Microsoft Office 2013 supportera le format ODF (et PDF) : Victoire du Libre ?

Grande et bonne nouvelle, d’après Microsoft la prochaine version 2013 de la célèbre suite bureautique Office intégrera le format ouvert OpenDocument (ou ODF) dans sa version 1.2. Elle sera également capable d’ouvrir, enregistrer et même éditer du format PDF (voir le tableau comparatif issu de Microsoft en fin d’article).

Cela fait des années que les partisans d’une réelle interopérabilité le demandent. Et cela fait des années aussi que le format PDF est présent sur la suite bureautique libre OpenOffice.org / LibreOffice.

Du coup le journaliste Simon Phipps y voit clairement une victoire de l’open source. Et vous ?

Camknows - CC by-nc-sa

Comment Microsoft été forcé d’ouvrir Office

How Microsoft was forced to open Office

Simon Phipps – 17 août 2012 – InfoWorld.com
(Traduction : Damz, ehsavoie, Patchidem, Calexo, Nek, Fe-lor, Grummfy, Sylvain, Gatitac, Skhaen, ProgVal, Bohio, joe, HgO, Cypher, Jimmy)

Dans Office 2013, la prochaine version de sa célèbre suite bureautique, Microsoft a été contraint de prendre en charge totalement le véritable format ODF, au même titre que le format PDF. Voici comment l’open source a gagné.

Plus tôt cette semaine dans un article de blog, le responsable des standards Office, Jim Thatcher, a décrit les changements à venir dans Office :

Dans la prochaine version d’Office, nous avons ajouté l’utilisation de deux formats supplémentaires : Strict Open XML et Open Document Format (ODF) 1.2. Nous avons aussi intégré la possibilité d’ouvrir des documents PDF afin de pouvoir les modifier dans Word et de les enregistrer dans n’importe quel format. En ajoutant la prise en charge de ces formats de document standardisés, Microsoft Office 2013 offre à ses utilisateurs de nouvelles possibilités quant à l’intéropérabilité des documents bureautiques.

Dans ces quelques mots arides, nous pouvons trouver les échos d’une leçon d’histoire qui nous démontre le pouvoir de l’open source pour garantir la concurrence et favoriser l’innovation, tous deux précieuses sur les marchés du logiciel. Les formats de fichiers ne sont manifestement pas le sujet le plus excitant, mais cette annonce apporte une lumière sur deux faits importants à propos de l’open source : dans un premier temps, le logiciel open source peut être celui qui impose son rythme à la concurrence. Puis, dans un second temps, l’innovation open source fournit les bases solides sur lesquelles d’autres peuvent s’appuyer.

Le triomphe de l’ODF

Au tout début de la dernière décennie, Microsoft Office a quasiment chassé toute concurrence des logiciels bureautiques. Dans ce quasi-monopole, Sun Microsystems a lancé un projet open source en 2000, basé sur la suite bureautique de niche « StarOffice ». Connue sous le nom d’OpenOffice.org, la suite a progressivement pris de l’ampleur pour devenir l’alternative open source à Microsoft (NdT : Cf cet article du Framablog De StarOffice à LibreOffice 28 années d’histoire).

Alors que certaines personnes ont été promptes à accuser OpenOffice.org d’être un dérivé d’Office, elle égale la première version de Word de Microsoft (en 1983 pour Xenix) puisqu’elle a été créée en 1984, visant les ordinateurs personnels populaires de cette époque : le Commodore 64 et l’Amstrad CPC sous CP/M. Elle a ensuite évolué en une suite bureautique pour DOS, OS/2 Warp d’IBM et Microsoft Windows. Quand Sun Microsystems a acquis OpenOffice.org en 1999, il s’agissait d’une application complète et multifonction disponible sur toutes les plates-formes populaires de l’époque.

À leur arrivée chez Sun, les développeurs de StarOffice/OpenOffice.org ont accéléré le projet de créer un format moderne, basé sur XML, pour leur suite. En utilisant un format basé sur XML, il était plus facile de promouvoir l’interopérabilité avec d’autres outils bureautique, ainsi que de maintenir la compatibilité d’une version à l’autre.

Ce problème de l’omniprésence du format .doc ou .xls était le fléau de tous les utilisateurs d’outils bureautique, aussi Sun a pris l’initiative d’aller voir l’OASIS et a proposé une solution : un format de fichier standardisé pour le travail bureautique. J’ai été impliqué dans cette activité et je sais de source sûre que Sun a approché d’autres membres de l’OASIS pour qu’ils contribuent au projet. Toutefois, Microsoft a refusé, en qualifiant cette proposition de « superflue », préférant garder son juteux marché captif d’utilisateurs conditionnés à ses propres formats propriétaires.

OASIS a accepté la proposition et le résultat fut le standard OpenDocument, l’ODF. Malgré un départ difficile, l’adoption de l’ODF a fait boule de neige ; aujourd’hui, le format est un standard ISO et est approuvé/homologué à travers le monde. La pression sur Microsoft est devenue suffisamment forte pour que l’entreprise manipule le monde des standards internationaux afin de créer un format de fichiers XML standard concurrent basé de très près sur les formats utilisés dans Microsoft Office. Il a finalement été accepté par l’ISO en 2008.

Il aura fallu presque 7 ans, mais Microsoft a cédé. En avril, la société a annoncé qu’elle implémenterait complètement dans Office 15 à la fois le standard basé sur Office qu’elle a fait passer en force à l’ISO (standard ISO/IEC 29500, communément appelé OOXML) et les standards poussés par la communauté qu’elle émulait (standard ISO IEC 26300, communément appelé ODF).

L’open source a changé le marché, forçant Microsoft à réagir et à mettre en place la compatibilité de version à version et le concept d’interopérabilité. Sans l’open source, rien de cela ne serait arrivé. Avec l’open source, même si vous n’utilisez pas vraiment le format ODF vous-même, vous bénéficiez d’un marché compétitif et revigoré.

PDF a « presque » son dû

Le second point que souligne le blog de Microsoft est le pouvoir de l’innovation ouverte. La communauté OpenOffice.org a majoritairement migré en 2010 – avec le code – vers un nouveau projet open source nommé LibreOffice. Les projets OpenOffice.org et LibreOffice ont longtemps pris en charge la création de fichiers de type Portable Document Format (PDF). Microsoft Office a fini par copier cette fonctionnalité, d’abord comme une extension à Office 2007, puis comme une fonctionnalité intégrée par défaut. Cependant, LibreOffice inclut aussi la possibilité intéressante de pouvoir créer des fichiers Hybrid PDF qui peuvent ensuite être ré-ouverts et réédités avec LibreOffice. Si vous souhaiteriez essayer vous-même d’éditer des Hybrid PDF, cette vidéo vous expliquera comment faire.

Il semblerait que cette fonctionnalité soit sur le point d’arriver également dans Office :

Avec cette version, Microsoft introduit l’option, que nous appelons « PDF Reflow », qui permet d’ouvrir des fichiers PDF en tant que documents de bureautique éditables. Comme Tristan Davis, responsable du développement de Word, l’expliquait : « avec cette fonctionnalité, vous pouvez retransformer vos PDF en documents Word entièrement éditables, rendant alors modifiables les titres, les listes à puces ou numérotées, les tableaux, les notes de bas de page, etc. en analysant les contenus des fichiers PDF ».

À l’heure actuelle, le seul problème éventuel est de voir Microsoft limiter l’interopérabilité et la compatibilité de la prise en charge de l’ODF et de sa version de PDF hybrides. Pour des raisons inexpliquées, la société ne va pas proposer la possibilité d’enregistrer les fichiers comme un fichier ODF rétro-compatible (la version prise en charge actuellement dans Office 2012, le format ODF 1.1), donc il sera plus difficile dans un environnement mixte d’utiliser l’ODF. De la même façon, j’ai été conforté dans l’idée que, malgré la prise en charge de l’ouverture de fichiers PDF pour édition, Microsoft ne prend pas en charge l’ouverture des fichiers hybrides PDF de LibreOffice. Peut-être que la menace concurrentielle des logiciels open source est encore trop grande ?

À l’instar de la gestion initiale de l’enregistrement au format PDF, l’ajout de l’édition de documents PDF est un signe de bienvenue à ce qui a été essayé et testé en tant qu’open source. Telle est la dynamique de l’innovation. Les idées créent des idées, et l’innovation est le résultat de l’innovation.

Ici, la différence est que les communautés open source diffusent librement leurs idées à tout le monde, il n’y aura donc pas de menaces juridiques, pas de procès pour violation de brevets, et pas de licence d’utilisation coercitive (et confidentielle). C’est la façon dont les choses doivent se passer si nous voulons voir l’innovation continuer à germer grâce à un marché sain et compétitif.

Formats supportés - Microsoft Office 2013

Crédit photo : Camknows (Creative Commons By-Nc-Sa)




Et si la « catastrophe » Windows 8 profitait aux jeux sous Linux ?

On le sait, le manque de jeux disponibles nativement sous GNU/Linux est l’un des freins à sa massive adoption.

L’arrivée de Windows 8, prochain système d’exploitation de Microsoft, peut pourtant (et paradoxalement) changer la donne. Non seulement la nouvelle interface Metro risque d’en déstabiliser plus d’un mais en plus le contrôle accru des applications via le futur « Windows Store » pourrait pousser de plus en plus d’éditeurs de logiciels à s’intéresser aux alternatives libres et ouvertes.

C’est ainsi que le très respecté concepteur de jeux vidéos Gabe Newell a récemment décidé de joindre la critique à la pratique en portant par précaution plusieurs titres sous GNU/Linux (dont le célèbre Left 4 Dead 2).

Espérons que cette heureuse initiative ne reste pas isolée…

Comedy Nose - CC by

Newell de Valve : Windows 8, « la catastrophe » qui pousse Valve à supporter Linux

Valve’s Newell: Windows 8 “catastrophe” driving Valve to embrace Linux

Peter Bright – 25 juillet 2012 – ArsTechnica
(Traduction Framalang : Lolo le 13, esperolinuxien, Amine Brikci-N, ZeHiro, Martin)

Le portage de Steam sur Linux est une protection contre l’échec de Windows 8.

Le directeur de Valve – ancien employé de Microsoft – Gabe Newell a qualifié Windows 8 de « catastrophe pour tout le monde, qu’on soit acteur ou utilisateur de PC » lors d’une conférence consacrée aux jeux vidéos, le Casual Connect à Seattle. Le PDG de Valve a poursuivi en indiquant que, en conséquence de l’apparition de Windows 8, « nous allons perdre une partie des PC/OEM, qui quitteront le marché. Je pense que les marges vont être réduites à néant pour un nombre certain d’entreprises ».

Gabe Newell fait valoir que l’un des derniers éléments qui empêchent les gens de passer sous Linux est le manque de jeux. Valve travaille actuellement à porter Left 4 Dead 2 et d’autres titres Steam sous Linux, dans une dynamique que Newell décrit comme une « stratégie de couverture ». Si ses prédictions sur Windows 8 se vérifient, il déclare qu’il « sera bon d’avoir des alternatives pour se protéger contre cette éventualité. »

La piètre opinion que Newell porte sur le prochain système d’exploitation majeur de Microsoft est connue depuis quelques temps. Quand Michael Larabel de Phoronix a visité le campus de Valve à Bellevue, dans l’état de Washington, en avril de cette année pour prendre connaissances des efforts de la société à porter Steam sur Linux, il avait indiqué que la « vision négative de Newell pour Windows 8 et l’avenir de Microsoft était impressionnante ».

Newell n’est pas une tierce partie désintéressée. Valve tire de l’argent des commissions qu’il prend sur les ventes de Steam. Windows 8, avec son « Windows Store » intégré, concurrence cette source de revenus. Des fonctionnalités, comme une intégration au Xbox Live, pourraient rendre le « Windows Store » et Windows 8 plus attrayants pour les joueurs et les développeurs, au détriment de Steam.

Cependant, l’autre aspect de ce « Store » – sa nature fermée et contrôlée – l’inquiète également. Il a attribué le succès de Valve à la nature ouverte du PC, indiquant que cette société « n’existerait plus » sans le PC ou sans « l’ouverture de la plateforme ». Cette ouverture est aujourd’hui menacée. Newell affirme qu’il existe une « forte tentation » à fermer la plateforme, car les développeurs « voient ce qu’il peuvent tirer de celle-ci lorsqu’ils en limitent l’accès à la concurrence, et ils se disent C’est vraiment excitant ».

Crédit photo : Comedy Nose (Creative Commons)




Madame, Monsieur le Député, pourquoi il est important de faire le choix du Libre

Signal fort et beau symbole, en 2007 il avait été décidé de passer les postes des députés sous GNU/Linux Ubuntu et OpenOffice.org (cf ces témoignages). Arrive aujourd’hui le temps du renouvellement et les députés, fraîchement élu(e)s ou réélu(e)s, ont le choix du choix, avec Windows ou Ubuntu et Microsoft Office ou LibreOffice.

François Revol est un acteur bien connu de la communauté francophone du logiciel libre. Il fait ici acte de citoyenneté en prenant le temps d’adresser une lettre détaillée et personnalisée à son député sur ce sujet à ses yeux bien plus important qu’il n’y paraît. Nous vous invitons à vous en inspirer pour en faire de même, si vous partagez ses arguments et sa préoccupation.

Nous ne souhaitons pas qu’une assemblée nationale plus rose devienne moins libre.

Takato Marui - CC by-sa

Objet : Système d’exploitation de votre ordinateur

Madame, Monsieur le Député,

Si ce n’est déjà fait, et que personne n’a choisi à votre place, vous allez devoir prendre une décision très importante, que vous pourrez considérer comme anodine mais qui pourtant est cruciale.

Pour cette législature, conformément à la demande de la questure, vous avez le choix du système d’exploitation (SE) qui sera utilisé sur votre ordinateur. La législature précédente avait permis un énorme progrès par l’installation de GNU/Linux[1] sur toutes les machines des députés auparavant sous Windows, mettant ainsi à leur disposition un système plus éthique, plus économique, plus flexible, et participant à restaurer une certaine indépendance européenne dans le secteur du logiciel. Il semble au contraire pour cette législature, pour certaines raisons obscures et surtout exprimées bien tardivement, qu’il ait été décidé de vous laisser le choix. L’histoire dira, et surtout votre choix, si c’est un recul ou un progrès, et si vous avez usé sagement de ce qui pour beaucoup d’entre nous est encore un luxe, puisque précieux mais trop peu répandu.

En effet, malgré l’interdiction par la loi de la vente liée[2], le choix du système d’exploitation lors de l’achat d’un ordinateur par un particulier relève encore du plus rare des luxes, réservé aux seules entreprises. Si l’on en croit les revendeurs et fabricants, le particulier est simplement trop stupide pour faire un choix éclairé. L’excuse d’une complexité accrue de production est également caduque, les offres existantes pour les entreprises montrant la viabilité de proposition du choix. En fait il s’agit surtout de préserver des monopoles établis, ceux d’une entreprise américaine bien connue pour avoir été sanctionnée par la Commission européenne pour cette même raison.

Pourtant le choix du système d’exploitation est important à plusieurs titres, même en laissant l’éthique de côté, ayant même des conséquences sur la relocalisation d’emplois.

Ainsi par exemple le choix d’un SE libre permet, en plus de répondre aux questions d’indépendance, d’interopérabilité, et d’adaptabilité, de générer une activité de développement logiciel locale nécessaire à une adaptation au plus près des besoins, adaptation impossible avec du logiciel propriétaire qui dépend entièrement du bon vouloir de l’éditeur. En effet, le logiciel libre, par essence, est distribué avec son code source et la liberté de modification, permettant ainsi la création et la mise en concurrence d’expertises non subordonnées à l’éditeur original. La mutualisation des coûts de production des logiciels libres participe aussi de la création de biens communs. Comme nombre de sujets connexes liés au numérique, le logiciel libre transcende donc le bipartisme.

Certains d’entre vous ont d’ailleurs signé le Pacte Logiciel Libre lors de la campagne, d’autres lors de précédentes législatures ont voté pour ou contre certains projets de loi dommageables au logiciel libre, comme DADVSI ou HADOPI, créant ainsi du tracas y compris à des universitaires français, comme les auteurs du logiciel de lecture vidéo VLC, obligés de demander à la HADOPI comment contourner les DRM[3] du BluRay. La HADOPI n’a d’ailleurs pas été d’une grande utilité pour résoudre la violation de la licence de FFmpeg/LibAV, logiciel libre auquel j’ai modestement contribué, commise par un sous-traitant d’Orange4 pendant plus d’un an. Il s’agit pourtant ici également de protection des auteurs. Il est intéressant de plus de noter qu’Orange comptait parmi les fiers sponsors officiels de l’inutile sommet « eG8 » où la question de la protection des auteurs a été abordée. La Commission européenne n’étant d’ailleurs pas en reste, tant par sa tentative de faire adopter le traité ACTA[4] que la directive sur le brevet unitaire qui bien qu’utile sur le principe laisse entrer le logiciel dans le champ de la brevetabilité, ce qui ne saurait être plus grotesque puisque le logiciel est une expression de la pensée humaine et donc naturellement sous le régime du droit d’auteur.

Tous ces problèmes ont en commun le manque de considération des « acteurs », entreprises – pourtant grandes utilisatrices de logiciel libre – comme législateur. Ceci vient autant de la perception erronée de l’informatique comme un sujet purement technique et économique, que des effets de la vente liée, effets devenant rétroactivement causes de renforcement des monopoles. Le grand public est en effet gardé dans l’ignorance, croyant que le choix qui est fait pour lui est dans son intérêt, que « ça marche comme ça », et que « Linux ça marche pas », ce qui dans la plupart des cas est dû au manque de support matériel, lui-même résultant de l’indisponibilité des spécifications techniques du matériel, puisque bien sûr les fabricants préfèrent distribuer plutôt des pilotes pour Windows que les spécifications, qui sont pourtant le « manuel utilisateur » du matériel par le logiciel et devraient être publiques, ceci étant justement la conséquence du monopole déjà évoqué.

L’ironie de la situation étant que même Microsoft a été victime de cet état de fait, puisque lors de la sortie de Windows Vista, certains périphériques fournis uniquement avec des pilotes pour les versions précédentes de Windows n’étaient plus utilisables, mettant ainsi en colère les utilisateurs devant néanmoins acheter Windows Vista avec leur nouvelle machine, sans toutefois pouvoir utiliser certains périphériques pourtant neufs mais dont le fabricant refusait de fournir un pilote mis à jour.

Quand aux très rares matériels « certifiés Linux » disponibles, ils sont généralement seulement sommairement testés une fois pour toute certification, et de plus vraiment un « luxe » au vu des prix pratiqués.

Malgré des campagnes d’information au public de la part d’associations de promotion du logiciel libre comme l’April ou l’AFUL, ainsi que plusieurs procès gagnés par des particuliers, l’inaction de la DGCCRF est manifeste, et le status quo demeure depuis maintenant plus d’une décennie.

En effet, le problème de la vente liée, loin d’être récent, est par exemple une des causes majeures de la fermeture en 2001 de Be, Inc., éditeur du système d’exploitation BeOS, que j’ai utilisé pendant 10 ans. Déjà à l’époque Microsoft s’imposait sur les ordinateurs PC par le verrouillage du processus de démarrage, et en interdisant aux revendeurs par des contrats secrets d’installer un autre SE, la seule tentative de Be, Inc. de fournir des ordinateurs pré-installés avec son système ayant été torpillée, Hitachi se contentant alors de laisser BeOS sur le disque dur mais sans le rendre disponible au démarrage, ni même documenté et donc de facto inaccessible.

Plus tard, un éditeur de logiciel allemand ayant tenté de reprendre le développement de ce même système a également dû fermer, toujours par manque de ventes et à cause du monopole de fait de Microsoft sur le marché, me causant au passage un licenciement économique.

C’est d’ailleurs l’échec commercial de BeOS qui a conduit à la création du système d’exploitation libre Haiku auquel je contribue actuellement, dans l’idée de perpétuer son originalité, comme on tenterait de préserver une espèce nécessaire à la technodiversité. Pourtant, même si c’est un projet plus ludique que commercial à l’heure actuelle, la vente liée nous pose problème tout comme aux auteurs de Linux. En effet, la non disponibilité des spécifications matérielles chez certains fabricants et de nombreux constructeurs rend impossible l’écriture des pilotes de périphériques pourtant nécessaire à leur utilisation.

Cet état de fait est d’ailleurs une régression. En effet à une certaine époque la plupart des machines électroniques (téléviseurs, électrophones, mais aussi ordinateurs) étaient livrées avec les schémas complets. J’ai ainsi par exemple, dans le manuel utilisateur de mon premier ordinateur (un ORIC Atmos), la description de son fonctionnement interne et toute la documentation permettant d’interfacer du matériel, et l’importateur avait même publié les plans. L’obsolescence programmée a pris le pas depuis lors.

Ce luxe donc, auquel vous avez droit, m’a été refusé à l’achat de mon dernier ordinateur portable. Non seulement le fabricant refuse de rembourser la licence de Windows 7 que je n’ai jamais demandée, mais il ne m’a toujours pas communiqué les spécifications nécessaires à l’adaptation du système que je désire utiliser et auquel je contribue. J’en suis donc réduit lorsque je tente de l’utiliser actuellement à une résolution graphique inférieure à ce que l’écran permet et sans aucune accélération matérielle, pas de connexion réseau, et l’impossibilité de produire du son, sans parler des fonctions moins essentielles, que pourtant j’ai payées. Pourtant, ainsi que je l’ai dit, ces spécifications constituent le « manuel utilisateur » du matériel par le logiciel, et forment donc en ce qui me concerne, des «caractéristiques essentielles »[5]. D’ailleurs, cette même machine avec GNU/Linux que j’utilise également cause régulièrement des problèmes pour la même raison, à savoir la non disponibilité des spécifications qui empêche la correction d’un bogue du pilote vidéo pourtant documenté depuis plus d’un an.

La vente liée cause du tort également à des éditeurs français, comme Mandriva, qui publiait une distribution de GNU/Linux depuis 1998, initialement appelée « Mandrake Linux », que j’ai d’ailleurs un temps utilisée, mais n’a pas réussi à s’imposer et a donc disparu récemment. On ne peu que déplorer le résultat de cette concurrence pas vraiment libre et certainement faussée.

Et pourtant le logiciel libre permet de développer de nombreux [modèles économiques différents|http://www.april.org/livre-blanc-des-modele-economiques-du-logiciel-libre], ouvrant des perspectives d’emploi pour des PME innovantes, si la loi ne le défavorise pas.

Par ces temps de crise, il ne serait d’ailleurs pas inutile de s’intéresser aux optimisations fiscales, pour ne pas parler d’évasion, que certaines entreprises multinationales pratiquent, Microsoft en premier mais également Apple. L’absence de détail des prix lors de la vente liée pose d’ailleurs des questions légitimes quand à la répartition de la TVA.

La pratique par Microsoft du verrouillage du processus de démarrage, que j’évoquais plus haut à propos des PC, est d’ailleurs toujours d’actualité puisque bien évidemment les prochaines tablettes « compatibles Windows 8 » devront implémenter obligatoirement le mécanisme dit « SecureBoot », qui au prétexte de limiter les virus rendra totalement impossible l’installation d’un système libre. Et donc alors même que le combat contre la vente liée s’éternise sur les PC, il est presque déjà perdu sur les machines qui les remplaceront bientôt, alors même que ce sont toujours des ordinateurs malgré tout, dont l’utilisateur devrait garder le contrôle, contrôle qui s’exprime en premier sur le choix des logiciels qu’il voudra pouvoir utiliser ou non.

Le choix d’installer Windows s’apparente ainsi plus au non-choix, à un blanc-seing laissé à Microsoft quand au contrôle de votre machine, avec la sécurité qu’on lui connaît. C’est aussi un choix de facilité, au vu de la situation actuelle, mais également la caution d’une situation inacceptable.

Le choix d’installer GNU/Linux, sur une machine de bureau, est avant tout moral et éthique avant d’être pragmatique, alors que sur un serveur il s’impose plus logiquement. C’est pourtant tout autant un choix de sécurité, puisque le code source ouvert garantit le contrôle que l’on a sur le système, comme l’absence de porte dérobée. C’est aussi un choix courageux et téméraire, par l’entrée dans ce qui reste encore une minorité technologiquement discriminée. Mais ce serait aussi un signal fort envers les développeurs qui créent ces logiciels, les utilisateurs confortés dans leur choix difficile, et enfin les fabricants de matériels qui pour certains encore n’ont pas compris qu’il était de leur devoir et de leur intérêt de considérer tous les utilisateurs.

Ne vous y trompez pas, la majorité des problèmes qui pourraient survenir lors de l’utilisation de GNU/Linux ne sont pas de son fait ou des développeurs qui l’ont écrit, mais bien de Microsoft, Apple, et d’autres éditeurs, qui par leur politique de fermeture compliquent inutilement l’interopérabilité entre leur système et les autres, à dessein bien sûr, puisque leur but est le monopole. D’ailleurs il est à prévoir des incompatibilités entre GNU/Linux et l’infrastructure choisie par la questure pour la gestion des courriels, à savoir Microsoft Exchange, bien connu pour ne respecter aucun standard hormis le sien, c’est à dire donc aucun, puisque les formats et protocoles d’Exchange ne sont en rien normalisés ni donc standard (de jure). Alors même que les logiciels de courriel de GNU/Linux respectent de nombreux standards et normes. Pour résumer, dire que GNU/Linux pose problème serait simplement inverser la situation causée par ces monopoles.

Une métaphore que j’utilise depuis des années sans succès, mais pourtant découverte aussi récemment par un juge, s’énonce ainsi :

« La vente liée d’un système d’exploitation avec un ordinateur revient à l’obligation d’embauche d’un chauffeur à l’achat d’une voiture. »

Ceci vous semble absurde ? À moi aussi. C’est pourtant la pratique actuelle.

En tant qu’ingénieur, auteur de logiciels libres, citoyen et électeur, ce sujet me tient à cœur, et il me semble nécessaire qu’au moins la législation actuelle soit appliquée, à défaut d’évoluer. J’espère vous avoir éclairé sur ce choix important qui vous incombe, non dénué de symbole, et qui je le rappelle est un luxe pour le particulier même informé. Je reste à votre disposition pour toute discussion.

Je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur le Député, l’expression de ma considération la plus distinguée.

François Revol

Crédit photo : Takato Marui (Creative Commons By-Sa)

Notes

[1] Le système libre GNU fonctionnant sur le noyau Linux, lui aussi libre.

[2] Article L.122-1 du code de la consommation

[3] Digital Rights Management, en français MTP pour « Méthodes Techniques de Protection »

[4] Anti-Counterfeiting Trade Agreement, ou Accord commercial anti-contrefaçon (ACAC)

[5] Au titre de l’article L-111-1 I. du code de la consommation.




Geektionnerd : Microsoft Surface

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Source : L’épique Fail Freeze (et le grand moment de solitude) du gars de chez Microsoft présentant Surface sur scène.

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Quand Philippe Meirieu nous dit, chez Microsoft, tout le bien qu’il pense du Libre

Le 5 avril dernier, en pleine campagne présidentielle, était organisée une journée éducation chez Microsoft France sur le thème de l’école demain.

Au programme, copieux, une table ronde politique animée par François Jarraud du Café Pédagogique (dont on ne s’étonnera guère de sa présence ici) avec Fleur Pellerin pour François Hollande, Nicolas Princen pour Nicolas Sarkozy et donc Philippe Meirieu alors impliqué dans la campagne d’Eva Joly.

Nous avons choisi d’extraire un court passage de l’intervention de ce dernier car nous abondons dans son sens.

Sans oublier le clin d’œil lié à la symbolique d’un lieu à priori peu enclin à faire un tel éloge du Libre. Philippe Meirieu semble d’ailleurs en avoir bien conscience puisqu’il commence ainsi son propos : « Je le dis ici en toute liberté… » 😉

—> La vidéo au format webm

Transcript

(c’est nous qui soulignons)

« Je le dis ici en toute liberté, ma formation politique est très attachée à la promotion et au développement des logiciel libres, au pluralisme technologique et pédagogique dans l’ensemble des établissements scolaires.

Elle estime qu’il y a là, au delà des questions techniques, une question un peu philosophique qui est celle de la mise en réseau à travers les logiciels libres des savoirs et des compétences, du partage, de ce que chacun peut apporter au collectif et de la promotion d’un modèle plus coopératif, et ce terme de coopératif nous y tenons beaucoup, un modèle plus coopératif de l’organisation du numérique aujourd’hui.

On pourrait en parler très longuement, la diffusion des travaux sous licence libre nous parait devoir être développée de manière systématique, y compris dans les universités d’ailleurs.

Moi-même, à titre personnel, j’ai dû mettre mes cours sur un site que j’ai fait moi-même parce que mon université les met sur un site qui exige, pour pouvoir le consulter, un code d’accès et qui ne peut pas être consulté par d’autres que les étudiants de mon université, ce que je trouve absolument absurde à l’ère de la mondialisation planétaire et tout à fait contre-productif.

Quant à mes collègues qui pourraient imaginer qu’ils peuvent être payés deux fois : une fois à plein temps pour être enseignant et une deuxième fois pour les outils pédagogiques qu’ils mettent à disposition du collectif sur les sites en libre accès, ils me paraissent faire évidemment fausse route.

Je crois qu’il faut retrouver dans l’usage du numérique le sens du collectif, le sens du bien commun et du bien public, et que cela est une priorité aujourd’hui. »




Geektionnerd : Taxe IE7

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Source : Un cyber-marchand taxe les utilisateurs d’Internet Explorer 7

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Geektionnerd : Le bug Microsoft du 29 février

C’était trop tentant : Windows Azure en panne à cause de l’année bissextile 🙂

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Crédit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Le code deviendra-t-il le latin du XXIe siècle ?

I Write CodeOutre sa dimension historique, culturelle et civilisationnelle, apprendre le latin c’est aussi mieux connaître les bases de notre langue française pour mieux la maîtriser.

Et si, pour mieux comprendre et avoir la capacité de créer (et non subir), la programmation informatique prenait peu ou prou la même place que le latin dans la nouvelle ère qui s’annonce ?

Même si c’est avec un léger train de retard, c’est la question que l’on se pose actuellement en France, mais aussi comme ci-dessous dans une Grande-Bretagne passablement secouée par le récent sermon de Monsieur Google.

« Bien informés, les hommes sont des citoyens ; mal informés ils deviennent des sujets. »
Alfred Sauvy

La programmation – le nouveau latin

Coding – the new Latin

Rory Cellan-Jones – 28 novembre 2011 – BBC
(Traduction Framalang : Goofy, Pandark, Penguin, e-Jim et Marting)

La campagne de promotion de l’apprentissage de l’informatique à l’école — en particulier la programmation — rassemble ses forces.

Aujourd’hui, Google, Microsoft et les autres grands noms du domaine technologique vont prêter leur soutien au dossier soumis au gouvernement plus tôt cette année dans un rapport appelé Next Gen. Il soutient notamment que le Royaume-Uni pourrait être un centre mondial pour l’industrie des jeux vidéos et des effets spéciaux — mais seulement si le système éducatif s’y emploie.

Les statistiques sur le nombre d’étudiants allant à l’université pour étudier l’informatique donnent à réfléchir. En 2003, environ 16 500 étudiants postulaient à l’UCAS (NdT : Universities and Colleges Admissions Service, service gérant les admissions à l’Université au Royaum-Uni) pour des places en cours d’informatique.

En 2007, ce nombre était tombé à 10 600, bien qu’il soit un peu remonté depuis, 13 600 l’année dernière, à cause de la hausse globale des demandes à l’université. Le pourcentage d’étudiants cherchant à étudier le sujet est donc descendu de 5% à 3%. Plus encore, la réputation de l’informatique comme domaine réservé aux hommes geeks a été renforcée, avec un pourcentage de candidats masculins en hausse de 84% à 87%.

Mais le problème, d’après les promoteurs du changement, commence dès l’école avec les ICT (NdT : Technologies de l’Information et de la Communication, TIC ou TICE chez nous), une matière vu par ses détracteurs comme l’enseignement de simples compétences techniques (NdT : Savoir mettre en gras dans un traitement de texte par exemple) plutôt que de la réelle compréhension de l’informatique.

Et il semble bien que les enfants reçoivent le même message car ils sont de moins en moins à étudier cette matière. La réponse, d’après les entreprises et associations qui appellent au changement, est de mettre des cours d’informatique appropriés au programme, sous forme d’apprentissage à la programmation.

Et il semblerait bien qu’ils aient trouvé ce qui pourrait être un bon slogan pour leur campagne. « Coder, c’est le nouveau latin », dit Alex Hope, co-auteur du rapport de Next Gen qui a donné le signal de départ à tout cela. « Nous devons donner aux enfants une compréhension correcte des ordinateurs si nous voulons qu’ils puissent comprendre et s’adapter à toutes sortes de futurs métiers. ».

M. Hope croit fermement que l’association des nouvelles technologies et de l’industrie culturelle est le meilleur espoir de la Grande Bretagne — et il est bien placé pour le savoir.

Son entreprise d’effets spéciaux Double Negative est une belle réussite, avec des apparitions aux génériques de Films comme Harry Potter, Batman ou Inception, pour lequel elle a gagné un Oscar. Il emploie désormais plus d’un millier de personnes depuis ses débuts éblouissants en 1998.

Alex Hope dit que sa société a besoin d’un riche mélange de talents : « nous cherchons des génies universels — des gens avec des connaissances en informatique, mathématiques, physique, ou arts plastiques qui peuvent toutes s’épanouir et se développer ». Il explique comment le travail pour donner une apparence réelle à la Tamise en image de synthèse dans Harry Potter implique des mathématiques et de la physique complexe.

Mais il trouve difficile de recruter des personnes avec une expérience en sciences dites dures. « Nous ne produisons tout simplement pas assez de diplomés avec des compétences en informatique ou en mathématiques ».

Comme bien d’autres tirant la sonnette d’alarme pour une éducation différente, Alex Hope en revient à 1980 lorsqu’il apprenait à programmer en utilisant un BBC Micro. Aujourd’hui, il va être rejoint par le principal ingénieur de Google au Royaume-Uni et le dirigeant de Microsoft éducation au Royaume-Uni pour proposer une nouvelle approche. Ils disent rien de moins que c’est le potentiel de croissance et d’emplois qui est en jeu pour une partie vitale de l’économie.

« Le gouvernement cherche des opportunités de croissance » dit Alex Hope. « Pour cela, ils y a nécessité à former les programmeurs dont les entreprises créatives et de hautes technologies ont et auront besoin pour monter leurs affaires ».

Et il semble que le gouvernement soit réceptif à ce message. Il y a deux semaines, j’ai posé des questions au premier ministre concernant le problème de l’éducation à l’informatique. David Cameron a admis que « nous ne faisons pas assez pour former la prochaine génération de programmeurs », et déclaré que des actions seraient menées à ce sujet.

Nous découvrirons bientôt de quels types d’actions il s’agit, lorsque le gouvernement publiera ses réponses au rapport de Next Gen écrit par Alex Hope et Ian Livingstone. On attend une réponse largement positive, bien qu’un engagement définitif de mettre tout de suite l’informatique au programme soit peu probable.

Mais ce qui pourrait être plus important, ce serait de changer l’image de cette matière. Et alors que « coder est le nouveau latin » est peut-être un bon message à envoyer aux parents et aux politiciens, quelque chose de plus sexy sera nécessaire pour convaincre les écoliers que l’informatique est quelque chose de cool.