#Apolog, le 3e tome des NoéNautes disponible chez Framabook

Enfin ! Après des mois d’attente, le troisième tome des aventures des Noénautes, les télépathes de Pouhiou, est enfin sorti dans la collection Framabook.

Interrogé par deux de ses correcteurs, l’auteur nous explique comment il a écrit cet opus au cours d’un NaNoWrimo effréné, et nous révèle un peu de ce qu’on va y trouver.

Encore une fois, il n’a rien fait comme tout le monde…

 

https://framablog.org/media/video/pouhiou2.mp4

 

Pouhiou : réécrire l’Histoire, oui, mais avé l’assent provençal

Bon, Pouhiou tu es gentil mais là on a un peu oublié les deux premiers épisodes des Noénautes, tu ne pourrais pas nous résumer les saisons précédentes de cette saga foutraque et jouissive ?

#Smartarded, Tome I des NoéNautes à télécharger ou achter sur Framabook.org
#Smartarded, Tome I des NoéNautes à télécharger ou acheter sur Framabook.org

…et tout ça sans trop spoiler ? OK, chiche, on y va !

Les NoéNautes, c’est le nom que l’on donne aux 8 personnes qui, tous les 88 ans, naissent sur terre avec des pouvoirs de télépathes (des pouvoirs qui, en général, s’éveillent à l’adolescence). Ce sont des personnes qui peuvent voir dans la Noétie (la sphère des idées qui planent autour de nos têtes) et qui peuvent implanter des idées dans notre crâne… mais aussi dans des noeuds (de tricot) ou des cristaux (de sucre) !

Dans #Smartarded, on suit le blog d’Enguerrand, Connard Professionnel qui se découvre tardivement ses pouvoirs et se voit poursuivi par d’autres NoéNautes. Il faut dire que ces 8 personnes sont réparties en 5 Maisons rivales, et s’entendent comme des chats affamés devant la dernière sardine.

Dans #MonOrchide, on lit le blog de Cassandre, une autre NoéNaute qui parviendra à réunir ses comparses pour découvrir et débouter le complot qui règne autour d’elleux : en effet, derrière les Maisons se cachent des Descendants qui attisent la rivalité entre les NoéNautes, et les manipulent afin d’acquérir richesse et influence…

Mais l’avantage de ce troisième tome, c’est qu’il revient aux sources de tout cela, et peut se lire sans trop avoir lu les précédents (même si ça va être plus velu !)

Fred : pourquoi est-ce que Goofy dit « foutraque » à chaque fois qu’il parle de toi ? Tu es vraiment siphonné ?

Goofy : C’est pas lui qui est foutraque (Pouhiou est seulement toulousainzin, c’est connu) mais bien son récit selon moi, et c’est plutôt un compliment, mais j’en ai trop marre de lire tout le temps « un roman déjanté ».

Possible. J’avoue que j’aime bien aller chercher l’originalité, que ce soit dans la forme ou dans le fond. C’est pour cela qu’on peut avoir un épisode qui se croit chez Tarantino, des huîtres ou des bonbons transformés en armes (et des chatons en boucliers), et un langage qui s’amuse autant avec les codes de Twitter qu’avec l’accent provençal.

D’après ce que me disent mes lecteurices, cela donne des romans inhabituels, où il faut quelques pages pour s’habituer à la langue… mais qui sont tellement dans le jeu (ils jouent avec toi quand ils ne se jouent pas de toi !) qu’on finit par s’y amuser avec délices (ou à le jeter dans un coin pour reprendre un bon vieux Marc Lévy !)

Tu as fini ton roman en allant écrire chez les copains dans tous les coins de France,  ça n’a pas  dû être simple de voyager, rencontrer, discuter (on te connaît) et écrire en même temps ?

Alors je ne l’y ai pas fini, je l’ai débuté. Les 50 451 premiers mots de cet ouvrage ont été écrits entre le premier et le 30 novembre 2013, lors d’un NaNoWrimo. Pour relever ce défi (écrire 50 000 mots d’une fiction en novembre) j’ai demandé à mon lectorat une résidence d’artiste ambulante, en mode « J’irai écrire chez vous »…

C’était aussi formidable qu’épuisant.

Car, en plus de devoir écrire 1666 mots par jour, je devais faire mes recherches, concevoir un effet de style bien particulier, ne pas rager contre ma tablette et son clavier bluetooth tout pourri… Et passer le reste du temps à parler, rencontrer, voyager, parler lors des rencontres de voyages… et bloguer tout cela sur le Framablog !

On ne s’en rend pas compte sur le moment, mais un mois aussi dense, aussi riche, à être attentif à chaque personne, chaque discussion, chaque nouvelle idée qui voulait s’écrire à sa manière dans le roman : ça vide. Littéralement comme littérairement. J’ai fini ravi, hein, mais dans un état d’épuisement moral et intellectuel assez… intéressant. J’ignorais qu’on pouvait être à la fois aussi empli et vidé.

Que s’est-il passé ensuite ? J’imagine que pendant plusieurs mois tu devais avoir des messages de lecteurs impatients…

#MonOrchide, tome II des NoéNautes, à télécharger ou acheter sur Framabook.og
#MonOrchide, tome II des NoéNautes, à télécharger ou acheter sur Framabook.og

Je suis rentré et me suis enfermé dans ma chambre pendant un mois et demi. Sortir pour les courses de Noël ou les fêtes de fin d’année en devenait une épreuve ! Puis je me suis remis à vivre, avec un déménagement, un Guide du Connard Professionnel, puis des vidéos parlant de cul…

Durant tout ce temps, j’essayais de revenir sur #Apolog. J’en corrigeais et relisais les chapitres, j’avançais au compte-goutte. L’écriture vient toujours aussi bien, chez moi, mais le fait de s’y mettre était souvent une épreuve. J’ai oublié ce que je claironnais lors des précédents romans : c’est l’histoire qui décide de quand et comment elle s’écrit, pas moi.

Bien sur que j’ai tenté de forcer le rythme, y’avait du monde qui attendait cette suite, moi le premier… Mais c’est quand (au bout de quelques mois) je suis parvenu à m’extraire de cette pression que j’ai enfin pu m’atteler à l’écriture de scènes très dures et d’enfin conclure ce roman.

Le plus bête a été le temps perdu sur des finitions telles que les addenda, la couverture, etc. Entre mon nouveau boulot chez Framasoft et le succès de #CulPouhiou, je n’ai pas su gérer et prendre le temps. Mais on est au bout, et je suis fier de ce nouveau bébé !

Et alors keskya de nouveau dans cette saison 3 ?

Dans cette troisième saison, je me suis éclaté. il y a des intrigues historiques (réinterpréter l’Histoire pour y inclure des NoéNautes tous les 88 ans, c’est jubilatoire !), une prophétie qui se dévoile peu à peu, et donc un éclairage important aussi bien sur les origines que sur l’état actuel des NoéNautes.

Là où je me suis vraiment amusé, c’est quand je me suis mis à créer un code littéraire. J’aime les œuvres qui dévoilent les ficelles de l’histoire qu’elles te racontent. Alors je me suis pris au pied de la lettre. Ici, le roman te dit quand il fait une description, quand il lance un dialogue, le tout avec des balises… Bien évidemment, si ce code est là, c’est qu’il va être plus utile et puissant qu’on ne le croit.

Tu nous refais le coup de la surprise sur le narrateur, ça t’amuse ?
Oui.

C’est un jeu. Un contrat silencieux entre l’histoire, les gens qui la lisent et moi : jusqu’où on peut aller ? Jusqu’où tu me suivras ?

Alors je tente l’auto-parodie… Et, en même temps, quand un magicien fait un tour dont le truc semble trop évident, c’est peut-être pour mieux te distraire…

Cette fois tu as puisé dans des références à caractère historique, pourquoi ? C’est pour faire plus sérieux ou pour capter le lectorat des retraités ?

Cesse donc de dévoiler mon machiavélique plan marketing !

Sérieusement, c’est par irrévérence. Lorsque j’ai écrit le baiser entre Saint-Georges et le Dragon, j’ai explosé de rire en sautillant sur ma chaise ! Quand on écrit du fantastique (ou de l’Urban Fantasy, puisqu’il parait que c’est ce que je fais), l’Histoire est une source d’inspiration merveilleuse, toujours emplie de légendes et d’exagérations ! Cela m’a aussi permis d’aller revoir le Japon féodal (un amour d’étudiant) et de retrouver ce Palais des Papes où j’ai été guide (OK : pour les 3 mois de mon stage de fin d’études, mais il reste dans mon cœur).

D’ailleurs, pour écrire ces références à l’histoire, je n’aurais jamais pu m’en sortir sans Wikipédia, dont les articles et les liens vers les sources ont été pour moi une caverne d’Ali-Baba !

Cliquez sur la couv pour télécharger ou acheter #Apolog, le tome III des NoéNautes sur  Framabook.org
Cliquez sur la couv pour télécharger ou acheter #Apolog, le tome III des NoéNautes sur Framabook.org

Et d’ailleurs qui sont les gens qui te lisent et suivent tes aventures scripturales ? Tu as une idée de la « sociologie » de ton lectorat, ou au moins de ceux que tu as pu rencontrer ?

Évidemment, il est varié… Mais si je fais la moyenne, je pense qu’une majorité sont des personnes de 20-35 ans, qui sont à l’aise avec l’informatique, et/ou les thématiques LGBT+, et/ou la littérature fantastique, fantasy, pulp…

C’est ça qui est drôle quand on met tout ce que l’on est dans ses histoires : il y en a tellement que des univers (et des lectorats) très différents s’y retrouvent !

Qu’est-ce qui te fait kiffer dans l’écriture ? Est-ce que c’est un moyen d’obtenir de la reconnaissance et de faire des rencontres avec les lecteurs, ou bien dès l’écriture y a-t-il un plaisir particulier ?

Je crois, intimement, que nos esprits et nos personnes sont faits de contes. D’histoires. Alors se poser devant une idée et se demander : « Comment je la raconte ? Pourquoi je la raconte celle-là, et de cette manière-là ? Qu’est-ce que ça va faire à l’autre ? »… C’est un moment inouï !

Après, ce que je dis là, c’est probablement du baratin téléramiste. En vrai, y’a un plaisir fou, primal, à être pris dans les mots et les idées, puis pris par le flot, et de nager dedans au rythme des clapotis du clavier… Aujourd’hui, je me rends compte des jours où je n’ai pas écrit (au moins un commentaire ou un email bien bien long) au fait que je suis énervé, irascible. Quand je me mets à créer, à exprimer ce qu’il y a, là dedans, au ventre… ça va mieux. Alors je le fais.

Et l’opus N°4 ce sera quoi donc ? Et puis ce sera quand ? Tu as déjà une idée ? Nan passque t’en as promis huit, quand même…

Pouhiou, par Kaweii (CC-0)
Pouhiou, par Kaweii (CC-0)

Je pense qu’on reviendra au blog. Cette expérience d’écriture en direct est bien trop prenante pour que je n’y regoûte pas. Je n’en sais que peu de choses au final. J’en connais le titre (et je ne le dirai pas), le narrateur, et je pense que cette fois-ci il sera le héros de l’histoire qu’il raconte (ce qui n’est pas le cas dans les romans précédents).

Je crois aussi qu’il va parler d’insouciance et de futilité, parce que je vois beaucoup trop de gravitas en moi et autour de moi. J’ai envie d’un roman avec un petit rire sincère… parce qu’il va probablement détruire les NoéNautes tels qu’on les connaît !

Quand se fera-t-il : quand il le décidera. Peut-être que ce ne sera pas si loin de la sortie de celui-ci, ce serait beau que cela s’enchaîne.

Quant à la suite… qui sait ? J’aimerais un jour me lancer un défi marathonien, finir ces 4 autres romans en un gros… Mais j’ignore complètement si j’en suis capable (et comment je ferais pour avoir un boulot, une vie sociale, d’autres projets…)

Tu verses tes romans dans le domaine public et tu fais des conférences pour expliquer pourquoi. Cool. Mais c’est quoi, cette histoire de confiance dont tu parles tout le temps ?

Le droit d’auteur a été conçu à l’époque où, pour distribuer la culture, il fallait commercialiser des objets (des livres papier). Cet angle économique sous-tend l’essence même de la législation, que je vois basée sur la méfiance du commerçant (envers le voleur, celui qui n’est pas client).

Je ne suis pas un vendeur.

Je donne forme à des histoires pour qu’elles trouvent leur public (qu’il soit « de niche » ou « grand » importe peu, ce n’est pas de mon ressort).

Plutôt que de me méfier des personnes qui s’intéressent à mes fariboles, je préfère les leur confier. Quand tu tournes la page, tu me fais confiance pour poursuivre l’histoire le plus justement possible jusqu’au mot fin. Pourquoi je ne pourrai pas te faire confiance pour la traiter le plus justement du monde ? Ainsi, tu peux en être lectrice, mécène, adaptateur, diffuseuse, critique, traducteur, éditrice, etc… En te faisant confiance, j’y gagne plus parce que tout le monde y gagne… C’est le principe du Libre, non ?

Et alors, comme toujours, on te laisse le dernier mot.

Ben ce mot sera Apologue : un terme littéraire qui désigne un conte moral, une histoire qui veut te faire comprendre quelque chose.

#Apolog, c’est un peu la même chose, sous la forme d’un journal d’erreurs… et avec l’accent provençal.




Domaine Public, abus et Amazon

Être auteur libriste, c’est vraiment agréable. Comme on n’est plus dans la méfiance de son lectorat, la relation devient complicité. On reçoit des tonnes d’aide pour un crowdfunding, on se fait héberger gratis pour écrire un roman (qui-est-en-retard-pas-taper ^^), on recoit des dons régulièrement… Et puis parfois y’en a qui abusent.

Le droit d’auteur, c’est pour les peureux

Mes pièces de théâtre, mes romans et même mes vidéos sont dans le Domaine Public Vivant. Par le biais de la licence CC-0, je propose un contrat à qui n’en veut : vous pouvez faire ce que vous voulez de mes œuvres. Les distribuer, les diffuser, en faire des spectacles, les modifier, traduire, adapter, remixer… et même les revendre. À chaque fois que je parle de cela, entre ami-e-s ou en conférence, me revient inlassablement la même question :

« Mais, Pouhiou, que ferais-tu si quelqu’un se mettait à vendre tes œuvres sans rien te reverser ? »

La réponse, elle est simple, et elle m’a été donnée par l’artiste-peintre Gwenn Seemel : faire des bisous à qui s’intéresse assez à mon œuvre pour vouloir la vendre, voir comment ce vendeur fait (et le copier si ça m’intéresse : il n’y a pas d’exclusivité !) ; et surtout : tout raconter de cette histoire sur les Internets.


Vidéo « L'usage commercial et l'artiste Libre » sur Youtube

Le Domaine Public Vivant des saloupiauds.

Et voilà que ça arrive. Voilà que je retrouve, par hasard sur les Internets mes deux premières pièces de théâtre vendues à moins de 4 € en ebook sur Amazon : Tocante, un Cadeau Empoisonné et sa suite AndroGame, un Sex-Toy Angélique. Un vendeur que je n’identifie pas, mais qui lui me mentionne en tant qu’auteur (quitte à faire de mon prénom une tautologie en me nommant « POUHIOU Pouhiou »).

Au départ, franchement, je me réjouis. Je n’aurais jamais pris le temps de déposer ces fichiers sur Amazon, je le considère comme un ogre sans tête ni respect.

Mais très vite, je déchante… C’est sale. C’est parfaitement légal, hein, mais c’est franchement un travail de saloupiaud. Et ce pour plusieurs raisons :

  1. Cliquez sur l'image pour télécharger Tocante depuis mon site web.
    Cliquez sur l’image pour télécharger Tocante depuis mon site web.

    Les ebooks utilisés sont les fichiers que j’ai réalisés moi-même, sans aucun ajout éditorial. Le seul « apport » est la conversion de ces fichiers au format .mobi, ce que n’importe quelle moulinette sait faire, et que les personnes enfermées par l’achat d’un Kindle peuvent réaliser à l’aide du logiciel libre Calibre.

  2. Les méta-données ont été faites selon la méthode de La Rache par un robot programmé avec les pieds. Mon nom en capslock. Les résumés de ces pièces sont en fait les premiers mots des fichiers epub… Donc un sous-titre dans le cas de Tocante, et la dédicace pour AndroGame. Cela vous place en position de vache à lait qui ne saura même pas que la première pièce est un suspense humoristique sur la mort et le suicide, et que la deuxième est une comédie confrontant un homme qui ne veut plus de son pénis et un ange qui aimerait bien en avoir un.
  3. Last but not least, c’est une arnaque pour les personnes enfermées dans le magasin Amazon. Aucun moyen de savoir que ces œuvres relèvent du Domaine Public Vivant (à moins de payer …) et encore moins de savoir qu’on peut les télécharger librement et gratuitement sur mon site.
  4. Bonus saleté : c’est une infraction claire aux Conditions Générales d’Utilisation de KDP (la plate-forme d’édition d’Amazon) qui stipulent que l’on doit fixer ses prix afin que l’ebook soit le moins cher sur le marché (or sur mon site, c’est gratuit !).

Et le saloupiaud est… Amazon itself !

Cela fait plus d’un an que je suis au courant. Plus d’un an que j’ai vu cette arnaque et que je n’ai pas pris le temps de faire quoi que ce soit, parce que je préfère créer et militer que gueuler (et tenter de gagner ma vie entre deux, parce qu’il parait qu’il le faut ^^).

Je parle souvent de cet exemple en conférence, en disant que je m’en fous. Aujourd’hui, en préparant un article blog pour Framasoft, j’en reparle avec les copaings de l’asso. On s’amuse à lâcher des commentaires sur les pages amazon de Tocante et d’AndroGame avec Framasky. Je twitte ça, content d’avoir pris le temps de troller un peu…

Jusqu’à ce que, sur Twitter, @JulioDeLaPampaS m’envoie l’identité du saloupiaud qui vend mal mes ebooks en contrevenant aux CGU d’Amazon… Je vous le donne en mille :

amazon vend mes ebooks02

Oui.

Oui.

J’ai vérifié : Amazon Media EU S. à r. l. c’est bel et bien Amazon.

Ça vous dit une shitstorm sur Amazon ?

Alors voilà, j’écris enfin cet article que je me devais de faire depuis plus d’un an.

Cliquez sur l'image pour télécharger AndroGame sur mon site web
Cliquez sur l’image pour télécharger AndroGame sur mon site web

Pour vous demander votre aide.

Parce que c’est légal ET c’est sale.

Si vous avez un compte Amazon qui traîne (je vous en supplie, n’en créez pas un pour l’occasion !) venez vous amuser à commenter et dénoncer le fait que quiconque achètera ça se fait juste pomper du fric pour rien par le deuxième A de GAFAM. Noyons ces pages sous des commentaires drôles et libres (ou sous des sujets de forums qui, eux, ne sont pas modérés ^^) que je lirai avec délices :

Si vous avez le temps et l’envie, allez télécharger mes œuvres sur mon site web et vendez-les à votre tour sur Amazon, et ailleurs, partout où vous voulez… Faites de la concurrence au robot-sagouin d’Amazon, submergez leur publication pourrie sous la marée des vôtres, en proposant un joli résumé, de belles méta-données, et gardez l’argent bien mérité (ou profitez-en pour soutenir Framasoft ^^).

Si vous êtes une librairie en ligne (ou un diffuseur d’ebook), proposez-les sur votre catalogue en montrant que vous faites un meilleur boulot que le robot-boulet d’Amazon et je promets de parler de vous.

Si vous aimez le théâtre, pensez aussi à les lire, les partager, voire à les produire sur scène (je rêve d’en être un jour le spectateur, moi qui les ai jouées si longtemps !).

Parce que c’est à Nous.

Ces œuvres sont dans notre Domaine Public. En proposant cette licence, j’ai voulu qu’elles vous appartiennent à vous comme à moi. Parce que nous sommes bien plus forts et importants qu’une multi-nationale sourde et aveugle.

Je vous fais confiance pour défendre ce qui nous appartient, et que personne, pas même le géant Amazon, ne peut tenter de s’approprier ni d’enclore impunément.

Les bisous préconisés par Gwenn Seemel, j’ai pas envie de les faire à Amazon, mais à vous.

 

EDIT 01 : Amazon est synchro, juste en publiant cet article, je reçois des emails comme quoi mes commentaires sont refusés car ils ne respectent pas les « Guidelines » du commentaire Amazon. Quelle surprise !

EDIT 02 : Sur twitter, Jiminy Panoz me signale que tous les ebooks vendus via KDP (plate-forme d’auto publication) ont « Amazon EU Sàrl » comme vendeur… et que la meilleure manière de troller c’est d’utiliser le bouton « signaler un prix inférieur » comme sur l’image ci-dessous ! Amusez-vous bien !

signaler prix inférieur




Méninges Frites : 6 jours pour propulser un poète dans le domaine public

La culture n’a pas attendu le logiciel pour expérimenter le Libre. Si l’on traîne dans les petits milieu du théâtre, de la chanson… bref : du spectacle vivant (presque) sans subventions, on découvre tout un tas d’artistes aux idées fondamentalement proches du Libre. Tels Monsieur Jourdain, ils font du Libre sans le savoir. Néanmoins, Stallmann et ses 4 libertés fondamentales nous ont apporté un regard neuf, en le recentrant sur l’utilisateur (le public). Le logiciel libre a prouvé qu’il existe d’autres modèles économiques permettant de nourrir les créateurs… Aujourd’hui, des artistes relient les derniers points de la boucle en s’emparant des outils et licences nés du logiciel libre…

J’ai rencontré Léopold dans mon ancienne vie, quand j’étais comédien. Acteur, poète, dessinateur… il touche à tout avec brio et propose ses créations de manière punk, brute, pour que le public s’en empare. Aujourd’hui, il propose de crowdfunder l’écriture d’un recueil de poésie populaire. De financer à la source cette production, afin de pouvoir l’élever dans le Domaine Public Vivant. Et là, quand on me parle d’éducation populaire à la poésie et de CC-0, je ne peux qu’adhérer. Et soutenir la démarche, en la faisant connaître. Voici donc un petite interview de celui qui veut intituler son recueil « Méninges Frites ».

Méninges Frites

Interview de Léopold Sauve


Bonjour Léopold. Tu peux te présenter ainsi que ton parcours auprès des lecteurs et lectrices du Framablog ?

Avec plaisir. Je m’appelle Léopold Sauve, je n’ai aucune référence convenable à afficher. Je suis un poète passionné, formé par l’autodidaxie la plus acharnée.

Bac scientifique en poche dans un lycée aux horaires aménagé pour futurs sportifs, je quitte le système scolaire sur ordonnance médicale. S’en suit plusieurs autres tentatives dans la marine marchande, les lettres modernes, le génie bio, et puis surtout, le théâtre. C’est en conservatoire de théâtre (Paris) que je découvre réellement la littérature et la poésie et que je m’y abandonne. Pour vivre de l’écriture, à 20 ans (il y a plus de dix ans), je comprends qu’il faut d’abord apprendre à être pauvre ; alors je m’y applique et vit dans plusieurs squats alternatifs. C’est dans ce cadre, et par la nourriture artistique choisie, que je fais de mon plaisir une activité naturelle et permanente : la création poétique.

Les années passent, avec elles les voyages, les rencontres, les lectures et tout ce qu’on peut faire avec une vie.

Aujourd’hui je suis auto-entrepreneur dans l’enseignement artistique. J’enseigne le théâtre partout ou je peux, j’écris les pièces pour mes élèves toujours volontiers. J’enseigne même la poésie de façon plus spécifique sur des cours en école de théâtre professionnelle (ça, c’est un gage de confiance plus valeureux qu’une maîtrise en caca sur toile). J’aime mon activité et m’amuse même à démarcher des structures comme le stade toulousain, à faire des représentations subversives dans des structures militaires… Je m’amuse aussi de mon travail.

Le site qui diffuse tes œuvres se nomme Collectif Tout Seul… Qu’est-ce qui se cache derrière cette invitation un poil schizophrène ?

La question, sans le savoir, traite déjà du CC0 et du crowdfunding. J’ai créé ce site il y a bientôt 6 ans. À l’époque, c’était pour être lu. Je savais que ce que je faisais avait de la valeur, et je m’étais confronté au monde de l’édition comme beaucoup de jeunes auteurs. Les retours étaient tous semblables : Très belle écriture, belle pensée, beau style, philosophique et artistique mais… pas assez fiable pour l’économie du livre (l’édition). J’ai décidé de m’éditer tout seul sur un site internet. L’évidence est que je n’aurais jamais eu autant de lecteur par l’édition papier. Ce qui était clair depuis le début, c’est que la poésie ne fait pas vivre son poète (mais elle donne une grande valeur à ses actions !).

La schizophrénie se trouve surtout dans le contenu. Au début j’avais besoin d’un monstre pour porter les montagnes à ma place, détourner les fleuves et créer des orgasmes symphoniques : C’était, et c’est toujours, Gustare Suave. Depuis plein d’autres types louches sont venus habiter mon hôtel cortical, certains dessinent, d’autres essaient la musique. Il y en a même qui font des enfants. Le site n’a aucune licence parce que le style et l’imaginaire sont des marques de fabrique inimitables et infalsifiables. C’est une signature imbriquée, même si un nom permet de savoir plus facilement où trouver d’autres textes semblables.

Tu proposes, sur Ulule, un projet de recueil de poésie nommé Méninges Frites. On est loin de l’image ampoulée du poète à écharpe qui met des trémolos dans ses alexandrins, je me trompe ?

C’est possible oui. Mais pourquoi pas. Ce qui est encore plus sûr, c’est que tout doit être intelligible, tout doit être possible à comprendre et que tout doit avoir un intérêt. Pas de mot pour le mot, pas de souffrances illégitimes, pas d’art pour le concept.

Du voyage, de l’esthétique, de la poésie qui aime être partagée, une vraie sorcellerie !

Imaginez-vous un sorcier qui met des sweets à capuche, pour se cacher, pour vous protéger de ses sorts.

J’aime bien ta phrase « Vous aimez la poésie », souvent couplée à cette idée que la poésie est, ou peut être quelque chose de populaire… C’est de l’éducation populaire à la poésie ?

Elle sera populaire oui, mais pas populiste. Mon but est clairement d’écrire des sensations, des sentiments qui plairont à n’importe quel lecteur. Surtout, il doit être un texte initiatique sur la poésie par la poésie.

Le poème n’est pas seulement un objet littéraire.

La poésie n’est pas partout, mais elle se pratique dans tout les domaines de l’exercice vivant et nous y sommes tous confrontés au quotidien. Nous aimons tous la poésie parce que c’est elle qui nous enseigne l’esthétique et qui nous aide à définir la beauté. L’éducation scolaire nous a donné une image psycho-rigide de la pratique poétique ; et donc une erreur diffusé en masse et sur des générations. Les chanceux qui sont un jour arrivés à toucher consciemment les plaisirs poétiques sont une minorité. Je veux participer à renverser cette tendance, parce que naturellement, nous sommes tous conçus pour vibrer la poésie.

Vous aimez la poésie, c’est sûr, je saurai rendre cela évident.

La licence CC-0, le fait de verser de ton vivant ce recueil dans le Domaine Public, c’est pour désacraliser la place du poète ou pour livrer l’oeuvre entre les mains de son lectorat ?

C’est parce que ce texte a pour réel vocation d’être lu, et si la gratuité peut provoquer l’accident de la lecture, alors ici elle a beaucoup de valeur.

Niveau « modèle économique », cela me fait penser à Nick de www.commonly.cc qui proposait avec des amis du monde du jeu vidéo de financer à la source la création de jeux, images, sons, etc… afin de les libérer ensuite dans le domaine public. Tu ne veux donc pas exploiter tes poèmes ad vitam ?

Pas celui-là. Je parle de ma culture alors je la partage. Mon langage est le langage poétique alors je poétise. L’exploitation de mon texte sera d’une autre nature, plus idéologique : Quand les gens qui m’entourent créeront de l’esthétique, alors je pense que le monde que j’habiterai sera plus intelligent, plus amoureux, plus agréable parce que plus vivant.

Mes revenus sont vivants.

Au delà de ça, la comparaison avec le monde de la programmation m’amuse. Une des définitions qu’on peu donner à la poésie, c’est qu’elle est avant tout un univers cohérent, et le poème est une fenêtre avec vue sur cet univers. Finalement, Les programmeurs font de la poésie, en tout cas ils baignent dedans au point où ils ont même inventé plusieurs langues (C+, python, java… etc). Le geek est un gros consommateur de poésies numériques, c’est un fait.

Si je te laisse le mot de la fin, tu en fais quoi ?

Une bonne nuit de sommeil.

Il ne reste quelques jours pour soutenir ce projet de recueil et permettre à Léopold de l’élever dans le domaine public… Rendez-vous sur sa page Ulule.

Méninges Frites




Make Art Not Law, même libres les licences m’encombrent l’esprit nous dit Nina Paley

Nina Paley a tout un parcours juridique initiatique…

Au début, elle n’y connaissait pas grand chose (comme nous tous). Mais à l’occasion de la création de son film Sita Sings the Blues elle fait brutalement connaissance avec le copyright. Elle décide alors de placer son film sous licence Creative Commons By-Sa et devient, sans trop le vouloir, l’une des fers de lance de la culture libre. Elle est ainsi invitée à de nombreux événements et parle souvent du sujet sur son site (nous avons du reste traduit son calendrier Mimi & Eunice). Mais même sous Creative Commons, elle rencontre des problèmes. Alors le film change à nouveau de licence pour adopter, selon elle, la plus grande liberté possible, à savoir le domaine public (via la licence CC0).

Aujourd’hui, on la sent comme un peu lasse de tout cela. Comme si s’être préoccupée autant de ces histoires de droit et de licences (même libres) l’avait éloignée de sa vocation première d’artiste. Plus le copyright se tient loin de l’art et mieux l’on se porte !

C’est, entre autres, ce qu’elle nous raconte dans une récente intervention pleine de malice et d’énergie (traduite et sous-titrée par nos soins).

D’accord, pas d’accord ? On vous attend dans les commentaires 😉

 

 

Make Art, Not Law – Transcript

URL d’origine de la vidéo (YouTube)

Nina Paley – 6 décembre 2013 – PechaKucha
(Traduction : amha, Omegax, François, Juliette, aKa, lumi, Scailyna, sylvain(sysy), goofy, Aurélien, amha – Sous-titrage : Bruno J.)

Vous êtes un portail d’information. L’information entre par vos sens, comme l’ouïe ou la vue, et ressort sous forme d’expressions, telles que votre voix, votre façon de dessiner, d’écrire et de bouger.

Pour que la culture reste vivante, vous devez être ouvert, ou perméable. Selon Wikipédia, la perméance est « l’aptitude d’un matériau à laisser passer un flux de matière ou d’énergie ». Nous sommes le matériau à travers lequel circule l’information.

C’est à travers ce flux que la culture reste vivante et que nous restons connectés les uns aux autres. Les idées entrent, et ressortent, de chacun de nous. Les idées se transforment un peu en cours de route ; c’est ce qu’on appelle l’évolution, le progrès ou l’innovation.

Mais à cause du copyright, nous nous retrouvons avec un monde où de l’information entre sans pouvoir en ressortir légalement. J’entends souvent des gens se consacrant à des activités artistiques demander : « Ai-je le droit d’utiliser cela ? Je ne veux pas avoir d’ennui. »

Sous notre régime actuel du copyright, les « ennuis » peuvent prendre la forme de procès, d’énormes amendes et même de peines de prison. « Ennuis » signifie violence. Les « ennuis » ont fait taire de nombreuses initiatives créatives. Alors la menace des « ennuis » dicte nos choix sur ce que nous exprimons.

Le copyright déclenche notre auto-censure. Et l’auto-censure est l’ennemie de la créativité ; elle empêche l’expression avant même qu’elle n’ait commencé. Celui qui se demande « est-ce que j’ai le droit d’utiliser ça ? » a déjà capitulé face aux avocats, aux législateurs et aux grandes entreprises.

Ce phénomène s’appelle la « Culture de la Permission ». À chaque fois que nous censurons notre expression, nous nous fermons un petit peu plus et l’information s’écoule un peu moins. Moins l’information s’écoule, plus elle stagne. Ceci s’appelle l’effet de sidération.

Je me suis demandé : n’ai-je jamais consenti à laisser la « Culture de la Permission » entrer dans mon cerveau ? Pourquoi est-ce que je me soumets à la censure ? À quel point puis-je choisir quelle information entre en moi ou sort de moi ?

La réponse est la suivante : j’ai une marge de manœuvre pour ce qui concerne les choses auxquelles je m’expose et celles que j’exprime, mais pas un contrôle total. Je peux choisir de regarder ou non les médias dominants, par exemple. Je peux aussi choisir quelle information transmettre.

Mais, comme je suis de ce monde et ouverte à ce monde, beaucoup de choses peuvent y entrer au-delà de mon contrôle. Je ne choisis pas ce qui entre en fonction du copyright. En fait, ce sont les images et les sons propriétaires qui sont le plus agressivement pilonnés dans nos têtes. Par exemple :

Have a holly jolly Christmas, It’s the best time of the year
I don’t know if there’ll be snow, but have a cup of cheer
Have a holly jolly Christmas, And when you walk down the street
Say hello to friends you know and everyone you meet!

Je déteste les chants de Noël. Mais parce que je vis aux États-Unis et que j’ai besoin de sortir de la maison même pendant les mois de novembre et de décembre, je ne peux PAS ne pas l’entendre. Cela passe tout droit de mes oreilles à mon cerveau où cela tourne encore et encore, ad nauseam.

Voici quelques entreprises avec lesquelles je pourrais « avoir des problèmes » pour avoir partagé cette chanson et ce clip en public. Ils ne m’ont pas consultée avant que leur soi-disant « propriété intellectuelle » ne fasse un trou dans ma tête lorsque j’étais petite, donc je ne leur ai pas demandé leur permission pour les mettre dans mon exposé.

Le copyright est automatique et il n’y a aucun moyen de s’en défaire. Mais on peut ajouter une licence accordant des permissions que ce copyright enlève automatiquement. Les licences Creative Commons autorisent ses utilisateurs à lever une par une les restrictions du copyright.

Le problème de ces licences c’est qu’elles sont basées sur la loi du copyright. La même menace de violence derrière le copyright se retrouve avec les licences alternatives. En fait, les licences renforcent le mécanisme du copyright. Tout le monde doit tout de même demander une autorisation — on l’obtient seulement un peu plus souvent.

A l’instar du copyright, les licences sont souvent trop complexes pour que la plupart des gens les comprennent. Donc, les licences ont l’effet collatéral d’encourager les gens à faire ENCORE PLUS attention au copyright, ce qui donne encore plus d’autorité au censeur intérieur sur eux. Et qui a fait entrer ce censeur dans leur tête au départ ?

Même si j’utilise les licences libres, et que j’aimerais qu’il y ait une réforme significative du copyright, les licences et les lois ne sont pas la solution. La solution, c’est que de plus en plus de gens ignorent tout simplement le copyright. Je veux faire partie de ces gens.

Il y a quelques années, j’ai revendiqué mon indépendance d’esprit. La liberté d’expression commence par soi-même. La censure et les « ennuis » se trouvent toujours hors de ma tête, et c’est là que je veux qu’ils demeurent – HORS de ma tête. Je ne souhaite pas aider les lois iniques et les mass médias en leur offrant un peu de mon attention.

J’ai arrêté de favoriser ou de rejeter des travaux selon leur copyright. Les idées ne sont pas bonnes ou mauvaises à cause de la licence que les gens leur accolent. Je me réfère seulement aux idées à présent, pas aux lois qui les entourent. Et j’essaie de m’exprimer de la même manière.

Comme des millions d’autres personnes qui se contrefoutent du copyright, j’espère que vous me rejoindrez. Préférez-vous être artiste ou bien juriste ?




Geektionnerd : Harmonisation du Copyright

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Source :

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Quand les auteurs Framasoft s’allient pour faire de vous des connards… libres

Simon « Gee » Giraudot et Pouhiou présentent leur nouveau roman illustré sur connard.pro

« Bastards, Inc – Le guide du connard professionnel » n’est ni une bande dessinée, ni un roman… C’est un MOOC-fiction, une espèce de cours en ligne et illustré pour nous apprendre le beau métier d’ingêneur, ces gens qui gagnent leur vie en créant des ouvertures faciles récalcitrantes et des ralentisseurs pervers. L’avant-propos est on ne peut plus clair :

Être un salaud est à la portée du premier venu. Être un connard, par contre, demande rigueur, écoute et une grande capacité de réflexion.

Octave Geehiou, l’auteur fictif de cette masterclass, est en réalité le fruit de la la collaboration entre Gee (Simon Giraudot, auteur des BD Geektionnerd et Superflu) et Pouhiou (auteur de la série de romans feuilletons des NoéNautes). Les comparses se sont rencontrés lors de signatures organisées par leur éditeur, Framasoft, qui promeut les œuvres sous licence libre. Après un an de complotages en catimini, il dévoilent ce « Guide du Connard Professionnel ».


« Chaque épisode sera comme une petite leçon pratique. Textes et images alternent afin d’expliquer de manière aussi détaillée qu’absurde comment emmerder les gens afin de leur faire acheter des écrans de projection… ou du scotch de déménagement » explique Pouhiou, qui scénarise ce graphic novel.

« On a décidé de placer ces épisodes dans le domaine public vivant grâce à la licence CC0 » ajoute Gee, « et de libérer un épisode tous les quinze jours quoi qu’il arrive… mais on compte bien sur l’aide de tous les apprentis bâtards et ingêneuses ».

En effet, en plus de pouvoir télécharger librement chaque épisode, les lecteurs pourront participer en suggérant des « bastardises » et autres « connarderies » aux auteurs… ou en accélérant leur rythme d’écriture. « On publie un épisode un mercredi sur deux. Mais on a mis sur le site connard.pro une petite barre de dons qui déclenchera, une fois remplie, la publication d’un épisode supplémentaire lors du mercredi de repos. Ainsi l’argent donné ne sert pas à libérer le contenu, juste à nous libérer du temps pour le créer plus vite ». Le site connard.pro présente déjà l’avant-propos et la démarche de ces deux « Bâtards en chef ». Rendez-vous le mercredi 22 janvier pour découvrir le premier épisode de ce guide du connard professionnel…

Bastards, Inc - Couverture

Interview

Deux experts de Framasoft joignent leurs efforts pour vous offrir le guide de l’ingêneur libre

Framasoft par sa branche Framabook a une longue tradition de tutoriels et autres guides, que ce soit pour les logiciels, la programmation ou la conduite de projets libres. Un guide de plus alors ? Oui mais celui-ci est en quelque sorte « hors-collection »

Voici ce qu’en dit le magazine en ligne Strat&J :

Le guide du connard professionnel est une formidable opportunité pour valoriser vos compétences dans le segment de la vente en open trading. Une mine de conseils précieux pour le mercaticien débutant et un retour d’expérience profitable pour le senior manager.

Question : Monsieur le dessinateur, la Geekette est-elle toujours la première dame du Geektionnerd ?

Gee : Je comprends votre question, et je suis sûr que vous comprendrez ma réponse. Chacun, dans sa vie personnelle, peut traverser des épreuves, mais ce n’est pas notre cas. La multiplications des projets BD sont des moments joyeux et j’ai un principe, c’est que les affaires publiques se traitent en public dans un exhibitionnisme respectueux de chacun. C’est donc parfaitement le lieu pour le faire (mais pas le moment, on parle des Bastards, là). Je préfère donc que nous poursuivions sur le sujet qui nous intéresse : en l’occurrence, dans Bastards, Inc, le personnage principal est un homme (Octave Geehiou) qui évoluera dans un univers tout à fait machiste où les femmes n’auront qu’un rôle de faire-valoir (toute ressemblance avec des institutions existantes serait bien sûr fortuite). D’ailleurs je vous rappelle que c’est écrit par Pouhiou, et que ça se saurait s’il aimait les femmes.

Question : Euh les gars vous êtes gentils mais qu’est-ce qui vous a pris ? D’où vous est venue l’idée de collaborer et surtout pour faire un truc pareil ?

Gee : Dès le premier tome des Noénautes, Pouhiou a eu l’idée un peu paranoïaque réaliste (il faut bien le dire) qu’il pouvait exister une volonté délibérée d’emmerder gravement les gens de la part d’ingénieurs malveillants, profession imaginaire mais dont les exploits supposés sont terriblement réels et parfaitement néfastes. Tous ceux qui un jour ont vainement cherché la mythique extrémité perdue d’un rouleau de scotch nous comprendront.

Pouhiou : Cette profession a été opportunément nommée : ingêneur. Telle est en tout cas l’activité d’Enguerrand Kunismos dans le cycle des NoéNautes, et bientôt celle d’ Octave Geehiou dans ces sortes de carnets de l’ingêneur que constitue le guide du connard professionnel.

Question : Oui mais avec ça on ne sait toujours pas qui a mis le feu aux poudres…

Pouhiou : Ben le problème quand on fait ses petites affaires dans le domaine public, c’est que certains viennent s’en emparer. En février dernier, alors que je faisais le crowdfunding pour la sortie de #MonOrchide, Simon me dit au détour d’un mail : « Faut vraiment être un connard pour vendre des écrans de projections ».

Gee : Réflexion que je me suis faite pendant une conférence dans le labo où je travaille. Je remarquai alors que la présentation était projetée à même le mur (de couleur blanche unie), et je repensai avec amusement à toutes les fois où j’ai pu voir quelqu’un se battre, impuissant, contre la mécanique systématiquement foireuse d’un écran de projection. L’écran de projection m’apparut alors comme un exemple d’objet à la fois inutile (un bête mur blanc suffit) et néfaste (toujours mal fichu et irritant à utiliser). Ça m’a fait penser aux ingêneurs de Pouhiou, alors on en a discuté et c’est un petit peu parti en sucette, au point qu’on a ouvert un Framapad pour y stocker des idées d’autres objets conçues pour nous emm-nuyer. C’est parti comme ça…

Extrait de Bastards, Inc 1

Question : Et pourquoi vous n’avez pas parlé plus tôt de votre projet ? Vous aviez honte hein c’est ça ?

Pouhiou : Pas du tout nous en sommes au contraire particulièrement fiers, mais il a fallu trouver le ton, le temps, et on a préparé ça pendant un an, en plus de nos activités habituelles… Et en se cachant de nos ami-e-s framasoftiens, histoire de leur faire la surprise dès qu’on serait prêts. Seul PYG a été notre complice, car il a bien fallu nous ouvrir un coin de serveur pour préparer le site. Car oui, c’est encore un projet libre hébergé par Framasoft et grâce à tous ceux qui soutiennent cette asso.

Gee : Ça nous a permis de prendre un peu d’avance et de voir ce qui marchait et ce qui ne marchait pas. Par exemple, j’avais commencé à faire du 100% Inkscape comme le Geektionnerd, mais après quelques épisodes, on s’est rendu compte que ça ne marchait pas, les textes ne ressortaient pas bien (ils sont plus longs que dans le Geektionnerd). Finalement, on a totalement changé la mise en page, seuls les dessins sont faits sous Inkscape. La mise en page est ensuite gérée en LaTeX (what else?) pour les versions téléchargeables, et directement en HTML pour les versions en ligne. Bref, tout ça a demandé du temps, sans parler du fait que Pouhiou comme moi n’en sommes pas à nos premiers projets et qu’il faut aussi trouver un rythme tenable…

Question : Vous avez réussi à ne pas vendre la mèche ?

Gee : Oui, on a vraiment gardé le truc secret jusqu’à la fin. Par contre, moi j’me suis bien amusé à laisser des indices à droite à gauche, comme dans cette interview où je parle d’un projet dont je ne serai pas l’auteur, dans ce petit encart sur mon site perso ou encore dans le dernier article participatif de Pouhiou sur le Geektionnerd.

Pouhiou : Moi c’est en vrai que j’ai eu du mal à tenir ma langue… J’envoie les scénarios à Gee sur un pad, et il me renvoie le réultat par email, dans un zoli pdf fait en LaTeX avec ses dessins… À chaque fois j’explose de rire, je jubile comme un gamin au pied du sapin ! Voir nos conneries prendre forme, ça me donne envie de les partager avec tout le monde ! Sinon les seuls indices que j’ai laissés sont quelques #likeabastard sur twitter… et le compte @Geehiou, pour partager des bastardises en 140 caractères. Mais aujourd’hui nous sommes prêts, dans un grand élan œcuménique et humanitaire, à dispenser nos indispensables lumières aux masses asservies par l’obscurantisme mercantile (en toute modestie, bien entendu).

Question : Bon et ça va se présenter comment, encore un feuilleton ?

Pouhiou : Vu comment notre narrateur, môssieur Octave Geehiou, se la pète… je pense qu’on peut parler d’un cours. Une sorte de MOOC fictionnel. Des paragraphes de textes entrecoupés d’illustrations où il nous expliquera de manière pratique des situations quotidiennes où la malice et l’ingéniosité d’un connard a pourri la vie du plus grand nombre pour enrichir quelques-uns. L’épisode 01 est prévu pour le mercredi 22 Janvier, et on va publier sur un rythme bi-mensuel, un mercredi sur deux à 13h37.

Gee : Le rythme d’une semaine sur 2 devrait être tenable sans flinguer les NoéNautes, le Geektionnerd et Superflu. Mais si vous voulez nous pousser un peu à faire plus, on laisse une petite jauge de dons : lorsque le montant total (fixé à 150€ suite à des calculs hyper-techniques et abscons) est atteint, on publie un épisode supplémentaire le mercredi de « repos » (où normalement il n’y a pas d’épisode). Et comme ce n’est pas nécessairement l’argent qui nous intéresse (enfin, pas que), vous pouvez nous aider à développer la Framajauge.

Extrait de Bastards, Inc 2

Question : Pourquoi ce choix de la licence domaine public vivant, la CC0 ?

Pouhiou : Par pur et simple opportunisme. Le 26 janvier à Toulouse aura lieu la Journée du Domaine Public. On va y annoncer l’élévation de cette nouvelle œuvre dans le Domaine Public Vivant, s’y faire un max de pub, y gagner une renommée internationale (et néanmoins francophone) à la médiathèque José Cabanis… Puis dès le lendemain on recadenassera tout avec des DRM et des copyrights, comme de vilains gougnafiers !

Gee : En fait il n’y a rien de compliqué. Pouhiou a l’habitude de la CC0 qui est son acte militant de « non-violence légale ». Moi, j’ai l’habitude de la CC-By-Sa qui est mon acte militant de « diffusion du Libre ». Lorsque 2 licences sont incompatibles, j’ai pour principe d’utiliser la moins restrictive des deux (de la même manière que je refuserais toute collaboration à une œuvre sous droit d’auteur classique ou sous Nc/Nd, je ne me voyais pas imposer du CC-By-Sa à Pouhiou). Et puis comme dit Pouhiou, je rejoins désormais des noms aussi illustres que Victor Hugo ou Émile Zola dans ce fameux domaine public. Et c’est quand même hyper-classe.

Question : Il y a un problème : votre site n’est clairement pas un site de connards…

Gee : Question de point de vue : en fait, nous avons pratiqué le fameux « Faites ce que je dis mais pas ce que je fais », ce qui est bien une technique de connard. Bon, pour répondre à la question, on a essayé de faire les choses bien : on a mis des boutons de partage (Facebook, Twitter, etc.), mais comme ces boutons posent un grave problème de vie privée (un bouton installé sur un site incorpore du code qui peut tracer l’utilisateur – MÊME si celui n’est pas inscrit sur Facebook et cie), on a trouvé un plug-in qui utilise le principe du « double-clic ». Par défaut, le bouton est inactif (pas de code espion téléchargé, l’utilisateur est tranquille). Un clic, le bouton devient actif (code téléchargé avec l’accord de l’utilisateur donc). Un deuxième clic, le « like / +1 / etc. » est envoyé. Défenseur de la vie privé, likeur invétéré : tout le monde est content !

Pouhiou : Et puis grâce à Framasoft, qui est au courant depuis quelques jours, on a des collaboteurices formidables. Ainsi, une certaine Kinou a dit qu’elle souhaitait nous fouetter former afin que le site devienne accessible, par exemple disponible à l’audio description pour les aveugles. Cela va demander une certaine dose de travail (et de #Facepalm pour elle) mais j’espère qu’on pourra offrir cette « liberté 0 » d’un site qui ne laisse personne sur le carreau.

Question : Si c’est un projet libre, du domaine public, on peut y participer ?

Pouhiou : Oh que oui. On a déjà quelques épisodes d’avance, mais on a surtout très envie d’entendre vos idées… Vous avez déjà eu ce sentiment qu’un objet ou un service était conçu exprès pour vous faire chier ? Ca nous intéresse (c’est notre côté Delarue, mais en moins mort). Bref : vous pouvez partager vos idées par ici http://connard.pro/participation-et-dons/ soyez assuré-e-s qu’on ne piquera que les bonnes /meilleures/.

Gee : De manière générale, toute participation est la bienvenue. Vous pouvez envoyer des idées, des dons (gros don via Paypal ou microdon via Flattr), vous pouvez partager nos bêtises, nous encourager, nous envoyer des putes et de la coke ou simplement nous suivre, ce qui est déjà beaucoup.

Extrait de Bastards, Inc 3

Question : Connard.pro est un spin-off du cycle des Noénautes dessiné par Gee. Vous avez aussi dans les cartons un spin-off de GKND scénarisé par Pouhiou ?

Pouhiou : Monsieur, je ne vous permets pas de fouiller ainsi dans mes cartons ! C’est très personnel, les cartons. J’avoue que, pour l’instant, l’idée ne nous est pas venue… Mais si on devait imaginer quelque chose au débotté, je dirais que les Connards du Corporate Club mériteraient le centre de la scène. Et puis je te collerais du #djendeur dans le lot, juste pour faire plaisir au lobby gaygétarien dont j’ai la carte de membre…

Gee : De toute façon, on est en-va-his de gays (j’en parlais encore hier à Christine…). Bref, on n’y a pas pensé non. Mais si on fait les aventures du Corporate Club, ça risque d’être un peu redondant avec le Guide du connard professionnel, il faudrait plutôt en faire un Cross-Over, façon « La ligue des connards extraordinaires ».

Pouhiou : Par redondant, tu veux dire sporadique…?

Gee : Nan, sporadique, c’est tout ce qui est à la campagne, non ?

Pouhiou : Sinon j’aime bien cette idée de ligue des connards extraordinaires… Ce sera certainement pour le tome 3 😉

Les premières critiques du Guide du connard professionnel sont dithyrambiques :

  • Un modèle économique bâtard pour une idée égotique, pas de doute : on est bien dans le fleuron de la culture Française. — Fox News
  • La plus belle chose qui nous soit arrivée depuis l’arrêté municipal contre les SDF. — Nice Matin
  • À déguster avec quelques bonnes huitres au piment d’Espelette. — CyriI Lignac, MasterChef
  • Vous êtes sûrs que vous voulez pas le label PUR ? Non mais si on vous le met quand même, hein ? — OffreLégaleQuiJustifieNosMillionsDépensés.pointeffère
  • Thyrambique. — La Critique
  • TIQUE ! — La
  • On dirait du Vincent Delerm. — Telerama

Crédit image couverture : version dérivée de Business as usual… (CC By Thomas Leuthard)




Entretien avec Robert Douglass, du beau projet Open Goldberg Variations

Nous vous avons déjà parlé de l’exemplaire et pionnier projet Open Goldberg Variations qui consiste, par financement participatif à libérer de la musique classique en plaçant le tout (enregistrements et partitions) directement dans le domaine public :

Deux campagnes Kickstarter ont été menées avec succès. Nous avions déjà Les Variations Goldberg de Bach, et nous aurons bientôt Le Clavier Bien Tempéré à disposition (avec donc même des partitions en braille).

Le journal The Seattle Star a rencontré Robert Douglass, à l’initiative du projet, dans une interview que nous vous proposons traduite ci-dessous.

Open Goldberg Variations

Déplacer la motivation : une interview de Robert Douglass, du projet Open Goldberg Variations

Shifting Incentives: An Interview with Robert Douglass of the Open Goldberg Variations Project

Omar Willey – 7 novembre 2013 – The Seattle Star
(Traduction : MFolschette, goofy, Lamessen, Figg’, Scailyna, antoine/marie-anne, musescore_es, Omegax + anonymes)

Robert Douglass est davantage connu comme ingénieur logiciel que comme musicien. Aficionado de Drupal de longue date, il a écrit un livre sur la construction de communautés virtuelles avec les CMS. M. Douglass est aussi l’homme à l’origine du projet Open Goldberg Variations, destiné à rendre la musique de Bach libre non seulement pour le public mais aussi pour les musiciens.

Aujourd’hui, M. Douglass s’est embarqué dans un projet encore plus ambitieux : Open Well-Tempered Clavier. Initialement, ce n’était qu’une autre occasion de rendre les œuvres classiques de Bach au domaine public. Puis une musicienne aveugle qui a soutenu le projet lui a expliqué la difficulté de trouver des partitions qu’elle puisse lire quand elle en a besoin, mettant fin à ses projets de carrière professionnelle. Le projet a alors étendu ses objectifs, pour permettre de libérer potentiellement des centaines de partitions en braille pour des musiciens aveugles.

Une telle bienveillance sociale et un tel intérêt pour une communauté musicale plus juste sont presque naturels pour quelqu’une comme Robert Douglas. Avec sa femme et partenaire Kimiko Ishizaka, il a effectué, l’année précédente, la tournée Twelve Tones of Bach (financée aussi via Kickstarter). J’ai pu l’interviewer avant qu’il ne monte sur scène pour la dernière représentation de la tournée, à l’université de Caroline du Sud.

Vous venez d’achever une tournée promotionnelle de douze concerts pour promouvoir votre nouveau projet, Open Well-Tempered Clavier. Où êtes-vous allé, et quels ont été les temps forts ?

Robert Douglass : Nous avions planifié douze concerts pendant la campagne Kickstarter pour présenter les douze tonalités du Clavier bien tempéré. Nous avons commencé à Bonn, en Allemagne, au Beethovenfest, puis visité la République Tchèque, l’Australie, la Belgique et les États-Unis pendant le parcours. À Vienne, Kimiko Ishizaka a été à l’usine Bösendorfer et a choisi le piano qu’elle utilisera pour faire l’enregistrement studio. À Chicago, nous avons participé à la grande inauguration des nouveaux studios de la fondation Pianoforte. En Caroline du Nord, nous avons fait une représentation spéciale aux studios d’enregistrement Manifold.

Dans quelle mesure ces représentations en direct faisaient-elles partie intégrante de la philosophie derrière le projet Open Well-Tempered Clavier ?

Pendant notre tournée de douze concerts, nous avons apporté la musique de Bach à autant de monde que possible dans un temps très réduit. Chaque concert était diffusé en direct (vous pouvez tous les voir en ligne). Nous avons fait cela parce que nous croyons que la musique en direct est vitale à la compréhension et au plaisir de la musique classique, mais aussi parce que notre projet est vraiment compliqué et nécessite quelques explications avant que les gens aient ce moment de « Aha ! » quand ils se rendent compte à quel point nos objectifs sont sympas. Les douze concerts nous ont donné de nombreuses chances de parler du projet avec des gens.

Aaron Dunn de Musopen a mentionné dans votre interview qu’une de ses motivations pour composer de la musique libre provient de l’idée que « l’art attire l’art ». Partager des créations dans le domaine public fournira aux autres artistes plus de matière et d’inspiration pour réaliser une création qui leur sera propre. Est-ce que vos projets partagent les mêmes convictions ?

Absolument, nous sommes complètement en accord sur ce point avec Aaron. Les gens ont réalisé des créations étonnantes à partir de notre premier projet, Open Goldberg Variations, allant de films (exemple), aux visualisations de la musique, jusqu’à utiliser les enregistrements pour enseigner le bouddhisme — et ce après une année seulement. Ces œuvres d’art que nous avons créées persisteront aussi longtemps que l’échange humain de musique par voie numérique, il y a donc un grand potentiel de créativité qui attend encore d’utiliser l’art que nous avons fabriqué. Nous sommes certains que la même chose arrivera avec Open Well-Tempered Clavier, et nous encourageons les personnes qui utilisent la musique pour créer de nouvelles œuvres.

À propos des nouvelles œuvres d’art , la majeure partie de la musique est aujourd’hui clairement destinée aux loisirs, un divertissement dans la vie de tous les jours. Votre travail avec Open Well-Tempered Clavier possède cependant une forte dimension sociale. Pas seulement dans le sens « l’art est bon pour vous » mais plutôt dans la croyance que la musique est plus importante que le simple divertissement.. Pouvez-vous développer cette idée ?’

Le rôle de la musique à l’époque de Bach allait beaucoup plus loin que le divertissement. La musique était utilisée pour explorer et expliquer les relations les plus profondes de l’existence humaine : l’amour, la mort, la joie, sans oublier évidemment la relation avec Dieu. C’était aussi profondément social ; impossible d’écouter de la musique sans que des musiciens ne jouent, et personne n’aurait pris la peine de l’écrire ou de la jouer sans une raison et une audience réceptive pour l’écouter.

Depuis, nous avons été bombardés de musique. Il est difficile de trouver un endroit public sans un supermarché, un ascenseur ou un bar qui ne vous envoie sa musique sans votre permission. Vous ne pouvez pas regarder un film ou la télévision sans être exposé aux chefs-d’œuvre de la musique, réappropriés par le cinéma ou la publicité.

Le résultat final est que beaucoup de gens ne se rendent pas réellement compte combien une œuvre comme Le Clavier bien tempéré est profonde. Ce n’est peut-être pas immédiatement apparent lors d’une écoute de 30 secondes qu’une vie entière de « nourritures » et de défis émotionnels, intellectuels et spirituels se cache derrière. En se concentrant sur l’œuvre, sur son aspect social, et en faisant attention à la qualité, nous espérons ouvrir le cœur et l’esprit des gens à la musique de Bach d’une manière qui peut-être n’aurait pas été possible autrement.

Votre projet veut rendre la musique de Bach « plus accessible ». Qu’est ce que cela signifie pour vous, et comment y parvenir ?

La musique de J.S. Bach est l’un des plus grands trésors que nous avons, et il nous appartient à tous. Nous faisons trois choses qui aident à garantir que cette musique soit facile à trouver, étudier, et utiliser, sans violer les droits d’auteurs. D’abord, comme pour Les Variations Goldberg, nous allons proposer un nouvel enregistrement en studio du Clavier bien tempéré, une œuvre monumentale, source d’inspiration. Nous faisons aussi une nouvelle partition numérique de cette œuvre, disponible au format MuseScore. C’est important parce que les fichiers MuseScore peuvent être édités, arrangés, transposés et convertis dans d’autres formats. Enfin, nous essayons de fournir cette musique sous la forme de partitions en braille qui peuvent être lues par des musiciens non voyants.

Votre travail met cette fois l’accent sur les besoins de la communauté des interprètes aveugles et mal-voyants. Ce projet a-t-il également pour objectif de toucher l’audience des artistes qui ne sont pas forcement des interprètes ? Comment pensez-vous que cela fonctionnera ?

Notre objectif de rendre la musique plus accessible aux musiciens non voyants en augmentant de manière radicale le nombre de partitions en braille est encore nouveau pour nous. Nous n’avions même pas réalisé qu’il y avait un besoin extrême avant que le projet commence. Il a fallu qu’un de nos contributeurs financiers, Eunah Choi, nous dise que les musiciens non voyants ont accès à moins de 1 % de la littérature que les musiciens voyants peuvent lire et étudier, pour que nous voyions le besoin et que nous décidions d’agir (NdT : cf ce billet du Framablog Lettre ouverte d’une musicienne aveugle).

Notre but actuel inclut la conception d’un programme libre pour convertir MusicXML, un format standard et reconnu de partition numérique, en braille. Nous sommes ingénieurs en informatique et nous avons travaillé sur MuseScore qui est un programme pour écrire la musique. Nous pouvons créer un nouveau programme qui convertit les partitions MuseScore au format braille que les non voyants peuvent lire. En plus, MuseScore.com a 50 000 partitions au format MuseScore, et ces partitions pourraient aussi être converties en braille. Cela serait une amélioration considérable pour les musiciens non voyants qui veulent étudier la musique. Si nous y parvenons, nous pouvons tripler le nombre de partitions disponibles pour les musiciens non voyants, et ouvrir la voie pour que d’autres soient créés, plus facilement, et donc se rapprocher d’une solution au problème.

Nous ne savons pas quelles autres applications de notre travail pourraient être utiles. Ce dont nous avons vraiment besoin ce sont des témoignages et des expériences de musiciens mal ou non voyants pour comprendre à quoi ressemble leur monde, et comment nous pouvons contribuer à l’améliorer.

Que pensez vous que le gens feront avec l’enregistrement et la partition, une fois que vous les aurez rendus disponibles ?

Nous avons appris grâce au projet Open Goldberg Variations que le public est très créatif, et que quand vous lui donnez une chose intéressante, comme un enregistrement et une partition dans le domaine public, ils font des choses incroyables. À commencer par des vidéos, il y en a des centaines sur Youtube et plusieurs longs métrages utilisent les Open Golberg Variations pour leur musique d’une manière ou d’une autre. L’enseignement en bénéficie aussi. La page Wikipédia des Variations Goldberg de Bach contient maintenant les enregistrements de Kimiko Ishizaka pour que les gens qui découvrent l’œuvre puissent écouter son formidable enregistrement studio.

M. Dunn parle aussi de recentrer les studios d’enregistrement et de « déplacer la motivation », afin que davantage de ressources aillent vers la découverte non pas d’artistes reproduisant des travaux anciens, mais plutôt vers des travaux récents de compositeurs modernes. En tant qu’interprète, comment Open Well-Tempered Clavier déplace-t-il cette motivation ?

Le projet Open Well-Tempered Clavier est entièrement dévoué à ce déplacement de motivations, je suis ravi que vous évoquiez cela ! Dans l’industrie musicale traditionnelle, la motivation des artistes et des studios d’enregistrement provient du copyright, qui les pousse à s’investir dans l’enregistrement qu’ils peuvent ensuite revendre au plus grand nombre de personnes possible. Si vous enlevez le copyright de l’équation, cette motivation disparaît. Dans le modèle où l’audience pré-finance l’enregistrement avec Kickstarter, vous devez recentrer cette motivation vers la planification et la description d’objectifs tels que les gens soient motivés et vous aident à les réaliser. Si tout se passe bien, vous réalisez l’enregistrement de vos rêves avec un contrôle artistique total et toutes les ressources dont vous avez besoin. Et le public finit par avoir accès à l’œuvre résultant de ce travail — qu’elle a contribué à rendre possible — sans aucune restriction de copyright qui pourrait en limiter la réutilisation.

Il est facile de constater que dans le modèle traditionnel, le public est traitée comme une clientèle, et que chaque aspect du processus de création est optimisé pour maximiser la vente. Dans le modèle de Kickstarter, débarrassé du copyright, l’accent est placé de façon à ce que le public comprenne qu’il collabore, investit et rend possible.

Derrière toutes ces tentatives de « rendre la musique libre », comme le dit le slogan de Musopen, on trouve l’idée de biens communs. Et dans cette idée de biens communs se cache celle de valeur apportée à une éducation commune. Dans quelle mesure considérez-vous que vos deux projets, Open Goldberg par le passé et Open Well-Tempered Clavier aujourd’hui, ont participé à l’élaboration d’une culture musicale open source ?

Il y a une anecdote qui répond très bien à cette question. J’ai découvert un site Internet fantastique, le Conservatoire de Dave, « une école de musique gratuite en ligne, dont le but est de fournir à tous une éducation musicale de portée universelle », et je suis tombé amoureux des centaines de vidéos expliquant clairement et intelligemment tous les aspects de la musique, en proposant une compréhension pas à pas. Dès que j’ai découvert la qualité du site, j’ai su que je voulais collaborer avec Dave pour pouvoir expliquer Le Clavier bien tempéré de Bach aux gens. J’ai contacté Dave Rees, le créateur du site, et j’ai demandé s’il voulait contribuer à notre projet en faisant des vidéos explicatives sur les préludes et les fugues que Bach a écrits. Non seulement sa réponse a été un « Oui ! » immédiat et très enthousiaste, mais il m’a aussi dit que c’était le projet Open Goldberg Variations qu’il l’avait convaincu de créer un site éducatif ouvert et de choisir la licence Creative Commons comme véhicule pour diffuser et amplifier son travail. Donc oui, les contributions que nous apportons aux biens communs ont des répercussions réelles majeures dans le domaine de l’éducation musicale open source.

Le projet Open Well-Tempered Clavier sur Kickstarter s’est terminé vendredi 9 novembre à 11 h (heure de New York). Il a manqué 5 000 $ environ à son objectif initial de 50 000 $ pour rendre accessibles les partitions en braille aux aveugles. Cependant, Robert Douglass a indiqué dans un message aux soutiens qu’il souhaitait continuer ce projet malgré tout.




Lettre ouverte d’une musicienne aveugle

Robert Douglass qui mène le projet Open Goldberg Variations a fait publier la lettre d’Eunah Choi ci-dessous sur Reddit.

Nous en avions parlé dans ce récent billet : L’un des plus beaux projets qui soit : libérer la musique tout en aidant les malvoyants.

Il reste deux jours pour atteindre la somme demandée sur Kickstarter. On croise les doigts…

Eunah Choi

Lettre ouverte d’une musicienne aveugle

Open letter from a blind musician

Eunah Choi – 6 novembre 2013 – Reddit
(Traduction : Asta, Peekmo, goofy, sinma, audionuma, Scailyna, barbaturc, Sphinx + anonymes)

Bonjour, je m’appelle Eunah Choi. J’ai contribué au projet Open WTC (Well-Tempered Clavier) et j’ai émis une demande pour faire une édition en braille des partitions de l’Open WTC pour les musiciens aveugles. Grâce à la générosité de tous les contributeurs Kickstarter, j’ai le plaisir d’annoncer que nous avons atteint avec succès les 30 000 $ dont nous avions besoin initialement pour ce projet. Merci !

Mais nous avons encore une chose à finir avant que la levée de fonds ne se termine, le 8 novembre. Nous avons besoin d’atteindre au minimum 50 000 $ afin de produire des partitions en braille pour les musiciens aveugles. Si nous n’y parvenons pas, le prochain pianiste aveugle sud-coréen n’aura d’autre choix que de faire ce fastidieux travail de copie manuelle à partir d’une fragile et ancienne partition en braille, à l’aide d’une ardoise et d’un stylet. Pour les musiciens voyants, recopier à la main une partition est seulement une chose démodée dont nous pouvons parler en en riant. Nous voyons des personnes recopier manuellement des partitions de musique dans des romans ou des films du XIXe siècle ou plus anciens encore. Et pourtant aujourd’hui, des malvoyants, dans le monde entier, ne peuvent obtenir la majorité des partitions dont ils ont besoin uniquement par le biais de cet antique, inefficace et long processus. Tout cela, au XXIe siècle !

C’est inacceptable, un point c’est tout. C’est ce à quoi une pénurie de partition ressemble. Or désormais, grâce à de nombreux ingénieurs et développeurs, nous disposons d’un format solide (MusicXML) et pouvons développer des logiciels pour convertir 50 000 partitions MuseScore en braille. Tout ce dont nous avons besoin, c’est une preuve de la générosité des donateurs de la campagne.

Certains se demanderont : « on m’a dit qu’il y avait des bibliothèques de braille fournissant des partitions en braille pour les personnes aveugles. » Oui, il y A des bibliothèques brailles, mais l’offre NE PEUT satisfaire la demande, c’est à dire qu’il y a beaucoup, beaucoup plus de personnes aveugles qui ont besoin de partitions en braille que ces bibliothèques peuvent en satisfaire. Et à cause des graves limitations sur le partage de fichiers sous droits d’auteur en braille entre pays, inscrites dans les lois sur le copyright, les personnes aveugles en Corée du Sud ne sont même pas autorisées à s’inscrire auprès de services de bibliothèques dans les pays soit-disant développés comme les États-Unis, le Royaume Uni ou le Canada. Donc, quand je parle de pénurie à propos des partitions de musique, je ne suis pas en train d’exagérer.

Quand j’étais au lycée, je m’apitoyais souvent sur mon sort faute de pouvoir obtenir des partitions en braille sur le site américain du NLS. Le NLS ne permet qu’aux citoyens américains aveugles de s’inscrire et de créer un profil. Je fus automatiquement rejetée de cette inscription, simplement parce que je suis née en Corée du Sud et pas aux États-Unis. J’irai jusqu’à dire que cela représente une discrimination sur la nationalité et sur le handicap, créée de manière artificielle par des lois sur le copyright !

Certains diront que les aveugles ont souvent l’oreille parfaite et peuvent se contenter d’écouter des enregistrements pour ensuite s’entraîner afin de reproduire les sons le plus fidèlement possible. On peut également penser qu’il y a des vidéos YouTube ou des émissions télé qui présentent des enfants aveugles, jouant de la musique simplement en ayant écouté l’original. Il faut regarder la réalité en face : « pouvoir écouter ne signifie pas pouvoir lire ». Tout comme les enfants qui doivent apprendre à lire et à écrire pour étudier et faire partie de la société, les musiciens aveugles ont besoin de partitions en braille pour pouvoir participer à la musique et jouer les morceaux qu’ils ont envie de jouer. Il est possible de découvrir une fraction de la musique qui vous plaît, juste en écoutant ; mais vous ne pourrez pas découvrir toutes les expressions musicales, les pensées et le processus d’écriture du compositeur juste en écoutant sa musique. Il FAUT des partitions en braille pour le faire ! Et aujourd’hui, moins de 1% de l’ensemble des partitions est disponible en version braille.

Est-ce que cela serait normal pour vous si votre enfant n’avait accès qu’à un très faible pourcentage des livres, ceux en braille ? Nous DEVONS corriger cela ! Nous POUVONS commencer à libérer toutes nos partitions du domaine public et les donner aux musiciens non-voyants dans le monde entier ! Mais, seulement si nous récoltons 50 000 $ (~37 000€) ! Et seulement si nos soutiens diffusent et propagent le message ! S’il vous plaît, essayez de penser à ceux que vous aimez et qui sont aveugles ! Ils méritent de participer à notre merveilleux héritage musical comme n’importe qui d’autre. Nous devons leur donner des partitions en braille faites pour le XXIe siècle !

À travers l’histoire, les aveugles ont trop longtemps chanté sur des accords mineurs. Il est temps de sécher nos larmes et d’offrir aux musiciens non-voyants une fin heureuse, un accord majeur, avec ces 50 000 partitions du domaine public.

Cordialement,
Eunah Choi