Rappel des épisodes précédents : MyPads est un « plugin » qui permet à notre service en ligne Framapad (un outil en ligne de rédaction collaborative), d’organiser ses documents.
Cet article sur le Framablog fait partie des derniers d’une longue série présentant les avancées du développement de ce plugin. Voir https://framablog.org/tag/mypads/
Ainsi, cet article est (volontairement) plutôt technique, et non un article généraliste plutôt dédié au grand public comme habituellement sur le Framablog.
Deux semaines après la seconde version admissible, en voici une nouvelle. Merci aux tests, retours, suggestions que certains d’entre vous nous ont envoyés. C’est grâce à ceux-ci que nous avons pu améliorer MyPads et commencer à anticiper les évolutions futures.
Changements depuis la RC2
Par ordre chronologique, voici la liste des changements depuis la RC2 :
Interface graphique Web
Amélioration du rendu pour l’élément HTML5 permettant de choisir la couleur par défaut employée au sein des pads.
Ajout d’une icône au niveau de la liste de ses groupes pour aller plus directement aux pads de chaque groupe.
Remplacement des termes ‘ASC’ et ‘DESC’ (pour ascendant et descendant) par des flèches pour le tri de ses groupes.
Mise à jour du titre de la fenêtre en fonction de la navigation de l’utilisateur.
Mise en avant de l’usage des emails au détriment des identifiants dans les créations de listes utilisateurs, invitation d’utilisateurs…
Correction d’un mauvais alignement des blocs groupe lorsque ceux-ci sont nombreux.
Icônes plus logiques en fonction des actions qu’elles entraînent (édition, écriture dans un pad etc.).
Correction d’un problème de duplication, dans le client Web et en affichage seulement, des utilisateurs en cas d’invitations multiples de la même personne.
Redirection propre avec message d ‘erreur, sur le client Web, si le groupe ou pad pointé n’existe pas en base de données (cas entre autres rencontré lorsque l’élément a été intentionnellement supprimé).
Anomalies et régressions
Correction de l’impossibilité de créer un pad sous etherpad si le nom donné via MyPads est trop long (régression amenée par l’usage d’identifiants humainement compréhensibles).
Correction d’un bug gênant dans certains cas d’invitations d’utilisateurs sur des groupes restreints, qui rendait l’affichage du groupe impossible dans le client Web.
Correction d’un souci au niveau des permissions en cas de pad privé avec son propre mot de passe au sein d’un groupe lui aussi contraint par mot de passe.
Résolution d’une anomalie à la première connexion après inscription, qui nécessitait que l’utilisateur recharge la page pour pouvoir continuer.
Améliorations
Usage de l’en-tête HTTP Authorization pour que le client et le serveur s’échangent le jeton d’authentification plus discrètement lorsque cela était possible.
Invitation d’utilisateurs rendue plus efficace avec l’option d’utiliser un bloc texte, avec une adresse mail ou un identifiant par ligne.
Redirection, en cas d’accès direct à un pad restreint ou privé, vers l’interface MyPads (notamment pour y saisir le mot de passe).
L’envoi de mail à partir du serveur utilise la langue sélectionnée par l’utilisateur lors de la création de son compte, et s’il n’y en a pas eu, la langue par défaut que l’administrateur a choisi pour MyPads.
La possibilité, en cas de vérification des emails activée par l’administrateur, pour un nouvel inscrit qui aurait manqué son mail de confirmation (sa validité étant limitée dans le temps), de se le voir envoyer à nouveau par la procédure de récupération de mot de passe.
Nouvelles fonctionnalités
Possibilité, pour l’administrateur MyPads d’interdire la création de pads en dehors de MyPads et son ajout dans l’interface d’administration de MyPads.
Migration de l’authentification de l’administrateur MyPads vers le nouveau système d’authentification et son système de jetons.
Générales
Quelques améliorations de la traduction.
Et bien entendu une part non négligeable des tests unitaires et fonctionnels ont dû être adaptés à tous ces changements.
Ce qu’il reste pour la version stable
En dehors de nouvelles anomalies à corriger, il ne reste, pour annoncer la version stable, que :
À améliorer la suppression des données du plugin. Aujourd’hui, si vous désinstallez MyPads depuis l’interface d’administration d’etherpad, toutes les données de MyPads sont supprimées. Il semblerait que ce comportement soit peut être trop radical et qu’il vaudrait mieux que les données ne soient effacées qu’après une action volontaire sous MyPads et non plus automatiquement à la désinstallation.
Donner la possibilité à l’administrateur de fixer un temps de validité pour les jetons d’authentification.
Ajouter davantage de traces pour le débogage au niveau du code serveur de MyPads.
Retravailler les feuilles de style de manière à les rendre plus aisées à modifier.
Améliorer globalement le style employé au sein du plugin.
Optimiser le chargement du code JavaScript de MyPads en le rendant plus compact.
Publier MyPads sur NPM de manière à ce qu’il soit installable directement depuis etherpad et non manuellement comme c’est le cas aujourd’hui.
Il est possible qu’une nouvelle fonctionnalité fasse exceptionnellement son apparition à la demande de Framasoft : l’envoi de mails groupés à ses listes d’utilisateurs pour faciliter le partage de groupes, pads publics ou sous mot de passe.
D’autres améliorations plus importantes sont prévues pour les versions ultérieures. Vous en trouverez trace dans notre espace gitlab et toute aide sera bienvenue pour les implémenter.
MyPads RC3
Two weeks after RC2, here is a new release candidate. Thank you all for testing, giving us feedback and suggestions. By means of these, we’ve improved Mypads and begun to plan future developments.
Changes from RC2
Here is a list of changes by chronological order :
Web user interface
HTML5 input color render enhancement for pad author default color.
Icon addition on own groups list to be able to go more directly to group’s pads.
Replacement of ‘ASC’ and ‘DESC’ terms by up and down arrows for group ordering.
Window title updates according to user navigation.
Email emphasis to the detriment of logins into userlists creation, invitation…
Bad alignment fix for group blocks when there are many of them.
More meaningful icons depending on called actions (update, pad writing etc).
Duplication problem fix for users already invited.
Clean redirection with error message, in the Web client, if the group or pad is not found in database (scenario encountered for example when an element has been deliberately removed).
Bugs and regressions
Fix for etherpad inability to create a pad when the name chosen under MyPads was too long (a regression that come from human readable identifiers).
Fix for an annoying bug which happens with restricted groups and some invitations, that ends to an impossible group view.
Fix for correct permission when a private pad has its own password into a password-protected group.
Fix for a bug right after subscription : it was abnormally needed to reload the page to be able to interact with the client.
Improvements
HTTP Authorization header usage for a more discrete token exchange between client and server, when possible.
More efficient user invitation with an additional option : textarea block which one email address or login per line.
Redirection, from direct access to a restricted or private pad, to the MyPads interface (in particular to be able to enter a password).
Email sending from server now uses the selected language from the user or, if there is no, the default language chosen by the MyPads administrator.
In the case of emails check activated by the administrator, a fresh subscriber who have missed the confirmation mail (which validity expires), can have a new one from password recovery procedure.
Features
The MyPads administrator can forbid pads creation outside from MyPads and the option can be managed from MyPads administration interface.
MyPads administration has been migrated from old cookie authentication to the new token-based one.
Global
Translations enhancements.
And of course a significant part of unit and functional tests have been adapted to this changes.
Things to do before stable
Apart from new bugs to fix, the stable version only needs :
To improve plugin data removal. At the moment, if you uninstall MyPads from etherpad plugins administration, all MyPads data is erased. It seems that this behavior to be too drastic. A better way may be to remove data only after an intentional action from MyPads administration and no more an automatic hook after uninstalling.
Give the ability for the administrator to fix an expiration for authentication tokens.
Add more debug traces for the server part of MyPads.
Rework stylesheets in order to make them more readable and easy to update.
Globally improve the used style for MyPads.
Optimize JavaScript code loading by making it more compact.
Publish MyPads on the NPM registry for allowing direct installation from etherpad plugins administration.
We would like to exceptionally add a new feature (asked by Framasoft): grouped emails sending to your user lists with the stated goal to make easier groups, pads shares.
Other features and improvements are expected for next versions. You can see some of them in our Gitlab space. Any help will be welcomed.
Ne plus supporter la pub sur le Web
C’est un débat déjà ancien et qu’on croyait devenu de basse intensité, mais qui prend ces derniers temps une acuité nouvelle : la publicité sur le Web, toujours plus intrusive, toujours plus vorace, toujours plus dévoreuse de notre confidentialité, est-elle une sorte de mal nécessaire ou une pure nuisance à éradiquer ?
La publicité est le plus souvent justifiée par son pouvoir économique. Publier sur le Web n’est pas gratuit, que ce soit pour les médias d’envergure, les associations ou les particuliers. La tentation est donc grande de disposer sur les pages web avec une discrétion variable des bandeaux publicitaires, des annonces adsense, des calamités visuelles de toutes sortes… car l’inventivité des agences de pub est illimitée.
Rien d’étonnant que de nombreux internautes installent systématiquement un bloqueur de pub, en une course elle aussi perpétuelle pour remplacer Adblock Plus par Adblock Edge puis par uBlock puis par uBlock origin (et puis je vous mets une pincée de Ghostery ?) et puis… mesures et contre-mesures se succèdent dans un paysage visuel qui ressemble à un champ de bataille : des sites demandent gentiment — ou intiment l’ordre — de désactiver les bloqueurs, tandis que le petit peuple du Libre échange frénétiquement les adresses des adbloqueurs les plus efficaces.
Faut-il se résigner à cette guerre fastidieuse et accepter qu’une part au moins du web, puisse dépendre de la publicité comme le suggère Tristan Nitot dans un article récent ? Ou bien faut-il faire table rase de tout argument en faveur de la publicité sur le web, comme Clochix dans le « coup de gueule » qu’il publie sur son blog en réponse à Tristan ?
C’est la diatribe de Clochix que nous reproduisons ici, non pour attiser une polémique (car les contradicteurs se connaissent bien et s’apprécient) mais pour permettre un échange dans nos colonnes et en commentaires.
Deux précisions importantes :
Clochix après le petit buzz qu’il a créé reconnaît volontiers que son article n’est pas complet, en particulier parce qu’il n’a a pas pris le temps d’aborder les modes de monétisation alternatifs. S’il désire ajouter des éléments, nos colonnes lui seront ouvertes. [MISE À JOUR] Nous avons à peine le temps de publier que déjà Clochix vient de compléter avec un nouvel article : Comment se protéger, comment participer.
Tristan quant à lui a reconnu qu’il aurait dû préciser que sa défense (relative) de la publicité concernait essentiellement les grands sites de médias, la presse en ligne. Il va sans dire que ses commentaires et réactions sont bienvenus ici ou naturellement sur son blog.
— mais c’est surtout vous lecteurs du Framablog dont nous attendons que vous participiez à ce débat : bloquez-vous tout ou partie des publicités, pourquoi ? Avez-vous recours au financement par la publicité de votre présence sur le Web ? Avez-vous trouvé des modes de financement alternatifs qui vous permettent de vous dégoogliser ?
Nous vous rappelons que le Framablog ainsi que tous le services de Framasoft vous sont proposés débarrassés de toute pollution publicitaire, grâce aux donateurs qui sont l’unique ressource de l’association. Merci de votre soutien !
Faut-il bloquer les publicités ?
par Clochix
J’ai été si outré par quelques phrases portées à ma connaissance cette semaine que je reprends le clavier le temps d’un rapide coup de gueule. Dans le 28e chapitre de son prochain livre, qu’il prépublie sur son carnet, Tristan conseille de ne pas bloquer la réclame dans son navigateur. Une fois n’est pas coutume, je ne peux pas être moins d’accord avec lui, surtout au vu de ses arguments.
J’encourage pour ma part tou·te·s les internautes à bloquer par tous les moyens les publicités qui envahissent certains sites. Quelques raisons en vrac de refuser la réclame sur le Web :
la publicité est bien plus efficace si elle est ciblée. De ce fait, nombre de régies publicitaires ne se contentent pas d’afficher des bandeaux colorés, mais tracent toutes vos habitudes, afin de cerner votre profil et d’augmenter la probabilité que vous cliquiez sur leurs affiches. Par exemple en vous bombardant de réclames pour des régimes si elles détectent que vous complexez sur votre poids. Les publicités espionnent ce que vous faites, vous traquent de site en site. Pour préserver votre intimité, bloquez les publicités !
grâce à ces profils, les publicités créent des envies, déclenchent des actes (des achats par exemple) que vous n’aviez pas décidés consciemment. C’est une forme de manipulation, de viol de votre libre-arbitre. Pour conserver votre libre-arbitre, bloquez les publicités !
les publicités rendent la navigation sur de nombreux sites désagréables. Leur poids ralentit considérablement le chargement, leurs couleurs criardes, voire leurs animations, distraient l’œil de sa lecture. Parfois une publicité apparue soudainement intercepte un de vos clics et vous entraîne sur un site que vous ne souhaitiez pas visiter. Lorsque votre connexion internet est de faible qualité, par exemple sur un ordiphone, la publicité rend la navigation particulièrement désagréable. Pour votre confort, bloquez la publicité !
le poids de publicité ralentit le chargement des pages, mais augmente aussi la quantité de données téléchargées. Si vous n’avez pas une connexion illimitée (sur mobile), vous risquez de payer pour le chargement des publicités. Et même si vous avez une connexion illimitée, ces publicités pèsent dans le trafic réseau de votre opérateur, consomment beaucoup de bande passante, qu’à un moment ou un autre il faut bien payer. Pour le bien-être de votre porte-monnaie, bloquez la publicité ! (et pour les ours polaires, car afficher les bannières Flash consomme de l’électricité, donc contribue au réchauffement de la planète) ;
la publicité affiche sur des sites auxquels vous faites confiance des contenus créés par des tiers qui eux ne sont pas forcément de confiance. Des ordinateurs sont régulièrement infectés par des logiciels malveillants diffusés via des publicités piégées affichés sur des sites anodins. Récemment encore, des sites de Yahoo ont diffusé à leur insu de tels logiciels malveillants. Bloquer Flash réduit considérablement la menace, mais pas totalement. Pour votre sécurité, bloquez la publicité !
TF1 est une entreprise qui vend à des annonceurs du temps de cerveau de ses téléspectateurs. Dans un modèle économique basé sur la publicité, vous devenez le produit dont le site fait commerce. Si un site vit essentiellement de la publicité, alors c’est que vous êtes la marchandise qu’il vend. (un célèbre évangéliste francophone utilise une métaphore porcine pour rappeler ce fait et encourager les internautes à payer les services qu’ils utilisent) Pour ne pas être une marchandise, bloquez la publicité !
certains médias dépendent de la publicité. Leur but est donc de maximiser le nombre de lecteurs de leurs articles. Quitte à recourir à des méthodes putassières, comme les titres sensationnalistes sans rapport avec le fond de l’article. Parfois, la rémunération des auteurs dépend du nombre de lecteurs de leurs articles. Dans certains médias, les journalistes sont donc encouragés à écrire des articles générant le plus de vues possibles. La qualité ne payant pas toujours, c’est le plus souvent un encouragement au sensationnalisme, aux approximations, à la création et monté en épingle de polémiques… À terme, tout cela décrédibilise les sites d’information et les journalistes dans leur ensemble. Un journaliste ne devrait pas être évalué sur sa capacité à faire gagner de l’argent aux annonceurs. On a vu également que certains annonceurs influent sur la ligne éditoriale des médias. Apple par exemple ne veut pas que ses publicités soient à côté d’informations tragiques. Va-t-on arrêter d’informer sur les guerres et autres catastrophes pour faire plaisir aux annonceurs ? Pour la survie du journalisme, bloquez la publicité !
un des gros problèmes du Web est la difficulté à rémunérer les auteurs qui le souhaitent. Il n’existe toujours pas de mécanisme simple, universel, respectueux de la vie privée, largement déployé, permettant de rémunérer l’auteur d’un article. Je suis persuadé que c’est une des plus grandes faiblesses actuelles du Web. Elle perdure notamment parce que le besoin n’est pas criant : la publicité joue ce rôle pour de nombreux sites, donc ils n’ont pas besoin d’inventer un meilleur système. Si de nombreux internautes bloquaient les réclames, le besoin d’inventer de nouveaux modèles économiques se ferait plus pressant. Et j’espère que ces modèles seraient plus vertueux. Pour encourager le Web à évoluer, bloquez la publicité !
je vous épargne le couplet politique rappelant que la publicité est un moyen de propagande pour un modèle de société suicidaire et encourage les discriminations en véhiculant d’innombrables clichés. Si vous avez du cœur, bloquez la publicité !
Je trouve par ailleurs discutables les arguments de Tristan pour encourager ses lecteurs et lectrices à ne pas remettre en question les modèles économiques fondés sur la vente de l’attention des citoyens :
« En effet, la publicité est la principale si ce n’est l’unique façon pour l’immense majorité des sites Web de se rémunérer »
Je brandis aussitôt ma pancarte pour demander les chiffres permettant d’affirmer que « l’immense majorité des sites Web » se rémunère grâce à la réclame. Wikipédia ne fait à ma connaissance pas appel à la publicité, pas plus que des millions de sites personnels, les sites vitrines qui présentent une entreprise, une association ou autre. Je ne suis pas sûr que l’existence de la majorité des sites Web dépende de la réclame. Le Web ne mourra pas si demain nous bloquons toutes et tous les réclames. Si j’ai bonne mémoire, la publicité était absente des premiers sites qui m’ont fait aimer le Web, qui m’ont fait découvrir ses potentialités pour la liberté d’expression, le débat d’idée ou le partage de connaissances. Le Web peut parfaitement se passer de la publicité.
« En bloquant la publicité (…) les sites n’auront plus les moyens de publier du contenu original et de qualité ».
Je ne suis pas du tout sûr du lien entre la publication de contenu « original et de qualité » et les sites vivant de la vente de temps de cerveau disponible. Intuitivement (oui, ça n’est pas scientifique), j’aurais plutôt l’impression que les sites tirant l’essentiel de leurs revenus de la publicité sont plutôt des fermes à contenu, qui ne publient rien d’original mais pompent des informations publiées par d’autres en les affublant de titres putassiers pour « faire du clic ».
C’est d’autant plus gênant que l’histoire prouve que la presse indépendante est une condition essentielle pour avoir une démocratie en bonne santé…
Euh, quel est le rapport entre le financement de sites Web par la publicité, une presse indépendante, et la choucroute ? Le Canard enchainé, symbole de la presse indépendante française, a publié il y a quelques jours son bilan financier 2014. Le journal est toujours en excellente santé. Or, il ne me semble pas qu’il se rémunère en infligeant des placards publicitaires à ses lecteurs. Sur le Web, l’équivalent du Canard, Mediapart, est également résolument sans publicité, et n’a pas l’air de s’en porter plus mal. Tout comme des dizaines de médias indépendants qui enquêtent et informent, Basta, CQFD, Fakir, Politis et tant d’autres. Bien sûr, de nombreux sites de diffusion d’information, comme Le Figaro, Libération ou le Monde, affichent de la publicité, et en dépendent en partie. Mais peut-on qualifier ces entreprises, propriété d’oligarques, de médias indépendants essentiels à la démocratie ? Lorsqu’un marchand d’arme ou un quelconque affairiste s’achète des médias, le fait-il afin de garantir l’existence d’un des piliers indispensables de la démocratie, ou pour défendre ses intérêts ? Le ménage en cours dans les médias du groupe Bolloré n’est que le dernier exemple de l’indépendance toute relative des organes contrôlés par des financiers. Par ailleurs, bien conscients de l’importance des médias pour la démocratie, les citoyens français consacrent une partie de leurs impôts à financer la presse. D’après Wikipédia, nous avons versé en 2012 1.2 milliards d’aides à la presse. Le Figaro de Serge Dassault a été subventionné à hauteur de 18.2 millions d’euros. Nous participons donc déjà, via ces aides, via la redevance audio-visuelle, à la survie de la presse (et à l’enrichissement d’éditocrates qui nous crachent à la gueule à longueur de temps). Est-il indispensable, pour sauver la démocratie, de s’infliger également les encarts promotionnels qui débordent de leurs sites ?
Je m’égare un peu, et ne voudrais pas y passer toute la journée, donc, pour conclure, un dernier conseil : bloquez les publicités ! Merci de votre attention.
Le Québec libre… c’est FACIL !
Que le détournement de la carte d’Astérix illustrant notre campagne Dégooglisons Internet ne vous trompe pas : quand on promeut le Libre en français, ce n’est pas simplement pour un petit hexagone, mais bien au profit de toute la francophonie.
C’est une des joies de nos internets : pouvoir partager des projets (et du code ^^ !) avec des personnes éloignées géographiquement mais proches aussi bien par la langue que par les valeurs.
Pour la prochaine Semaine Québécoise de L’Informatique Libre (du 19 au 26 septembre 2015), FACIL invite Framasoft à parler de ses expériences et de ses projets, mais surtout à échanger avec la communauté libriste du Québec.
Une occasion rêvée pour le Framablog d’ouvrir ses lignes à Mathieu Gaultier-Pilote, président de FACIL, afin de mieux présenter et connaître ce qui se passe chez nos ami-e-s d’outre-Atlantique…
Bonjour Mathieu, avant tout, peux-tu te présenter ?
Je suis Mathieu Gauthier-Pilote, 35 ans, travailleur autonome en informatique. Depuis quelques années, je suis chargé des projets numériques à la Fondation Lionel-Groulx, un organisme sans but lucratif dont la mission est de promouvoir la connaissance de l’histoire du Québec et des Québécois auprès du grand public, notamment via des séries de conférences comme « Dix journées qui ont fait le Québec » (2011-2013) et « Figures marquantes de notre histoire » (2014-). (C’est déjà tout en ligne sous licence libre pour la première série.)
Quand je ne suis pas occupé à la Fondation, je suis un militant du libre dans FACIL. Je m’implique beaucoup dans cet organisme depuis 2012.
Alors, nous ne sommes pas tous au fait des acronymes : qu’est-ce que FACIL ? Et qu’est-ce que la SQIL ?
FACIL, pour l’appropriation collective de l’informatique libre (FACIL), acronyme récursif d’une association québécoise fondée à Montréal en 2003. Au niveau de notre mission et de nos actions, ce qui ressemble le plus à FACIL en France c’est l’April. Côté ressources cependant, nous n’avons pas encore franchi le pas que l’April franchissait en 2005 en se donnant une permanence : nous ne sommes toujours que des bénévoles. Donc FACIL c’est l’April québécois d’avant 2005, mais en 2015. J’arrête avant que ça devienne compliqué. 😛
Énumérer quelques-unes de nos actions récentes en 2015 donnera une bonne idée de ce que nous sommes :
Qu’est-ce que la Semaine québécoise de l’informatique libre (SQIL) ?
C’est 9 jours intenses d’activités autour du libre. Grosso modo, c’est un phare allumé sur l’Agenda du libre du Québec dans l’espoir d’attirer des non initiés vers nous. 🙂 Le thème de la SQIL 2015 est «L’informatique libre au service d’une société libre».
Quelle est la situation du libre au Québec ?
Il faut être bien honnête : le Québec est dans la bataille pour le libre, mais les libristes d’Europe sont clairement mieux organisés qu’ici.
Côté positif, on peut dire que nous avons tous les éléments de base dans un milieu composé de militants, développeurs, entrepreneurs, chercheurs, politiques, juristes, associations, entreprises, écoles, médias, lieux, projets, événements, etc. Il faut maintenant que ce milieu se fréquente plus souvent, se fasse confiance et se donne les moyens de se développer en marchant dans la même direction (ou à peu près).
L’étude du défunt site http://www.logiciel-libre.gouv.qc.ca est fascinante. Il a vécu d’environ 2004 à 2007. On voit bien que les logiciels libres (et les normes W3C) s’installaient dans l’administration publique québécoise dans ces années-là. La disparition du site signale le début d’un long temps à peu près mort… jusqu’en 2011-2012 ! Un jour les historiens nous expliqueront quel espèce de sabotage a produit un tel désastre.
Quoi qu’il en soit, une deuxième période s’amorçait heureusement en 2011 avec une réforme législative et administrative au niveau de la «gouvernance et [de] la gestion des ressources informationnelles», l’apparition d’un portail de données ouvertes en 2012, la création d’un Centre d’expertise en logiciel libre en 2013, etc.
Le logiciel libre est-il solidement implanté au gouvernement cette fois ? Est-il en progression depuis 2011 ? Nous le souhaitons, mais il est difficile de le dire car nous avons peu de données objectives à analyser et nous en sommes toujours au stade des promesses politiciennes de projets à venir quand il ne s’agit pas des grandes annonces… pour des trucs déjà réalisés et bien connus. FACIL fera bientôt paraître (dans le cadre de la SQIL) une critique constructive de la stratégie gouvernementale en TI dévoilée par Québec en juin 2015. À suivre…
Au niveau municipal, il n’y a pas au Québec d’équivalent de l’ADULLACT et on parle beaucoup plus des « villes intelligentes» que de l’éthique du libre ces jours-ci.
Au niveau fédéral canadien, on est plusieurs années en avance sur le niveau fédéré québécois pour ce qui est du « gouvernement ouvert », des données ouvertes et (dans une moindre mesure) du logiciel libre.
Je me limite à ce bref aperçu.
Les plus curieux trouveront pas mal d’infos dans nos publications et dans notre wiki. 🙂
Peux-tu nous en dire plus sur la SQIL ? C’est un peu vos RMLL à vous ? Qui participe ? Quels en sont les temps forts ?
Ce n’est pas exactement les RMLL car ce n’est pas international et ce n’est pas non plus dans une ville donnée. C’est plusieurs lieux sur le territoire québécois en même temps. Toute activité en rapport avec le libre est la bienvenue dans le calendrier. À travers cet exercice qui revient chaque année, ce sont des liens entre les gens du logiciel libre, des ateliers de fabrication numérique, du libre accès aux publications académiques, des données libres/ouvertes, des ressources éducatives libres, etc., que nous essayons de tisser et de raffermir.
FACIL fait plus que simplement coordonner la SQIL : nous trouvons des partenaires pour organiser deux ou trois activités de la SQIL conçues pour les non geeks et plus susceptibles d’intéresser monsieur et madame Tout-le-monde, les médias, etc. Cela dit, c’est une diversité d’activités et de publics que nous souhaitons.
Cette année nous avons une très bonne diversité : des rencontres, des ateliers, des projections de film, des hackathons, des tables rondes, un colloque, un salon, etc.
Les temps forts ? Il y a naturellement la Journée internationale du logiciel libre (Software Freedom Day), qui inaugure la SQIL le samedi 19 septembre. L’autre temps fort, s’il faut en sélectionner juste un, c’est certainement (en tout cas de mon point de vue) la conférence que Pierre-Yves donnera sur les services libres de Framasoft le jeudi 24 septembre au Laboratoire de cyberjustice de l’Université de Montréal.
Côté histoire, je tiens à mentionner que la SQIL a été lancée en 2004 par Robin Millette, l’actuel vice-président de FACIL. Pour plus de détails, voir ce que nous avons déterré à ce sujet l’an dernier grâce à la machine fabuleuse d’Internet Archive.
Framasoft est invité à participer (merci !) : pourquoi ? Peinez-vous vous aussi à sensibiliser le grand public aux questions du libre ? Rencontrez vous des difficultés à expliquer pourquoi – et comment – se dégoogliser ?
L’an passé, pour la SQIL 2014, FACIL a invité Jérémie Zimmermann de la Quadrature du Net à participer à une table ronde intitulée « Internet après Snowden » à l’Université de Montréal. Nous avons bien aimé l’expérience et nous avons décidé de récidiver cette année encore avec la visite d’une autre personne/association de France. Nous avons choisi Framasoft entre autres parce que nous adorons l’initiative de la campagne « Dégooglisons Internet». Les libristes québécois pourront-ils venir en aide aux libristes gaulois dans la résistance à l’envahisseur ? Souhaitons-le ! Quelle forme cela pourrait-il prendre ? Cela reste à voir… Ce qui est certain, c’est que toute collaboration sérieuse devra obligatoirement débuter par une discussion autour d’une bière todo liste et en septembre 2015 nous allons en servir plusieurs à Pierre-Yves. 😉
Difficile de sensibiliser le grand public aux questions du libre vous dîtes ? Oui, incontestablement. Personnellement, je crois que nous serons à rebours de tout ce que font les GAFAM du monde tant que nous (les libristes convaincus) ne seront pas capables de dire aux gens normaux :
« Vous voulez acheter un téléphone, une tablette, un ordi, une liseuse, une imprimante 3D ? Achetez des appareils certifiés Respects Your Freedom dans l’un des magasins suivants. Des services numériques libres pour aller avec vos appareils libres ? Voyez le répertoire des services certifiés [insérer label ici] à l’adresse suivante.
Bref, je miserais sur la voie de la certification éthique pour les produits, services, compétences que nous offrons. Sans être la réponse à tout (loin de là), c’est aussi important à mon avis que le sont les appellations contrôlées pour ne pas se faire vendre de la piquette.
Je crois que depuis les révélations Snowden nous avons certes des défis nouveaux (ça va nous prendre obligatoirement du matériel libre et un réseau libre pour aller avec nos logiciels libres et nos services libres décentralisés et respectueux de la vie privée), mais aussi des avantages nouveaux très évidents : les gens normaux nous croient sans problème lorsque nous leur parlons de la surveillance de masse des agences de renseignement et des géants du numérique. J’ose croire que les gens sont de plus en plus conscients qu’il nous faut opérer une transition en masse vers quelque chose d’autre. C’est à nous de les attendre à l’autre bout, avec des solutions adaptées aux compétences réelles des utilisateurs et utilisatrices lambdas.
Les Québécois sont massivement dans Facebook et Google d’après les dernières enquêtes et il n’y a rien ici de comparable à Framasoft, alors nous partons de bien loin…
Qui sera la personne/association que vous inviterez pour la SQIL 2016 ?
C’est une SURPRISE !!! 😉
Framasoft fait sa rentrée (probablement près de chez vous)
Tout en travaillant d’arrache-pied à la suite de notre (modeste) plan de libération of ze monde, les membres de Framasoft se plient en quatre pour venir à votre rencontre aux cinq coins de l’hexagone et même au-delà !
Un septembre Francophone (mais pas que)
Framasoft invité au Québec ! Les idées du Libre s’échangent et essaiment partout où l’on partage la même langue et les mêmes valeurs… Ce qui n’empêche pas un de nos valeureux bénévoles de parler de nos projets dans la langue de Stallman… à Nantes ! Petit tour d’horizon d’un mois bien chargé :
Parisiennes, Parisiens, ce week-end, du 12 au 13 septembre, Fred, Kinou nous représenteront sur le village du Libre à la Fête de l’Huma, au Parc départemental Georges Valbon à La Courneuve (93)… mais ça vous le saviez déjà !
Ce week-end aussi, Pouhiou aurait dû participer à Alternatiba Toulouse (allées Jules Guesdes), mais un vilain virus pas du tout informatique le cloue au lit. Que cela ne vous empêche pas d’aller y saluer nos ami-e-s de Toulibre !
Du 18 au 27 septembre : Framasoft s’envole au Québec, à l’invitation de la FACIL, et afin de participer à la SQIL (qui sont un peu les RMLL québecoises) :
Jeudi 24/09 de 17 à 20 H (toujours à Montréal, toujours avec Pyg) : Conférence Framasoft « Dégooglisons », suivie d’une table ronde sur les savoirs libres
Notre Pyg devrait même se faire interviewer (à confirmer) sur Radio Canada le samedi 19, à 13H (heure locale), dans l’émission « La sphère »
Le 24 septembre, à Paris (Be Coworking – 60 rue de la Jonquière, 17e) Fred participera dès 19H à une table ronde chez StoryCode Paris
Le 25 septembre, à Nantes Nicolas Loeuillet (développeur de Wallabag, et membre de Framasoft) participera au FOSSa et ce en anglais !
Les 26 et 27 septembre, place de la république à Paris, nous serons dans le Quartier du Libre d’Alternatiba Paris fièrement représentés par Fred et Kinou et au milieu des associations amies qu’on ne présente plus 😉
Et le 29 septembre, à Nancy : Pyg (fraichement rentré du Québec) participera à une table ronde « Internet : quel espace de démocratie ? » au forum POP-MIND (forum des musiques actuelles).
Un automne loin d’être monotone
Avant que la police des jeux de mots ne nous mette à l’amende pour ce titre forcément illégal, voici le programme (non exhaustif) des mois à venir, encore une fois dans la francophonie puisque nous passerons par la Suisse :
Alternatiba Lyon aura lieu du 9 au 11 octobre, et Pyg y sera présent le 10 pour :
Le 14 octobre, à Nanterre, Pyg sera présent en visio conférence (on ne peut pas être partout à la fois) : pour une conf-débat « Dégooglisons » à destination d’étudiants.
Le 22 octobre, Yostral (et d’autres ?) traversera la frontière jusqu’à Lausanne (en Suisse) pour tenir un stand à la journée Poséidon, de l’EPFL
Le 19 novembre, à Lyon : Pyg participera à un débat à la Bibliothèque Municipale de Lyon, suite à la diffusion du documentaire « Internet Own Boy » sur le combat D’Aaron Schwartz, dans le cadre de l’événement « Arts/Résistances »
Le 20 novembre, à Paris : nous tiendrons un stand (et des conférences…? à suivre !) au premier Paris Open Source Submit
Et enfin, une fine équipe Framasoftienne se retrouvera à Toulouse, les 21 et 22 novembre, autour d’un stand et de conférences pour le « Capitole du Libre » (programme à venir)
MyPads : seconde version admissible
Rappel des épisodes précédents : MyPads est un « plugin » qui permet à notre service en ligne Framapad (un outil en ligne de rédaction collaborative), d’organiser ses documents. Pour savoir de quoi il retourne : http://fr.ulule.com/etherpad-framapad/ Cet article sur le Framablog est l’avant-dernier d’une longue série présentant les avancées du développement de ce plugin. Voir https://framablog.org/tag/mypads/ Ainsi, cet article est (volontairement) plutôt technique, et non un article généraliste plutôt dédié au grand public comme habituellement sur le Framablog.
La première version admissible – Release Candidate – est sortie il y a dix jours. Un grand merci à ceux qui ont pris la peine de la tester et de nous faire des retours. Ces derniers ont conduit à une seconde version admissible.
Changements depuis la RC1
Depuis le début de la semaine dernière et les premiers échanges :
Jusqu’ici tous les éléments de MyPads étaient dotés d’un identifiant unique aléatoire généré par la bibliothèque cuid. Efficaces et ordonnés, les identifiants ainsi générés avaient pour défaut principal d’être trop peu visuels et compréhensibles pour un usage en adresse web. Il a ainsi été décidé de passer à une génération empreinte de davantage de sens.
Par exemple, un groupe nommé Affaires classées 312 aura maintenant pour identifiant affaires-classees-312-xxxxxxx. Les derniers caractères restent cependant aléatoires afin de ne pas imposer l’usage de noms uniques lors de la création dans toute l’instance. Ont été impactés par ce changement les groupes, pads, utilisateurs et listes d’utilisateurs.
L’email était d’ores et déjà obligatoire pour la création d’un compte utilisateur. Pourtant, il n’était pas forcément unique en base de données : seuls les identifiants devaient l’être. Ce choix avait été fait pour permettre de créer plusieurs comptes sur une même adresse mail. Nous avons souhaité revenir sur cet état de fait et de rendre les adresses elles aussi uniques, ce qui nous permet dorénavant :
au niveau des groupes restreints, d’inviter des utilisateurs ou de partager avec eux l’administration de ces groupes via leurs adresses email en plus de leurs identifiants;
pour le module de listes utilisateurs, également les emails en plus des identifiants;
enfin, le recouvrement de mot de passe se fait maintenant par la saisie de l’adresse email.
Lorsque vous invitez des utilisateurs, vous êtes maintenant plus clairement informés concernant ceux pour qui l’opération a réussi et ceux pour qui ce n’est pas le cas.
L’ensemble des éléments de MyPads possède aujourd’hui un champ contenant leur date de création, pour un tri plus fiable au sein de l’application.
Un bug gênant introduit par le changement récent de méthode d’authentification a été corrigé : en effet, un certain nombre de modifications concernant les comptes utilisateurs, par exemples les favoris, n’étaient pas reflétées au niveau du cache serveur, ce qui entrainait la perte des informations après un rafraîchissement manuel de la page.
Des correctifs concernant les traductions.
Une partie non négligeable des tests unitaires et fonctionnels ont dû être adaptés suite à ces modifications.
La suite
À court terme il est toujours important que cette seconde version admissible soit massivement testée et que les anomalies rencontrées puissent être rapportées dans notre espace Gitlab.
Vous pouvez maintenant tester cette version (dont seules quelques améliorations nous séparent de la version définitive) à l’adresse : https://mypads.framapad.org
Comme nous considérons l’application suffisamment stable, nous ne supprimerons à priori pas les données des pads créés à cette adresse (cependant, nous ne pouvons pas le garantir de façon absolue).
Note importante : si vous utilisez de comptes privés sur l’ancienne version d’Etherpad, nous vous invitons dès aujourd’hui à copier-coller le contenu de vos anciens pads dans de nouveaux pads créés pour l’occasion sur https://mypads.framapad.org
MyPads RC2
The first MyPads release candidate version has been published more than a week ago. A big thank you to those who have spent some time to test and formalize some feedback. The latter have brought us to the second release candidate.
Changes from RC1
From the beginning of last week and first issues reported :
Until now all the MyPads elements had an unique random identifier, generated by the cuid library. Efficient and ordered, theses identifiers had a main problem : being no human readable for an URL usage. It has been decided to move to a more meaningful generation.
For example, a group named Classed cases 312 now have for identifier classed-cases-312-xxxxxxx. The last characters are random in the purpose to not command unique names at creation across the whole instance. This change impacts groups, pads, users and and user lists.
Email has already been required for user account creation. However, uniqueness into database was not enforced : only the logins were. This choice has been made in order to allow multiple accounts creation with a same email. We have chosen to revisit our opinion and now MyPads requires unique email addresses, which allows :
for restricted groups, user invitation or administration sharing from email address in addition to their login;
in the user lists module, emails and logins too;
last, password recovery now ask for email address.
From now on user invitation, you are more clearly informed about those for who the operation has succeeded and those where it has failed.
All MyPads elements now handle a creation date field, allowing a more reliable ordering inside the application.
An annoying bug has been introduced with the recent authentication method change and has been fixed : actually number of changes around accounts, like bookmarks, were not reflected at the server cache level, and had for consequence data loss after manual reloading of the page.
Some corrections for translations.
A significant part of unit and functional tests had to be adapted after these modifications.
Suite
Short-term it’s still important for this RC2 to be massively tested and that the encountered bugs can be reported into our Gitlab.
As we consider the application stable enough, in principle we won’t remove data for pads and groups created at this domain (even so, we can’t absolutely guarantee that).
important note : if you have used private accounts on the old Etherpad version at Framapad, we invite you, as soon as possible, to copy paste your old pads content into new pads created on https://mypads.framapad.org
Dogmazic : le retour de la plus grande playlist libre
Depuis mi-mai, l’équipe de Musique libre a réussi le pari de ressusciter Dogmazic après trois ans de sommeil.
Alain, un des bénévoles qui a permis ce retour à la vie et président de l’association a accepté de répondre à nos questions.
Bonjour Alain, pour ceux qui auraient découvert l’univers du libre ces dernières années, peux-tu nous présenter Dogmazic ?
Dogmazic est une plate-forme de diffusion et de téléchargement de musiques libres. Le site, propulsé par l’association Musique Libre héberge quelque 55 000 morceaux de musique de 4500 artistes sous près de 36 licences différentes. Il existe depuis 2004.
Quelle est la différence entre le site « musique libre » et « Dogmazic » ?
Le site « musique libre » est le site de l’association. C’est un blog d’actualités, un forum et une partie documentation très fournie. Il permet de mettre en valeur ce que nous estimons intéressant à connaître, à voir, à réfléchir. Le mouvement autour des cultures libres est vaste et est en constante évolution.
Parlons licence (pour les petites bêtes velues qui traînent sur le forum, on parle ici de musique sous licence de libre diffusion et non de licence libre). Je n’ai pas trouvé comment rechercher des artistes ou des morceaux selon la licence d’utilisation. Je ne suis pas doué ou bien ce n’est pas possible ?
Peut-être aussi que notre interface n’est pas claire, mais c’est possible. En premier, il faut avoir un compte et être enregistré, puis, en allant dans « recherche avancée » et en faisant une recherche par critères en incluant les licences recherchées (NDM : je ne suis en effet pas doué). Il est notamment possible d’enregistrer la recherche dans une playlist qui se repeuplera dès qu’une nouvelle œuvre est publiée sous la licence choisie. Pour la petite histoire, nous préférons parler de licences libres et ouvertes, la « licence de libre diffusion » entraîne une confusion autour de la diffusion commerciale qui, elle, n’est pas libre dans le cas de licences avec la mention « non commerciale » (pour plus de détails lire le texte en suivant le lien)
En quoi Dogmazic est différent d’autres plateformes (Jamendo) ?
Dogmazic est propulsé par une association, tout ce que nous faisons, nous le faisons à but non lucratif, c’est pour cela que vous ne trouverez pas de publicités sur le site, financé exclusivement par les cotisations et les dons. Nous avons aussi un espace de documentation régulièrement mis à jour avec les dernières informations pratiques autour des musiques libres. Jamendo est une entreprise avec des logiques de développement et de financement tout à fait différentes des nôtres.
Quels sont le/les critère(s) pour avoir son/ses morceaux présents sur Dogmazic ? Vu la taille impressionnante des musiques archivées sur votre site, on peut se demander si vous ne privilégiez pas une logique de quantité 🙂 Est-ce qu’il y a une sorte de « sélection » ou filtrage à la soumission de musiques ou bien est-ce totalement libre ?
Depuis les débuts du site, il n’y a pas de sélection. Car sur quels critères pourrions-nous juger d’une œuvre (à part avoir une politique éditoriale comme celle d’un label) ? Nous acceptons tous les titres quelle que soit leur qualité. Par contre, nous choisissons de mettre en avant les titres les mieux produits. La seule sélection qui est faite c’est celle concernant les samples copyrightés ou les reprises de musiques du domaine du copyright que nous n’acceptons pas.
Il faut un temps d’accoutumance pour apprécier un morceau, on voit bien que les radios ressassent les mêmes airs à la mode.
Comment se faire connaître quand on fait de la musique libre et qu’on ne passe pas en radio ?
Concerts, concerts, concerts ! Ou des participations à des projets suffisamment médiatisés sur internet pour amener plus de gens à écouter, à diffuser, à donner… Nous avons aussi de notre côté à mettre en valeur certaines initiatives comme les web-radios libres.
Qu’est-ce qu’un musicien/groupe peut avoir à gagner à donner ses créations en téléchargement sur la plateforme Dogmazic ?
Il y a quelques avantages non négligeables. Le premier est que vous êtes directement identifiés comme faisant de la musique libre (ce qui est plus discret sur des plate-formes comme Soundcloud voire Youtube), vous pouvez choisir la licence que vous souhaitez (hors des Creative Commons, comme la licence Art Libre ou encore la licence WTFPL). Nous mettons en place une solution de dons (paypal) et micro-dons (flattr) pour les artistes, et les œuvres publiées sur Dogmazic alimentent une base de donnée libre, musicbrainz, qui permet de retrouver et d’identifier plus facilement les musiques libres dans les principaux logiciels de musiques.
J’ai envie de partager un album que j’aime particulièrement et hébergé sur Dogmazic. Je peux avoir un petit lecteur pour mettre sur mon site internet ?
Tout à fait possible, mais il faut avoir un compte pour ce faire. Une icône à côté du morceau le permet, avec quelques options intéressantes en plus.
Quelle a été la potion magique pour réussir à remettre en ligne Dogmazic (parce qu’on aurait bien besoin de la recette pour finaliser le reboot de notre annuaire) ?
Une équipe de plusieurs admin, une vision financière apaisée, un moteur de site simple et au code connu de tous (php), qui permet un recrutement plus large de personnes, et un lien privilégié avec un des développeurs de la solution logicielle. En ce qui nous concerne, Ampache, logiciel sur lequel est basé Dogmazic, profite de nos tests en grandeur nature et fait grandir le projet de Dogmazic à chaque version. Nous avons d’ailleurs commencé avec une version 3.6 (celle qui est disponible dans les dépôts Debian), en ce moment, et après une période de tests, nous sommes passés à la version 3.8.
Pourquoi avoir relancé le site ?
Parce qu’on nous le demande ! Le site a occupé une large place en France et ailleurs pour la musique libre à une époque où les débats sur le téléchargement étaient très médiatisés, de nombreux artistes se sont reconnus dans la démarche des musiques libres. Aujourd’hui, les choses changent un peu et les opportunités aussi. Un artiste de musique libre peut aujourd’hui monétiser beaucoup plus facilement ses œuvres qu’auparavant, et, ce, sans passer par la Sacem ou d’autres sociétés d’auteur (Youtube par exemple, Juno, Bandcamp et bien d’autres permettent de rémunérer des artistes…). Donc, l’enjeu, de taille, est qu’il faut que tout cela soit connu des artistes, qu’ils ne se disent pas que « la Sacem c’est automatique ». Tout ce que nous disons c’est que ce n’est pas avec des antibiotiques que la plupart des petits artistes résolvent leurs problèmes financiers, au contraire, trouvons des alternatives et Dogmazic en est une.
Cela fait maintenant trois mois que Dogmazic a été remis sur pied. Avez-vous déjà fait un premier bilan ? De nouveaux artistes se sont-ils inscrits ? Les visiteurs sont-ils au rendez-vous ?
Oui, de nouveaux artistes se sont inscrits, de nouveaux sons ont été déposés (près de 1000 nouveaux morceaux). En ce moment, le site plafonne à 350 visites par jour, ce qui est peu, mais nous sommes aussi conscients qu’il y a toujours du travail à faire pour refaire connaitre le site, valoriser les œuvres présentes…
Stop the Music, une nouvelle sur les libertés. 2/2
À l’occasion du RaysDay 2015, l’équipe de traduction Framalang a choisi de traduire la nouvelle Stop the Music, de Charles Duan, publiée originellement sur Boing Boing. Cette histoire futuriste explore les dérives possibles des lois sur le copyright.
Voici donc la seconde et dernière partie de cette traduction. Exceptionnellement, nous avons choisi de ne pas traduire le titre (libre à vous de le faire !)
Traduit par : Piup, egilli, Sphinx, Singularity, audionuma (et les anonymes)
Stop the music
V.
À la Cour suprême des États-Unis
Eugene L. Whitman contre Alfred Vail Enterprises, Inc.
Audience de l’avocat Maître Richard A. Tilghman
représentant du plaignant Eugene L. Whitman
Le 12 février 2046
La présidente de la Cour suprême, Mme Diehr : Nous écoutons ce matin le débat dans l’affaire 45-405, Whitman contre Alfred Vail Enterprises.
Me Tilghman ? Me Tilghman : Madame la Présidente de la Cour suprême, et Mesdames Messieurs les juges de la Cour.
Aujourd’hui, nous demandons à cette Cour de protéger l’un des droits à la propriété les plus anciens et les plus importants en place dans cette nation : le droit d’auteur qui protège l’œuvre créative des auteurs, des artistes, et, plus précisément dans le cas de cette affaire, des musiciens.
La section 106 de la loi sur le droit d’auteur réserve aux propriétaires de droits d’auteur le droit exclusif de faire des copies de leurs œuvres, de faire des œuvres dérivées basées sur les œuvres originales, et de distribuer et de produire en public ces œuvres, entre autres choses. Ces droits sont…
Juge Diamond : Avant d’entrer dans les détails fastidieux du droit d’auteur, Me Tilghman, pouvez-vous m’expliquer pourquoi nous devrions ne serait-ce qu’envisager d’examiner cette affaire ? C’est une affaire concernant l’effacement des souvenirs des gens, aussi je souhaite commencer par comprendre pourquoi vous pensez que le système EffaceMem National est pertinent en dehors du cadre très restreint de l’activité terroriste, que nous avons autorisé durant l’affaire Neilson. Comprenez : nous parlons de suspendre temporairement les droits civiques de la liberté de pensée. Pourquoi devrions-nous envisager d’effacer les souvenirs des gens dans n’importe quel autre contexte que le terrorisme ?
Me Tilghman : Monsieur le juge, bien que Neilson ait été une affaire concernant un acte terroriste, le raisonnement n’était pas limité à ce type de situation. La décision de cette Cour s’appuyait sur les principes généraux de la Constitution, et elle a décidé que l’effacement des souvenirs à l’échelle nationale était admissible lors « d’un risque imminent envers un intérêt incontestable du peuple américain ». L’intérêt incontestable, dans l’affaire Neilson, était le droit à la sécurité contre le terrorisme, mais d’autres intérêts importants peuvent également correspondre à cette description.
Présidente Diehr : Et, bien entendu, il y a le fait qu’une idée illégale est de la contrebande. Vous savez, personne ne se demande pourquoi il est illégal de posséder des drogues illicites, ou des armes de destruction massive. Une idée peut être tout aussi destructrice que toutes ces choses. Ne paraît-il pas que le gouvernement devrait posséder le pouvoir de confisquer des idées dangereuses afin de protéger le peuple ?
Me Tilghman : C’est en effet la vérité, votre Honneur. La possession d’une pensée illégale devrait être traitée de la même façon que la possession d’un objet illégal. Et une copie illégale d’un travail sous droits d’auteur est une contrebande,
Juge Flook : Bien… bien… mmh. Je peux comprendre l’argument concernant la contrebande d’une manière générale, mais c’est la pente glissante qui m’inquiète. J’étais d’accord avec Neilson mais j’étais préoccupée concernant ce qu’un autre usage de l’EffaceMem National pourrait causer. Poussé trop loin, il pourrait mener à la censure, à un contrôle de l’esprit par le gouvernement, un totalitarisme orwellien. Comment puis-je être sûre, Me Tilghman, que ce que vous demandez ne nous mènera pas vers ces sentiers ?
Me Tilghman : C’est une excellente question du juge Flook. Question qui possède heureusement une réponse simple. Comme je le disais précédemment, Neilson estimait qu’un « intérêt incontestable du peuple américain » pourrait justifier l’utilisation du système EffaceMem National sans nous amener sur ces pentes glissantes. Or, la protection du droit d’auteur correspond à ce type d’intérêt incontestable car le droit d’auteur est un droit fort, absolu.
Présidente Diehr : Bien, cet argument correspond à celui que vous exposez dans votre briefing à propos de la Gestion des droits numériques (NdT : qui correspond aux DRM).
Me Tilghman : C’est exact.
Bien entendu, les DRM sont la technologie qui permet aux œuvres soumises au droit d’auteur de ne pas être utilisées contrairement aux vœux des ayants droit. Il fut un temps, aux débuts de l’informatique, où cette technologie était assez grossière et peu répandue. À cette époque, j’aurais pu rejoindre votre avis, M. Flook : le droit d’auteur était rarement appliqué et le piratage allait bon train.
Mais à la fin du siècle dernier, le monde s’est orienté vers les appareils mobiles, appareils qui pouvaient être tracés, contrôlés voire désactivés à distance. Cela permit de mettre en œuvre des DRM fortes, efficaces, à terme développées par un consortium industriel. Ces DRM sont maintenant incluses dans chaque appareil électronique vendu. Ce standard industriel que sont les DRM permet aux ayants droit d’avoir un contrôle total sur leurs œuvres : ils ont le pouvoir d’empêcher la copie, le pouvoir de contrôler qui utilise l’œuvre, le pouvoir de supprimer les données d’un appareil pour protéger l’œuvre d’un usage abusif. C’est un contrôle absolu.
Sous cet angle, la demande de mon client dans cette affaire ne constitue pas particulièrement une étape majeure. Il contrôle déjà chacun des exemplaires de son œuvre présent dans chaque appareil électronique. Tout ce qu’il souhaite désormais, c’est d’avoir ce contrôle sur les exemplaires stockés dans les esprits des personnes.
Juge Diamond : Attendez… attendez une seconde. Vous oubliez complètement les droits qui existent en contrepartie. Les consommateurs n’ont-ils pas le droit d’effectuer des copies à usage personnel ou de jouer de la musique entre amis ? Tous ces usages font partie des « usages raisonnables », autorisés par les lois sur le droit d’auteur si je me souviens bien. Réaliser des parodies, utiliser des citations dans des articles, enregistrer les émissions diffusées pour les regarder plus tard : tous ces actes sont considérés comme « usages raisonnables » et les personnes ont le droit de le faire malgré le droit d’auteur.
Me Tilghman : Bien que ces exceptions au droit d’auteur restent valables pour les livres, elles ont toutes été remplacées par la loi concernant la Gestion des droits numériques.
Juge Flook : Pour être parfaitement honnête, Me Tilghman, je n’ai pas tout à fait compris cet argument de votre briefing. D’après moi, vous évoquez la section 1201 du Digital Millennium Copyright Act. Or, cette section ne mentionne rien qui concerne le remplacement de l’usage raisonnable et les autres exceptions mentionnées par le juge Diamond. Comment arrivez-vous à la conclusion que la section 1201 remplace de tels éléments ?
Me Tilghman : Il est vrai que c’est un concept délicat, votre Honneur, et je m’excuse si je ne l’ai pas bien expliqué lors des briefings.
Il est vrai que ces exceptions au droit d’auteur, telles que l’usage raisonnable, s’appliquent aux livres. Toutefois, l’applicabilité de ces exceptions est fortement limitée par les DRM et la section 1201. Les DRM modernes s’assurent que les œuvres protégées ne peuvent être utilisées contre la volonté de l’auteur, même si celle-ci va à l’encontre de ces exceptions. La section 1201, quant à elle, a rendu illégal le contournement des DRM. Par l’opération de la loi et de la technologie, il est donc illégal d’utiliser une œuvre protégée par DRM en dehors de ce qui est permis par l’ayant droit, quelle que soit « l’exception statutaire » au droit d’auteur prétendue.
Présidente Diehr : Donc, autrement dit, le Congrès a rendu illégal tout ce qui n’est pas autorisé par les DRM, y compris si les DRM bloquent l’une de ces exceptions au droit d’auteur. Et cela signifie alors que le respect des DRM est en fait plus important que ces exceptions telles que l’usage raisonnable. Est-ce correct ?
Me Tilghman : Oui, c’est tout à fait correct. Avec la section 1201, le Congrès a décidé que les intérêts des ayants droit prévalaient quand cela concernait les données enregistrées sur les appareils. Aucune raison que les données enregistrées dans les esprits soient considérées différemment.
Juge Diamond : Cela me paraît absurde. Cette loi rend-elle illégal l’exercice des droits par les personnes ? Par exemple, qu’en est-il de l’exercice du droit à un usage raisonnable ?
Me Tilghman : Cela vous paraît peut-être absurde que les DRM outrepassent légalement l’usage raisonnable mais cela a été établi par la loi depuis longtemps. Une affaire datant de 2001, Universal City Studios contre Corley, a spécifiquement énoncé que le contournement des DRM était illégal en raison de la section 1201 et ce, même si cela était fait dans un but d’usage raisonnable. L’affaire MDY Industries contre Blizzard Entertainment, datée de 2010, a abouti à la même conclusion.
Si les décisions liées à ces affaires étaient injustifiées, le Congrès a disposé de 40 ans pour changer la loi. Il n’y a eu aucun changement sur ces points. La section 1201 reste écrite telle qu’elle a été adoptée. Cela permet de montrer que le droit d’auteur est aujourd’hui un pouvoir de contrôle total. C’est un droit très fort.
Juge Flook : Ceci est fascinant. Je pense que je comprends maintenant votre argument comme quoi le droit d’auteur est un droit fort. Mais reprenons un peu de recul.
Cette affaire concerne l’effacement de souvenirs dans les esprits des citoyens. Dans les esprits de tous les citoyens. Je comprends maintenant votre argument expliquant que le droit d’auteur est un droit fort, soutenu par les DRM et des lois telles que la section 1201. Toutefois, je ne suis pas sûr des raisons qui nous pousseraient à passer de ce droit fort à ce remède que serait l’effacement de la mémoire.
Il est évident que cette loi EffaceMem est très récente et nous sommes toujours en train de réfléchir à ses implications avec les autres domaines législatifs. Mais j’aimerais être sûr qu’il ne s’agit pas des prises de pouvoir observées dans les années 20 et 30, époque à laquelle de grandes entreprises du nucléaire ont prétendu à toutes sortes de droits suite à des interprétations excentriques des lois environnementales. Quel est le besoin légitime des ayants droit d’effacer les souvenirs des personnes ?
Me Tilghman : Le besoin légitime, c’est l’intérêt d’un contrôle total sur une œuvre protégée par le droit d’auteur. Cet intérêt d’un contrôle total est légitimé par les DRM et les protections offertes par la section 1201 qui permettent un tel contrôle. Les lois actuelles sur le droit d’auteur donnent aux ayants droit un pouvoir total, intégral, sur leurs œuvres protégées.
Le pouvoir de contrôler, c’est le pouvoir d’effacer. Les systèmes de DRM modernes permettent déjà aux ayants droit de supprimer les exemplaires qui sont en infraction grâce à un simple bouton. Les copies physiques qui violent le droit d’auteur peuvent être détruites conformément à la section 503(b) du Copyright Act. Et depuis que la commission américaine sur le commerce international a commencé, en 2014, à considérer les transmissions de données comme des importations de biens, elle a régulièrement saisi et bloqué des informations sur Internet. Il ne fait aucun doute que la suppression des informations de la pensée publique sera un remède tout à fait accepté pour le non-respect du droit d’auteur.
Pourquoi est-ce que cela devrait avoir une importance que les informations soient retirées d’un disque de silicium ou d’un neurone humain ? Comme la présidente Diehr l’expliquait précédemment, les informations qui portent atteinte au droit d’auteur, comme la chanson Straight Focus de M. Vails, constituent de la contrebande, quel que soit l’endroit où ces informations sont stockées. En fin de compte, tout ce que nous demandons dans cette affaire, c’est de modestement pouvoir transposer aux esprits humains le pouvoir que les ayants droit ont sur les ordinateurs, grâce aux DRM. S’il est possible d’empêcher les tablettes de penser quoi que ce soit d’illégal, pourquoi ne devrions-nous pas empêcher les personnes d’utiliser leurs têtes pour violer les droits applicables aux –si bien nommées– propriétés intellectuelles ?
La seule raison qui permettait aux exemplaires en infraction d’être conservés dans les esprits des personnes était que nous ne disposions pas des technologies pour effacer ces exemplaires des souvenirs. Aujourd’hui, nous disposons d’une telle technologie. Pour cette raison, j’exhorte la Cour de prendre une décision logique et dans l’ordre des choses pour la protection des ayants droit et pour leur permettre de protéger pleinement ce qui leur appartient.
Présidente Diehr : Merci, Me Tilghman.
Me Proctor ?
VI.
À la Cour suprême des États-Unis
Eugene L. Whitman contre Alfred Vail Enterprises, Inc.
Audience de l’avocate Maître Willa M. Proctor
représentant la défense, Alfred Vail Enterprises, Inc.
Le 12 février 2048 Me Proctor : Madame la Présidente, Mesdames, Messieurs les juges,
Depuis les quelques trois siècles que les États-Unis d’Amérique sont une nation, l’inviolabilité de l’esprit est un principe central. La poursuite du bonheur – la poursuite de la pensée individuelle – s’y inscrit, avec la vie et la liberté, comme un droit inaliénable.
Or, c’est cette poursuite du bonheur qui est fondamentalement remise en cause dans ce tribunal aujourd’hui. Le plaignant vise à violer le droit fondamental à la liberté de penser, à la fidélité des idées, à la poursuite du bonheur. Il vise à violer ces principes pour justifier de la protection de la propriété intellectuelle.
La liberté de pensée n’est certainement pas absolue comme l’a reconnu ce tribunal dans l’affaire Neilson. Mais au même titre que la liberté d’expression, le droit à un procès équitable et le droit à une défense égale, c’est un droit fondamental, qui ne peut être brisé que lorsqu’existe un intérêt primordial pour la partie adverse : un intérêt tel que le terrorisme ou la sécurité nationale.
Le droit d’auteur ne représente pas un tel intérêt. Il ne met pas la sécurité ou la protection de la nation en jeu, il s’agit purement de l’intérêt financier d’une seule personne.
Présidente Diehr : Bien, l’intérêt d’une seule personne ne peut-il pas être primordial s’il est suffisamment fort ? L’intérêt à protéger une personne d’un crime violent ou les droits fondamentaux d’une personne, protégés par la loi, représentent certainement de tels intérêts primordiaux. Et si, comme Me Tilghman le suggérait, le droit d’auteur est un droit fort, absolu, pourquoi ne devrait-il pas s’inscrire dans cette catégorie d’intérêts primordiaux méritant la plus haute protection ?
Me Proctor : Eh bien nous y voilà, votre Honneur, le droit d’auteur n’est pas aussi absolu que ce que Me Tilghman aimerait nous le faire croire. L’exception la plus connue à l’encontre de ce caractère absolu du droit d’auteur est la doctrine de l’usage raisonnable par laquelle quelqu’un peut commettre un acte semblable à une infraction au droit d’auteur sans en porter la responsabilité, car l’utilisation qui est faite de l’œuvre est jugée raisonnable et acceptable.
Présidente Diehr : Me Tilghman a expliqué que les DRM et la section 1201 l’avaient emporté sur l’usage raisonnable. Quelle réponse apportez-vous à cette explication ?
Me Proctor : Il a peut être raison d’un point de vue pratique mais l’anéantissement de l’usage raisonnable ne doit pas être propagé ou appuyé par ce tribunal. Les doctrines comme celle de l’usage raisonnable sont majeures afin de permettre aux artistes et créateurs de continuer leurs travaux. Tout art est construit sur les succès et les inspirations du passé. De la même façon qu’aujourd’hui ce tribunal cite des affaires passées au sein des avis qu’il rend, un roman fera référence à des travaux précédents, un peintre utilisera les techniques des grands maîtres, un musicien empruntera différentes idées à des genres et musiques diverses.
Ainsi, même si les DRM et la section 1201 ont diminué cette doctrine de l’usage raisonnable pour les appareils électroniques, ce tribunal ne devrait pas la diminuer encore en déclarant le droit d’auteur comme un droit complètement absolu. Et c’est pour cette simple raison que le système EffaceMem National ne peut être approprié ici. Ce système est réservé pour des situations portant sur des droits absolus, où il n’y a aucune valeur compensatrice pour la partie opposée.
Juge Diamond : Les nombreuses lois appliquées dans les états qui régulent l’usage de la technologie EffaceMem devraient confirmer votre point de vue selon lequel le système EffaceMem National est réservé pour des cas d’importance absolue, n’est-ce pas ?
Me Proctor : Certainement, votre Honneur. Lorsque EffaceMem est devenu populaire il y a quelques années, les états ont immédiatement agi afin de réguler l’industrie qui aurait pu abuser de cette technologie. Aujourd’hui, chacun des cinquante-deux états possède des lois précisant les autorisations pour les opérateurs EffaceMem, limitant les opérations d’effacement de mémoire à un ensemble restreint de situations appropriées, imposant des périodes d’attente pour ceux qui souhaitent l’utiliser, requérant des vérifications conséquentes pour vérifier le consentement et l’information des personnes.
Juge Diehr : Et toutes ces lois sont inapplicables ici. Comme vous le savez sûrement, le National Security Act de 2040 est prioritaire sur ces lois et permet au système EffaceMem National d’être utilisé pour « protéger n’importe quel intérêt ou droit national » selon les termes de la loi. Ainsi, l’application d’un droit créé par le gouvernement américain, disons le droit d’auteur, est explicitement permis même si les lois que vous mentionnez existent, n’est-ce pas ?
Me Proctor : Votre Honneur, le National Security Act a été promulgué cinq mois seulement après les attaques terroristes d’août 2039 et il paraît évident que cette loi a été conçue pour traiter du terrorisme et de la sécurité nationale. Peut-être que le texte de la loi suggère que cette loi outrepasse les lois des états lorsqu’il s’agit de protéger les droits d’auteur. Mais replacée dans le contexte dans lequel le National Security Act a été passé, c’est une interprétation vraiment très large de la loi.
Juge Flook : Il me semble, Maître, que vous faites référence au problème plus large dont nous avons discuté avec Me Tilghman : celui des pentes glissantes. Si le droit d’auteur n’est pas un intérêt aussi fort que la sécurité nationale, permettre d’utiliser le système EffaceMem National pour faire respecter le droit d’auteur ouvrirait alors la porte à toutes sortes d’utilisations inconsidérées du système.
Me Proctor : C’est exactement là qu’est mon souci, votre Honneur. Les abus autour de l’effacement de mémoire, les abus autour d’un effacement national, généralisé, de la mémoire, sont faciles à imaginer. Un parti politique au pouvoir pourrait l’utiliser pour affaiblir les opinions envers le parti opposé. Les grosses entreprises pourraient l’utiliser pour saboter d’autres entreprises. L’effacement des souvenirs pourrait devenir un outil d’oppression, d’ostracisme, de…
Présidente Diehr : Eh bien, il me semble qu’il existe de nombreuses autres situations pour lesquelles il serait approprié d’utiliser ce système. Notamment pour les fuites d’informations classées secrètes. Le gouvernement ne devrait-il pas être en mesure d’utiliser le système EffaceMem National pour empêcher de telles fuites ?
Me Proctor : Les fuites d’informations classées secrètes relèvent de la sécurité nationale et il faut donc s’en protéger comme du terrorisme. Aussi, quand bien même utiliser EffaceMem pour empêcher ces fuites serait approprié, cela ne signifie rien pour l’utilisation du système EffaceMem National dans le cas d’un non-respect du droit d’auteur.
Présidente Diehr : D’accord, prenons dans ce cas un exemple portant sur le droit d’auteur. Disons que nous avons une situation comme l’ancienne affaire sur le droit d’auteur Harper & Row contre Nation Enterprises, dans laquelle un magazine met la main sur un livre avant sa publication, dévoile le livre et publie ses meilleurs extraits en avance. Cela détruit le marché pour le livre et est entièrement contraire au droit exclusif de distribution d’une œuvre protégée par le droit d’auteur. Le seul remède pour l’ayant droit est d’effacer tout souvenir de ces révélations afin que le livre puisse être vendu et lu de nouveau. Ce cas n’est-il pas approprié pour un tel système ?
Me Proctor : Non, votre Honneur.
Juge Flook : Hein ?
Me Proctor : Pardon ?
Juge Flook : Bien… mmh. L’argument avancé par la présidente Diehr est intéressant. Je connaissais l’affaire Harper & Row mais je ne l’avais pas considérée de cette façon.
Ça me rappelle quelque chose qui m’est arrivé il y a quelques années, lorsque j’étais encore étudiant en droit. J’avais travaillé sur un projet de recherche sur les lois locales de 2012 à propos des sacs plastiques. J’ai passé des mois à fouiller parmi les registres législatifs municipaux, j’ai même dû me rendre dans un hôtel de ville qui conserve encore les lois dans des registres papier.
À la fin, j’avais collecté toutes les données dont j’avais besoin et j’avais commencé à écrire mon article sur le sujet. Je savais que ça allait être quelque chose, au moins pour un étudiant en troisième année dont le nom n’apparaissait que dans une note d’une revue législative. Mais j’ai parlé de ces résultats à un des professeurs de l’époque. Celui-ci a répété la conclusion principale lors d’une conférence de presse. Bien sûr, cette conclusion s’est répandue sur tous les sites d’informations en quelques jours.
Je suppose que j’aurais dû être content que les faits soient diffusés de cette façon. Mais, quand mon article a été prêt à être publié deux mois après, bien sûr, plus personne n’était intéressé. L’article fut finalement rejeté et le semestre que j’y avais consacré fut perdu.
Manifestement, j’ai réussi sur d’autres travaux…
Juge Diamond : Je pense que vous avez plutôt réussi, juge Flook.
(Rires)
Juge Flook : Eh bien, étant assis sur le banc avec vous, je ne dois pas être si mauvais.
(Rires)
Je suppose que ce que je retiens de cet incident c’est que d’avoir un contrôle sur son propre travail est très important. J’ai perdu le contrôle sur mes recherches. Aujourd’hui, la technologie peut remédier à ça. Les DRM permettent aux ayants droit de contrôler leurs œuvres sur les appareils. Peut-être que cette technologie a été controversée au début mais aujourd’hui, tout le monde l’accepte vu que la section 1201 n’a pas été modifiée. Pourquoi ne devrions-nous pas avoir le contrôle de nos œuvres qui sont dans les esprits des autres ? C’est tout ce que M. Whitman demande, n’est-ce pas ? Une sorte de deuxième chance pour retirer les informations transgressives qui n’auraient jamais dues être diffusées en premier lieu.
Présidente Diehr : Quelque chose qui ressemble peut-être au nettoyage d’un polluant ? Cela pourrait être une analogie environnementale.
Juge Flook : Mmh… Oui, peut-être. C’est peut-être le parallèle que je cherchais quand je demandais si l’effacement de mémoire était la bonne solution ici. Un peu comme on nettoie les produits chimiques de l’air, nous nettoyons les esprits des informations qui n’auraient pas dû y être.
Me Proctor : Je… je vois que mon temps de parole est écoulé, pourrais-je…
Présidente Dieh : Le tribunal vous accorde une à deux minutes pour répondre.
Me Proctor : Merci, votre Honneur. Pour répondre à votre question M. Flook, nous ne faisons pas que nettoyer les esprits d’une information. Nous nettoyons beaucoup plus.
Lorsque j’ai parlé avec mon client, M. Vail, de l’importance de sa chanson, il m’a expliqué que cette musique était intimement liée au souvenir de sa fille, Sarah Vail. Straight Focus est composée des morceaux favoris de Sarah et les souvenirs qu’il a de cette chanson sont des souvenirs d’elle. La chanson utilise également les techniques neurologiques qu’il a inventées afin de mélanger ces morceaux et de déclencher les souvenirs de Sarah dans son esprit. C’est, à proprement parler, cette chanson qui garde la fille de M. Vail en vie pour lui. Lui confisquer les souvenirs c’est lui retirer ce fragment d’elle.
Ce résultat déplorable ne l’est que plus pour les fans de cette chanson. Ces derniers ont apprécié ce morceau et ont construit leurs propres souvenirs autour. Les artistes ont créé des remixes et reprises à partir de ce morceau grâce à des éléments personnels et créatifs.
Devrions-nous abandonner toute cette création, tout ce progrès, toutes ces pensées et tout ce bonheur pour la seule requête, unilatérale, d’un compositeur ? La Constitution des États-Unis affirme que la loi sur le droit d’auteur doit « promouvoir le progrès de la science et les arts utiles ». Or, l’effacement de mémoire demandé par M. Whitman n’effacerait pas uniquement la chanson contrevenante, qui était déjà un travail d’adaptation, mais aussi toutes les œuvres progressives créées à partir de celle-ci. L’effacement est une régression, pas un progrès, et ce tribunal ne saurait l’autoriser.
Présidente Diehr : Merci, Me Proctor, l’affaire est soumise au vote.
VII.
The Washington Post
La Cour suprême autorise l’effacement d’une chanson de la mémoire nationale
Le 25 juin 2046
Dans une décision très controversée, la Cour suprême a approuvé par cinq voix contre quatre la décision à l’encontre du géant de la musique et de la technologie Vail Enterprises, exigeant l’utilisation du système EffaceMem National pour effacer tous les souvenirs du tube Straight Focus des esprits de tous les citoyens des États-Unis.
Représentant la majorité, le juge Flook a rappelé ses préoccupations quant à la restriction nécessaire des usages du système EffaceMem National pour que celui-ci ne soit utilisé que pour les « infractions graves ». Il reste toutefois persuadé que « les mesures pour un droit d’auteur fort, développées ces dernières décennies indiquent que la nation considère désormais l’atteinte au droit d’auteur comme une de ces infractions graves ». Dans la suite de son discours, il a déclaré que « la suppression des souvenirs est un remède approprié étant donné les mesures existantes permettant aux ayants droit de supprimer les idées exprimées sur presque tous les autres supports, notamment en raison de la section 1201 et des autres parties de la loi sur le droit d’auteur ».
En désaccord, le juge Diamond a trouvé la décision « diamétralement opposée aux conditions constitutionnelles nécessaires pour que les droits d’auteur puissent promouvoir le progrès des arts et de la science » et a prédit que cette décision mènerait à « une ère dépourvue de toute musique, toute œuvre littéraire, toute création qui se baserait sur une œuvre passée ».
Les dirigeants de l’industrie musicale ont applaudi cette décision de la Cour suprême approuvant la suppression de la mémoire. Clifford King, président de la Recording Industry Association of America a déclaré : « Le droit d’auteur devrait fournir aux créateurs un contrôle total sur leurs œuvres et sur la manière dont le public les perçoit. Éliminer ces contenus illicites des esprits des gens s’inscrit dans ce contrôle. »
Les avocats en faveur des libertés individuelles ont désapprouvé ce message. « Le droit d’une personne à être libre de penser outrepasse l’intérêt commercial du droit d’auteur » peut-on lire dans une lettre signée ce matin par vingt organisations à but non lucratif qui demandent au Congrès de casser ce jugement et cette décision.
La décision affectera vraisemblablement et en premier lieu le créateur de Straight Focus, Alfred Vail, contraint à mettre en œuvre l’effacement des souvenirs de son propre morceau. M. Vail n’a pu être contacté pour répondre sur le sujet. Son voisinage a indiqué ne pas l’avoir vu quitter son domicile depuis l’annonce de la décision.
Cet acte exceptionnel d’effacement de mémoire, dans le cadre du non respect du droit d’auteur, restera unique pendant quelque temps. En effet, celui-ci intervient uniquement par un concours de circonstances qui font que le coupable est aussi le propriétaire du système EffaceMem National. Toutefois, cela pourrait ne pas durer longtemps : les brevets portant sur EffaceMem expireront dans deux ans.
M. King a déclaré : « Nous sommes aux débuts de la préparation de notre nouveau système, provisoirement appelé Gestion des droits mentaux. Cela permettra à chaque auteur, artiste, compositeur de récolter les bénéfices de cet effacement de mémoire, autorisé par la décision de la Cour suprême. »
Dans le cadre de cette affaire, l’activation du système EffaceMem National n’aura pas lieu avant plusieurs semaines, vraisemblablement pas avant fin juillet. Les ingénieurs travaillant sur le système coderont les paramètres correspondant à l’information à supprimer afin qu’aucun souvenir (pas même le souvenir que le souvenir ait été effacé) ne subsiste.
Comme pour les autres activations du système, celle-ci aura probablement lieu en fin de matinée ou en début d’après-midi afin de minimiser le dérangement. La procédure consistera à diffuser, pendant environ quinze secondes, des sons graves et rythmés – dont certains les ont décrits comme lyriques ou apaisants – suffisamment forts pour pénétrer dans les bâtiments. Ces sons sont calibrés pour retirer tout souvenir de la chanson. Après ces quelques secondes, la musique se taira.
VII.
Message de Rand. A. Warsaw pour Alice Stevens Vail
Le 4 avril 2084
Coucou Maman,
(J’essaie ce nouveau truc pour transcrire directement mes pensées – désolé si c’est un peu brouillon, j’ai encore du mal à me concentrer mentalement.)
Je m’occupais des affaires de Papy Al afin qu’elles soient prêtes pour la licitation de la semaine prochaine (ça va tellement vite, je n’arrive pas à croire que l’enterrement a eu lieu la semaine dernière). Parmi toutes ces affaires, il y avait une boîte coincée derrière un bureau dans le grenier. À première vue, on aurait dit qu’elle était tombée ici par accident – ça doit faire des années qu’elle est ici, elle était tellement poussiéreuse – mais je pense que Papy a peut-être voulu la cacher.
À l’intérieur, il y avait quelques documents législatifs et quelques coupures de journaux sur un procès concernant une chanson qu’il avait écrite. Je ne savais pas du tout qu’il avait été musicien. Cela dit, ça ne me surprend pas vu que les documents mentionnent l’effacement généralisé des souvenirs de sa chanson.
Sur le haut de la pile de papiers, il y avait cette note :
26 juin 2046. Lundi dernier, la Cour suprême a approuvé l’éradication de ma chanson Straight Focus de la mémoire collective. Ma chanson ! Chanson pour laquelle j’ai passé des mois à réfléchir et à organiser. Tout ça pour quelques notes idiotes empruntées à quelqu’un d’autre.
J’ai pensé à quitter le pays pour au moins échapper à la sentence d’EffaceMem. Malheureusement, le juge a déclaré que je devais être présent pour appliquer la sentence et activer le système dans un mois. En plus, le gars de la RIAA (NdT : Association de l’industrie du disque étatsunienne) a dit que ce n’était qu’une question de temps avant que leur système de Gestion des droits mentaux soit mondial.
J’espérais vraiment laisser Straight Focus en héritage. Je me rappelle avoir expliqué EffaceMem à Sarah quand elle avait sept ou huit ans. Elle m’avait dit : « Papa, peut-être que tu devrais faire quelque chose pour que les gens se souviennent plutôt que pour qu’ils oublient. » Après qu’elle a perdu sa bataille contre le cancer, j’ai pris conscience que je voulais faire quelque chose dont les gens se souviendraient – quelque chose qui me permettrait de me souvenir d’elle.
Straight Focus a permis ça. Tout le monde aimait cette chanson, il y avait plein de superbes versions faites par les fans, des vidéos et tout. Je partageais mes nouvelles idées musicales avec le monde entier, créant quelque chose qui puisse rester dans les mémoires.
Le droit d’auteur est supposé protéger les artistes comme moi, n’est-ce pas ? Mais ici, c’est la loi sur le droit d’auteur qui détruit ma création. Comment ont-ils pu rester aveugles face à ce qui allait arriver ? Comment ont-ils pu laisser cette stupide loi 1201 telle quelle pendant presque cinquante ans ?
La vie est pleine d’ironie. La dernière chose à laquelle je m’attendais était que ma propre technologie d’effacement de mémoire soit utilisée contre mes idées.
Depuis que Sarah est morte, ça a été une chute continuelle. Elle aimait la musique et il n’y avait rien de plus important que sa playlist favorite. Après l’avoir perdue, cette playlist a failli m’échapper avant qu’ils ne la suppriment en raison de la loi sur la succession des biens numériques (plutôt étrange que votre parent ne puisse hériter de votre bibliothèque musicale). J’ai créé Straight Focus pour garder son souvenir en vie mais ils ont supprimé cette chanson, y compris sur mes propres ordinateurs.
Et maintenant, ils suppriment même les souvenirs de cette chanson sur elle. C’est comme s’ils la supprimaient de mon esprit.
Avant donc que mes souvenirs me soient pris le mois prochain, je vais emballer ce qui me reste de cette chanson – presque tous mes souvenirs de Sarah, je pense. Je pensais à laisser la boîte sous mon bureau pour que je puisse la voir après qu’ils auront lancé EffaceMem. Toutefois, mes pensées actuelles sont trop tristes et trop douloureuses et je ne sais pas si je veux rouvrir ces blessures après avoir perdu mes souvenirs. Je vais donc placer cette boîte ici, dans le grenier. Peut-être que je la retrouverai un jour, espérons dans de meilleures circonstances.
Il y a aussi cette cartouche en plastique qui fait environ la taille de ma main avec une sorte de bande marron brillante à l’intérieur. Il y a écrit Straight Focus dessus. Il y a également cette machine noire avec des boutons et on dirait que la cartouche peut y être insérée mais je n’arrive pas à l’allumer. Je pense qu’il faut une source d’énergie. J’ai essayé tous les chargeurs sans fil à induction que j’ai à la maison, aucun n’a fonctionné. Je suppose que la machine doit être trop ancienne pour ça.
J’apporterai tout ce que j’ai trouvé quand je viendrai demain. On demandera à Oncle James s’il peut trouver une solution vu qu’il aime toutes ces machines du XXIe siècle. Qui sait, peut-être que nous découvrirons toute une facette d’Alfred Vail dont nous n’avions jamais entendu parler.
Merci à l’équipe Framalang de ce gros travail de traduction !
#Apolog, le 3e tome des NoéNautes disponible chez Framabook
Enfin ! Après des mois d’attente, le troisième tome des aventures des Noénautes, les télépathes de Pouhiou, est enfin sorti dans la collection Framabook.
Interrogé par deux de ses correcteurs, l’auteur nous explique comment il a écrit cet opus au cours d’un NaNoWrimo effréné, et nous révèle un peu de ce qu’on va y trouver.
Encore une fois, il n’a rien fait comme tout le monde…
Pouhiou : réécrire l’Histoire, oui, mais avé l’assent provençal
Bon, Pouhiou tu es gentil mais là on a un peu oublié les deux premiers épisodes des Noénautes, tu ne pourrais pas nous résumer les saisons précédentes de cette saga foutraque et jouissive ?
…et tout ça sans trop spoiler ? OK, chiche, on y va !
Les NoéNautes, c’est le nom que l’on donne aux 8 personnes qui, tous les 88 ans, naissent sur terre avec des pouvoirs de télépathes (des pouvoirs qui, en général, s’éveillent à l’adolescence). Ce sont des personnes qui peuvent voir dans la Noétie (la sphère des idées qui planent autour de nos têtes) et qui peuvent implanter des idées dans notre crâne… mais aussi dans des noeuds (de tricot) ou des cristaux (de sucre) !
Dans #Smartarded, on suit le blog d’Enguerrand, Connard Professionnel qui se découvre tardivement ses pouvoirs et se voit poursuivi par d’autres NoéNautes. Il faut dire que ces 8 personnes sont réparties en 5 Maisons rivales, et s’entendent comme des chats affamés devant la dernière sardine.
Dans #MonOrchide, on lit le blog de Cassandre, une autre NoéNaute qui parviendra à réunir ses comparses pour découvrir et débouter le complot qui règne autour d’elleux : en effet, derrière les Maisons se cachent des Descendants qui attisent la rivalité entre les NoéNautes, et les manipulent afin d’acquérir richesse et influence…
Mais l’avantage de ce troisième tome, c’est qu’il revient aux sources de tout cela, et peut se lire sans trop avoir lu les précédents (même si ça va être plus velu !)
Fred : pourquoi est-ce que Goofy dit « foutraque » à chaque fois qu’il parle de toi ? Tu es vraiment siphonné ?
Goofy : C’est pas lui qui est foutraque (Pouhiou est seulement toulousainzin, c’est connu) mais bien son récit selon moi, et c’est plutôt un compliment, mais j’en ai trop marre de lire tout le temps « un roman déjanté ».
Possible. J’avoue que j’aime bien aller chercher l’originalité, que ce soit dans la forme ou dans le fond. C’est pour cela qu’on peut avoir un épisode qui se croit chez Tarantino, des huîtres ou des bonbons transformés en armes (et des chatons en boucliers), et un langage qui s’amuse autant avec les codes de Twitter qu’avec l’accent provençal.
D’après ce que me disent mes lecteurices, cela donne des romans inhabituels, où il faut quelques pages pour s’habituer à la langue… mais qui sont tellement dans le jeu (ils jouent avec toi quand ils ne se jouent pas de toi !) qu’on finit par s’y amuser avec délices (ou à le jeter dans un coin pour reprendre un bon vieux Marc Lévy !)
Tu as fini ton roman en allant écrire chez les copains dans tous les coins de France, ça n’a pas dû être simple de voyager, rencontrer, discuter (on te connaît) et écrire en même temps ?
Alors je ne l’y ai pas fini, je l’ai débuté. Les 50 451 premiers mots de cet ouvrage ont été écrits entre le premier et le 30 novembre 2013, lors d’un NaNoWrimo. Pour relever ce défi (écrire 50 000 mots d’une fiction en novembre) j’ai demandé à mon lectorat une résidence d’artiste ambulante, en mode « J’irai écrire chez vous »…
C’était aussi formidable qu’épuisant.
Car, en plus de devoir écrire 1666 mots par jour, je devais faire mes recherches, concevoir un effet de style bien particulier, ne pas rager contre ma tablette et son clavier bluetooth tout pourri… Et passer le reste du temps à parler, rencontrer, voyager, parler lors des rencontres de voyages… et bloguer tout cela sur le Framablog !
On ne s’en rend pas compte sur le moment, mais un mois aussi dense, aussi riche, à être attentif à chaque personne, chaque discussion, chaque nouvelle idée qui voulait s’écrire à sa manière dans le roman : ça vide. Littéralement comme littérairement. J’ai fini ravi, hein, mais dans un état d’épuisement moral et intellectuel assez… intéressant. J’ignorais qu’on pouvait être à la fois aussi empli et vidé.
Que s’est-il passé ensuite ? J’imagine que pendant plusieurs mois tu devais avoir des messages de lecteurs impatients…
Je suis rentré et me suis enfermé dans ma chambre pendant un mois et demi. Sortir pour les courses de Noël ou les fêtes de fin d’année en devenait une épreuve ! Puis je me suis remis à vivre, avec un déménagement, un Guide du Connard Professionnel, puis des vidéos parlant de cul…
Durant tout ce temps, j’essayais de revenir sur #Apolog. J’en corrigeais et relisais les chapitres, j’avançais au compte-goutte. L’écriture vient toujours aussi bien, chez moi, mais le fait de s’y mettre était souvent une épreuve. J’ai oublié ce que je claironnais lors des précédents romans : c’est l’histoire qui décide de quand et comment elle s’écrit, pas moi.
Bien sur que j’ai tenté de forcer le rythme, y’avait du monde qui attendait cette suite, moi le premier… Mais c’est quand (au bout de quelques mois) je suis parvenu à m’extraire de cette pression que j’ai enfin pu m’atteler à l’écriture de scènes très dures et d’enfin conclure ce roman.
Le plus bête a été le temps perdu sur des finitions telles que les addenda, la couverture, etc. Entre mon nouveau boulot chez Framasoft et le succès de #CulPouhiou, je n’ai pas su gérer et prendre le temps. Mais on est au bout, et je suis fier de ce nouveau bébé !
Et alors keskya de nouveau dans cette saison 3 ?
Dans cette troisième saison, je me suis éclaté. il y a des intrigues historiques (réinterpréter l’Histoire pour y inclure des NoéNautes tous les 88 ans, c’est jubilatoire !), une prophétie qui se dévoile peu à peu, et donc un éclairage important aussi bien sur les origines que sur l’état actuel des NoéNautes.
Là où je me suis vraiment amusé, c’est quand je me suis mis à créer un code littéraire. J’aime les œuvres qui dévoilent les ficelles de l’histoire qu’elles te racontent. Alors je me suis pris au pied de la lettre. Ici, le roman te dit quand il fait une description, quand il lance un dialogue, le tout avec des balises… Bien évidemment, si ce code est là, c’est qu’il va être plus utile et puissant qu’on ne le croit.
Tu nous refais le coup de la surprise sur le narrateur, ça t’amuse ?
Oui.
C’est un jeu. Un contrat silencieux entre l’histoire, les gens qui la lisent et moi : jusqu’où on peut aller ? Jusqu’où tu me suivras ?
Alors je tente l’auto-parodie… Et, en même temps, quand un magicien fait un tour dont le truc semble trop évident, c’est peut-être pour mieux te distraire…
Cette fois tu as puisé dans des références à caractère historique, pourquoi ? C’est pour faire plus sérieux ou pour capter le lectorat des retraités ?
Cesse donc de dévoiler mon machiavélique plan marketing !
Sérieusement, c’est par irrévérence. Lorsque j’ai écrit le baiser entre Saint-Georges et le Dragon, j’ai explosé de rire en sautillant sur ma chaise ! Quand on écrit du fantastique (ou de l’Urban Fantasy, puisqu’il parait que c’est ce que je fais), l’Histoire est une source d’inspiration merveilleuse, toujours emplie de légendes et d’exagérations ! Cela m’a aussi permis d’aller revoir le Japon féodal (un amour d’étudiant) et de retrouver ce Palais des Papes où j’ai été guide (OK : pour les 3 mois de mon stage de fin d’études, mais il reste dans mon cœur).
D’ailleurs, pour écrire ces références à l’histoire, je n’aurais jamais pu m’en sortir sans Wikipédia, dont les articles et les liens vers les sources ont été pour moi une caverne d’Ali-Baba !
Et d’ailleurs qui sont les gens qui te lisent et suivent tes aventures scripturales ? Tu as une idée de la « sociologie » de ton lectorat, ou au moins de ceux que tu as pu rencontrer ?
Évidemment, il est varié… Mais si je fais la moyenne, je pense qu’une majorité sont des personnes de 20-35 ans, qui sont à l’aise avec l’informatique, et/ou les thématiques LGBT+, et/ou la littérature fantastique, fantasy, pulp…
C’est ça qui est drôle quand on met tout ce que l’on est dans ses histoires : il y en a tellement que des univers (et des lectorats) très différents s’y retrouvent !
Qu’est-ce qui te fait kiffer dans l’écriture ? Est-ce que c’est un moyen d’obtenir de la reconnaissance et de faire des rencontres avec les lecteurs, ou bien dès l’écriture y a-t-il un plaisir particulier ?
Je crois, intimement, que nos esprits et nos personnes sont faits de contes. D’histoires. Alors se poser devant une idée et se demander : « Comment je la raconte ? Pourquoi je la raconte celle-là, et de cette manière-là ? Qu’est-ce que ça va faire à l’autre ? »… C’est un moment inouï !
Après, ce que je dis là, c’est probablement du baratin téléramiste. En vrai, y’a un plaisir fou, primal, à être pris dans les mots et les idées, puis pris par le flot, et de nager dedans au rythme des clapotis du clavier… Aujourd’hui, je me rends compte des jours où je n’ai pas écrit (au moins un commentaire ou un email bien bien long) au fait que je suis énervé, irascible. Quand je me mets à créer, à exprimer ce qu’il y a, là dedans, au ventre… ça va mieux. Alors je le fais.
Et l’opus N°4 ce sera quoi donc ? Et puis ce sera quand ? Tu as déjà une idée ? Nan passque t’en as promis huit, quand même…
Je pense qu’on reviendra au blog. Cette expérience d’écriture en direct est bien trop prenante pour que je n’y regoûte pas. Je n’en sais que peu de choses au final. J’en connais le titre (et je ne le dirai pas), le narrateur, et je pense que cette fois-ci il sera le héros de l’histoire qu’il raconte (ce qui n’est pas le cas dans les romans précédents).
Je crois aussi qu’il va parler d’insouciance et de futilité, parce que je vois beaucoup trop de gravitas en moi et autour de moi. J’ai envie d’un roman avec un petit rire sincère… parce qu’il va probablement détruire les NoéNautes tels qu’on les connaît !
Quand se fera-t-il : quand il le décidera. Peut-être que ce ne sera pas si loin de la sortie de celui-ci, ce serait beau que cela s’enchaîne.
Quant à la suite… qui sait ? J’aimerais un jour me lancer un défi marathonien, finir ces 4 autres romans en un gros… Mais j’ignore complètement si j’en suis capable (et comment je ferais pour avoir un boulot, une vie sociale, d’autres projets…)
Tu verses tes romans dans le domaine public et tu fais des conférences pour expliquer pourquoi. Cool. Mais c’est quoi, cette histoire de confiance dont tu parles tout le temps ?
Le droit d’auteur a été conçu à l’époque où, pour distribuer la culture, il fallait commercialiser des objets (des livres papier). Cet angle économique sous-tend l’essence même de la législation, que je vois basée sur la méfiance du commerçant (envers le voleur, celui qui n’est pas client).
Je ne suis pas un vendeur.
Je donne forme à des histoires pour qu’elles trouvent leur public (qu’il soit « de niche » ou « grand » importe peu, ce n’est pas de mon ressort).
Plutôt que de me méfier des personnes qui s’intéressent à mes fariboles, je préfère les leur confier. Quand tu tournes la page, tu me fais confiance pour poursuivre l’histoire le plus justement possible jusqu’au mot fin. Pourquoi je ne pourrai pas te faire confiance pour la traiter le plus justement du monde ? Ainsi, tu peux en être lectrice, mécène, adaptateur, diffuseuse, critique, traducteur, éditrice, etc… En te faisant confiance, j’y gagne plus parce que tout le monde y gagne… C’est le principe du Libre, non ?
Et alors, comme toujours, on te laisse le dernier mot.
Ben ce mot sera Apologue : un terme littéraire qui désigne un conte moral, une histoire qui veut te faire comprendre quelque chose.
#Apolog, c’est un peu la même chose, sous la forme d’un journal d’erreurs… et avec l’accent provençal.