Une interview de la Team Mème

Ces derniers temps, vous aurez sans doute remarqué que tout plein de mèmes sont venus fleurir et alléger les lignes du Framablog. À cela, point de hasard : nous avons mis sur place une équipe d’élite, chargée d’une mission de la plus haute importance : celle de faire rire nos lecteur·ices. Nous sommes allés interviewer son initiateur et tête pensante, Jean-Simon de la Martinière. Plongée au sein d’une équipe pas comme les autres.

Pour commencer, pourriez-vous définir le terme de « mème » pour nos lecteur·ices ?

En fait, on prononce « mémé ». C’est un terme familier pour désigner une personne âgée. Certains en récusent le terme et d’autres l’acceptent, mais globalement on se comprend. Vous noterez d’ailleurs l’ironie de la chose, puisque l’utilisation abusive de mèmes dans les articles aurait tendance à rendre le contenu moins compréhensible pour les personnes âgées, et on ne se comprend plus.

 

Photo d'une grand-mère regardant un écran d'ordinateur, avec un texte superposé : « la team mémé à l'ouvrage »
L’équipe est ouverte à n’importe qui sachant manier le mulot.

 

La question qui fâche : est-ce que la #TeamMemes s’est créée en rébellion face à l’importance croissante de #TeamChauve ? Y a-t-il un schisme au sein de Framasoft ? #LesGens veulent savoir !

Dans le cas de Framasoft, la team mèmes est la version low-cost de la team chauve. C’est la longueur des écrits de la #TeamChauve qui a créé le besoin de la #TeamMème. Ils sont tellement embourbés dans la longueur de leurs écrits qu’ils ont besoin, de temps en temps, que nous les aidions à simplifier leurs mots. Ce n’est pas un schisme c’est plutôt une aide que nous leur proposons, une béquille (ils ne sont pas tout jeunes, ce qui est paradoxalement le cas pour la team « mémé »). L’ambiance reste bonne entre les deux équipes, on ne peut pas dire qu’il y ait de l’eau dans le gaz (de schisme). En bref, on a encore des cheveux, mais on a moins de caractères.

 

Mème de fusion de Trunks et Son Goten (personnages de Dragon Ball), où la team mèmes fusionne avec la team chauves pour donner le comité communication
Il s’agit avant tout d’un travail d’équipe

 

Quelle différence faites-vous entre un simple mème, et un « mème de qualitay » ?

Il faut savoir que le « mème de qualitay » ne peut être produit que dans des circonstances bien particulières. La plus importante de toutes est qu’il ne peut être produit que durant des horaires de boulot (alimentaire de préférence), avec des collègues passant dans votre dos. Ces circonstances vont générer la dose adéquate d’adrénaline et générer en vous une créativité alimentée par les pirouettes intellectuelles nécessaires pour justifier auprès de votre patron que « si si, vous êtes bien en train de travailler ». Vous l’aurez compris, les circonstances actuelles encourageant le télétravail rendent notre travail bien plus compliqué qu’en temps normal. Attention : je n’essaie pas de justifier les emplois alimentaires pénibles. Seulement, je constate que la meilleure chose qu’ait générée ce genre d’emploi, c’est une hausse dans la qualité générale des mèmes sur Internet. Vous en tirerez vos propres conclusions.

Mais entre nous, la différence entre un bon mème et un mauvais mème, c’est un peu comme la différence entre un bon chasseur et un mauvais chasseur, sauf qu’en cas de mauvais mème, les cyclistes ne risquent rien (mais attention, je rappelle que cet artilke n’est pas un artilke sur le cyclimse.)

 

Mème d'une mouette prenant de plus en plus d'élan pour crier et sous-titré avec « article Framaconfinement », puis « article Framaconfinement illustré de mèmes », ensuite « interview de la team mèmes », et enfin « Interview de la team mèmes illustrée de mèmes »
Un mème pour illustrer la présence de mèmes au sein de l’interview de la team mèmes. On est comme ça nous.

 

Les mèmes ont littéralement envahi les pages du #Framaconfinement ces derniers jours, c’est une véritable reconnaissance pour votre équipe et vous-même. Comment vivez-vous cette soudaine notoriété ?

Bien que ce ne soit pas le fort de mon équipe, nous tentons de rester humbles. Les mèmes produits lors de notre dernière assemblée générale ont prouvé aux yeux du reste de l’association la valeur de mes collaborateur·ices. Ce fut un festival de bons mots, d’éclats d’intelligence et autres traits d’esprit. Tout cela avec beaucoup de sérieux et un grand professionnalisme.

Je ne vais toutefois pas vous surprendre en vous révélant que le coronavirus fut une aubaine pour nous. Rebondissant sur les propos de notre directeur général (que l’on pourrait résumer en « yolo »), nous avons saisi l’occasion d’inonder les articles du Framablog de nos mèmes les plus fameux.

Mais nous ne nous réjouissons pas encore ! Est-ce que nous saurons transformer l’essai ? Les lecteur·ices seront-iels au rendez-vous, comme ils et elles l’ont été pour l’écriture inclusive ? Survivrons-nous au confinement ? Tant de questions et si peu de réponses…

 

Une affiche ambiance retro-pulp intitulée « La nuit des mèmes de l’espace » et sous-titré « Il n'y avait aucun signal de leur arrivée ! Ils n'ont eu aucune pitié ! Ils n'ont fait aucun quartier ! »
Ils arrivent.

 

Vous êtes entouré par une équipe véritablement soudée, experte en la matière. Pouvez-vous nous parler un peu plus longuement de celles et ceux qui rendent tout cela possible ?

Honnêtement, à quoi bon parler de mon équipe alors que l’on peut parler de moi ? Écoutez, je ne dis pas que l’équipe ne fait pas du bon travail, mais il faut savoir que 90% des idées de mèmes viennent de moi. Et puis il faut entendre leurs revendications, à croire qu’il faudrait les payer pour effectuer ce travail ! Les payer, ha ! Je veux bien les applaudir, à la limite, et tous les soirs s’il le faut hein. Ce serait déjà bien comme rétribution, non ?

 

Fry de Futurama tendant une liasse de billets et disant « Tu vois ça le mémeur ? C'est pas pour toi. »
Vous… vous n’étiez pas en train d’enregistrer, si ?

 

Vous l’aurez compris, il s’agissait bien évidemment d’une boutade. Pour en revenir au sujet, bien évidemment que je travaille avec une équipe formidable ! Des jeunes enthousiastes qui savent se satisfaire du nécessaire, force de proposition, qui réussissent à se plier aux contraintes plus qu’exigeantes qu’impose le métier, et cela sans rechigner #dreamTeam.

 

Tout le monde s’interroge ici : quels sont vos secrets pour des mèmes de qualitay comme les vôtres ? Pouvez-vous nous parler de vos workflows de travail ? Quelques conseils pour celles et ceux qui voudraient en reproduire à la maison ?

Il n’y a pas de secret, juste une exigence de rigueur dans la recherche et la documentation : ce sont des dizaines d’heures passées à écumer les tréfonds de Reddit, par exemple. Le mèmage, ce n’est pas un loisir, c’est un état d’esprit. Il faut que ça devienne une partie de soi-même, pour que le bon mème de réaction nous vienne naturellement en tête en lisant n’importe quel texte, n’importe quel commentaire.

Winny l'ourson dans un fauteuil est en t-shirt : « Je glande rien en télétravail », et dans le même fauteuil mais en costard : « Je fais partie de la #teameme »

 

Mes conseils pour reproduire cela chez vous : déjà, attention aux précautions d’usages. Comme le dit l’adage : « si tu mèmes, prends garde à toi ». Une fois intégrée l’idée que l’amour est enfant de beaux mèmes, il faut être prêt à glander, glander, glander, très très longtemps, fouiller les internets jusqu’au bout (je ne vous raconte pas la fin pour ne pas spoiler). r/me_irl ou r/memes sont de bons endroits où commencer. Un petit tour sur Know Your Memes (= « connais ta mémé comme toi mème » dans la langue de Marc Levy) pour se documenter sur les différentes trouvailles. Comme Reddit et KYM restent très anglophones, ne pas hésiter à introduire de la franchouillardise dans vos mèmes (Kaamelott, OSS 117 et n’importe quel politicard à deux sous français sont de bons candidats). Ensuite, mélanger jusqu’à obtention d’une pâte onctueuse, 30 minutes à thermostat 7, et c’est prêt.

 

L'agent OSS 117, sous-titré « Combien de mèmes aujourd'hui ? Juste 117 »

 

Vous possédez un doctorat ès mèmes, pourriez-vous nous en dire plus sur votre cursus ?

Je dirais que c’est d’abord des rencontres, des gens qui m’ont tendu la main, peut-être à un moment où je ne pouvais pas, où j’étais seul chez moi. Et c’est assez curieux de se dire que les hasards, les rencontres forgent une destinée…
Parce que quand on a le goût de la chose, quand on a le goût de la chose bien faite, le beau geste, parfois on ne trouve pas l’interlocuteur en face, je dirais, le miroir qui vous aide à avancer.
Alors ce n’est pas mon cas, comme je le disais là, puisque moi au contraire, j’ai pu.
Et je dis merci à la vie, je lui dis merci, je chante la vie, je danse la vie… Je ne suis qu’amour!
Et finalement, quand beaucoup de gens aujourd’hui me disent : « Mais comment fais-tu pour avoir cette humanité ?», eh bien je leur réponds très simplement, je leur dis que c’est ce goût de l’amour, ce goût donc qui m’a poussé aujourd’hui à entreprendre une construction mèmique.
Mais demain, qui sait, peut-être simplement à me mettre au service de la communauté, à faire le don, le don de soi…

Une photo d'une carte de Uno dont la règle a été changée en « Ne pas citer l'intégralité du monologue d'Otis ou tirer 25 cartes », sur la photo d'à côté on voit un joueur avec beaucoup de cartes en main
L’initiateur de cette interview a tout fait pour éviter cette tirade, mais la pression fut trop forte…

 

Pensez-vous que cette pratique soit disruptive ? Est-elle basée sur une IA, de la Blockchain ou sous-traitez vous à des partners free-lance la partie éco-conception ?

Chez les Framamèmeur⋅euses, on se targue d’être une organisation artisanale, on réalise encore nos mèmes à l’acrylique et à l’encre de Chine. Et puis, on se place sur le marché assez restreint des mèmes à tendance altermondialo-anar, un secteur assez peu exploré par le dipe leurning. On a remarqué que les mèmes basés sur une IA avaient une certaine tendance à la consensualité, à poster des lolcats sans saveur, alors que chez nous on les moule à la louche avec des références à Robespierre #Guillotine2020. C’est une autre ambiance, m’voyez.

 

Image tirée de South Park où un personnage demande à l'autre « Montre-moi sur cette poupée comment tu utiliserais une guillotine »

Des mèmes au sein des articles du Framablog, une équipe dédiée, et maintenant une interview centrée sur le sujet… Est-ce que la blague n’est pas déjà allée trop loin ? Que répondez-vous à vos détracteurs ?

Le principe d’un mème, c’est que si vous vous demandez si c’est allé trop loin, c’est que vous êtes sur la bonne voie. C’est d’ailleurs parfaitement expliqué dans ce tutoriel : https://huit.re/tuto-meme-frama

Réplique de Léodagan dans Kaamelot « Qu’est ce que je réponds aux détracteurs ? » « Moi en général, je réponds merde. En principe, ça colle avec tout »
Diplomatie avant tout.

 

Cet article sent, sonne et ressemble à un poisson ; franchement, vous n’auriez pas pu le sortir le 1er avril comme tout le monde ?

Comment ça, « il est pas frais », mon poisson ? Et puis vous l’avez pas entendu notre Raïs à nous ? « Rien ne sera plus jamais comme avant » qu’il a dit. On a rarement l’occasion de l’écouter, alors quand l’occasion se présente, vous imaginez bien qu’on ne se prive pas.

De toute façon, je dois vous laisser, c’est l’heure du mème. Comme disait ce bon vieux Bobby : « dis, à mémer, consens, va ! »

 

Mèmes réalisés avec les pas du tout libres ImgFlip et Webomator, ne pas laisser à la portée des enfants, respecter la dose prescrite, ne pas faire ça chez soi, et en même temps ne pas sortir de chez soi, laisser les mèmes aux professionnels sinon vous pourriez vous gravement vous fouler le mulot, prière de ne pas nous dénoncer au MEDEF pour empêchage de productiviser en rond. Bisous. Mais de loin, faut pas déconner avec ça.




Juste un autre article sur les licences libres

Dans le cadre du librecours Libre Culture qui a ouvert ses portes le 6 avril 2020 j’ai été amené à produire une synthèse sur les licences libres que je vous livre ici.

À noter : cet article bénéficie désormais d’une version audio.
Merci à Sualtam, auteur de lectureaudio.fr pour cette contribution active.

Le droit d’auteur et les licences libres forment un cadre général qui offre plusieurs régimes possibles pour le contenu publié sur le Web.

Je propose ici une classification en six grandes catégories :

  • contenus à péage monétaire ou publicitaire
  • contenus en accès gratuit tous droits réservés
  • contenus en libre accès quelques droits réservés
  • contenus libres et ouverts avec copyleft
  • contenus libres et ouverts sans copyleft
  • contenus « zéro restriction » (au plus près, voire au-delà, du domaine public)

dessin humoristique de gégé, le Geektionnerd generator : un gars présnte une vaste liste écrite et dit "Auijourd’hui je vous explique les licences libres". Un groupe de personnes lui tourne le dos et s’en va dans l’autre sens

Contenus à péage monétaire ou publicitaire (non FLOSS, non Open Access, all right reserved)

On appelle sites à péage (paywall) les sites mis à disposition par des organisations qui restreignent l’accès au contenu qu’elles publient. Ce sont en général des ayants droit, c’est-à-dire des personnes physiques ou morales qui disposent d’un accord de cession de droits patrimoniaux avec des auteurs.

L’accès au contenu est réservé aux personnes qui acceptent de verser une contrepartie. Usuellement on appelle contenus à péage ceux qui demandent une contrepartie monétaire, mais je propose également d’inclure ceux qui exposent de la publicité et donc demandent une contrepartie attentionnelle. L’accès n’est pas payé en monnaie, il est payé en temps (passé à regarder de la publicité).

On distingue donc :

  • les contenus à péage monétaire : il est nécessaire de payer pour consulter les contenus
  • les contenus à péage publicitaire : il est nécessaire de consulter de la publicité pour consulter les contenus

Le régime de ces contenus est strictement celui du droit d’auteur :

  • L’utilisateur seulement le droit de consulter le contenu (une fois le péage acquitté).
  • Il n’est pas possible de copier le contenu (en dehors des exceptions prévues, comme le droit de citation ou l’exception pédagogique par exemple).

Exemple de sites à péage monétaire (que je consulte) :

  • site à péage monétaire : Médiapart, NextInpact
  • site à péage publicitaire : Numérama

Considérations personnelles sur les sites à péage

« La documentation secrète est une injure faite à la documentation (Briet4, 1951) ». Je souhaite un monde dans lequel tous les documents sont librement accessibles, mais le fonctionnement économique de nos sociétés fait que certains éditeurs ont du mal à proposer d’autres solutions que les péages.

À titre personnel je ne consulte quasiment jamais volontairement de sites à péage publicitaire. J’utilise un bloqueur de publicité et je ne le désactive que très rarement. J’utilise un bloqueur de publicité non pas pour consulter du contenu sans payer le péage publicitaire, mais parce que la structure du Web fait que je suis régulièrement renvoyé vers de tels contenus. J’adopterais volontiers un système qui marquerait mes recherches ou mes liens de telle façon que je puisse choisir de ne pas consulter de sites à péage publicitaire.

Je suis en revanche abonné à quelques sites à péage monétaire.

strip de Nina Paley en 3 images où échangent Mimi et Eunice. "Mon œuvre est libre… sauf pour un usage commercial, c’est le mal, je l’interdis !" dit Eunice en montrant les dents. dans la dernière image toutefois "plus tard", il pleurniche "Ouin ! personne n’arrive à gagner de l’argent sur Internet ! "
extrait de Mimi & Eunice par Nina Paley – Traduction Framalang – Copyheart

Contenus en accès gratuit (non FLOSS, gratis Open Access, all right reserved)

Tout contenu publié sur le Web (sans être associé à une licence) entre dans cette catégorie.

Il s’agit de contenus publics pour lesquels s’applique le droit d’auteur :

  • Chacun peut librement le consulter.
  • Il n’est pas autorisé de le copier sans autorisation de l’auteur ou de l’ayant droit.

Quelques exemples et contre-exemples :

  • C’est le cas de la majorité des contenus publiés par des entreprises privées sur leurs sites web.
  • C’est le cas de la majorité des contenus publiés par les individus sur des supports tels que les blogs, posts de réseaux sociaux, sites personnels, etc.
  • C’est partiellement le cas des archives scientifiques ouvertes comme HAL, dont certains articles sont sous licence libre et d’autres non.
  • Ce n’est la plupart de temps pas le cas des sites publics qui ont de plus en plus obligation de publier leurs données sous des licences libres.
  • Ce n’est pas le cas de Wikipédia qui propose une licence libre.

Considérations personnelles sur l’accès gratuit

Une partie significative, sinon la totalité, de nos documents numériques devraient être a minima disponibles en accès gratuit. Le coût est quasi nul et le bénéfice du partage de l’information très important pour l’humanité.

Cela devrait être le cas notamment :

  • de la totalité des contenus pédagogiques
  • de la totalité des contenus scientifiques
  • de la totalité des contenus relatifs aux lois
  • de la totalité des contenus techniques liées à l’usage des machines
  • etc.

Contenu en libre accès (non FLOSS, libre Open Access, some right reserved)

Les mouvements Creative Commons1(principalement issu du domaine culturel) et Open Access2 (principalement issu du domaine scientifique) ont permis de proposer des licences intermédiaires entre les licences libres (FLOSS3) et les restrictions par défaut imposées par le droit d’auteur.

Les deux principales limites d’usage introduites par les Creative Commons sont :

  • la non autorisation de l’usage commercial (non commercial)
  • la non autorisation de la modification de l’œuvre (non dérivative)

On parle aussi de licences dites some right reserved (quelques droits réservés). On note qu’il ne s’agit pas d’une interdiction d’usage, mais d’une non autorisation à priori. Il est toujours possible d’établir un autre contrat avec l’auteur ou les ayants droit en dehors des droits libérés par la licence.

Exemples :

  • Les licences Creative Commons CC BY-NC, CC BY-ND, CC BY-NC-ND et CC BY-SA-NC comportent la clause non commercial et ou non derivative.
  • La licence éé (Édition Équitable) proposée par C&F Édition autorise la copie au sein du cercle familial et amical, mais ne permet pas la rediffusion massive à des inconnus.
  • À noter que certaines initiatives explorent la notion de licences éthiques, dont l’objectif est de ne pas autoriser certains usages à priori antagonistes avec le cadre éthique des auteurs (industries polluantes, industries de l’armement, partis politiques, etc.) ou d’autoriser uniquement les usages dans des cadres prévus à priori (protection de l’environnement, humanitaire, etc.)

Considérations personnelles sur le libre accès

Le libre accès est un intermédiaire, il en a les avantages et les défauts : c’est une réponse imparfaite à une question mal posée.

On notera que l’initiative éé ou certains projets de licences éthiques sont intéressants pour tenter de concilier volonté de diffusion et tentative de préservation de son modèle économique ou de ses valeurs. Mais ce sont dans les faits plus des projets de communication que des solutions légales, il sera très difficile de les défendre en dehors de cas emblématiques.

Comment définir un cadre « commercial » sur le Web ? Que se passe-t-il si une Scop fait une formation rémunérée pour une association loi 1901 avec des contenus en NC ? Comment décider de ce qui est une modification ou pas ? Que se passe-t-il pour le transcodage d’une vidéo sous licence ND ? On ne peut pas changer la résolution source d’une image sous NC, mais l’utilisateur peut changer la taille de l’image en utilisant le zoom de son navigateur ?

En fin de compte :

  • C’est plus ou moins équivalent à des licences libres pour lesquelles l’auteur aurait affiché : « je libère mon contenu, mais je souhaite qu’il ne soit pas utilisé pour ça et ça ».
  • C’est plus ou moins équivalent à des licences non libres pour lesquelles l’auteur aurait affiché : « je ne libère pas mon contenu, mais si vous êtes dans ce cadre, je suis content que vous l’utilisiez et je ne vous embêterai pas ».

dialogue entre Mimi artiste-peintre devant son chevalet et Eunice avec attaché-case : « le droit d’auteur favorise la création — La création de quoi ? — de procès ! »
extrait de Mimi & Eunice par Nina Paley – Traduction Framalang – Copyheart

Contenus libres avec copyleft (FLOSS, Open Access, copyleft)

Le mouvement libriste est né avec la licence libre copyleft. Cette licence promue par la Free Software Foundation pose les quatre règles fondatrices du logiciel libre (exécuter, étudier, copier, améliorer) dans la mesure où ces règles restent préservées. Il n’est typiquement pas autorisé de procéder à une redistribution qui n’autorise pas elle-même la copie selon les mêmes termes.

Le terme copyleft est un double jeu de mot, dérivation de copyright, droit d’auteur, en « gauche d’auteur » et « laisser copier ».

  • La licence historique de ce mouvement est la licence GPL, largement utilisée dans le monde du logiciel libre.
  • Pour les contenus culturels on peut citer la licence CC BY-SA, pour share-alike ou la Licence Art Libre (LAL).

À noter qu’un logiciel ou contenu libre n’est pas nécessairement gratuit, même si la possibilité de le copier tend en général à des formes de distribution gratuites. On peut avoir à payer un support pour se procurer un livre imprimé par exemple, ou un service, pour bénéficier de l’hébergement d’un service web. La liberté de copier n’est pas en cause, vous pouvez ré-imprimer le livre ou héberger le service par vos propres moyens.

Considérations personnelles sur le copyleft

Il s’agit de la licence que j’utilise le plus couramment, mes cours sont sous CC BY-SA, mon roman sous LAL et les quelques petits bouts de code que j’écris sous GPL.

 

couverture du Framabook de Stéphane Crozat > Traces
NDLR : le roman de Stéphane est beaucoup plus drôle que cet article. ^^

 

Il y a un débat historique entre les licences avec ou sans copyleft. Une terminologie s’est mise en place pour distinguer les logiciels « libres », qui seraient ceux avec copyleft, des logiciels « open source », qui seraient sans copyleft. Cette terminologie est née du fait que les premiers sont promus par la FSF et les seconds par l’OSI (Open Source Initiative). Mais c’est une terminologie discutable, car :

  • avec ou sans copyleft les logiciels sont bien open source,
  • la notion de liberté est ici et ailleurs toujours compliquée à cerner.

Certains argumenteront qu’un logiciel sans copyleft impose moins de restrictions et donc est plus libre ; d’autres que donner la liberté de priver de liberté c’est contraire à la liberté. C’est un débat intense au sein des communautés, je me contente ici de donner mon point de vue.

  • Je considère à priori que moins de règles, c’est mieux, donc j’aurais tendance à préférer en première approche une licence sans copyleft, mais il y a un rapport de force en place qui est problématique. Des acteurs puissants (éditeurs de logiciels et éditeurs de contenus culturels) ont la possibilité de se rapproprier les contributions libres et d’en faire bénéficier leur économie, dont acte. Mais s’ils ont la possibilité en plus d’améliorer ces contributions sans en reverser les améliorations, cela signifie qu’ils peuvent systématiquement prendre des objets libres, les améliorer et les distribuer sans licence libre. Cela aura comme conséquence d’affaiblir les solutions libres et de renforcer les solutions non libres, ce qui est l’exact contraire de l’objectif visé initialement.
    Encore une fois c’est un débat complexe et les opposants au copyleft feront également valoir des arguments intéressants comme le fait que ces éditeurs gardent un intérêt à repartager pour continuer de bénéficier des améliorations apportées par les communautés libristes ou par d’autres éditeurs.
  • Je fais le parallèle avec la notion de discrimination positive, ce n’est pas un choix de conviction, c’est un choix pragmatique, qui va plutôt à l’encontre de l’idée de base (liberté d’usage ou égalité de traitement) mais qui, dans un rapport de force défavorable, paraît nécessaire à l’établissement de la liberté ou l’égalité visées.
  • On a coutume de dire que le terme logiciel libre est mal choisi : ce n’est pas le logiciel qui est libre, mais l’humain qui l’utilise. On peut considérer que le copyleft donne moins de liberté à l’humain, mais plus à l’humanité.

Contenus libres sans copyleft (FLOSS, Open Access, non copyleft)

Les licences libres sans copyleft autorisent tous les usages à priori à condition que l’auteur, ainsi en général que la source et la licence, soient mentionnées. Cela autorise donc en particulier l’intégration d’un code logiciel dans un logiciel propriétaire ou un contenu culturel dans un ouvrage non libre.

  • Les licences MIT ou BSD sont des exemples de licences sans copyleft pour les logiciels libres.
  • La licence CC BY est la licence sans copyleft la plus commune pour les contenus culturels.

comic strip 3 images de Nina Paley avec les deux personnages Mimi et Eunice. Mimi veut retirer sa brique personnelle du mur que vinet de bâtir Mimi avec de la récup et du recyclage. "C’est MA brique" ! Résultat : le mur s’effondre dans la dernière image tandis qu’Eunice s’en va satisfait avec SA brique à la main
Extrait de Mimi & Eunice par Nina Paley – Traduction Framalang – Copyheart (à partager avec <3).

Considérations personnelles sur les licences sans copyleft

Je considère les licences sans copyleft lorsque j’évalue que :

  1. le copyleft peut bloquer ou ralentir des usages que je n’ai pas envie d’empêcher ;
  2. le contenu n’est pas facilement améliorable de toute façon.

Par exemple la vidéo d’une conférence ou d’un cours sera selon moi plus facilement diffusable sous CC BY parce que je n’imagine pas en quoi il est vraiment possible d’améliorer la vidéo. On peut imaginer une coupe d’un segment non pertinent, ou l’incrustation d’éléments complémentaires intéressants, mais on est dans des pratiques très marginales.

Contenus « zéro restriction » (ou Do What The Fuck You Want)

Certaines licences comme la licence Creative Commons Zero (CC0) consistent pour l’auteur à autoriser les usages les plus larges possible dans la limite de la loi. Cela équivaut à mettre volontairement son œuvre dans le domaine public.

La loi empêche dans certains pays, dont la France, de lever toute restriction sur le contenu. Ainsi le droit moral est inaliénable, il n’est donc pas légalement possible d’y renoncer et d’autoriser quelqu’un à utiliser son contenu sans a minima être cité en tant qu’auteur. Le domaine public français consiste en l’épuisement des droits patrimoniaux uniquement, on ne peut donc pas jouer un opéra de Mozart sans dire qu’il est de Mozart.

Techniquement cela revient à dire que des licences comme la CC BY sont les licences les plus permissives possible en France et donc que des licences comme la licence CC-0 sont équivalentes. Notons que c’est vrai pour le moment, mais qu’une évolution future du droit d’auteur vers plus de liberté d’usage (ce qui n’est pas la tendance historique) pourrait permettre aux licences zéro restriction d’ouvrir de nouveau droits.

On notera l’existence de licences « zéro restriction » plus poétiques que la CC0 :

La Copyheart dont le résumé est : Copying is an act of love, please copy, (« Copier est un acte d’amour, veuillez copier »)

La Do What The Fuck You Want to Public License, dont la seule clause, numérotée 0 est : « You just DO WHAT THE FUCK YOU WANT TO » (« Faites exactement ce que vous voulez, bordel ! »)

 

Considérations personnelles sur les licences « zéro restriction »

Ces licences n’ayant pas de valeur légale aujourd’hui différente des licences sans copyleft, leur usage relève avant tout d’un militantisme visant une réforme radicale du droit d’auteur (qu’à titre personnel je partage, considérant que le droit d’auteur fait en réalité plus de mal que de bien, rémunérant trop mal les auteurs, trop bien les éditeurs, entraînant des restrictions d’accès néfastes pour l’accès aux savoirs, et conduisant à une répression inadaptée).

Néanmoins je ne les utilise pas, car elles informent moins bien sur les devoirs de l’utilisateur : en particulier un utilisateur peu averti pourra croire qu’il est effectivement autorisé à faire ce qu’il a envie de faire, ce qui n’est pas vrai.

Mais la plupart du temps, je suis plutôt d’accord : just do what the fuck you want to!

Précision : la loi avant le contrat

Les licences sont des contrats passés dans le cadre juridique du droit d’auteur. La loi étant supérieure aux contrats, les licences libres restent soumises au régime du droit d’auteur. On notera l’adresse de leurs promoteurs qui ont réussi malgré tout à rendre possible une prise de distance d’avec les restrictions imposées par le droit d’auteur, pour ceux qui le souhaitent.

Conclusion : pour interdire il faut une bonne raison et une certaine détermination

Je ne suis pas contre toutes les interdictions en principe, mais je pense que pour interdire quelque chose, il faut une bonne raison et une volonté de faire appliquer l’interdiction. Si vous dites à quelqu’un : ne fais pas ça, alors que vous n’avez pas vraiment d’argument pour interdire et qu’en plus vous ne prenez aucune mesure s’il transgresse votre interdiction… la plupart du temps l’autorisation aurait été plus simple. Le fait pour un créateur de ne pas associer de licence à son contenu équivaut à maintenir les interdictions prévues par le droit d’auteur. Le fait de choisir une licence restrictive équivaut également à interdire quelque chose.

Les licences sont des outils légaux, donc pour choisir une licence avec des restrictions, il faudrait être prêt à poursuivre en justice ceux qui ne les respectent pas. C’est possible, et les associations de promotions des logiciels libres peuvent aider à cela. Mais il faut être prêt à le faire.

Si on n’est pas prêt à le faire, il faut au moins être prêt à dénoncer publiquement l’irrespectueux qui outrepassera les interdictions. C’est également possible. Mais il faut être prêt à le faire.

Si l’on n’est prêt ni pour l’un ni pour l’autre, le choix du cadre le plus permissif est certainement le plus adapté.

 

Merci à Pouhiou de ses retours qui m’ont permis de compléter la fin de l’article.

 

  1. CC (Creative Commons) : Creative Commons est une association à but non lucratif dont la finalité est de proposer une solution alternative légale aux personnes souhaitant libérer leurs œuvres des droits de propriété intellectuelle standard de leur pays.»
  2. OA (Open Access) : Le terme Open Access désigne la possibilité de consulter sans restriction un contenu publié sur le web. Il s’oppose aux contenus soumis à péage (paywall) pour lesquels il existe une contrepartie à la consultation du contenu.

    Pris dans sa généralité l’OA et synonyme de gratis OA et n’implique pas nécessairement le doit de recopier le contenu en Open Access, ce qui est prévu par le libre OA.

  3. FLOSS (free/libre/open-source software) : Le terme FLOSS désigne l’ensemble des logiciels libres au sens de la FSF (par exemple la GPL) et open source au sens de l’OSI (par exemple la BSD). Cela permet de désigner globalement cette classe de logiciels sans entrer dans le détail de leurs licences. Le terme de logiciel libre est souvent utilisé pour désigner globalement les logiciels FLOSS.
    On pourra l’utiliser par extension pour des contenus libres plutôt que des logiciels libres (par exemple les licences CC BY et CC BY-SA).

    On utilise parfois le terme FOSS (free and open-source software) : le terme français libre parait un peu étrange dans l’acronyme anglais, mais il résulte du fait que free est polysémique en anglais et qu’il signifie à la fois libre et gratuit (or c’est ici le sens libre est qui est visé et non gratuit, un logiciel ou contenu libre n’est pas forcément gratuit).
    Gratis OA (Gratis Open Access) : Le terme gratis Open Access désigne la possibilité pour chacun de consulter un contenu sans restriction, et en particulier sans avoir à verser aucune contre partie monétaire ou d’une autre nature.
    En revanche il n’implique pas le droit de copier et redistribuer le contenu, par opposition au libre Open Access qui prévoit ce droit en plus.
    Le terme gratis est préféré en anglais à free qui signifie à la fois libre et gratuit.
    Libre OA (Libre Open Access) : Le terme libre Open Access désigne la possibilité pour chacun de consulter un contenu sans restriction, ainsi que le droit de copier le contenu selon des termes prévus par une licence plus ou moins permissive. Le terme libre est préféré en anglais à free qui signifie à la fois libre et gratuit.

  4. Briet, 1951 : Briet Suzanne. 1951. Qu’est-ce que la documentation ?. Éditions documentaires, industrielles et techniques. http://martinetl.free.fr/suzannebriet/questcequeladocumentation.

 




StopCovid : le double risque de la “signose” et du “glissement”

Nous sommes aujourd’hui très honoré⋅e⋅s de pouvoir publier cet article d’Hubert Guillaud. Depuis de nombreuses années, Hubert Guillaud publie des analyses précieuses autour du numérique sur le site InternetActu.net dont il est le rédacteur en chef (nous vous invitons vivement à découvrir ce site si vous ne le connaissiez pas, et pas seulement parce qu’il est soutenu par nos ami⋅e⋅s de la Fing).

Nous republions ici avec son accord un article initialement publié sur Medium, qui interroge les risques autour de l’application StopCovid.

C’est donc le troisième article que le Framablog publie aujourd’hui sur cette application. Le premier, traduit par le (fabuleux) groupe de traduction Framalang, reprenait les arguments en une dizaine de points de l’organisation AlgorithmWatch. Le second, rédigé par Christophe Masutti, administrateur de Framasoft et auteur de « Affaires Privées, au sources du capitalisme de surveillance », faisait le lien entre (dé)pistage et capitalisme de surveillance.

Pourquoi un troisième article, alors ? D’abord, parce qu’Hubert Guillaud prend le problème de StopCovid sous un autre angle, celui du risque de « faire de la médecine un travail de police », comme le dit l’écrivain Alain Damasio. Mais aussi parce qu’il pose clairement la problématique de notre acceptation de « solutions techniques », en tant qu’individu comme en tant que société. Cette acceptation est d’ores et déjà facilitée (préparée ?) par de nombreux médias grands publics qui présentent StopCovid comme une solution pour sortir plus vite du confinement, à grands coups de sondages auprès d’une population sur-angoissée et mal-informée. « Les algorithmes ne sont pas l’ennemi. Le vrai problème réside dans notre paresse à nous gouverner », nous dit la chercheuse Antoinette Rouvroy, citée dans cet article. Assurons nous de faire l’effort de ne pas être paresseux.

Accéder aux articles déjà publiés dans notre dossier StopCovid

 



L’application StopCovid sera donc basée sur le volontariat et le respect des données personnelles, comme l’expliquaient le ministre de la Santé, Olivier Véran, et le secrétaire d’État au numérique, Cédric O, au Monde. Très bien ! C’est la loi !, a rappelé la CNIL. L’application de pistage massif des Français sera chiffrée et les données complètement anonymisées complète Mediapart. Elle sera une “brique” de déconfinement parmi d’autres (qui n’ont pas été annoncées). On nous l’assure !

Soit ! Mais pour combien de temps ? Quelle sera la durée de cette assurance ? Que dirons-nous quand mi-mai, fin mai, mi-juin, nous n’aurons toujours ni masques ni tests en quantité suffisante (les autres “briques”, je suppose ?) ?

Le risque face à une absence de masques et de tests qui est là pour durer est que cette brique logicielle devienne un peu le seul outil à notre disposition pour “déconfiner”. Que StopCovid, de “brique incertaine” devienne le seul outil prêt à être utilisé, tout comme aujourd’hui l’attestation dérogatoire de déplacement est devenue le seul outil de maîtrise du confinement qu’on renforce d’arrêtés municipaux ou nationaux (quand ce n’est pas d’appréciations liberticides des agents) sans réelle motivation sanitaire (comme l’interdiction de courir ou de faire du vélo ou la fermeture des parcs ou pire encore des marchés : alors qu’on peut organiser des marchés voir des commerces non essentiels comme des accès aux espaces verts avec des règles de distanciations sociales). Et donc que tout le monde souhaite le renforcer : en le rendant peut-être obligatoire et pire peut-être en le rendant accessible au contrôle policier ! Et dans l’urgence et le dénuement, pour sortir d’une crise qui se révèle chaque jour plus dramatique, nul doute que nombreux seront prêt à s’y précipiter !

Le problème principal de StopCovid, c’est de ne reposer sur aucune science ! La seule étude disponible sur le sujet dans Science estime que ce type d’application doit accueillir 60% de la population pour être efficace et être associée à une politique de dépistage — dont nous ne disposons pas !

À Singapour, l’application TraceTogether, qui rassemblait 15% de a population, pourtant couplée au dépistage n’a pas suffi, comme le rappelle Olivier Tesquet pour Télérama ou Margot Clément depuis Hong Kong pour Mediapart : c’est certainement le signe (pas assez fort pourtant) que ce n’est pas une solution.

L’entrepreneur et spécialiste de l’intelligence artificielle Rand Hindi a très clairement exposé le fonctionnement d’une application de ce type, dans un thread sur Twitter !

Il semble y avoir beaucoup de confusion au sujet de l’efficacité et confidentialité de l’app #StopCovid. Je vais ici tenter d’expliquer la techno DP3T sous jacente et pourquoi dépendre du volontariat n’apportera pas les résultats espérés. #privacy #covid19 @cedric_o @olivierveran

— Rand Hindi (@randhindi) April 9, 2020

À lire ce thread (lisez-le !), chacun comprendra que la confidentialité des données ne devrait pas être le problème de cette application si elle respecte les développements prévus ! On semble plutôt là devant une technologie “privacy by design”, conçue pour préserver la vie privée ! Et le déploiement d’un outil aussi respectueux des individus devrait être salué ! Mais les bons points en matière technique ne suffiront pas à pallier les deux risques d’usages que masque StopCovid.

Le risque de la “signose” : “prendre le signal pour la chose” !

Comme s’en désespère la philosophe du droit Antoinette Rouvroy, le coeur du problème de nos outils d’analyse de données, c’est de relever bien plus d’une “signose” plutôt que d’une diagnose. Une signose consiste à “prendre le signal pour la chose”. C’est-à-dire transformer le signe (la barbe) en signal (la radicalisation) ! Souvenez-vous ! C’est le problème fondamental qui se cache dans les outils d’analyse automatisés et que dénoncent sans relâche nombre de spécialistes du sujet, comme la mathématicienne Cathy O’Neil ou Kate Crawford par exemple.

StopCovid transforme la proximité avec un malade (le signe) en signal (vous avez été infecté) pour déclencher une alerte nécessitant un traitement (confinement, test).

Image : illustration schématique du fonctionnement de StopCovid par LeMonde.fr.

Son inverse, la “diagnose”, elle transforme des symptômes (fièvre, test) en diagnostic (positif ou négatif) pour déclencher un traitement (confinement, prescription médicale, soins…).

Le problème de StopCovid comme d’autres solutions de backtracking proposées, c’est de transformer une notion de proximité en alerte. Or, être à proximité d’un malade ne signifie pas le devenir automatiquement ! La médecine a besoin de suivre et confiner les malades, ceux qu’ils contaminent et ceux qui les ont contaminés. Mais cela ne peut pas se faire sur la base de conjoncture, de corrélation, d’approximation, de proximité et de localisation.

Très souvent, le coeur des problèmes des systèmes réside dans les données utilisées et dans les décisions très concrètes qui sont prises pour décider ! Ici, tout le problème de cette proximité réside dans sa définition, sa qualification. Comment est définie la proximité par l’application ? Quelle durée ? Quelle distance ? Quelles conditions ? Quel contexte est pris en compte ? Et pour chacun de ces critères avec quelle précision et quelle fiabilité ? Pour reprendre les termes de Rand Hindi, le fait que Bob ait été à proximité d’Alice ne signifie pas qu’il ait été contaminé ! Si on ne peut pas apprécier les conditions de cette proximité, celle-ci risque d’être peu pertinente ou de déclencher beaucoup de faux positifs. Ou de refléter bien autre chose que l’exposition virus : des conditions sociales inégalitaires : une caissière de supermarché aura bien plus de chance de croiser un malade qu’un cadre qui va pouvoir continuer à limiter ses interactions sociales et ses déplacements. Pourtant, celle-ci est peut-être protégée par un plexiglas, des gants, des masques… des mesures de distanciation pris par son employeur : elle aura croisé des malades sans qu’ils la contaminent, quand le cadre aura pu croiser l’enfant d’un ami (sans téléphone) qui lui aura toussé dessus. Bref, StopCovid risque surtout de sonner bien plus pour certains que pour d’autres ! Toujours les mêmes !

En réduisant le contexte à une distance, à une proximité, StopCovid risque surtout d’être un outil approximatif, qui risque de renvoyer la plupart d’entre nous, non pas à notre responsabilité, mais à des injonctions sans sens. À nouveau, proximité n’est pas contamination : je peux avoir été dans la file d’attente d’un magasin à côté d’un malade ou avoir parlé à un ami malade en gardant les gestes barrières et sans avoir été infecté !

Le risque bien sûr, vous l’aurez compris, est que StopCovid produise énormément de “faux positifs” : c’est-à-dire des signalements anxiogènes et non motivés ! Dont il ne nous présentera aucun contexte : on ne saura pas ni qui, ni quand nous avons été à proximité d’un malade, donc incapable d’apprécier la situation, de lui rendre son contexte pour l’apprécier. Nous serons renvoyés à l’injonction du signal ! Sans être capable de prendre une décision informée (dois-je me confiner ? me faire tester — pour autant que ce soit possible !?).

En fait, quand on regarde un questionnaire d’enquête épidémiologique — par exemple, dans une forme très simple, prenons celui-ci proposé pour des cas de co-exposition au virus, on se rend compte que la proximité n’est pas le seul critère évalué. Les dates, les symptômes, l’état de santé de l’exposé, le degré de relation et sa description sont essentiels. Ils permettent notamment d’évaluer très vite un niveau de risque : faible, modéré ou élevé. Une enquête épidémiologique consiste à répondre à des questions sur ses relations, les lieux qu’on a fréquentés, les gens qu’on côtoie plus que ceux que l’on croise, ceux dont on est proche : qu’on touche et embrasse… L’important n’est pas que le questionnaire comme vous diront tous ceux qui mènent des enquêtes, c’est également la relation, la compréhension d’un mode de vie, d’un niveau de risque (respectez-vous les gestes barrières : assidûment ou pas du tout ?). Bref, l’important, c’est aussi d’introduire du rapport humain dans le suivi épidémique. Ce qu’une appli ne peut pas faire sauf, comme vous le diront leurs promoteurs, en collectant toujours plus de données, en étant toujours plus liberticides, pour qualifier toujours mieux le signe en signal !

Le risque des “glissements liberticides et discriminatoires” : de la contrainte à l’obligation !

Le risque c’est qu’en l’absence de tests, de masques (et cette absence va durer !), StopCovid devienne le seul recours d’une politique sanitaire de catastrophe. Le risque est — comme toujours — de “glisser” d’une signose à une politique. Ce que j’appelle “le glissement”, c’est le changement de finalité et l’évolution des autorisations d’accès. C’est le moteur de l’innovation technologique (une manière de pivoter dirait-on dans le monde entrepreneurial, c’est-à-dire de changer la finalité d’un produit et de le vendre pour d’autres clients que son marché originel). Mais le glissement est aussi le moteur de la surveillance, qui consiste bien souvent à transformer des fonctions simples en fonctions de surveillance : comme quand accéder à vos outils de télétravail permet de vous surveiller. Le risque du glissement consiste à faire évoluer dans l’urgence les finalités de l’application StopCovid, qu’elles soient logicielles ou d’usage. C’est ce dont s’inquiète (.pdf) très justement le comité consultatif national d’éthique en prévenant du risque de l’utilisation de l’application pour du contrôle policier ou du contrôle par l’employeur. Même inquiétude pour La Quadrature du Net et l’Observatoire des libertés numériques : le risque c’est qu’une “telle application finisse par être imposée pour continuer de travailler ou pour accéder à certains lieux publics”.

Or, il n’existe aucune garantie contre ces “glissements”… d’autant plus quand la colère et la crainte, la crise économique, le manque de tests et de masques, la durée du confinement, vont rendre le déconfinement encore plus pressant et l’exaspération encore plus réactive. Le risque le plus évident bien sûr est que votre employeur demande à voir votre application sur votre smartphone chaque matin ! Les commerçants, les bars, les policiers, les voisins… Que StopCovid devienne le “certificat d’immunité”, qu’évoquait dans son plan de déconfinement — tout à fait scandaleusement il me semble — la maire de Paris, Anne Hidalgo (sans compter qu’elle l’évoque comme un moyen de contrôle par l’employeur qu’elle représente, la Ville de Paris !). Le “glissement” le plus insidieux c’est que StopCovid devienne une application non pas obligatoire, mais injonctive. Que la santé de chacun soit à la vue de tous : employeurs, voisins, police ! Que nous devenions tous des auxiliaires de police plutôt que des auxiliaires de santé !

L’autre risque du certificat d’immunité, comme le souligne Bloomberg, c’est de faire exploser nos systèmes de santé par un déconfinement total, massif, calculé, où le seul sésame pour participer au monde de demain serait d’avoir survécu au virus ! Un calcul bien présomptueux à ce stade : Pourquoi ? Parce que pour l’instant, on évalue le nombre de Français immunisés par le virus à 10–15% pour les évaluations les plus optimistes, d’autres à 1,5 million soit seulement 2% de la population (et encore bien moins si on rapporte le taux de létalité de 0,37% au nombre de morts). Arriver à 60% d’immunité n’est pas le meilleur pari à prendre à court ou moyen terme !

Dans sa note (.pdf) (complète et intéressante) recensant les différentes techniques de pistage existantes, l’inénarrable Mounir Mahjoubi, ex-Secrétaire d’État au numérique, concédait un autre glissement : celui de l’obligation à utiliser une application comme StopCovid. Pour atteindre le taux d’usage de 60% de la population, Mahjoubi soulignait que “les autorités pourraient être ainsi être tentées de recourir à des mesures coercitives pour motiver l’installation”. Dans son analyse l’entrepreneur Rand Hindi arrivait à la même conclusion, en pire : rendre l’application obligatoire et faire que les autorités puissent accéder aux personnes qui reçoivent une alerte pour leur “appliquer” un confinement strict ! C’est-à-dire lever la confidentialité de l’état de santé, rien de moins.

L’application — pourtant “privacy by design” — n’est pas encore déployée que déjà on nous prépare aux glissements, autoritaires ou contraints ! Le risque bien sûr est de passer d’un contrôle des attestations à un contrôle de l’application ! Un élargissement continu de la pratique du contrôle par la police qui a tendance à élargir les dérives… Ou, pour le dire avec la force d’Alain Damasio : “faire de la médecine un travail de police”.

Le risque enfin c’est bien sûr de faire évoluer l’application par décrets et modification successive du code… pour finir par lui faire afficher qui a contaminé qui et quand, qui serait le meilleur moyen d’enterrer définitivement nos libertés publiques !

Le risque du glissement, c’est de croire qu’en lançant StopCovid nous pourrons toujours l’améliorer. C’est de croire, comme toujours avec le numérique, qu’il suffit de plus de données pour avoir un meilleur outil. C’est de continuer à croire en la surenchère technologique, sans qu’elle ne produise d’effets autres que la fin des libertés publiques, juste parce que c’est la seule solution qui semble rationnelle et qui s’offre à nous !

Le risque, finalement est de continuer à croire que l’analyse de mauvaises données fera pour moins cher ce que seule la science peut faire : mais avec du temps et de l’argent. Le risque, c’est de croire, comme d’habitude que le numérique permet de faire la même chose pour moins cher, d’être un soin palliatif de la médecine. On sait où cette politique de baisse des coûts nous a menés en matière de masques, de lits et de tests. Doit-on encore continuer ?

Le risque c’est de croire qu’une application peut faire le travail d’un médecin, d’un humain : diagnostiquer, traiter, enquêter, apaiser… Soigner et prendre soin. Le risque c’est de rendre disponible des informations de santé de quelque nature qu’elles soient en dehors du circuit de santé et de soin !

Faire de la science !

Face à cette crise, face aux défauts de l’industrie et de la mondialisation qu’elle a révélée tout cru, face à des flux trop tendus, à une compétition encore plus acharnée que jamais, et en attendant que l’industrie parvienne à nouveau à répondre à nos besoins mondiaux, notre seul recours reste la débrouille et la science ! La débrouille, car il risque de falloir faire longtemps avec ce qu’on a. Ou plutôt ce qu’on n’a pas : ni masques, ni tests, ni vaccins !

L’application ne soignera pas. Il va falloir retourner au contact ! Trouver les malades. Les diagnostiquer. Les traiter, enquêter pour remonter les contaminations. “Je ne sais pas faire porter un masque à un point” dit très justement l’épidémiologue Renaux Piarroux. Le confinement va nous donner un répit. Il va nous permettre de faire ce que nous aurions dû faire depuis le début : diagnostiquer et traiter, surveiller et isoler, enquêter pour trouver les personnes en contact… Pour cela, nous ne partirons pas de rien : nous avons Covidom et les techniques de l’enquête épidémiologique. Faire un lent et patient travail que le numérique ne peut pas faire. Modestement. Courageusement. Patiemment.

****

Le numérique ne peut pas tout ! Alors qu’on y a recours comme jamais depuis le confinement, cette crise nous montre que le numérique ne livre pas les produits des Drive, ni n’assure la continuité pédagogique. Il ne repère pas non plus les malades ni ne le soigne. Pour cela aussi, nous avons encore besoin des hommes, des femmes, des premiers de cordée, ceux qui sont aux avant-postes, ceux qui sont essentiels, les irremplaçables («la responsabilité suppose une exigence d’irremplaçabilité”, disait la philosophe Cynthia Fleury).

La fin du confinement est l’occasion d’un recommencement stratégique. Recommençons convenablement : suivons les cas, isolons-les, enquêtons sur leurs relations. Trouvons-les asymptotiques. Surveillons les températures. Testons si c’est possible ! Revenons-en à la science, c’est la seule qui ait fait ses preuves ! Faisons confiance à la débrouille et accueillons là au mieux.

Ce que nous devons garantir en tant que société : c’est que les informations de santé demeurent des informations de santé. Que l’état de chacun face au Covid n’a pas à être communiqué : ni aux entreprises, ni à la police, ni aux employeurs, ni aux voisins ! La santé doit rester à la médecine et la médecine ne doit pas devenir la police. Devant un homme malade, on ne doit pas mettre une application, mais bien un soignant.

Il va nous falloir accepter que tous nos remèdes contre le virus soient imparfaits, qu’aucun ne soit radical. Il va nous falloir apprendre à vivre avec les mauvaises herbes des coronavirus. Il va nous falloir faire avec, car nous n’aurons pas de solutions magiques et immédiates : ni tests à foison, ni masques, ni application magique !

Nous avons besoin de science, d’intelligence, de coopération et de réassurance. Il faut arrêter de terroriser les gens par des discours changeants, mais les aider à grandir et comprendre, comme le souligne, énervé, François Sureau. Ni les injonctions, ni la peur, ni le moralisme ne nous y aideront.

Une chose me marque beaucoup depuis le début de cette pandémie, c’est la colère et l’angoisse des gens, non seulement face à un confinement inédit, face à l’inquiétude d’une crise sans précédent qui s’annonce, mais surtout terrifié par la crainte de chopper ce terrible virus dont on leur parle en continu. Une inquiétude qui n’a cessé d’être aggravée par les injonctions contradictoires des autorités, par les changements de stratégies, les annonces démenties, les promesses non tenues, les retards dans les prises de décision… et plus encore les décisions infantilisantes, sans explications, voire prises en dépit du bon sens épidémique. Une population inquiète parce ce que nous savons que cette crise va durer longtemps et que nous n’avons aucune solution facile et immédiate à disposition. Une population angoissée par la perspective que la pandémie puisse faire 20 millions de morts sur la planète, 230 000 personnes en France (selon le taux de létalité de 0,37% : 230 000 morts, c’est ⅓ de la mortalité annuelle du pays — 600 000 morts par an). Une population rongée à l’idée de se retrouver seule et démunie à l’image de nos aînés, dont les derniers moments nous sont cachés, confisqués à leurs proches, d’une manière foncièrement inhumaine.

Nous avons besoin de décisions claires et sincères, d’explications qui aident à grandir et à comprendre. Nous en sommes loin ! Beaucoup trop loin ! Et j’avoue que de semaine en semaine, c’est ce qui m’inquiète le plus !

Hubert Guillaud




Il n’y a pas de solution, il n’y a que nous

Pouhiou nous partage ici une expérience toute personnelle qui nous fait voir le solutionnisme technologique et les applications de pistage volontaire comme autant de poudres de perlimpinpin.

L’accès à l’ensemble de nos articles « framaconfinement » : https://framablog.org/category/framasoft/framaconfinement/

À noter : cet article bénéficie désormais d’une version audio.
Merci à Sualtam, auteur de lectureaudio.fr pour cette contribution active.

J’ai un aveu à faire

J’ai été magicien. Pas un illusionniste, hein : j’ai été sorcier, un vrai.

J’ai passé quelques années de ma vie dans une troupe de théâtre aux pratiques sectaires où nous avons spiralé dans une illusion de groupe : encens, cristaux, tarots, rituels, animaux totems, esprits-compagnons et âmes en peine à « faire monter », bougies protectrices, anges, énergies… Ça parait choupi-new-age comme ça, mais c’était psychologiquement et émotionnellement intense.

C’est pas facile, pour moi, de ressortir ces vieux souvenirs du placard. Si je le fais aujourd’hui, c’est pour dire à quel point je suis capable de comprendre une personne qui veut croire à la solution magique. L’abracadabra : le pouvoir de créer d’après ses paroles. Cette notion très Disneyienne que « si j’y crois trrrrrrrrès fort, avec toute la fôrce de mon cœur, ça arrivera. »

Pochette de la bande originale du dessin animé Tarzan de Disney
« Tu as le courage d’être fort / Et la sagesse d’être sage. »
Best. Paroles de Disney. Ever

Je connais intimement cette envie impérieuse, en moi, de trouver une solution magique, un deus ex machina, une intervention miraculeuse qui fait que le monde ne sera plus une bataille permanente. Je la connais tellement que je la reconnais dès que je la vois apparaître dans mes communautés et mes écrans.

L’état de guerre dans nos têtes

Pourtant je suis quelqu’un d’intelligent : je le sais, j’ai même des papiers qui le prouvent :p !

Justement, avoir un cerveau qui turbine comme le mien, c’est la garantie d’être encore plus sensible aux manipulations, de foncer encore plus vite dans le mur. La première étape pour retourner mon intelligence contre moi-même est de mettre mon cerveau sur la défensive.

Par exemple, dans ma troupe de théâtre, la croyance que nous étions constamment en état de siège ou de guerre face à une attaque magico-énergétique d’un groupe extérieur (il y avait toujours les « méchants du moment » désignés par ma prof’ de théâtre) faisait que j’ai eu le bide tordu d’angoisse, que j’ai vécu des années avec un cierge allumé en permanence dans mon studio estudiantin, ou que j’ai loupé des cours en fac le matin car je passais une partie de la nuit à faire des rituels magiques.

Extrait du générique d'une série TV, The Magicians, les magiciens
En fiction, c’est génial : vas-y, bingewatche.
À vivre, je recommande pas. Nul. Caca. Zéro étoiles.

Avec le recul, tout cela n’était « que du vrai dans la tête » : cela m’a prouvé que le vrai-dans-la-tête a des conséquences bien vraies-dans-la-vie. Mon esprit en état de guerre et d’auto-défense, persuadé de l’utilité de rituels et autres croyances magiques, a eu une influence tout à fait matérielle sur mon corps, sur mon comportement, sur mes actions et mes relations.

Pas de guerre = pas d’armes de guerre

Cela m’a surpris de voir ces souvenirs enfouis ressortir du placard de ma mémoire. Voir le président de ma république nous répéter que « nous sommes en guerre » comme une incantation, pour implanter ce vrai dans nos têtes, cela m’a fait penser aux manipulations que j’ai subies à cette époque.

Détournement d'une allocution du président remplacé par Miaousse, un Pokémon
Dites-le avec des pokémon.
(détournement trouvé sur le twitter de @franckb22)

Les flics qui contrôlent nos intimités, les drones de surveillance bien en vue dans les JT, la tentation du tracking sur les smartphones des infecté·es… Cela ne m’évoque rien d’autre que les encens, bougies et prières auxquelles nous nous accrochions comme seule solution à cet état de guerre, qui n’existait que dans nos têtes, mais qui existait bel et bien dans nos têtes.

Si nous n’étions pas en guerre, alors nous aurions dû affronter que la vie est injuste, qu’on y tombe malade, qu’on y vieillit, qu’on y meurt #FuckingConditionHumaine. Qu’on hérite d’une éducation, d’une histoire, d’une culture, de structures qui nous dépassent #FuckingConditionSociale. Et que pour se démerder face à tout cela, il n’y a pas de baguette magique, pas de solution miracle. #Fuck

Chercher un raccourci clavier, un cheat code

Je la connais bien, cette envie en moi d’être celui qui a trouvé la warp zone. D’être le petit malin qui a trouvé le passage secret, l’astuce magique, le truc qui évite tellement d’efforts que c’est triché, que « LeS SCieNTiFiQueS Le DéTeSTeNT !!!! ». Cette envie, c’est la faille de mon esprit où peuvent s’engouffrer toutes les arnaques.

La solution miracle, la formule magique, le cheat code, c’est mon dernier rempart avant l’inéluctable : la destruction du monde. Enfin, avant la destruction de mon monde, du monde tel que je le vois, tel que je voudrais qu’il soit.

Car le monde m’emmerde… Il est comme il est, un point c’est tout : c’est rageant !

Or les accidents de la vie (genre : une pandémie) viennent remettre en question l’image que je me fais du monde. Ils me collent le nez dans le caca de mes illusions, et ne me laissent que deux choix : soit accepter de composer avec le monde tel qu’il est, soit inventer une solution magique pour préserver mes illusions.

Animation : une personne fait un geste magique et des paillettes jaillissent entre ses doigts
Pouhiou, 20 ans (allégorie)

La technologie n’est pas la solution

Je ne suis pas le seul. Nous voulons croire aux régimes miracles et crèmes amaigrissantes car autrement il faudrait étudier comment fonctionnent nos corps, et accepter l’effort d’en prendre soin comme ils sont, pas comme on voudrait qu’ils soient. Nous voulons croire au pouvoir de la prière ou de la positivité car autrement il faudrait prendre soin des autres, faire l’effort de les écouter comme iels sont.

Nous voulons croire aux drones-espions-délateurs pilotés par les gendarmes. Car autrement, il faudrait considérer que #LesGens sont des êtres complexes et intelligents qui ne se laissent pas manipuler bien longtemps par la peur et la menace. Il faudrait faire l’effort d’une police de proximité, par exemple, et donc détruire cette vision du monde où la convivialité, où éduquer au civisme, « ce n’est pas le rôle de la police [YouTube] ».

Nous voulons croire aux applications de tracking pistage volontaire. Car autrement, il faudrait faire l’effort de cesser toute activité non essentielle le temps que les dépistages, équipements de protection puis vaccins soient disponibles. Mais pour cela, il faudrait à la fois faire le deuil d’un capitalisme qui a besoin que certains hamsters fassent tourner la roue, ainsi que faire le deuil d’un gouvernement efficace, qui aurait anticipé et qui serait organisé.

Couverture d'une pièce de Théâtre, « Tocante, un cadeau empoisonné », une comédie de Pouhiou
Je me permets de vous recommander la lecture de cette comédie sur le deuil, la mort et le suicide d’un auteur comique que j’aime beaucoup.

Le logiciel libre n’est pas la solution

Faire le deuil de ses illusions, c’est pas facile. Il faut passer l’état de choc et les moments de déni (non mais c’est rien qu’une grippette). Souvent ensuite vient la colère (À QUI C’EST LA PUTAIN DE FAUTE ???), et comme le dit Mémé Ciredutemps : « La colère est une chose précieuse : il faut la mettre en bouteille, pour la ressortir dans les grandes occasions. »

C’est alors qu’arrive le temps des marchandages, le moment où on crie au monde : non mais si j’ai une solution magique, est-ce que je peux pas garder mes illusions ? Juste encore un peu ?

Si on utilise pas Google Classrooms, mais rien que des logiciels libres, on peut faire cours comme si personne n’était traumatisé la continuité pédagogique ?

J’aimerais pouvoir dire que la solution, c’est le logiciel libre. Qu’une application de pistage ne nous fera pas entrer dans la servitude volontaire et la panoptique si elle est sous licence libre. Que des drones libres empêcheraient magiquement les abus de pouvoir et violences policières. Que les communautés du logiciel libre peuvent miraculeusement accueillir les besoins numériques du service public de l’Éducation Nationale.

Mais ce serait du bullshit, de la poudre de perlimpinpin. Ce serait odieusement profiter d’une crise pour imposer mes idées, mes idéaux.

Des personnes en costume de soirée à un cocktail s'esclaffent : « Et ils ont cru qu'un virus allait détruire le capitalisme ! »

À qui profite la solution

Derrière l’élixir magique qui fait repousser les cheveux de la #TeamChauves, il y a le charlatan. Si la plupart de nos mairies ont dilapidé nos impôts dans des caméras de vidéosurveillance dont l’inefficacité a été montrée, c’est parce qu’il y a des entreprises qui font croire à cette solution magique pour vampiriser de juteux marchés publics.

Je laisse les personnes que ça excite le soin d’aller fouiller les papiers et nous dire quels sont les charlatans qui profitent le plus des solutions miracles de la crise actuelle (du « remède magique » à « l’appli de tracking si cool et citoyenne » en passant par les « drones conviviaux des gentils gendarmes »), je ne vais pas pointer des doigts ici.

Dessin satirique d'une personne tenue en laisse par un œil et qui s'écrie « Enfin libre ! » width=

Ce que je pointe du doigt, c’est la faille dans nos esprits. Car cette faille risque de se faire exploiter. Ceux qui ont trouvé la solution magique, celles qui ont la certitude d’avoir LA réponse, ces personnes sont dangereuses car (sciemment ou non) elles exploitent une faille dans nos esprits.

Dans le milieu logiciel, après avoir signalé une faille, il faut trouver un patch, un correctif pour la colmater. Je ne suis pas sûr de moi, mais je crois qu’il faut observer nos envies de croire en une solution magique, et ce qu’elles cachent. Regardons en face ce à quoi il faudra renoncer, les efforts qu’il faudra faire, le soin qu’il faudra prendre, les changements qu’il faudra accepter.

Dessin d'un goéland attaquant un drone — lien vers la Quadrature du Net
D’ailleurs, c’est le moment où jamais de vous intéresser, de partager et de soutenir le travail de nos ami·es de La Quadrature du Net.

Il n’y a pas de solution

Qu’est-ce qu’on fait ? Comment on fait ?

J’ai beau être un sorcier repenti, je suis aussi perdu que quiconque face à cette question (ou alors, si je concluais sur une solution miracle, je ferais la une de Tartuffe Magazine !). Je vais donc me concentrer sur un domaine qui occupe mon plein temps depuis des années : le numérique.

Sérieusement : je me fous que le logiciel soit libre si la société ne l’est pas.

Or, d’après mon expérience, créer des outils numériques conviviaux, émancipateurs… bref éthiques, c’est pas « juste coller une licence libre sur du code ». La licence libre est une condition essentielle ET insuffisante.

Il faut aussi faire l’effort de penser aux personnes dans leur diversité (inclusion), leur intimité (protection), leurs caractéristiques (accessibilité), leurs usages (ergonomie), leur poésie (présentation), leurs pratiques (accompagnement)…

Dessin de gens qui s'entraident — lien vers Contributopia
Toute ressemblance avec notre feuille de route Contributopia est parfaitement volontaire.
Illustration de David Revoy – Licence : CC-By 4.0

C’est là qu’on voit que, comme toute création de l’esprit, le code n’est qu’un prétexte. Ce qui compte, c’est l’humain. Il faut faire l’effort d’apprendre et d’écouter des humain·es, et de s’écouter soi (humain·e) pour pouvoir se remettre en question, et avancer pas à pas.

La loi des poules sans tête

Je me suis extrait, progressivement, du monde des fariboles magiques. Le plus gros deuil que j’ai dû faire en perdant ces illusions, ça a été celui des « Non mais ça, les responsables s’en occupent. », « Non mais les haut-placés font de leur mieux. », « Non mais les gouvernantes veulent notre bien. ». Toutes ces croyances me confortaient, me réconfortaient. RIP ma tranquillité d’esprit, j’ai dû faire face à cette vérité qui pour l’instant ne s’est pas démentie :

Personne ne sait ce qu’il faut faire, tout le monde improvise, nous courons dans la vie comme des poules décapitées.

La loi des poules sans têtes ne s’est pour l’instant pas démentie, dans mon vécu. La bonne nouvelle, c’est qu’elle implique des corollaires assez enthousiasmants, qui ont changé ma vie :

  • Si j’arrête de croire qu’une autre personne s’en chargera, je peux influer sur le petit bout de monde qui se trouve devant moi ;
  • Si je prends la charge d’un sujet, je sais combien c’est énergivore, et j’ai plus de compassion avec les personnes qui ont pris à leur charge d’autres sujets, même quand elles font pas comme je voudrais ;
  • Si je trouve les personnes avec qui je suis à l’aise pour faire des trucs, on peut agrandir l’horizon du bout de monde qu’on est capable de changer ;
  • Si on veut pas de hiérarchie, il faut trouver comment s’écouter les unes les uns les autres, afin de mieux s’entendre ;
  • S’il n’y a pas de personne au-dessus, tout le monde peut résoudre les problèmes que nous vivons ;
  • Si on écoute les vécus, expériences, connaissances et pratiques qui sont partagées autour de nous, on peut expérimenter et faire mûrir des solutions qui font du bien.

Extrait du film « Chicken Run » où des poules organisent une évasion
Quand les poules ont la tête sur les épaules…

Plot twist : la magie était dans nos mains depuis le début

Le plus gros secret que j’ai appris en cessant d’être sorcier, c’est que la magie existe. Annoncer ce que l’on souhaite faire, comment on veut le faire, et l’aide dont on a besoin pour y arriver nous a plutôt bien aidé à concrétiser nos actions, chez Framasoft. Le fait de transformer les paroles en actions concrètes est possible : j’appelle ça de la communication.

En vrai, il s’agit d’abord d’écouter soi, son groupe, son entourage, son monde… puis d’exprimer le chemin qu’on aimerait y tracer, ce que l’on souhaite y faire. Écouter puis exprimer. Dans l’incertitude et la remise en question. La partie magique, c’est que les gens sont gentils. Si tu leur donnes des raisons de te connaître, de te faire confiance, iels vont t’apporter l’aide dont tu as besoin pour tes actions, et parfois plus.

Les gens sont gentils, et les connards en abusent. L’avantage de m’être déjà fait manipuler par des gourous, c’est que je repère les pseudo mages noirs de pacotille à des kilomètres. Celles qui s’expriment et n’écoutent rien ni personne, même pas la énième consultation publique mise en place. Ceux qui sont obligés de rajouter des paillettes à leurs effets, qui font clignoter de la tracking, parce qu’il leur manque un ingrédient essentiel à la magie : notre confiance.

Photo de Pyg qui présente la « disruption » en plagiant la communication d'entreprise
Une description du collectif CHATONS en bullshit langage : nous aussi on pourrait. C’est juste qu’on veut pas.

Il n’y a pas de solution, il n’y a que nous

Si j’applique mon expérience à un « où on va » plus général, mon intuition me dit que la direction à prendre est, en gros, celle où on se fait chier.

Celle où on se bouge le derche pour combattre, éduquer ou faire malgré ces poules sans tête qui se prennent pour des coqs.

Celle où on se casse le cul à écouter le monde autour de nous et celui à l’intérieur de nous pour trouver ce que nous pouvons prendre à notre charge, ici et maintenant.

Celle où on s’emmerde à essayer de faire attention à tous les détails, à toutes les personnes, tout en sachant très bien qu’on n’y arrivera pas, pas parfaitement.

Celle où il n’y a pas de raccourci, pas de solution magique, juste nos petits culs, fiers et plein d’entrain.

À mes yeux la route à choisir est celle qui parait la plus longue et complexe, parce que c’est la voie la plus humaine. C’est pas une solution, hein : c’est une route. On va trébucher, on va se paumer et on va fatiguer. Mais avec un peu de jugeote, on peut cheminer en bonne compagnie, réaliser bien plus et aller un peu plus loin que les ignares qui se prennent pour des puissants.

On se retrouve sur le sentier ?

Promis : la voie est Libre !

Pour Esméralda Ciredutemps
– prends bien soin de toi.




Pour un plan national pour la culture ouverte, l’éducation ouverte et la santé ouverte


Crise ou pas crise, nous avons tout le temps besoin d’un savoir ouvert

La crise sanitaire du coronavirus nous oblige à réévaluer ce qui est fondamental pour nos sociétés. Les personnes essentielles sont bien souvent celles qui sont invisibilisées et même peu valorisées socialement en temps normal. Tous les modes de production sont réorganisés, ainsi que nos formes d’interaction sociale, bouleversées par le confinement.

Dans ce moment de crise, nous redécouvrons de manière aigüe l’importance de l’accès au savoir et à la culture. Et nous constatons, avec encore plus d’évidence, les grandes inégalités qui existent parmi la population dans l’accès à la connaissance. Internet, qui semble parfois ne plus être qu’un outil de distraction et de surveillance de masse, retrouve une fonction de source de connaissance active et vivante. Une mediathèque universelle, où le partage et la création collective du savoir se font dans un même mouvement.

Face à cette situation exceptionnelle des institutions culturelles ou de recherche, rejointes parfois par des entreprises privées, font le choix d’ouvrir plus largement leurs contenus. On a pu ainsi voir des éditeurs donner un accès direct en ligne à une partie des livres de leur catalogue. En France, plusieurs associations de bibliothèques et d’institutions de recherche ont demandé aux éditeurs scientifiques de libérer l’intégralité des revues qu’ils diffusent pour favoriser au maximum la circulation des savoirs et la recherche. Aux États-Unis, l’ONG Internet Archive a annoncé le lancement d’une National Emergency Library libérée de toutes les limitations habituelles, qui met à disposition pour du prêt numérique 1,4 millions d’ouvrages numérisés.

« Personne ne doit être privé d’accès au savoir en ces temps de crise », entend-on. « Abaissons les barrières au maximum ». L’accès libre et ouvert au savoir, en continu, la collaboration scientifique et sociale qu’il favorise, ne sont plus seulement un enjeu abstrait mais une ardente nécessité et une évidence immédiate, avec des conséquences vitales à la clé.

Il aura fallu attendre cette crise historique pour que cette prise de conscience s’opère de manière aussi large.

Cet épisode aura aussi, hélas, révélé certaines aberrations criantes du système actuel.

Ainsi, le portail FUN a décidé de réouvrir l’accès aux nombreux MOOC (Massive Online Open Courses) qui avaient été fermés après leur période d’activité. Ces MOOC « à la française » n’avaient donc, dès le départ, qu’une simple étiquette d’ouverture et vivent selon le bon vouloir de leurs propriétaires.

Pire encore, le Centre National d’Enseignement à Distance (CNED) s’est opposé à la diffusion de ses contenus en dehors de son propre site au nom de la « propriété intellectuelle ». L’institution nationale a envoyé des courriers de menaces à ceux qui donnaient accès à ses contenus, alors que ses serveurs étaient inaccessibles faute de soutenir l’affluence des visiteurs. Voici donc mise en lumière l’absurdité de ne pas diffuser sous licence libres ces contenus pourtant produits avec de l’argent public.

Quelques semaines avant le développement de cette crise, le syndicat CGT-Culture publiait une tribune… contre la libre diffusion des œuvres numérisées par la Réunion des Musées Nationaux. On voit au contraire à la lumière de cette crise toute l’importance de l’accès libre au patrimoine culturel ! Il faut que notre patrimoine et nos savoirs circulent et ne soient pas sous la dépendance d’un acteur ou d’un autre !

Ces exemples montrent, qu’au minimum, une équation simple devrait être inscrite en dur dans notre droit sans possibilité de dérogation :

Ce qui est financé par l’argent public doit être diffusé en accès libre, immédiat, irréversible, sans barrière technique ou tarifaire et avec une liberté complète de réutilisation.

Cela devrait, déjà, s’appliquer aux données publiques : l’ouverture par défaut est une obligation en France, depuis 2016 et la Loi République Numérique. Cette obligation est hélas largement ignorée par les administrations, qui privent ainsi des moyens nécessaires ceux qui doivent la mettre en œuvre dans les institutions publiques.

Mais toutes les productions sont concernées : les logiciels, les contenus, les créations, les ressources pédagogiques, les résultats, données et publications issues de la recherche et plus généralement tout ce que les agents publics produisent dans le cadre de l’accomplissement de leurs missions de service public.

Le domaine de la santé pourrait lui aussi grandement bénéficier de cette démarche d’ouverture. Le manque actuel de respirateurs aurait pu être amoindri si les techniques de fabrications professionnelles et des plans librement réutilisables avaient été diffusés depuis longtemps, et non pas en plein milieu de la crise, par un seul fabricant pour le moment, pour un seul modèle.

Novel Coronavirus SARS-CoV-2
Image colorisée d’une cellule infectée (en vert) par le SARS-COV-2 (en violet) – CC BY NIAID Integrated Research Facility (IRF), Fort Detrick, Maryland

Ceci n’est pas un fantasme, et nous en avons un exemple immédiat : en 2006, le docteur suisse Didier Pittet est catastrophé par le coût des gels hydro-alcooliques aux formules propriétaires, qui limite leurs diffusions dans les milieux hospitaliers qui en ont le plus besoin. Il développe pour l’Organisation Mondiale de la Santé une formule de gel hydro-alcoolique libre de tout brevet, qui a été associée à un guide de production locale complet pour favoriser sa libre diffusion. Le résultat est qu’aujourd’hui, des dizaines de lieux de production de gel hydro-alcoolique ont pu démarrer en quelques semaines, sans autorisations préalables et sans longues négociations.

Beaucoup des barrières encore imposées à la libre diffusion des contenus publics ont pour origine des modèles économiques aberrants et inefficaces imposés à des institutions publiques, forcées de s’auto-financer en commercialisant des informations et des connaissances qui devraient être librement diffusées.

Beaucoup d’obstacles viennent aussi d’une interprétation maximaliste de la propriété intellectuelle, qui fait l’impasse sur sa raison d’être : favoriser le bien social en offrant un monopole temporaire. Se focaliser sur le moyen – le monopole – en oubliant l’objectif – le bien social – paralyse trop souvent les initiatives pour des motifs purement idéologiques.

La défense des monopoles et le propriétarisme paraissent aujourd’hui bien dérisoires à la lumière de cette crise. Mais il y a un grand risque de retour aux vieilles habitudes de fermeture une fois que nous serons sortis de la phase la plus aigüe et que le confinement sera levé.

Quand l’apogée de cette crise sera passée en France, devrons-nous revenir en arrière et oublier l’importance de l’accès libre et ouvert au savoir ? Aux données de la recherche ? Aux enseignements et aux manuels ? Aux collections numérisées des musées et des bibliothèques ?

Il y a toujours une crise quelque part, toujours une jeune chercheuse au Kazakhstan qui ne peut pas payer pour accéder aux articles nécessaires pour sa thèse, un médecin qui n’a pas accès aux revues sous abonnement, un pays touché par une catastrophe où l’accès aux lieux physiques de diffusion du savoir s’interrompt brusquement.

Si l’accès au savoir sans restriction est essentiel, ici et maintenant, il le sera encore plus demain, quand il nous faudra réactiver l’apprentissage, le soutien aux autres, l’activité humaine et les échanges de biens et services. Il ne s’agit pas seulement de réagir dans l’urgence, mais aussi de préparer l’avenir, car cette crise ne sera pas la dernière qui secouera le monde et nous entrons dans un temps de grandes menaces qui nécessite de pouvoir anticiper au maximum, en mobilisant constamment toutes les connaissances disponibles.

Accepterons-nous alors le rétablissement des paywalls qui sont tombés ? Ou exigerons nous que ce qui a été ouvert ne soit jamais refermé et que l’on systématise la démarche d’ouverture aujourd’hui initiée ?

Photographie Nick Youngson – CC BY SA Alpha Stock Images

Pour avancer concrètement vers une société de l’accès libre au savoir, nous faisons la proposition suivante :

Dans le champ académique, l’État a mis en place depuis 2018 un Plan National Pour la Science Ouverte, qui a déjà commencé à produire des effets concrets pour favoriser le libre accès aux résultats de la recherche.

Nous proposons que la même démarche soit engagée par l’État dans d’autres champs, avec un Plan National pour la Culture Ouverte, un Plan National pour l’Éducation Ouverte, un Plan National pour la Santé Ouverte, portés par le ministère de la Culture, le ministère de l’Education Nationale et le ministère de la Santé.

N’attendons pas de nouvelles crises pour faire de la connaissance un bien commun.

Ce texte a été initié par :

  • Lionel Maurel, Directeur Adjoint Scientifique, InSHS-CNRS;
  • Silvère Mercier, engagé pour la transformation de l’action publique et les communs de capabilités;
  • Julien Dorra, Cofondateur de Museomix.

Nous appelons toutes celles et tous ceux qui le peuvent à le republier de la manière qu’elles et ils le souhaitent, afin d’interpeller les personnes qui peuvent aujourd’hui décider de lancer ces plans nationaux: ministres, députés, directrices et directeurs d’institutions. Le site de votre laboratoire, votre blog, votre Twitter, auprès de vos contacts Facebook: tout partage est une manière de faire prendre conscience que le choix de l’accès et de la diffusion du savoir se fait dès maintenant.

Un kit de partage contenant HTML, PDF et captures du texte est disponible ici: http://savoirsouverts.fr/




Framaconfinement semaine 2

Le temps passe à une vitesse en cette période de confinement ! On est déjà jeudi de cette troisième semaine de confinement et on ne publie que maintenant le résumé de nos aventures de la semaine dernière ! Il est vrai que cette seconde semaine a été autant chargée que la première pour Framasoft et que la rédaction de cet article n’était pas notre plus grande priorité. Pouhiou en a commencé la rédaction en cours de semaine et c’est Angie qui se charge de la terminer. Voici donc un article à 4 mains pour garder une trace de ce qui nous anime ces jours-ci.

L’accès à l’ensemble des articles : https://framablog.org/category/framasoft/framaconfinement/

Lundi 23 mars en brèves par Pouhiou

On va pas se mentir : ouvrir son ordinateur le lundi matin, tout lire et tout rattraper quand on a passé le week-end sur une île déserte numérique : wow. Tout le monde chez Framasoft a participé au travail et aux échanges communs, et il y a 42 000 notifications à rattraper. Je n’imagine même pas comment JosephK, qui rentre de 4 semaines de congés, va réussir à s’y retrouver dans tout ce broll !

Aujourd’hui, Lise a pris le temps d’aider AnMarie pour paramétrer son application Plumble sur son smartphone : la carte son de son ordi déconne et l’isole d’autant plus. Désormais, elle est de toute voix avec nous lors des réunions, et ça fait du bien !

Pyg a mis en place un pad de c’est quoi qu’on veut faire, la boite à envies. L’idée, c’est de prendre le temps de ne plus faire pour se poser et réfléchir… et ça, c’est pas gagné ! Mais le monde a changé (c’est notre nouveau mantra), donc c’est le moment d’interroger nos envies et de voir ce que l’on voudrait changer. Par exemple, est-ce qu’on va remettre en question nos plans pour l’année ? Avec le chamboulement que nous venons de vivre, il va falloir faire l’inventaire : qu’est-ce qui va être retardé ? Qu’est-ce qu’on va remettre à plus tard ? Qu’est-ce qu’on va modifier ? Mais ça nous semble encore trop tôt pour être sûr·es de quoi que ce soit.

Le lundi, c’est le jour de la réunion des salarié⋅es, sur notre Mumble. Celle-ci est longue, près de 3 heures, mais on a besoin de parler. J’en sors avec un sentiment de lourdeur, une tristesse (que je crois partagée) qui ne me quitte pas pendant deux trois jours. On ne le dit pas forcément entre nous, ou en tous cas on n’appuie pas dessus, mais le confinement, c’est pas la joie…

Luc ne va vraiment pas mieux niveau santé mais il fait du pain et nous partage ses recettes. Il met à jour Gitlab. Il installe une interface web à Mumble qui le rend d’autant plus pratique, du coup ! (sauf qu’on ne peut pas y créer de salon, mais bon si une personne le crée sur le logiciel pendant que 9 rejoignent le salon depuis l’interface web, ça simplifie 9 fois sur 10 l’usage, alors c’est déjà ça).

Dans la série #LesGens ont du temps, il y a plein de personnes qui essaient d’installer Framaforms (ce doit être une espèce de défi confinement level master ninja du serveur), et qui partagent leurs erreurs avec Théo, ce qui lui permet d’améliorer grandement le process et la doc.

Le projet entraide.chatons.org avance, le forum du collectif fourmille et occupe beaucoup Angie, Pyg et Lise (ainsi que tcit qui bidouille de la démo). Angie sort de chez elle pour la première fois depuis une semaine : aller dans un hypermarché c’est pas la folie, mais se rendre compte qu’ils ont coupé la musique ça fait un bien fou. #UnAutreMondeEstPossible

Mardi 24 mars en brèves et en groumph (toujours Pouhiou)

Depuis hier, Chocobozzz a le nez dans Etherpad et cherche à l’optimiser. Ainsi que MyPads. Et le pire c’est qu’il y arrive le bougre. Genre on a des stats et des graphiques… Comme on le dit dans le métier (et si vous nous pardonnez ce terme technique) : ça poutre !

Avant / après les miracles réalisés par Chocobozz sur nos instances Framapad <3

tcit y travaille avec lui, quand il ne bidouille pas sur l’instance de prise de rendez-vous pour les médecins. Et quand il n’aide pas sur la page entraide.chatons.org . C’est pas possible d’être partout à la fois comme ça : je soupçonne de plus en plus tcit de voyager dans le temps avec le Docteur.

Luc installe un troisième vidéobridge pour Framatalk. Si j’ai bien tout compris, c’est ce qui permet de répartir la charge des vidéo-conférences sur trois serveurs, sur 3 machines à la fois. Et il trouve quand même la pêche pour patcher MyPads et faire des gâteaux au matcha.

Angie, Pyg et Lise sont à fond sur le CHATONS. Et que ça crée des fiches dans la base de données (sous Drupal) pour alimenter la page du projet entraide.chatons.org, et que ça crée des visualisations, et que ça coordonne, et que ça réunionne… Angie trouve quand même le temps de mettre en page l’article annonçant l’ouverture du librecours Culture Libre sur le blog et de faire le point avec Arthur sur son stage de traduction.

Pyg, quant à lui, ouvre aussi une page de notre wiki interne pour y noter les statistiques de fréquentation des services qui se font assaillir depuis le confinement. Histoire de documenter l’écart. Oh, et cet enfoiré (je l’aime, mais c’est un enfoiré) nous fait découvrir le compte twitter de MalaiseTV. On a les yeux qui saignent.

Théo a du mal à s’en remettre et à finaliser son beau README pour Framaforms. Spf s’en remet suffisamment pour intégrer des contributions à la documentation de Jitsi et ajouter la doc écrite par tcit de l’outil de prise de rendez-vous pour les médecins.

Moi, ce mardi, j’arrive à rien et ça me groumphe. J’ai l’impression de passer ma journée à être payé pour tweeter. Pourtant je sais comment ça se passe, hein. Quand j’ai un gros texte à rédiger (genre le journal du framaconfinement de la fin de semaine), je sais que je ne vais arriver à rien le temps que mon cerveau prémâche le boulot en tâche de fond. Mais c’est un problème qu’on a souvent, chez Framasoft : quand on voit tout ce qui est fait par les autres, on a parfois cette peur de ne pas être à la hauteur, d’être dans l’imposture. Alors oui : pour contre balancer on se dit entre nous combien c’est OK de ne pas produire, de ne pas y arriver, voire de rater des trucs. Mais on a beau le savoir, on a beau avoir les mots qui réconfortent, c’est toujours aussi rageant à vivre que de se sentir bloqué dans son boulot… Surtout quand je vois tout ce que font mes collègues.

Mercredi 25 mars par Angie

Ce mercredi, Pouhiou a plus d’énergie qu’hier et prend donc du temps pour rédiger l’article Framaconfinement de la fin de la semaine 1, le faire relire aux membres de l’association et le mettre en forme pour sa publication. Il continue en parallèle à animer nos comptes sur les médias sociaux et fait le constat qu’il trouve #LesGens bien plus sympathiques lorsqu’il est en forme !

Pyg a pris connaissance du long billet de blog d’un de nos membres, Framatophe, et en fait une synthèse pour les autres membres de l’association. Il a aussi continué le travail entamé mardi sur les statistiques de fréquentation de nos services. Et a répondu à de nombreux mails laissés en attente.

25 minutes de la lecture intense ! Il nous fallait bien un résumé de pyg !

Avec tcit, ils ont continué à aider MrFlos, en charge des services de Colibris Outils Libres et ljf de ARN sans-nuage.fr sur la création de la page entraide.chatons.org et j’ai continué à alimenter la base de données afin que tout ce dont nous avons besoin pour cette page soit bien renseigné. C’est une tâche un peu ingrate, très répétitive, qui m’a rappelé mon premier job dans une SS2I au début des années 2000 où je m’étais retrouvée à entrer manuellement en bdd un catalogue papier de modèles de WC à poser !

Du côté de l’équipe technique, le travail pour améliorer les performances d’Etherpad continue : Luc et Chocobozz mettent en place des patchs dans tous les sens ! Tcit continue à mettre à jour la liste des instances sur Framapad et Framatalk. Quant à Théo, il continue à s’occuper de Framaforms, avec l’aide ponctuelle de tcit.

Spf (aka « What’s up doc? »), passe une partie de sa journée à rédiger la documentation sur la version web du logiciel Mumble. C’est quand même bien pratique de pouvoir utiliser Mumble depuis un navigateur sans avoir à installer le logiciel sur son ordinateur ou une application sur son smartphone, même si une partie des fonctionnalités ne sont pas disponibles dans cette version web.

Je passe une partie de la journée à discuter avec des gens ! Maxime du Cinéma Nova m’a appelée pour prendre des nouvelles et m’indiquer que mon intervention au sein de leur structure prévue en mai sera reportée. J’ai aussi eu une réunion sur Mumble avec Stph, Framatophe et pyg pour parler d’un projet tuteuré pour des étudiants de l’UTC.

Jeudi 26 mars en brèves, mais toujours à fond !

Le projet entraide.chatons.org avance toujours : après un point téléphonique entre les protagonistes pour faire le point sur les avancées du projet et lister ce qu’il reste à faire, tcit et pyg continuent à donner un coup de main sur la partie technique tandis que je continue à compléter la base de données et le wiki. Lise nous concocte de très belles petites images de chatons pour illustrer chaque service ! Ça avance bien et ça fait du bien de voir ce chouette projet devenir réalité.

AnMarie continue ses activités administratives et comptables tout en papillonnant de canal en canal au sein de notre messagerie collaborative pour suivre les différents échanges au sein de l’association. Elle a parfois le sentiment d’être un peu submergée par tous ces échanges car depuis le début du confinement, la majorité des discussions au sein de l’association se déroule sur notre Mattermost et ça part un peu dans tous les sens.

Côté technique, Luc installe et paramètre une nouvelle instance de Framadrop, notre outil de partage temporaire de fichiers. Après avoir patché la version française de web.mumble.framatalk.org, il s’occupe aussi de changer le disque dur d’un de nos serveurs et fait du ménage sur un autre qui n’avait pratiquement plus de place. Chocobozzz fixe des plugins Etherpad pour prévoir une mise à jour de nos instances vers la version 1.8. Pouhiou et tcit se chargent de rédiger et mettre en ligne un nouveau message d’information pour le nouveau serveur Framadrop. Et parce que nos services Framatalk et Framapad vont mieux, ils s’occupent aussi de modifier le message existant sur ces services.

Spf, Théo et des membres bénévoles continuent à répondre aux nombreuses demandes des utilisateur⋅ices de nos services, que ce soit sur notre forum ou via notre formulaire de contact.

Pouhiou est très enthousiaste aujourd’hui car l’article Un librecours pour mieux contribuer à la Culture Libre et le mémo sur le télétravail semblent très appréciés sur les médias sociaux. Ça lui donne l’énergie de se mettre à la rédaction du début de cet article (journées de lundi et mardi) avant de prendre connaissance des commentaires publiés sur les derniers articles du Framablog.

De mon côté, j’ai réussi à me bloquer 2 heures pour préparer une intervention prévue demain. Cette intervention, prévue depuis plusieurs semaines, a lieu dans le cadre de la formation continue diplômante DIPCO (diplôme en Codesign) proposée par le CNAM, le collectif Codesign-it! et le CRI aux professionnel⋅les pour qui la dynamique collaborative est un enjeu pressant. La session sur laquelle j’interviens traite de gouvernance distribuée et des nouveaux modèles d’organisation. Je tenterai donc d’y expliquer la gouvernance de Framasoft.

Vendredi 27 mars : on ne chôme pas !

Le vendredi est toujours un peu particulier parce qu’une partie d’entre nous (pyg, Pouhiou et moi) ne travaillent pas. Alors que Pouhiou s’est déjà réfugié dans son île merveilleuse d’Animal Crossing et que pyg s’est chargé d’aller faire les courses pour ses voisins et de faire un petit break, j’ai pris le relais sur l’animation de nos comptes sur les médias sociaux pour la matinée, tout en continuant à préparer mon intervention sur la gouvernance de l’association.

AnMarie a fini sa semaine en beauté puisqu’elle a terminé la saisie dans notre logiciel de comptabilité des relevés de dons des mois de janvier et février : ça peut paraître anodin, mais cela représente plus de 80 pages de relevés bancaires à vérifier et c’est un boulot de dingue. D’ailleurs elle se réjouit déjà des relevés de mars qui ne vont pas tarder à arriver 😉

Côté entraide.chatons.org, tcit a passé une bonne partie de la journée sur la résolution d’un bug coriace et pyg a bidouillé sur Drupal pour avoir de nouvelles vues de la base de données. J’ai aussi commencé à rédiger l’article annonçant la sortie officielle du projet, histoire de prendre un peu d’avance et qu’on puisse diffuser l’information dès que la page sera prête.

Côté technique, Luc a testé, mergé et publié les patchs des plugins du logiciel Etherpad réalisé hier par Chocobozzz afin de rendre compatible l’outil pour une migration vers sa version 1.8.

Et ce week-end ?

Côté salarié⋅es, je pense qu’une grande partie d’entre nous a vraiment fait un gros break ce week-end. Ces deux dernières semaines ont été très intenses : il a fallu réagir dans l’urgence et réorganiser nos activités respectives. S’y est ajouté pour nous tou⋅tes le fait de vraiment vivre la situation du confinement, dans des contextes propres à chacun⋅e. Chocobozzz a quand même pris du temps sur son samedi pour redévelopper le système multi threads de Framacalc qui commence à peiner lors des heures de pointe et un moment de son dimanche pour mettre à jour les serveurs sur lesquels sont installés nos instances du logiciel JitsiMeet (mises à jour mineures pour le client, majeure pour le bridge vidéo).

Et bien sûr, pyg n’a pas pu s’empêcher d’aller rédiger un nouvel article : une façon pour lui de prendre du recul sur la situation ! Mais ça on vous en parlera la semaine prochaine…




entraide.chatons.org : des services libres en ligne sans inscription

Suite au confinement dû à l’épidémie de coronavirus, vous êtes nombreu⋅ses à avoir besoin d’outils pour continuer à communiquer avec vos proches et/ou télétravailler. Le Collectif des Hébergeurs Alternatifs Transparents Ouverts Neutres et Solidaires – CHATONS – (dont fait partie Framasoft) met en place https://entraide.chatons.org/, un portail d’accès simplifié à des services en ligne sans inscription et répondant aux besoins les plus courants.

On vous a déjà parlé de CHATONS, non ?

Initié en 2016 par Framasoft, ce collectif rassemble à ce jour plus de 70 structures qui proposent des services en ligne libres, éthiques, décentralisés et solidaires afin de permettre aux internautes de trouver rapidement des alternatives aux services proposés pas les géants du web. Les structures membres du collectif s’engagent notamment :

  • à n’utiliser que des logiciels libres ;
  • à ne pas exploiter les données des bénéficiaires de leurs services (= ne pas transmettre ou exploiter vos données) ;
  • à ne pas utiliser de régies publicitaires (ou autres services de pistage).

Très souvent, on explique que CHATONS, c’est un peu un réseau d’AMAP des services en ligne. Vous connaissez le principe des AMAP ? Ces associations qui proposent aux habitants des villes des paniers de légumes (ou autres denrées) issus de la production agricole locale (et souvent biologique) ? Là où les géants du web représenteraient l’industrie agro-alimentaire, les structures membres de CHATONS seraient des « paysans informatiques » proposant des services en ligne « bio » :

  • sans OGM (= sans logiciels privateurs ne garantissant pas vos libertés),
  • sans pesticide (= sans baser leurs revenus sur la vente de vos données personnelles),
  • sans marketing agressif (= sans régie publicitaire pistant vos comportements),
  • sans une « course au pouvoir d’achat », qui en réalité porte tort aux petits agriculteurs (= prix équitables entre les chatons et leurs bénéficiaires)

Des chatons qui font leur part

Parce que plusieurs structures au sein du collectif proposaient déjà aux internautes des services en ligne facilement accessibles depuis leur site web, nous avons pensé qu’il serait pertinent en cette période de les identifier et de les valoriser. Dès l’annonce du confinement, nous avons donc commencé à créer des pages sur notre litière pour lister les instances publiques d’outils répondant aux besoins les plus courants pour les personnes en situation de télétravail.

C’est en listant les adresses web de ces services qu’il nous a semblé judicieux de créer une nouvelle page sur chatons.org qui donnerait un accès direct à ces services, sans obliger les internautes à consulter une page sur notre wiki et à ensuite devoir aller sur la page du chaton pour accéder au service. D’autant plus que nous étions conscients que les internautes ne sauraient pas forcément quelle instance choisir parmi cette liste. C’est de là qu’est né entraide.chatons.org, un portail d’accès simplifié à des services en ligne sans inscription et répondant aux besoins les plus courants.

Pour la petite histoire, un petit groupe agile composé de membres du collectif, en particulier Angie, Lise, Thomas et Pierre-Yves de Framasoft, ainsi que Valentin d’ARN / Sans-nuage, et Florian des Colibris s’est retrouvé à faire des petits points réguliers en audioconférence à leurs heures perdues, à avancer par petits pas asynchrones sur le développement de cette nouvelle page web, et à se concerter par tchat (avec les outils libres que l’on préconise 😉 ), pour réaliser cette plateforme en une grosse semaine. Dans un contexte où tout le monde n’a que le mot solidarité à la bouche, nous vivions là une belle expérience irréversible de coopération !

Des services en ligne facilement accessibles

Sur entraide.chatons.org, nous vous proposons l’accès à 9 outils différents :

  • la rédaction collaborative avec l’outil Etherpad (alternative à Google Docs)
  • la visioconférence avec l’outil Jitsi Meet (alternative à Skype, Zoom, etc.)
  • la prise de rendez-vous avec l’outil Framadate (alternative à Doodle)
  • le tableur collaboratif avec l’outil Ethercalc (alternative à Google Sheets)
  • le partage temporaire de fichiers avec les outils Lufi, Firefox Send ou Plik (alternative à WeTransfer)
  • le partage d’images avec l’outil Lutim (alternative à Imgur)
  • les tableaux de post-it avec l’outil Scrumblr (alternative à Padlet)
  • les raccourcisseurs de liens avec les outils Polr, LSTU ou rs-short (alternative à bit.ly)
  • le partage de textes sécurisé avec l’outil PrivateBin (alternative à Pastebin)

Et comme pour chaque outil, il existait plusieurs instances chez les chatons, nous avons mis en place une interface qui ne vous oblige pas à choisir chez qui vous utilisez ce service. Techniquement, on vous propose l’accès à une instance de chaque outil de manière aléatoire, chaque chaton pouvant indiquer son niveau de disponibilité pour chaque service.

Ainsi, sur entraide.chatons.org, lorsque vous souhaitez créer, par exemple, un pad pour y prendre des notes de manière collaborative, vous est indiqué le nom du logiciel utilisé (en l’occurrence Etherpad) et chez quel chaton ce pad sera créé. Cela permet de répartir la charge de création de nouveaux pads entre les 19 chatons qui proposent ce service. Ainsi, aucune structure ne se retrouve à devoir gérer une affluence trop massive d’internautes sur ses services.

Ainsi vous pouvez découvrir et utiliser librement ces services avec des garanties de respect votre vie privée, et autres valeurs rendant l’informatique moins dystopique, comme indiqué dans le manifeste et la charte du CHATONS.

Et après le confinement ?

Nous prévoyons de maintenir cette page au-delà du temps de confinement et même de l’enrichir dans les semaines / mois qui viennent afin de vous proposer à terme d’autres outils libres fournis par les chatons, y compris ceux nécessitant inscription ou ceux nécessitant un accès payant.

Nous espérons que ce sera pour vous l’occasion de découvrir et soutenir des structures locales qui œuvrent à nous rendre plus autonomes et souverains sur nos outils de travail en véhiculant des valeurs de solidarité et de partage.

 

Découvrir entraide.chatons.org




Solidarités numériques : le Libre se mobilise

Le Libre et ses acteurs et actrices, associatifs ou individuels, se mobilisent davantage encore dans les conditions compliquées si particulières du confinement.

Empruntons cette mise au point initiale à Pascal Gascoin, chargé de mission éducation-numérique aux Ceméa, notre allié dans l’Éducation populaire :

La situation de confinement que nous traversons nous oblige à repenser, à inventer nos modes de communication, nos façons de travailler pour continuer, malgré tout, à mener à bien nos projets, nos activités tout en gardant le lien, avec les bénévoles et les équipes de nos organisations, nos élèves et les accompagner au mieux.

Aux CEMEA, nous sommes choqués de recevoir quasi quotidiennement dans nos boîtes mails de soi-disant « guides de survie numérique en période de confinement », provenant souvent de « start-ups associatives » qui nous proposent pêle-mêle des solutions payantes, d’autres gratuites, sans jamais faire référence à la façon dont seront traitées nos données, ni faire la différence entre le service “gratuit” d’une multinationale et celui volontairement éthique et fraternel d’une association.

Donc essayons de « dégoogliser le confinement ». Voici quelques-unes des initiatives récentes du numérique libre pour aider à franchir ensemble les semaines houleuses de la crise sanitaire.

Nous allons forcément en oublier, mais vous pouvez nous faire signe pour que nous puissions compléter et mettre à jour la liste ci-dessous.

C’est parti pour une recension rapide sans souci hiérarchique particulier.

C’est où/c’est ouvert ?

Sur ce site https://www.caresteouvert.fr vous pouvez savoir sur une carte (openStreetMap, la cartographie libre et collaborative qui fait la nique à googlemaps) quels sont les services « encore ouverts », ça peut être utile. Et c’est également collaboratif : signalez vous aussi les ouvertures/fermetures de lieux utiles en période de confinement.

Dépannons avec des panneaux

copie d’écran exemple d’affiche généréeLe site http://revolf.free.fr/local-pad-sign/# permet d’imprimer facilement des affiches et panneaux d’affichage avec des informations utiles pour vos voisins de balcon, de hall d’immeuble, de zone pavillonnaire, dans la rue sur le trajet du ravitaillement etc. Vous pourrez inclure automatiquement un QR code et l’adresse d’un pad dans votre affiche.

Enseignant⋅e⋅s dans l’urgence

logo de l’asso solidaire scenariL’association Scenari qui milite pour les usages de la chaîne éditoriale du même nom, vous propose une opération spéciale.
Que vous permet Scenari ? De pouvoir publier vos cours facilement avec une chaîne éditoriale : vous rédigez une seule fois pour publier sous de multiples formats, et vous n’aurez qu’un seul document à modifier /mettre à jour.
N’ayez pas peur de l’apprentissage d’un nouvel outil numérique, vous aurez l’appui et le soutien d’une personne de l’association : parrainage pour rédiger des cours, couplage avec Canoprof pour le primaire et le secondaire, parrainage d’apprentissage de la plate-forme. Accès offert à l’hébergement et à la mise en ligne des contenus que vous aurez produits (services en temps normal réservés aux adhérents de l’association)

 

logo des Zourits (pieuvre souriante)Des Zourits pour l’école
les CEMEA proposent l’accès gratuit à de nombreuses ressources libres pour l’école adresses mail, audioconférences avec jitsi, etc. mais aussi un accompagnement pour les enseignant⋅e⋅s etc. Tout cela est expliqué sur cette page.
2 plaquettes informatives et pour les contacter (liens directs vers .pdf) :
pour les écoles
pour les petites assos

Urgences numériques

Vous faites partie des acteurs locaux stratégiques : un support et dépannage numérique vous est proposé par un collectif de plus de 200 personnes bénévoles, professionnelles des technologies d’information, qui peuvent vous aider à faire face à vos urgences : pharmacies, cabinets médicaux, mairies, établissements scolaires, commerces d’alimentation, associations, indépendants. Vous pouvez donc demander de l’aide mais aussi participer pour en fournir à votre tour (c’est ça l’esprit Contributopia, hein)…

Le Big Boinc

Boinc, c’est le calcul collaboratif pour la recherche médicale, nous signale Tikayn. Votre ordinateur ou votre ordiphone s’ennuient avec leurs puissantes capacités généralement en sommeil ? Contribuez par leur puissance de calcul à la recherche médicale, comme le font déjà plus de 4 millions de personnes.

proposition sur Mastodon : contribuer avec vos appareils numériques à la recherche médicale

Github spécial Covid

Bastien recense sur ce Gthub les ressources libres et open source d’info et solidarité autour de la pandémie :

https://github.com/bzg/covid19-floss-initatives/blob/master/index.org

Insolite

Même les Balkany veulent contribuer ! (ah non zut ils ne sont pas libres)

Et du côté de Framasoft ?

JCFrog et l’interface de jitsi meet

  • Nous avons renforcé les capacités des serveurs et de l’infrastructure de Framatalk et Framapad qui peuvent donc à nouveau accueillir les besoins de communication des particuliers et associations qui doivent se joindre. Non, les enseignants qui souhaitent faire une visioconférence pour des classes de 35 ne sont pas les destinataires prioritaires de ces outils, pour des raisons compréhensibles de tenue de charge. Ces services peuvent être utilisés par des personnes qui, souvent, n’ont pas d’autres moyens (dont des malades isolé·es de leur famille). Prenez soin de ne pas monopoliser cette ressource afin qu’elle reste partagée.
  • https://rdv-medecins.framasoft.org/login est un outil libre de prise de rendez-vous médicaux à destination du personnel médical exclusivement. Vous avez un bout de serveur ? Vous pouvez héberger le même outil (Nextcloud + ses applications « rendez-vous » et « calendar ») pour le mettre à disposition de votre médecin. Et voilà la documentation utilisateur/trice !
  • Vous avez hélas ou tant mieux davantage de temps libre ? Profitez-en pour vous former en ligne aux arcanes du numérique : c’est parti pour Librecours Voir l’article du framablog qui vous explique tout. Les inscriptions sont ouvertes par ici

 

à suivre …