Wallabag it, une belle occasion d’y aller de votre poche !
Pour ne plus avoir 50 onglets ouverts « à lire plus tard » et garder tous les articles qu’on veut lire dans la poche, il existe une solution simple et libre : wallabag.
Wallabag, c’est le logiciel qui se trouve derrière notre service Framabag. Le principe est simple : vous vous inscrivez au service, et vous ajoutez l’extension à votre navigateur (Firefox ou Chrome/Chromium) afin d’avoir le bouton magique qui vous permet de sauvegarder vos articles à lire plus tard.
Ensuite, il ne vous reste plus qu’à aller les lire sur le site web du service ou depuis l’application de votre ordiphone…
Côté serveur, de notre côté donc, ce n’est pas la même paire de manchots. Voilà plusieurs mois que wallabag a sorti une version majeure (2.X), avec de mirifiques nouvelles fonctionnalités. Mais Framabag reste obstinément dans une version antérieure (1.9.X).
La raison est simple, nous sommes victimes de notre succès : migrer plus de 11 000 comptes vers une nouvelle version majeure est un très gros travail, un travail concernant des données sensibles (qu’on ne peut donc pas déléguer à n’importe qui). Or, comme toujours, nos bénévoles et salariés ont déjà une toudou liste qui déborde… Ce qui ne veut pas dire qu’on ne fera jamais la mise à jour, juste qu’elle est trop importante pour qu’on la fasse dans l’urgence, et que nous allons prendre notre temps.
Bien entendu, le top serait que chacun-e d’entre vous auto-héberge son wallabag, par exemple en utilisant Yunohost ou le tutoriel dédié. Malheureusement, ce n’est pas (encore) une solution accessible à toutes et tous.
Qu’à cela ne tienne, Nicolas Lœuillet, créateur et développeur principal de wallabag, et par ailleurs membre de Framasoft, propose une alternative intéressante (parce que payante) : wallabag.it !
Alors non : nous ne nous sommes pas concertés, mais oui : cela nous arrange. 11 000 comptes Framabag, c’est beaucoup trop, et il y a grandement besoin de solutions d’hébergement alternatives. C’est surtout l’occasion de démontrer une fois encore que libre ne signifie pas gratuit, et qu’il est important de ne pas mettre toutes ses données dans le même panier, fût-ce dans celui de Framasoft… Mais parlons-en donc avec le principal intéressé.
Bonjour Nicolas ! Peux-tu te présenter au lectorat du Framablog ?
Salut le lectorat du Framablog.
Je suis Nicolas, développeur web de métier et développeur de wallabag (vous avez vu ? Pas de w majuscule !) à mes heures perdues. Depuis maintenant trois ans, je suis également membre (à mes minutes perdues) de Framasoft.
Du coup c’est quoi, wallabag it ? Un Framabag survitaminé ? Quels sont les avantages et nouvelles fonctionnalités de ce service ?
wallabag.it, c’est un service en ligne qui te permet d’utiliser wallabag sans se soucier de l’installation, de la maintenance, des mises à jour de l’application.
Tu viens, tu crées ton compte et tu utilises. C’est tout.
C’est pas un Framabag survitaminé : c’est pareil que Framabag dans l’idée. La différence, c’est la version de wallabag : comme c’est si bien expliqué dans l’introduction du billet, nous avons publié une nouvelle version majeure l’an dernier (la deuxième du nom) et la mise à jour de Framabag est quelque peu complexe.
Les avantages de ce service, c’est la simplicité de création de compte. Pas besoin d’avoir les compétences pour installer une application web.
Il n’y a aucune différence de fonctionnalité entre le service et l’application que tu pourrais installer chez toi, sur ton serveur personnel. Et il n’y en aura jamais. Au mieux, certaines fonctionnalités seront proposées avant sur wallabag.it, mais à terme, tout sera rendu à la communauté.
D’accord, mais si je m’inscris, ça va me coûter combien cette affaire ? Un café ? Un menu Falafel-Frites-Ice tea ? Une Porsche Carrera 911 ?
Si tu t’inscris, ça ne te coûte rien pendant 14 jours. Pas besoin de carte de crédit pour te créer un compte, juste une adresse mail valide.
Ensuite, ça te coûtera 12 euros par an. Douze euros. Un seul euro par mois. Soit pas grand chose. Moins d’un café par mois, du coup. Et un peu moins qu’une Porsche.
Et puisqu’on est sympas, l’abonnement annuel est actuellement à 9 euro par an (et puis il parait que ça fait bien niveau marketing).
Imaginons que je sois sur Framabag (ou sur Pocket, tiens !) et que je veuille migrer vers wallabag it… Comment je fais pour migrer mes données ? Y’a besoin d’un bac + 42 en administration système ?
Si tu es sur Framabag et que tu souhaites migrer vers wallabag.it, tu dois exporter tes données (dans la page Configuration, il y a un lien pour ça). Ensuite, tu importes le fichier généré dans wallabag.it, rubrique Import. Tu choisis « wallabag v1 », tu sélectionnes ton fichier et roule ma poule.
Ça, c’est en théorie. Parce qu’en réalité, l’export depuis Framabag connaît parfois quelques ratés (certains diront que l’export depuis Framabag fonctionne de temps en temps, la nuance est minime). Si c’est le cas pour toi, contacte le support de Framasoft ou contacte le support de wallabag.it et on s’occupe d’exporter tes données (et au passage, on les revendra pour s’enrichir encore plus).
Si tu es sur Pocket et que tu souhaites migrer vers wallabag.it, c’est plus simple. Rubrique Import, tu choisis Pocket et tu te laisses aller (pas trop non plus). Ça devrait marcher tout seul, certains sont arrivés de Pocket avec 20.000 articles en poche 😆
Cela fait combien de temps que wallabag est dans ta vie ? Tu as déjà compté le nombre d’heures, de journées, de lignes de code passées bénévolement sur ce projet ?
wallabag et moi, on se connaît depuis bientôt quatre ans. Tout a commencé en avril 2013. Je marchais sur une plage, un peu comme celle-ci.
Je n’ai jamais compté mes heures pour wallabag, et je pense qu’il ne faut pas. Quand on aime, de toute façon, on ne compte pas.
Par contre les lignes de code, c’est plus simple : y’en a plus de 220.000 actuellement dans le projet. C’est uniquement un chiffre qui ne veut rien dire, et puis dedans y’a des lignes de javascript ou de HTML et comme chacun le sait, c’est pas vraiment du code, donc ça compte pas.
On dit souvent que « Libre ne veut pas dire gratuit »… est-ce que proposer wallabag It est aussi une façon de faire reconnaître le travail fourni sur ce logiciel et de le rémunérer pour que tu puisses t’y consacrer plus amplement ?
Le but à terme, oui ça serait ça : pouvoir me dégager encore plus de temps pour wallabag et faire avancer ce projet. Aujourd’hui, je suis salarié dans une petite SSII à 80%, le reste c’est pour wallabag. Si je peux encore réduire mon temps de travail, ça serait bien.
C’est gentil tout cela, mais si je m’inscris sur wallabag it, qu’est-ce qui me garantit que demain, ou dans un an, tu ne fermeras pas le code de wallabag, me demanderas un bras au lieu de 12 €, ou carrément l’âme de ma première-née pour utiliser ton service…?
La confiance. Tu ne peux te baser que sur ça : wallabag est et restera toujours open source et sous licence libre.
Concernant le service wallabag.it, je ne peux pas te dire que ça restera toujours 12 euros. Si tu veux me donner un bras, ça peut nous intéresser : on en manque par moment dans l’équipe, donc ça pourrait être pratique pour coder.
Question-perso-de-Pouhiou : moi j’ai déjà un wallabag V2 sur ma Brique Internet (et je le kiffe). Mais j’ai aussi une liseuse (la Cybook Muse HD de chez Bookeen, pour tout te dire…) sur laquelle j’aimerais bien lire les articles de mon wallabag… Comment je fais ? Est-ce que te soutenir te permettra de mettre en place de telles collaborations ? Et tu préfères que je te fasse un don (où ?) ou bien que j’offre un compte wallabag it à mon petit frère ?
Pour Bookeen, rassure-toi, il parait que ça arrive : une application wallabag native sur leurs liseuses 🎉
Tu peux payer un compte wallabag.it à ton petit frère et aussi à tous ceux que tu connais : j’ai des vacances à payer, merci.
Dis, j’y pense : proposer un service payant, c’est chaud niveau données : moyen de paiement, contact par email, chiffrage peut-être, etc. Que prévois-tu pour respecter les données de ta clientèle ?
Oui, c’est chaud niveau données.
Pour lancer le service, je m’étais fixé une obligation : ne bosser qu’avec des prestataires européens voire français.
Le nom de domaine et le certificat SSL sont proposés par Gandi
Alors, ça vaut ce que ça vaut, bien sûr, mais je ne voulais pas de services américains.
Et niveau respect des données, accès / revente de celles-ci, c’est pareil que les services proposés par Framasoft : c’est basé sur la confiance. Une phrase du site que j’aime bien : Parce que notre modèle économique est basé uniquement sur vos abonnements, nous n’avons pas besoin de lire ou revendre vos données.
Et si on est convaincu-e, on fait quoi, on s’inscrit où ?
Ensuite, tu peux bénéficier des 14 jours gratuits, puis te rendre dans la partie Abonnements.
Et le tour est joué !
Comme d’habitude, on te laisse le mot de la fin….
Merci à mes parents, sans qui je ne serai pas là aujourd’hui.
Non, plus sérieusement, merci à toute l’équipe wallabag (et ils sont nombreux) et merci à l’équipe Framasoft, qui m’ont tous soutenu depuis très longtemps maintenant.
Et dépêchez-vous de prendre un abonnement wallabag.it : début mars, ça repasse à 12 euros !
Si on laissait tomber Facebook ?
Le travail de Salim Virani que nous vous invitons à parcourir est remarquable parce qu’il a pris la peine de réunir et classer le très grand nombre de « petites » atteintes de Facebook à notre vie privée. Ce n’est donc pas ici une révélation fracassante mais une patiente mise en série qui constitue une sorte de dossier accablant sur Facebook et ses pratiques avouées ou inavouables. Vous trouverez donc de nombreux liens dans l’article et au bas de l’article, qui sont autant de sources.
Si comme nous le souhaitons, vous avez déjà renoncé à Facebook, il est temps d’en libérer vos proches : les références et les faits évoqués ici par Salim Virani seront pour vous un bon réservoir d’arguments.
Par quoi remplacer Facebook lorsqu’on va supprimer son compte ? Telle est la question qui reste le point bloquant pour un certain nombre de personnes. Bien sûr il existe entre autres Diaspora et ses divers pods (dont Framasphère bien sûr), mais Salim Virani répond plutôt : par de vrais contacts sociaux ! Avons-nous vraiment besoin de Facebook pour savoir qui sont nos véritables amis et pouvoir échanger avec eux ?
N’hésitez pas à nous faire part de votre expérience de Facebook et de ses dangers, dont le moindre n’est pas l’addiction. Saurons-nous nous dé-facebook-iser ?
Dites à ceux que vous aimez de laisser tomber Facebook
par Salim Virani
J’ai écrit ce qui suit pour ma famille et mes proches, afin de leur expliquer pourquoi les dernières clauses de la politique de confidentialité de Facebook sont vraiment dangereuses. Cela pourra peut-être vous aider aussi. Une série de références externes, et des suggestions pour en sortir correctement, se trouvent au bas de cet article.
Mise à jour 2017 : beaucoup des inquiétudes que j’avais se sont avérées fondées. Facebook a persévéré dans sa logique de mépris envers ses utilisateurs. J’ai actualisé cet article en y ajoutant quelques liens et arguments supplémentaires.
« Ah au fait, j’avais envie de te demander pourquoi tu quittes Facebook », telle est la question embarrassée qu’on me pose du bout des lèvres très fréquemment ces temps-ci. Genre vous savez plus ou moins que Facebook c’est mal, mais vous n’avez pas trop envie de savoir jusqu’à quel point.
J’ai été un grand supporter de Facebook – un des premiers utilisateurs de mon entourage à défendre ce moyen génial de rester en contact, c’était en 2006. J’ai fait s’inscrire ma mère et mes frères, ainsi qu’environ vingt autres personnes. J’ai même enseigné le marketing de Facebook à l’un des plus prestigieux programmes technologiques du Royaume-Uni, la Digital Business Academy. Je suis un technico-commercial – donc je peux voir les implications – et jusqu’à maintenant elles ne m’avaient pas inquiété plus que ça. Je ne prenais pas au sérieux les personnes qui hésitaient en invoquant des questions de vie privée.
Juste pour vérifier…
Pendant les vacances 2014/2015, j’ai voulu passer quelques minutes à vérifier les prochains changements dans la politique de confidentialité, avec une attitude prudente en me demandant « et si… ? ». Certaines éventualités étaient inquiétantes, en particulier concernant nos informations financières et de localisation, sans oublier tout le reste. En fait, ce que je soupçonnais a déjà eu lieu il y a deux ans, depuis 2011 ! Ces quelques minutes se sont changées en quelques jours de lecture. J’ai ignoré beaucoup d’affirmationspas qui, selon moi, peuvent être expliquées comme des accidents (« techniquement plausibles » ou « techniquement fainéantes »).
Après tout, je suis moi-même le fondateur d’une start-up, et je sais à quel point les questions techniques peuvent être complexes. Par exemple, les droits d’accès excessifs demandés par l’application Facebook pour Android proviennent d’un problème technique étroitement lié à Android. Mais il restait encore beaucoup de préoccupations concernant la protection de la vie privée, et j’ai croisé ces faits avec des techniques que je sais être standards dans le marketing basé sur les données.
Avec ces derniers changements de confidentialité le 30 janvier 2015, j’ai peur.
Facebook a toujours été légèrement pire que toutes les autres entreprises technologiques avec une gestion louche de la confidentialité ; mais maintenant, on est passé à un autre niveau. Quitter Facebook n’est plus simplement nécessaire pour vous protéger vous-même, c’est devenu aussi nécessaire pour protéger vos amis et votre famille. Cela pourrait être le point de non-retour – mais il n’est pas encore trop tard pour reprendre le contrôle.
Une petite liste de pratiques de Facebook
Il ne s’agit plus simplement des informations que Facebook dit qu’il va prendre et ce qu’il va en faire ; il s’agit de tout ce qu’il ne dit pas, et qu’il fait tout de même grâce aux failles qu’ils se sont créées dans les Conditions de Service, et la facilité avec laquelle ils reviennent sur leurs promesses. Nous n’avons même plus besoin de cliquer sur « J’accepte ». Ils modifient simplement la politique de confidentialité, et en restant sur Facebook, vous acceptez. Et hop !
Aucune de vos données sur Facebook n’est sécurisée ni anonyme, quels que soient vos paramètres de confidentialité. Ces réglages sont juste des diversions. Il y a des violations de confidentialité très sérieuses, comme la vente de listes des produits que vous recommandez à des annonceurs et des politiciens, le pistage de tout ce que vous lisez sur Internet, ou l’utilisation des données de vos amis pour apprendre des informations privées sur vous – aucune de ces pratiques n’a de bouton « off ». Pire encore, Facebook agit ainsi sans vous le dire, et sans vous révéler les dommages que vous subissez, même si vous le demandez.
Facebook donne vos données à des « tiers » via les applications que vous utilisez, puis il affirme que c’est vous qui le faites, pas eux. À chaque fois que vous utilisez une application connectée à Facebook, vous autorisez Facebook à échapper à sa propre politique de confidentialité avec vous et vos amis. C’est comme quand mon frère me forçait à me frapper moi-même, puis me demandait « Pourquoi tu te frappes tout seul ? ». Et il allait dire à ma mère que ce n’était pas de sa faute.
En creusant un peu, j’ai découvert tout le pistage que fait Facebook – et je l’ai vérifié avec des articles de sources connues et réputées, ainsi qu’avec des études qui ont été examinées minutieusement. Les liens sont dans la section Source à la fin de ce post.
Ça semble fou quand on met le tout bout à bout !
Facebook crée de fausses recommandations de produits venant de vous pour vos amis – et ils ne vous le disent jamais.
Quand vous voyez un bouton « J’aime » sur le web, Facebook est en train de repérer que vous êtes en train de lire cette page. Il parcourt les mots-clés de cette page et les associe avec vous. Il sait combien de temps vous passez sur les différents sites et les différents sujets.
Ils repèrent votre localisation et l’utilisent pour trouver des informations sur vous, si par exemple vous êtes malade (si vous êtes chez un médecin ou un spécialiste), avec qui vous couchez (qui est à vos côtés pendant la nuit), où vous travaillez, si vous êtes en recherche d’emploi (un rendez-vous d’une heure dans les bureaux de la concurrence), etc.
Ils ont organisé des campagnes de quasi-dénonciation pour inciter par la ruse les amis des gens à révéler des informations sur eux, alors qu’ils avaient décidé de les garder secrètes.
Ils utilisent l’énorme quantité de données qu’ils ont sur vous (avec vos « J’aime », ce que vous lisez, ce que vous écrivez mais que vous ne publiez pas) pour créer des profils très précis de qui vous êtes – même si vous faites tout pour garder ces choses secrètes. Il y a des techniques statistiques, qui existent depuis des décennies en marketing, pour trouver des modèles comportementaux en corrélant les actions et les caractéristiques d’une personne. Même si vous n’avez jamais publié quoi que ce soit, ils peuvent facilement déduire vos âge, sexe, orientation sexuelle et opinions politiques. Quand vous publiez, ils en déduisent beaucoup plus. Puis ils le révèlent aux banques, aux compagnies d’assurances, aux gouvernements et, évidemment, aux annonceurs.
« Je n’ai rien à cacher »
Pourtant, beaucoup de gens ne s’en inquiètent pas, estimant qu’ils n’ont rien à cacher. Pourquoi s’intéresseraient-ils à ma petite personne ? Pourquoi devrais-je m’inquiéter de cela alors que je ne fais rien de mal ?
L’histoire est désormais célèbre : une adolescente enceinte a vu sa grossesse révélée au grand jour par le magasin Target, après que ce dernier a analysé ses données d’achat (sacs à main plus grands, pilules contre le mal de tête, mouchoirs…) et a envoyé par erreur un message de félicitations à son père, qui n’était pas au courant. Oups !
Il arrive la même chose à vos données, qui sont révélées à n’importe quelle entreprise sans contrôle de votre part. Et cela se traduit par les différentes manières dont vos données peuvent révéler des choses vous concernant à des entités que vous ne souhaitez pas mettre au courant.
L’un des problèmes les plus évidents ici concerne les compagnies d’assurance. Les données qu’elles récoltent sur vous sont exploitées pour prédire votre futur. Aimeriez-vous qu’on vous refuse une assurance santé sous prétexte qu’un algorithme a prédit à tort que vous aviez commencé à consulter un cardiologue ?
Et si votre employeur ou futur employeur savait que vous êtes peut-être enceinte ?
Aimeriez-vous que votre patron soit au courant quand vous n’êtes pas réellement cloué au lit, ou quand vous cherchez un autre job ?
Aimeriez-vous que n’importe qui soit au courant si vous avez des difficultés à payer votre prêt ? Si vous vendez votre maison, les acheteurs sauront qu’ils sont en position de force.
Même si nous avons pour la plupart d’entre nous le sentiment que nous n’avons rien à cacher, nous nous retrouvons tous parfois dans des situations où nous avons besoin que certaines choses restent secrètes, au moins pendant un temps. Mais nous renonçons à cela – et pour quelle raison ?
Extraits des « Conditions d’utilisation » (et non « Politique de confidentialité », vous voyez l’astuce ?)
Vous nous donnez permission d’utiliser votre nom, image de votre profil, le contenu et les informations en lien avec des activités commerciales, soutiens sponsorisés et autres contenus (comme les marques que vous aimez), proposés ou mis en avant par nos soins.
Plus bas :
Par « information » nous voulons dire les données et autres informations qui vous concernent, ce qui inclut les faits et gestes des utilisateurs et des non-utilisateurs qui interagissent avec Facebook.
Donc cela inclut tout ce qu’ils collectent sur vous mais sans vous le dire. Tout ce que vous lisez sur Internet, tout ce qu’on a jamais publié à votre propos, toutes vos transactions financières privées.
De plus, vos données commencent à être combinées avec les données de vos amis pour faire un modèle encore plus précis. Il ne s’agit pas que de vos données, mais ce que l’on obtient quand on combine tout ensemble.
Le problème n’est pas ce que nous avons à cacher, il s’agit de garantir le droit fondamental à notre liberté – lequel est notre droit à la vie privée
Nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d’atteintes à son honneur et à sa réputation.
Nous avons le droit de dire un mot sur la façon dont ces informations seront utilisées. Mais en utilisant Facebook, nous les abandonnons volontairement, pas seulement les nôtres mais aussi celle de nos amis, de notre famille !
Si vous admettez avoir commis quelque chose d’illégal dans les messages privés de Facebook, ou si vous avez simplement mentionné un soutien à une action politique, cela pourra être utilisé contre vous à l’avenir, tout particulièrement par un gouvernement étranger. Vous pouvez être arrêté simplement parce que vous étiez au mauvais endroit au mauvais moment, ou être mis à l’écart à l’aéroport un jour, pour risquer de la prison car vous avez révélé que vous avez fait quelque chose d’illégal il y a 5 ans. Un comédien New Yorkais a vu une équipe SWAT (un groupe d’intervention policière américaine musclé) entrer dans son appartement pour une blague sur Facebook. Les forces de l’ordre commettent souvent des erreurs, et vous leur donnez plus de pouvoir et plus de chance d’être dans l’erreur. Vous rechargez le fusil, le pointez sur votre tempe, et le donnez à n’importe quel « applicateur de la loi » à la gâchette facile capable d’acheter vos données personnelles.
Pas besoin de parler d’une hypothétique surveillance gouvernementale ici. L’un des premiers investisseurs de Facebook, Greylock, a un conseil d’administration en lien avec la CIA via une entreprise appelée In-Q-Tel. Selon leur site web, ils « identifient les technologies de pointe pour aider la CIA et plus largement l’intelligence américaine à poursuivre leur mission ». Et si vous n’êtes toujours pas au courant, il a été révélé que les données de Facebook ont été livrées directement au programme PRISM.
Les courtiers en données commerciales
Et comme je l’explique plus loin, ces informations se retrouvent de toute façon en grande partie publiquement accessible. Pas besoin des programmes de la NSA, les entreprises de données marketing s’en occupent, en dés-anonymisant toutes vos données pour les vendre encore et encore. C’est fait systématiquement et automatiquement. Il y a toute une industrie autour de ça. Il y a des places de marché pour acheter et vendre les données des consommateurs, qui étaient bâties originellement autour des agences de crédit et des entreprises de publipostage, puis qui ont évolué avec l’industrie de la barre d’outil de navigateur, quand Internet Explorer était répandu – maintenant il y a encore plus d’informations qu’avant. Un exemple récent est RapLeaf qui a collecté et publié des informations identifiables personnellement, y compris des identifiants Facebook et MySpace.
Ils ont arrêté suite à une sérieuse controverse, mais non seulement le mal avait été fait, mais il y a eu d’autres entreprises qui ont échappé à cette mauvaise publicité et ont continué ces pratiques. Il ne s’agit pas de la façon dont les commerciaux vous adressent des publicités ciblées : le problème, c’est que vos données sont achetées et vendues pour cela.
Dans quel pays envisagez-vous de partir en voyage ? Êtes-vous d’accord pour confier toutes ces informations sur vous aux forces de l’ordre de ce pays ? Parce que, sachez-le : elles les achètent.
Le truc, c’est qu’il n’y a pas besoin d’approuver une théorie du complot pour être concerné. Mark Zuckerburg lui-même a été très clair publiquement avec ses investisseurs à propos de ses intentions :
1) Être l’intermédiaire de toutes les communications personnelles.
C’est pour cela qu’ils ont conçu Messenger et acheté WhatsApp, mais n’oubliez pas qu’ils ont essayé pire. Quand ils ont lancé les emails Facebook, ils ont profité des utilisateurs qui avaient synchronisé leurs contacts Facebook. Ils ont fait en sorte que l’adresse @facebook.com soit l’adresse par défaut pour tout le monde. Pourquoi ? Pour que vos amis vous envoient des e-mails sur votre adresse @facebook.com au lieu de votre adresse normale, ce qui leur permettra de lire vos correspondances.
2) Rendre publiques toutes les communications privées au fil du temps.
C’est pour cela qu’ils ont lentement changé les paramètres de vie privée par défaut vers public, rendu les configurations de la vie privée de plus en plus difficiles à utiliser, et prétendent maintenant que leur outil d’aide à la vie privée va changer cela.
En réalité, il y a une foule de violations de la vie privée qui ne peuvent être désactivées, comme permettre aux publicitaires d’utiliser votre liste de contacts, couper la façon dont Facebook suit ce que vous lisez sur Internet, ou empêcher Facebook de collecter d’autres informations sur vous. Vous ne pouvez pas les désactiver !
Facebook ne vous laisse pas partager ce que vous voulez
Même si vous n’avez rien à cacher, inquiétez-vous du contraire, ce que Facebook choisit de cacher quand vous souhaitez le partager. Ils vous filtrent.
« Je voulais te demander pourquoi tu quittes Facebook » arrive généralement après quelque chose comme « Tu n’as pas vu mon post la semaine dernière ? ».
Si vous avez déjà eu cette conversation, vous aurez noté qu’il y a une grande différence entre vos attentes lorsque vous communiquez sur Facebook et ce qui arrive réellement. En gros, Facebook filtre vos posts suivant que les utilisateurs utiliseront plus Facebook ou non s’ils ne le voient pas.
On a l’impression que Facebook est la seule manière de rester en contact. Avec les photos et les commentaires. On a l’impression que tout le monde y est et qu’on y voit une bonne partie de leur vie.
En fait, un grand nombre de vos messages ne sont jamais vus par personne !
Et vous en manquez plein aussi. Même si ceux de vos amis vous arrivent, cela ne veut pas dire que les vôtres leur parviennent.
Les messages privés puent aussi. Combien de messages Facebook envoyés sans réponse ? À combien de messages Facebook pensez-vous avoir oublié de revenir plus tard, combien en manquez-vous simplement ? Est-ce comme ça que vous voulez traiter vos amis ?
Facebook est un moyen vraiment peu fiable pour rester en contact.
Le mois dernier (NdT : en 2015), j’ai simplement cessé d’utiliser Facebook. Quelque chose d’incroyable est arrivé. Les gens m’ont téléphoné, et on s’est vraiment donné de nos nouvelles. Ma famille était plus en contact. Mon frère m’a envoyé des courriels avec des nouvelles. Des amis sont venus chez moi me dire bonjour.
C’était, disons, social.
Censure politique
Facebook bloque des publications s’il y a du contenu politique qu’il n’aime pas. Ils ont bloqué des publications concernant Ferguson et d’autres manifestations politiques. Quand Zuckerberg a prétendument pété un câble et a banni les mots « vie privée » des réunions à Facebook, cela a aussi été censuré dans toutes les publications Facebook. Vous aviez juste un message d’erreur à propos de « contenu inapproprié ». Ouais, c’est ça ! Inapproprié pour qui ?
Pourtant, nous ne devrions pas être surpris. Facebook n’est pas une plate-forme neutre – nous devons être conscients des objectifs des gens qui sont derrière. Zuckerberg a révélé ses intentions publiquement. Le premier membre du conseil de Facebook aussi, Peter Thiel, un conservateur. Quand il était plus jeune, il a écrit un livre remettant en question le multiculturalisme à Stanford, et il soutient maintenant une théorie appelée le « Désir Mimétique » qui, parmi d’autres choses positives, peut utiliser les groupes sociaux des gens pour manipuler leurs désirs et leurs intentions (je suis un fan de Thiel quand il parle des startups – mais on oublie souvent que beaucoup de gens ne connaissent pas tout ceci).
Facebook va jusqu’à laisser des organisations politiques bloquer vos communications. Il suffit de quelques personnes pour classer comme offensant un article d’actualité, et il est supprimé du flux de tout le monde. Cette fonctionnalité est souvent détournée. Je peux bloquer n’importe quel article sur Facebook en convainquant quelques amis de le classer comme offensant. C’est de la censure facile et pas chère.
Mise à jour de 2017 : on a vu combien cela a affecté les élections des États-Unis. Les fils d’actualité des gens qui avaient des idées opposées étaient souvent filtrés, et pourtant des fausses actualités se sont facilement répandues facilement, parce que ces faux gros-titres renforcent nos convictions et nous sommes contents de les partager.
Tout cela confirme que c’est une mauvaise idée de compter sur Facebook pour communiquer avec des gens qui sont importants pour vous. Votre habitude d’utiliser Facebook implique que d’autres personnes doivent utiliser Facebook.
C’est un cercle vicieux.
En fait, cela nuit à vos relations avec beaucoup de gens, parce que vous pensez que vous êtes en contact avec eux, mais vous ne l’êtes pas. Au mieux, vous êtes en contact avec une version filtrée de vos amis. Ces relations s’affaiblissent, alors que vos relations avec des personnes qui publient du contenu qui plaît à Facebook prennent leur place.
Non seulement Facebook veut lire toutes vos communications, mais il veut aussi les contrôler.
Vous balancez vos amis
Même si vous pensez que tout ça ne vous pose pas trop de problèmes, en utilisant Facebook, vous forcez vos amis et votre famille à accepter la même chose. Même ceux qui ne sont pas sur Facebook, ou qui vont jusqu’à utiliser des faux noms.
Si vous avez déjà utilisé la synchronisation des contacts Facebook, ou si vous avez déjà utilisé Facebook sur votre téléphone, alors Facebook a récupéré la totalité de votre liste de contacts. Les noms, les numéros de téléphone, les adresses, les adresses électroniques, tout. Puis ils utilisent tout ça pour créer des « profils fantômes » des gens que vous connaissez et qui ne sont pas sur Facebook. Les internautes qui n’utilisent pas Facebook s’en aperçoivent souvent en recevant des e-mails qui contiennent leurs informations personnelles de la part de Facebook. Les internautes qui utilisent Facebook s’en aperçoivent aussi quand ils publient une photo d’un ami qui n’est pas sur Facebook, et qu’elle se retrouve automatiquement taguée. Mon ami n’est pas sur Facebook, mais comme d’autres amis et moi avons utilisé Facebook sur nos téléphones, Facebook connaît son nom et ses informations de contact, et sait aussi qui sont ses amis, puisqu’il peut le voir dans leur liste de contacts et leur journal d’appel. Il suffit de publier quelques photos avec son visage (ils peuvent l’identifier sur des photos), et voilà, ils peuvent ajouter les données de géolocalisation tirées des photos à son profil fantôme. Beaucoup d’autres techniques de Facebook fonctionnent aussi avec les profils fantômes. Et par-dessus le marché, ils peuvent déduire beaucoup de choses sur lui très précisément en s’appuyant sur des similitudes statistiques avec ses amis.
Donc en gros, on a tous balancé accidentellement nos amis qui voulaient préserver leur vie privée. Facebook nous a piégés.
Mais les pièges de Facebook vont encore plus loin.
La « vie privée » ne s’applique pas à ce que Facebook déterre
Tout comme les profils fantômes des gens, Facebook peut « deviner un like » en fonction d’autres informations qu’il possède sur vous, comme ce que vous lisez sur Internet ou ce que vous faites dans les applications quand vous vous y authentifiez avec Facebook ou ce qu’il y a sur votre facture de carte bleue (j’en parlerai davantage plus loin). Appelez cela un « like fantôme ». Cela leur permet de vous vendre à plus d’annonceurs.
Il y a déjà une vaste documentation sur la collecte de ces informations par Facebook. La technique du « like fantôme » est simplement une utilisation standard des techniques statistiques en marketing de base de données. Si vous lisez beaucoup sur ce sujet, vous l’aimez probablement. Ce genre de chose. Ces techniques sont utilisées en marketing depuis les années 80 et vous pouvez embaucher des étudiants en statistiques pour le faire, même si bien sûr, Facebook embauche les meilleurs du domaine et cherchent à faire avancer l’état de l’art en intelligence artificielle pour cela. En Europe, Facebook est légalement obligé de partager toutes les informations qu’il a sur vous, mais il refuse. Donc il y a encore une autre action en justice contre eux.
Les permissions
Au travers de son labyrinthe de redéfinitions des mots comme « information », « contenu » et « données », vous permettez à Facebook de collecter toutes sortes d’informations sur vous et de les donner à des annonceurs. Avec votre permission seulement, disent-ils, mais la définition de « permission » contient l’utilisation d’une application ou qui sait quoi d’autre.
Et vous pensiez que ces requêtes Farmville étaient embêtantes. À chaque fois que vous en voyez une, cet ami révèle vos informations à des « tiers ».
Vous voyez comment ça marche ? Vous dites à Facebook que c’est « uniquement pour vos amis », mais vos amis peuvent le révéler à un « tiers ». Et la plupart des applications qu’ils utilisent sont des « tiers ».
Donc en fait, tout ce que vous marquiez en « amis seulement » n’a pas grande importance. En étant sur Facebook, il y a bien plus d’informations à votre propos qui sont collectées, combinées, partagées et utilisées.
Ils disent qu’ils « anonymisent » ça, mais en réalité il n’y a qu’une étape pour le dés-anonymiser. Beaucoup de données anonymes, comme ce que vous postez et quand, vos photos, votre localisation à tel moment est suffisant pour un grand nombre d’entreprises qui relient ces données anonymes à vous – et les revendent (c’est pour cela que ça n’a pas d’importance que vous utilisiez un faux nom sur Facebook, vos données sont comme une empreinte digitale et permettront de vous associer à votre vrai nom).
En plus, ils permettent à toutes les applications Facebook d’avoir un accès complet à vos informations – avec votre nom et tout. Et même si vous n’utilisez jamais d’application sur Facebook, vos amis le font. Lorsqu’ils utilisent ces applications, ces amis partagent toutes vos informations pour vous. Il y a toute une industrie derrière.
Certaines choses ont bien un bouton « off », mais rappelez-vous que c’est temporaire, et comme Facebook l’a fait dans le passé, ils les réactiveront sans vous en avertir. Lorsque Facebook a démarré (et sans doute quand vous vous êtes inscrit) c’était clairement un endroit sûr pour partager avec vos amis. C’était leur grande promesse. Avec le temps, ils ont passé les paramètres de confidentialité à « public par défaut ». De cette façon, si vous vouliez toujours garder Facebook mais seulement pour vos amis, vous deviez trouver manuellement plus d’une centaine de paramètres sur d’innombrables pages cachées. Ensuite, ils ont abandonné ces paramètres pour forcer les informations à être publiques de toute façon.
Pourquoi est-ce que vous vous frappez tout seul ? 🙂
Vente de vos recommandations sans votre accord
Vous avez sûrement déjà remarqué des publicités Facebook avec une recommandation de vos amis en dessous. En gros, Facebook donne aux annonceurs le droit d’utiliser vos recommandations, mais vous n’avez aucun contrôle dessus. Cela ne concerne pas simplement quand vous cliquez sur un bouton « J’aime ». Il y a des cas connus de végétariens qui recommandent McDonald’s, d’une femme mariée heureuse qui recommande des sites de rencontres, et même un jeune garçon qui recommande un sex club à sa propre mère !
Ces cas étaient si embarrassants que les personnes concernées s’en sont rendu compte. Les gens les ont appelées. Mais dans la plupart des cas, ces « recommandations » ne sont pas découvertes – les gens pensent qu’elles sont vraies. C’est encore plus effrayant, car Facebook est largement utilisé pour la promotion politique, et la recommandation de produits. Les gens savent que j’ai déjà collecté des fonds pour le soutien d’enfants malades du cancer, donc cela ne les étonnera peut-être pas de voir une publicité où je recommande un programme chrétien d’aide aux enfants pauvres en Afrique. Mais je ne soutiens absolument pas les programmes qui ont une tendance religieuse, car ils sont connus pour favoriser les gens qui se convertissent. Pire, des gens pourraient s’imaginer des choses fausses sur mes convictions religieuses à partir de ces fausses recommandations. Et je passe sur tous les trucs à la mode sur les startups que je ne cautionne pas !
Ils profitent de la confiance que vos proches ont en vous
Nous n’avons aucun moyen de savoir si notre cautionnement a été utilisé pour vendre des conneries ineptes en notre nom. Je n’ai pas envie d’imaginer ma mère gâcher son argent en achetant quelque chose qu’elle pensait que je cautionnais, ou les investisseurs financiers de ma startup voir des publicités pour des produits inutiles avec mon visage en dessous.
Utiliser Facebook signifie que ce genre de chose se produit à tout moment. Les publicitaires peuvent acheter votre cautionnement sur Facebook et vos informations à des revendeurs de données extérieurs. Vous n’êtes jamais mis au courant de ça et vous ne pouvez pas le désactiver.
Les derniers changements en matière de vie privée
Finalement, je veux expliquer comment ce dernier changement dans nos vies privées engendre des choses encore pires, et la manière dont vous continuerez à en perdre le contrôle si vous restez sur Facebook.
L’usage de Facebook exige de vous suivre à la trace, de connaître ce que vous achetez, vos informations financières comme les comptes bancaires et les numéros de carte de crédit. Vous avez donné votre accord dans les nouvelles « conditions de service ». Ils ont déjà commencé à partager des données avec Mastercard. Ils utiliseront le fait que vous êtes restés sur Facebook comme « la permission » d’échanger avec toutes sortes de banques et institutions financières afin d’obtenir vos données d’eux. Ils diront que c’est anonyme, mais comme ils dupent vos amis pour qu’ils dévoilent vos données aux tiers avec des applications, ils créeront des échappatoires ici aussi.
Facebook insiste aussi pour suivre à la trace votre emplacement via le GPS de votre téléphone, partout et tout le temps. Il saura exactement avec qui vous passez votre temps. Il connaîtra vos habitudes, il saura quand vous appelez au travail pour vous déclarer malade, alors que vous êtes au bowling. « Machin a aimé : « bowling à Secret Lanes a 14h. » ». Ils sauront si vous faites partie d’un groupe d’entraide de toxicomanes, ou allez chez un psychiatre, ou un médium, ou votre maîtresse. Ils sauront combien de fois vous êtes allé chez le médecin ou à l’hôpital et peuvent le partager avec d’éventuels assureurs ou employeurs. Ils sauront quand vous serez secrètement à la recherche d’un travail, et vendront votre intérêt pour des sites de recherche de travail à vos amis et collègues – vous serez dévoilé.
Ils sauront tout ce qui peut être révélé par votre emplacement et ils l’utiliseront pour faire de l’argent.
Et – tout sera fait rétrospectivement. Si vous restez sur Facebook après le 30 janvier, il n’y a rien qui empêchera tout vos emplacements et vos données financières passés d’être utilisées. Ils obtiendront vos localisations passées avec vos amis vérifiés – donc avec vous, et les données GPS stockées dans les photos ou vous êtes identifiés ensemble. Ils extrairont vos vieux relevés financiers – ce médicament embarrassant que vous avez acheté avec votre carte de crédit il y a 5 ans sera ajouté à votre profil pour être utilisé selon les choix de Facebook. Il sera vendu à maintes reprises et probablement utilisé contre vous. Il sera partagé avec des gouvernements et sera librement disponible pour des tas d’entreprises « tierces » qui ne vendent rien que de données personnelles et éliminent irréversiblement votre vie privée.
Désormais c’est irréversible.
Les données relatives à votre géolocalisation et vos moyens financiers ne sont pas seulement sensibles, elles permettent à des entreprises tierces (extérieures à Facebook) de dés-anonymiser des informations vous concernant. Cela permet de récolter toutes sortes d’informations disponibles sur vous, y compris des informations recoupées que vous n’avez pas spécifiées. C’est un fait que même Facebook lui-même ne parvient pas à maintenir totalement le caractère privé des données – on ne peut pas dire que ça les préoccupe, d’ailleurs.
C’est sans précédent, et de même que vous n’avez jamais pensé que Facebook puisse revendre vos libertés lorsque vous vous êtes inscrits en 2009, il est trop difficile de prédire quels revenus Facebook et les vendeurs de données tiers vont tirer de cette nouvelle énergie dormante.
C’est simplement une conséquence de leurs nouveaux modèles économiques. Facebook vous vend au plus offrant, parce que c’est comme cela qu’ils font leur beurre. Et ils subissent des pressions monstrueuses de leurs investisseurs pour en faire plus.
Qu’est-ce que vous pouvez faire de plus à ce sujet ? Facebook vous offre deux possibilités : accepter tout cela ou sauter du bus Facebook.
Pour être honnête, ce bus est de plus en plus fou et pue un peu, n’est-ce pas ? Il y a de plus en plus de problèmes qui prennent des proportions sidérantes. Entre vous et moi, je doute que les choses s’orientent vers quelque chose de rationnel un jour…
Comment se tirer de ce pétrin
D’après la décision de justice rendue il y a quelques années par le FTC (Federal Trade Commission, NdT), après que Facebook a été poursuivi par le gouvernement des États-Unis pour ses pratiques en matière de vie privée, Facebook est « tenu d’empêcher que quiconque puisse accéder aux informations d’un utilisateur plus de 30 jours après que cet utilisateur a supprimé son compte ».
On peut l’interpréter de différentes façons. Certains disent qu’il faut supprimer chacune de vos publications, une par une ; d’autres disent qu’il faut supprimer votre compte, et d’autres disent qu’ils garderont vos données quand même – tout ce que vous pouvez faire, c’est arrêter de leur donner plus d’informations. Et puis, il y a les courtiers en données qui travaillent avec Facebook, qui ont déjà récupéré vos informations.
Donc supprimer votre compte Facebook (pas simplement le désactiver) est nécessaire pour arrêter tout ça, puis il y a quelques autres étapes à suivre pour tenter de réparer les dégâts :
Récupérez vos photos. J’ai utilisé cette application Android puisque l’outil Facebook ne vous permet pas de récupérer toutes vos photos, ni dans leur résolution maximale (j’ai aussi téléchargé la page avec ma liste d’amis, simplement en faisant défiler la page jusqu’en bas pour charger tout le monde, puis en cliquant sur Fichier -> Enregistrer. Honnêtement, je n’ai pas eu besoin du fichier jusqu’à présent. Il s’avère que je n’ai pas besoin d’un ordinateur pour savoir qui sont mes amis).
Ensuite, il y a toutes les applications que vous avez utilisées. C’est l’une des plus grosses failles de Facebook, car cela leur permet de dire qu’ils ne peuvent pas contrôler ce que les applications font avec vos données une fois que vous les leur avez données. Du coup, j’ai sauvegardé sur mon disque dur la page de paramètres qui montre quelles applications j’ai utilisées, et j’ai désactivé l’accès de chacune d’elles manuellement. Chacune de ces applications a sa propre politique de confidentialité – la plupart sont une cause perdue et prétendent avoir des droits illimités sur mes informations, donc je les coupe simplement et je passe à autre chose.
Facebook pourra toujours vous pister avec un « compte fantôme », mais cela peut-être bloqué.
Pour empêcher Facebook (et consort) de surveiller ce que je lis sur internet (ils le font même si vous n’avez pas de compte), j’utilise Firefox avec l’option « Ne pas me pister » activée.
Si vous n’utilisez pas Firefox, EFF a un plugin pour votre navigateur appelé Privacy Badger (et pendant que l’on y est, l’EEF a fait en sorte que ce plugin génial choisisse automatiquement le serveur qui dispose de la connexion la plus sécurisée, cela rend plus difficile d’intercepter votre activité numérique pour l’industrie de l’information).
Mise à jour 2017 : au début, je pensais essayer des alternatives à Facebook. Je ressentais un besoin de remplacer Facebook par quelque chose de similaire comme Diaspora, mais l’e-mail et le téléphone se sont révélés bien meilleurs ! Après un mois sans Facebook, je n’ai plus ressenti le besoin de le remplacer. Les coups de téléphone ont suffi, figurez-vous. Tout le monde en a déjà un, et on oublie combien ils sont super faciles et pratiques à utiliser. Je vois moins de photos, mais je parle à des gens pour de vrai. Plus récemment, nous sommes tous allés sur un grand salon de messagerie instantanée. Je recommande actuellement Signal pour faire ça. Vous pouvez faire des appels, chatter et partager des photos de façon chiffrée, et très peu de choses sont stockées sur leurs serveurs. En fait, c’est bien mieux que Facebook, puisque c’est plus instantané et personnel.
Si vous avez d’autres idées ou conseils, merci de me joindre. Je considère ceci comme une étape responsable pour éviter qu’on me prive de ma liberté, et celle de ma famille et mes amis, et que nos relations personnelles en pâtissent.
Gardez bien à l’esprit que ce n’est pas juste une question technique. En restant sur Facebook, vous leur donnez l’autorisation de collecter et d’utiliser des informations sur vous, même si vous n’utilisez pas Internet. Et en y restant, les données qu’ils collectent sur vous sont utilisées pour créer des modèles sur vos amis proches et votre famille, même ceux qui ont quitté Facebook.
Internet est libre et ouvert, mais ça ne veut pas dire que nous acceptons d’être espionnés
Pour finir, le monde est rempli de gens qui disent « ça n’arrivera jamais », et quand cela finit par arriver, cela se change en « on ne peut rien y faire ». Si, on peut. Internet a été décentralisé pendant 50 ans, et contient un tas de fonctionnalités faites pour nous aider à protéger nos vies privées. Nous avons notre mot à dire sur le monde dans lequel nous voulons vivre – si nous commençons par agir à notre niveau. Et en plus, nous pouvons aider tout le monde à comprendre, et faire en sorte que chacun puisse faire son propre choix éclairé.
Cet article a maintenant été lu par 1 000 000 personnes. C’est un signe fort que nous pouvons nous informer et nous éduquer nous-mêmes !
Merci de partager ceci avec les gens qui vous sont importants. Mais honnêtement, même si cet article est vraiment populaire, il est clair que beaucoup de gens pensent savoir ce qu’il contient. Partager un lien n’est jamais aussi efficace que de parler aux gens.
Si vous avez lu jusqu’ici et que vous voulez partager avec un proche, je vous suggère de faire ce que j’ai fait – décrochez votre téléphone.
Une question pour vous
Cet article a été écrit en réaction à la politique de confidentialité de janvier 2015, il y a 2 ans. Ça a toujours été un article populaire, mais en janvier 2017, il a connu un pic de popularité. Je me demande bien pourquoi, et ça serait sympa si vous pouviez me dire ce que vous en pensez, par Twitter ou par e-mail.
Je me demande pourquoi mon article sur la vie privée sur Facebook (qui date de plusieurs années) subit une vague de popularité depuis la semaine dernière. Des idées ?
– Salim Virani (@SaintSal) 8 janvier 2017
Sources
Une petite note sur la qualité de ces sources : j’ai essayé de trouver des références dans des médias majeurs, avec tout un échantillon de biais politiques. Ces articles sont moins précis techniquement, mais on peut s’attendre à ce qu’ils soient plus rigoureux que les blogs pour vérifier leurs sources. Pour les aspects plus techniques, d’autres sources comme The Register sont certainement plus crédibles, et Techcrunch est notoirement peu fiable en matière de fact-checking. J’ai toutefois inclus certains de leurs articles, parce qu’ils sont doués pour expliquer les choses.
Articles en anglais
Facebook likes reveal sensitive personal information eff.org
Private traits and attributes are predictable from digital records of human behavior pnas.org table of top likes
New Facebook Policies Sell Your Face And Whatever It Infers forbes.com
Des routes et des ponts (16) – vers de meilleures stratégies
Aujourd’hui menu allégé (après les agapes), avec un bref chapitre de Des routes et des ponts par Nadia Eghbal, ouvrage dont tous les chapitres précédents sont là.
Il s’agit cette fois-ci de dresser la liste des principes qui devraient gouverner le soutien durable aux projets et infrastructures open source.
Traduction Framalang : Penguin, goofy, xi, Lumi, xXx, Mika
Élaborer des stratégies d’assistance efficaces
Même si les gens sont de plus en plus intéressés par les efforts pour soutenir les infrastructures numériques, les initiatives actuelles sont encore récentes, faites pour des cas particuliers ou fournissent seulement un support partiel (comme le partage d’avantages fiscaux par des organisations à but non lucratif avec des groupes extérieurs à celles-ci).
Le développement de stratégies de soutien efficaces demande une compréhension fine de la culture open source qui caractérise une très grande partie de notre infrastructure numérique, mais aussi de reconnaître que beaucoup de choses ont changé dans les cinq dernières années, y compris la définition même de l’open source.
L’argent seul ne suffira pas à répondre aux problèmes d’un projet d’infrastructure en difficulté, parce que l’open source s’épanouit grâce aux ressources humaines et non financières. Il existe beaucoup de façons d’accroître les ressources humaines, comme distribuer la charge de travail parmi davantage de contributeurs ou encourager les entreprises à faire publier en open source une partie du travail de leurs employés. Une stratégie de soutien efficace doit inclure plusieurs façons de générer du temps et des ressources au-delà du financement direct du développement. Elle doit partir du principe que l’approche open source n’est pas défectueuse en elle-même, mais manque simplement de ressources.
Soutenir les infrastructures nécessite d’intégrer le concept d’intendance en lieu et place du concept de contrôle. Comme nous l’avons vu, les infrastructures numériques ne ressemblent pas aux infrastructures physiques. Elles sont réparties entre de multiples acteurs et organisations, avec des projets de toute forme et de toute taille, et il est difficile de prédire quels projets deviendront un succès ou qui y contribuera sur le long terme.
Avec cela en tête, voici quelques clés pour élaborer une stratégie d’assistance efficace :
Adopter la décentralisation, plutôt que s’y opposer
Les ressources de l’open source sont destinées à être partagées, c’est en partie ce qui leur donne autant d’impact.
Utiliser la force que donne l’aspect communautaire comme un levier, plutôt que de recentraliser l’autorité.
Travailler étroitement avec les communautés informatiques existantes.
Les communautés informatiques sont actives, soudées et savent se faire entendre. Faites appel à elles plutôt que de prendre une décision en aparté. Les voix les plus sonores des communautés agissent comme un signal de danger quand un problème nécessite d’être soulevé.
Envisager une approche globale du soutien aux projets
Les projets ont besoin de bien plus que du code ou de l’argent, parfois même ils n’ont besoin ni de l’un ni de l’autre. Le soutien sur le long terme est davantage une question de temps accordé que d’argent. La revue de code, la documentation technique, les tests de code, la soutien de la communauté, et la promotion du projet constituent un ensemble de ressources importantes.
Aider les mainteneurs de projets à anticiper
Aujourd’hui, les efforts pour soutenir l’infrastructure numérique ont tendance a être uniquement de la réactivité liée aux circonstances ponctuelles. En plus des projets existants, il existe sûrement de nouveau projets qui ont besoin d’être lancés et accompagnés.
Pour les projets existants, les mainteneurs trouveront un grand avantage à pouvoir planifier en vue des trois à cinq ans à venir, et pas seulement pour six mois ou un an.
Voir les opportunités, pas seulement les risques
Soutenir l’open source de nos jours, cela ne consiste pas uniquement à éviter les scénarios catastrophes (par exemple les failles de sécurité), mais plutôt à donner les moyens à davantage de personnes de réaliser davantage de choses. Ce concept est une caractéristique essentielle de la culture open source actuelle, et permet aussi de mettre en place un soutien pérenne. Tenez compte dans votre stratégie de la façon dont vous pourriez accueillir davantage de personnes d’horizons, de compétences et de talents différents, plutôt que de limiter l’activité pour favoriser les personnes qui participent déjà.
David Heinemeier Hansson, le créateur de Ruby on Rails, compare l’open source à un récif de corail :
« C’est un milieu plus fragile que vous ne le pensez, et il est difficile de sous-estimer la beauté qui est involontairement en jeu. Marchez avec précaution. »
Des routes et des ponts (14) – synthèse sur les difficultés de financement
Au cours des deux derniers chapitres (si vous avez manqué des chapitres, c’est par ici) Nadia Eghbal nous a décrit les solutions existantes pour financer les projets open source et leurs contributeurs : mécénat, crowdfunding, utilisation payante d’un logiciel ou d’un service ; elle a également montré les difficultés et les limites de chaque mode de financement.
Dans ce bref chapitre, l’autrice poursuit sa recherche sur les financements en faisant un point synthétique sur les causes systémiques des difficultés de financement des projets open source.
Pourquoi ces projets sont-ils si difficiles à financer ?
Aujourd’hui, le travail sur les infrastructures numériques est effectué par des développeurs freelance ou ayant un « job alimentaire », leur temps libre est consacré aux projets open source mais le reste du temps ils font un travail rémunéré sans rapport avec ces projets. Même si c’est un moyen réaliste pour financer son quotidien, cela ne permet pas d’apprécier à sa juste valeur l’apport social de ces projets.
Étonnamment, bien que tout le monde soit d’accord pour reconnaître qu’il y a un problème (qu’on le qualifie de « burnout du bénévole », de mauvaise gestion de la communauté ou de manque de financement suffisant), la discussion ne dépasse pas le stade de maigres solutions à court-terme comme les « pourboires » ou le crowdfunding.
Discutez avec des développeurs qui ont trouvé un moyen de gagner leur vie, et vous entendrez le mot « chanceux » à tout bout de champ : chanceux d’avoir été embauché par une entreprise, chanceux d’avoir eu de la notoriété et des dons, chanceux d’être tombé sur un modèle économique viable, chanceux de ne pas avoir une famille ou un prêt dont s’inquiéter. Tout le monde peut être chanceux. Mais la chance dure quelques mois, peut-être un an ou deux, et puis elle s’épuise.
Pourquoi est-il si difficile de financer les infrastructures numériques ?
Fondamentalement, l’infrastructure numérique a un problème de passagers clandestins. Les ressources sont disponibles gratuitement, et tout le monde les utilise (qu’il s’agisse de développeurs individuels ou de grandes entreprises de logiciels), mais personne n’est encouragé à contribuer en retour, chacun s’imaginant qu’un autre finira par le faire. S’il est laissé à l’abandon, ce problème mènera à une tragédie des communs.
En plus de l’enjeu macroéconomique des communs, il y a plusieurs raisons pour lesquelles le financement des infrastructures numériques est particulièrement compliqué. Ces raisons ont déjà été abordées au cours de cette étude, mais sont toutes résumées ici.
On croit à tort qu’il s’agit d’un « problème résolu ».
Même parmi les acteurs du secteur comme les entreprises de logiciels, la croyance est très répandue que l’open source est déjà correctement financée, ce qui rend d’autant plus difficile la levée de fonds. Certains projets d’infrastructure fonctionnent durablement, soit parce qu’ils disposent d’un modèle économique viable ou de mécènes, soit parce que les coûts de maintenance sont limités. Un public novice pourra également faire le lien entre l’open source et des entreprises telles que Red Hat ou Docker et penser que le problème a été résolu. Mais il faut garder à l’esprit que ces cas sont l’exception et non la règle.
Il manque une prise de conscience et une compréhension culturelle de ce problème.
En dehors de la communauté open source, tout le monde, ou presque, ignore les problèmes de financement de ces projets d’infrastructure, et le sujet est perçu comme plutôt aride et technique. Les développeurs qui ont besoin de soutien ont tendance à se concentrer principalement sur la technique et sont mal à l’aise lorsqu’il s’agit de défendre l’aspect financier de leur travail. Au bout du compte, on ne parvient pas à trouver l’élan qui pourrait modifier cette situation en panne.
Les infrastructures numériques sont enracinées dans l’open source, dont la culture du bénévolat n’encourage pas à parler d’argent.
Même si cette attitude a fait de l’open source ce qu’elle est aujourd’hui, elle crée également un tabou qui rend difficile pour les développeurs l’évocation de leurs besoins, car ils se sentent coupables ou ont peur de passer pour des personnes qui n’auraient pas l’esprit d’équipe. La nature hautement décentralisée et démocratique de l’Open source rend également difficile la coordination et le financement d’acteurs institutionnels qui pourraient défendre leurs intérêts.
Les infrastructures numériques sont hautement décentralisées, contrairement aux infrastructures physiques.
Contrairement à un projet de construction de pont, il n’est pas toujours évident de savoir quels projets seront utiles avant qu’ils n’aient déjà décollé. Ils ne peuvent pas être planifiés à l’avance par un organisme centralisé. Et à l’autre bout du cycle de vie, certains projets sont destinés à tomber en désuétude à mesure que d’autres solutions, meilleures, prendront leur place. L’infrastructure numérique est constituée de centaines de projets, grands ou petits, réalisés par des individus, des groupes ou des entreprises ; en faire l’inventaire serait un travail de titan.
« Il est difficile de trouver des financements… pour le développeur moyen (comme moi), certains sont totalement hors de portée. [Kickstarter] ne marche que si tu deviens viral, ou si tu embauches quelqu’un pour faire tout ce qui est marketing/design/promotion… Transformer un projet en entreprise c’est génial aussi mais… ce sont des choses qui t’éloignent du développement (qui est la partie qui m’intéresse). Si je voulais obtenir une subvention, je ne saurais même pas par où commencer. »
– Kyle Kemp, développeur freelance et contributeur open source.
Des routes et des ponts (12) – en quête de modèle économique
Dans notre projet de traduction de l’ouvrage de Nadia Eghbal Roads and Bridges (tous les épisodes déjà traduits), nous abordons aujourd’hui une section importante consacrée aux modes de financement de ce qu’elle appelle l’infrastructure numérique et qui est comme l’épine dorsale de du monde informatique.
Elle donne ici un aperçu avec quelques exemples significatifs des trois principales voies explorées avec des succès variables par les développeurs et les entreprises : l’incitation par des récompenses, la monétisation par des services et le recours à des licences open source hybrides, en partie payantes…
Des modèles économiques pour les infrastructures numériques
Certains aspects des infrastructures numériques peuvent fonctionner dans un contexte concurrentiel. Les bases de données et les services d’hébergement, par exemple, sont souvent des affaires profitables, bien financées, parce qu’elles peuvent faire payer l’accès. Tout comme l’accès à l’eau ou à l’électricité, l’accès à un serveur ou à une base de données peut être mesuré, facturé, et fermé si les honoraires ne sont pas réglés.
Heroku (mentionné au début de ce rapport) et Amazon Web Services sont deux exemples notables de plateformes qui vendent des services d’infrastructure numérique à des développeurs logiciels contre une redevance (à noter qu’aucun des deux n’est un projet open source). Des projets open source similaires, à ce niveau d’infrastructure, tels que OpenStack (une plate-forme concurrente d’Amazon Web Services) ou MySQL (une base de données), ont trouvé leurs assises dans des entreprises. OpenStack est financé par un consortium d’entreprises, et MySQL a été racheté par Oracle.
Une partie de ce qui rend ces services financièrement attractifs, c’est l’absence de « bruit ». Pour un seul logiciel, un développeur utilise parfois 20 bibliothèques différentes, avec chacune des fonctions différentes, mais il n’a besoin que d’une seule base de données. En conséquence, les projets à succès ont plus de chances d’obtenir l’attention et le soin dont ils ont besoin.
Il existe une autre façon utile de cerner les infrastructures que l’on peut facturer : s’il y a un risque immédiat de défaillance, alors il y a probablement un modèle économique. En d’autres termes, un serveur peut subir des interruptions de service inattendues, tout comme l’électricité peut sauter à l’improviste, mais un langage de programmation ne « casse » ni n’a des périodes d’indisponibilités de cette même façon, parce qu’il s’agit d’un système d’information.
Pour ce genre de projets open source, le modèle économique a tendance à se focaliser sur la recherche de services ou d’assistance facturables. Cela fonctionne pour les projets qui bénéficient d’un usage significatif par les entreprises, en particulier quand il s’agit d’un problème techniquement complexe, ou lorsqu’une entreprise a besoin qu’une fonction soit développée.
Récompenses
À petite échelle, des gens ou des entreprises promettent parfois des « récompenses » d’ordre pécuniaire pour l’atteinte de certains objectifs de développement.
Par exemple, IBM demande régulièrement de nouvelles fonctionnalités pour divers projets par le biais d’un site web appelé Bountysource, offrant jusqu’à 5 000 $ par tâche. Bountysource est une plateforme populaire pour trouver et proposer des récompenses ; elle compte plus de 26 000 membres. 120 récompenses aident à régler les problèmes précédemment mentionnés liés aux simples dons à un projet. Comme les récompenses sont clairement liées à un résultat, l’argent va être utilisé. En revanche, les récompenses peuvent avoir des effets pervers pour l’incitation à contribuer à un projet.
Les récompenses peuvent dicter quel travail sera ou ne sera pas effectué, et parfois ce travail n’est pas en phase avec les priorités d’un projet. Il peut aussi introduire du bruit dans le système : par exemple, une entreprise peut offrir une forte récompense pour une fonctionnalité que les propriétaires du projet ne considèrent pas comme importante.
Du côté des contributeurs, des personnes extérieures sans connaissances sur un projet peuvent y participer seulement pour obtenir la récompense, puis le quitter. Ou bien elles peuvent bâcler le travail requis, parce qu’elles essaient d’obtenir des récompenses. Enfin, les récompenses peuvent être une façon appropriée de financer de nouvelles fonctionnalités ou des problèmes importants, mais sont moins pratiques lorsqu’il s’agit de financer des opérations continues, comme le service client ou la maintenance.
Jeff Atwood, le créateur de Stack Overflow, a remarqué les problèmes suivants avec les programmes de récompenses, en particulier en ce qui concerne la sécurité :
L’un des effets pervers de cette tendance à attribuer des récompenses pour les rapports de bugs est que cela n’attire pas seulement de véritables programmeurs intéressés par la sécurité, mais aussi tous les gens intéressés par l’argent facile. Nous avons reçu trop de rapports de bugs de sécurité « sérieux » qui n’avaient qu’une importance très faible. Et nous devons les traiter, parce qu’ils sont « sérieux », n’est-ce pas ? Malheureusement, beaucoup d’entre eux ne représentent qu’un gaspillage de temps… Ce genre d’incitation me semble mauvais. Même si je sais que la sécurité est extrêmement importante, je vois ces interactions avec de plus en plus d’inquiétude parce qu’elles me créent beaucoup de travail et que le retour sur investissement est très faible.
Services
À une plus vaste échelle, un des exemples bien connus et les plus souvent cités de modèle économique open source, c’est Red Hat, l’entreprise dont nous avons déjà parlé, qui propose une assistance, des sessions de formation et autres services à des entreprises qui utilisent Linux. Red Hat a été fondée en 1993, il s’agit d’une entreprise cotée en bourse avec un chiffre d’affaires déclaré de 2 milliards de dollars par an.
Bien que Red Hat ait connu un succès fantastique d’un point de vue financier, nombreux sont ceux qui soulignent qu’il s’agit d’une anomalie qui n’aura pas de lendemains. Red Hat a bénéficié de l’avantage du premier arrivé dans son domaine technologique. Matt Asay, un journaliste spécialisé en open source, a remarqué que Red Hat utilise un ensemble unique de licences et brevets pour protéger ses parts de marché. Asay, qui auparavant était un fervent défenseur des entreprises open source, est maintenant persuadé que certaines licences propriétaires sont nécessaires pour faire sérieusement des affaires. Matthew Aslet du 451 Group, un organisme de recherche, a découvert lui aussi que la plupart des entreprises open source qui réussissent utilisent en fait un type ou un autre de licence commerciale.
Docker, déjà mentionné plus haut, est un projet open source qui aide les applications à fonctionner efficacement. C’est l’exemple le plus récent d’entreprise qui s’inspire de ce modèle. Docker a levé 180 millions de dollars en capital-risque auprès d’investisseurs, avec une valorisation d’un milliard de dollars de la part d’investisseurs privés. Comme sa part de marché s’est accrue, Docker a commencé à proposer des services d’assistance au niveau des entreprises. Mais sans solides revenus, Docker pourrait n’être qu’un exemple de plus de capital-risque qui fait un investissement dans une entreprise d’infrastructure leader sur son marché, mais qui réalise des pertes.
À petite échelle, beaucoup de développeurs proposent des services de consultants pour pouvoir financer leur travail. Hoodie est un framework poids plume qui repose sur Node et qui a réussi dans les services de consultants.
Hoodie lui-même est un projet open source. Plusieurs mainteneurs gagnent leur vie grâce à la boutique de l’entreprise, Neighbourhoodie, qui propose des services de développement logiciel. Bien que Neighbourhoodie se spécialise dans le framework de Hoodie, ce dernier est encore un projet plutôt jeune, de sorte que certaines parties de son travail proviennent de pojets qui ne sont pas lié à Hoodie. Dans le cas de Hoodie, le modèle de services choisi est censé payer le salaire de plusieurs mainteneurs, plutôt que de viser une stratégie d’entreprise de l’échelle de Red Hat.
Le conseil est une option viable pour les développeurs indépendants, s’il y a suffisamment de gens qui utilisent le projet qui sont d’accord et ont assez d’argent pour payer de l’aide supplémentaire. Mais à petite échelle, cela peut aussi les empêcher d’améliorer le projet lui-même, puisque les deux personnes au plus qui le maintiennent passent désormais leur temps à développer leur affaire et à fournir des services qui peuvent ou non être en accord avec les besoins du projet en termes de maintenance.
Aspirer à une activité de consultant peut aussi entrer en contradiction avec l’objectif de rendre le produit facile à utiliser et à appréhender, ce qui est bien dans l’esprit de l’open source. Twisted, la bibliothèque Python déjà citée, a mentionné un témoignage plein d’humour de l’un de ses utilisateurs, une entreprise nommée Mailman : « Les gars, vous avez un gros problème, parce que c’était vraiment trop facile ! Comment vous comptez vous faire un paquet d’argent juste avec du conseil ? 🙂 »
En fin de compte, le « modèle économique » pour un projet open source n’est pas très différent du simple travail indépendant.
Licences payantes
Certains développeurs ont l’impression que mettre les projets sous licence serait une solution au moins partielle aux problèmes de financement de l’open source. Si les projets open source sont fortement utilisés, pourquoi ne pas les facturer ? Ces « licences payantes » ne sont techniquement pas des licences open source, selon la définition de l’open source Initiative. Il s’agit plutôt d’initiatives qui tentent d’apporter un équilibre entre le besoin très concret de travail rémunéré et le désir de rendre le code accessible au public. Ce type de code peut être appelé « à source visible » ou « à source disponible ». Fair Source, par exemple, se décrit lui-même comme « [offrant] certains des avantages de l’open source tout en préservant la possibilité de faire payer pour le logiciel. »
La licence Fair Source fut créée en novembre 2015 par une entreprise appelée Sourcegraph pour répondre au besoin de licence payante. Les termes de la licence ont été rédigés par Heather Meeker, un juriste qui a également travaillé dans l’équipe principale de la Mozilla Public License v2.0. Avec la licence Fair Source, on peut librement consulter, télécharger, exécuter et modifier le code, jusqu’à un certain nombre d’utilisateurs par organisation. Une fois cette limite dépassée, l’organisation doit payer un forfait de licence, dont le montant est déterminé par l’éditeur. En d’autres termes, le code Fair Source est gratuit pour un usage personnel et pour les PME, mais fournit une base légale pour facturer les cas de plus gros usages commerciaux.
L’annonce par Sourcegraph de la création de la licence Fair Source, qu’ils utilisent maintenant eux-mêmes, a provoqué un débat animé sur la monétisation de l’open source. (Il est à noter qu’un mouvement similaire autour du « shareware », logiciel propriétaire gratuit, avait émergé avec un certain succès populaire dans les années 1980).
Mike Perham, l’un des mainteneurs de Sidekiq, un outil populaire pour le développement en Ruby, a aussi récemment suggéré aux contributeurs et contributrices open source d’utiliser une « licence duale » pour monétiser leur travail, faisant payer les entreprises l’accès à une licence MIT permissive plutôt qu’une licence AGPL plus restrictive qui impose l’attribution. Sa théorie est qu’en faisant d’AGPL la licence par défaut, « les entreprises vont payer pour l’éviter. »
Pour justifier cette idée, Perham a rappelé à son public :
« Souvenez-vous : logiciel open source ne signifie pas logiciel gratuit. Ce n’est pas parce que l’on peut consulter la source sur GitHub que tout le monde peut l’utiliser et en faire n’importe quoi. Il n’y a aucune raison pour laquelle vous ne pourriez pas donner l’accès à votre code mais aussi faire payer pour son utilisation. Tant que vous possédez le code, vous avez le droit d’y attribuer la licence que vous voulez. …[La] réalité, c’est que la plupart des petits projets open source dépendent d’une seule personne qui fait 95 % du travail. Si c’est votre cas, soyez reconnaissants envers les gens qui vous aident gratuitement mais ne vous sentez pas coupable de garder 100 % du revenu. »
Faire payer les entreprises offre une autre possibilité aux développeurs et développeuses qui souhaitent poursuivre leur travail, en particulier s’il n’y a qu’une ou deux personnes pour maintenir un projet actif. Cependant, tous les projets ne peuvent pas faire payer pour le travail fourni, en particulier les projets plus vieux, ou les projets d’infrastructure qui ressemblent plus à des biens publics qu’à des produits de consommation, comme les langages de programmation.
Même si les licences payantes peuvent fonctionner pour certains scénarios, ce modèle est aussi pour beaucoup en opposition avec l’énorme valeur sociale offerte par l’open source, qui suggère que lorsque le logiciel est libre, l’innovation suit.
L’objectif ne devrait pas être le retour à une société qui repose sur les logiciels fermés, où le progrès et la créativité sont limités, mais de soutenir de façon durable un écosystème public dans lequel le logiciel peut être créé et distribué librement.
Pourquoi Framasoft n’ira plus prendre le thé au ministère de l’Éducation Nationale
Cet article vise à clarifier la position de Framasoft, sollicitée à plusieurs reprises par le Ministère de l’Éducation Nationale ces derniers mois. Malgré notre indignation, il ne s’agit pas de claquer la porte, mais au contraire d’en ouvrir d’autres vers des acteurs qui nous semblent plus sincères dans leur choix du libre et ne souhaitent pas se cacher derrière une « neutralité et égalité de traitement » complètement biaisée par l’entrisme de Google, Apple ou Microsoft au sein de l’institution.
Pour commencer
Une technologie n’est pas neutre, et encore moins celui ou celle qui fait des choix technologiques. Contrairement à l’affirmation de la Ministre de l’Éducation Mme Najat Vallaud-Belkacem, une institution publique ne peut pas être « neutre technologiquement », ou alors elle assume son incompétence technique (ce qui serait grave). En fait, la position de la ministre est un sophisme déjà bien ancien ; c’est celui du Gorgias de Platon qui explique que la rhétorique étant une technique, il n’y en a pas de bon ou de mauvais usage, elle ne serait qu’un moyen.
Or, lui oppose Socrate, aucune technique n’est neutre : le principe d’efficacité suppose déjà d’opérer des choix, y compris économiques, pour utiliser une technique plutôt qu’une autre ; la possession d’une technique est déjà en soi une position de pouvoir ; enfin, rappelons l’analyse qu’en faisait Jacques Ellul : la technique est un système autonome qui impose des usages à l’homme qui en retour en devient addict. Même s’il est consternant de rappeler de tels fondamentaux à ceux qui nous gouvernent, tout choix technologique suppose donc une forme d’aliénation. En matière de logiciels, censés servir de supports dans l’Éducation Nationale pour la diffusion et la production de connaissances pour les enfants, il est donc plus qu’évident que choisir un système plutôt qu’un autre relève d’une stratégie réfléchie et partisane.
Un système d’exploitation n’est pas semblable à un autre, il suffit pour cela de comparer les deux ou trois principaux OS du marché (privateur) et les milliers de distributions GNU/Linux, pour comprendre de quel côté s’affichent la créativité et l’innovation. Pour les logiciels en général, le constat est le même : choisir entre des logiciels libres et des logiciels privateurs implique une position claire qui devrait être expliquée. Or, au moins depuis 1997, l’entrisme de Microsoft dans les organes de l’Éducation Nationale a abouti à des partenariats et des accords-cadres qui finirent par imposer les produits de cette firme dans les moindres recoins, comme s’il était naturel d’utiliser des solutions privatrices pour conditionner les pratiques d’enseignement, les apprentissages et in fine tous les usages numériques. Et ne parlons pas des coûts que ces marchés publics engendrent, même si les solutions retenues le sont souvent, au moins pour commencer, à « prix cassé ».
Depuis quelque temps, au moins depuis le lancement de la première vague de son projet Degooglisons Internet, Framasoft a fait un choix stratégique important : se tourner vers l’éducation populaire, avec non seulement ses principes, mais aussi ses dynamiques propres, ses structures solidaires et les valeurs qu’elle partage. Nous ne pensions pas que ce choix pouvait nous éloigner, même conceptuellement, des structures de l’Éducation Nationale pour qui, comme chacun le sait, nous avons un attachement historique. Et pourtant si… Une rétrospective succincte sur les relations entre Microsoft et l’Éducation Nationale nous a non seulement donné le tournis mais a aussi occasionné un éclair de lucidité : si, malgré treize années d’(h)activisme, l’Éducation Nationale n’a pas bougé d’un iota sa préférence pour les solutions privatrices et a même radicalisé sa position récemment en signant un énième partenariat avec Microsoft, alors nous utiliserions une partie des dons, de notre énergie et du temps bénévole et salarié en pure perte dans l’espoir qu’il y ait enfin une position officielle et des actes concrets en faveur des logiciels libres. Finalement, nous en sommes à la fois indignés et confortés dans nos choix.
L’Éducation Nationale et Microsoft, une (trop) longue histoire
En France, les rapports qu’entretient le secteur de l’enseignement public avec Microsoft sont assez anciens. On peut remonter à la fin des années 1990 où eurent lieu les premiers atermoiements à l’heure des choix entre des solutions toutes faites, clés en main, vendues par la société Microsoft, et des solutions de logiciels libres, nécessitant certes des efforts de développement mais offrant à n’en pas douter, des possibilités créatrices et une autonomie du service public face aux monopoles économiques. Une succession de choix délétères nous conduisent aujourd’hui à dresser un tableau bien négatif.
Dans un article paru dans Le Monde du 01/10/1997, quelques mois après la réception médiatisée de Bill Gates par René Monory, alors président du Sénat, des chercheurs de l’Inria et une professeure au CNAM dénonçaient la mainmise de Microsoft sur les solutions logicielles retenues par l’Éducation Nationale au détriment des logiciels libres censés constituer autant d’alternatives fiables au profit de l’autonomie de l’État face aux monopoles américains. Les mots ne sont pas tendres :
(…) Microsoft n’est pas la seule solution, ni la meilleure, ni la moins chère. La communauté internationale des informaticiens développe depuis longtemps des logiciels, dits libres, qui sont gratuits, de grande qualité, à la disposition de tous, et certainement beaucoup mieux adaptés aux objectifs, aux besoins et aux ressources de l’école. Ces logiciels sont largement préférés par les chercheurs, qui les utilisent couramment dans les contextes les plus divers, et jusque dans la navette spatiale. (…) On peut d’ailleurs, de façon plus générale, s’étonner de ce que l’administration, et en particulier l’Éducation Nationale, préfère acheter (et imposer à ses partenaires) des logiciels américains, plutôt que d’utiliser des logiciels d’origine largement européenne, gratuits et de meilleure qualité, qui préserveraient notre indépendance technologique.
D’autres témoignages mettent en lumière des tensions entre logiciels libres et logiciels privateurs dans les décisions d’équipement et dans les intentions stratégiques de l’Éducation Nationale au tout début des années 2000. En revanche, en décembre 2003, l’accord-cadre1 Microsoft et le Ministère de l’Éducation Nationale change radicalement la donne et propose des solutions clés en main intégrant trois aspects :
tous les établissements de l’Éducation Nationale sont concernés, des écoles primaires à l’enseignement supérieur ;
le développement des solutions porte à la fois sur les systèmes d’exploitation et la bureautique, c’est-à-dire l’essentiel des usages ;
la vente des logiciels se fait avec plus de 50% de remise, c’est-à-dire avec des prix résolument tirés vers le bas.
Depuis lors, des avenants à cet accord-cadre sont régulièrement signés. Comme si cela ne suffisait pas, certaines institutions exercent leur autonomie et établissent de leur côté des partenariats « en surplus », comme l’Université Paris Descartes le 9 juillet 2009, ou encore les Villes, comme Mulhouse qui signe un partenariat Microsoft dans le cadre de « plans numériques pour l’école », même si le budget est assez faible comparé au marché du Ministère de l’Éducation.
Il serait faux de prétendre que la société civile ne s’est pas insurgée face à ces accords et à l’entrisme de la société Microsoft dans l’enseignement. On ne compte plus les communiqués de l’April (souvent conjoints avec d’autres associations du Libre) dénonçant ces pratiques. Bien que des efforts financiers (discutables) aient été faits en faveur des logiciels libres dans l’Éducation Nationale, il n’en demeure pas moins que les pratiques d’enseignement et l’environnement logiciel des enfants et des étudiants sont soumis à la microsoftisation des esprits, voire une Gafamisation car la firme Microsoft n’est pas la seule à signer des partenariats dans ce secteur. Le problème ? Il réside surtout dans le coût cognitif des outils logiciels qui, sous couvert d’apprentissage numérique, enferme les pratiques dans des modèles privateurs : « Les enfants qui ont grandi avec Microsoft, utiliseront Microsoft ».
On ne saurait achever ce tableau sans mentionner le plus récent partenariat Microsoft-EN signé en novembre 2015 et vécu comme une véritable trahison par, entre autres, beaucoup d’acteurs du libre. Il a en effet été signé juste après la grande consultation nationale pour le Projet de Loi Numérique porté par la ministre Axelle Lemaire. La consultation a fait ressortir un véritable plébiscite en faveur du logiciel libre dans les administrations publiques et des amendements ont été discutés dans ce sens, même si le Sénat a finalement enterré l’idée. Il n’en demeure pas moins que les défenseurs du logiciel libre ont cru déceler chez nombre d’élus une oreille attentive, surtout du point de vue de la souveraineté numérique de l’État. Pourtant, la ministre Najat Vallaud-Belkacem a finalement décidé de montrer à quel point l’Éducation Nationale ne saurait être réceptive à l’usage des logiciels libre en signant ce partenariat, qui constitue, selon l’analyse par l’April des termes de l’accord, une « mise sous tutelle de l’informatique à l’école » par Microsoft.
Entre libre-washing et méthodes douteuses
Pour être complète, l’analyse doit cependant rester honnête : il existe, dans les institutions de l’Éducation Nationale des projets de production de ressources libres. On peut citer par exemple le projet EOLE (Ensemble Ouvert Libre Évolutif), une distribution GNU/Linux basée sur Ubuntu, issue du Pôle de compétence logiciel libre, une équipe du Ministère de l’Éducation Nationale située au rectorat de l’académie de Dijon. On peut mentionner le projet Open Sankoré, un projet de développement de tableau interactif au départ destiné à la coopération auprès de la Délégation Interministérielle à l’Éducation Numérique en Afrique (DIENA), repris par la nouvelle Direction du numérique pour l’éducation (DNE) du Ministère de l’EN, créée en 2014. En ce qui concerne l’information et la formation des personnels, on peut souligner certaines initiatives locales comme le site Logiciels libres et enseignement de la DANE (Délégation Académique au Numérique Éducatif) de l’académie de Versailles. D’autres projets sont parfois maladroits comme la liste de « logiciels libres et gratuits » de l’académie de Strasbourg, qui mélange allègrement des logiciels libres et des logiciels privateurs… pourvus qu’ils soient gratuits.
Les initiatives comme celles que nous venons de recenser se comptent néanmoins sur les doigts des deux mains. En pratique, l’environnement des salles informatiques des lycées et collèges reste aux couleurs Microsoft et les tablettes (réputées inutiles) distribuées çà et là par villes et départements, sont en majorité produites par la firme à la pomme2. Les enseignants, eux, n’ayant que très rarement voix au chapitre, s’épuisent souvent à des initiatives en classe fréquemment isolées bien que créatives et efficaces. Au contraire, les inspecteurs de l’Éducation Nationale sont depuis longtemps amenés à faire la promotion des logiciels privateurs quand ils ne sont pas carrément convoqués chez Microsoft.
L’interprétation balance entre deux possibilités. Soit l’Éducation Nationale est composée exclusivement de personnels incohérents prêts à promouvoir le logiciel libre partout mais ne faisant qu’utiliser des suites Microsoft. Soit des projets libristes au sein de l’Éducation Nationale persistent à exister, composés de personnels volontaires et motivés, mais ne s’affichent que pour mieux mettre en tension les solutions libres et les solutions propriétaires. Dès lors, comme on peut s’attendre à ce que le seul projet EOLE ne puisse assurer toute une migration de tous les postes de l’EN à un système d’exploitation libre, il est logique de voir débouler Microsoft et autres sociétés affiliées présentant des solutions clés en main et économiques. Qu’a-t-on besoin désormais de conserver des développeurs dans la fonction publique puisque tout est pris en charge en externalisant les compétences et les connaissances ? Pour que cela ne se voie pas trop, on peut effectivement s’empresser de mettre en avant les quelques deniers concédés pour des solutions libres, parfois portées par des sociétés à qui on ne laisse finalement aucune chance, telle RyXéo qui proposait la suite Abulédu.
Finalement, on peut en effet se poser la question : le libre ne serait-il pas devenu un alibi, voire une caution bien mal payée et soutenue au plus juste, pour légitimer des solutions privatrices aux coûts exorbitants ? Les décideurs, DSI et autres experts, ne préfèrent-ils pas se reposer sur un contrat Microsoft plutôt que sur le management de développeurs et de projets créatifs ? Les solutions les plus chères sont surtout les plus faciles.
Plus faciles, mais aussi plus douteuses ! On pourra en effet se pencher à l’envi sur les relations discutables entre certains cadres de Microsoft France et leurs postes occupés aux plus hautes fonctions de l’État, comme le montrait le Canard Enchaîné du 30 décembre 2015. Framasoft se fait depuis longtemps l’écho des manœuvres de Microsoft sans que cela ne soulève la moindre indignation chez les décideurs successifs au Ministère3. On peut citer, pêle-mêle :
la stratégie sournoise d’introduction des produits à l’école, selon la technique « embrace and extend », ce qui flirte dangereusement avec les règlements en vigueur, à commencer par le droit des marchés publics (opposé régulièrement pour contrecarrer la préférence donnée au Libre dans les appels d’offres) ;
les frontières imprécises entre promotion marketing et innovation pédagogique, voilant à peine les intentions réelles de Microsoft…
Du temps et de l’énergie en pure perte
« Vous n’avez qu’à proposer », c’est en substance la réponse balourde par touittes interposés de Najat Vallaud-Belkacem aux libristes qui dénonçaient le récent accord-cadre signé entre Microsoft et le Ministère. Car effectivement, c’est bien la stratégie à l’œuvre : alors que le logiciel libre suppose non seulement une implication forte des décideurs publics pour en adopter les usages, son efficience repose également sur le partage et la contribution. Tant qu’on réfléchit en termes de pure consommation et de fournisseur de services, le logiciel libre n’a aucune chance. Il ne saurait être adopté par une administration qui n’est pas prête à développer elle-même (ou à faire développer) pour ses besoins des logiciels libres et pertinents, pas plus qu’à accompagner leur déploiement dans des milieux qui ne sont plus habitués qu’à des produits privateurs prêts à consommer.
Au lieu de cela, les décideurs s’efforcent d’oublier les contreparties du logiciel libre, caricaturent les désavantages organisationnels des solutions libres et légitiment la Microsoft-providence pour qui la seule contrepartie à l’usage de ses logiciels et leur « adaptation », c’est de l’argent… public. Les conséquences en termes de hausses de tarifs des mises à jour, de sécurité, de souveraineté numérique et de fiabilité, par contre, sont des sujets laissés vulgairement aux « informaticiens », réduits à un débat de spécialistes dont les décideurs ne font visiblement pas partie, à l’instar du Ministère de la défense lui aussi aux prises avec Microsoft.
Comme habituellement il manque tout de même une expertise d’ordre éthique, et pour peu que des compétences libristes soient nécessaires pour participer au libre-washing institutionnel, c’est vers les associations que certains membres de l’Éducation Nationale se tournent. Framasoft a bien souvent été démarchée soit au niveau local pour intervenir dans des écoles / collèges / lycées afin d’y sensibiliser au Libre, soit pour collaborer à des projets très pertinents, parfois même avec des possibilités de financement à la clé. Ceci depuis les débuts de l’association qui se présente elle-même comme issue du milieu éducatif.
Depuis plus de dix ans Framasoft intervient sur des projets concrets et montre par l’exemple que les libristes sont depuis longtemps à la fois forces de proposition et acteurs de terrain, et n’ont rien à prouver à ceux qui leur reprocheraient de se contenter de dénoncer sans agir. Depuis deux décennies des associations comme l’April ont impulsé des actions, pas seulement revendicatrices mais aussi des conseils argumentés, de même que l’AFUL (mentionnée plus haut). Las… le constat est sans appel : l’Éducation Nationale a non seulement continué à multiplier les relations contractuelles avec des firmes comme Microsoft, barrant la route aux solutions libres, mais elle a radicalisé sa position en novembre 2015 en un ultime pied de nez à ces impertinentes communautés libristes.
Nous ne serons pas revanchards, mais il faut tout de même souligner que lorsque des institutions publiques démarchent des associations composées de membres bénévoles, les tâches demandées sont littéralement considérées comme un dû, voire avec des obligations de rendement. Cette tendance à amalgamer la soi-disant gratuité du logiciel libre et la soi-disant gratuité du temps bénévole des libristes, qu’il s’agisse de développement ou d’organisation, est particulièrement détestable.
Discuter au lieu de faire
À quelles demandes avons-nous le plus souvent répondu ? Pour l’essentiel, il s’agit surtout de réunions, de demandes d’expertises dont les résultats apparaissent dans des rapports, de participation plus ou moins convaincante (quand il s’agit parfois de figurer comme caution) à des comités divers, des conférences… On peut discuter de la pertinence de certaines de ces sollicitations tant les temporalités de la réflexion et des discours n’ont jamais été en phase avec les usages et l’évolution des pratiques numériques.
Le discours de Framasoft a évolué en même temps que grandissait la déception face au décalage entre de timides engagements en faveur du logiciel libre et des faits attestant qu’à l’évidence le marché logiciel de l’Éducation Nationale était structuré au bénéfice des logiques privatrices. Nous en sommes venus à considérer que…
si, en treize ans de sensibilisation des enseignants et des décideurs, aucune décision publique n’a jamais assumé de préférence pour le logiciel libre ;
si, en treize ans, le discours institutionnel s’est même radicalisé en défaveur du Libre : en 2003, le libre n’est « pas souhaitable » ; en 2013 le libre et les formats ouverts pourraient causer des « difficultés juridiques » ; en 2016, le libre ne pourra jamais être prioritaire malgré le plébiscite populaire4…
…une association comme Framasoft ne peut raisonnablement continuer à utiliser l’argent de ses donateurs pour dépenser du temps bénévole et salarié dans des projets dont les objectifs ne correspondent pas aux siens, à savoir la promotion et la diffusion du Libre.
L’éducation populaire : pas de promesses, des actes
Framasoft s’est engagée depuis quelque temps déjà dans une stratégie d’éducation populaire. Elle repose sur les piliers suivants :
social : le mouvement du logiciel libre est un mouvement populaire où tout utilisateur est créateur (de code, de valeur, de connaissance…) ;
technique : par le logiciel libre et son développement communautaire, le peuple peut retrouver son autonomie numérique et retrouver savoirs et compétences qui lui permettront de s’émanciper ;
solidaire : le logiciel libre se partage, mais aussi les compétences, les connaissances et même les ressources. Le projet CHATONS démontre bien qu’il est possible de renouer avec des chaînes de confiance en mobilisant des structures au plus proche des utilisateurs, surtout si ces derniers manquent de compétences et/ou d’infrastructures.
Quelles que soient les positions institutionnelles, nous sommes persuadés qu’en collaborant avec de petites ou grandes structures de l’économie sociale et solidaire (ESS), avec le monde culturel en général, nous touchons bien plus d’individus. Cela sera également bien plus efficace qu’en participant à des projets avec le Ministère de l’Éducation Nationale, qui se révèlent n’avoir au final qu’une portée limitée. Par ailleurs, nous sommes aussi convaincus que c’est là le meilleur moyen de toucher une grande variété de publics, ceux-là mêmes qui s’indigneront des pratiques privatrices de l’Éducation Nationale.
Néanmoins, il est vraiment temps d’agir, car même le secteur de l’ESS commence à se faire « libre-washer » et noyauter par Microsoft : par exemple la SocialGoodWeek a pour partenaires MS et Facebook ; ou ADB Solidatech qui équipe des milliers d’ordinateurs pour associations avec des produits MS à prix cassés.
Ce positionnement du « faire, faire sans eux, faire malgré eux » nous a naturellement amenés à développer notre projet Degooglisons Internet. Mais au-delà, nous préférons effectivement entrer en relation directe avec des enseignants éclairés qui, plutôt que de perdre de l’énergie à convaincre la pyramide hiérarchique kafkaïenne, s’efforcent de créer des projets concrets dans leurs (minces) espaces de libertés. Et pour cela aussi le projet Degooglisons Internet fait mouche.
Nous continuerons d’entretenir des relations de proximité et peut-être même d’établir des projets communs avec les associations qui, déjà, font un travail formidable dans le secteur de l’Éducation Nationale, y compris avec ses institutions, telles AbulEdu, Sésamath et bien d’autres. Il s’agit là de relations naturelles, logiques et même souhaitables pour l’avancement du Libre. Fermons-nous définitivement la porte à l’Éducation Nationale ? Non… nous inversons simplement les rôles.
Pour autant, il est évident que nous imposons implicitement des conditions : les instances de l’Éducation Nationale doivent considérer que le logiciel libre n’est pas un produit mais que l’adopter, en plus de garantir une souveraineté numérique, implique d’en structurer les usages, de participer à son développement et de généraliser les compétences en logiciels libres. Dans un système déjà noyauté (y compris financièrement) par les produits Microsoft, la tâche sera rude, très rude, car le coût cognitif est déjà cher payé, dissimulé derrière le paravent brumeux du droit des marchés publics (même si en la matière des procédures négociées peuvent très bien être adaptées au logiciel libre). Ce n’est pas (plus) notre rôle de redresser la barre ou de cautionner malgré nous plus d’une décennie de mauvaises décisions pernicieuses.
Si l’Éducation Nationale décide finalement et officiellement de prendre le bon chemin, avec force décrets et positions de principe, alors, ni partisans ni vindicatifs, nous l’accueillerons volontiers à nos côtés car « la route est longue, mais la voie est libre… ».
Certes, on pourrait aussi ajouter que, bien qu’il soit le plus familier, Microsoft n’est pas le seul acteur dans la place: Google est membre fondateur de la « Grande École du Numérique » et Apple s’incruste aussi à l’école avec ses tablettes.↩
On pourra aussi noter le rôle joué par l’AFDEL et Syntec Numérique dans cette dernière décision, mais aussi, de manière générale, par les lobbies dans les couloirs de l’Assemblée et du Sénat. Ceci n’est pas un scoop.↩
Framadate : passage en v1, happy hour pour tout le monde !
Si Framasoft contribue régulièrement aux logiciels libres que nous utilisons, nous ne sommes pas pour autant une association de développeurs. En vérité, tous nos services reposent sur des logiciels développés par d’autres communautés.
Tous…? Non.
Framadate est l’irréductible exception qui confirme la règle. Ce service de sondages dates (et sondages classiques) « à la Doodle » a récemment évolué dans sa version 1, l’occasion de faire le tour des nouvelles fonctionnalités avec son équipe de développement.
Happy Hour : un Framadate plus clair et plus efficace !
L’équipe de dev de Framadate ne manque pas d’humour… Après avoir nommé Open Bar la version 0.9 (que vous utilisiez jusqu’à présent) ; ils ont choisi Happy Hour comme sobriquet de cette version 1. Au delà des paris sur le nom de la prochain mouture (After Party… ? Designated Driver… ?), ce qui nous intéresse vraiment, c’est de découvrir les nouveautés qui sont d’ores et déjà disponibles sur le service le plus utilisé chez Framasoft ! Et elles sont nombreuses…
Des fonctionnalités nouvelles :
Vous pouvez protéger vos sondages par mot de passe !
Vous pouvez choisir l’adresse web de votre sondage (du type https://framadate.org/NomDeVotreChoix)
Vous pouvez modifier un sondage après son expiration
Vous pouvez choisir des intervalles de dates (par exemple : du lundi 7 au lundi 28 novembre)
De nombreuses traductions disponibles (qui ont été améliorées) : Allemand, Anglais, Espagnol, Français, Hollandais, Italien… Mais aussi Breton et Occitan.
Celles qui tiennent compte de vos utilisations :
Désormais, envoyer un commentaire n’effacera plus les votes que vous aviez cliqués mais pas encore validés !
Le mode « Chaque sondé peut modifier son propre vote » a été amélioré
Affichage de la date et de l’heure pour les commentaires d’un sondage
La description d’un sondage tient compte des sauts de ligne
Une confirmation vous est demandée avant de supprimer une colonne (mais vous pouvez supprimer une colonne vide)
L’abstention (pas de vote) est prise en compte (et plus comptabilisée comme un « non »)
Celles qui simplifient l’utilisation :
L’écran de création de sondage a été simplifié (avec un menu « paramètres optionnels »)
La légende pour les votes (au dessus du tableau des votes) est désormais cachée derrière un bouton
Un clic suffit pour sélectionner le lien d’un sondage
Les noms des champs que vous avez à remplir ont été repensés
Le défilement de la page est plus fluide
Le format des dates et des heures a encore été amélioré
Celles qui simplifient la vie à ceux qui ont installé Framadate sur leur serveur :
Un joli fichier check.php pour vérifier la possibilité d’installation
Un travail sur le service de notifications
Les mails envoyés par Framadate sont compatibles avec les lecteurs d’emails qui n’aiment pas le HTML (envoi multipart)
D’ailleurs, le format des emails a été amélioré (utilisation de PHPMailer)
Nettoyage de code et Smartization
Allez, juste pour le plaisir voici l’écran de création d’un sondage quand on déroule les paramètres optionnels :
3 questions à l’équipe de développement
Partant du principe que « ce sont ceux qui le font qui en parlent le mieux », nous avons décidé de poser 3 questions à Olivier Perez et Antonin Murtin, qui ont pris le relais de JosephK (toujours présent, bien entendu) dans le maintien du développement de Framadate.
Question n°0001 : Bonjour ! L’équipe de développement a bien évolué depuis la reprise du projet… Vous pourriez la présenter au lectorat du Framablog ? Car on aimerait bien savoir comment cela se fait que des gens donnent de leur temps et de leur savoir faire pour améliorer ce projet… et où vous rejoindre pour aider ^^ !
Olivier :
Il y a aujourd’hui 3 personnes qui encadrent Framadate : JosephK, Antonin et Olivier. Notre rôle est d’organiser l’évolution du produit et d’assurer sa stabilité.
Avec Antonin nous sommes passionnés tous deux par le développement depuis pas mal d’années, et le fait que Framadate ait un code source ouvert dans un langage (PHP) très répandu nous a donné envie de le regarder.
Petit à petit, on se dit « le développeur aurait pu faire comme ça plutôt », « j’ai l’impression qu’il y a un bug en regardant ce bout de code » ou bien « j’aimerais bien, en tant qu’utilisateur pouvoir faire telle ou telle chose ». Et comme on sait modifier le code pour emmener le produit vers l’avant, on essaye. C’est aussi simple que ça, aucune peur, juste une envie d’essayer quelque chose.
Au début on a commencé en utilisateur de Framadate, puis cette envie nous a poussés à devenir contributeurs, puis à force d’avoir codé sur les différents modules on est devenu mainteneurs. Aujourd’hui, on lit les propositions des utilisateurs, on relit leurs contributions et on avance sur des sujets qui nous tiennent à cœur. On est vraiment LIBRES, c’est nous qui décidons si on veut bosser sur telle ou telle partie, c’est vraiment très sympa d’avoir autant de marge de manœuvre.
On le dit très souvent, sûrement parce que c’est vrai, mais pour contribuer à Framadate, il suffit d’être utilisateur. Si vous nous remontez des erreurs, ou des envies, c’est encore mieux.
Et si vous voulez coder, c’est surtout pour votre bonheur 😉
Question n°42 : C’est très excitant d’arriver à la v1 d’un logiciel, surtout quand il est aussi utilisé. Quelles sont les parties/fonctionnalités/particularités de ce projet dont vous êtes le plus fiers ?
Olivier :
Perso, il y a 2 parties que j’ai beaucoup aimé livrer :
dans l’administration de Framadate, la possibilité de rechercher des sondages. Ça aide énormément lorsqu’on est admin du service.
l’envoie de mes sondages par mail. C’est un besoin perso, j’en avais marre de perdre les liens vers mes sondages ^^
Antonin :
La gestion de mots de passe sur un sondage ou encore la page « check.php » pour simplifier l’installation étaient vraiment sympa à faire. Mais question fierté, le simple fait de contribuer à ce projet est déjà très chouette !
Question n°1337 : C’est quoi la suite pour Framadate…? Vous avez des défis qu’il vous tarde de conquérir (ou bien des gros morceaux qui vous collent un peu les miquettes :p ?) Et du coup, si on rêve d’améliorations pour Framadate, on vous les propose où ?
Olivier :
On n’est pas assez ouvert 🙂 on ne l’est jamais assez. Mon kiffe serait de proposer une API qui permettrait de faire exactement TOUT, de la création de sondages, du votes, des commentaires, mais aussi de l’administration du service.
J’y vois 2 grands intérêts, la possibilité d’intégrer Framadate à d’autres services, ou la création d’applications tierces qui proposent l’accès à Framadate sur des supports différents (Smartphones, télés, montres, t-shirts ?, etc.)
Plusieurs personnes ont demandé à avoir la possibilité de créer un sondage via leurs propres systèmes informatiques.
Par exemple, une association de Tennis veut organiser des rencontres, elle pourrait générer un sondage qui aiderait 2 opposants à choisir la date et/ou le lieu de la rencontre.
Un collègue m’a avoué utiliser une alternative à Framadate car il n’avait pas l’application smartphone pour organiser ses événements, j’aimerais lui offrir la possibilité de sortir des griffes crochues de l’autre service non pas en développant l’application pour Framadate mais en donnant la possibilité à d’autres de la faire.
Mais je pense qu’il y a surtout beaucoup d’améliorations à faire pour faciliter les contributions sur le projet, et ça commence par pas mal de documentation à mettre à jour. Donner plus de transparence et de possibilité de participation sur le pilotage du projet serait un plus !
On commence avec Olivier à réfléchir à un framework plus moderne pour se faciliter la vie sur les améliorations futures, car il y a quelques problématiques qui reviennent mais qu’on ne peut pas résoudre simplement. Mais ce n’est qu’au stade d’embryon de réflexion !
À vous de Dé-Doodliser votre entourage
C’est parfois difficile de se dégoogliser, d’abandonner le confort et les habitudes qu’on a prises dans les services des géants du web. Or, Framadate (en alternative à Doodle) est un des services les plus faciles à adopter : finalement, vous bénéficiez du libre sans trop (vous) y perdre… Et vos ami-e-s ayant une déficience visuelle y gagnent, puisque ce logiciel a été pensé pour être accessible, c’est-à-dire utilisable avec un lecteur d’écran et une navigation au clavier.
De fait, si vos proches ne savent pas comment se dégoogliser, vous pouvez leur proposer de commencer par se Dé-Doodliser 😉
Nous l’avions annoncé en février dernier sur le Framablog, nous travaillons depuis quelques mois à faire émerger le Collectif des Hébergeurs Alternatifs, Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires… bref : les CHATONS.
Le succès de la campagne Dégooglisons Internet a démontré, à l’ère post-Snowden, un intérêt réel du public pour des services web respectueux de vos données et basés sur du logiciel libre. Le problème, c’est que si les « Frama-bidules » deviennent la réponse par défaut à cette demande, alors nous créerons ce que nous combattons : une centralisation des utilisateurs, une concentration des données aussi dangereuse que douteuse.
Or, nous sommes loin d’être les premiers à proposer de telles solutions. Et de nombreuses associations, SCOP, initiatives, etc. sont prêtes à rejoindre un mouvement de décentralisation pour créer des services mutualisés dans un internet de la proximité et de la confiance. De là, il n’y avait qu’un pas à faire pour créer un collectif des hébergeurs proposant de remettre des valeurs et de l’humain dans vos mails, fichiers, partages et collaborations.
Concrètement, que sont les CHATONS ?
Le plus simple, c’est d’aller voir sur le site web chatons.org. Ce site, c’est avant tout une carte vous montrant où sont les hébergeurs de services les plus proches de chez vous, ce qu’ils proposent (du pad, du framadate, du mail etc.) et sous quelles conditions (adhésion, service payant, etc.).
CHATONS, c’est donc un collectif regroupant ces hébergeurs éthiques, libres et loyaux (que l’on nommera… « chatons » !).
l’utilisation de logiciels libres (et autant que possible la contribution ^^) ;
aucun profilage publicitaire (pas de pub autre que mécénat et sponsoring) ;
le respect de vos données (droit d’accès, interopérabilité, non-transmission à des tiers) ;
la transparence (sur la technique comme sur les finances) ;
la neutralité (aucune surveillance ni censure en amont) ;
le chiffrement (dès et tant que possible).
Au-delà de l’aspect utilisateur, le fait d’initier ce collectif permettra une solidarité entre ses membres pour échanger sur des aspects techniques, juridiques, d’éducation populaire… et ainsi de faciliter la création de nouveaux chatons près de chez vous !
Voyez chaque chaton comme une AMAP (Association pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne), sauf qu’au lieu d’un panier de légumes fourni par un agriculteur, il s’agit de services en ligne fournis par un hébergeur de proximité. Et comme avec une AMAP, vous pouvez rencontrer l’agriculteur/hébergeur, et même partager un verre avec lui 🙂
La première portée
La première portée compte 21 membres, dont 14 sont déjà actifs. Parmi ces derniers, vous trouverez notamment des chatons ouverts à tous et couvrant la France entière, comme La Mère Zaclys ou L’Autre.net. Mais aussi des chatons plus « locaux » comme Infini (Brest), Assodev-Marsnet (Marseille) ou G3L (Valence). Certains sont des associations, comme Alolise (Saint-Étienne), d’autres des entreprises, comme IndieHosters. Certains sont de taille conséquente, comme Framasoft (qui dépasse le million de visites par mois), et d’autres ne servent qu’un public bien plus restreint comme roflcopter.fr (Toulouse).
Et les 7 autres ? Ils sont tout simplement en gestation !
D’ailleurs, parmi ceux-là, Framasoft va accompagner trois d’entre eux :
Le mouvement Colibris, qui est un mouvement humaniste et écologiste, qui souhaite « sortir de Google ». Une sensibilisation des acteurs du mouvement Colibris permettra de toucher une population sensible aux questions du bien commun et du « faire ensemble ».
Le collectif « Bertel Numérique », situé sur la lointaine île de la Réunion (lointaine pour nous qui grelottons en métropole ^^), a ceci de particulier qu’il associe la volonté d’un grand réseau d’éducation populaire (les CÉMÉA) et les compétences d’une petite entreprise locale spécialisée dans le logiciel libre. La mission du collectif est bien évidemment de proposer de l’hébergement local (pourquoi faire parcourir 18 000 km à un email si c’est pour écrire à son voisin de bureau ?)
La Fédération Française des Motards en Colère est, avouons-le, un (futur) chaton atypique, puisque sa mission semble bien éloignée des questions informatiques ! En fait, la fédération a toujours eu très à cœur la protection de la vie privée de ses adhérent-e-s, mais doutait d’avoir les compétences en interne pour gérer un certain nombre de services. À nous de lui prouver que c’est possible !
Évidemment, tous les chatons en gestation pourront profiter de l’aide des membres du collectif, sur la base du bon vieux principe « Si tu ne sais pas, demande. Si tu sais, partage ». Framasoft prêtera juste une attention particulière à ces trois-là, vous tiendra informés par des billets de blog réguliers indiquant l’avancement de ces projets, sans masquer les inévitables difficultés rencontrées, afin que ces expériences croisées puissent servir à tou-te-s.
Par ailleurs, nous annoncerons régulièrement de nouvelles « portées » sur ce blog, afin que chacun puisse trouver chaton à son pied 🙂
Des « chapéros » pour fêter ça !
Pour fêter l’événement, plusieurs chatons ont souhaité organiser un (ch)apéro dans leur ville.
Vous pourrez donc retrouver des chatons à :
Paris : le mercredi 12 octobre 2016 de 19h00 à 22h30,
Lyon : le mercredi 12 octobre 2016 de 19h00 à 21h00,
Brest : le vendredi 14 octobre 2016 de 18h30 à 22h00,
Marseille : le vendredi 21 octobre 2016 de 18h30 à 22h00.
Comme tout cela est très spontané et mouvant, il est conseillé de se référer directement à l’agenda du libre, avec le tag chatons.
Les CHATONS version 1.0 !
Alors voilà, ce mercredi 12 octobre, nous annonçons donc la naissance des CHATONS. Bien entendu, le projet est encore jeune, et de nombreux CHATONS sont encore en cours de création : c’est un travail sur le long terme avant que d’arriver à avoir un maillage géographique complet ;).
Si vous êtes simple utilisatrice ou utilisateur de services, ne vous attendez donc pas à une révolution aujourd’hui : il s’agit juste de l’annonce officielle du collectif. Ce sont en quelque sorte les premiers mètres d’un marathon qui durera probablement plusieurs années. Ne soyez donc pas frustré-e-s de ne pas trouver LE chaton correspondant à vos besoins. Cela viendra !
Si nous avons appelé de nos vœux la création de ce collectif, Framasoftest et ne restera qu’un chaton parmi les autres : c’est le collectif (et lui seul) qui gérera son fonctionnement et son avenir.
Pour tout vous avouer, nous envisageons ce collectif comme un logiciel libre : c’est une proposition qui évoluera selon les décisions de sa communauté de contributeurs, une espèce de v.1 ouverte aux participations, contributions, échanges…
Ainsi, le collectif est géré comme un projet logiciel, en utilisant une liste de diffusion et une plateforme de développement logiciel, sur laquelle sont rédigés et « patchés » les documents fondateurs du collectif. C’est aussi grâce à cet outil que vous pouvez suivre l’évolution des propositions (ou en faire de nouvelles vous-mêmes). Et si vous n’êtes pas satisfait-e de son fonctionnement, vous pourrez tout simplement forker le projet, et monter votre propre collectif ou fédération avec vos règles, sans pour autant devoir repartir de zéro.
Différentes extensions sont d’ores et déjà prévues, comme la fabrication d’un Mooc pour apprendre à maîtriser les différents aspects de la création d’un chaton (enjeux, aspects juridiques, aspects techniques), et bien évidemment une internationalisation. Nos amis québécois de FACiL nous ont déjà rejoints, des chatons belges et suisses devraient apparaître sous peu sur la carte, et d’autres pays se sont montrés intéressés (Espagne, Italie, Pays-Bas, Allemagne, etc.). Mais ne mettons pas les matous avant les chatons : il nous faut déjà sortir de notre panière !
Si nous nous adressions à des informaticien-ne-s, nous pourrions dire qu’aujourd’hui est le premier commit du projet CHATONS, et qu’il comporte nécessairement des bugs, mais que – ensemble – nous le ferons évoluer dans le temps, de version en version, jusqu’à ce qu’il remplisse son objectif : permettre à celles et ceux qui le souhaitent de pouvoir quitter les services centralisateurs.
Car pour reprendre ce que nous disions il y a quelques mois, et qui reste toujours valable :
Face à ce mouvement de concentration, qui pourrait bien transformer Internet en Googleternet ou Facebookternet, nous ne voyons qu’une seule voie (si vous en avez d’autres à proposer, on prend !) : décentraliser Internet en faisant en sorte qu’il demeure tel qu’il a été conçu. Neutre. Ouvert. Interopérable. Libre.
Si nous voulons une économie qui soit aussi sociale et solidaire, il va nous falloir un internet qui soit aussi social et solidaire. Et cela passera entre autre par une diversité d’acteurs indépendants proposant des services web libres, éthiques et respectueux de vos données, décentralisés et solidaires.