AbulÉdu : début d’une renaissance ?

Si vous vous intéressez au libre pour l’école primaire, vous connaissez forcément AbulÉdu. Si ce n’est pas le cas, vous pouvez vous rafraîchir la mémoire avec les précédents articles parus ici même : le premier et le deuxième.
Deux grosses annonces sont tombées ces derniers jours dans l’écosystème AbulÉdu ; une mauvaise et une bonne qui, nous l’espérons, deviendra excellente. Pour nous expliquer tout cela, rencontrons les membres de l’association AbulEdu-fr

Commençons tout de suite par la mauvaise nouvelle, la société RyXeo, qui édite la solution libre AbulÉdu, est en liquidation judiciaire après 13 ans d’existence. Pour quelles raisons ?

RyXéo, la fin d'une histoire, mais l'aventure continue !
RyXéo, la fin d’une histoire, mais l’aventure continue !

Les grandes catastrophes sont souvent provoquées par une multitude de petits problèmes, c’est ce qui est arrivé à RyXéo :

  • un projet sans doute trop grand pour une petite équipe de 8 personnes sans ressource financière autre que ses clients et quelques petites subventions alors que le budget annuel devrait tourner dans les 500 000 €, on s’en est tiré avec à peu près la moitié,
  • des partenaires qui ne portent pas les valeurs du libre et avec lesquels nous avons perdu beaucoup de temps à essayer de faire comprendre que c’est pourtant la seule chose importante pour l’école,
  • des clients (mairies) qui n’utilisent pas ce pourquoi ils paient et ont tendance à chercher où gratter quelques centaines d’euros par an pour réduire leurs dépenses (réduction liée à la baisse des dotations de l’état)
  • des politiques publiques chaotiques : parfois on annonce que le libre est une bonne chose (1er ministre) et ensuite on signe un partenariat avec Microsoft (Éducation nationale), les utilisateurs sont perdus et les responsables des commandes publiques ne savent plus ce qu’il faut faire ;
  • il en va de même sur les annonces des dotations budgétaires : exemple le 2 juin le président annonce que finalement la dotation aux mairies sera réévaluée … conséquence les mairies ne savent pas si elles peuvent investir ou non, et l’école passe souvent dans les derniers choix d’investissements… et l’informatique scolaire encore bien après,
  • une « trop grande » éthique de la part de nos relais à l’intérieur de l’institution qui sont toujours un peu embêtés lorsqu’ils parlent d’AbulÉdu et ont l’impression d’être le « commercial de RyXéo » alors que leurs collègues ne se privent pas de faire de la pub pour les GAFAM à tour de bras. La fin de Ryxeo va leur donner beaucoup d’oxygène, ils ne risqueront plus d’être coincés entre leur devoir de réserve de fonctionnaire et l’existence d’une société commerciale qui vend AbulÉdu,
  • quasi zéro budget communication pour Ryxeo, seul le bouche à oreille nous a permis de nous développer,
  • une trop grande gentillesse et « compréhension » pour toutes ces « petites mairies à petit budget » à qui nous avons consenti des heures de hotline sans les facturer alors qu’il fallait bien payer les salaires correspondant à ce service,
  • l’impossibilité de licencier un membre de l’équipe, chacun étant indispensable et surtout le coût lié à un licenciement économique n’était pas possible (ce genre de calcul est un peu complexe à comprendre mais grosso-modo quand on licencie un salarié pour raison économique, il coûte d’un coup environ 4 mois de salaire… ce qui représente une dépense instantanée souvent impossible à assumer sur la trésorerie disponible),
  • le lancement des tablettes, produit super prometteur mais pour lequel nous avions besoin d’un investissement … qui n’est jamais venu.

Bref, tout ceci mis bout à bout nous a conduit à la catastrophe qu’on connaît. Ajoutez une baisse d’implication commerciale du patron de la boite qui s’est recentré sur la technique depuis plusieurs mois et vous avez malheureusement un cocktail détonant.

 

Une des difficultés n’est-elle pas également de s’adresser aux écoles primaires et donc aux mairies ? Les sociétés qui proposent des solutions aux collèges et lycées ont plus de facilité.

Je ne pense hélas pas que nous verrons beaucoup de collèges équipés avec des solutions basées sur le logiciel libre. Effectivement certains collèges sont équipés avec des serveurs basés sur des solutions libres mais la plupart des postes individuels sont sous windows. Et le récent accord n’est pas prêt de changer la donne.

 

Treize ans, cela reste une superbe aventure. Une anecdote, un souvenir particulier à nous faire partager ?

Des tonnes. La plus intéressante c’est l’anecdote qui porte le nom de… RyXéo tout simplement : c’est qu’on a prouvé que c’était possible de vivre correctement d’un rêve, d’une utopie, qu’on peut facturer pour du logiciel libre, qu’on peut le faire, qu’il ne faut pas être résigné à acheter des produits en conserve et à les consommer comme des programmes télévisés. Qu’on peut se prendre en main et qu’on peut prendre en main l’avenir numérique des outils d’éducation de nos enfants… C’est possible, on l’a fait, on le prouvait jour après jour. Une boite de 8 personnes qui tient plus de 10 ans c’est pas une coïncidence, c’est pas un hasard, c’est pas un « accident », c’est que ça marche pour de vrai.

 

RyXeo étant en liquidation, c’est la fin d’AbulÉdu ?

Le projet AbulÉdu n’est pas mort, c’est un projet issu du monde associatif et porté par une communauté. RyXéo en était certes le moteur, puisqu’il a permis de salarier développeurs et graphistes et de faire avancer ce projet tout en le rendant attractif, mais il continuera sa route avec deux autres moteurs identifiés, les associations AbulÉdu-fr et Abul et peut-être d’autres. C’est une des forces du logiciel libre, il nous permet cette continuité et de rebondir.

 

Quel va être justement le rôle de l’association AbulÉdu-fr ?

Pour être complet, il y a deux associations qui unissent leurs forces pour la continuité du projet AbulÉdu : l’association AbulÉdu-Fr mais aussi l’Abul qui compte parmi les pionniers dans la promotion du logiciel libre en France. Dans cette nouvelle gouvernance qu’il va falloir inventer, AbulÉdu-fr peut s’appuyer sur son savoir faire autour des usages et des relations avec les utilisateurs, l’Abul quant à elle pourra se concentrer sur l’infrastructure technique.

Abul et AbulÉdu-fr : deux associations pour soutenir le projet AbulÉdu avec vous.
Abul et AbulÉdu-fr : deux associations pour soutenir le projet AbulÉdu avec vous.

 

Sans être exhaustif, pouvez-vous nous présenter quelques grands projets mis en place par AbulÉdu-fr ?

Le premier qui me vient à l’esprit est Babytwit tant son succès a été rapide et grandissant. Il s’agit d’un site de micro-blogging libre et éthique dédié principalement à la communauté éducative. Une alternative à Twitter dont la publicité est absente et où les données personnelles des utilisateurs ne sont pas monnayées. Je pourrais également citer QiRo, site de questions-réponses où tout le monde peut poser une question ou apporter une réponse. Comment ne pas également parler de data.abuledu.org, banque de ressources brutes sous licences libres (dont Framasoft héberge d’ailleurs un miroir) ?

À ce propos, j’aimerais souligner la partie plus « invisible » de l’activité des membres de l’association : « data » rassemble 30 000 ressources qui ont toutes été proposées, décrites, indexées et modérées par la communauté. Certains membres de l’association accompagnent régulièrement des classes dans la mise en œuvre de projets numériques, d’autres sont très présents sur Babytwit et y animent des activités ou répondent aux messages des élèves.

Comme il ne s’agit pas d’être exhaustif, je ne parlerai pas de la rédaction de tutoriels ou de documentations, des comptes-rendus d’expérimentation, de la prescription de nouveaux services…

Qiro, le service de questions / réponses de l'association AbulÉdu-fr
Qiro, le service de questions / réponses de l’association AbulÉdu-fr

 

Vous lancez donc, et c’est la bonne nouvelle, une campagne de financement participatif. Avec quels objectifs ?

L’enjeu primordial est de rendre accessibles un ensemble de ressources pédagogiques et d’outils numériques en dehors de toutes pressions commerciales, au nom de la neutralité, de l’éthique et de l’idée que l’on se fait de l’éducation. Pour y contribuer nous pensons essentiel de passer d’un modèle économique d’éditeur de logiciels à un modèle associatif où chaque nouveau développement ne sera financé qu’une seule fois pour être ensuite disponible pour tous. Cela implique de trouver d’autres moyens de développement de nos ressources, mais aussi d’adapter les ressources actuelles à ce nouveau fonctionnement. C’est pourquoi nous visons deux paliers (l’un à 25000€ et l’autre à 50000€) dont vous trouverez les détails ici sur la page de la campagne.

Il faut sauver AbulÉdu et nous avons besoin de votre aide financière pour cela.

Campagne de financement participatif pour le projet AbulÉdu.
Campagne de financement participatif pour le projet AbulÉdu.

 

Cette année (oui, dans l’éducation nationale on parle en année scolaire) on a beaucoup entendu parler de l’éducation nationale pour ses liens très étroits avec des logiciels privateurs. Le ministère a-t-il connaissance du projet AbulÉdu et de sa pertinence pour ses écoles ?

Oui, le projet AbulÉdu est connu au ministère. Le serveur AbulÉdu par exemple est référencé dans le guide pratique de mise en place du filtrage des sites Internet sur le site EducNet.

De plus, suite à l’accord passé entre Microsoft et le ministère au mois de novembre dernier nous avons écrit au ministère pour exprimer notre sentiment vis à vis de ce partenariat et également rappeler l’existence du projet AbulÉdu. Au mois de janvier nous avons été reçus par un représentant de la Direction du Numérique Éducatif. Nous avons pu présenter le projet AbulÉdu dans son ensemble, notre interlocuteur était très attentif. Enfin, nous avons constitué un dossier de demande de subvention au mois de mars. La balle est maintenant dans le camp du ministère, nous saurons prochainement si un projet tel qu’AbulÉdu a sa place dans les écoles françaises.

 

À votre avis, quels sont les principaux freins de la percée du logiciel libre dans l’éducation ?

À mon avis, le souci principal est lié au « point de vue » ou plutôt au paradigme : le logiciel libre porte des valeurs là où le logiciel propriétaire s’appréhende d’un point de vue économique. Le logiciel libre ouvre son code source pour que chacun puisse se l’approprier, le modifier selon ses besoins et bien sûr le redistribuer là où le logiciel propriétaire verrouille tout, empêche toute diffusion autrement que par ses réseaux et tant pis s’il ne correspond pas tout à fait à tes besoins : soit tu changes de besoin, soit tu achètes la prochaine version.

Le logiciel libre refuse l’exploitation et la revente des données des utilisateurs, là où le logiciel propriétaire en fait un commerce démesuré.

Malheureusement, de nos jours, on préfère parler de données économiques brutes que de valeurs éthiques.

 

Comme vous le savez, à Framasoft, on essaie de sensibiliser à l’emprise croissante des GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft) dans tous les aspects de notre vie. Quand on parle GAFAM et éducation, on pense naturellement à Microsoft ou Apple. Mais Google perce de plus en plus avec des solutions comme Classrooms ou OpenOnline. Pour l’instant, Google Education vise plutôt le marché universitaire, mais n’a pas caché son ambition de couvrir l’ensemble des cycles. Les solutions Google commencent-elles à apparaître sur vos radars ?

Actuellement, le 1er degré (élèves de maternelle jusqu’au CM2) n’est pas concerné par Google Classrooms ou OpenOnline. Je devrais dire, n’est pas encore concerné. En effet, un appel à projet visant l’équipement des collégiens et des écoliers en EIM (équipement mobile individuel) a été lancé par le ministère, on en est maintenant à la 3e phase. Il y a fort à parier que de nombreux équipements seront basés sur Android offrant ainsi à Google une porte d’entrée dans les écoles.

 

Merci à l’équipe d’AbulÉdu pour cet entretien.

Soutenir AbulÉdu sur sa page de financement participatif.




Pour un requiem libre et athée

La tradition musicale du requiem est dès l’origine inhérente à la liturgie chrétienne au point qu’il faut attendre le XVIIIe siècle pour assister à la création de requiems « de concert », donc exécutés en dehors d’une célébration funèbre à caractère religieux.

Aujourd’hui, Denis Raffin propose d’aller plus loin encore et vient de passer plusieurs années à l’élaboration d’un requiem athée, qui comme il nous l’explique, vise à rendre hommage au souvenir des disparus en exaltant plutôt… la vie, hors de toute transcendance.

Qui plus est, sa création musicale est non seulement libre de références à la divinité mais aussi libre de droits et élaborée avec des logiciels libres. De bonnes raisons pour lui donner la parole et prêter une oreille curieuse à son requiem.

Peux-tu te présenter brièvement et nous dire par quel parcours tu en arrivé à ce projet un peu surprenant ?

2016_06_denis

Je suis un compositeur amateur, épris de musique classique depuis mon enfance. Jusqu’à présent, j’ai surtout composé de courtes pièces pour mon entourage. C’est la première fois que je me lance dans une œuvre d’une telle ampleur. J’ai composé les premières notes en 2013 (il y a 3 ans, oui oui…) et je viens enfin de terminer d’ébaucher les 5 mouvements qui constituent l’œuvre.

Justement, en prenant connaissance de ton projet, maintenant en phase finale, on ne peut s’empêcher de se dire que tu es soit très courageux soit inconscient : s’attaquer à un tel format musical demande de l’estomac, non ? et je ne parle même pas des monuments du genre (Mozart, Brahms, Berlioz, Verdi et tant d’autres… ) qui peuvent impressionner. Tu veux t’inscrire dans l’histoire de la musique à leur suite ?

J’ai toujours adoré les grandes œuvres religieuses, notamment funèbres. On y trouve une noirceur plus ou moins désespérée, mêlée à un fort besoin de consolation et de lumière (de résilience). Il y a peut-être un peu de mégalomanie dans mon projet, je ne le nie pas. Mais en réalité, il s’agit surtout de répondre à un double besoin : celui de m’obliger à dépasser le stade de compositeur du dimanche et celui d’aborder frontalement un thème qui me hante depuis mon adolescence : celui de la finitude de nos existences. J’ai voulu célébrer par une œuvre monumentale un événement très important dans ma propre existence : j’ai fini par admettre que j’allais mourir.

Brrr ce n’est pas très gai tout ça… On peut concevoir le désir de rendre hommage aux disparus, mais pourquoi célébrer la mort ?

Attention, pas de contre-sens ! Je ne célèbre pas la mort ! Mais assumer ma finitude m’a permis de comprendre des choses simples. D’abord que la vie est un bien précieux car éphémère et fragile. En ce sens, il faut savoir la respecter, la protéger, refuser de se contenter d’une vie où on se « laisse vivre ». Et surtout résister aux vols de nos existences que constituent le sur-travail, les guerres, la consommation, etc. Ensuite, nos existences si courtes prennent beaucoup plus de sens quand on les replace au sein de cycles naturels et historiques qui les dépassent. J’appelle, dans Un requiem athée, à « cultiver le grand jardin du monde ». À agir, humblement, chacun à son échelle, à construire un monde meilleur, tout en profitant au mieux de celui qui nous est offert. Il n’y a rien de morbide dans tout ça, non ?

Un requiem athée et libre, mais pas triste !
Un requiem athée et libre, mais pas triste !

 

Comme tu l’exposes en détails sur cette page tu n’es pas le premier à vouloir créer un Requiem athée. Pourquoi ajouter ta version, est-ce qu’il te semble qu’il y a ces dernières années une urgence (la question toujours vive de la laïcité ?) ou bien la naissance de ton projet correspond-elle à un cheminement plus personnel ?

La question de la laïcité, et en particulier de la cohabitation entre religieux et non-religieux, ne fait pas partie de ma démarche. Simplement, il y avait un manque dans l’histoire de la musique : il existe très peu d’œuvres athées traitant du thème de la mort.

Parler aux athées en général n’est d’ailleurs pas une mince affaire, car les athées ne constituent pas une école de pensée homogène. Le cheminement que je propose dans le texte est nécessairement très personnel. Par exemple dans sa dénonciation de l’immanence ou dans son appel non voilé à la rébellion (« La colère de l’Homme »). Cela dit, je n’ai pas hésité à réécrire le 2e mouvement de mon requiem (« Non credo ») lorsque ceux qui ont suivi sa composition l’ont accusé d’un trop grand dogmatisme. J’espère sincèrement que mon texte ne constitue pas un obstacle à l’appréciation de la musique, quels que soient les points de désaccord que puissent avoir mes auditeurs avec mes idées.

Comment définirais-tu ta musique ? On dit souvent que la musique contemporaine est difficile d’accès pour les oreilles non-initiées, est-ce le cas pour ton requiem ?

Pour les connaisseurs, il s’agit d’une écriture qui s’autorise tous les langages : tonal, modal, chromatique et atonal. Pour ceux qui ne sont pas habitués à écouter de la musique classique, disons que c’est une œuvre globalement facile à suivre, mais avec des passages assez ouvertement dissonants. La durée totale est raisonnable pour le néophyte (environ 45 minutes), tout en laissant le temps de s’imprégner d’un univers musical que je souhaite assez riche.

Pourquoi faire le choix de logiciels libres et placer ton œuvre en gestation dans le domaine public ?

Faire-part de liberté sur le site du projet
Faire-part de liberté sur le site du projet

La principale raison du choix de la licence CC-0 est philanthropique : c’est un cadeau que je souhaite faire à l’humanité. Par ailleurs, je suis intimement convaincu que le modèle actuel des droits d’auteur freine la création au lieu de la protéger. Il y a une excellente conférence de Pouhiou sur ce thème.

D’ailleurs, c’est un peu grâce à Pouhiou que je me suis décidé à créer un blog pour présenter ma composition en cours de réalisation. Dans son premier tome du cycle des Noénautes, il expose les interactions qu’il a pu avoir avec ses lecteurs sur son blog tout au long de l’écriture du roman et je me suis dit : et pourquoi pas utiliser ce dispositif pour mon requiem aussi ? Pour ceux que ça intéresse, j’ai exposé ma position dans cet article : vive la musique libre, à bas les droits d’auteur !

Pour ce qui est du choix des logiciels libres pour composer, il s’est imposé de lui-même : j’ai toujours milité pour la diffusion des logiciels libres (y compris dans l’Éducation Nationale à l’époque où j’y ai travaillé) et ça n’aurait pas été cohérent d’utiliser des logiciels privateurs pour réaliser une telle œuvre, non ? J’utilise essentiellement Musescore. même si les fonctionnalités sont un peu limitées par rapport aux gros logiciels payants du commerce. J’envisage d’utiliser Lilypond pour les dernières étapes de la composition (orchestration, cadences non mesurées, mise en page, etc.).

requiem-guitare

Tu as une formation musicale (on s’en doutait) et tu as donc été un temps professeur dans l’Éducation Nationale, mais en ce moment de quoi vis-tu, car on imagine bien que créer un requiem n’est pas une activité très lucrative ?

J’ai été successivement ingénieur du son, professeur de physique-chimie en collège et grand voyageur. Je suis actuellement ouvrier agricole (dans le maraîchage bio). Je compose sur mes temps libres, soir et week-end. Au début du projet, je m’étais mis à temps partiel pour trouver le temps de composer. Clairement, j’aimerais consacrer plus de temps à la composition dans les années qui viennent. Pour une raison simple : si je ne prends pas le temps de composer mes œuvres, qui le fera à ma place ?

De quoi as-tu besoin maintenant pour mener ton projet vers sa phase finale : de contributions techniques, musicales, d’interprètes, d’argent… ? C’est le moment de lancer un appel…

L’étape la plus importante est terminée : toute l’œuvre est ébauchée. On peut d’ailleurs écouter des exports (avec des sons synthétiques) sur le site du projet. Il reste deux étapes avant de pouvoir entendre l’œuvre pour de bon.

D’abord, il faut que j’écrive l’orchestration de l’œuvre. Je n’ai encore jamais eu à faire ça et c’est assez technique. J’apprécierai une aide pour cette étape : j’ai besoin de quelqu’un d’un peu expérimenté pour me relire, me corriger, me faire des suggestions, etc. Je pense m’adresser aux classes d’orchestration des conservatoires pour trouver ce genre de profils.
Ensuite, il faudra réunir des interprètes. Et là, les choses se compliquent… Car il faudra trouver de l’argent pour rémunérer tout ce monde (un orchestre, un chœur et 4 solistes). J’ai plus de questions que de réponses : mon œuvre pourrait-elle intéresser une institution ? Aurais-je un public suffisamment motivé pour réussir un crowdfunding ? J’avoue que ça me soulagerait grandement si quelqu’un de plus compétent que moi pouvait prendre en charge cette partie-là du travail !

Allez on s’écoute le « Non credo » ? Les autres mouvements sont disponibles sur le site de Denis.

Que nos lecteurs mélomanes et musiciens se manifestent et fassent passer le mot : ce projet original et libre mérite d’aboutir à des interprétations publiques et pourquoi pas des enregistrements. À vous de jouer ♫ !




Framavox : discutez, décidez, et faites entendre votre voix !

Dans les associations, les collectifs, les groupes de travail… ou même lorsque l’on passe sa nuit debout, il est un point essentiel de la collaboration : comment prendre des décisions ensemble ?

Bien entendu, le numérique peut être un outil formidable en cela : même séparés géographiquement, on peut discuter, se positionner, changer d’avis au cours des échanges. Chose amusante, c’est le logiciel libre qui répond le mieux à ces problématiques (à tel point que nous avons eu du mal à trouver une alternative « made in GAFAM » à cette nouvelle offre pour notre carte Dégooglisons Internet ^^ !)

Tour de Framavox en deux listes à puces

Nous sommes donc fiers de mettre en avant les fonctionnalités du logiciel libre Loomio dans ce nouveau service : Framavox.

Voici un outil collaboratif de prise de décisions qui vous permet de :

  • Créer un groupe de discussion/décisions (ouvert, privé ou fermé)
  • Rejoindre un groupe ouvert ou demander à intégrer un groupe privé
  • Inviter des personnes à rejoindre votre groupe
  • Créer des discussions au sein de ce groupe
  • Échanger et se répondre dans ces discussions (comme un fil de réseau social)
  • Présenter au vote une proposition dans la discussion
  • Modifier votre vote au fil des échanges (jusqu’à la date de fin de la proposition)
  • Poursuivre les échanges et les votes à volonté (on doit attendre la clôture de la proposition précédente afin d’en proposer une nouvelle aux votes)
  • Aller jusqu’à créer des sous-groupes !

 

Le tout agrémenté de fonctionnalités très pratiques :

  • Les échanges sont conservés et indexés (barre de recherche)
  • Tous vos textes sont aisément mis en page avec la syntaxe Markdown
  • On peut répondre directement à un message (pour ne pas perdre le fil)
  • Ainsi que mentionner une personne pour qu’elle soit notifiée
  • Un système de notifications et de réponses par email est inclus
  • On profite d’une ergonomie agréable (de type réseau social)
  • Les groupes, sous-groupes, discussions et comptes utilisateurs sont paramétrables et personnalisables

Tout cela est à votre disposition sur Framavox.org !

Le tutoriel pour l’auto-hébergement est disponible dans le Framaclahoude.

Démonstration en vidéo (réalisée par Fréderic Véron, qui a gentiment répondu à notre sollicitation)

 

Framavox illustré en un exemple concret

Le Groupe d’Action pour le Gras a des décisions à prendre…

Sandrine (dont la vie associative est bien remplie…) est une membre du G.A.G., le « Groupe d’Action pour le Gras » dont la devise est « Le gras, c’est la vie. » Les membres de cette association ont du mal à se réunir physiquement pour prendre toutes les décisions nécessaires.

Elle décide donc de créer un groupe pour l’association sur Framavox… C’est simple : elle se crée un compte, puis elle s’y connecte pour créer le groupe.

01 framavox creer groupe

Sandrine décide de créer un groupe fermé, car elle voit dans la documentation de Loomio (traduite en français par l’infatigable groupe Framalang) qu’elle pourra modifier ce paramètre ultérieurement.

Dès la création, une première discussion de « bienvenue » est créée. L’œil de lynx de Sandrine y repère bien vite :

      1. La zone d’accès rapides aux discussions récentes / non lues et à ses groupes
      2. La zone de recherches, notifications, et de personnalisation du profil
      3. La colonne de gauche réservée aux échanges
      4. La colonne de droite pour les votes
      5. Et le bouton d’accès rapide aux principales actions

02 framavox bienvenue commente

Bon, pour continuer, il lui faut du monde avec qui échanger. Qu’à cela ne tienne, elle décide d’inviter John et Olivia à tester l’outil avec elle pour le compte de l’association.

03 framavox inviter des personnesEt, tant qu’à faire, autant créer la première discussion sur un sujet clivant, brûlant, un sujet qui divise le Groupe d’Action pour le Gras : la margarine.

04 framavox creer discussion

L’outil invite aux échanges, John et Olivia s’en donnent à cœur joie, comme on peut le lire dans la colonne des échanges de cette nouvelle discussion.

05 framavox discussionPrise d’un doute subit, Sandrine se demande si les objections de John sont liées au fait que la margarine est une graisse végétale (lui qui adore les graisses animales). Elle se demande surtout si d’autres membres du GAG ne font pas partie d’une « majorité silencieuse » qui souhaiterait que l’asso défende en priorité les graisses animales.

Elle décide donc de lancer un vote rapide, une « proposition », afin que l’on valide le positionnement de l’asso avant que de poursuivre les échanges.

06 framavox decision colonne droiteLe résultat est unanime : personne dans l’association ne veut se restreindre à la promotion exclusive des graisses animales.

Cette question (fondamentale, il faut bien le dire) étant réglée, les échanges se poursuivent… jusqu’au point où il est temps de décider : le G.A.G. se lance-t-il (ou non) dans cette campagne de promotion « Margarine, ma passion » ?

Sandrine décide de peaufiner la proposition afin que chacun-e comprenne l’interprétation des votes possibles. Elle utilise donc la syntaxe markdown pour mettre son texte en page.

08 framavox proposition 2 combine fleche

Bon… John a décider de poser son veto sur cette action, en votant « Bloquer »… mais le vote n’étant pas clos, Olivia veut mieux comprendre sa position, et se demande s’il a bien toutes les cartes en main. Elle décide de le notifier en écrivant « @johnbutter » afin qu’il reçoive ce message dans ses emails.

09 framavox notificationJohn, qui n’aime pas la margarine parce que c’est une « copie du beurre » (il préfère l’huile de coco, le bougre), n’avait pas pensé à ces arguments. Il répond donc directement à son email de notification depuis sa messagerie :

10 framavox réponse emailEt il se connecte à Framavox afin de changer son vote de « Bloquer » à « S’abstient ».

11 framavox vote modifiéSandrine est heureuse de voir en temps réel les échanges et les positions évoluer sur cette discussion, qui reste ouverte encore quelques jours, le temps que les autres membres du Groupe d’Action pour le Gras se connectent à leur tour.

12 framavox proposition 2 resultatComme le G.A.G. est une association très active, il y a toujours plusieurs sujets brûlant sur lesquels discuter, échanger et se positionner.

Par exemple, pendant tous ces échanges margariniers, il y a eu en parallèle une autre discussion créée par Olivia, pour inventer une action autour de ses recettes à l’huile d’olive.

13 framavox nouvelle discussion

La morale de cette histoire…

C’est qu’on espère voir les recettes d’Olivia paraître sous licence libre ! (vous pouvez rejoindre le groupe Framavox du GAG si vous voulez tester ^^)

C’est surtout que les équipes de Loomio ont conçu un outil qui peut faciliter grandement la vie de collectifs faisant le choix de prendre des décisions collaborativement.

C’est enfin que Framavox est un nouvel outil à votre disposition.

Le tuto pour l’installer sur vos serveurs est d’ores et déjà disponible sur framacloud.org.

Et oui, vous avez le droit de vous demander à quoi on carbure quand on cherche des exemples. C’est en vente libre, promis.

 

Pour aller plus loin :




Un guide Framabook pour les communautés

Une communauté, comment ça marche ?
Et surtout comment faire pour que ça marche bien, que ça s’épanouisse et que ça dure ?

Nous sommes bien placés pour le savoir à Framasoft, la vie quotidienne d’une communauté se fait le plus souvent en mode bazar — peut-être devrais-je dire à la gauloise — jusqu’à ce qu’une bonne volonté à l’esprit plus cartésien prenne en charge une mise en ordre efficace, avec processus, deadline et animation d’une équipe (nous appelons ça des « comités »). Heureusement notre projet pluriannuel et planétaire dégooglisons internet nous fixe les grandes lignes d’une action qui reste empirique au jour le jour. Heureusement aussi que nous pouvons compter sur vous pour nous propulser, car c’est ainsi que nous avançons.
Bref, nous avons beaucoup à apprendre du nouveau Framabook que nous vous présentons aujourd’hui, car il s’agit d’un ouvrage fondé sur l’expérience et des cas concrets, et dont la démarche est celle d’un guide pas à pas pour une gestion optimale d’une communauté autour d’un projet libre. Vous allez le découvrir dans ce précieux manuel, les trois compères qui l’ont conçu n’ont rien oublié, car tous les détails qu’ils abordent peuvent s’avérer décisifs pour une communauté.
Avant d’ouvrir le Framabook qui vous attend, faisons connaissance avec Patrick et les deux Stéphane qui nous viennent d’INRIA, nous en saurons plus sur leurs motivations et l’esprit dans lequel ils ont travaillé.

Vous publiez aujourd’hui un guide très complet et riche en recommandations sur la façon d’animer une communauté. Selon votre expérience, on innove plus facilement à partir d’organisations communautaires qu’à partir de structures verticales et officielles ?

Les communautés de pratique qui se construisent autour de projets ouverts font partie des structures humaines les plus fécondes en innovations que l’on connaisse. Je dirais que l’on innove plus facilement avec des structures de type communautaire, pair à pair, encore faut-il qu’elles soient dynamiques.

Une des clés de succès est de bien choisir son modèle de gouvernance. Le modèle de gouvernance en « approche descendante » (top down) est souvent un frein à l’émergence de nouveautés, c’est même un puissant stérilisateur d’innovation. Cependant, les organisations qui ont choisi ce modèle sont alors davantage utilisatrices et/ou consommatrices d’innovation… Il est important de collaborer aussi avec ces structures. Une fois que les projets ont pris de l’élan, elles peuvent avoir du sens car elles permettent d’institutionnaliser les innovations produites.

Je crois que ces deux modes d’organisation sont complémentaires, à la condition cependant de laisser les inventions germer puis se transformer en innovations selon leur mouvement naturel qui est bottom-up.

Et dans l’institut de haut niveau où vous travaillez, on est plutôt bottom-up ou top-down ?

Le modèle Inria est selon nous à la fois une structure top down et une structure bottom up. L’écosystème bottom up est constitué des chercheurs et ingénieurs de recherche alors que le top down est représenté par les équipes de valorisation. L’organisation bottom up (accompagnée d’actions encourageant la prise d’initiatives) facilite l’émergence de projets très divers et dont l’usage dans la société est insoupçonné (quel impact ?)… en somme la structure bottom up produit de l’innovation et la structure top down pioche dedans. Tel est le cas pour Inria, pas forcément pour les projets FLOSS…

Vous publiez un guide dont le sous-titre est « Animer une communauté autour d’un projet ouvert », c’est parce que vous trouvez que les communautés libristes ne sont pas bien « animées » ?
Pas du tout ! Il nous semblait d’une part que ce sujet n’était pas encore largement traité et d’autre part que la diffusion et la mise en commun de nos expériences pouvaient être utiles. Stéphane Ribas apporte, en tant qu’expert en management de communautés, une assistance à l’ensemble des équipes de recherche et aux projets de développement logiciel au sens large chez Inria. Comme la demande est bien trop large pour être traitée par un seul spécialiste, ce guide a été écrit pour tenter d’amplifier la diffusion des quelques principes de base de la gestion de communauté.

On sent une volonté d’éducation populaire à la lecture de ce guide, qui dépasse le seul cadre du développement logiciel…

Éduc pop… oui. On est animés par une motivation intrinsèque incroyable : transmettre le savoir et le savoir-faire, se rendre utiles. Disons qu’on se rend bien compte de l’utilité de ce que l’on fait et c’est extrêmement motivant.

Ce guide est le fruit d’un travail collaboratif de longue haleine, qu’il a fallu coordonner et mener à terme, pas trop compliqué ?

Stéphane Ribas — Eh bien mes deux collègues ont dû supporter mon hyperactivité pendant presque 6 ans… Les périodes de disponibilité et les phases de l’écriture n’étaient pas toujours les mêmes, du coup la plupart des solutions sont venues d’un effort de coordination : calage de journées de travail dédiées au guide, Skype, etc. Il faut dire que la rédaction de ce guide est venue se superposer à des vies déjà bien remplies…

Patrick Guillaud — Notre proximité et le partage quotidien de nos interrogations, préoccupations et parfois de nos succès nous ont permis de finalement partager une vision commune et cohérente à partir de trois prismes ou angles de vue un peu décalés.

Est-ce que le choix de Framabook comme éditeur découle de l’aspect collaboratif de ce guide ou y a-t-il d’autres raisons qui vous ont poussés à placer cet ouvrage dans les communs ?
Patrick G. — Je crois que l’une des raisons qui nous poussent à agir est justement le fait que nous sommes de fervents supporters de la philosophie du libre, car nous sommes convaincus de son efficacité. Il ne faut pas oublier non plus que nous avons la chance de travailler dans un institut public de recherche, ce qui nous place dans des conditions idéales pour mettre cette philosophie en action, même si l’on voit de plus en plus d’entreprises privées y venir également. Cependant, après des années à travailler dans ce domaine, je crois que nos convictions vont bien au-delà, et nous sommes sûrement davantage aujourd’hui des supporters du mouvement appelé openness … D’ailleurs les conseils prodigués dans le guide Logiciels et Objets Libres s’appliquent aussi à d’autres domaines. On a mis un peu beaucoup d’openness dans ce guide (désolé pour l’anglicisme).

Il ne faut pas empêcher la transmission du savoir et du savoir-faire. À l’époque de la recherche de phénomènes autour de l’électricité, certains « scientifiques » présentaient des expériences au public comme des phénomènes magiques. C’était une mise en scène sans grande explication sur la logique de fonctionnement, l’explication était réservée à une toute petite partie de l’élite. Une deuxième école de pensée existait déjà, elle avait pour objectif de transmettre ce savoir au plus grand nombre, de pratiquer une sorte de médiation scientifique, de vulgarisation de la science. C’est bien sûr dans cette démarche que s’inscrit notre travail.

Le choix de la triple licence : LAL 1.3, GNU FDL 1.3 et CC By-SA 3.0, c’est par gourmandise ou par militantisme ?

Patrick Guillaud — Gourmandise ou militantisme ? Si je revendique le premier terme sans complexe, j’associerais volontiers celui d’activisme au second. En effet, l’un des principes qui fondent nos activités est celui d’action dont je dirais même qu’il précède notre discours militant et nous permet de le construire. On aurait pu aussi remplacer gourmandise par recherche du plaisir et militantisme par conviction.

Plus sérieusement, comment et pourquoi avez-vous choisi ces licences ?
En fait, nous avons suivi les conseils de Framasoft, mais en même temps nous convaincre était facile : nous avons plusieurs éditeurs dans le monde de la recherche qui ont mis en place des licences qui ne favorisent pas si facilement le partage et la diffusion, ou ne laissent pas de place à la reconnaissance de l’auteur… Nous avons donc très naturellement accepté la proposition de Christophe.

Vous donnez dans cet ouvrage des interviews et des cas concrets qui sont intéressants et qui complètent utilement les recommandations théoriques. Mais chez Inria, qui est une très vaste structure collaborative, comment se passe « l’animation » de la communauté ?

Patrick G. — Au sein d’Inria l’animation des communautés (je le mets au pluriel parce qu’elles sont nombreuses) se faisait au gré des vents et des courants et dépendait entièrement du contexte : lorsque l’équipe comptait un leader, charismatique et bon manager, elle était parfaite, mais parfois c’était plus compliqué. Dans ce genre de cas, un brin de méthode — on appelle ça « les bonnes pratiques » — ne peut pas faire de mal. Et c’est la fonction principale de Stéphane Ribas que d’améliorer les choses en la matière. Cela ne permet certainement pas de tout régler partout, mais cela permet de limiter la casse dans certains contextes difficiles, et surtout, à travers des activités de diffusion et « d’évangélisation », cela peut aider significativement les communautés un peu livrées à elles-mêmes de monter en compétence sur ce sujet et donc de gagner en efficience.

Stéphane R. — Il faut aussi ajouter le rôle très important de Stéphane Ubéda et de son rôle au sein d’Inria en 2011, qui ont grandement facilité la mise en place d’un service autour de la gestion de communauté, de manière plus formelle que cela ne se pratiquait auparavant au sein de l’institut. Patrick était responsable de l’animation de plusieurs projets clés dans les domaines de la science et de la société et il a beaucoup travaillé sur l’attractivité de l’institut auprès des étudiants et jeunes diplômés. En somme il a fait le community manager pour plusieurs projets structurants.

Il existe une différence sensible entre les deux exemples de cas concrets, très structurés et se déroulant dans le milieu de la recherche universitaire et/ou industrielle, et les deux projets exposés en interviews, Mozilla et Debian, pour lesquels un certain degré d’empirisme est de mise, avec un mode d’organisation non-directif qui laisse davantage de place à l’autonomie. Est-ce que vous ne voyez pas là une différence entre les projets du monde du Libre associatif et ceux du monde universitaire ?
Stéphane R. (rire) — En fait je ne suis pas sûr que la vision extérieure que l’on peut avoir d’Inria corresponde tout à fait à ce qui se passe à l’intérieur de l’institut. Les infrastructures sont entièrement au service de ses équipes de recherche, 200 environ, réparties dans et autour des huit centres implantés au niveau national. Les actions menées depuis le top management de l’institut ont plus pour but de coordonner que de contrôler. Du coup ce sont en réalité les chercheurs qui dirigent leur barque et les velléités de comportement exagérément top down sont assez efficacement filtrées. Il est permis de supposer que c’est l’un des facteurs qui font que l’institut conserve un niveau de pointe en recherche.

Vous parlez des bonnes pratiques et vous faites état de réussites (AspireRFID, Poppy Project) mais ne peut-on aussi tirer des leçons utiles des échecs ? Pour prendre à l’envers la démarche de votre ouvrage, qu’est-ce qui est défaillant lorsqu’une communauté ne fonctionne pas ?
Pour tout dire nous avons commis un article (publié chez OSS 2011) intitulé Comment tuer une communauté avec un diaporama

Vous ne craignez pas de décourager un peu ceux qui voudraient débuter dans la gestion-animation de communauté ? Parce que, dites donc, c’est copieux tout ce processus idéal… et ça prend du temps ! Ce n’est pas possible pour une communauté de bénévoles, si ?

Oui, cette question de savoir quoi mettre et où s’arrêter a été souvent débattue. Pour l’anecdote, au départ l’idée était de produire un petit document d’une vingtaine de pages maximum, vite écrit (mouahahaha), facile à diffuser et à lire, ne donnant que quelques principes-clés. Aujourd’hui on en rit mais au milieu du gué, euh…

On a voulu faire simple mais à la fois complet. On pense que vous pouvez créer une communauté de 10 membres comme une communauté de 800 membres et plus… Le guide s’adresse à ces deux possibles configurations. On peut le lire de différentes manières : on peut s’arrêter au premier chapitre qui donne les grandes lignes de la méthode. On peut aussi, si on le souhaite, rentrer dans les détails grâce à une lecture plus approfondie du reste des chapitres. Mais on peut aussi lire ce guide en picorant certains passages, certains chapitres. Il faut prendre ce guide comme une sorte de « bible » qui vous suivra tout au long de votre vie de Community Manager.

ensemble

Votre ouvrage s’adresse à des communautés institutionnelles assez structurées pour avoir une personne ou une équipe dédiée à l’animation, mais que conseilleriez-vous à des petites associations ?
Notre idée, souvent débattue également, c’est que, compte tenu du fléchage et des redites d’un chapitre sur l’autre qui permettent une lecture fractionnée ou partielle, le guide devrait être compatible avec de tout petits groupes.

D’ailleurs nous avons appliqué certaines parties pratiques du guide à un projet regroupant 5 à 7 personnes (un logiciel de preuves mathématiques) pour qu’il grossisse ! Nous avons suggéré au chef de ce projet de faire une journée de conférence à Paris où il a invité ses coopétiteurs dans le domaine, et l’avons incité à organiser une journée d’échange avec eux.

Au départ le porteur du projet n’en menait pas large mais il a trouvé l’idée intéressante. Finalement cette journée s’est avérée un joli succès : pleine d’échanges, de prises de contacts, bref, tout ce petit monde s’est retrouvé en mode coopération/compétition et le soir tout le monde était à la fois enchanté et ami. Suite à cette conférence, la communauté à plus que doublé, elle regroupe à présent vingt personnes à travers une liste de diffusion dynamique, où les collaborations sont quotidiennes. Cela peut prêter à sourire, mais ce qui nous importe c’est que le chef de projet soit heureux d’avoir créé une dynamique sur un sujet très, très pointu. Bien sûr, on en peut comparer un tel projet avec un projet grand public.

Je conseille d’utiliser ce guide comme un patchwork… à vous de picorer… picorer, picorer ! C’est vraiment un guide pour débutant, gourmand et grand spécialiste. Il est fait pour un large public et l’élaboration de mini-projets, de projets de taille moyenne, et de grands projets !

 Si vous aviez eu plus de temps/espace de publication, quel autre aspect auriez-vous abordé ? Ce sera pour une prochaine publication ?

Personnellement, je reviendrais sur la méthode pour choisir une licence, il manque des éléments tel que prendre en compte les objectifs du projet, ce que l’on veut partager et les valeurs que l’on veut transmettre. Je compléterais donc bien cette partie même si nous expliquons dans les deux cas concrets comment nous avons choisi les licences : selon les objectifs, le partage, les valeurs.

Nous sommes en 2016, et il y a encore beaucoup de mythes autour de ce sujet ! Je pense que les licences FLOSS décrivent suffisamment de règles pour ne pas ajouter des couches supplémentaires. Beaucoup trop de personnes se focalisent aussi sur le modèle économique au lieu de mettre en œuvre une gouvernance appropriée (avec le partage et les valeurs qui correspondent). On peut changer plus facilement de modèle économique que de modèle de gouvernance ou de licence. D’ailleurs je déconseille de tomber amoureux de son modèle économique ! Je compléterais bien le guide avec un chapitre sur le modèle économique appelé « consortium ».

Quelles sont les utilisations et/ou transformations que vous espérez pour ce guide ? Qui, selon vous, pourrait s’en emparer voire l’adapter ou le modifier ?

1erecouvlogicieletobjetslibres
Ce nouveau guide est maintenant disponible sur Framabook

J’aimerais aussi travailler sur les communautés d’apprentissage telles qu’on les retrouve dans le monde éducatif. Il y aurait de quoi écrire un autre guide, qui ne serait pas redondant avec celui-ci : les techniques pour motiver et faire collaborer un monde de professeurs entre eux ne sont pas si simples et ne correspondent pas toujours aux motivations des communautés de pratique.

Enfin et surtout, on aimerait que les gens réagissent sur un wiki à propos du guide et nous donnent leur avis, ajoutent leurs conseils, leurs expériences… Et pourquoi pas faire une version 2 annotée avec les avis du public ?

Nous lançons aussi un appel à contribution pour nous aider à traduire le livre en espagnol, en anglais, en italien…

Nous vous laissons « 3 mots de la fin »…

— À plusieurs on est meilleurs !
— Community over code !
— Doing business on Open Source is not selling a code that we did not pay but earn his life around a code that is not sold.




Minetest, piochez en toute liberté

MIcrosoft a acheté Minecraft, le fameux jeu « bac à sable », à son créateur. Et pour une petite fortune ! Forcément, l’ogre de Redmond avait une idée derrière la tête…

Dans ce long article traduit par le groupe Framalang, Paul Brown propose une alternative pour pouvoir piocher en paix, et utiliser la puissante idée de Markus Persson en toute liberté.

 

Minetest, un serious game pour l’éducation

par Paul Brown

Article original Mining for education

Traduction Framalang : Pouhiou, MagicFab, touriste, audionuma, lamessen, LaPalice, line, Qwerty, Bromind, line, goofy, Frédéric V., Penguin, Isammoc, roptat, Meridel, galadas, Frederic V., Valdo, Roka, Vincent + 14 contributeurs anonymes

Sommaire

Ce billet est très long, et peut-être qu’une bonne partie ne vous concerne pas. Si vous voulez aller directement aux parties qui vous intéressent, voici le sommaire :

  1. Pourquoi utiliser Minecraft comme outil pédagogique est une mauvaise idée
  2. Pourquoi utiliser Minetest comme outil pédagogique est une bien meilleure idée (et comment débuter)
  3. Tout est dans les mods
  4. Jouer au jeu
  5. Mettre un serveur en place
  6. Minetest comme outil pédagogique
  7. Blocs de construction
  8. Mises en garde
  9. Conclusion

Quelle serait votre réaction si tous les menus de la cantine de votre enfant étaient livrés par un seul et unique fournisseur de plats préparés et de boissons sucrées ? Que diriez-vous si le régime alimentaire de votre enfant était limité à des chips, des tortillas goût fromage et des boissons sucrées gazeuses, sans possibilité d’alternative plus saine ?

Étant parent moi-même, je suppose que vous trouveriez épouvantable l’idée que l’école n’offre que de la malbouffe à votre enfant, à tel point que vous seriez prêt à envisager de le changer d’établissement. Mais que faire si c’était la même chose dans tout le pays ?

Ce n’est pas tout, imaginez qu’en plus le fournisseur de malbouffe ait apposé son logo partout : sur les tasses, les assiettes et sur les affiches qui décorent les murs des classes. D’ailleurs, en parlant de salles de classe, quand arrive le moment de l’apprentissage des bases de la nutrition, les chapitres du manuel scolaire s’avèrent rédigés par le service marketing de cette même entreprise qui fournit déjà les repas.

La plupart des parents, je l’espère, trouveraient cela scandaleux. Pourtant, on n’entend pas beaucoup de protestations véhémentes quand il se passe exactement la même chose dans un cours d’informatique et même pendant une session d’apprentissage assisté par ordinateur.

Les élèves n’apprennent pas à se servir d’un traitement de texte, ils apprennent Microsoft Word. Il n’apprennent pas à concevoir des présentations, ils apprennent Microsoft PowerPoint. On leur demande de présenter leurs travaux, que ce soit une rédaction, un diaporama, ou un graphique, dans l’un des formats propriétaires de Microsoft, de les enregistrer sur des clés USB formatées suivant le système de fichiers breveté par Microsoft. C’est ça et rien d’autre.

Voici comment Microsoft souhaite rentrer dans les écoles...
Voici comment Microsoft souhaite rentrer dans les écoles…

Pour une gigantesque entreprise comme Microsoft, c’est tout à fait logique. Non seulement le marché de l’éducation est immense et juteux en soi, mais transformer des élèves en futurs travailleurs, managers et entrepreneurs qui ont appris à la lettre et de façon formelle à dépendre exclusivement de ses produits, voilà une perspective qui doit être irrésistible.

Mais tandis que les produits Microsoft prédominent dans l’enseignement secondaire et universitaire, il manquait encore à l’entreprise la principale part du gâteau de l’éducation. En tant que manipulateur aguerri du marché, Microsoft reconnaît que le lavage de cerveau fonctionne d’autant mieux que vous commencez jeune. Mais jusqu’à ces dernières années, ils n’avaient tout simplement pas le produit pour capter cette tranche d’âge.

Maintenant, si. Maintenant, ils ont Minecraft.

Pour détruire tout espoir que ce logiciel immensément populaire soit un jour publié sous licence libre (comme Markus « Notch » Persson a prétendu jadis qu’il pourrait l’être), Microsoft a déboursé 2,5 milliards de dollars en 2014 pour le jeu de Persson et s’est immédiatement attelé à le rendre encore plus attrayant grâce à la conclusion d’un accord avec Lego qui a fait du jeu la star de sa technologie Hololens, grâce aussi à la réalisation d’un film, en limitant toutefois les fonctionnalités dans le même temps.

Ah bon, vous n’aviez pas entendu parler de ce dernier point ? Je dois vous révéler que dès que vous faites abstraction du nouvel emballage attrayant et du tapage médiatique, vous pouvez enfin voir ce que Microsoft entend faire de Minecraft. En simplifiant le jeu pour l’adapter à sa version mobile, et en ne le faisant plus tourner sous Java, Microsoft peut mieux contrôler sur quelles plateformes il pourra fonctionner (vous savez que Minecraft fonctionne bien sous GNU/Linux parce qu’il est écrit en Java ? C’est la première chose qui sera supprimée), et tuer d’un coup tout l’écosystème de mods non validés par Microsoft.

C’est ainsi que les choses se profilent. Avant que tout ne parte en vrille, la question est de savoir si la communauté du logiciel libre a un plan B. Existe-t-il un logiciel libre susceptible de rivaliser avec Minecraft ?

Une solution ouverte

Cet article serait bien court si la réponse était « non ».

Pour être certain de ne pas me fourvoyer, j’ai passé la majeure partie des quatre dernières semaines à la recherche d’alternatives. N’ayant pas eu beaucoup d’expérience avec les jeux d’origine (Infiniminer et Dwarf Fortress), j’ai appris les rudiments du minage et de l’artisanat (du crafting), puis davantage. J’ai discuté avec des développeurs et des utilisateurs sur leurs canaux IRC – principalement pour demander de l’aide quand j’étais bloqué. J’ai aussi appelé en renfort des joueurs expérimentés de Minecraft (en l’occurrence, mon fils et ses copains) pour tester différentes versions libres et à code source ouvert de ce genre de jeux, afin qu’ils me fassent part de leurs commentaires.

Le verdict est tombé. La réponse est Minetest.

Le soleil se lève sur un lagon de Minetest. toutes les images sont CC-BY-SA Paul Brown / OCSMag
Le soleil se lève sur un lagon de Minetest.
toutes les images sont CC-BY-SA Paul Brown / OCSMag

Je ne vais pas enfoncer des portes ouvertes et vous dire que Minetest est libre tant au sens de « liberté d’expression » qu’au sens d’« entrée libre », c’est-à-dire gratuit. Il ne vous coûtera pas un sou pour être en droit de le télécharger, de le partager et d’y jouer ; vous n’aurez pas à endurer la moindre magouille de la part d’un vendeur ; il est soutenu par une communauté qui veut simplement construire un jeu vraiment amusant et y jouer, par conséquent de nouvelles fonctionnalités ont tendance à s’ajouter au fil du temps, et aucune ne sera supprimée de façon arbitraire. Je ne veux pas répéter ici ce qui est commun à la plupart des projets de logiciels libres… Bon, trop tard, je viens de le faire. Mais outre tout ce qui précède, Minetest est assez impressionnant par lui-même.

Pour commencer, il est écrit en C/C++, ce qui le rend plus léger et plus rapide que Minecraft. Mais surtout, il fonctionne plus ou moins partout (voyez sa page de téléchargements), que ce soit sur les ordinateurs fonctionnant avec FreeBSD, Windows, GNU/Linux (cherchez-le dans vos dépôts logiciels) et MacOS X ; sur les téléphones Android ; et, chose importante pour l’éducation, il fonctionne aussi sur le Raspberry Pi.

Minetest sur le Raspberry Pi

Faire tourner Minestest sur Raspbian pour Raspberry Pi est relativement simple. Commencez par ouvrir un terminal et saisissez :

sudo apt-get update
sudo apt-get upgrade

pour être certain que le système est bien à jour. Puis installez Minetest avec :

sudo apt-get install minetest

Vous pouvez aussi installer un serveur, des créatures (« MOBs ») et des mods pour étendre les capacités du jeu original. Recherchez-les avec :

apt-cache search minetest

et choisissez ce dont vous pensez avoir besoin.

Une fois que votre gestionnaire de logiciels en a terminé avec l’installation, Minetest devrait être disponible dans le sous-menu Jeux. Mais vous ne pourrez pas y jouer tout de suite !

Minetest nécessite OpenGL, une collection de bibliothèques 3D libres. Pour activer OpenGL, lancez :

sudo raspi-config

Sélectionnez Options avancées, puis AA GL Driver, Activer et OK. Ceci démarrera le pilote expérimental OpenGL pour votre bureau.

Redémarrez votre Pi. Quand vous serez de retour sur votre bureau, vous pourrez démarrer Minetest normalement.

N.B. : Il se peut que vous ayez besoin de désactiver le pilote OpenGL pour pouvoir jouer à Minecraft.

Ce qui est bien, c’est que mises à part certaines fonctionnalités pour la gestion des écrans tactiles, ça reste le même jeu. Même la version pour Raspberry Pi est exactement identique à la version PC. Cela constitue déjà un bon atout par rapport à Minecraft qui, sur Raspberry Pi, est très limité et ne fournit pas du tout la même expérience que son équivalent sur PC. Je le sais, car à une époque, j’ai écrit à propos de Minecraft sur le Pi, et depuis, les choses n’ont pas changé d’un iota.

Vous pouvez télécharger Minetest pour votre système d’exploitation, ou si vous avez la chance d’utiliser une distribution GNU/Linux, laisser votre gestionnaire de logiciels faire le gros du travail à votre place. Vous pourrez aussi trouver quelques extras dans les dépôts de votre distribution : un serveur Minetest évidemment, et des paquets de mods fournissant des créatures, une météo, etc.

 

Tout est affaire de Mods

C’est l’une des principales différences entre Minecraft et Minetest : dans ce dernier, presque tout est un mod. En fait, si vous lanciez Minetest sans aucun mod, vous vous retrouveriez à vagabonder dans un monde constitué exclusivement de blocs de pierre. Le jeu Minetest standard est principalement un catalogue de mods, de blocs (« nodes » dans le jargon Minetest), de textures et de sons ajoutés au moteur de jeu. Jetez un coup d’œil dans le dossier games/minetest_game situé dans le dossier partagé minetest/ et vous comprendrez ce que je veux dire.

Vous pouvez installer de nouveaux mods en les téléchargeant depuis le wiki du site Minetest. Ensuite, vous les déposez dans le dossier mods/ (créez-le s’il n’existe pas) situé dans votre dossier minetest/. Veuillez noter que sous GNU/Linux, le dossier peut être caché, dans ce cas recherchez .minetest/ dans votre dossier home.

Admettons que vous vouliez une météo, de la pluie, de la neige et des choses du genre, dans votre monde ? Allez dans votre dossier minetest/mods/

cd minetest/mods/

ou bien

cd .minetest/mods/

et téléchargez le mod météo :

git clone https://github.com/Jeija/minetest-mod-weather.git

Le mod est maintenant installé. C’était facile, non ?

Tout ce qu’il vous reste à faire, c’est de l’activer.

Un dépôt de Mods pour Minetest

Si vous exécutez la version 0.4.10 de Minetest, vous avez peut-être remarqué un bouton Online mod repository sous l’onglet Mods du menu.
Lorsque vous cliquez dessus, il ne se passe pas grand-chose. Si vous consultez le fichier debug.txt dans votre répertoire minetest, vous constaterez que le programme essaie de se connecter à une page web des forums Minetest qui n’existe plus. Selon les développeurs, le dépôt de mods, ainsi que l’installation de ceux-ci à partir du jeu lui-même, sont actuellement une expérimentation infructueuse, mise en pause jusqu’à ce qu’ils trouvent quelqu’un pour implémenter un modèle fonctionnel et évolutif.
Dans la version de développement 0.4.13 de Minetest, ce bouton n’existe plus.
Bonne nouvelle pour les utilisateurs de Minetest sous Android néanmoins : il existe une application qui installe les mods de façon transparente sur votre mobile. Elle est disponible sur Google Play et marche très bien.

Démarrez Minetest, et si ce n’est déjà fait, créez un nouveau monde en cliquant sur le bouton Nouveau dans l’onglet Solo. Une nouvelle boîte de dialogue apparaît. Donnez un nom à votre monde et laissez le reste tel quel. Cliquez sur Créer.

Une fois votre monde sélectionné, cliquez sur le bouton Configurer. Cela vous affiche une liste des mods disponibles. Double-cliquez sur weather et il passera du blanc au vert. Cela signifie que ce mod sera activé quand vous lancerez votre monde.

Cliquez sur Jouer et le mod weather ouvrira les canalisations d’eau de temps en temps. Si vous êtes impatient, vous pouvez faire pleuvoir en ouvrant le HUD ([F10]) et en saisissant :

/setweather rain

ou bien

/setweather snow

à l’invite de commande.

Pour l’arrêter, saisissez :/setweather none

Si un message d’erreur apparaît et vous indique que vous n’avez pas les permissions pour démarrer et arrêter la pluie, essayez de vous les octroyer vous-même en saisissant :

/grant [votre nom de joueur] weather

dans le HUD.

Faites tomber la neige avec le mod weather
Faites tomber la neige avec le mod weather

Quasiment toutes les touches de F1 à F12 ont une fonction, chacune peut être consultée sur le site de Minetest, en même temps que les autres paramètres du clavier. Parmi les plus utiles, on trouve :

Touche Fonction 2nd appui
F5 Affiche les coordonnées du joueur Affiche les statistiques du serveur
F7 Modifie la vue caméra Cycle parmi les vues caméra
F9 Ouvre une mini-carte Agrandit le zoom
F10 Ouvre le HUD Ferme le HUD
F12 Prend une capture d’écran

 

En parlant du HUD… De toutes les touches ci-dessus, F10 est peut-être celle qui mérite que l’on s’y attarde. Le HUD, ou Head Up Display (affichage tête haute), vous permet de saisir des messages dans le chat ou des commandes qui vous permettent de faire davantage de choses qu’avec de simples appuis de touches.
En saisissant :

/teleport 500,5,500

par exemple, vous pouvez directement vous rendre aux coordonnées (500, 5, 500) – si vous avez le pouvoir de téléportation, je précise.

/time 9:00

réglera l’heure du jour sur 9 heures du matin.

Utilisez le HUD pour tchater ou taper des commandes
Utilisez le HUD pour tchater ou taper des commandes

/sethome

Cette commande définit un point, par exemple, là où vous avez construit votre refuge, où vous pouvez toujours vous téléporter avec la commande :

/home

…utile si vous êtes perdu ou en danger.

Pour envoyer un message à un autre joueur, vous pouvez utiliser :

/msg [nom du joueur] [message]

La commande :

/msg Paul Bonjour Paul !

envoie « Bonjour Paul ! » au joueur de ce nom. Vous pouvez également envoyer des messages à tous les joueurs ou des messages privés comme décrit ci-dessus en appuyant sur la touche `t` (pour talk, parler en anglais).

Si vous administrez votre propre monde, vous pouvez utiliser le HUD pour envoyer des instructions afin de contrôler les joueurs indisciplinés, ainsi que des commandes spécifiques à certains mods (telles que la commande /setweather que nous avons vue plus haut). Pour obtenir la liste complète des commandes, saisissez :

/help all

 

Jouer au jeu

Créez un fourneau pour transformer les minerais en lingots.
Créez un fourneau pour transformer les minerais en lingots.

Est-ce vraiment différent de jouer à Minetest, en comparaison d’avec Minecraft ? Très peu en fait. La plupart des raccourcis clavier sont exactement les mêmes et, bien sûr, il y a toute la partie fabrication. Vous n’avez pas besoin de session d’apprentissage dans Minetest. Appuyez simplement sur la touche [i] et vous accéderez à tous les emplacements contenant les matériaux et objets que vous transportez avec vous, ainsi qu’une grille de fabrication. Cela dit, vous aurez besoin de construire un fourneau pour fondre le minerai en lingots.

À côté des haches, des pelles et des épées, un autre outil très utile (et spécifique à Minetest) que vous devriez construire est le tournevis. C’est une bonne idée d’en fabriquer un assez tôt dans le jeu, dès que vous avez du bois et du fer. Le tournevis vous permet de changer l’orientation des autres objets. Si vous fabriquez des escaliers, par exemple, et que vous les disposez dans le mauvais sens, placez le tournevis dessus et vous pourrez les faire tourner sur eux-mêmes.

Différents mods ajoutent de nouveaux objets que vous pourrez fabriquer et de nouveaux matériaux bruts ou transformés. Le module Technic, par exemple, ajoute toutes sortes de trucs hi-tech, depuis le fil en cuivre pour les circuits électriques, jusqu’aux forets en diamant. Ce mod est continuellement mis à jour. L’un des plus récents ajouts est le réacteur nucléaire, qui est utile, mais aussi dangereux !

Bien que l’intérêt de Minetest ne réside pas tant dans le combat contre des monstres (et c’est pour ça que les créatures ne sont pas incluses par défaut) que dans la construction, la présence de créatures menaçant votre propriété peut certainement rendre les choses plus amusantes. Mais ce qui est encore plus amusant cependant, c’est de construire et protéger sa propriété avec des amis.

Serveur Minetest

Monter un serveur Minetest pour vos amis, vos collègues ou votre école est facile. Minetest est constitué de deux parties : le client, qui est le programme avec lequel vous interagissez directement, et un serveur, qui génère le monde, gère les joueurs, leur localisation et leur inventaire, et avec lequel vous interagissez indirectement.
Lorsque vous jouez en solo, vous faites tourner un serveur pour vous seul. En fait, si vous voulez inviter des amis dans le monde dans lequel vous jouez, vous pouvez quitter votre partie et revenir au menu, et dans l’onglet « Serveur », cocher l’option « Public ». Si vos amis sont sur le même réseau, il leur suffira de se connecter à votre adresse IP avec leurs propre clients et de commencer à jouer.

Un serveur dédié

Bien que vous puissiez vouloir éviter de faire tourner un serveur Minetest pour votre organisation en arrière-plan sur le poste de travail de quelqu’un, vous n’avez pas besoin d’une machine exclusivement dédiée à Minetest. Minetest est conçu pour être léger et, avec la puissance du matériel moderne et les capacités disque qui de nos jours atteignent le téraoctet, une tour standard suffira.

Héberger un serveur Minetest sur votre serveur de fichiers ou d’impression fera probablement l’affaire, tant que vous faites attention à sa sécurisation (voir ci-dessous).

Même un Raspberry Pi conviendra pour servir de façon réactive une demi-douzaine d’utilisateurs environ. Cependant, s’il y a beaucoup plus de joueurs, des créatures errant ici et là, de nombreuses fabrications et que de vastes explorations ont lieu, vous pourriez trouver que le Pi commence à ramer et vous devrez alors opter pour une configuration plus musclée.

Si vous prévoyez quelque chose de plus ambitieux, peut-être un serveur public ou un serveur pour votre école entière, vous devriez envisager une machine sur laquelle le serveur Minetest pourra tourner sans interface graphique.

Sur Debian GNU/Linux ou sur un système basé sur cette distribution (comme Ubuntu, Mint ou Raspbian), saisir :
su
apt-get install minetest-server

sur Debian, ou bien :
sudo apt-get install minetest-server
pour Ubuntu, Raspbian et Linux Mint pour installer le serveur autonome.

Vous pouvez démarrer le serveur à la main sans être administrateur en saisissant :
minetestserver --info
Le paramètre –info vous informera des problèmes éventuels et affichera aussi des événements, par exemple quand un utilisateur se connecte au serveur pour jouer.

C’est une bonne méthode pour vérifier que tout fonctionne, mais les développeurs de Minetest recommandent, pour des raisons de sécurité, d’utiliser un utilisateur standard n’ayant pas les droits de super-utilisateur (sudo) pour faire tourner le serveur. Stoppez le serveur en appuyant sur les touches [Ctrl]+[c] et créez un utilisateur avec la commande suivante :

su
adduser minetest

si vous utilisez Debian, ou :

sudo su
adduser minetest

si vous utilisez Ubuntu, Mint ou Raspbian.

Définissez le mot de passe pour le nouvel utilisateur. Vous pouvez laisser tous les autres champs vides.

Quittez la session super-utilisateur (exit), connectez-vous en tant qu’utilisateur minetest et déplacez-vous dans son répertoire personnel :

exit
su minetest
[saisissez le mot de passe de minetest]
cd

Lancez à nouveau minetestserver en tant que ce nouvel utilisateur.

Vous pouvez aussi jouer sur les serveurs publics d'autres joueurs.
Vous pouvez aussi jouer sur les serveurs publics d’autres joueurs.

Le serveur Minetest écoute par défaut sur le port 30000 (bien que vous puissiez le changer avec le paramètre –port), donc vous devrez autoriser cet accès au niveau de votre pare-feu et faire suivre vers ce port au niveau de votre routeur si vous lancez le serveur sur votre réseau local et que vous voulez que des joueurs de l’extérieur puissent accéder à votre partie.

Pour installer des mods, copiez-les vers le répertoire /usr/share/games/minetest/games/minetest_game/mods/ et ils seront automatiquement chargés et activés quand le serveur tournera. Pour vérifier que les mods que vous voulez ont bien été chargés, lancez le jeu, ouvrez le HUD ([F10]) et saisissez /mods.

Si vous voulez restreindre l’accès à votre serveur, car vous ne voulez jouer qu’avec vos amis et ne souhaitez pas que des inconnus viennent gâcher la fête, créez un fichier .conf et chargez-le au moment de lancer le serveur.

Un fichier .conf Minetest est un fichier texte avec une série de paires clef = valeur sur chaque ligne. Si vous voulez limiter les utilisateurs à vos seuls amis, vous pouvez par exemple demander à ce que les joueurs utilisent un mot de passe et définir un mot de passe initial que seuls vous et vos amis connaissez. Le fichier .conf devrait ressembler à ça :

name = Mon Minetest
disallow_empty_password = true
default_password = MotDePasseSecret
motd = Si ce n'est pas déjà fait, merci de changer votre mot de passe.

où MotDePasseSecret est le mot de passe que vous communiquez à vos amis.

Cela affichera aussi un message à tous les utilisateurs leur demandant de changer leur mot de passe par défaut. Les utilisateurs peuvent changer leur mot de passe en appuyant sur [Échap] (ou sur le bouton retour sous Android) depuis le jeu et en cliquant sur le bouton Changer le mot de passe.

Changer son mot de passe depuis le menu utilisateur
Changer son mot de passe depuis le menu utilisateur

Démarrez le serveur en saisissant :

mineetestserver --config /chemin/vers/votre/fichier/de/configuration.conf

pour le forcer à charger votre fichier .conf.

Vous trouverez un exemple de fichier de configuration avec beaucoup d’autres options sur le dépôt GitHub de Minetest.

Une fois que tout est opérationnel, vous pouvez octroyer des privilèges à chaque utilisateur comme bon vous semble en éditant le fichier auth.txt que vous trouverez dans le répertoire de votre monde. Chaque ligne ressemble à ça :

Paul:x69lFMHqU/qrUHlRoCpIF34/56M:interact,shout

Vous voyez trois champs séparés par deux points (:). Vous avez d’abord le nom d’utilisateur, puis une version chiffrée de son mot de passe et enfin une liste séparée par des virgules de ses privilèges. Vous pouvez ajouter des privilèges en complétant la liste :

Paul2:x69lFMHqU/qrUHlRoCpIF34/56M:interact,shout,home

Le privilège « home » permet à un joueur d’utiliser les commandes /sethome et /home que nous avons vues précédemment.

Une autre manière d’accorder des privilèges est d’accorder le privilège « privs » à votre propre joueur. Ensuite, vous pourrez accorder de nouveaux privilèges directement depuis le HUD. La commande :

/grant [player name] home

permet d’accorder le privilège « home » à un joueur. Vous pouvez aussi vous accorder plus de privilèges de cette manière.

Vous pouvez révoquer les privilèges d’un joueur en saisissant :

/revoke [player name] [privilege]

Pour voir les privilèges dont vous disposez :

/privs

dans le HUD, ou bien :

/privs [player name]

pour voir les privilèges qu’un autre joueur possède.

Une fois que vous êtes satisfait de la configuration de votre serveur, vous pourriez souhaiter configurer votre système de façon à démarrer Minetest à chaque fois que vous allumez votre ordinateur. Pour ce faire, vous pouvez créer une tâche cron qui s’exécute au démarrage.

Accédez à votre utilisateur minetest depuis une fenêtre de terminal, et ouvrez l’éditeur crontab avec la commande :

crontab -e

Ajoutez à la fin du fichier une ligne semblable à celle-ci :

@reboot /usr/games/minetestserver --config /chemin/vers/votre/fichier/de/configuration.conf

Vous devez également ajouter toute autre option dont vous auriez besoin, comme le nom du monde que vous voulez charger au démarrage, le port sur lequel vous voulez que votre serveur écoute, etc. Pour voir une liste complète des commandes possibles, saisissez :

minetestserver --help

dans un terminal.

La plupart des distributions GNU/Linux modernes, dont Debian, Ubuntu, Mint et Raspbian, utilisent désormais systemd pour gérer des choses comme les démons et les services. Les versions futures de Minetest tireront profit de ce sous-système, installeront automatiquement les fichiers de configuration et créeront un utilisateur pour les exécuter.

Un outil pédagogique

L’argument majeur en faveur de l’utilisation de Minetest par rapport à une alternative propriétaire est sa modularité. Les débutants apprécieront le fait de pouvoir modifier toutes les caractéristiques de leur personnage et des différents objets à l’intérieur du monde qu’ils ont créé.

Même les formes des personnages peuvent être modifiées en utilisant Blender
Même les formes des personnages peuvent être modifiées en utilisant Blender

Il existe même un mod wardrobe (armoire) que l’administrateur du serveur peut remplir de textures personnalisées afin que les joueurs puissent changer leur apparence en cours de jeu.

La modularité va au delà de la simple esthétique cependant, et les développeurs de Minetest ont créé un framework complet séparé du programme principal, qui permet aux utilisateurs de créer de nouveaux blocs et d’en ajuster le comportement, de concevoir de nouveaux objets à fabriquer, et de construire pratiquement tout ce que vous pouvez imaginer. Vous pouvez également créer des mods qui affecteront le comportement du monde et vous permettre, par exemple, de créer des parties depuis le jeu Minetest lui-même.

Prenez par exemple l’ensemble de mods éducatifs listés sur le wiki de Minetest. Cela va de paquets apportant de simples blocs illustrés de lettres et de nombres, jusqu’à des mods qui rendent Minetest compatible avec l’API Python de Minecraft pour Raspberry Pi.

Voyons un exemple.

Les blocks du mod teaching
Les blocks du mod teaching

Le mod Minetest-teaching (l’apprentissage par Minetest) fournit des outils pour créer des casse-têtes arithmétiques et orthographiques. Si les élèves parviennent à les résoudre, vous pouvez les récompenser avec des objets rares ou des blocs.

Pour commencer à l’utiliser, téléchargez-le vers votre répertoire minetest/mods/ :

https://github.com/pbrown66/minetest-teaching.git

Renommez le répertoire en teaching/, sinon ça ne fonctionnera pas. Démarrez Minetest et activez le mod. Pour créer une énigme, par exemple 2+2=, entrez dans le jeu en utilisant le mode créatif et donnez-vous les privilèges de professeur. Pour cela, ouvrez le HUD ([F10]) et saisissez :

/grant [votre nom] teacher

Appuyez à nouveau sur [F10] pour fermer le HUD.

Pour mettre en place l’énigme, creusez une tranchée de 5 blocs de long. Ouvrez l’inventaire ([i]), choisissez l’onglet Nodes (Blocs) et déplacez-vous jusqu’à ce que vous voyiez les blocs d’apprentissage.

Pour l’énigme ci-dessus, vous aurez besoin de quatre blocs lab, d’un bloc checking, de deux blocs allow-dig, de deux blocs 2, d’un bloc +, d’un bloc =, d’un bloc 5 (une mauvaise réponse) et d’un bloc 4 (la bonne réponse).

Posez les quatre blocs lab dans la tranchée en commençant complètement à gauche. Dans le trou qui reste, posez le bloc checking. Placez les blocs 2, +, 2 et = sur les blocs lab comme indiqué ci-dessous.

En posant les blocs qui constituent l’énigme sur des blocs lab, vous les rendez indestructibles et les élèves ne pourront pas détruire de façon accidentelle ou volontaire l’activité proposée.

des blocs vont sur lab pour l'énigme, un emplacement cheking pour répondre, et des emplacement allow dig pour les blocs de réponses.
des blocs vont sur lab pour l’énigme, un emplacement cheking pour répondre, et des emplacement allow dig pour les blocs de réponses.

Cliquez du bouton droit de la souris sur le bloc checking à droite de la tranchée, et une boîte de dialogue apparaîtra. Utilisez-la pour indiquer au bloc quelle est la bonne réponse et lui faire offrir un nugget de sagesse et un prix. Dans l’exemple suivant, la bonne réponse est évidemment 4. Lorsque l’élève trouve la bonne réponse, le message « Bravo ! Voici un diamant. » s’affichera dans son chat et un diamant apparaîtra au-dessus du bloc de solution.

Pour résoudre l’énigme, les élèves doivent saisir les blocs de solution et placer le bon sur le bloc de vérification. Vous pouvez déposer les blocs de solution n’importe où, mais vous devez les placer sur un bloc allow-dig, sinon il deviennent indestructibles et les élèves ne pourront plus le récupérer. Donc, creusez deux trous là où vous souhaitez laisser les blocs de solution, placez un bloc allow-dig à l’intérieur de chacun d’eux, et placez les blocs 4 et 5 sur chacun des blocs allow-dig.

À présent, vous pouvez lâcher vos élèves en liberté dans votre monde.

Quand un élève place une réponse incorrecte (dans notre exemple, le bloc 5) sur le bloc de vérification, rien ne se passe. Il peut le détruire et réessayer. Mais quand il place la bonne réponse (dans notre cas, le bloc 4), l’énigme offre le prix et se verrouille, empêchant l’élève de frapper et de casser le bloc, et de le remettre sans cesse en place pour obtenir une infinité de diamants.

Et la bonne réponse, récompensée par un diamant.
Et la bonne réponse, récompensée par un diamant.

Seul le joueur possédant les droits de professeur peut réinitialiser l’énigme. Il peut effectuer cela en frappant le bloc de solution, en frappant le bloc situé en dessous du bloc de solution et en replaçant et reprogrammant le bloc de vérification.

Blocs de construction

Toute la magie du modding est obtenue grâce à l’utilisation de Lua, un langage de programmation de haut niveau ressemblant par bien des aspects à Python (le langage utilisé dans l’édition Raspberry Pi de Minecraft). C’est un bon choix, car il est clair (vous n’avez pas à vous soucier de symboles étranges comme en PERL, ou de points virgules en fin de ligne comme en C/C++). Il combine les fonctionnalités des langages orientés objet avancés et des langages fonctionnels, et il est spécialement conçu pour la programmation de jeux vidéo.

Bien que ce ne soit pas l’endroit pour enseigner le Lua (il y a déjà d’excellentes ressources en ligne), et qu’expliquer tous les tenants et aboutissants du modding de Minetest allongerait bien trop ce qui est déjà un article excessivement long, regardons au moins l’anatomie d’un mod de type Hello World pour que vous puissiez avoir une idée de la façon de vous lancer.

Ouvrez un éditeur de texte et copiez-y ce qui suit :

minetest.register_on_joinplayer(function(player)
minetest.chat_send_all("Hello " .. player:get_player_name() .. "!")
end)

Voici votre premier mod.

Pour comprendre la première ligne, songez au fait que dans Minetest, la plupart des choses s’exécutent lorsque le joueur fait quelque chose ou que quelque chose se produit dans le monde. On appelle ces choses des événements. Quand un joueur se connecte à un monde Minetest, un événement joinplayer est envoyé. « register_on_joinplayer » est une méthode intégrée qui demande à l’objet minetest de se mettre à écoute d’un tel événement et d’exécuter une fonction quand cela se produit. La fonction est ce que vous pouvez voir entre parenthèses.

Dans notre cas, la fonction prend l’objet « player » (joueur) associé à l’événement et, à la deuxième ligne, extrait le nom du joueur en utilisant la méthode intégrée « get_player_name() ». Le nom renvoyé est stocké dans une chaîne de caractères (notez que « .. » est ce que Lua utilise pour concaténer des chaînes de caractères) qui est ensuite envoyée à tous les joueurs via la méthode intégrée « chat_send_all ».

Une fois que vous avez fini de copier le code, créez un répertoire nommé hello/ dans minetest/mods/ (ou .minetest/mods/) et sauvegardez votre fichier sous le nom init.lua dans votre nouveau répertoire. Vous pouvez aussi créer un fichier texte dans le répertoire hello/ avec une brève description du module – enregistrez-le sous le nom description.txt et il apparaîtra dans l’onglet Mods du panneau de contrôle de Minetest.

Activez le mod et tous les joueurs seront salués lorsqu’ils se joindront à la partie.

Votre mod apparaîtra dans le panneau de contrôle.
Votre mod apparaîtra dans le panneau de contrôle.

Pour en savoir plus sur la manière d’écrire des mods Minetest, consultez le wiki officiel du site des développeurs et jetez un œil aux méthodes Minetest. Cela vous donnera une idée de ce que vous pouvez faire avec le framework Lua. N’oubliez pas non plus d’étudier la façon dont vous devriez organiser les bricoles à l’intérieur de votre répertoire mod.

Mises en garde

Minetest est assez génial, mais bien entendu, il n’est pas parfait. La complexité des composants logiciels sous-jacents fait que le client comme le serveur peuvent planter de temps en temps… Ou du moins, c’est ce que les développeurs me disent. Il est intéressant de noter qu’au cours des recherches consacrées à cet article, je n’ai fait l’expérience d’aucun plantage, même quand j’utilisais la branche de développement instable.

Voici un problème bien plus réel : si Minetest aspire à être utilisé en tant que logiciel éducatif, ce qui devrait être le cas, il ne doit pas seulement rivaliser avec le poids lourd Minecraft sur ses mérites, mais aussi avec le fait que Minecraft arrive pré-installé dans Raspbian pour le Raspberry Pi et avec son interface Python.

Même si l’API Lua de Minetest est bien plus puissante que le Python de Minecraft, à tel point que ce dernier passe pour un joujou en comparaison, et que Dieu me garde de préconiser l’adoption d’une technologie seulement parce que c’est le standard de fait, il faut bien prendre en compte la résistance naturelle de l’humain au changement. Demander aux professeurs de changer à la fois de jeu et de langage de programmation va être difficile à vendre.

La modularité est un autre aspect à prendre en compte. Je l’ai dit tout à l’heure, c’est l’une des raisons qui font de Minetest un jeu génial, mais elle peut être intimidante pour les nouveaux utilisateurs. Une installation basique de Minetest est un peu spartiate : pas de créatures, pas de survie, pas de nourriture, pas de météo… On excuserait facilement un nouvel utilisateur qui, y jouant pour la première fois, se dirait que Minetest n’est qu’une très pâle copie de Minecraft. Je suggérerais la création d’une « version grand public » de Minetest, qui embarquerait le plus grand nombre possible de fonctionnalités de Minecraft que les joueurs attendent de trouver, et qui par conséquent éviterait de décevoir les nouveaux venus.

Pour terminer, il y a ma bête noire que j’évoque très souvent : la documentation. J’ai souvent dû m’en remettre au canal IRC de Minetest. Les wikis de Minetest, bien qu’ils affichent un nombre d’index impressionnant, contiennent beaucoup trop de sections vides. Les exemples de code, quand ils existent, sont inexpliqués et non commentés. Il n’y a pas de tutoriels « apprendre par la pratique ». Quand vous posez la question, les moddeurs les plus expérimentés (qui sont par ailleurs très patients et serviables) mentionnent tout le temps un fichier texte spécifique qui contient des descriptions courtes et souvent énigmatiques des modules et des attributs. Encore une fois, il n’y a pas d’exemples dans ce document qui aideraient les nouveaux utilisateurs à comprendre les outils offerts par l’API.

Conclusion

Minetest a parcouru un chemin incroyable depuis la dernière fois où nous en avions parlé. Le seul fait qu’il fonctionne sur toutes les plateformes, que ce soit GNU/Linux, Windows, OS X, Android ou Raspberry Pi, le place clairement en tête de la compétition. Il a développé une communauté saine et dynamique, et étant open source et doté d’une API ouverte relativement facile à utiliser, il a bénéficié littéralement de centaines d’extensions et de mods.

En tant qu’outil éducatif/collaboratif à destination des jeunes (et des adultes), il est idéal, même meilleur que Minecraft, en raison de sa nature ouverte et libre et de la puissance du polyvalent framework Lua. C’est logique : Minecraft a été décrit à une époque comme un « Lego social » et est vénéré parce qu’il encourage la collaboration, mais qu’y a-t-il de plus social et de plus collaboratif qu’un logiciel libre ouvert jusqu’à son code source ?

Pour aller plus loin :




Emmabuntüs n’est pas une distribution « de pauvres »

On les connaît bien, les copains d’Emmabuntüs, on les a déjà cuisinés plusieurs fois, mais on aime bien les titiller, parce qu’ils ont de l’humour.
On leur a demandé ce qu’il y avait de neuf du côté de chez eux.

Bon alors vous faites une action pour les pauvres, et vous leur donnez une version pauvre d’Ubuntu ? Vous trouvez qu’ils peuvent se contenter d’une version simplifiée ?

David : Nous ne faisons pas vraiment cela pour les « pauvres », mais pour ceux qui pensent que l’informatique doit être accessible à tous, sans condition de revenus.

Et surtout, nous pensons que donner une seconde chance à un ordinateur est un choix, celui de réduire la quantité de déchets, et que pour faciliter ce choix, le prix est un des critères, c’est pour cela que souvent les ordinateurs proposés le sont à un prix attractif.

Emmabuntüs est une version simplifiée de Ubuntu dans le sens « accessible » ce qui veut dire que des débutants peuvent s’en servir, mais vous pouvez aussi très bien développer un logiciel avec, ou mettre au point un serveur de SMS pour faire du recensement de population. Le système reste une Ubuntu (bientôt une Debian), et en conserve donc toutes les possibilités.

Emmabuntüs n’est donc pas une distribution « de pauvres », mais une distribution « pour tous » 🙂 utilisée à la fois par des personnes dans le besoin et des startups très rentables. C’est ce qui fait sa force : http://emmabuntus.sourceforge.net/mediawiki/index.php/L_age_de_faire_Mars_2014

Papy du 18 : « des débutants peuvent s’en servir », ça m’intéresse… mais concrètement, comment ça se passe si je veux essayer Emmabuntüs ? Il faut que j’aille chez Emmaüs à Bourges avec mon ordinateur et on me l’installe ? Ou bien il faut que je me débrouille tout seul même si je n’y connais rien, n’ayant pas touché à un ordinateur depuis Windows 95 ? (j’ai arrêté leurs trucs d’Internet à l’époque parce que les stridences du modem me donnaient des acouphènes)

David : Eh bien le plus simple est de trouver une « install party » près de chez toi (terme barbare désignant un regroupement de gentils geeks prêts à aider les gens à installer une distribution sur leur ordinateur). Tu y trouveras toute l’aide pour installer Emmabuntüs sur ton ordinateur et apprendre à l’utiliser. Tu peux aussi demander au « GULL » local (groupe d’utilisateur de Logiciels Libres), qui t’assistera, je crois qu’il y en a un à Bourges. Si tu connais des gens utilisant Linux, ils pourront aussi certainement t’aider car la procédure d’installation est très similaire à celle des autres distributions.

Patrick : Une autre solution consiste à acheter un ordinateur sous Emmabuntüs à petit prix dans les structures qui utilisent notre distribution : http://reemploi.emmabuntus.org. De plus cela participe à relocaliser l’économie, et à la réduction des déchets informatiques par leur réemploi.

Mamie de Paris : Emmabuntüs c’est le mot-valise entre Emmaüs et Ubuntu. La naissance de cette distribution est-elle une commande d’Emmaüs ? Êtes-vous considérés comme « compagnons » ?

David : Emmabuntüs est en fait le fruit du travail d’un bénévole à la communauté Emmaüs de Neuilly-plaisance, Patrick, qui à l’époque reconditionnait des ordinateurs. Afin de faciliter son travail et celui des compagnons travaillant avec lui, il a commencé à créer des scripts avec le logiciel « AutoIt » sous Windows et permettant d’automatiser certaines tâches. Petit à petit Linux et les logiciels libres se sont imposés comme le choix le plus évident par leur grande adaptabilité, la possibilité de les modifier et diffuser librement. Une Ubuntu a donc été modifiée pour donner naissance à Emmabuntüs.

Fred de Paris : En gros, c’est toujours compliqué avec le noyau dur d’Emmaüs ? Je me souviens que votre discours n’était pas super bien accueilli…

David : En fait petit à petit des gens au sein d’Emmaüs commencent à considérer notre travail, qui facilite quand même bien le leur, et donc nous nous faisons notre place au sein de la communauté.

Patrick : Nous avons de plus en plus de communautés Emmaüs qui utilisent notre distribution, et aussi des associations indépendantes du mouvement Emmaüs, et voici une liste des structures recensées qui utilisent Emmabuntüs : http://reemploi.emmabuntus.org.

Mamie de Paris : N’avez-vous pas l’impression de surcharger la distribution en y mettant plusieurs logiciels qui font exactement la même chose ? Plusieurs suites bureautiques, plusieurs lecteurs vidéos….

David : (sourire) La distribution est de plus en plus utilisée dans des structures reculées qui n’ont pas facilement accès à internet, et qui ont à intervenir dans des domaines très variés tels que des écoles, des centres sociaux, mais aussi des EPN et des centres de formation. Elle est même utilisée par certains indépendants et bien sûr par de nombreuses familles. Nous avons donc inclus le plus possibles d’outils en respectant la contrainte des 4Go (taille de la partition FAT pour démarrer sur la clé USB), afin que nos utilisateurs disposent d’une boite à outils qu’ils peuvent ensuite adapter à leur usage.

Libriste mordicus : Vous utilisez une distribution libre fournie avec des logiciels libres installables sans Internet. Pourquoi avez-vous fait le choix d’y ajouter des logiciels privateurs comme Skype ou Ghostery ?

David : Le but de Emmabuntüs est de fournir une distribution pour le reconditionnement et la réduction de la fracture numérique, des logiciels comme Skype sont très utilisés et permettront aux utilisateurs, souvent novices en informatique, de retrouver leurs outils familiers, ils pourront petit à petit basculer vers les logiciels libres en découvrant ceux fournis avec la distribution. En fait c’est un peu comme faire la promotion du libre sur Facebook : il faut aller chercher les utilisateurs là où ils sont [et pan, dans ta frama-face, à force de les chercher…], et souvent par méconnaissance du libre ce sont des réseaux et logiciels propriétaires qui sont utilisés.

Patrick : Concernant le logiciel privateur Ghostery, quand nous l’avons utilisé sur Emmabuntüs 2 nous ne savions pas que celui-ci n’était pas libre, et quand nous l’avons su nous l’avons remplacé par son équivalent libre nommé Disconnect en juin 2014.

Fred de Paris : Mais alors c’est pas 100% libre ?

David : Pas tout à fait, mais d’une part l’installation de la partie non libre est optionnelle, mais surtout nous faisons la promotion du libre par les documents et logiciels libres livrés avec la distribution en essayant de tendre vers le 100% libre.

Mamie de Paris : Quels sont vos rapports avec les communautés libristes ? Avec quels GULLs interagissez-vous ?

David : Nous avons évidemment beaucoup de contacts avec les libristes, à la fois membres des projets et blogueurs qui relaient nos articles, voire même souvent écrivent sur nos actions. Nous avons beaucoup échangé avec Ubuntu-fr par notre présence aux premiers samedis et aux Ubuntu Parties.

Patrick : Nous travaillons avec quelques GULL, comme Montpel’libre, les JerryClan France, Côte d’Ivoire, Togo, Cameroun, etc, et surtout de nombreuses associations qui veulent s’inscrire dans une démarche de réemploi des ordinateurs comme PC de l’Espoir, THOT Cis, TriRA, pas uniquement sur la partie distribution GNU/Linux, car notre but premier est l’action humanitaire par le réemploi, et la distribution que nous développons n’est qu’un vecteur pour atteindre ce but.

Libre_En_Fête_2016 à Lannion
Libre_En_Fête_2016 à Lannion

 

Mamie de Paris : Quels sont vos rapports avec les développeurs des logiciels que vous installez ? Respectez-vous les licences et les versions ?

David : Nous en respectons les licences, après, concernant les versions, nous essayons d’inclure les nouveautés quand elles ne posent pas de problème aux utilisateurs car il sera pour beaucoup d’entre eux difficile de s’adapter.
Nous avons des contacts avec les développeurs des logiciels quand ils nous aident ou que nous leurs transmettons les retours de nos utilisateurs, ou bien encore quand nous demandons à inclure certains travaux dans Emmabuntüs, il nous arrive aussi de communiquer avec eux lorsque nous écrivons dans notre blog pour être sûrs d’avoir les bonnes informations concernant leurs actions.

Mamie de Paris : Reversez-vous vos améliorations à la communauté Ubuntu-Fr (ou une autre) comme la licence l’y encourage ?

David : Heuuu, nous pêchons un peu sur ce sujet, en effet nous n’en avons pas le temps. Nous espérons cependant que la promotion faite d’Ubuntu à partir de Emmabuntüs et les contacts que nous avons avec la communauté Ubuntu-fr contribuent à rendre Ubuntu toujours meilleure. 🙂

Patrick : Nous ne participons pas à l’amélioration des communautés du logiciel libre, simplement car nous ne développons pas de code indépendant de notre distribution, qui puisse être intégré dans d’autres distributions. Notre travail pour Emmabuntüs se borne au choix des logiciels utilisés, leur personnalisation, et à des scripts qui permettent l’installation de la distribution et les choix par exemple installer ou pas les logiciels non libres lors de la post-installation.

Notre apport au monde du logiciel libre est de sensibiliser les utilisateurs néophytes à GNU/Linux sur la pertinence d’utiliser des logiciels libres pour prolonger la durée de vie de leur ordinateur, de former des reconditionneurs à la mise en œuvre de distribution GNU/linux pour le réemploi d’ordinateurs. Nous pensons que notre travail est de plus en plus utile et apprécié au regard des associations humanitaires qui utilisent notre distribution (éventuellement complétée des données de culture libre) dans le cadre de leurs beaux projets comme par exemple Ailleurs Solidaires et YovoTogo.

 Photo : Remise d’ordinateurs sous Emmabuntüs par Ailleurs Solidaires à Akashganga Intl Academy en décembre 2015
Photo : Remise d’ordinateurs sous Emmabuntüs par Ailleurs Solidaires à Akashganga Intl Academy en décembre 2015

 

Fred de Paris : Vous êtes potes avec des gens bizarres qui mettent des ordis dans des bidons. Pourquoi ils font ça ? Votre lien est-il toujours aussi fort ?

David : Hahahaha ouiiiiiiiiiii et plus que jamais, en fait quand nous avons rencontré les gens de Jerry DIT, ils ont rapidement adopté Emmabuntüs sur les Jerry, qui sont des ordis reconditionnés dans des bidons. Cette initiative s’est propagée bien au delà de l’Europe, surtout en Afrique où les « Jerry Clans » sont très vite apparus comme les ancêtres des labs que nous connaissons aujourd’hui. Jerry c’est le partage, l’opposition du faire ensemble si cher au logiciel libre à la culture du Do It Yourself malheureusement récupéré par les entreprises. Jerry, main dans la main avec Emmabuntüs, a donné naissance à des cyber Cafés (Jerry Cyber en Côte d’Ivoire), mais aussi à pas mal de salles d’informatique et d’ateliers au Bénin, Togo, Côte d’Ivoire, Gabon…

Le lien reste très fort oui, et nous espérons vraiment qu’il le restera. Même si les deux projets restent indépendants, nous nous soutenons mutuellement parce que nous sommes faits pour avancer ensemble. Un des membres de notre collectif est justement en train de créer Jerry Clan Cameroun avec sa fiancée, mais je ne balancerai pas. 😀

Jerry fonctionnant sous Emmabuntüs qui a permis à l'Ayiyikôh FabLab obtenir le prix de la meilleure application à l'Africa Web Festival 2015 avec l'application Gbame qui donne l'itinéraire des bus à Abidjan
Jerry fonctionnant sous Emmabuntüs qui a permis à l’Ayiyikôh FabLab d’obtenir le prix de la meilleure application à l’Africa Web Festival 2015 avec l’application Gbame qui donne l’itinéraire des bus à Abidjan

 

Fred de Paris : Et alors, elle a évolué comment, la distribution ? Vous dites qu’elle va être basée sur Debian ? Qu’est-ce qui vous a fait changer ?

David : Debian nous permettra une plus grande souplesse, et surtout une plus grande stabilité dans la base utilisée pour construire la distribution. Les versions testing sont maintenues très longtemps, sont stables et éprouvées. Nous garderons les dépôts Ubuntu pour les logiciels qui nécessitent une version récente. Debian est aussi de base plus légère et les versions 32 bits sont toujours maintenues. Cela nous permet de continuer à assurer aux reconditionneurs la continuité de Emmabuntüs en 32 bits pour les vieux ordis.

Patrick : Effectivement nous venons de sortir la version Beta de l’Emmabuntüs DE (Debian Edition) en février 2016, grâce à l’aide précieuse de membres d’autres communautés comme : Arpinux et Thuban de la distribution HandyLinux, Mamahadou et Moussa de l’Ayiyikôh Incubator, François de Multisystem, Nicolas de Montpel’libre et les blogueurs Frédéric Bezies et Rodolphe. Nous comptons sortir la version 1.00 pour fin mai début juin de cette année.

Fred de Paris : Vous mettriez pas Tonton Roger comme moteur de recherche par défaut ? Ça vous rapporterait pas un rond, je vous préviens. Ce serait pour l’élégance du geste…

David : Tu parles de Framabee ? [nan, je parle de Tonton Roger, on lui a donné un nom rigolo, faut que ça serve] Je pense que nous le pouvons oui, il est vraiment très agréable à utiliser.

Patrick : Nous sommes toujours partant pour intégrer des applications innovantes et libres des amis du monde Libre, par contre nous avons une nouvelle contrainte liée à notre diffusion internationale (la France ne représentant plus que 25 % de nos téléchargements) qui nous oblige pour les moteurs de recherche d’être en plusieurs langues. Après avoir abandonné G…. au profit de StartPage nous l’avons remplacé par Qwant car des utilisateurs anglophones nous ont informé qu’ils n’arrivent pas à basculer facilement la langue par défaut du moteur. Par contre nous garderons toujours sur notre fond d’écran cette phrase en français que nous devons à nos amis de Framasoft : « Un jour, le monde sera libre ! », et sans qui Emmabuntüs n’aurait jamais existé.

Merci beaucoup de nous avoir aidé dans cette belle aventure, et grâce à vous nous venons de fêter les 5 ans de notre collectif. Nous allons poursuivre celle-ci grâce au soutien de nos amis de Montpel’libre, YovoTogo, Ailleurs Solidaires, PC de l’Espoir, THOT Cis, TriRA, les JerryClan France, Côte d’Ivoire, Togo,  Ayiyikôh FabLab, BloLab, Je suis Jerry et bien sûr le DouaLab  😉

Salle informatique du village de Nayéga
Photo : Salle informatique du village de Nayéga, région des Savanes au nord Togo équipée par YOVOTOGO et JUMP Lab’Orione

 




Silex, le logiciel en ligne pour créer son premier site web

Lorsque l’on veut créer sa première page web, on se heurte très vite à la problématique de l’apprentissage du code. Si l’on n’est pas développeur, on cherchera donc à avoir une solution permettant de créer sa première page via des menus et des clics au sein d’une interface graphique. Les plus anciens d’entre nous se rappelleront feu Frontpage, la solution propriétaire de Microsoft incluse dans Office dans les années 2000. Les libristes eux se rappelleront Nvu… Ces solutions visuelles sont souvent maladroites et limitées, mais voici le logiciel en ligne Silex, qui vous permettra de vous initier au web design mais aussi d’aller jusqu’au code CSS quand vous aurez progressé, grâce à l’éditeur avec visualisation instantanée.

Logo Silex

À savoir : Silex est issu du monde associatif, Silex Labs est une association à but non lucratif, qui organise régulièrement des ateliers sur des langages et des logiciels libres, luttant contre la fracture numérique. L’association maintient le logiciel libre Silex pour permettre à ses membres d’initier des novices au web design, afin qu’ils puissent réaliser des sites internet sans savoir coder et aussi pour qu’ils s’initient aux langages du Web (HTML5, CSS3, Javascript). Des vidéos et des tutoriels sont disponibles gratuitement sur le blog de l’association et sur la chaîne YouTube de l’association.

À l’occasion de leur campagne de financement participatif, nous avons interviewé le président de l’association, Alex, pour en savoir un peu plus sur Silex Labs l’association, sur Silex le logiciel et ses évolutions à venir.

Gig animée présentant le logiciel Silex

Q : Bonjour Alex, peux-tu nous présenter l’association Silex Labs?

Silex Labs est née en 2009 en banlieue parisienne, nous étions un groupe informel d’indépendants, professionnels du web. Nous avions créé Silex ensemble pour nos activités de designer, développeurs et chefs de projet. L’outil s’est avéré tellement efficace que nous avons décidé d’en faire quelque chose d’utile pour d’autres professionnels, mais aussi pour la communauté. Nous avons commencé par organiser des ateliers pour former les gens à Silex et au fur et à mesure une communauté de professionnels s’est formée, ça nous a donné envie d’organiser davantage d’ateliers pour initier le plus grand nombre aux logiciels et langages libres.

Q : Le tour du Web en 50 ateliers, c’est quoi tout ça ?

C’est un programme de 50 ateliers organisés dans toute l’île de France que nous avons mis en place en 2015, pour permettre à tous de comprendre ce que sont les métiers et les technologies du web, les communautés qui font un web libre, et découvrir les nombreuses opportunités professionnelles qui existent dans ce domaine. Nous souhaitons donner des perspectives professionnelles à des personnes qui pensent que c’est un secteur inaccessible. Le réseau et la collaboration sont au centre du programme, autant que le bien commun et la vie privée.

Q : Et sinon Silex, c’est quoi? En quoi ça consiste?

Silex c’est un logiciel libre, gratuit et accessible en ligne pour permettre au plus grand nombre de réaliser des sites internet en fonction des niveaux de chacun. Les débutants pourront réaliser leur site sans faire une ligne de code mais ceux qui connaissent déjà un peu de HTML de CSS ou de JS pourront aussi utiliser leurs connaissances pour améliorer le design ou l’interactivité de leur site.

Tu n’as qu’à aller sur silex.me et tu peux insérer, modifier, déplacer des textes, des images et des vidéos, tu crées des liens et BIM : tu as ton site !

C’est un bon outil pour faire un site vitrine, c’est-à-dire un site visuellement attractif, qui n’a pas un contenu énorme et changeant tous les jours. Tout est fait pour aider les gens à s’initier au web design mais ça peut aussi être un bon choix pour un pro qui veut un moyen efficace de créer puis de maintenir des sites pour des clients.

Bon c’est aussi un logiciel qui respecte ta vie privée, tes données et une communauté internationale qui grandit.

Q : C’est tout en logiciel libre?

Oui, la licence est GPL, les contributions sont les bienvenues et la gouvernance se fait en discutant sur Github et Gitlab

Toutes les contributions sont les bienvenues même si tu n’as jamais codé tu peux contribuer à ton niveau par exemple en faisant un rapport de bug, ou en proposant des templates quand tu auras utilisé un peu plus Silex !

Q : Donc la famille Dupuis-Morizeau va pouvoir créer son site web en ligne? Et le mettre où elle veut?

Eh oui mon bon Monsieur, on ne fait pas payer, on n’utilise pas vos données à votre insu, et en plus on vous laisse aller où vous voulez avec, vous restez propriétaire de vos données ! Un site fait avec Silex c’est une simple page HTML et quelques fichiers CSS et Javascript. Il suffit de le coller sur un hébergement et c’est en ligne. On peut aussi s’auto-héberger, utiliser un hébergement à la netlify (simple glissé / déposé de vos fichiers sur leur site pour mettre en ligne) ou encore faire appel à des gens sympas et militants comme les Indiehosters pour vous garantir un service rapide et toujours disponible.

Q : On approche des 8 ans des toutes premières lignes de code du logiciel. Comment le logiciel a-t-il évolué au cours du temps?

Beaucoup de choses ont changé depuis la première version qui était un logiciel qu’il fallait installer et qui était plus complexe à prendre en main et avec un code source beaucoup plus lourd et surtout basé sur des vieilles technos. Nous avons décidé pour cette nouvelle version d’utiliser des technos innovantes pour gagner en performance et surtout de simplifier au maximum l’interface pour permettre au plus grand nombre de réaliser son site internet et de laisser beaucoup de liberté aux utilisateurs pour décider d’utiliser les éditeurs de code ou non.

Q : Pourquoi lancer une campagne de Crowdfunding, à quoi va servir l’argent?

Un sondage récent a montré que les utilisateurs attendent un éditeur de version mobile (responsive), pour offrir une expérience personnalisée aux visiteurs sur téléphone ou tablette.

Ils attendent aussi et surtout plus de docs, plus de « templates » – des sites prêts à l’emploi pour ne pas démarrer d’une page vide. Il y en a déjà mais pas suffisamment.

L’éditeur de version mobile (responsive) est déjà en route et même si un peu d’argent nous permettrait d’accélérer le mouvement, c’est une certitude on y va ! Par contre les templates / sites prêts à l’emploi, il va nous falloir un budget pour nous payer les services de designers. Et la doc aussi, un budget nous permettra de mobiliser quelqu’un dessus à plein temps pour mettre en place les bases que la communauté maintiendra ensuite.

Une partie de la somme récoltée sera dédiée à la réalisation d’ateliers dans des banlieues parisiennes défavorisées pour accompagner des jeunes déscolarisés et des chômeurs à réaliser leurs sites internet CV avec Silex.

Q : Le mot de la fin?

Venez nous rencontrer aux apéros de l’asso chaque mois à Paris, dans un bar pour discuter ou dans une salle pour contribuer.

Photo de l'Equipe Silex labs

Merci à Alexandre d’avoir bien voulu se prêter au jeu de l’interview et souhaitons à leur campagne de financement participatif de réussir.

Pour aller plus loin :




Logiciel privateur de liberté… jusqu’à la prison ?

Dans le mode du logiciel libre, et contrairement à ce que le nom laisse suggérer, ce n’est pas le logiciel qui est libre, mais bien l’utilisateur du logiciel.

Le logiciel propriétaire, c’est-à-dire l’opposé du logiciel libre, est alors parfois appelé « logiciel privateur », car il prive l’utilisateur de certaines libertés fondamentales (étudier, exécuter, etc. le code source du programme).

Rebecca Wexler, étudiante dans l’école de droit de Yale (Yale Law School) nous montre ici qu’en plus ne nous priver de ces libertés qui peuvent parfois sembler bien futiles pour tout un chacun, ces logiciels peuvent compromettre le système judiciaire et nous priver ainsi de nos libertés fondamentales.

Condamnés par le code

par Rebecca Wexler

Source : Convicted by code (Slate)

Traduction :Vincent,  McGregor, roptat, oS,Diane, CLC, touriste, teromene, Piup, Obny et anonymes.

Obny CC BY-NC-SA Dérivé de Su morais et CyberHades.
Obny CC BY-NC-SA Dérivé de Su morais et CyberHades.

Le code « secret » est partout : dans les ascenseurs, les avions, les appareils médicaux.

En refusant de publier le code source de leurs logiciels, les entreprises rendent impossible son inspection par des tiers, et ce même si le code a un impact énorme sur la société et la politique. Verrouiller l’accès au code empêche de connaître les failles de sécurité qui peuvent nous rendre vulnérables au piratage et à la fuite de données. Cela peut menacer notre vie privée en accumulant de l’information sur nous à notre insu. Cela peut interférer avec le principe d’égalité devant la loi si le gouvernement s’en sert pour vérifier notre éligibilité à une allocation, ou nous inscrire sur une liste d’interdiction de vol. De plus, le code gardé secret permet le trucage des données et occulte les erreurs, comme dans l’affaire Volkswagen : l’entreprise a récemment avoué avoir utilisé un logiciel caché pour truquer les tests d’émission menés sur 11 millions de voitures, qui rejetaient l’équivalent de 40 fois la limite légale.

Mais aussi choquante que la fraude de Volkswagen puisse être, elle ne fait qu’en annoncer bien d’autres du même genre. Il est temps de s’occuper de l’un des problèmes de transparence technologique les plus urgents et les plus négligés : les programmes secrets dans le système judiciaire. Aujourd’hui, des logiciels fermés, propriétaires, peuvent vous envoyer en prison et même dans le couloir de la mort. Et dans la plupart des juridictions des États-Unis, vous n’avez pourtant pas le droit de les inspecter. Pour faire court, les procureurs ont le même problème que Volkswagen.

Prenons la Californie. Martell Chubbs est actuellement accusé de meurtre pour des faits remontant à 1977, dans lesquels la seule preuve contre lui est une analyse ADN effectuée par un logiciel propriétaire. Chubbs, qui dirigeait une petite entreprise de dépannage à domicile à l’époque de son arrestation, a demandé à inspecter le code source du logiciel afin de pouvoir contester la précision de ses résultats. Il cherchait à déterminer si le code implémente correctement les procédures scientifiques établies pour l’analyse ADN et s’il fonctionne comme son fabriquant le prétend. Mais ce dernier a affirmé que l’avocat de la défense pourrait voler ou dupliquer le code et causer des pertes financières à l’entreprise. Le tribunal a rejeté la requête de Chubbs, lui autorisant l’examen du rapport de l’expert de l’état, mais pas l’outil qu’il a utilisé. Des tribunaux de Pennsylvanie, Caroline du Nord, Floride et d’autres ont rendu des décisions similaires.

Nous devons faire confiance aux nouvelles technologies pour nous aider à trouver et condamner les criminels, mais aussi pour disculper les innocents. Les logiciels propriétaires interfèrent avec cette confiance dans de plus en plus d’outils d’investigation, des tests ADN aux logiciels de reconnaissance faciale et aux algorithmes qui indiquent à la police où chercher les futurs crimes. Inspecter les logiciels n’est cependant pas seulement bon pour les accusés : divulguer le code à des experts de la défense a permis à la Cour suprême du New Jersey de confirmer la fiabilité scientifique d’un éthylotest.

Non seulement il est injuste de court-circuiter la possibilité pour la défense de contre-expertiser les preuves médico-légales, mais cela ouvre la voie à de mauvaises pratiques scientifiques. Les experts décrivent la contre-expertise comme « le meilleur instrument légal jamais inventé pour la recherche de la vérité ». Mais des révélations récentes ont révélé une épidémie de mauvaises pratiques scientifiques qui sapent la justice criminelle. Des études ont contesté la validité scientifique des recherche de similitudes sur les marques de morsure, les cheveux et les fibres, des diagnostics du syndrome du bébé secoué, de techniques balistiques, des séances d’identifications olfactives par des chiens, des preuves issues de l’interprétation de taches de sang, et des correspondances d’empreintes digitales. Le Massachusetts se démène pour gérer les retombées des falsifications de résultats par un technicien d’un laboratoire criminel qui a contaminé les preuves de dizaines de milliers d’affaires criminelles. Et le Projet Innocence rapporte que de mauvaises analyses légales ont contribué à l’incrimination injustifiée de 47% des prévenus. L’Académie Nationale des Sciences (National Academy of Sciences) accuse entre autres le manque de processus d’évaluation par les pairs dans les disciplines liées à l’analyse légale d’être responsable de cette crise.

Les logiciels ne sont pas non plus infaillibles. On a découvert des erreurs de programmation qui changent les ratios de probabilité des tests ADN d’un facteur 10, amenant des procureurs australiens à remplacer 24 avis d’experts dans des affaires criminelles. Quand les experts de la défense ont identifié une erreur dans le logiciel de l’éthylotest, la Cour suprême du Minnesota a invalidé le test en tant que preuve pour tous les futurs jugements. Trois des plus hautes cours de l’état (américain, NdT) ont encouragé à accepter davantage de preuves de failles dans des programmes, de manière à ce que les accusés puissent mettre en cause la crédibilité de futurs tests.

La contre-expertise peut aider à protéger contre les erreurs – et même les fraudes – dans la science et la technique de l’analyse légale. Mais pour que cet appareil judiciaire puisse fonctionner, l’accusé doit connaître les fondements des accusations de l’état. En effet, lorsque le juge fédéral de Manhattan, Jed S. Rakoff, a démissionné en signe de protestation contre la commission sur les sciences légales du président Obama, il a prévenu que si l’accusé n’a pas accès à toutes les informations pour effectuer une contre-expertise, alors le témoignage d’un expert judiciaire n’est « rien d’autre qu’un procès par embuscade » (c.-à-d. sans accès préalable aux éléments  de preuve, NdT).

La mise en garde de Rakoff est particulièrement pertinente pour les logiciels des outils d’analyse légale. Puisque éliminer les erreurs d’un code est très difficile, les experts ont adopté l’ouverture à l’analyse publique comme le moyen le plus sûr de garder un logiciel sécurisé. De manière identique, demander au gouvernement d’utiliser exclusivement des outils d’analyse légale ouverts permettrait leur contre-expertise participative. Les fabricants d’outils d’analyse légale, qui vendent exclusivement aux laboratoires d’expertise criminelle du gouvernement, peuvent manquer de motivations pour conduire les tests de qualité minutieux requis.

Pour en être certains, les régulateurs du gouvernement conduisent actuellement des tests de validation pour au moins quelques outils d’analyse légale numériques. Mais même les régulateurs peuvent être incapables d’auditer le code des appareils qu’ils testent, se contentant à la place d’évaluer comment ces technologies se comportent dans un environnement contrôlé en laboratoire. De tels tests « en boite noire » n’ont pas été suffisants à l’Agence de Protection de l’Environnement (Environmental Protection Agency) pour repérer la fraude de Volkswagen et ce ne sera pas non plus assez pour garantir la qualité des technologies numériques d’analyse légale.

La Cour suprême a depuis longtemps reconnu que rendre les procès transparents aide à s’assurer de la confiance du public dans leur équité et leur légitimité. Le secret de ce qu’il y a sous le capot des appareils d’informatique légale jette un doute sur ce processus. Les accusés qui risquent l’incarcération ou la peine de mort devraient avoir le droit d’inspecter les codes secrets des appareils utilisés pour les condamner.