Logiciel libre et développement durable, même combat ?

416style - CC-byAu détour d’une conférence sur les tendances 2010 de l’Open Source à l’OpenWorldForum, j’ai assisté à la présentation, captivante, des enjeux croisés de l’écologie et du logiciel libre, résumé en « FreenIT » par un duo peu ordinaire. En effet, l’un s’annonce comme journaliste et passionné d’environnement et l’autre (respectivement) comme ingénieur expert en « innovation ouverte et logiciel libre ». Leur présentation s’attachait à mettre en valeur les avantages intrinsèques des logiciels libres dans la quête d’une informatique écologiquement responsable vers laquelle l’industrie et les grandes entreprises se tournent enfin [1].

Enthousiasmé par leur démonstration, je pris contact avec eux à l’issue de la présentation, pour évoquer la possibilité de faire passer leur message jusqu’à vous chers lecteurs, dans la droite lignée de nos explorations de la société, à la recherche des applications de la culture du libre. Après les « AMAP », qui mettent de l’écologie dans les assiettes de collectifs qui s’auto-organisent pour échapper aux injonctions des grandes surfaces, voici donc le « Green IT » qui met de l’écologie derrière nos écrans.

On retrouve, dans ce texte de synthèse rédigé pour le Framablog, les notions clés du succès en matière de développement durable, tel que le fameux « penser global, agir local », que l’on retrouve dans le logiciel libre sous la forme d’un « bidouiller dans son coin, et penser aux autres », ou encore une évocation du « leadership par l’exemple » qui prévalut dès le début en matière politique sur Internet, cet espèce de laisser-faire, un peu utopique, sans laisser-aller. Enfin, je citerai encore la notion d’énergie grise, qui vient malheureusement contrebalancer les discours commerciaux des fabriquants en matière de décroissance de la consommation énergétique des nouvelles générations de composants informatiques.

Logiciel libre et Green IT : même combat ?

Frédéric Bordage et François Letellier – GreenIT.fr

Les connaissances des communautés open source et les principales caractéristiques des logiciels libres sont particulièrement bien adaptées à la profondeur et à l’urgence des enjeux du développement durable. Démonstration.

L’humanité fait face à trois problèmes environnementaux majeurs : le dérèglement climatique, l’écroulement de la biodiversité et l’épuisement des stocks de ressources non renouvelables. La prise de conscience a été (trop) longue, et l’urgence aujourd’hui est réelle : nous n’avons qu’une génération pour trouver et mettre en œuvre les solutions à ces défis. Quel rapport entre ce constat, iconifié par des personnages tels que le Commandant Cousteau, Al Gore ou Nicolas Hulot, et notre quotidien d’informaticiens ? Que peuvent les geeks face à ces enjeux planétaires ?

Toujours poussés plus loin vers les mondes virtuels, nous avons tendance à oublier qu’octets et instructions consomment substrats et énergie. Une consommation qui se traduit par des nuisances que notre écosystème ne peut pas absorber indéfiniment. Les informaticiens peuvent, s’ils le souhaitent, réduire rapidement l’empreinte de l’informatique sur l’environnement. Mais plus encore, la communauté du logiciel libre détient des savoirs transversaux qui font défaut aux acteurs du développement durable. Explication.

Freen IT as in Free & Green IT

Le courant de pensée du « Green IT » cherche à réduire l’empreinte écologique des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC). Pour réduire l’empreinte des TIC, il faut se concentrer sur l’essentiel. Contrairement au discours marketing des éditeurs et des constructeurs, les phases de fabrication et de fin de vie d’un ordinateur consomment plus d’énergie et génèrent nettement plus de nuisances environnementales que la phase d’utilisation. En clair : si vous décidez de remiser tous vos serveurs et postes de travail, encore fonctionnels, pour les remplacer par d’autres nettement moins énergivores… vous faites fausse route. Les constructeurs vous remercieront, pas la planète. En effet, l’énergie grise liée aux équipements informatique ne cesse de croître, quand leur consommation en fonctionnement s’affiche à la baisse.

Les deux grands défis du « Green IT » consistent à :

  • prolonger la durée d’utilisation des matériels existants;
  • et à réduire les besoins, en termes d’énergie et de ressources, sur la phase d’utilisation.

Ce qui signifie mettre le holà à la gloutonnerie des logiciels. Microsoft Office 2010 sous Windows Vista nécessite par exemple 70 fois plus de ressources qu’Office 97 sous Windows 98… Les documents produits sont-ils 70 fois plus percutants ou créés 70 fois plus vite ? Non. La gabegie logicielle est indéfendable.

Le logiciel libre à la rescousse

C’est la couche logicielle qui pilote les besoins en ressources matérielles d’un ordinateur. Or, d’un point de vue technique, les logiciels libres sont architecturés autour d’un noyau qui répond à 80% des besoins essentiels. Autour de ce noyau viennent se connecter des extensions qui répondent aux besoins moins répandus. Cet écosystème évolue. Si une fonction devient incontournable, elle est intégrée au noyau. Cette architecture modulaire et évolutive minimise les ressources matérielles (puissance processeur, mémoire vive, etc.) nécessaires. On obtient donc des logiciels performants même sur des matériels modestes ou anciens, ce qui permet d’allonger la durée d’utilisation du matériel… ou de redonner une seconde vie à un matériel d’occasion.

Généralement alliée à une gratuité d’accès, la parcimonie des logiciels libres (systèmes d’exploitation en tête) rend viable la filière du reconditionnement des équipements d’occasion. Le « Libre » apporte une réponse pragmatique, ici et maintenant, aux deux premiers défis du « Green IT » : faire durer le matériel, économiser les ressources. En outre, le découplage entre logiciel et support technique (qui peut être fourni par différents acteurs de la communauté) évite l’obsolescence programmée imposée par des éditeurs propriétaires et monopolistiques. En raccourcissant la durée de leur support technique, ces derniers poussent en effet à la consommation de nouvelles versions de logiciels plus gourmands, et donc de matériels plus puissants pour les faire tourner.

Au delà des aspects techniques, les communautés du libre reposent sur une organisation pyramidale dont les processus sont transparents. Ces deux propriétés garantissent un travail rapide et efficace qui pousse les chefs de projet et les développeurs à bien faire leur travail (un code efficace par exemple) et à prendre leurs responsabilités. Le pouvoir du créateur du logiciel est contrecarré par le pouvoir des utilisateurs. Les utilisateurs peuvent « forker » un projet du jour au lendemain. On ne peut donc pas verrouiller les utilisateurs et leur imposer un rythme de mise à jour.

D’autre part, le modèle économique du libre est quantitatif. Seule l’adhésion du plus grand nombre garantit au créateur du logiciel des revenus confortables et pérennes. Les communautés open source ont dissocié les revenus liés au service d’une part, de ceux potentiels liés à la vente de copies du logiciel d’autre part. Ainsi distribué gratuitement, et facilement localisé, les logiciels open-source peuvent toucher rapidement le plus grand nombre. Ouverture et gratuité facilitent une adoption large et rapide.

Des principes valables pour le développement durable ?

A-t-on intérêt à appliquer ces principes – architecture modulaire, méritocratie éclairée par le contre-pouvoir des utilisateurs, standardisation, découplage des revenus directs du produit, etc. – aux problématiques du développement durable ? Tout porte à le croire.

D’une part, nous n’avons qu’une génération pour diviser notre empreinte écologique par un facteur 4 [2]. Jamais l’humanité n’a fait face à un défi d’une telle ampleur. Pour tenir ce pari, nous devons aller plus vite que jamais auparavant dans l’histoire humaine. Le modèle d’adoption – très rapide – des logiciels libres doit donc être une source d’inspiration pour les acteurs du développement durable.

Que nous apprennent les communautés open source ? Sans standard, point de salut. La (presque) totalité des logiciels libres s’appuient sur des standards reconnus (qu’ils ont contribué à faire émerger et / ou à forger) pour s’assurer de la pérennité des développements. On touche ici au caractère « durable » des développements. Pour s’imposer dans le temps, les solutions du développement durable devront s’appuyer sur la même approche de standards ouverts. Et ce d’autant plus que les problématiques sont mondiales. Par exemple, pour être efficaces (c’est à dire économiser de l’énergie), les compteurs électriques intelligents devront tous parler le même protocole. Or, seul un protocole normalisé et ouvert sera adopté rapidement.

D’autre part, pour aboutir rapidement, ces standards devront être forgés par une méritocratie éclairée. L’échec de Copenhague l’a démontré, la recherche d’un consensus mondial est impossible en l’état. En revanche, rien n’empêche un ensemble de pays de proposer une solution pertinente, dont l’évolution sera dictée par toutes les parties prenantes.

Enfin, d’un point de vue plus philosophique, l’architecture technique d’un logiciel libre montre que ses créateurs sont « près de leurs ressources ». Ces « décroissants du logiciel » montrent à leur façon qu’une débauche de moyens n’est pas toujours nécessaire pour atteindre un objectif. En d’autres termes, le développement ne sera réellement durable que s’il ponctionne le strict minimum des ressources disponibles. Cette ascèse est déjà une règle fondamentale d’un grand nombre de projets open source.

Pour conclure, il nous semble évident que :

  • les logiciels libres constituent une réponse pertinente pour réduire l’empreinte environnementale des TIC;
  • que les modes d’organisations des communautés correspondent bien aux enjeux mondiaux du développement durable;
  • et que les principes fondamentaux des projets open source garantissent une adoption rapide et durable des solutions, un point clé des enjeux du développement durable.

Votre avis ?

Frédéric Bordage et François Letellier contribuent au blog collectif GreenIT.fr qui fédère la communauté francophone des acteurs du Green IT.

Notes

[1] Crédit photo : 416style – Creative Commons Paternité

[2] Voir « Facteur 4 » dans le glossaire pointé.




Proposition de traduction de la licence « Creative Commons Zero 1.0 »

GnuckX - CC0 En juillet dernier, Framasoft animait le plus long atelier de l’histoire des Rencontres Mondiales du Logiciel Libre : un traducthon courant pendant toutes les rencontres.

En effet, fidèles au poste dans la chaleur cuisante d’une salle de classe au dernier étage de l’ENSEIRB, des bénévoles de Framalang, Benjamin Jean de VeniVidiLibre.org, Alexis Kauffman et moi-même accueillions les courageux visiteurs ayant trouvé leur route jusqu’au traducthon 2.0, pour la plupart venus avec la ferme intention de nous aider à traduire le livre libre : « Imagine there is no Copyright ».

Et c’est ainsi qu’en à peine 5 jours, malgré la chaleur, les difficultés de réseau et une coupure de courant [1], l’ouvrage fut intégralement traduit, par plusieurs dizaines de bénévoles.

L’idée de traduire ce livre était venue à Alexis après l’avoir lu en version papier italienne, couverte par une licence CC-by-nd (Creative Commons attribution, sans dérivation). L’attribution nous permis de remonter à une version anglaise, couverte par une CC-by-nc-nd (ajoutant une clause de réutilisation non commerciale seulement), ce qui pouvait sembler paradoxal vu qu’Alexis l’avait acheté son livre… Toutefois, une mention supplémentaire s’ajoute, sur le site officiel, à la licence de la version originale :

No article in this book may be reproduced in any form by any electronic or mechanical means without permission in writing from the author.

Qui peut se traduire par :

Aucun article de ce livre ne peut être reproduit par quelque moyen électronique ou mécanique que ce soit, sans la permission écrite de l’auteur.

La suite du puzzle allait donc se résoudre en contactant l’auteur, ce qui est, d’une manière générale, la chose à faire en cas de doutes sur une licence [2].

Contacté, l’auteur nous répondit qu’il souhaitait que son œuvre soit au plus près possible du domaine public (ce qui est cohérent avec le titre de l’ouvrage). Benjamin Jean proposa donc la licence « Creative Commons Zero », ce qui convint très bien à l’auteur.

La licence CC0 a en effet été créée pour uniformiser mondialement la notion de domaine public, ou permettre de s’en approcher au plus près dans les juridictions, comme la France, où il n’est pas possible d’y placer soit même son œuvre.

Toutefois, à sa création la CC0 n’était pas applicable en France pour des raisons juridiques levées depuis, mais elle le demeurait pour l’instant pour une seconde raison, l’absence de version française. Il nous fallait donc remédier à ce petit inconvénient avant de pouvoir sortir notre prochain Framabook, et c’est ainsi que l’équipe de traduction de choc qui se cache derrière cette page, se mit à l’œuvre.

Nous sommes donc fier aujourd’hui de vous présenter la traduction, par Framalang et VVL, de la CC0 [3] ! Cette traduction est une contribution que nous avons bien entendu adressée à Creative Commons afin d’étoffer un peu le paysage des licences françaises touchant de domaine public, s’ajoutant ainsi à la récente licence « Information Publique Librement Réutilisable » utilisable uniquement par les organismes du secteur public dans le cadre de leurs démarches « OpenData » [4].

Creative Commons Zéro 1.0 – Domaine Public [5]

CC0 1.0 Universal – Public Domain Dedication

CreativeCommons.org – 17 décembre 2007
Traduction Framalang : Julien R., Barbidule, Goofy, Martin G., Siltaar, mben

CREATIVE COMMONS N’EST PAS UN CABINET D’AVOCATS ET NE FOURNIT PAS DE SERVICES DE CONSEIL JURIDIQUE. LA PUBLICATION DE CE DOCUMENT NE CRÉE AUCUNE RELATION JURIDIQUE ENTRE LES PARTIES ET CREATIVE COMMONS. CREATIVE COMMONS MET À DISPOSITION CETTE LICENCE EN l’ÉTAT, À SEULE FIN D’INFORMATION. CREATIVE COMMONS NE FOURNIT AUCUNE GARANTIE CONCERNANT L’UTILISATION DE CE DOCUMENT OU DES INFORMATIONS OU TRAVAUX FOURNIS CI-APRÈS, ET DÉCLINE TOUTE RESPONSABILITÉ POUR LES DOMMAGES RÉSULTANT DE L’UTILISATION DE CE DOCUMENT OU DES INFORMATIONS OU TRAVAUX FOURNIS CI-APRÈS.

Déclaration d’Intention

Les lois de la plupart des législations des états du monde accordent automatiquement des Droits d’Auteur et Droits Voisins (définis ci-dessous) au créateur et au(x) titulaire(s) de droits ultérieur(s) (ci-après, le « titulaire ») d’une œuvre originale protégeable par le droit de la propriété littéraire et artistique et/ou une base de données (ci-après, une « Œuvre »).

Certains titulaires souhaitent renoncer de façon définitive à ces droits sur une Œuvre dans le but de contribuer à un pot commun de travaux créatifs, culturels et scientifiques (les « Biens Communs ») que le public, de façon certaine et sans craindre d’actions ultérieures pour contrefaçon, a la possibilité d’utiliser comme base de travail, de modifier, d’incorporer dans d’autres travaux, de réutiliser et de redistribuer aussi librement que possible sous quelque forme que ce soit et à quelque fin que ce soit, y compris, et sans réserves, à des fins commerciales. Ces titulaires peuvent contribuer aux Biens Communs dans le but de promouvoir les idéaux de la culture libre et la production de travaux créatifs, culturels et scientifiques, ou pour acquérir une renommée ou une plus grande diffusion de leur Œuvre, notamment grâce à l’utilisation qui en sera faite par d’autres.

Pour ces raisons et/ou d’autres, et sans attendre aucune rémunération ou compensation supplémentaire, la personne associant la CC0 à une Œuvre (le « Déclarant »), dans la mesure où il ou elle est titulaire des Droits d’Auteur et des Droits Voisins de l’Œuvre, fait volontairement le choix d’appliquer la CC0 à l’Œuvre et de distribuer publiquement l’Œuvre sous les termes de cette licence, en toute connaissance de l’étendue de ses Droits d’Auteur et Droits Voisins sur l’Œuvre, ainsi que de la portée et des effets juridiques de la CC0 sur ces droits.

1. Droit d’Auteur et Droits Voisins

Une Œuvre mise à disposition sous la CC0 peut être protégée par les droits d’auteur et les droits voisins ou connexes (le « Droit d’Auteur et les Droits Voisins »). Le Droit d’Auteur et les Droits Voisins comportent, notamment, les droits suivants :

  1. Le droit de reproduire, adapter, distribuer, interpréter, diffuser, communiquer, et traduire une Œuvre ;
  2. Les droits moraux conservés par le ou les auteur(s) ou interprète(s) originaux ;
  3. Les droits relatifs à la diffusion et à la vie privée rattachés à l’image ou au portrait d’une personne représentée dans une Œuvre ;
  4. Les droits protégeant contre la concurrence déloyale à l’égard de l’Œuvre, sujets aux limitations prévues dans le paragraphe 4(a) ci-dessous ;
  5. Les droits protégeant l’extraction, la dissémination, l’utilisation et la réutilisation des données contenues dans une Œuvre ;
  6. Les droits relatifs aux bases de données (tels que ceux découlant de la Directive 96/9/CE du Parlement Européen et du Conseil du 11 mars 1996 concernant la protection juridique des bases de données, et de toute transposition au niveau national, y compris de toute version amendée ou révisée de cette directive) ;
  7. Tous autres droits similaires, équivalents ou correspondants partout dans le monde, basés sur des lois ou traités applicables, et toutes les transpositions nationale de ceux-ci.
2. Renonciation

Dans toute la mesure permise par la loi, mais sans l’enfreindre, le Déclarant annonce par la présente abandonner, céder et renoncer ouvertement, complètement, définitivement et irrévocablement, à tous ses Droits d’Auteur et Droits Voisins sur l’Œuvre ainsi qu’aux prétentions et intérêts à agir associés , qu’ils soient à cet instant connus ou inconnus (y compris les prétentions et intérêts à agir associés nés ou à naître), (i) partout dans le monde, (ii) pour la durée maximale prévue par les lois ou traités applicables (y compris les prolongations futures de cette durée), (iii) sur n’importe quel support actuel ou futur et quel que soit le nombre de copies, et (iv) pour toutes fins, y compris, et sans réserves, les fins commerciales, publicitaires ou promotionnelles (la « Renonciation »). Le Déclarant procède à la Renonciation au bénéfice de chacun des membres du plus large public et au détriment des héritiers et successeurs du Déclarant, avec la ferme volonté que cette Renonciation ne puisse faire l’objet d’aucune révocation, récision, résiliation, annulation, conclusion, ou de toute autre action en justice ou injonction susceptible d’interrompre la jouissance paisible de cette Œuvre par le public telle que prévue par la Déclaration d’Intention du Déclarant.

3. Licence Publique Supplétive

Dans le cas où une partie quelconque de la Renonciation et pour quelque raison que ce soit est jugée juridiquement nulle ou sans effet en vertu de la loi applicable, la Renonciation doit être préservée de la manière permettant la prise en compte la plus large de la Déclaration d’Intention du Déclarant. De plus, dans la mesure où la Renonciation est ainsi jugée, le Déclarant concède par la présente à chaque personne concernée une licence pour l’exercice des Droits d’Auteur et Droits Voisins du Déclarant sur l’Œuvre, gratuite, non transférable, non sous-licenciable, non exclusive, irrévocable et inconditionnelle (i) partout dans le monde, (ii) pour la durée maximale prévue par les lois ou traités applicables (y compris les prolongations futures de cette durée), (iii) sur n’importe quel support actuel ou futur et quel que soit le nombre de copies, et (iv) pour toutes fins, y compris, et sans réserves, les fins commerciales, publicitaires ou promotionnelles (la « Licence »). La licence sera réputée effective à la date à laquelle le Déclarant a appliqué CC0 à l’Œuvre. Dans le cas où une partie quelconque de la Licence, et pour quelque raison que ce soit, est jugée juridiquement nulle ou sans effet en vertu de la loi applicable, une telle invalidité partielle ou ineffectivité n’invalidera pas le reste de la Licence, et dans un tel cas le Déclarant déclare par la présente qu’il ou elle (i) n’exercera aucun de ses Droits d’Auteur ou Droits Voisins subsistant sur l’Œuvre et (ii) ne fera valoir aucune prétention ni intérêt à agir associés relatifs à l’Œuvre, ce qui serait opposé à la Déclaration d’Intention du Déclarant.

4. Limitations et exonérations de responsabilité
  1. Aucun droit sur une marque déposée ou un brevet détenu par le Déclarant n’est abandonné, cédé, licencié ou affecté d’une quelconque manière par le présent document;
  2. Le Déclarant propose la mise à disposition de l’Œuvre en l’état, sans déclaration ou garantie d’aucune sorte, expresse, implicite, légale ou autre, y compris les garanties concernant la commercialité, ou la conformité, les vices cachés et les vices apparents, dans toute la mesure permise par la loi applicable;
  3. Le Déclarant décline toute responsabilité dans la compensation des droits d’autres personnes qui peuvent s’appliquer à l’Œuvre ou à toute utilisation de celle-ci, y compris, et notamment, mais pas exclusivement, les Droits d’Auteur et Droits Voisins de toute personne sur l’Œuvre. En outre, le Déclarant décline toute responsabilité quant à l’obtention des consentements, autorisations et autres droits requis quelle que soit l’utilisation de l’Œuvre;
  4. Le Déclarant comprend et reconnaît que Creative Commons n’est pas partie prenante de ce document et n’a aucune responsabilité ni obligation à l’égard de la CC0 ou de l’utilisation de l’Œuvre.

Notes

[1] Notre travail étant réparti sur plusieurs documents EtherPad, cet incident généralement atroce dans une salle informatique se révéla joyeusement anecdotique.

[2] Petit aparté à ce propos, Framasoft organise, lors de la prochaine Ubuntu Party parisienne qui aura lieu du 5 au 7 novembre prochain, un atelier de libération d’œuvres non logicielles, qui consistera justement à contacter les auteurs d’œuvres numériques, publiées sur Internet sans licences précises et dont le Copyright par défaut bloque une idée de réutilisation… L’atelier est prévu pour le samedi 6 novembre à partir de 11h30.

[3] Oui, il fallait suivre pour les acronymes 😛

[4] L’annonce de RegardsCitoyens.org saluant la création de cette licence. Une analyse plus poussée sur le blog de Veni Vidi Libri.

[5] Crédit photo : GnuckX (Creative Commons Zero 1.0)




Avec Uniflow, Canon invente la photocopieuse qui espionne, refuse et dénonce

Timshell - CC-by-nd En l’absence de l’habituel maître des lieux
Les lutins du Framablog font bien de leur mieux
Écumant le web, en quête de sujets sérieux
Ils espérent que ces billets vous rendront joyeux
À défaut de nous aider à ouvrir les yeux
Sur des technologies qui derrière un vœu pieu
Menacent nos libertés et nos échanges précieux

« On arrête pas le progrès » aimait à répéter mon grand père, mais aujourd’hui, je me demande ce qu’il aurait pensé des dernières inventions de Canon…

En effet, si l’esprit du hacker est de bidouiller une technologie pour en trouver de nouveaux usages, les grandes firmes s’ingénient elles bien souvent à limiter les possibilités de leurs produits, pour créer une illusion de contrôle.

Dans notre cas, Canon a créé des photocopieuses qui inspectent au plus près les documents qu’on leur donne à reproduire, et s’y refusent si ces derniers contiennent l’un des mots de la liste noire située sur le serveur central des installations Uniflow.

Tout d’abord, ces photocopieuses illustrent exactement la menace qui plane sur la neutralité d’Internet. Imaginez qu’il ne soit plus possible de se parler qu’à l’aide de textes envoyés d’une photocopieuse à une autre et vous aurez un bon aperçu de comment fonctionne Internet. En effet, chaque message y circule, par petits bonds, d’un ordinateur à un autre entre votre machine et celle à laquelle vous tentez d’accéder de l’autre côté du réseau. Chaque machine rencontrée photocopie simplement les messages qu’elle reçoit vers la sortie qui les rapprochera de leur destination. Pour l’instant, les routeurs de l’Internet transportent les messages de manière aussi neutre qu’une simple photocopieuse, sans le moindre soupçon d’analyse de contenu. Mais Canon vient donc de briser la neutralité des photocopieuses, en créant un système de « deep photocopy inspection » bien sûr associés à un système centralisé de censure.

Ensuite, comme le remarquait Benoit Sibaud sur Identi.ca, nous nous trouvons là devant un cas concret d’informatique déloyale, telle que définie par l’April, où des utilisateurs se trouvent confrontés à des systèmes soit-disant « de confiance », et qui sous prétexte de sécurité ne remplissent tout simplement plus la tâche pour laquelle ils sont conçu si les conditions arbitraires d’une entité tierce de contrôle ne sont pas réunies.

Je parlais d’une illusion du contrôle, car comme toujours le moyen mis en œuvre pour « sécuriser l’usage » est aisément contournable, les documents n’étant (pour l’instant) analysés qu’à l’aide d’un logiciel OCR, incapable donc de percevoir les notes manuscrites, ou les mots (volontairement) mal orthographiés.

Alors à quoi bon mettre en place des systèmes aux performances finalement ridicules au regard du niveau stratégique de l’objectif ? Et quel peut être l’objectif d’imprimantes allergiques à certains mots ?

Tout d’abord, déployer un système à l’efficacité embryonnaire c’est toujours faire un premier pas, ça finance la génération suivante et ça piège les non avertis… [1] Ensuite dans le cas présent, on peut pallier les manques du système en contraignant le reste de l’environnement, et si on trouve une application admise par les contrôleurs et les contrôlés ça pourrait même rendre service.

Mais pourquoi empêcher d’imprimer ? Pour pallier, d’une certaine manière, au « trou analogique ». Le trou analogique c’est le nom donné à un phénomène simple : aussi sophistiqué que puisse être le système de protection d’un fichier (chiffrement, DRM), pour qu’il soit lu il faut bien à un moment le rendre présentable pour un humain. Et à partir de là, il est toujours possible de renumériser les données… Un MP3, même plombé par un DRM, quand il finit par être lu, rien ne m’empêche de l’enregistrer avec un dictaphone, si j’ai peur de ne pas m’en souvenir tout seul. Dans notre cas, l’intérêt est donc de combler en partie le trou analogique, en évitant que des copies papiers de documents identifiés comme « secrets » ne soient créées.

Toutefois, ça peut vite devenir comique, si une entreprise empêche l’impression de documents contenant le nom de ses clients par exemple, espérons qu’ils ne traitent pas avec Apple, Orange ou même Canon, sinon ils vont vite finir par ne plus pouvoir imprimer grand chose.

Néanmoins, après les imprimantes qui mentent sur leur niveau d’encre et les imprimantes qui laissent des micro-traces pour s’identifier sur toutes leurs copies, Canon invente aujourd’hui les imprimantes qui choisissent ce qu’elles impriment… [2]

Canon promet une sécurisation à base de mots-clés pour ses scanners et imprimantes

Canon promises keyword-based document scanning and printing security

Alan Lu – 12 octobre 2010 – ITPro.co.uk
Traduction Framalang : Siltaar, Julien R., KooToX, Daria

Canon a fait une démonstration d’Uniflow 5, la dernière version de son système de gestion de documents, capable d’empêcher les utilisateurs d’imprimer ou de copier des documents contenant certains mots, grâce à un système de sécurité intelligent basé sur des mots-clés.

Uniflow est un système de gestion de documents qui permet, depuis longtemps, de contrôler imprimantes, scanners et photocopieurs de manière centralisée. Cela permet de conserver le compte des impressions de chaque utilisateur à des fins de facturation. C’est indispensable dans les professions qui facturent les clients à l’heure ou à la quantité de travail, comme les avocats et les architectes. Le système requiert à la fois un serveur Uniflow sur votre réseau et des périphériques d’imagerie Canon, compatibles Uniflow.

La dernière version d’Uniflow possède un système de sécurité intelligent, basé sur des mots-clés. Une fois configuré par un administrateur, le système peut empêcher un utilisateur d’imprimer, scanner, copier ou faxer un document contenant un des mots-clés prohibés, tel que le nom d’un client ou le nom de code d’un projet.

Le serveur enverra alors par courriel à l’administrateur une copie PDF du document en question, au cas où un utilisateur s’y essaie. Le système peut aussi optionnellement informer l’utilisateur par courriel que sa tentative a été bloquée, mais sans identifier le mot-clé responsable, maintenant ainsi la sécurité du système.

La détection des mot-clés d’Uniflow 5 se base sur un système de reconnaissance optique de caractères (OCR), dont la licence est détenue par la firme belge Iris. Cette technologie est plus communément utilisé pour retranscrire des documents scannés en textes éditable sur ordinateur. Canon Angleterre a confirmé qu’un utilisateur éclairé et déterminé ayant repéré un des mots-clés peut contourner le système en remplaçant une lettre par une autre ou un chiffre ressemblant comme avec « z00 » au lieu de « zoo ».

Néanmoins, l’intérêt de cette fonctionnalité est immédiatement perceptible pour les secteurs traitant des documents sensibles, que se soit pour des raisons légales, concurrentielles ou commerciales. Les représentants de Canon n’ont pu avancer de date quant à la commercialisation des produits Uniflow 5.

Notes

[1] Toute ressemblance avec une loi visant à contrôler les usages sur Internet serait fortuite.

[2] Crédit photo : Timshell (Creative Commons Attribution NoDerivs).




« 1000 10 1 » : une campagne originale, un soutien indispensable

L.L. de Mars - Licence Art Libre

« Des paris ambitieux pour soutenir le logiciel libre, remportés grâce à vous », voilà en somme ce qui pourrait définir l’action de Framasoft depuis sa création, il y a presque dix ans.

De la création d’un annuaire en mode collaboratif au traducthon des RMLL qui a vu cet été Framalang traduire un nouveau Framabook en 5 jours, Framasoft s’est souvent lancé sur de longues routes, tant que la voie était libre pour tous.

L’année dernière, pour assurer la survie de l’association, Framasoft a consacré une certaine énergie à réaliser un appel aux dons. En dépassant l’objectif fixé des 30 000 euros, cette campagne a permis à Framasoft d’envisager l’avenir plus sereinement, et même de recruter un nouveau permanent quand l’occasion s’est présentée, pour épauler PYG dans ses tâches d’administration, lui permettre de prendre ses premières vacances depuis son arrivée à Framasoft, mais aussi développer de nouveaux projets.

Cette année, déjà plus de 20 000 euros de dons sont venus soutenir notre action et nous encourager dans cette voie. Toutefois, si cela aurait peut-être pu suffire par rapport à l’année dernière, grâce entre autre à la création de la boutique EnVenteLibre (diffusant des Framakeys, des Framabooks, des Framashirts, et des CD d’Ubuntu !), et à la réalisation de nouveaux Framabooks, notre budget cette année ne se trouve plus équilibré.

Pour nous sortir de ce mauvais pas, nous avons réfléchi à une nouvelle campagne, un peu plus originale et nommée “1000 10 1”. L’originalité tient au fait que son objectif n’est pas de réunir une certaine somme d’argent, mais un certain nombre de donateurs. L’objectif est en effet de réunir 1000 personnes, qui donneraient chacune 10 euros par mois, pendant au moins 1 an. Rappelons tout de suite que Framasoft étant une association reconnue d’intérêt général ces dons sont déductibles de l’impôt sur le revenu, et qu’ainsi l’opération ne devrait pas représenter plus de 40 € à terme pour le généreux donateur, et qu’il est bien sûr possible de donner moins – ou plus ! – sur la nouvelle version de notre site de soutien.

De plus, parce que vos dons sont précieux, Framasoft a négocié bec et ongles avec une nouvelle banque et obtenu de s’affranchir de Paypal pour tous les dons qui seront collectés à partir d’aujourd’hui.

Ensuite, et un peu en réponse à ce billet, nous avons également déployé sur le nouveau site de soutien des boutons Yooook et Flattr, pour encourager le développement de cette économie de la contribution que nous appelons de nos vœux.

Et enfin, Framasoft s’engage, dès l’objectif de la campagne “1000 10 1” atteint, à retirer définitivement la célèbre et controversée pub Google des pages de l’annuaire !

L.L. de Mars - Licence Art Libre

Nous comptons donc sur vous pour que cette mauvaise passe ne devienne pas une impasse, et que Framasoft continue encore longtemps sa route vers :

  • des FramaDVD : École, Collège/Lycée, Université, TPE/PME, Wikipedia ;
  • des Framakeys : École, Wikipedia, Économie sociale et solidaire (spéciale associations) ;
  • des Framabooks : « Le C en 20h », « Producing OpenSource Software », « Subversion », « Imagine there’s no Copyright »…
  • la Framanews : entre tootella.org et rezo.net ;
  • Framacces : un serveur OpenID hébergé par Framasoft, accompagnant la mise en place d’une porte OpenID sur tous les sites du réseau ;
  • Framasoft 2.0 : la fameuse refonte de l’annuaire en Drupal ;
  • plus d’associations et de produits libres dans EnVenteLibre ;
  • des Framakits de promotion du libre par Framasoft ;
  • le projet Framaphonie visant à soutenir le développement du Libre en Afrique (entre autres);
  • et quelques autres projets logiciels dont nous vous reparlerons bientôt.

L’équipe Framasoft. [1]

Notes

[1] Crédit photo : L.L. de Mars (Licence Art Libre)




L’échec des DRM illustré par les « Livres numériques » de Fnac.com

Cher Framablog,
En raison de l’absence du maître de céans,
Les lutins qui veillent à ton bon fonctionnement,
Ont œuvré pour publier le billet suivant,
Par votre serviteur, introduit longuement.

Témoignage d’un lecteur loin d’être débutant,
Il retrace un épique parcours du combattant,
Pour un livre « gratuit » en téléchargement,
Que sur son site web, la Fnac, propose au chaland.[1]

xverges - CC by Récemment[2] sur rue89.com, on pouvait lire : « Nothomb, Despentes : la rentrée littéraire se numérise un peu ». Et pour un fan de technologie comme je suis, ce titre résonnait plutôt comme « la rentrée littéraire se modernise un peu ». En effet, des livres numériques il en existait déjà au siècle dernier…

Côté libre, il faut avouer qu’on est plutôt bien servi. Citons par exemple cette excellente trilogie de Florent (Warly) Villard « le Patriarche » débutée en 2002, à l’occasion de son « pourcentage de temps réservé aux projets libres personnels » chez MandrakeSoft à l’époque. Citons encore la collection Framabook et ses 7 ouvrages[3], citons aussi la forge littéraire en-ligne InLibroVeritas.net et ses 13500 œuvres sous licence libre[4], ou encore le projet Gutenberg et ses 33 000 œuvres élevées au domaine public, Wikisource.org et ses 90 000 œuvres réparties sur plus de 10 langues et pour finir le portail Gallica de la BnF donnant accès à plus d’1,2 millions d’œuvres numérisées[5]… Ces livres, on peut les télécharger en un clic depuis son navigateur, les transférer dans son téléphone portable[6] en un glissé-déposé, et les lire tranquillement dans le métro, même là où ça ne capte pas[7].

Dans ces conditions, que demander de plus que de faire sa rentrée littéraire sur un écran d’ordinateur ? Pourtant, ces conditions, elles ne sont pas évidentes à rassembler. Évacuons tout de suite la question du matériel. Alors que la plupart des téléphones de dernière génération sont dotés d’un navigateur web, tous ne sont pas utilisables comme de simple clé USB, et y transférer des fichiers peut s’avérer impossible pour certains ! Je n’insisterai pas non plus sur les autres équipements proposés spécifiquement pour cet usage, et qui se révèlent le plus souvent considérablement limités. Après tout, n’importe quel ordinateur devrait pouvoir faire l’affaire.

Mais concernant l’œuvre elle même, il faut qu’elle soit libre, ou librement téléchargeable, ou au moins librement « lisible » pour que ça marche. Et pour le coup, on s’attaque à une pelote de laine particulièrement épineuse à dérouler. Avant qu’on les propose sous forme numérique, pour lire les livres d’Amélie Nothomb il fallait en acheter une copie papier, un objet physique qui coûte à produire, transporter, stocker et présenter dans des rayons. Il fallait donc payer pour obtenir un feuilleté de cellulose, qui s’use, se perd, se brûle… et se prête aussi. Et de cette somme d’argent, après avoir largement rémunéré les intermédiaires, une petite portion était finalement reversée à l’auteur. Et ça, la rémunération de l’auteur, c’est le petit détail qui manque au tableau dépeint quelques paragraphes plus haut. Si je lis « Le Prince » de Nicolas Machiavel, mort en 1527 à Florence, l’ouvrage s’est élevé au domaine public depuis fort longtemps maintenant, et la question ne se pose pas. L’auteur n’aurait plus l’usage d’une rémunération aujourd’hui. Par contre, après avoir lu « Le Patriarche » de Florent Villard, j’ai tellement aimé le bouquin que j’ai spontanément envoyé un chèque à l’auteur, pour l’encourager à écrire la suite[8]. Mais dans le cas d’Amélie malheureusement, sa maison d’édition n’a pas voulu parier sur la philanthropie des futurs lecteurs.

Les autres maisons d’éditions non plus d’ailleurs, et cette question de la rémunération des auteurs, elle se pose en France et partout dans le monde depuis des années, depuis l’arrivée du numérique. Il y a eu des hauts et débats (selon la formule consacrée) pour y répondre, mais il y a malheureusement aussi eu des bas, comme les lois DADVSI et HADOPI 1 et 2…

Les lois HADOPI, on peut les évacuer rapidement : pas une ligne de leur texte ne porte sur la rémunération des auteurs, contrairement à ce qui a pu être clamé. Avec cette initiative législative, les représentant des ayants droit et de la distribution tentèrent juste une fois de plus de plier l’économie numérique de l’abondance aux lois qui régissent l’économie des biens physiques, basée sur le contrôle matériel de l’accès aux œuvres. Au lieu de s’adapter à un marché qui évolue, les moines copistes de DVD[9] tentent encore et toujours de retenir le progrès des technologies de diffusion pour rester rentiers.

Manu_le_manu - CC by nc sa

La loi DADVSI était elle encore plus simple à comprendre. Elle avait déjà pour objectif, 4 ans plus tôt, d’essayer d’imposer une forme de contrôle à la distribution d’œuvres sur Internet, via l’utilisation de verrous numériques aussi nommés DRM. Un procédé saugrenu, consistant à couper les ailes de l’innovation, en tentant de limiter les possibilités des ordinateurs et l’usage de certains fichiers, de telle sorte qu’on ait à considérer ces fichiers comme autant d’objets unitaires et non comme une simple suite d’octets duplicables plusieurs millions de fois par secondes, d’un bout à l’autre de la planète[10], ce qu’ils sont pourtant. En permettant à chaque distributeur de restreindre le nombre de copies possibles pour un fichier, on nous promettait le décollage des offres légales de contenus numériques. Ce fut un échec assez cuisant, rien n’a décollé et encore moins côté bouquin. C’est pourtant pas faute d’avoir expliqué, déjà à l’époque, que mettre des bâtons dans les roues de ses clients n’est pas un plan d’affaires viable.[11]

Ce fut un échec mémorable, chaque distributeur ayant adopté son propre système de « complication d’usage », tenu secret et dont l’étude était punie d’emprisonnement[12], et donc bien évidement incompatible avec ceux des autres distributeurs. Des systèmes à la fois contournables en s’en donnant la peine, et compliqués à mettre en œuvre dans le cadre d’une « consommation » courante… Microsoft à même réussi la prouesse de commercialiser à l’époque des lecteurs incompatibles avec son propre système de verrous numériques[13].

Du côté « pas libre » donc, la situation des livres numériques a souffert d’une orientation stratégique contraire à l’intérêt général, d’une mise en œuvre partielle et désorganisée et globalement d’une incompréhension des technologies numériques. Des caractéristiques qui ne sont pas sans rappeler le fiasco des porte-monnaie Monéo, lancés en 1999. Vous vous souvenez sûrement de ce nouveau moyen de paiement qui devait permettre aux banques de gérer votre monnaie en plus de votre épargne (au lieu de la laisser dormir dans un fourre tout près de la porte d’entrée), et qui fut conçu de manière à coûter moins cher aux banques qu’une carte de crédit classique. Il n’était donc pas sécurisé (pas de code à taper), mais surtout, il rendait l’argent de votre compte en banque « physique », dans la carte. Si elle tombait dans une flaque d’eau, vous perdiez le montant de son rechargement. Sans parler du fait que la carte se mettait dès lors à intéresser des voleurs potentiels, attirés par les 100€ que son porte monnaie intégré (de gré ou de force) pouvait contenir. Évidemment, ce système n’a pas, non plus, rencontré le succès escompté par ses créateurs.

Et pourtant, ces deux fantômes du début de la décennie, DRM et Monéo, reviennent hanter notre univers dématérialisé ces jours-ci. Le premier dans les offres de livres numériques de cette rentrée littéraire, le second imposé dans les restaurants universitaires. Et il ne serait pas étonnant de voir bientôt à la Fnac des bornes de distribution de livres numériques infestés de DRM, et imposant (comme dans les restaurants universitaires) les paiements par Monéo.

Aujourd’hui, alors que des systèmes alternatifs et innovant se mettent en place pour permettre la rémunération des auteurs dans une économie numérique, nous avons testé pour vous l’enfer dans lequel s’entêtent les entreprises « majeures » de la distribution de culture.

Livre numérique sur Fnac.com : le parcours du vieux con battant

D’après l’expérience de Fredchat – 13 septembre 2010

J’ai testé pour vous (avec un succès modéré) le service « Livres numériques » de la Fnac.

Cherchant sur le site de cet important distributeur français un livre de Maupassant, je suis tombé sur une annonce pour un « ebook » en téléchargement gratuit. L’offre a l’air honnête et puis c’est le livre que je cherchais, alors je me dis :

« Essayons voir ce service épatant que tout le monde marketing nous pousse à consommer : le livre électronique. »

Aussi simple que télécharger un fichier ?

Je me lance donc dans l’aventure et il faut, pour commencer, valider une commande sur le site Fnac.com, pour débloquer le téléchargement d’un fichier gratuit. Ça commence donc bien, il faut avoir un compte à la Fnac. Bon, ce n’est plus vraiment gratuit, mais c’est presque de bonne guerre.

Une fois passé ce premier écueil, et une fois la commande validée, le site me donne un lien vers une page de téléchargement. À ce point-là, moi qui aime faire les choses simplement quand c’est possible, je découvre avec désarroi que ce n’est pas le livre qu’on me propose de télécharger sur cette page. Point de fichier PDF, ePub ou d’un quelqu’autre format standard et reconnaissable (voire normalisé), comme les petites icônes vantaient dans les rayons du site. Au lieu de cela, on me propose un tout petit fichier, affublé de l’extension exotique .amsc et qui se révèle ne contenir que quelques lignes de XML. Ce fichier ne contient en fait pas grand chose de plus que l’URL d’un autre fichier à télécharger, un PDF cette fois. J’ai alors l’impression d’avancer vers le but, même si je m’embête rarement autant, dans la vie, pour télécharger un simple fichier, gratuit qui plus est. Seulement voilà, on ne peut pas le télécharger directement ce PDF ! Ils sont très forts à la Fnac, leur fichier gratuit m’a déjà coûté plus de vingt minutes… et je suis toujours bredouille.

Je me renseigne plus avant sur la procédure à suivre, et au cours de cette petite séance de lecture j’apprend qu’il faut obligatoirement passer par un logiciel Adobe, lui-même tout aussi gratuit mais uniquement disponible sous Microsoft Windows et Mac OS X… Linuxiens passez votre chemin.

Mais ce n’est pas tout…

Le logiciel Adobe en question interprète le XML, détecte les informations qui vont bien et, alors que le suspens est à son comble et que l’on croit toucher au but, surprise, le texte qui apparaît enfin n’est pas celui du livre. À la place, on tombe sur un charabia composé d’explications toutes aussi surprenantes que liberticides, avec un bouton « Accepter » en bas de l’écran. Pour un téléchargement gratuit, je me retrouve donc à vendre une deuxième fois mon âme au diable.

En substance, on m’explique que pour avoir accès au livre il me faut en autoriser la lecture sur l’ordinateur en cours d’utilisation, et pour cela, je dois obligatoirement avoir un identifiant Adobe. Cet identifiant, on l’ obtient en s’inscrivant à un « club » géré par l’éditeur du logiciel et qui requiert pour son inscription toute une bordée d’informations personnelles que l’on ne m’a jamais demandées pour acheter un livre… (qui devait être gratuit, excusez-moi d’insister).

Cela fait maintenant près de 40 minutes que je m’acharne sur ma commande Fnac.com d’un livre gratuit et à ce stade, je me surprends moi-même d’avoir trouvé à franchir tous les obstacles. Mais ça y est, je le vois le livre et il commence à en avoir de la valeur à mes yeux ce fichier PDF vu le temps que j’y ai consacré. Toutefois, téléchargeable et lisible uniquement via un logiciel propriétaire Adobe, ce n’est plus vraiment un fichier PDF…

D’ailleurs, alors que je m’apprête à copier ledit fichier vers un périphérique plus adéquat à sa lecture, une petite voix me prévient que je ne peux en autoriser la lecture, via le logiciel propriétaire, que sur un maximum de 6 périphériques, et qu’il faut donc que je m’assure de vouloir vraiment le copier quelque part et entamer le décompte. Je ne suis plus à ça près.

Conclusion

Résultat des courses, je suis fiché chez deux grandes entreprises (avec les dérives d’exploitation de mes données personnelles que cela permet), je ne peux pas lire le livre sous Linux. J’ai perdu mon après-midi et je ne peux pas partager le fichier gratuit, d’une œuvre libre de droits, avec mes amis pour leur épargner l’improbable et complexe procédure de téléchargement que j’ai subie. C’est sûr, avec Fnac.com on comprend vraiment la différence entre gratuit, et libre.

Toutefois, si vous êtes séduit, vous pourrez bientôt acheter le Petit Prince dans cet alléchant format, pour la modique somme de 18€…

Épilogue

Finalement, je crois que je vais rester un vieux con et garder mes livres papier. Au moins, dans ce format je peux les lire où je veux (dans un fauteuil, dans mon lit, sur les toilettes, au bord d’une piscine, etc.), quand je veux, que je sois en-ligne ou pas, et les prêter à mes amis.

Sinon, quand je serai remis de cette mésaventure, j’irai jeter un œil sur Wikisource ou sur le projet Gutenberg, il paraît qu’on y trouve des livres numériques libres, téléchargeables en un clic et dans des formats ouverts et normalisés…

Notes

[1] Crédit photo : xverges (Creative Commons By)

[2] Introduction rédigée le 23 septembre 2010.

[3] Attention, ce qui suit dévoile des moments clés de l’intrigue : bientôt 10 😉

[4] Libres à divers degrés suivant les variations permises par les licences Creative Commons, rendant l’œuvre modifiable ou non et commercialisable ou non.

[5] Pour la plupart du domaine public, librement lisibles, mais pas librement réutilisables. Il faut en effet s’acquitter d’une licence auprès de la Bibliothèque nationale de France pour pouvoir faire un usage commercial des fichiers obtenus depuis le portail. Ça fait quand même une sacrée bibliothèque… Merci à Christophe de l’avoir rappelé dans les commentaires.

[6] Par exemple sous la forme de pages webs, débitées en tranches de 450ko, sinon le téléphone en question sature sa mémoire vive s’il s’agit d’un N95…

[7] Ou encore, en réponse anticipée à un bout de la conclusion du texte présenté, partout où un chargeur solaire parviendra à maintenir l’engin allumé…

[8] Pour la petite histoire, j’ai même envoyés deux chèques, un après la lecture du 1er tome, et un autre à la fin de la 1ère trilogie (c’est prévu pour être une longue histoire). Or, l’auteur se sentant coupable de délaisser son ouvrage n’a encaissé que le 1er chèque, et c’était il y a plus d’un an maintenant. Toutefois, de récentes mises à jour sur le site du livre laissent espérer que la suite pourrait venir sous peu.

[9] Pour reprendre l’expression de Nicolas Dupont-Aignan.

[10] Oui, je sais qu’une sphère n’a pas à proprement parler de bouts, mais elle n’a pas non plus de côtés, et … revenons à nos moutons.

[11] Crédit photo : Manu_le_manu (Creative Commons By NC SA)

[12] Peine disproportionnée que les juges n’appliquèrent pas, et qui fut limitée par le Conseil d’État deux ans plus tard, interrogé par l’April sur le sujet

[13] Comme l’analysaient Formats-Ouverts.org, PCINpact.com, Clubic.com, Numerama.com




Quand la ville de Marseille écarte GNU/Linux en faveur de Windows 7

Elvire.R. - CC byCela fait déjà couler beaucoup d’encre sur la liste de diffusion de l’April et sur le forum d’Ubuntu-fr. La ville de Marseille, après étude comparative, a décidé cet été de faire « converger tous les postes de travail sous l’OS Windows Seven ».

C’est une bien mauvaise nouvelle qui, espérons-le, ne fera pas jurisprudence (sur l’argent de nos impôts).

Mais il est à noter que contrairement à une certaine mauvaise habitude prise dans le passé par les collectivités, la solution GNU/Linux a, semble-t-il, cette fois-ci été sérieusement évaluée.

Pour ce qui est des arguments avancés, je vous laisse juge, dans les commentaires, de leur pertinence puisque nous avons reproduit (et souligné) ci-dessous un large passage du communiqué motivant et justifiant cette décision[1].

Remarque : Il est cependant fait mention d’une migration vers OpenOffice.org, ceci venant un peu compenser cela.

Marseille dit Oui à Windows Seven et Non à GNU/Linux

DSI de Marseille – 22 juillet 2010 – Note interne (extraits)

Note à l’attention de tous les personnels de la Direction des Systèmes d’Information

Objet : Poste de travail

Dans un esprit de rationalisation et d’économie la DSI a décidé de simplifier sa politique concernant le poste de travail comme suit :

  • unicité du poste de travail sur PC, les postes Mac seront progressivement supprimés, le déploiement des Mac étant d’ores et déjà arrêté,
  • convergence de tous les postes à terme sous l’OS « Seven de Microsoft ».

Notre souci de rationaliser les technologies dont nous avons la charge ainsi que les évolutions technologiques autour du poste de travail, nous conduisent à porter une réflexion particulière au poste de travail de « demain ».

En réponse à l’objectif de rationalisation, il a été décidé de mettre fin au déploiement de postes de travail de type Apple.

En réponse à l’objectif de suivi des évolutions technologiques, il est nécessaire de qualifier l’OS qui sera installé sur les PC. Suite à la mise en place de la nouvelle organisation au sein de la DSI, le périmètre de l’étude d’opportunité sur l’OS Linux pour les postes de travail a été revu en s’orientant vers une étude comparative des OS Linux et Windows Seven.

Au regard de ces conclusions, le comité de direction du 5 juillet a acté que Windows Seven serait l’OS déployé dorénavant sur les postes de travail.

Les principales raisons de ce choix sont les suivantes :

  • la faible part de marché détenue actuellement par Linux considérée comme un risque quant à sa pérennité,
  • l’inconvénient d’amener avec Linux un changement d’usage fort pour la majorité de nos utilisateurs alors que nous les sollicitons et les solliciterons pour bien d’autres changements prévus (exemple : éradication des postes Mac, utilisation de Open Office, changement d’outil GroupWare, la politique d’impression…),
  • notre stock d’applications métiers n’utilisant pas les technologies Web indispensables à un portage sous Linux et l’analyse nous portant à penser que les éditeurs fourniront en premier lieu leur version compatible pour Seven avant de proposer celle pour Linux.

Les atouts de Linux tels que l’économie sur les licences et l’autonomie technique ont bien été considérés mais ne suffisent pas pour contrebalancer l’avantage donné à Seven dans les conclusions de notre étude.

On peut trouver ici le document scanné dans son intégralité.

Notes

[1] Crédit photo : Elvire.R. (Creative Commons By)




Pourquoi il nous tient à cœur de ne pas confondre Hacker et Cracker

Gregor_y - CC by-saSi vous êtes un lecteur assidu du Framablog, vous ne découvrirez probablement pas grand-chose de nouveau dans l’article qui suit. Mais il n’est pas non plus dépourvu d’intérêt, loin s’en faut : il peut être une référence pour tous ceux qui ne connaissent pas bien la différence entre les « hackers » et les « crackers », et ils sont nombreux. On dit souvent, à raison, que cette confusion est de nature médiatique, mais malheureusement ce n’est que partiellement vrai. Avec l’influence que les médias ont pu avoir, il est devenu très courant d’entendre au détour d’une conversation que des « hackers ont piraté (ou que des pirates ont hacké !) tel système ». Et même dans les GUL ! C’est pour cela qu’il m’a paru important de revenir aux sources… Pourquoi hacker n’a rien à voir avec cracker ?

Il me semble d’autant plus dommage de confondre ces deux notions qu’à mon avis le « hacking » a un grand rôle à jouer dans notre société. On a souvent beaucoup de préjugés sur Marx, à cause de la simplification de ses écrits qui a nourri le marxisme (à tel point qu’on appelle les personnes qui étudient directement Marx, les marxiens !). Sans tomber dans le marxisme, le concept de fétichisme de la marchandise me semble particulièrement intéressant pour décrire la situation actuelle : pour faire fonctionner le système économique tel qu’il est, il faut que l’acheteur se réduise à une simple fonction de consommation, sans produire par lui-même, ou pour lui-même. Le fétichisme est à la fois une admiration et une soumission. Il faut acheter des produits de marque. Apple est à mon avis un super exemple : le simple fait de poser une pomme (même pas entière) sur un produit de qualité moyenne, double son prix, et entraîne une myriade de « fans ».

Derrière ce nom barbare du fétichisme de la marchandise, se cache un double phénomène : la sacralisation de la marchandise, engendrant l’aliénation de l’homme à cette dernière. Tout cela pour dire que les produits sont pris pour plus qu’ils ne sont réellement, que par exemple l’homme est prêt à sacrifier beaucoup pour acquérir un objet. Ainsi, le fétichisme de la marchandise permet, à mon sens, de rendre compte de la situation de l’économie actuelle. Une instance économique (le plus souvent les entreprises) produit un objet ou un service qui apparaît cher aux yeux des consommateurs, qui ne doivent l’utiliser que dans le sens pour lequel il a été créé. Encore une fois Apple, cas extrême, permet de rendre compte de la situation : tout ne repose que sur leur image de marque, de haut de gamme, alors que la réalité est terrifiante (Big Brother censure, qualité de l’électronique tout à fait moyenne, matériel et logiciels fermés et propriétaires jusqu’à l’os, bidouillabilité et respect des utilisateurs faibles voire nuls, etc). Là où je veux en venir est que le fétichisme de la marchandise permet de masquer les yeux du consommateur pour que celui-ci se contente d’utiliser servilement ce qu’on lui propose tout en étant satisfait.

Pour entrer plus dans le détail du concept, selon Marx si l’objet est sacralisé c’est parce que le rapport social de production, qui est extérieur au produit, est pris comme faisant partie intégrante de la marchandise. Concrètement, un produit (ou un service) est conçu conformément à des exigences sociales, mais on croit que la valeur sociale attribuée à l’objet vient de l’objet lui-même. On croit que le produit peut exister tout seul, en dehors de tout contexte de société. Par exemple, on peut être fier d’avoir le tout dernier joujou à la mode qui en jette plein les yeux. Dans ce cas, la reconnaissance sociale liée à la possession de l’objet est prise comme étant intégralement due à l’objet que l’on achète. La marchandise est alors élevée à un statut supérieur par une opération certes magique mais inconsciente. L’objet est donc sacralisé, l’aliénation en est ensuite la conséquence : l’objet qui semble posséder des pouvoirs « magiques » doit être protégé, conservé, etc. C’est la soumission qui va de pair avec toute forme de sacré. Et c’est exactement ce qu’essaient de cultiver les entreprises.

De plus, un effet de mode étant très éphémère, l’objet devient vite un fardeau, une vieillerie, car son « pouvoir » secret se tarit. Ce qui, à mon sens, explique la frénésie du schéma achat-consommation-rejet-poubelle de notre système économique, et de nos modes de vie. Le fétichisme de la marchandise vient de là : un rapport social occulté qui entraîne une sacralisation du produit : il faut se contenter pour être heureux d’acheter, de ne pas abîmer, de préserver le produit à l’identique (pour essayer de garder ses vertus magiques que l’on a pu avoir l’impression de palper), de ne pas bidouiller, ni en faire une utilisation trop originale.

Quel est le rapport en fin de compte avec le hacking ? C’est une solution ! Je n’ai fait le rapprochement que très récemment dans une interview de la radio des RMLL de John Lejeune, un animateur du projet Hackable Devices, qui disait que « Tout ce qui est do-it-yourself, bidouille, réappropriation des connaissances, etc, est en train de revenir. L’intérêt est aussi de détourner des fonctions, savoir comment ça marche, comprendre, et désacraliser les objets ». Et effectivement, manipuler, bidouiller, faire par soi-même permet de démystifier le produit, de ne plus être dans une attitude de simple consommation, de ne pas se contenter de vivre en lecture seule[1]. On voit que ce n’est pas compliqué de créer, qu’à l’intérieur de la boîte noire du dernier joujou à la mode, il n’y a finalement rien d’extraordinaire, ni de magique. Le rapport à la marchandise s’inverse : au lieu de se soumettre à elle, on la maîtrise, la contrôle et l’adapte à ses besoins. Confondre « Hacking » et « Cracking » est donc d’autant plus dommageable que les deux notions recouvrent des modes de vie et des fonctionnements différents. Égaliser les deux notions, c’est faire réprimer le vrai « Hacking » par la société et donc en un sens se voiler la face sur des problèmes existants. Cet article me parait donc un début de solution !

Hacker vaillant, rien d’impossible 😉

Lettre ouverte aux médias sur le mauvais usage du terme « hacker »

Open letter to the media about the misuse of the term "hacker"

Matija Šuklje – 2 août 2010 – Hook’s Humble
(Traduction Framalang : Marting, Siltaar, Loque Humaine et Barbidule)

Ces derniers jours et semaines, on a beaucoup parlé dans les médias slovènes de trois Slovènes qui auraient collaboré au botnet Mariposa. Si vous ne savez pas de quoi il s’agit, vous pouvez lire ce communiqué de presse du FBI. Les médias n’ont cessé d’appeller ces présumés cybercriminels des « hackers ». Comme c’est un abus de langage et que nous sommes nombreux, au sein du groupe Slovène de la Free Software Foundation Europe, à nous définir par ce terme de « hackers », nous avons estimé que quelque chose devait être fait. Nous avons donc écrit et envoyé une lettre ouverte aux médias pour leur expliquer la différence entre « hacker » et « cracker » et les inviter aimablement à employer ces mots correctement à l’avenir. Cette action a été soutenue par plusieurs autres groupes et organismes. La suite correspond au texte entier de la lettre ouverte et à sa traduction.

Madame, Monsieur,

Ces dernières semaines, au sujet de l’action du FBI contre un cybercrime ayant abouti à l’arrestation d’un suspect en Slovénie, le mot « hacker » a été utilisé à plusieurs reprises dans les médias dans un contexte et dans un sens erronés. Ce terme ayant un sens différent pour les experts et pour le public profane, nous avons trouvé opportun de vous le signaler par cette lettre ouverte.

« Hacker » vient du verbe « to hack », « bidouiller ». Cette expression fut forgée au MIT (Massachusetts Institute of Technology) dans les années 50, et signifie résoudre un problème technique d’une manière originale. Dans le jargon de l’informatique, elle est encore utilisée pour désigner des modifications inventives ou originales d’un programme ou d’un système, basées sur une compréhension profonde et dans un but qui n’était pas celui prévu initalement.

Beaucoup d’autorités dans le domaine de l’informatique et de la sécurité entendent le terme « hacking » comme un état d’esprit, la capacité à penser hors des frontières, des façons de faire et des méthodes établies, en essayant de surmonter ces obstacles. Les exemples sont nombreux de « hackers » mettant leurs compétences et leur créativité au service de causes nobles et de l’intérêt général, en faisant en sorte que tout le monde puisse utiliser ou modifier leur programme. Des exemples de tels logiciels libres sont : GNU/Linux, Mozilla Firefox, Mozilla Thunderbird, Google Chromium, OpenOffice.org, SpamAssassin, GIMP, Scribus etc.

Ce furent les médias et l’industrie du film qui utilisèrent ensuite (à tort) le mot « hacker » pour désigner les cybercriminels, ce qui provoqua évidemment une certaine confusion. Ce désordre est encore alimenté par l’évolution de la terminologie, et par les traductions dans la langue slovène.

Pour désigner une personne qui s’introduit dans des systèmes informatiques avec une intention criminelle, il est plus approprié d’utiliser le terme « cracker ». Ce terme désigne les personnes qui contournent des systèmes de sécurité sans autorisation et/ou qui utilisent les TIC (c’est-à-dire habituellement des ordinateurs, des téléphones ou des réseaux) pour s’introduire dans des systèmes et se livrer à des activités illégales ou criminelles — vandalisme, fraudes aux cartes de crédit, usurpation d’identité, piratage, et autres types d’activités illégales.


Ainsi, le dictionnaire slovène d’informatique fait bien la distinction entre le terme « hacker », entendu comme « un passionné d’informatique orienté sur la technique » et le terme « cracker » « qui s’introduit dans les systèmes informatiques avec l’intention d’utiliser des données ou des programmes sans autorisation ».

C’est pourquoi il convient d’utiliser le terme « crackers » pour désigner ces personnes suspectées de crimes informatiques. Au cours des dernières décennies, de nombreuses avancées technologiques furent le fruit du phénomène « hacker » — les ordinateurs personnels, l’Internet, le logiciel libre — il serait donc abusif d’assimiler hackers et criminels. Cela équivaudrait à qualifier tous les pharmaciens d’empoisonneurs.

Nous comprenons que la confusion actuelle existe depuis assez longtemps et c’est d’ailleurs pour cela que nous pensons qu’il est largement temps de clarifier ce point ensemble. Aussi nous vous demandons, s’il vous plaît, de bien vouloir à l’avenir utiliser le terme approprié.

Bien cordialement,

Matija Šuklje : coordinateur du groupe slovène de la FSFE[2]

Co-signataires : Andrej Kositer (président du COKS[3]), Simon Delakorda, (directeur du INePA[4]), Andrej Vernekar (président du LUGOS[5]), Klemen Robnik (de Kiberpipa/Cyberpipe[6]) et Ljudmila[7].

Notes

[1] Crédit photo : Gregor_y (Creative Commons By-Sa)

[2] Le groupe slovène de l’association FSFE est un groupe supportant la « Free Software Foundation Europe » ainsi que le logiciel libre et open-source en général, organisé en tant que mouvement citoyen. Nous défendons le logiciel libre, les standards et les formats ouverts.

[3] Le Centre Open Source Slovène (COKS – Center odprte kode Slovenije) soutient au niveau national en Slovénie, le développement l’utilisation et la connaissance des technologies open-source ainsi que des systèmes d’exploitation libres. Nous aidons et soutenons les utilisateurs de ces systèmes d’exploitation dans le secteur public et privé, et coopérons avec les instances européennes dans le domaine de l’open-source et des politiques de gouvernance en informatique.

[4] L’Institut d’Apport en Électronique INePA (Inštitut za elektronsko participacijo) est une organisation non gouvernementale à but non-lucratif dans le domaine de l’e-democratie. L’INePA effectue aussi bien des projets applicatifs et de développement que des activités juridiques et en lien avec les ONG, les institutionsn et les individus qui supportent le consolidation de la démocratie et de la participation politique par l’usage des TIC. L’institut est membre du Réseau Pan-Européen d’eParticipation, et du Réseau de Citoyens d’Europe Centrale et de l’Est.

[5] LUGOS (Linux user group of Slovenia) est une association d’utilisateurs du système d’exploitation libre et open-source GNU/Linux. Parmi ses activités, elle propose entre autre un support aux utilisateurs et traduit des logiciels libres. Elle s’occupe aussi du réseau ouvert sans fil de Ljubljana (wlan-lj) et des lectures hebdomadaires de « Pipe’s Open Terms » (en coopération avec Cyberpipe).

[6] Kiberpipa/Cyberpipe est un collectif de défense de l’open-source et des libertés numériques. Dans le centre de Ljublljana, il crée une culture numérique, et informe experts et grand public par le biais de présentations, de lectures et d’ateliers.

[7] Ljudmila Le laboratoire de Ljubljana pour un média et une culture numérique (1994) est le premier laboratoire à but non-lucratif en Slovénie qui supporte la recherche inventive et créative, au travers de projets de travail autour de l’Internet, de la vidéo numérique, de l’art électronique, de la radio numérique, de la communication, du développement du logiciel open-source et connecte tout ceci dans une approche interdisciplinaire. Il promeut aussi aussi bien l’éducation en groupes autonomes qu’en ateliers et il est le fondateur du réseau de centres multimédia « M3C » en Slovénie.




L’April et Framasoft joignent leurs efforts pour plus d’accessibilité… libre !

Avec le concours du groupe de travail accessibilité et logiciels libres de l’April, une nouvelle rubrique vient de voir le jour dans l’annuaire des logiciels libres Framasoft : la rubrique « Accessibilité, technologies d’assistance », classée dans la rubrique utilitaires.

Il s’agit ainsi de donner plus de visibilité à des logiciels libres d’accessibilité. En effet, certaines personnes nécessitent l’utilisation de technologies spécifiques pour utiliser leur ordinateur. Par exemple, une personne qui ne pourra pas voir son écran pourra utiliser un logiciel qui décrira oralement ce qui s’y passe et lui permettra de naviguer à l’aide de raccourcis clavier, en remplacement de la souris.

Le groupe de travail accessibilité de l’April a commencé à recenser les logiciels libres existant, certaines notices et tutoriels sont déjà rédigés. Mais il reste encore beaucoup de travail pour alimenter cette nouvelle rubrique accessibilité sur le site de Framasoft. En joignant leurs efforts, c’est le pari de la promotion et de la progression de la liberté et de l’accessibilité que l’April et Framasoft souhaitent relever ensemble.

Toutes les bonnes volontés sont invitées à contribuer ! Pour savoir comment participer, rendez-vous sur :

Vous pouvez aussi nous contacter à l’adresse accessibilite@april.org.

PS : Et puisqu’on parle de l’April et Framasoft, je signale également cette présentation vidéo de notre permanent Pierre-Yves Gosset.