : la faillite, la production d’un nouveau modèle bien plus mieux mais non compatible avec l’ancien modèle A+D, etc.), il se retrouve dans une position délicate avec tous ses profs et élèves disposant de fichiers au format E désormais illisibles et donc inutilisables.

Et le paradis ? Ce serait le TNI A d’un constructeur B qui proposerait des pilotes libres pour de nombreux OS (dont au moins un OS libre) avec des logiciels exploitant le TNI qui seraient eux aussi sous licence libre et disponibles pour de nombreux OS et qui produiraient des fichiers dans des formats ouverts et donc interopérables.

Quelle naïveté, me direz-vous ! Quel constructeur est en effet assez fou pour remplir ce cahier des charges qui non seulement ne ferait que rallonger le temps de travail (et donc les coûts) mais serait également susceptible de lui faire perdre des parts marché. On ne va tout de même pas offrir ainsi des années de R&D à la concurrence !

Certes. Mais alors le minimum vital à assurer, surtout en milieu non lucratif comme l’école, concerne le format de fichiers. Disposer en effet d’un format de fichiers ouvert, documenté et standardisé permet au plus gros verrou de sauter. Parce que du coup cela permet à tous les développeurs de logiciels pour TNI de se caler et proposer par défaut à leurs utilisateurs le même format pérenne quel que soit le TNI utilisé, l’OS utilisé et le logiciel utilisé (libre ou non).

Et comme il est assez rare de voir les constructeurs éditeurs créer spontanément un format ouvert pour les fichiers issus de leurs logiciels, il convient alors aux clients de leur mettre gentiment la pression pour les pousser soit à libérer leurs formats soit à adopter un nouveau format reconnu pas tous et par là-même interopérable (cf par exemple l’affaire du format OOXML de Microsoft).

Or c’est le Ministère de l’Éducation Nationale française qui est le principal client ici. Il en irait a priori de sa responsabilité. Mais n’ayant visiblement pas accordé une attention soutenue à la problématique des formats de fichiers des suites bureautiques, il ne risquait pas, en l’état actuel de la situation, de se préoccuper de celle des formats de fichiers TNI.

C’est donc une fois de plus vers l’Angleterre que nous nous tournons, et son agence gouvernementale Becta, avec ce récent communiqué intitulé Format de fichiers standard pour les tableaux interactifs : où en sommes nous ? dont nous avons traduit un extrait ci-dessous :

Becta et RM, en consultation avec des fournisseurs de tableaux interactifs, ont élaboré un brouillon de spécifications d’interopérabilité pour un format de fichiers standard destiné aux tableaux blancs interactifs. Notre objectif est de développer un format de fichiers universel qui pourra être adopté comme standard dans toute la branche d’activité.

Les syndicats d’enseignants et de formateurs ont aussi participé à la conception du brouillon de spécifications. Leur contribution vient renforcer l’idée qu’un format de fichiers standard présenterait d’immenses avantages pour la pédagogie, en permettant l’échange de ressources au sein des institutions et entre elles.

Le communiqué renvoie à ce brouillon (draft) où l’on peut lire la chose suivante :

Ce format de fichiers servira de support à du contenu destiné à être visionné sur un grand écran. Puisque la plus grande partie de ce contenu sera conçue pour être interactive, les objets pourront être déplacés dans la page.

L’objectif premier consiste à créer un format que l’on peut ouvrir, modifier, sauvegarder et utiliser avec de nombreux logiciels pour tableaux interactifs, de sorte que le contenu pédagogique puisse être échangé entre établissements. À cet égard, le format doit être d’architecture simple mais adaptable de façon balisée afin d’assurer la compatibilité.

Ce format porte le nom « d’Interactive Whiteboard File Format » (NdT : format de fichiers pour tableaux interactifs), ou IWB en abrégé.

Conclusion : longue vie au format IWB, qui profitera non seulement aux écoles britanniques mais à toutes celles des autres pays qui n’ont pas la chance d’avoir un Becta chez eux.

Notes

[1] Crédit photo : eBeam (Creative Commons By)




La vie est partage (du temps de cerveau disponible)

Nombreux sont les mouvements collectifs dont le message et les valeurs ont été récupérés, détournés, pour ne pas dire dévoyés par la publicité et le marketing.

Prochaine victime potentielle : « la culture libre ».

S’inspirant directement du phénomène des flash mobs, une vidéo de l’opérateur téléphonique T-Mobile (groupe Deutsche Telekom), tournée le 15 janvier dernier à la station Liverpool Street de Londres. Réalisée par l’agence Saatchi & Saatchi, elle a demandé 350 danseurs filmés par de nombreuses caméras « cachées ». Cette chorégraphie fut transformée en spot TV pour être diffusée deux jours après en prime time sur la chaîne de télévision britannique Channel 4.

L’annonce ne comporte aucun texte si ce n’est le slogan final de l’opérateur : « Life’s for sharing »

PS : C’est l’un des buzz du net actuel, mais, à de rares exceptions près, ne comptez pas surtout pas sur la blogosphère pour prendre du recul et se montrer critique. C’est à qui la référencera en premier, accompagnée d’une présentation toujours élogieuse et admirative. Il n’y aurait plus qu’à remercier T-Mobile de nous offrir ce petit moment divertissement en somme.




iPhone 3G : tout ce qui brille n’est pas or

Inottawa - CC byLa communauté du Libre perd parait-il souvent son sens critique lorsqu’il s’agit de promouvoir et défendre le logiciel libre, mais ce n’est rien à côté des adorateurs de l’église Apple dont la lumière est tellement forte qu’elle réussit même à aveugler des geeks venus de l’Open Source.

Tel un lendemain de fête où nous aurions la gueule de bois, cette traduction issue du site de la Free Software Foundation vient fort à propos nous rappeler que nous ne vivons pas forcément dans le meilleur des mondes possibles…[1]

5 raisons d’éviter l’iPhone 3G

5 reasons to avoid iPhone 3G

Johns – 10 juillet 2008 – FSF.org
(Traduction Framalang :Olivier, Goofy et Don Rico)

Les 5 bonnes raisons d’éviter l’iPhone 3G :

  • L’iPhone ferme complètement la porte aux logiciels libres. Les développeurs doivent payer une taxe à Apple qui se retrouve seul à décider de ce qui peut être installé ou non sur les téléphones des utilisateurs.
  • L’iPhone approuve et soutient les Mesures Techniques de Privation (MTP, ou DRM en anglais pour Digital Rights Management).
  • L’iPhone révèle votre position et permet à d’autres de vous suivre à la trace à votre insu.
  • L’iPhone est incapable de lire les formats qui ne sont pas bardés de brevets ou de MTP comme Ogg Vorbis et Theora.
  • L’iPhone n’est pas le seul choix possible. De meilleures alternatives existent sur le marché et elles respectent votre liberté, ne vous espionnent pas, savent lire les formats libres et sont compatibles avec les logiciels libres, comme le FreeRunner par exemple.

« Voici le téléphone qui a changé les téléphones à tout jamais », disait M. Jobs.

On ne saurait être plus d’accord ! Non content d’avoir fait entrer les logiciels propriétaires et les Mesures Techniques de Privation (MTP) dans vos foyers, ce vautour de Jobs s’est maintenant mis en tête de glisser les MTP et les logiciels propriétaires jusque dans vos poches.

Ce n’est pas pour rien que la lumière des projecteurs a été braquée sur l’aspect visuel de l’iPhone. Ce n’est pas pour rien qu’il est si important aux yeux d’Apple d’avoir créé un produit si bien conçu qu’on n’en voit pas les coutures… au point que vous ne pouvez même pas changer la batterie de votre propre téléphone.

Apple, grâce à son savoir-faire en marketing et en design, crée l’illusion que le simple fait d’acheter un produit Apple fait de vous un membre d’une communauté alternative. Mais la technologie qu’ils emploient est délibérément choisie pour maintenir les gens isolés dans leur petite cellule numérique dont Apple est le seul et unique gardien. Si votre fond de commerce repose sur ceux qui paient pour avoir le privilège d’être enfermés, il vaut mieux que la prison ressemble à une prison dorée et que les barreaux ne soient pas trop visibles.

Une seconde, enfermés ? Prison ? C’est un téléphone. Ne va-t-on pas un peu trop loin ?

Malheureusement, non. Ceux qui vont trop loin, ce sont Jobs et Apple. L’iPhone représente une attaque contre des valeurs ancestrales et fondamentales, le droit que nous avons de contrôler ce que nous possédons plutôt que d’être contrôlés par ce que nous possédons, le droit de communiquer et de partager librement avec d’autres, et ce dans le respect de notre vie privée.

L’iPhone sait passer des appels, mais ce n’est pas qu’un simple téléphone. C’est un ordinateur à tout faire, un ordinateur plus puissant que ceux qui trônaient sur nos bureaux il y a tout juste quelques années. C’est également un appareil de repérage, et comme tous les téléphones propriétaires disposant de la fonction GPS il peut transmettre votre position sans que vous n’en sachiez rien.

En novembre 2007, 3,3 milliards d’êtres humains dans le monde possédaient déjà un téléphone mobile et ce nombre continue de croître rapidement. Pour nombre d’entre eux, le téléphone devient leur ordinateur principal. Ils en ont un besoin vital pour communiquer et le gardent sur eux en permanence. De toutes les technologies qui pourraient se retourner contre leurs usagers, celle-ci se révèle une des plus inquiétantes.

Mais il y a une différence majeure entre l’iPhone et les anciens ordinateurs à tout faire : l’iPhone est défectueux, il a été créé ainsi. En théorie il est capable de faire fonctionner toutes sortes de programmes, mais les logiciels et les fichiers qu’il peut lire sont limités par les MTP qu’Apple a nommées FairPlay – ironique n’est-ce pas ?

FoulPlay

(NdT : nous avons gardé le titre original du paragraphe pour qu’il fasse sens avec le « FairPlay » d’Apple, on pourrait le traduire par « Antijeu »)

Les MTP implantées par Apple surveillent votre activité et vous dictent ce que vous avez le droit de faire ou pas. Vous n’êtes pas en droit par exemple d’installer un logiciel qu’Apple n’aurait pas approuvé. Cette restriction vous empêche d’installer des logiciels libres, des logiciels que vous êtes libre de partager, copier et modifier comme le souhaitent leurs auteurs.

Les logiciels libres nous ont apporté des choses passionnantes pour l’ordinateur de bureau, des choses telles que le système d’exploitation GNU/Linux, le navigateur Web Firefox, la suite bureautique OpenOffice.org, le serveur Web Apache qui se cache derrière la majorité des sites Web sur Internet. Pourquoi voudrions-nous acheter un ordinateur qui outrepasse son rôle pour faire obstruction à la liberté de ces créateurs ?

Mais ce système n’est pas la seule action déloyale d’Apple. Les iPhones ne peuvent plus être activés qu’en magasin, bien qu’aux États-Unis la loi stipule que les consommateurs ont le droit de déverrouiller leur téléphone et d’utiliser l’opérateur de leur choix.

Montrer du doigt (et, non, nous ne parlons pas de l’écran tactile)

Jobs voudrait nous faire croire que toutes ces restrictions sont nécessaires. Il prend un air compréhensif et compatissant lorsque nous nous en plaignons et dit qu’elles ne lui plaisent pas non plus. D’après lui, Apple doit les implanter pour notre bien, pour la sécurité de tout le réseau téléphonique et pour nous permettre l’accès à toute la musique et à tous les films que nous voulons.

Mais cela fait maintenant un an et demi que Jobs, sous la pression du public, a pris clairement position contre les MTP et en faveur de la liberté. Et c’est un peu à reculons qu’il a autorisé une poignée de fichiers à être libérés de leurs MTP sur iTunes, mais il n’a par contre pas touché au fait qu’il faille les acheter sur la plateforme propriétaire et infectée de MTP qu’est iTunes. Depuis, il n’a absolument rien fait pour transformer ses paroles en actes concrets. Il continue d’imposer des MTP à travers ses entreprises cinématographiques. Et à présent il les porte aussi sur les logiciels pour téléphones mobiles. On se rend bien compte désormais que ce discours n’était qu’un stratagème pour amadouer l’opposition.

En vérité, des milliers de créateurs de logiciels, de musique et de contenu multimédia désirent partager leur travail plus librement. C’est ironique – avec un i comme inadmissible – car le système d’exploitation d’Apple, OS X, est en grande partie construit sur les bases posées par des personnes qui ont eu la volonté de mettre leur travail librement à la disposition de tout le monde pour qu’il puisse être copié, modifié et amélioré. Quand on laisse aux gens la liberté de bricoler, créer et innover, il en ressort des créations passionnantes et utiles. Certains ont déjà écrit leurs propres logiciels libres pour les plateformes mobiles. Le réseau téléphonique ne s’est toujours pas effondré.

Nous savons que Jobs craint la concurrence, ce pourquoi il fabrique toutes ces menaces et ces excuses. C’est une décision purement économique, et c’est le genre d’économie que nous ne pouvons encourager. Jobs souhaite que l’iPhone vous restreigne car il veut votre argent, et accroître son contrôle est un moyen d’y parvenir. Il veut tirer de vous le maximum et vous en rendre le moins possible tout en maintenant ses coûts au minimum. Il tente d’empêcher les gens d’écrire des logiciels pour l’iPhone pour conserver le contrôle sur les possibilités de l’iPhone. De tels logiciels pourraient corriger les défauts volontaires de l’iPhone, lire des formats alternatifs, montrer aux utilisateurs ce qui est vraiment envoyé par leur téléphone à ceux qui le surveillent ou même empêcher la transmission de ces informations.

À nous de prendre notre futur en main

Heureusement, il nous sera bientôt possible de jouir d’un ordinateur mobile qui sait aussi téléphoner sans avoir à vendre notre liberté à Apple, Microsoft, Blackberry ou qui que ce soit d’autre. Le Neo FreeRunner est un téléphone libre prometteur, développé en coopération avec la communauté mondiale qui est aussi derrière le système d’exploitation GNU/Linux. Ce sont des créateurs qui veulent partager leur travail et qui veulent que vous – comme tous les autres – puissiez faire ce qu’ils ont fait : vous appuyer sur le travail de vos prédécesseurs pour créer de nouveaux appareils qui vous donnent le contrôle.

Jobs s’est lui aussi appuyé sur le travail de ses prédécesseurs, à la différence que lui a fait le choix de couper les ponts pour éviter que d’autres personnes fassent de même. Ses clients se rebiffent : d’après les chiffres d’Apple, en octobre 2007, plus de 250000 iPhones sur les 1,4 millions vendus ont été débloqués par leurs utilisateurs. Jobs pense que cette tendance doit être stoppée plutôt qu’encouragée.

Nous avons le choix. Le FreeRunner n’est pas encore aussi abouti que l’iPhone et il n’est pas aussi beau. Mais en termes de potentiel, le fait qu’il soit soutenu par une communauté mondiale et non par une compagnie avide, malhonnête et obscure lui donne des années-lumière d’avance. Nous pouvons abandonner notre liberté et notre argent pour quelque chose d’attirant en apparence ou bien dépenser un peu plus d’argent, conserver notre liberté et montrer notre soutien à un meilleur modèle économique. Si nous voulons ramener la notion d’éthique dans l’économie, nous devons encourager de telles initiatives. Nous nous construirons un meilleur futur en enrichissant les entreprises qui nous respectent plutôt que celles qui s’en prennent à notre liberté.

Notes

[1] Crédit photo : Inottawa (Creative Commons By)