Geektionnerd : Hadopisse dans un violon

Le titre de cette planche n’a pas forcément la palme de l’élégance mais comment ne pas avoir envie de souligner la caractère risible de toute cette coûteuse et stérile opération qui n’aura servi à rien d’autre que de fédérer ses détracteurs…

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Geektionnerd : Pour les Majors et pour l’Hadopire

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Geektionnerd : Orange

Orange a voulu faire parler de lui avec son nouveau failware. C’est réussi !

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Nous disons Liberté – Ils entendent Gratuité

Drewski Mac - CC by-saNous le savons, l’adjectif anglais free est un mot qui signifie aussi bien libre que gratuit.

Tout dépend du contexte. Lorsque Stevie Wonder chante I’m free, il n’y a pas d’équivoque possible. Mais il faut encore parfois préciser à un Anglo-Saxon qu’un free software est un logiciel libre et non un logiciel gratuit. C’est d’ailleurs l’une des raisons de l’existence de l’expression alternative (mais controversée) open source.

Il en va de même pour la célèbre citation « Information wants to be free », que notre ami Cory Doctorow nous propose ici d’abandonner parce qu’elle arrange trop ceux qui feignent de croire que nous voulons la gratuité alors qu’il ne s’agit que de liberté. Une gratuité « qui détruit toute valeur » et qu’il faut combattre, quitte à restreindre les… libertés ! CQFD

N’est-ce pas la même stratégie et le même dialogue de sourds que nous avons retrouvés lors de notre bataille Hadopi ? Ce n’est pas l’information gratuite qui nous importe, c’est l’information libre. Mais ça c’est tellement étrange et subversif que cela demeure impossible à entendre de l’autre côté de la barrière[1]. À moins qu’ils n’aient que trop compris et qu’ils ne fassent que semblant de faire la source oreille…

Remarque des traducteurs : Le mot « free » apparaît dix-sept fois dans la version originale de l’article, que nous avons donc traduit tantôt par « gratuit » tantôt par « libre », en fonction de ce que nous pensions être le bon contexte.

Répéter que l’information veut être gratuite fait plus de mal que de bien

Saying information wants to be free does more harm than good

Cory Doctorow – 18 mai 2010 – Guardian.co.uk
(Traduction Framalang : Barbidule et Daria)

Arrêtons la surveillance et le contrôle parce que ce que veulent les gens c’est avant tout être réellement libres.

Pendant dix ans, j’ai fait partie d’un groupe que l’industrie du disque et du cinéma désigne comme « ceux qui veulent que l’information soit gratuite ». Et durant tout ce temps, jamais je n’ai entendu quelqu’un utiliser ce cliché éculé – à part des cadres de l’industrie du divertissement.

« L’information veut être gratuite » renvoie au fameux aphorisme de Stewart Brand, énoncé pour la première fois lors de la Conférence de Hackers de Marin County, Californie (forcément), en 1984 : « D’un côté, l’information veut être chère, parce qu’elle a énormément de valeur. La bonne information au bon moment peut changer votre vie. D’un autre côté, l’information veut être gratuite, car le coût pour la diffuser ne fait que diminuer. Ces deux approches ne cessent de s’affronter. »

Ce savoureux petit koan résume élégamment la contradiction majeure de l’ère de l’information. Il signifie fondamentalement que l’accroissement du rôle de l’information en tant que source et catalyseur de valeur s’accompagne, paradoxalement, d’un accroissement des coûts liés à la rétention d’information. Autrement dit, plus vous avez de TIC à votre disposition, plus elles génèrent de valeur, et plus l’information devient le centre de votre monde. Mais plus vous disposez de TIC (et d’expertise dans les TIC), et plus l’information peut se diffuser facilement et échapper à toute barrière propriétaire. Dans le genre vision prémonitoire anticipant 40 années d’affrontements en matière de régulation, de politique et de commerce, il est difficile de faire mieux.

Mais il est temps qu’elle meure.

Il est temps que « l’information veut être gratuite » meure car c’est devenu l’épouvantail qu’agitent systématiquement les grincheux autoritaires d’Hollywood à chaque fois qu’ils veulent justifier l’accroissement continu de la surveillance, du contrôle et de la censure dans nos réseaux et nos outils. Je les imagine bien disant « ces gens-là veulent des réseaux sans entraves uniquement parce qu’ils sont persuadés que « l’information veut être gratuite ». Ils prétendent se soucier de liberté, mais tout ce qui les intéresse, c’est la gratuité ».

C’est tout simplement faux. « L’information veut être gratuite » est aux mouvements pour les droits numériques ce que « Mort aux blancs » est aux mouvements pour l’égalité raciale : une caricature, qui transforme une position de principe nuancée en personnage de dessins animés. Affirmer que « l’information veut être gratuite » est le fondement idéologique du mouvement revient à soutenir que brûler des soutiens-gorges est la principale préoccupation des féministes (dans l’histoire du combat pour l’égalité des sexes, le nombre de sous-tifs brûlés par des féministes est si proche de zéro qu’on ne voit pas la différence).

Mais alors, si les défenseurs des libertés numériques ne veulent pas de « l’information gratuite », que veulent-ils ?

Ils veulent un accès ouvert aux données et aux contenus financés par des fonds publics, parce que cela contribue à améliorer la recherche, le savoir et la culture – et parce qu’ils ont déjà payé au travers des impôts et des droits de licence.

Ils veulent pouvoir citer des travaux antérieurs et y faire référence, parce que c’est un élément fondamental de tout discours critique.

Ils veulent avoir le droit de s’inspirer d’œuvres antérieures afin d’en créer de nouvelles, parce que c’est le fondement de la créativité, et que toutes les œuvres dont ils souhaitent s’inspirer ont elles-mêmes été le fruit de la compilation des œuvres qui les ont précédées.

Il veulent pouvoir utiliser le réseau et leurs ordinateurs sans être soumis à des logiciels de surveillance et d’espionnage installés au nom de la lutte contre le piratage, parce que la censure et la surveillance ont un effet corrosif sur la liberté de penser, la curiosité intellectuelle et le progrès vers une société ouverte et équitable.

Ils veulent des réseaux qui ne soient pas bridés par des entreprises cupides, dont l’objectif est de vendre l’accès à leurs clients aux majors du divertissement, parce que quand je paie pour une connexion au réseau, je veux recevoir les bits de mon choix, aussi vite que possible, même si ceux qui fournissent ces bits refusent de graisser la patte de mon fournisseur d’accès.

Ils veulent avoir le droit de concevoir et d’utiliser les outils qui permettent de partager l’information et de créer des communautés, parce que c’est le fondement de la collaboration et de l’action collective – même si un petit nombre d’utilisateurs se servent de ces outils pour obtenir de la musique pop sans payer.

« l’information veut être gratuite » est d’une concision élégante, et elle joue subtilement sur le double sens du mot anglais free , mais aujourd’hui elle fait plus de mal que de bien.

Il vaut mieux dire « Internet veut être libre » .

Ou plus simplement : « les gens veulent être libres » .

Notes

[1] Crédit photo : Drewski Mac (Creative Commons By-Sa)




Crazy As de Julandrew, Hope de Kendra Springer + 98 autres chansons à découvrir

Kendra Springer - YouTubeQu’est-ce que j’écoute en ce moment ?

Je n’ai qu’une seule source : le top 100 de la semaine du site Jamendo[1], ce qui me permet de découvrir d’un seul clic de souris[2] plein d’artistes intéressants dont le dénominateur commun est de proposer leur musique en libre diffusion sous licence Creative Commons ou Art Libre.

La sélection correspond donc à ce préfèrent à priori les utilisateurs de la plateforme musicale. Et c’est idéal pour accompagner une session Internet, d’autant que, dans l’ensemble, le style est plutot tranquille et « cool » (à la limite du easy listening diront ses détracteurs).

Ainsi j’aime bien cette la ballade Crazy As de Julandrew ainsi que le piano doux et apaisant de Hope par Kendra Springer (imaginez-vous tomber nez-à-nez avec cette fée au détour du bois !).

Le premier morceau est sous licence Creative Commons By-Nd et le second sous Creative Commons By-Nc-Sa. On a donc le droit de faire commerce du premier et de modifier le second sans pour cela demander d’autorisation à l’auteur.

Évidemment, et à l’opposé d’un « esprit Hadopi », tout ceci favorise la Remix Culture chère à Lawrence Lessig. Du coup on retrouve ces deux chansons sur de nombreuses vidéos YouTube. Ma préférée est certainement celle de MisStrawberryFields, une jeune et spontanée italienne (qui ressemble à mes élèves) ayant choisie de nous présenter divers objets qui jonchent sa chambre !

Mais il y a aussi des « œuvres culturelles libres » parmi la sélection (c’est-à-dire compatibles avec les quatre libertés des licences des logiciels libres). J’ai ainsi pu relevéEmptiness par Alexander Blu, Winter princess par Zero-project, Struttin’ par Tryad, Cellule par Silence, Me and my submarine par Kämmerer, ou encore Effortless par Josh Woodward.

Faites passer le mot à votre voisin qui « nicke les industries culturelles en téléchargeant illégalement », il y a de la qualité en dehors des majors du disque.

À bon entendeur de musique en libre diffusion, salut…

Notes

[1] Startupattitude vs Rockattitude, quand on évoque Jamendo on ne peut s’empêcher de penser à son « frère ennemi » Dogmazic. Ils vont bien (cf le dynamisme de l’extraordinaire projet Automazic) et vous invitent même à rejoindre leur association qui a fait peau neuve. Si je m’amusais à faire des comparaisons douteuses, je dirais que, dans le milieu de la musique ouverte, Dogmazic est à Jamendo ce qu‘Arduino est à l’iPad, ou encore ce que le disquaire du coin est à la FNAC !

[2] En lançant un player flash qui streame du mp3, ce qui implique de ne pas être allergique à ces deux formats controversés du Web.




Affaire INPI : Tous à l’abordage de l’exposition « Contrefaçon » le 4 mai !

Joseph Sardin - CC bySi tu ne viens pas à Lagardère, Lagardère ira à toi.

Suite à ce que l’on peut désormais appeler « l’affaire INPI », une invitation est lancée à se rendre nombreux le mardi 4 mai à 18h à La Cité des Sciences et de l’Industrie devant l’exposition incriminée pour informer les visiteurs que le Libre existe et aurait au moins mérité cette petite place injustement refusée.

La semaine qui vient de s’écouler fut marquée par une superbe illustration du principe selon lequel la censure s’avère toujours contre-productive pour le censeur, puisque l’action de ce dernier sur un message particulier attire inévitablement l’attention du public sur ce qu’il voulait cacher[1].

Ainsi, la décision de l’Institut National de la Propriété Industrielle d’exclure, à la dernière minute, toute mention de logiciels et de licences libres de l’exposition « Contrefaçon » (présentée du 20 avril au 13 février prochain à la Cité des Sciences et de l’Industrie) a choqué un large public, sûrement aiguisé sur la question par des années de frasques législatives (DADVSI, HADOPI I&II) tentant justement de définir les limites de la contrefaçon à l’ère du numérique. Et le cri d’alarme lancé par Isabelle Vodjdani (membre de Copyleft Attitude et auteur du texte censuré) il y a un peu plus d’une semaine s’est donc répandu sur le web comme une tache d’huile, grâce aux efforts conjugués de toutes les consciences qui animent les associations du libre, les blogs indépendants, la presse en-ligne…

Le texte, originalement posté sur Transactiv.exe fut presque immédiatement repris par une vague d’associations du libre parmi lesquelles Ubuntu-fr, Framasoft LinuxFR ainsi que les journaux en-ligne les plus réactifs : Rue89, PCINpact… Dès le lendemain, les réactions se multipliaient tous azimuts, et le texte, sous licence libre, se trouvait repris commenté et analysé sur les sites web d’associations telles que PULLCO le LUG Corézien ou Fansub-streaming dont l’activité pose d’intéressantes questions sur le droit d’auteur et la contrefaçon (ce n’est pas une contrefaçon de sous-titrer une animation japonaise en français tant que l’éditeur ne commercialise pas l’œuvre en France, ça le devient ensuite, presque rétro-activement…). Enfin, l’April réagissait en adressant une lettre ouverte à Claudie Haigneré, présidente de la Cité des Sciences et de l’Industrie dans le but d’obtenir un rendez-vous.

Edit 3 mai : L’April a publié le compte-rendu de son entretien avec Claudie Haigneré, présidente de la Cité des sciences et de l’industrie, le lendemain de la publication originale de cet article. L’association annonce, en fin de communiqué, qu’elle se joindra à l’opération.

Tangui Morlier (président de l’April, fondateur de StopDRM) réagit encore, à titre personnel le jour suivant, en lançant le site www.bonjourcensure.fr avec la participation d’Isabelle Vodjdani. Ce site, simple mais efficace, offre un espace pour laisser s’exprimer en image la créativité du libre sur le sujet.

Face aux critiques, il est à noter que la CSI et l’INPI publièrent rapidement un communiqué de presse dans le but de justifier leur décision de ne pas présenter d’alternative au modèle dogmatique de la propriété intellectuelle telle que défendue par l’INPI ou la SACEM, à base de gentils consommateurs et de méchants pirates.

En substance, dans leur communiqué ils se défendent des mauvaises intentions qu’on leur prête pour avoir supprimé cette partie de l’exposition, étant eux-mêmes utilisateurs de logiciels libres et donc forcément favorables au phénomène. Mais exploiter simplement ces outils concurrentiels ne dénote en rien d’un a priori vis-à-vis de leur modèle, et d’a priori ne voulons point ! Les licences libres existent et sont largement répandues, pourquoi éviter le sujet ?

L’INPI arguait alors de ne pas vouloir semer le trouble dans l’esprit des visiteurs, entre contrefaçon et logiciel libre, afin d’éviter une association négative. En dehors de la condescendance de l’argument, on peut se demander si ce ne serait justement pas le principal intérêt de cette exposition, que d’amener les visiteurs à réfléchir et se poser de fécondes questions comme le remarquait aKa dans les commentaires du billet Framablog.

D’ailleurs, pour une exposition se voulant sans ambiguïté et « tout public », on peut s’interroger sur le choix du visuel de l’affiche, présentant un remix du célèbre pavillon de Jack Rackham (dit « Le Rouge » …) dont le crâne a été remplacé par le terme « Contrefaçon ». Le lien entre les contrefacteurs dénoncés par l’exposition et les renégats des siècles derniers se livrant à des actes de flibusterie me semble pour le moins trouble…

Aujourd’hui on retrouve ces exactions marines au large de la Somalie et ce pavillon noir sur la flotte des Sea Shepherd poursuivant une noble cause. Mais rien à voir, en tout cas, avec les honnêtes citoyens qui s’échangent de la culture aux limites numériques encore floues du droit d’auteur qui fait vivre des organismes de contrôle tels que l’INPI ou la SACEM.

Toujours est-il que cette réponse, faisant couler beaucoup d’encre, a visiblement contribué à attiser les résistances. Aujourd’hui la presse continue à se faire l’écho du phénomène comme on peut le voir dans LeMagIT, LePoint ou ZDNet, et les analyses fleurissent sur les blogs comme ce billet du « dernier des blogs » ou cet intéressant travail de synthèse réalisé par Frédéric Couchet.

Toutefois, si le message d’Isabelle Vodjdani a survécu à sa censure grâce à une publication sous licence libre et un web réactif, il reste un manque béant d’information au sein de l’exposition !

Si l’April, qui rencontrera prochainement la présidente de la Cité des Sciences aura une opportunité de demander l’intégration du texte à l’exposition comme prévu, voire un espace supplémentaire pour détailler les évènements qui ont conduit cette intégration tardive, il n’en reste pas moins qu’à l’heure actuelle rien n’est fait pour informer le public lors des dix mois à venir de l’existence d’œuvres libres dont la copie et le partage n’engendrent pas de contrefaçon.

C’est pourquoi une réaction s’est organisée sur le forum et le canal IRC de Framasoft depuis le précédent billet. Comme nous y encourage Richard M. Stallman, les défenseurs du libre viendront à la rencontre du public de l’exposition lors de son inauguration officielle le mardi 4 mai à partir de 18h, comme détaillé ici.

Lors de cet évènement à but pédagogique (c’est un terme qui fait peur depuis HADOPI…) des FramaDVD seront distribués aux visiteurs pour donner corps à l’existence des licences libres, des logiciels libres, des livres libres, de la musique libre, des photos libres, des films libres…

Venez nombreux !

Notes

[1] Crédit photo : Joseph Sardin (Creative Commons By)




Politique et Logiciel Libre : Europe Écologie loin devant tous les autres ?

Le 15 juin 2009 Daniel Cohn-Bendit publiait une tribune dans Le Monde au titre étonnant : Faisons passer la politique du système propriétaire à celui du logiciel libre.

Il récidive aujourd’hui dans Libération en profitant du clin d’œil historique que lui offre la date du 22 mars, pour lancer un nouvel appel au lendemain des élections régionales : Changer la politique pour changer de politique.

Extraits :

Le mouvement politique que nous devons construire ne peut s’apparenter à un parti traditionnel. Les enjeux du 21e siècle appellent à une métamorphose, à un réagencement de la forme même du politique. La démocratie exige une organisation qui respecte la pluralité et la singularité de ses composantes. Une biodiversité sociale et culturelle, directement animée par la vitalité de ses expériences et de ses idées. Nous avons besoin d’un mode d’organisation politique qui pense et mène la transformation sociale, en phase avec la société de la connaissance.

J’imagine une organisation pollinisatrice, qui butine les idées, les transporte et féconde d’autres parties du corps social avec ces idées. En pratique, la politique actuelle a exproprié les citoyens en les dépossédant de la Cité, au nom du rationalisme technocratique ou de l’émotion populiste. Il est nécessaire de « repolitiser » la société civile en même temps que de « civiliser » la société politique et faire passer la politique du système propriétaire à celui du logiciel libre.

(…) Ni parti-machine, ni parti-entreprise, je préférerais que nous inventions ensemble une « Coopérative politique » – c’est à dire une structure capable de produire du sens et de transmettre du sens politique et des décisions stratégiques. J’y vois le moyen de garantir à chacun la propriété commune du mouvement et la mutualisation de ses bénéfices politiques, le moyen de redonner du sens à l’engagement et à la réflexion politique.

(…) Encore une fois, l’important est moins d’où nous venons, mais où nous voulons aller, ensemble. C’est l’esprit même du rassemblement qui a fait notre force, cette volonté de construire un bien commun alternatif.

Ajoutez à cela le fait que parmi les signataires du Pacte du logiciel libre de l’April, près de la moitié sont d’Europe Écologie, dont on notera l’existence des groupes Culture et logiciels libres et Accès aux Savoirs / Propriété Intellectuelle, et vous obtenez selon moi un mouvement politique loin devant tous les autres en France actuellement pour ce qui concerne le logiciel libre et sa culture.

Tellement loin qu’à mon humble avis il « tue dans l’œuf » l’émergence d’un Parti Pirate national. Et pour appuyer mes dires, je vous propose reproduit ci-dessous un article fort intéressant issu justement du site d’Europe Écologie.

Et je le reproduis d’autant plus facilement que l’ensemble du site est sous licence libre Creative Commons By-Sa !

Je précise que je ne suis pas d’Europe Écologie (ni d’un autre parti d’ailleurs) et que je ne demande qu’à être contredit dans les commentaires 😉

De la propriété intellectuelle vers l’accès aux savoirs

URL d’origine du document

Gaelle Krikorian – 5 novembre 2009 – Europe Écologie

Quel est le point commun entre un réseau de malades du sida thaïlandais, des militants pour la réduction des émissions polluantes suédois, des mobilisations d’internautes en France, des manifestations de fermiers indiens, d’associations de mal-voyants américains, de producteurs de coton kenyans, ou l’appel d’un philosophe argentin poursuivit en justice. Tous sont parties prenantes d’au moins un des conflits qui ont émergé depuis une dizaine d’années et mettent en question le système actuel de protection de la propriété intellectuelle.

La question de l’accès aux médicaments génériques dans les pays en développement a sans doute été l’une des revendications les plus visibles tant auprès du grand public que dans les sphères politiques. Elle a donné lieu à une forte mobilisation internationale. Mais en dépit d’avancées symboliques dans le cadre de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), les malades des pays en développement restent globalement écartés de l’accès aux médicaments contre nombre de maladies, infectieuses (sida, hépatites, etc.) ou non-infectieuses (cancer, maladies cardio-vasculaire, etc.).

Parallèlement à ces inégalités d’accès, il est devenu de plus en plus évident que le bénéfice social escompté de l’application de la protection de la propriété intellectuelle –constituer une incitation et un moteur à la recherche médicale– était de moins en moins garanti. Dans le même temps, le cloisonnement de la connaissance par l’instauration de monopoles et la culture du secret, la restriction de ce qui appartient au domaine public ou relève d’un savoir commun, la limitation ou la disparition des exceptions qui permettent de faire prévaloir le droit des individus ou l’intérêt des sociétés, entravent la recherche et à l’innovation. Concrètement, les innovations réelles se font de plus en plus rares et de vastes domaines de recherche sont ignorés parce qu’ils n’ouvrent pas sur des opportunités financières jugées suffisantes. Ces échecs motivent débats et réflexions (par exemple au sein de l’OMS, de l’OMPI ou de différents Parlements) afin de permettre, grâce à divers mécanismes (la création de prix à l’innovation, de fonds internationaux, de traités internationaux pour la recherche, etc.), le financement d’une recherche adaptée aux besoins des différentes populations (du Nord et du Sud) sans compromettre l’accès de ses fruits au plus grand nombre.

En termes d’accès, ce qui vaut pour les médicaments s’applique à toutes sortes d’autres produits de la connaissance : logiciels, bases de données, musiques, films, livres (et notamment l’édition scolaire). L’accès à un libre flux d’idées ou d’informations est essentiel au développement de n’importe quel pays. Or, l’inégalité d’accès à l’éducation, aux connaissances et aux technologies est une réalité qui s’exacerbe avec l’accroissement des inégalités sociales dans le monde. Elle compromet la participation des populations à la production de savoirs nouveaux et donc exclut et entretient l’exclusion d’une partie importante de la population mondiale de la « société de l’information».

Dans le domaine du logiciel, la protection de la propriété intellectuelle qu’elle soit opérée par le biais d’outils juridiques ou de moyens techniques tend à interdire la reproduction, et par extension refreine la création en limitant les usages et les échanges. Alors que le logiciel n’entre en principe pas dans le champ du droit du brevet en Europe, l’Office européen accorde des brevets pour des logiciels. Ainsi, la même dynamique que dans la recherche médicale se met en place. Contrevenant aux principes de non exclusion et de non appropriation, qui caractérise les biens immatériels, les systèmes de protection en place favorisent les comportements opportunistes d’appropriation à des fins privées qui peuvent affecter la création, le développement et la diffusion d’un produit ou d’un service donné.

Ces réflexions émergent actuellement à propos de la lutte contre le changement climatique. À l’instar de la nécessité de développer des technologies moins polluantes ou non polluantes, le transfert de technologie est indispensable pour que les pays en développement puissent mettre en place des politiques industrielles, énergétiques et agricoles qui limitent la croissance de leurs émissions, puis la réduise. L’UNFCCC et le Protocole de Kyoto encouragent le transfert de technologie, comme avant eux les accords de l’OMC et de nombreux traités internationaux. Dans les faits pourtant, qu’il s’agisse de technologies non polluantes ou de technologies d’une toute autre nature, les transferts de technologies sont extrêmement limités entre pays industrialisés et pays en développement, et la propriété intellectuelle représente souvent un véritable obstacle. C’est pourquoi, dans le cadre des négociations pour le traité de Copenhague, les pays en développement revendiquent notamment l’application du droit à suspendre la propriété intellectuelle lorsque cela est nécessaire.

Le système actuel de propriété intellectuelle entraîne et entretient ainsi des discriminations fortes entre pays, entre classes d’individus, ou entre individus. Certaines populations, comme les aveugles et mal-voyants, sont en raison de handicaps particuliers plus exposées aux inégalités que crée le système de protection de la propriété intellectuelle. Dans le même temps, ces situations particulières soulèvent des problèmes ou dysfonctionnements qui concernent également d’autres catégories de populations.

Les discriminations produites par le système de propriété intellectuelle touchent d’autant plus de monde que le champs de ce qui est concerné par la propriété intellectuelle s’étend ––au vivant par exemple. En Inde, comme dans un certain nombre de pays en développement, des agriculteurs se sont mobilisés contre les droits privés sur les semences et le vivant en général et contre la biopiraterie qui permettent à une dizaine de firmes multinationales (comme Monsanto, Syngenta, Bayer and Dow Chemical) de devenir progressivement propriétaire de la biodiversité pourtant nécessaire à la sécurité alimentaire des populations des pays en développement.


Le terme de propriété intellectuelle a été créé et son utilisation s’est répandue à partir du milieu des années 1960. Il suggère une analogie avec la propriété physique qui a progressivement conduit le législateur à aborder brevets, marques et droits d’auteur comme s’il s’agissait d’objets physiques. Réussir à imposer ce terme a signé le succès de l’offensive stratégique menée par les détenteurs de droits – industries pharmaceutiques, industries du divertissement et de la culture. La construction même du terme est en soit une entreprise idéologique favorisant le renforcement des droits de certains ou de certains types de droits. Il s’agit tout à la fois d’élargir le champ de ce que l’on protège, en rognant de plus en plus sur le domaine public, d’allonger la durée des protections tout en inventant de nouvelles formes de monopoles (exclusivité des données, etc.).

Le mouvement lancé par les détenteurs de droits exclusifs depuis la fin des années 1970 n’a eu de cesse de complexifier un système qui se montre à la fois de plus en plus englobant et de plus en plus rigide. La stratégie menée conjointement par les pouvoirs publics et les détenteurs de droits est globalement, à l’image de la nouvelle loi Hadopi en France, de renforcer l’arsenal juridique tout en développant la répression des comportements. La répression du téléchargement est l’un des exemples les plus emblématiques de l’ampleur nouvelle qu’a pris cette tendance dans les pays riches. Ainsi en France un usager du peer-to-peer a récemment été condamné à 10 000 € d’amende. La répression s’exerce dans de nombreux pays sous de nombreuses formes : descentes policières contre les vendeurs de rues (présents de Manille à New York), confiscation d’ordinateur aux frontières, saisie de médicaments par les douanes, action en justice contre des professeurs trop zélés dans leur mission d’éducation et de démocratisation du savoir.

Ce système concourt à limiter l’accès à de nombreux produits dont des produits de santé vitaux. Il renforce les inégalités d’accès aux connaissances et aux savoirs, ce qui nuit au développement et à la cohésion sociale. Par les déséquilibres qu’il établit entre droits des détenteurs de brevets et droits des individus ou des sociétés, il est responsable du développement de pratiques anticoncurrentielles qui imposent des dépenses injustifiées aux individus comme aux sociétés. Alors qu’il est en théorie au service de la création, il renforce ou au minimum ignore les obstacles croissants que rencontrent les auteurs, artistes et inventeurs pour la création et l’innovation dérivée, tandis que les mécanismes supposés rémunérer les individus et communautés créatives, mais qui sont dans les faits inefficaces et injustes pour les créateurs comme pour les consommateurs, perdurent. En favorisant la concentration et le contrôle de la « propriété intellectuelle », il nuit au développement, à la diversité culturelle et au fonctionnement démocratique des institutions et des sociétés. Les mesures techniques destinées à forcer l’exécution des droits de propriété menacent les exceptions fondamentales sur les droits d’auteur qui bénéficient aux personnes atteintes de handicaps, aux bibliothèques, aux éducateurs, aux auteurs et consommateurs, tandis qu’elles mettent en danger la protection des données personnelles et les libertés. D’une façon générale, on peut s’interroger sur la légitimité de l’exclusivité lorsque celle-ci contrevient au droit à l’information, favorise le monopole privé sur le savoir et le patrimoine commun de l’humanité, niant ainsi l’utilité sociale du partage et le caractère relationnel de la création et limitant l’économie du savoir au bénéfice d’une partie limitée de la population mondiale.

De nouveaux modes de production et de nouveaux modèles industriels émergent avec les technologies digitales et l’Internet. Ceci affecte la création, la fabrication, la circulation et la valorisation des produits et services issus de la connaissance. Se pose la question de savoir comment ces évolutions s’opèrent, par quels principes elles sont guidées, si elles accroissent ou au contraire peuvent réduire les inégalités, quelle place elles font au non marchand, quels domaines elles lui confient, comment se redessinent les échanges au cœur même du système marchand. Pour l’heure, les nouvelles formes de production, de travail et de collaboration, plus propices à la création dans l’environnement digitale et avec l’Internet sont freinées par le modèle qui repose sur la protection toujours accrue des droits de propriété intellectuelle et d’une façon générale au modèle propriétaire qui est appliqué. Elles mettent en évidence le caractère absurde et obsolète du système en place, autant qu’elles se heurtent à son inflexibilité et ses tendances jusqu’au-boutistes.

Les conflits actuels sur la propriété intellectuelle et les mobilisations autour de « l’accès aux savoirs » qui ont émergé ces 10 dernières années attestent de l’intérêt d’une approche qui privilégie la notion de « l’accès » comme enjeu de revendications. Pratiquement, de nombreuses réflexions ont lieu sur le développement d’alternatives pratiques au modèle actuel qui soient à la fois moins excluant, plus juste et plus efficace – nouveaux modèles de financement, de répartition, de rémunération, de collaboration et de partage, etc. Ces mobilisations nous proposent, au travers du prisme de l’accès, de penser les problèmes différemment pour traduire les conflits sous des formes politiques mais aussi pour penser de solutions nouvelles.

La question de l’accès aux savoirs est une question centrale pour toute politique de transformation écologique et sociale. Elle est déterminante à l’émancipation des personnes. Elle est essentielle pour préserver la biodiversité et éviter les prédations commerciales. Elle est fondamentale à la richesse de l’innovation et aux transferts de technologies indispensables pour répondre aux crises et assurer le développement des sociétés.

Lectures connexes sur le Framablog




Au secours, l’Hadopi arrive en Belgique !

Yumyumbubblegum - CC byOn peut être éventuellement fiers d’exporter nos parfums et nos vins, mais certainement pas notre Hadopi !

C’est pourtant la menace qui plane en Belgique. Ce court extrait vidéo d’un récent débat télévisé de la RTBF vous rappellera en effet illico bien des souvenirs.

Pour en savoir plus nous avons recontré un membre d’une association locale qui souhaite sensibiliser et mobiliser le grand public pour éviter la contagion française.

PS : Désolé pour le choix de la photo clichée de la Belgique[1], mais ça symbolise les quatre majors du disque pissant dans les violons des artistes 😉

Entretien avec André Loconte du collectif NURPA

Bonjour, pouvez-vous vous présenter succinctement ?

André Loconte, belge, étudiant ingénieur, politiquement orienté vers le logiciel libre, développeur et fervent défenseur de l’accessibilité du Web et de la neutralité du Net. Mes connaissances techniques liées à l’informatique sont issues principalement (pour ne pas dire « exclusivement ») du Net.

Je suis l’un des trois co-fondateurs de NURPA (avec Laurent Peuch et Frédéric Van Der Essen).

Qu’est ce que NURPA ? (et pourquoi un acronyme anglophone dans un pays qui a déjà trois autres langues officielles ?)

Nous sommes un collectif hétéroclite constitué initialement d’étudiants (sciences informatiques, ingénieurs, ..) bercés dans la culture du libre mais qui s’est très vite complété de citoyens de tous horizons professionnels, concernés par les problèmes que l’application de lois telles que celle proposée par le sénateur Philippe Monfils (Proposition de loi visant à promouvoir la création culturelle sur Internet) serait susceptible d’engendrer. Deux des co-fondateurs ont contribué (et contribuent toujours) chacun à leur manière aux débats qui font rage en France.

La Net Users’ Rights Protecion Association (trad. Association de protection des droits des internautes) est la réponse collective de citoyens amoureux du Net et de leurs libertés, décidés à ne brader ni l’un ni l’autre au prétexte qu’un gouvernement flexible au poids des industries du divertissement tente d’imposer subrepticement une surveillance généralisée du Net. Si l’on écarte une hypothétique pression des lobbys, il est évident que nos politiques ont un retard considérable dans l’appréhension d’Internet et dans la compréhension de sa complexité. C’est donc avant tout dans une démarche pédagogique forte que s’inscrit NURPA : (in)former pour éviter de voir se reproduire en Belgique les erreurs qui ont conduit à la promulgation d’HADOPI en France (et qui ont poussé les députés à aller plus loin dans l’absurde avec HADOPI2, LOPPSI…).

En observateurs avisés des déboires français et du contexte européen, nous craignons que cet HADOPI à la belge ne soit qu’un cheval de Troie, le calme avant la tempête. L’ombre d’ACTA plane. Nous ne nous positionnons pas comme collectif uniquement contre l’HADOPI de Monfils, nous sommes évidemment contre cette loi, mais le débat ne s’arrête pas là.

Dans un pays qui possède trois langues officielles (l’allemand, le néerlandais et le français), l’utilisation de l’anglais pour la formation du nom, in fine de l’acronyme, a été pour nous une manière de passer outre cette indéniable barrière linguistique. Il nous a semblé que l’anglais était le meilleur choix pour garantir que notre but soit compris de tous.

Voici donc que la Belgique nous propose par l’entremise du sénateur Philippe Monfils son « Hadopi locale » baptisée tendancieusement « Proposition de loi visant à promouvoir la création culturelle sur Internet ». Pouvez-vous nous en dire plus ? Quelles sont les similarités et différences par rapport à la loi française ?

Le sénateur Monfils, qui a déclaré « la culture gratuite, ça n’existe pas » (lors de l’émission InterMedia de la RTBF du 25 janvier 2010), explique que des systèmes de juste rémunération des artistes et de contrôle du Net ont fait leur preuve ailleurs et cite sans scrupule, .. HADOPI en France (page 5, paragraphe 5 de sa proposition de loi). Signe évident selon nous d’une part, de sa méconnaissance du contexte qui a entouré la promulgation du texte de loi non seulement dans l’hexagone mais également au niveau européen; d’autre part, de la nature inapplicable de la loi française.

Le texte belge est une version édulcorée de l’HADOPI français, on y retrouve d’ailleurs les erreurs de jeunesse d’HADOPI :

  • Pas de Haute Autorité de Contrôle mais des agents commissionnés par le ministère de l’économie : des agents qui ont un pouvoir d’investigation a priori illimité (car non-défini dans la proposition de loi), qui constatent les infractions et qui décident des sanctions.
  • Pas de mouchard mais une collaboration des FAI : les FAI (Fournisseurs d’Accès à Internet) auront l’obligation juridique de fournir toutes les informations nécessaires pour l’association d’une personne physique à une adresse IP. Actuellement, obtenir ce type d’information nécessite l’ordonnance d’un juge, ce qui garantit le respect de la vie privée et limite les dérapages.

    Une différence importante par rapport au dispositif français qui pénalise le titulaire de la ligne en cas de défaut de sécurisation, le texte belge ne prévoit de peine que pour le titulaire qui télécharge illégalement du contenu soumis au droits d’auteur ou droits voisins sur sa propre ligne. On imagine aisément l’immense difficulté de prouver qu’il s’agit effectivement du titulaire qui s’est rendu coupable de téléchargements illégaux sur sa propre ligne.

  • Double peine : le paiement de l’abonnement à Internet dans sa totalité est d’application même si celui-ci a été suspendu pour raison de téléchargement illégal.
  • Théoriquement pas de coupure de la ligne mais un bridage du débit : « en théorie » car bien que cela semble être l’argument clé de Philippe Monfils, sa proposition de loi ne manque pas de préciser que la coupure serait tout à fait envisageable en cas de multiple récidive. Bridage du débit, c’est à dire : diminuer la vitesse de transfert de telle sorte que l’internaute puisse continuer à chercher du travail et à consulter ses mails (sic).

    On conçoit un peu mieux la qualité de ce texte quand on sait qu’un débit suffisant à la consultation de mail et à la recherche d’emploi est également suffisant au téléchargement de la plupart des fichiers (moins rapidement certes). Ne parlons même pas des mises à jour de sécurité qui vont devenir pénible à obtenir et toutes les conséquences fâcheuses que cela risquerait d’entraîner.

    Lors d’une coupure (en cas de récidive après le bridage), quid du téléchargement légal ? L’internaute qui verrait sa ligne coupée serait en effet dans l’incapacité d’acheter du contenu légalement en ligne. A cela s’ajoute la décision du 10 juin 2009 du Conseil Constitutionnel français qui présente Internet comme une composante de la liberté d’expression et de consommation nécessaire à l’exercice la liberté d’expression et de consommation tel que décrit dans l’article 11 de la déclaration des droits de l’homme de 1789.

  • Enfin, le texte qui trouve sa justification dans la juste rémunération des artistes, ne contient pas une ligne à leur propos.

L’Hadopi est certes passée en France mais modifiée par rapport au texte initial (et non encore appliquée). Et puis « nous » avons coutume de dire que c’est une victoire à la Pyrrhus car « nous » avons gagné au passage la bataille de la médiatisation et des idées. Comment alors selon vous peut-elle encore servir d’exemple à d’autres pays ?

Je soulevais la question plus haut : profonde méconnaissance du dossier, incompétence technique, influence des lobbys du divertissement ? Probablement un savant mélange des trois.

Et pour citer un certain Jérémie Zimmerman (reprenant Michel Audiard) : « Les cons ça osent tout, c’est à ça qu’on les reconnaît ».

D’autres sénateurs (écologistes je crois) ont rédigé une proposition de loi visant à instaurer quelque chose qui ressembe à une « licence globale ». Approuvez-vous cette initiative ? A-t-elle une chance d’être comprise et entendue par les politiques en particulier et la société belge en générale ?

Cette idée de licence globale est en effet portée par Ecolo (à travers Benoit Hellings) et n’a pas encore été déposée. Il nous est donc impossible de nous prononcer précisément à son sujet. Les interventions télévisuelles de Benoit Hellings permettent cependant de dresser un rapide état des lieux : il semble que cette licence globale soit largement inspirée du livre de Philippe Aigrain « Internet & Création. Comment reconnaître les échanges hors-marché sur internet en finançant et rémunérant la création ? » (sic); que la contribution de l’internaute serait répercutée directement dans le prix de l’abonnement (sans sur-coût); que la grille de répartition des biens aux artistes serait semblable à celle actuellement en usage par la SABAM (NDLR : la SACEM locale). Il est évoqué également la possibilité de création d’un organisme indépendant chargé d’établir des statistiques sur les téléchargements sur base d’enquêtes anonymes.

Sans chercher à créer la polémique avant même que la proposition de loi d’Ecolo ne soit déposée, nous relevons déjà plusieurs points qui à n’en pas douter seraient problématiques s’ils étaient introduits dans la proposition de loi :

  • Je parlais de contribution directement répercutée dans le prix de l’abonnement, Benoit Heillings va plus loin : il suggère une retarification des connexions au Net selon le critère du téléchargement, en d’autres termes les « gros téléchargeurs » bénéficieraient, pour des tarifs semblables à ceux pratiqués actuellement, de vitesses de connexion plus élevées et d’une capacité de téléchargement supérieure (illimitée ?); les autres, pour un tarif plus modeste, de vitesses de connexion réduites et de capacité de téléchargement inférieure (permettant uniquement la consultation des mails et la recherche d’emploi). De notre point de vue, cette vision bipolaire du comportement des internautes (soit il télécharge, soit il ne télécharge pas du tout) traduit une fois de plus une méconnaissance profonde d’Internet et de ses usages.

    Ce n’est pas la première fois que le gouvernement belge est pris à défaut sur cette problématique, on se rappellera le courrier adressé par Microsoft au Ministre fédéral des télécommunications à propos des quotas de téléchargement en application en Belgique qui empêcheraient la firme de Redmond de déployer son service de VOD.

  • Ensuite, l’utilisation de la grille de répartition – déjà obsolète – de la SABAM ne permettrait en rien une meilleure rémunération des artistes.
  • Enfin, nous voyons d’un oeil méfiant la création d’un organisme indépendant, ô combien respectueux de l’anonymat soit-t-il. A quel niveau et de quelle manière s’effectuerait l’analyse des échanges ? Qui s’assurait que cet organisme respecte le cadre de ses attributions, la vie privée des internautes ? Quels moyens cet organisme serait-il capable de mettre en place afin d’observer les échanges via les VPN ou dans les Darknet ?

Nous n’hésiterions pas à leur faire part de ces remarques si nos craintes s’avéraient fondées à la lecture du projet de loi.

NURPA est-elle la seule structure belge à s’opposer ? Quelles sont les forces en présence ? Etes-vous en contact avec, par exemple, La Quadrature du Net ? Et quelles sont vos relations avec le tout jeune Parti Pirate belge ?

NURPA n’est heureusement pas la seule association que cette proposition de loi révolte. Citons par exemple « HADOPI mayonnaise » qui partage de nombreux points d’accord avec notre vision et avec qui nous collaborerons bientôt.

Quant aux forces en présence, le système de majorité étant différent en Belgique et en France, c’est avec la proposition Ecolo et la proposition annoncée du PS que les débats parlementaires se dérouleront. Contrairement à la situation qu’a connu la France avec l’UMP, la possibilité pour le Mouvement Réformateur (dont est issu P. Monfils) de faire passer sa loi de force est rendue complexe (pour ne pas dire impossible) tant la répartition des sièges à la Chambre et au Sénat est panachée.

Nous avons eu il y a quelques semaines, des échanges avec Jeremy Zimmerman, il nous a prodigué – fort de son expérience avec La Quadrature du Net – de précieux conseils d’ordre organisationnel. Des actions coordonnées pourraient être envisagées mais ne sont pas d’actualité.

Nous avons contacté le Parti Pirate belge afin de recueillir leur avis concernant la proposition de loi du sénateur MR. Notre interlocuteur (Germain Cabot) a manifesté un réel intérêt pour la question et nous a informé que le PP belge dressait un état des initiatives citoyennes afin d’envisager des collaborations. Le Parti Pirate belge fait les frais de sa jeunesse politique (création en juillet 2009), ne disposant pas de siège parlementaire, il verra son rôle limité à celui de commentateur sans avoir l’opportunité d’apporter un réel contre-poids politique.

Nous tenons à conserver une indépendance politique certaine, nos rapports au PP belge ne seront pas différents de ceux envers les autres partis politiques.

Quelles sont les échéances et quels moyens d’action envisagez-vous ?

Il n’y a pour l’instant pas d’échéances précises, en Belgique, un projet de loi met habituellement une année à passer à travers les rouages parlementaires. Bien que le projet de loi de P. Monfils ait été déposé, celui-ci est en cours de correction et de traduction. ECOLO n’a pas encore publié le leur et le PS s’en tient à des déclarations d’intention sans plus de précisions. Cela ne nous dispense pas de faire preuve de vigilence dès à présent, c’est un combat de longue haleine qui nous attend.

Nous allons principalement nous concentrer sur l’information et la sensibilisation de l’opinion publique et politique à ce sujet au travers d’analyses, de dossiers et de communiqués de presses, de rencontres et d’actions sur le terrain.

Nous avons, dès les premiers jours, mis à disposition un wiki afin d’asseoir l’aspect communautaire prépondérant de notre action.

Inspiré par le modèle de La Quadrature du Net, nous comptons également attirer les projecteurs des médias pour éviter que cette proposition de loi et les débats qui l’entourent soient passés sous silence.

Au delà d’Hadopi, vous dites être également sensible à des sujets comme le filtrage du Net ou la taxe sur la copie privée. En France on est actuellement mobilisé sur le front de la loi Loppsi et les cachotteries de l’Acta. Les libertés numériques dans leur ensemble sont-elles menacées ?

Lorsque l’on constate l’inconscience et l’incompétence avec laquelle les libertés numériques sont abordées par les politiques, on ne peut que craindre pour la pérennité de celles-ci. C’est pourquoi nous nous faisons un devoir d’éduquer et de sensibiliser les politiques à ces sujets.

Nous craignons que cet « HADOPI à la belge » soit le précédent nécessaire et suffisant à l’émergence d’autres lois plus pernicieuses encore. Je le disais en préambule, nous partons avec l’avance non négligeable que sont les enseignements tirés de l’expérience française.

Nous ferons ce qui est en notre pouvoir afin de nous assurer que ce projet de loi ne soit jamais promulgué et que LOPPSI et consorts demeurent le fait de l’exception française.

Brel disait « Je préfère les hommes qui donnent à ceux qui expliquent ».

La connaissance est parfois tout ce que l’on a à offrir. Tant qu’à la partager, autant que cela se fasse sous licence libre.

Que ferait le Grand Jacques aujourd’hui, il s’enfuirait aux Marquises ou résisterait debout ?

Il chanterait.

Pour NURPA, André Loconte

Notes

[1] Crédit photo : Yumyumbubblegum (Creative Commons By)