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Framasoft Campagne 2013 - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

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Source :

CrĂ©dit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




The Open Access Button : cartographions les entraves au Libre AccĂšs

Il est souvent question de libre accÚs sur le Framablog. Par exemple avec ce manifeste du regretté Aaron Swartz ou cette limpide explication vidéo de Jean-Claude Guédon.

Avec Internet et la numĂ©risation, il est dĂ©sormais possible de consulter l’ensemble des ressources scientifiques et acadĂ©miques. En thĂ©orie oui mais il peut en aller tout autrement dans la pratique, ce qui n’est pas sans poser de nombreux problĂšmes. Deux Ă©tudiants proposent ici de signaler tout pĂ©age rencontrĂ© pour accĂ©der Ă  ces ressources et de le mentionner sur un site commun.

On notera au passage que c’est OpenStreetMap qui fournit la carte.

Open Access Button

Des Ă©tudiants lancent le « Bouton Â» pour mettre en lumiĂšre l’accĂšs refusĂ© aux articles scientifiques

Students Launch “Button” to Put Denied Access to Research on the Map

18 novembre 2013 – Open Acess Button
(Traduction : Penguin, Gilles, r0u, sinma, Paul)


Traquer et cartographier l’impact des pĂ©ages, un clic Ă  la fois.


Aujourd’hui, lors d’un congrĂšs international d’Ă©tudiants dĂ©fendant un accĂšs plus important aux publications universitaires, deux Ă©tudiants anglais de premier cycle ont annoncĂ© le lancement fortement attendu du bouton Open Access (NdT : AccĂšs libre), un outil adossĂ© au navigateur qui permet de cartographier l’Ă©pidĂ©mie de refus d’accĂšs aux articles de la recherche universitaire et qui aide les utilisateurs Ă  trouver les recherches dont ils ont besoin.


Les Ă©tudiants David Carroll et Joseph McArthur ont crĂ©Ă© le bouton Open Access en rĂ©action au sentiment de frustration que leur causait l’impossibilitĂ© d’accĂ©der aux travaux de la recherche universitaire.


« J’ai rĂ©alisĂ© qu’il y avait un problĂšme Ă  force de continuellement me heurter Ă  des obstacles pour accĂ©der Ă  des articles pertinents pour mes recherches Â», explique Carroll, Ă©tudiant en mĂ©decine Ă  l’universitĂ© Queen’s de Belfast. « Mon universitĂ© peut s’offrir un abonnement Ă  de nombreuses publications et, pourtant, je ne peux pas accĂ©der Ă  tout ce dont j’ai besoin. Cela m’a amenĂ© Ă  me demander combien d’autres que moi rencontraient le mĂȘme problĂšme et comment cela affectait les gens partout dans le monde Â».


Chaque jour, des personnes essaient d’accĂ©der Ă  des articles de la recherche universitaire – des mĂ©decins cherchant de nouveaux traitements, des scientifiques travaillant Ă  la mise au point de nouvelles technologies, des Ă©tudiants essayant de parfaire leur formation. Or au lieu d’avoir immĂ©diatement accĂšs aux informations essentielles qu’ils cherchent, ces personnes se retrouvent trop souvent confrontĂ©es Ă  un systĂšme de pĂ©age qui subordonne leur accĂšs Ă  l’information leur demandant un paiement en Ă©change de l’accĂšs, parfois jusqu’Ă  40$ par article. Ces pĂ©ages existent parce qu’une grande partie des ressources acadĂ©miques est publiĂ©e dans des journaux onĂ©reux, basĂ©s sur des abonnements dont les augmentations de prix ont largement dĂ©passĂ© l’inflation depuis plusieurs dĂ©cennies.


« Vu la capacitĂ© actuelle de partager la connaissance sur le Web, il est absurde que la majoritĂ© de la population dans le monde se voit barrer l’accĂšs Ă  de si nombreux travaux Â» indique McArthur, Ă©tudiant en pharmacologie au University College de Londres. « Jusqu’Ă  maintenant, ce dĂ©ni d’accĂšs Ă©tait invisible car chacun le vivait de son cĂŽtĂ©. Nous avons crĂ©Ă© le bouton Open Access pour rassembler toutes ces expĂ©riences sĂ©parĂ©es et mettre en lumiĂšre l’ampleur mondiale du problĂšme Â».

Open Access Button


Le bouton Open Access est un outil adossĂ© au navigateur qui permet aux utilisateurs de garder la trace d’un refus d’accĂšs Ă  une publication, puis de chercher des moyens alternatifs d’accĂ©der Ă  ladite publication. Chaque fois qu’un utilisateur se heurte Ă  un pĂ©age, il clique simplement sur le bouton dans sa barre de favoris, remplit ,s’il le souhaite, une boĂźte de dialogue optionnelle, et son expĂ©rience vient s’ajouter Ă  celle des autres utilisateurs sur une carte. Il reçoit ensuite un lien pour rechercher un accĂšs libre et gratuit Ă  l’article en utilisant par exemple des ressources comme Google Scholar. L’initiative Open Access Button espĂšre crĂ©er une carte mondiale montrant l’impact du refus d’accĂšs aux publications scientifiques.


Le bouton Open Access tire son nom du mouvement mondial pour le libre accĂšs (NdT : Open Access en anglais) : la disponibilitĂ© gratuite et immĂ©diate en ligne d’articles de recherche, accompagnĂ©s du droit intĂ©gral d’utilisation de ces articles dans l’espace numĂ©rique.


« Le mouvement pour l’Open Access est une solution puissante contre les barriĂšres auxquelles se heurtent les chercheurs des pays en dĂ©veloppement ou en phase de transition Ă©conomique dans leurs tentatives d’accĂ©der et de partager des recherches cruciales pour l’amĂ©lioration de la vie Â», dĂ©clare Iryna Kuchma, responsable du programme Open Acces Ă  l’EIFL (Electronic Information for Libraries ou Information Ă©lectronique pour bibliothĂšques), une organisation qui travaille avec des bibliothĂšques Ă  travers le monde pour permettre l’accĂšs des populations des pays en voie de dĂ©veloppement ou en phase de transition Ă©conomique aux informations numĂ©riques. « L’accĂšs aux derniĂšres publications scientifiques ne doit pas ĂȘtre confinĂ© Ă  la sphĂšre universitaire, mais ouvert Ă  tout personne intĂ©ressĂ©e : mĂ©decins et patients, agriculteurs* et entrepreneurs, formateurs et Ă©tudiants Â».


Pour Jack Andraka, Ă©tudiant amĂ©ricain de 16 ans, rĂ©compensĂ© par l’Intel Science Fair pour avoir inventĂ© un test rĂ©volutionnaire de diagnostic du cancer du pancrĂ©as, « Le bouton Open Access aide Ă  dĂ©mocratiser la connaissance Â». Andraka a racontĂ© comment il s’Ă©tait lui-mĂȘme heurtĂ© aux les refus d’accĂšs aux publications scientifiques quand il dĂ©veloppait son test. « La connaissance ne doit pas ĂȘtre une marchandise. Elle doit ĂȘtre librement accessible pour permettre aux patients et familles d’ĂȘtre pleinement parties prenantes. Â»


David Carroll et Joseph McArthur ont annoncĂ© le lancement du bouton Open Access aujourd’hui devant un parterre de plus de 80 personnes rĂ©unies Ă  l’occasion de la Berlin 11 Student and Early Stage Researcher Satellite Conference, une rencontre internationale pour les Ă©tudiants intĂ©ressĂ©s par la promotion de l’Open Access. Cette rencontre prĂ©cĂšde la confĂ©rence Open Access de Berlin, une convention de leaders d’opinion Ă  travers le monde sur la question de l’Open Access, qui a dĂ©butĂ© mardi.

« Ne perdons jamais de vue que nous tenons trop souvent pour immuable ce qui n’est qu’un Ă©tat de fait, mais les dĂ©veloppeurs du bouton Open Access nous rappellent qu’en tant qu’individus, nous avons rĂ©ellement le pouvoir de changer les choses Â», dĂ©clare Heither Joseph, directeur exĂ©cutif de la coalition SPARC (Scholarly Publishing and Academic Resources Coalition), un regroupement international de bibliothĂšques universitaires et de recherche) et leader de renommĂ©e internationale au sein du mouvement Open Access. « C’est une idĂ©e simple, mais incroyablement crĂ©ative, qui devrait nous aider Ă  montrer combien l’accĂšs libre rĂ©pond Ă  un vĂ©ritable besoin Â».

Plus d’informations à propos du bouton Open Access ainsi que des instructions pour son installation sont disponibles sur le site www.OpenAccessButton.org.


Suivez la conversation sur Twitter Ă  @OA_Button avec le hashtag #aobuttonlaunch.




No Es Una Crisis : un documentaire Ă  la fois dĂ©jĂ  libre et bientĂŽt libre !

Sorti en octobre 2013, No Es Una Crisis est un passionnant documentaire de Fabien Benoit et Julien Malassigné traitant de la situation politique et économique en Espagne dans le sillage du mouvement des Indignés.

Sa particularitĂ© : c’est, Ă  notre connaissance, le premier web-documentaire professionnel crĂ©Ă© et diffusĂ© sous licence Creative Commons BY-SA[1] . Les images, les sons, les sous-titres, sont donc en effet rĂ©utilisables librement (Ă  condition de citer les auteurs et de conserver les Ɠuvres dĂ©rivĂ©es sous la mĂȘme licence). Ce qui fait plus de 3h de mĂ©dia de qualitĂ© professionnelle accessibles pour tous.

Mais, ami-e libriste, ne te jette pas Ă  clic perdu sur ce lien, ou ta dĂ©ception risque d’ĂȘtre grande ! En effet, la diffusion se fait dans un format fermĂ© (Flash), ce qui empĂȘche sa visualisation sur de nombreux supports : smartphones, tablettes, GNU/Linux et mĂȘme Windows XP (dont le support des derniĂšres version de Flash Ă©tait incomplet jusqu’Ă  il y a peu).

Or, il se trouve que Framasoft partage le mĂȘme bureau[2] que l’équipe de production de ce web-documentaire ! Nous leur avons donc proposĂ© notre aide Ă  deux niveaux. 

D’abord, nous avons hĂ©bergĂ© les fichiers vidĂ©os du web-documentaire, particuliĂšrement sollicitĂ©s lors de l’annonce sur diffĂ©rents sites de la presse nationale et espagnole. GrĂące Ă  l’aide prĂ©cieuse de RĂ©zopole (pour la mise Ă  disposition de serveurs et surtout de bande passante) et de Fabien Bourgeois (notre autre voisin de bureau, pour l’aide Ă  la configuration de ces serveurs), le webdoc a pu dĂ©passer sans encombre les 60 000 visualisations, avec des pics Ă  2x200Mbps et plus de 6To transmis sur quelques jours.

Mais surtout, nous avons proposĂ© aux auteurs de les aider Ă  « libĂ©rer Â» totalement leur oeuvre en organisant mi-dĂ©cembre un week-end de « conversion Â» de leur documentaire en Flash dans une technologie libre et ouverte (HTML5). Un « liberathon Â», en quelque sorte !

Vous en apprendrez plus à la fin de cette entrevue avec Jean-Baptiste Fribourg, producteur du documentaire à la Société de Apaches.


Bonjour Jean-Baptiste. Avant tout peux-tu te prĂ©senter et prĂ©senter La SociĂ©tĂ© des Apaches ? 

La SociĂ©tĂ© des Apaches est une jeune structure de production audiovisuelle, elle a tout juste un an. Elle s’est montĂ©e autour du projet de Julien et Fabien, ce web-documentaire NO ES UNA CRISIS. Au-delĂ  de cette premiĂšre rĂ©alisation, son objectif est de faire travailler de jeunes auteurs et rĂ©alisateurs de documentaires, pour qui il peut ĂȘtre parfois compliquĂ© d’avoir une Ă©coute auprĂšs de sociĂ©tĂ©s de production dĂ©jĂ  dans la place. Notre ligne Ă©ditoriale, pour la rĂ©sumer en quelques mots, consiste Ă  tĂ©moigner de notre Ă©poque comme un moment charniĂšre, entre les soubresauts d’une Ă©poque rĂ©volue et les prĂ©mices d’un monde en train de se rĂ©inventer. Je m’occupe du suivi administratif des projets dĂ©veloppĂ©s par La SociĂ©tĂ© des Apaches, du travail de production en somme. Par ailleurs je suis preneur de son pour le cinĂ©ma documentaire, et rĂ©alisateur de documentaires radiophoniques.

Donc, vous avez produit le web-documentaire No Es Una Crisis. Peux-tu nous dire quelques mots sur la gĂ©nĂšse de ce webdoc ? 

Fabien et Julien sont partis Ă  Madrid Ă  l’étĂ© 2011, intriguĂ©s par le mouvement indignĂ© qui avait secouĂ© l’Espagne Ă  partir du 15 mai 2011 (d’ailleurs lĂ -bas, ce mouvement s’appelle le 15M, en rĂ©fĂ©rence Ă  cette date fondatrice). FrappĂ©s par ce mouvement social nouvelle gĂ©nĂ©ration, ils sont revenus en France avec la conviction qu’il y avait lĂ  une histoire Ă  raconter, qu’il Ă©tait essentiel mĂȘme de transmettre cette expĂ©rience en France, oĂč le traitement mĂ©diatique du 15M avait Ă©tĂ© au mieux lĂ©ger, au pire caricatural. 

Au cours du travail d’écriture, il leur est apparu que pour parler du mouvement 15M, il fallait aussi parler de son contexte, Ă  savoir la crise Ă©conomique qui a dĂ©stabilisĂ© l’Espagne suite Ă  l’explosion de la bulle immobiliĂšre, et la sĂ©vĂšre politique de rigueur qui a Ă©tĂ© l’unique rĂ©ponse des gouvernants, de gauche comme de droite, face Ă  cette crise. Ainsi, peu Ă  peu, le propos de Julien et Fabien s’est Ă©largi, pour parler de l’Espagne comme un double laboratoire : celui d’un systĂšme Ă©conomique Ă  bout de souffle qui cherche Ă  se renouveler dans l’austĂ©ritĂ©, et celui de nouvelles pratiques sociales et politiques dans le sillage du mouvement du 15M. Quant au choix du format web-documentaire, il nous a semblĂ© qu’il Ă©tait tout Ă  fait adaptĂ© pour traiter d’un mouvement social qui a su utiliser toute la puissance d’internet et des rĂ©seaux sociaux. Nous avons aussi pensĂ© qu’il faciliterait une diffusion hors de France, ce qui s’est avĂ©rĂ© avec un nombre de visites plus important en Espagne qu’en France.

Pour en savoir plus, voir http://blog.noesunacrisis.com/le-projet/

Comment avez-vous financĂ© ce travail ? 

Ça a Ă©tĂ© un long processus, oĂč nous avons sollicitĂ© diffĂ©rents guichets. D’abord, en tant qu’auteurs du projet, Fabien et Julien ont sollicitĂ©, et obtenu, une aide Ă  l’écriture du CNC, dĂ©diĂ©e aux projets dits « nouveaux mĂ©dias Â». C’était au printemps 2012, et forts de ce qui constituait en somme une « validation Â» de l’intĂ©rĂȘt de leur projet, ils ont alors lancĂ© une campagne de financement participatif, sur KissKissBankBank. L’idĂ©e Ă©tait de pouvoir se payer un tournage en Espagne : 10 000€ sont alors levĂ©s. ParallĂšlement, un dossier de mĂ©cĂ©nat dĂ©posĂ© Ă  la Fondation Un Monde Par Tous nous permet d’obtenir 15 000€ supplĂ©mentaires. Avec toutes ces bonnes nouvelles, nous nous disons alors qu’il est temps de se doter de notre propre outil de travail, pour sortir un peu de l’esprit Do It Yourself qui avait prĂ©valu jusque-lĂ  : La SociĂ©tĂ© des Apaches est crĂ©Ă©e. Avec elle, nous serons en mesure de solliciter Ă  nouveau le CNC, pour une aide Ă  la production cette fois-ci, puis la RĂ©gion RhĂŽne-Alpes. ParallĂšlement nous avons dĂ©veloppĂ© des partenariats pour l’hĂ©bergement des vidĂ©os, la conception du blog qui accompagne le webdoc, la communication autour du lancement, etc.

Vous avez choisi la licence Creative Commons BY-SA pour votre webdoc. Peux-tu nous expliquer les raisons de ce choix ? 

En fait ça nous a semblĂ© une Ă©vidence dĂšs le dĂ©part. Nous avons eu du mal Ă  imaginer plaquer le modĂšle classique du droit d’auteur, qui doit concerner 99% de la production audiovisuelle, sur un format dĂ©diĂ© au web. Il y avait pour nous quelque chose d’incongru d’apposer sur le web-doc la mention habituelle « tous droits rĂ©servĂ©s, toute duplication interdite, toute projection interdite, etc. Â». Non ! Justement, le choix du webdoc Ă©tait principalement motivĂ© par la facilitĂ© de circulation du projet que ce format suppose. 

On trouvait aussi le principe du CC tout Ă  fait en accord avec le financement participatif qu’on avait sollicitĂ©. Quant au choix de la licence, on Ă©tait d’abord parti sur quelque chose de plus restrictif, Ă  savoir NC[3] . Et puis on s’est dit qu’on ne prenait pas grand risque Ă  l’ouvrir complĂštement, que le NC Ă©tait restrictif sans raison : pour le dire autrement, une chaĂźne de TV privĂ©e ou une agence de pub va-t-elle rĂ©utiliser nos images ? On peut sĂ©rieusement en douter, d’oĂč le choix au final Ă©vident du BY-SA. L’aboutissement de cette dĂ©marche a Ă©tĂ© de proposer en tĂ©lĂ©chargement toutes les sĂ©quences vidĂ©o qui constituent le webdoc, avec leurs fichiers de sous-titrage. Ainsi chacun peut s’approprier notre matĂ©riel.

Avez-vous rencontrĂ© des difficultĂ©s, des rĂ©ticences, lors du choix de cette licence ? 

Alors d’abord je dois dire qu’on n’est absolument pas des spĂ©cialistes du CC ! Personnellement j’avais dĂ©couvert ces licences en 2006, quand j’ai commencĂ© Ă  rĂ©aliser des documentaires radiophoniques pour ARTE Radio.com, la webradio d’Arte, qui diffuse toutes ses productions en CC-BY-SA-NC. A l’époque d’ailleurs, il me semble qu’ils Ă©taient un peu des pionniers du CC. Mais Ă  part ça, on a quand mĂȘme beaucoup dĂ©frichĂ© tout ça tout seuls ! Ce qui nous a conduit Ă  faire des erreurs, comme avec certaines musiques d’illustration, qui ont une licence BY-SA attribuĂ©e Ă  NO ES UNA CRISIS, donc qui ne devraient pas ĂȘtre amenĂ©es Ă  pouvoir circuler librement avec le reste du webdoc. Ca fait que NO ES UNA CRISIS est libre Ă  99% en vĂ©ritĂ© : on va dire que c’est cohĂ©rent avec le slogan « We are the 99% Â» cher aux mouvements Occupy et 15M ! Plus sĂ©rieusement, on constate que les cadres de production, mĂȘme pour les webdocs, sont trĂšs inspirĂ©s des cadres classiques de la production audiovisuelle. Par exemple, pour prouver Ă  un financeur public (CNC ou collectivitĂ© locale) que le producteur et l’auteur sont engagĂ©s l’un envers l’autre, le contrat qui les lie doit ĂȘtre accompagnĂ© d’un versement de droits d’auteur. Et pas de dossier de demande de subvention valable sans les justificatifs AGESSA correspondant ! (l’AGESSA est la SĂ©curitĂ© Sociale des auteurs). Je trouve ça curieux.

Quelques jours avant la diffusion du webdoc, vous avez eu un souci avec Dailymotion, que s’est-il passĂ© ?

Nous avions convenu d’un partenariat avec Dailymotion, Ă  propos de l’hĂ©bergement des vidĂ©os du webdoc. Nous Ă©tions trĂšs heureux de ça, pensant avoir accĂšs au nouveau service de Dailymotion, DM Cloud, qui nous permettait de dĂ©velopper notre propre player, de faire gĂ©rer les diffĂ©rentes versions linguistiques par Flash, etc; Sauf que, tout contents de ça, nous n’avions alors pas pris la peine de prĂ©ciser les modalitĂ©s de ce partenariat. Erreur de dĂ©butant de notre part, c’est clair
 Du coup ça a Ă©tĂ© un peu terrible pour nous quand le malentendu est devenu flagrant, Ă  savoir quand notre web-dĂ©veloppeur a voulu rĂ©cupĂ©rer les codes d’accĂšs au service DM Cloud, et qu’on lui a rĂ©pondu que c’était Dailymotion Premium qui Ă©tait prĂ©vu ! Le hic, c’est que ça ne pouvait pas du tout fonctionner avec l’interface dĂ©veloppĂ©e ! Nos contacts chez DM Ă©taient conscients de la situation dans laquelle nous nous trouvions, aussi ils nous ont fait une proposition commerciale allĂ©gĂ©e pour l’accĂšs Ă  leur service Cloud. Mais ça restait trĂšs problĂ©matique pour nous, puisque la facture finale dĂ©pendant du dĂ©bit utilisĂ© : pour le dire autrement, plus NO ES UNA CRISIS serait vu, plus on paierait. Voire, s’il devait cartonner, nous mettrions la clĂ© sous la porte ! On a donc eu quelques heures de sueurs froides, et c’est lĂ  que la magie de la mutualisation a opĂ©rĂ©, et que nous voyant dans le pĂ©trin, tu nous as dit peut-ĂȘtre pouvoir faire quelque chose


Lorsque tu Ă©changes avec d’autres Ă©quipes de rĂ©alisation de webdoc, tu leur parles de votre choix de licence ? Ça leur parle ? En d’autres termes, et si c’était Ă  refaire, vous feriez le mĂȘme choix ? 

Sans hĂ©siter, nous referions le mĂȘme choix, qui est cohĂ©rent par rapport au propos de NO ES UNA CRISIS et qui est en parfaite adĂ©quation avec le format web-documentaire. En plus, de façon tout Ă  fait pragmatique, ça nous donne un angle supplĂ©mentaire de communication pour parler du projet. Je suis toujours un peu Ă©tonnĂ© de voir que peu de webdocs sont diffusĂ©s en CC. AprĂšs il ne faut pas se leurrer, pour des projets futurs qui seraient amenĂ©s Ă  ĂȘtre diffusĂ©s en tĂ©lĂ©vision, l’enjeu Ă©conomique ferait que le choix serait plus cornĂ©lien : vue la fragilitĂ© Ă©conomique des auteurs dans le documentaire (ils peuvent parfois ĂȘtre les moins bien rĂ©munĂ©rĂ©s dans une Ă©quipe de production), les droits d’auteurs leur sont indispensables. 

Il y a mĂȘme une perversion du systĂšme, oĂč le producteur va nĂ©gocier Ă  la baisse le salaire de l’auteur, en lui faisant miroiter les futurs droits d’auteur qu’il percevra de la SCAM aprĂšs la diffusion tĂ©lĂ©. Personnellement, je ne suis pas contre le droit d’auteur par principe. Je suis mĂȘme sociĂ©taire de la SCAM pour mon activitĂ© radiophonique ! Mais j’estime que la licence libre a un immense intĂ©rĂȘt pour permettre une meilleure diffusion des Ɠuvres, et finalement, plus que les droits des auteurs, c’est les droits des producteurs qu’elle conteste, ces droits qui peuvent parfois ĂȘtre une rente. Je trouve dommage que des institutions comme la SCAM soit un peu obtue sur cette question du libre, elle gagnerait Ă  mettre ses compĂ©tences au service des rĂ©flexions qui entourent ces nouveaux modes de diffusion, et les auteurs aussi y seraient gagnants.

Venons-en Ă  la question qui fĂąche (au moins les libristes 😉 ) : pourquoi le choix de Flash comme technologie pour diffuser votre web documentaire, empĂȘchant sa visualisation pour de nombreux internautes ?

Le choix de Flash est une trĂšs bonne illustration de ce que je disais tout Ă  l’heure sur les licences CC : ce n’était pas notre univers, on s’y est mis peu Ă  peu, on a voulu bien faire
 et on s’est plantĂ© ! On a choisi Flash sans aucune idĂ©e des implications que ça pourrait avoir sur l’accessibilitĂ© du webdoc, un comble ! Le choix s’est principalement fait pour des raisons de budget. Notre web-dĂ©veloppeur nous avait indiquĂ© que Flash serait moins coĂ»teux que HTML5, et comme Ă  l’époque, on avait acceptĂ© son devis sans avoir encore bouclĂ© le financement du projet, le choix de Flash nous permettait de rĂ©duire le risque financier. En plus, si on savait bien qu’avec Flash nous n’aurions pas accĂšs aux tablettes, on s’était dit que l’audience des webdocs y Ă©tant encore assez confidentielle, on pouvait s’en passer. Par contre on ne savait pas que ça allait coincer sous Linux ! Donc Flash, c’est une erreur de dĂ©butant, mais dans un contexte budgĂ©taire contraint.

D’oĂč l’idĂ©e de monter ce « liberathon Â» avec Framasoft, donc. Peux-tu nous en dire plus ?

Effectivement, on invite tous ceux qui seraient prĂȘts Ă  nous aider sur ce challenge de basculer NO ES UNA CRISIS en HTML5 Ă  nous rejoindre Ă  Lyon les 14 et 15 dĂ©cembre. Ça se passera Ă  Locaux Motiv’ oĂč nous avons nos bureaux, La SociĂ©tĂ© des Apaches et Framasoft. Nous pourrons accueillir 15 personnes max (il faut donc se prĂ©inscrire). Venez avec vos machines, nous on s’occupe des conditions d’accueil (cafĂ© Ă  gogo, repas le midi, apĂ©ro). Puisque NO ES UNA CRISIS est captif de Flash, il s’agira de le libĂ©rer ! L’objectif est d’avoir, le dimanche soir, un webdoc aussi proche que possible de la version originale sous Flash.

Merci Jean-Baptiste, un petit mot pour la fin ? 

En me heurtant aux problĂšmes techniques qu’a connus NO ES UNA CRISIS (hĂ©bergement des vidĂ©os, Flash
), et en Ă©tant aidĂ© sur ces questions par Framasoft et Fabien Bourgeois, j’ai dĂ©couvert que l’informatique Ă©tait un monde de solutions.

Notes :

[1] Il existe plusieurs documentaires sous licence Creative Commons avec clause non commerciale, comme « Collaborative Cities Â», ou l’excellent « RIP! A remix Manifesto Â», mais si vous avez connaissance d’autres web-documentaires sous licence CC BY ou CC BY-SA, n’hĂ©sitez pas Ă  nous le signaler en commentaire

[2] Pour rappel, le siĂšge social de Framasoft est dĂ©sormais situĂ© Ă  Lyon, Ă  Locaux Motiv’, un espace mutualisĂ© ouvert aux structures formelles ou informelles et qui entend favoriser l’implication de chacun, qu’il soit bĂ©nĂ©vole, salariĂ© ou usager des lieux, en suscitant la coopĂ©ration et l’échange.

[3] « Non Commercial Â», imposant une entente prĂ©alable avec les auteurs pour une utilisation dans un cadre commercial

CrĂ©dits images : La SociĂ©tĂ© des Apaches, licence Creative Commons BY-SA




Framasoft lance sa campagne de soutien 2013 « moins de Google et plus de Libre Â»

Framasoft - Campagne 2013 - Google - LL de Mars - Licence Art Libre

« Le logiciel libre est plus important que jamais Â», affirmait il y a peu Richard Stallman sur le Framablog. Nous le pensons Ă©galement.

Depuis 12 ans, Framasoft fait Ɠuvre d’éducation populaire et agit en faveur de la promotion et diffusion de ce que l’on appelle dĂ©sormais « le Libre Â».

L’annĂ©e Ă©coulĂ©e fut une annĂ©e bien remplie. Nous comptons dĂ©sormais une vingtaine de projets dĂ©ployĂ©s, regroupĂ©s en trois grandes catĂ©gories : logiciels libres, cultures libres et services libres.

Avec votre soutien, nous allons Ă©videmment poursuivre le dĂ©veloppement de nos projets liĂ©s directement Ă  nos chers logiciels libres (un partenariat vient d’ĂȘtre contractĂ© pour amĂ©liorer notre annuaire Framalibre, de nouvelles clĂ©s Framakey sont en prĂ©paration…) ainsi que ceux liĂ©s Ă  la culture libre (de nombreux livres sont rĂ©cemment sortis et d’autres arriveront sous peu). Mais nous comptons Ă©galement mettre l’accent sur nos services libres qui ont connu un franc succĂšs en 2013.

Cette campagne s’inscrit dans un contexte, celui du monopole des services web contre les besoins de choix et de libertĂ© des individus. Il s’agit bien moins de montrer du doigt ou diaboliser des entreprises comme Google que d’alerter sur les phĂ©nomĂšnes de concentration sur Internet qui captent nos applications et exploitent nos donnĂ©es[1].

Alerter mais aussi et surtout continuer Ă  travailler sur la maintenance et le dĂ©ploiement de nos petites alternatives regroupĂ©es sous le nom global de « Framacloud Â». En effet, Framapad, Framadate, Framacalc, Framindmap, Framavectoriel… sont autant de projets certes bien moins Ă©voluĂ©s qu’un Google Docs par exemple mais qui rendent leurs services et rĂ©pondent Ă  de rĂ©els besoins. Vous avez Ă©tĂ© trĂšs nombreux Ă  les utiliser (et faire preuve de patience lorsque nos serveurs Ă©taient en difficultĂ© pour cause de trafic Ă©levĂ©).

Le challenge pour nous dĂ©sormais c’est d’abord de stabiliser l’infrastructure technique et de participer avec vous Ă  les amĂ©liorer (ce qui signifie que nous allons de plus en plus souvent mettre les doigts dans le code). C’est Ă©galement de faciliter la tĂąche de ceux qui souhaitent les installer sur leurs propres serveurs (participant Ă  dĂ©centraliser le web). Enfin nous avons d’autres applications dans nos cartons qui pourraient venir s’adjoindre aux services dĂ©jĂ  existants.

Google c’est dix milliards d’euros de chiffre d’affaire par trimestre et une trĂ©sorerie avoisinant les cinquante milliards[2]. Chiche de proposer ensemble une alternative avec un budget reprĂ©sentant 1 Ă  2 minutes de leur CA soit 0,0004% de leur trĂ©sorerie !

L’association qui soutient le rĂ©seau et sa communautĂ© de bĂ©nĂ©voles compte aujourd’hui 3 permanents, financĂ©s presque exclusivement par vos dons (dĂ©fiscalisables). Nous vous remercions pour votre attention et votre don Ă©ventuel.

http://soutenir.framasoft.org/

L’Ă©quipe Framasoft

PS1 : Vous trouverez notre CP ci-joint en bas de page.

PS2 : Ajoutons Ă©galement que nous allons en profiter pour nous sĂ©parer nous-mĂȘmes des traces de Google qui traĂźnent sur le rĂ©seau (PublicitĂ©, Analytics…), histoire de montrer l’exemple et d’ĂȘtre cohĂ©rent. A fortiori si cette campagne rencontre adhĂ©sion.

Notes

[1] Grand merci Ă  L.L. de Mars pour son dessin original de soutien que vous trouverez en format haute dĂ©finition. Il est Ă©galement disponible au format badge parmi d’autres anciennes illustrations dans le gĂ©nĂ©rateur de banniĂšres. N’hĂ©sitez pas Ă  le partager 😉

[2] Voir par exemple ce site qui calcule en temps réel les revenus de certaines multinationales.




Livre numĂ©rique : DRM gouvernemental contre l’amendement Attard !

Lecteurs contre les DRM

Livre numĂ©rique : DRM gouvernemental contre l’amendement Attard !

Jeudi dernier, l’AssemblĂ©e nationale approuvait un amendement Ă  la loi rectificative de finances pour 2013, Ă©crit par la dĂ©putĂ©e Isabelle Attard et prĂ©sentĂ© par le groupe EELV.

Cet amendement constitue une réponse appropriée à plusieurs graves dérives du marché du livre numérique.

Il tire les pleines consĂ©quences de la modification du statut Ă©conomique du livre numĂ©rique « verrouillĂ© Â», par des mesures techniques de protection (MTP ou DRM). Un livre que son lecteur ne peut consulter sur tous les appareils, ni cĂ©der, ni revendre ne constitue pas une propriĂ©tĂ©, tout au plus une licence d’utilisation. L’usage fait l’objet : un livre « infirmĂ© Â», qui ne respecte pas les droits fondamentaux du lecteur, ne peut ĂȘtre qualifiĂ© de livre, ni recevoir les avantages matĂ©riels et fiscaux qu’accompagne cette qualification. C’est pourquoi il Ă©tait proposĂ© que les livres numĂ©riques vendus sans DRM et dans des formats ouverts se voient appliquer un taux de TVA favorable de 5,5%, alors que les livres verrouillĂ©s auraient Ă©tĂ© soumis Ă  un taux de 19,6%.

Cette solution contribue Ă  rĂ©guler les pratiques problĂ©matiques de nouveaux intermĂ©diaires. Amazon se donne ainsi les moyens de pratiquer des prix infĂ©rieurs au marchĂ© en recourant Ă  une politique d’optimisation fiscale intensive. Face aux difficultĂ©s qu’ils posaient aux consommateurs, Apple de son cĂŽtĂ© a abandonnĂ© les DRM sur les fichiers musicaux, mais pas pour les eBooks. Les mesures de protection de type DRM et les formats propriĂ©taires Ă©tant privilĂ©giĂ©s par ces nouveaux acteurs de l’économie numĂ©rique, une telle mesure fiscale serait de nature Ă  rĂ©Ă©quilibrer le marchĂ©.

Enfin, l’amendement pourrait faciliter les nĂ©gociations actuellement en cours entre la France et l’Union EuropĂ©enne autour de la fiscalitĂ© du livre. Pour l’Union EuropĂ©enne, le livre numĂ©rique verrouillĂ© serait assimilĂ© Ă  un service : il ne pourrait ainsi bĂ©nĂ©ficier d’une TVA rĂ©duite.

L’amendement n’a pas tenu 24 heures.

DĂšs vendredi le gouvernement appelait Ă  le supprimer, au motif qu’il « existe un risque d’entraĂźner la condamnation de la France pour l’application du taux rĂ©duit de TVA au livre numĂ©rique Â». L’amendement fragiliserait la position de la France vis-Ă -vis de la commission europĂ©enne, alors qu’il constitue justement une bonne piste de compromis. Le gouvernement souligne Ă©galement que « la modulation de la TVA n’est pas le bon moyen Â» pour parvenir Ă  rĂ©frĂ©ner les tendances monopolistiques du marchĂ© du livre numĂ©rique. Or, aucune mesure alternative n’est Ă©voquĂ©e. En repoussant cet amendement, le gouvernement aura finalement dĂ©fendu les DRM « au nom de l’accĂšs pour tous Ă  la culture et du livre Â». Est-ce cela la conception française de l’exception culturelle ?

Cette intervention du gouvernement a manifestement eu lieu sous la pression de grands Ă©diteurs français. Car bien que ces derniers soient prompts Ă  se plaindre des acteurs comme Amazon ou Apple, ils ne sont pas plus respectueux des droits des utilisateurs et vendent leurs livres numĂ©riques verrouillĂ©s par des DRM. L’amendement ne visait pas spĂ©cifiquement Amazon ou Apple, il dĂ©fendait le droit de lire, comme un bien commun, et l’attitude de ces Ă©diteurs est instructive Ă  cet Ă©gard.

La rĂ©action du gouvernement n’est pas seulement infondĂ©e sur le fond. Elle constitue un dĂ©ni de dĂ©mocratie sur la forme. VotĂ© par l’AssemblĂ©e nationale en pleine connaissance de cause, au terme d’un dĂ©bat assez animĂ©, l’amendement est retirĂ© en toute discrĂ©tion. Le retrait a Ă©tĂ© proposĂ© in extremis Ă  la fin de la session de vendredi soir aux quelques dĂ©putĂ©s prĂ©sents. Il n’a fait l’objet d’aucun dĂ©bat, ni mĂȘme d’aucune prĂ©sentation orale. Aucun nouvel argument n’a Ă©tĂ© apportĂ© : le gouvernement s’est contentĂ© de rĂ©pĂ©ter une postion qui n’avait pas emportĂ© l’adhĂ©sion la veille. Ajoutons que la Ministre de la Culture et de la Communication dĂ©clarait pourtant le 7 novembre dernier vouloir « mettre le public au cƓur de l’acte de crĂ©ation, lui donner sa place dans l’espace numĂ©rique. Il s’agit de passer d’une politique de l’accĂšs aux ressources culturelles numĂ©riques Ă  une politique des usages Â». Quelle ironie !

Dans un pays qui se targue d’ĂȘtre un modĂšle de dĂ©mocratie, il n’est pas concevable que la moindre mesure allant Ă  l’encontre des intĂ©rĂȘts de quelques grands Ă©diteurs soit immĂ©diatement court-circuitĂ©e, au mĂ©pris des principes Ă©lĂ©mentaires du dĂ©bat dĂ©mocratique. Les dĂ©putĂ©s, par leur vote, et la sociĂ©tĂ© civile, par ses nombreuses rĂ©actions favorables, montrent que cette mesure rĂ©pond Ă  une attente forte. Les Ă©volutions accĂ©lĂ©rĂ©es de l’économie du livre appellent une rĂ©vision rapide du cadre lĂ©gislatif existant, qui jusqu’à maintenant n’a pas eu lieu. Le levier fiscal est celui qui doit ĂȘtre privilĂ©giĂ© pour rĂ©guler les rapports entre les acteurs du livre numĂ©rique et aboutir Ă  une plus juste rĂ©partition de la valeur, plutĂŽt que de passer par des mesures qui rognent sur les droits des utilisateurs, comme par exemple la remise en cause de la revente d’occasion qui a Ă©tĂ© annoncĂ©e rĂ©cemment.

Le rapport Lescure lui-mĂȘme, qui rappelons-le portait sur l’exception culturelle, considĂšre que « le manque d’interopĂ©rabilitĂ© liĂ© aux DRM limite les droits du consommateur et peut nuire au dĂ©veloppement de l’offre licite de contenus culturels Â». Il ajoute qu’ « en contribuant Ă  la constitution d’écosystĂšmes fermĂ©s et oligopolistiques, il constitue une barriĂšre Ă  l’entrĂ©e, une entrave Ă  la concurrence et un frein Ă  l’innovation Â». En repoussant cet amendement, le gouvernement socialiste et les dĂ©putĂ©s qui l’ont suivi ont privĂ© la France d’une solution pour remĂ©dier Ă  ces problĂšmes, qui nuisent depuis trop longtemps Ă  la culture.

Le dĂ©bat sur la loi rectificative de finances va Ă  prĂ©sent se poursuivre au SĂ©nat. SavoirsCom1, Framasoft, Vecam, April, La Quadrature du Net et l’Association des BibliothĂ©caires de France signataires de cette dĂ©claration commune, appelons les sĂ©nateurs attachĂ©s au dĂ©bat dĂ©mocratique Ă  rĂ©introduire cet amendement afin qu’il puisse ĂȘtre discutĂ© Ă  nouveau. Nous invitons le gouvernement Ă  ne pas entraver de nouveau un dĂ©bat nĂ©cessaire. Nous appelons Ă©galement tous les collectifs, associations et acteurs de l’édition numĂ©rique, soucieux de dĂ©fendre les droits fondamentaux des lecteurs et l’accĂšs Ă  la culture, Ă  se joindre Ă  cette dĂ©claration.




Pourquoi Microsoft Word doit-il mourir ?

Cet article est le fruit d’une traduction collaborative menĂ©e via la liste linuxedu sur un framapad.

Le titre original est : « Why Microsoft Word must Die? Â». Son auteur Charles Stross est un Ă©crivain britannique de science fiction. TrĂšs connu dans le milieu de la science fiction et du fantasy, il a obtenu plusieurs prix dont le prix Hugo.

Avant de pouvoir traduire son texte, nous lui avons demandĂ© son autorisation ainsi que la licence qu’il souhaitait poser. Le texte suivant est donc en CC-By-Nc-Sa. Un grand merci Ă  lui pour sa rĂ©activitĂ© et surtout cet article trĂšs intĂ©ressant.

En tant qu’enseignants, nous ne pouvons que recommander cette lecture. On entend parfois comme argument que le systĂšme Ă©ducatif doit former Ă  Word car c’est ce qui est prĂ©sent dans le monde professionnel. Ceci est une vĂ©ritable insulte Ă  nos missions. Cela signifie que la qualitĂ© de notre enseignement est pauvre au point que nos Ă©lĂšves soient incapables de s’adapter Ă  divers contextes logiciels ! Notre rĂŽle est de les former Ă  une classe de logiciel pas Ă  un « outil Â» particulier aussi bon ou aussi mauvais soit-il. Vu les programmes actuels, peu d’élĂšves sortent en sachant utiliser correctement un traitement de texte. Le paradigme de la machine Ă  Ă©crire amĂ©liorĂ©e perdure.

Microsoft Word

Pourquoi Microsoft Word doit mourir ?

Je hais Microsoft Word. Je veux la mort de Microsoft Word. Je hais Microsoft Word avec une passion ardente et enflammée. Je hais Microsoft Word à la maniÚre dont Winston Smith haïssait Big Brother. Et, de maniÚre alarmante, nos raisons ne sont pas si différentes


Microsoft Word est un tyran pour l’imagination, un dictateur mesquin, sans imagination et inconsĂ©quent qui est mal adaptĂ© Ă  une quelconque utilisation crĂ©ative par un Ă©crivain. Pire : Il est en situation de quasi-monopole, dominant l’univers des traitements de texte. Son statut quasi monopolistique envahissant a fait un lavage de cerveaux aux dĂ©veloppeurs de logiciels, Ă  un point tel que peu d’entre eux peuvent imaginer un traitement de texte comme autre chose qu’une pĂąle copie du Monstre de Redmond. Mais qu’est-ce qui ne va pas exactement ?

J’utilise des traitements de texte et des Ă©diteurs de texte depuis environ 30 ans. Il y eut une Ă©poque, avant la domination de Microsoft Word, oĂč plusieurs paradigmes radicalement diffĂ©rents pour la prĂ©paration et le formatage de texte Ă©taient en compĂ©tition dans un marchĂ© ouvert des idĂ©es. L’une des premiĂšres combinaisons, particuliĂšrement efficace, Ă©tait l’idĂ©e d’avoir un fichier texte, contenant des commandes imbriquĂ©es ou des macros, qui pouvait ĂȘtre Ă©ditĂ© avec un Ă©diteur de texte pour les programmeurs (comme ed ou teco, ou plus tard vi ou emacs) puis alimenter divers outils : vĂ©rificateurs d’orthographe, correcteurs de grammaire, et des outils de mise en page tels que scribe, troff ou latex qui produisaient une image binaire de la page pouvant ĂȘtre envoyĂ©e Ă  une imprimante.

Ces outils Ă©taient rapides, puissants, Ă©lĂ©gants et extrĂȘmement exigeants vis-Ă -vis de l’utilisateur. Quand les premiers ordinateurs personnels 8 bits apparurent (pour l’essentiel, l’Apple II et l’écosystĂšme concurrent CP/M), les programmeurs tentĂšrent de dĂ©velopper un outil hybride, appelĂ© traitement de texte : l’édition se faisait Ă  l’écran et masquait Ă  l’auteur les commandes compliquĂ©es et rĂ©barbatives destinĂ©es Ă  l’imprimante, en les remplaçant par une mise en surbrillance et en ne les affichant que lorsque que l’auteur demandait au logiciel de « montrer le code Â».

Des logiciels comme WordStar ont ouvert la voie, jusqu’à ce que WordPerfect prenne le marchĂ© au dĂ©but des annĂ©es 1980 en introduisant la possibilitĂ© d’éditer simultanĂ©ment deux fichiers ou plus, en scindant l’affichage Ă  l’écran.

Puis, vers la fin des annĂ©es soixante-dix et le dĂ©but des annĂ©es quatre-vingts, des groupes de recherche au MIT (l’Institut Universitaire de Technologie du Massachusetts Ă  Boston) et au centre de recherche de Xerox Ă  Palo Alto en Californie ont commencĂ© Ă  dĂ©velopper des outils qui ont Ă©toffĂ© l’interface graphique de l’utilisateur des stations de travail comme le Xerox Star et, plus tard, l’ordinateur Lisa et Macintosh – et finalement l’imitateur nouveau venu Microsoft Windows. Une guerre Ă©clata puis fit rage entre deux factions.

Une faction voulait prendre le modĂšle classique des codes imbriquĂ©s dans un ficher, et l’amĂ©liorer pour un affichage graphique : l’utilisateur sĂ©lectionnait une section de texte, le marquait « italique Â» ou « gras Â», et le traitement de texte injectait le code associĂ© dans le fichier puis, au moment d’imprimer, modifiait le rendu graphique envoyĂ© Ă  l’imprimante Ă  cette phase-lĂ  du processus.

Mais un autre groupe voulait utiliser un modĂšle beaucoup plus puissant : les feuilles de style hiĂ©rarchiques. Dans un systĂšme Ă  feuilles de style, les unitĂ©s de texte — mots ou paragraphes — sont Ă©tiquetĂ©es avec un nom de style regroupant un ensemble d’attributs qui sont appliquĂ©s Ă  ce morceau de texte lors de l’impression.

Microsoft Ă©tait au dĂ©but des annĂ©es 80 une entreprise de dĂ©veloppement logiciel, surtout connue pour son interprĂ©teur BASIC et le systĂšme d’exploitation MS-DOS. Steve Jobs approcha Bill Gates en 1984 pour Ă©crire des applications pour le nouveau systĂšme Macintosh, et il accepta.

L’un de ses premiers travaux fut d’organiser le premier vĂ©ritable traitement de texte WYSIWYG pour un ordinateur personnel – Microsoft Word pour Macintosh. La controverse faisait rage en interne : devait-on utiliser les codes de contrĂŽle ou bien les feuilles de style hiĂ©rarchiques ?

Finalement, le verdict tomba : Word devrait mettre en Ɠuvre les deux paradigmes de formatage. Bien qu’ils soient fondamentalement incompatibles et qu’on puisse tomber dans une confusion horrible en appliquant un simple formatage de caractĂšres Ă  un document Ă  base de feuille de style, ou vice versa. Word souffrait en rĂ©alitĂ© d’un vice de conception, dĂšs le dĂ©but – et cela n’a fait qu’empirer depuis.

Entre la fin des annĂ©es 80 et le dĂ©but des annĂ©es 90, Microsoft est devenu un mastodonte en situation de quasi-monopole dans le monde du logiciel. L’une de ses tactiques est devenue bien connue (et redoutĂ©e) dans l’industrie : adopter et Ă©tendre (NdT: il y a l’idĂ©e du « baiser de la mort Â» : Ă©treindre pour mieux Ă©touffer).

ConfrontĂ© Ă  un nouveau type de logiciel Ă  succĂšs, Microsoft rachĂštait l’une des entreprises Ă  la pointe du secteur et dĂ©versait alors des moyens pour intĂ©grer le produit Ă  son propre Ă©cosystĂšme Microsoft, si nĂ©cessaire en abaissant ses prix pour Ă©jecter ses concurrents du marchĂ©. La croissance de Microsoft Word s’est faite par l’acquisition de nouveaux modules : publipostage, correcteurs orthographiques et grammaticaux, outils de chapitrage et d’index.

Toutes ces entreprises Ă©taient des sociĂ©tĂ©s artisanales dynamiques, formant une communautĂ© prospĂšre d’éditeurs de produits concurrents qui tous luttaient pour produire de meilleurs logiciels qui leur permettaient de cibler leurs parts de marchĂ©. Mais Microsoft s’est infiltrĂ© dans chaque secteur et a intĂ©grĂ© un par un les concurrents Ă  Word, tuant de fait la concurrence et Ă©touffant l’innovation. Microsoft a tuĂ© les outils d’index et de chapitrage sur Windows, a stoppĂ© net le dĂ©veloppement du correcteur grammatical, a Ă©touffĂ© celui des correcteurs orthographiques. Il existe un cimetiĂšre entier d’écosystĂšmes jadis prometteurs, et il s’appelle Microsoft Word.

Alors que le logiciel se dĂ©veloppait, Microsoft dĂ©ploya sa tactique « Adopte Ă©tend et Ă©touffe Â» en vue de rendre les mises Ă  jours incontournables, rendant ainsi les utilisateurs de Word captifs, par le biais de mutations constantes du format de fichier utilisĂ©. Les premiĂšres versions de Word Ă©taient interopĂ©rables avec ses rivaux comme Word Perfect, elles pouvaient importer et exporter dans les formats de fichier des autres logiciels. Mais au fur et Ă  mesure que la domination de Word devenait Ă©tablie, Microsoft a Ă  plusieurs reprises modifiĂ© son format de fichier – avec Word 95, Word 97, en 2000, encore en 2003 et plus rĂ©cemment encore.

Chaque nouvelle version de Word utilisait par dĂ©faut un nouveau format de fichier qui n’était plus reconnu par les versions prĂ©cĂ©dentes. Pour Ă©changer des documents avec quelqu’un d’autre, vous pouviez tenter d’utiliser le format RTF — mais la plupart des utilisateurs professionnels occasionnels ne prenaient pas la peine de regarder les diffĂ©rents formats du menu « Enregistrer sous
 Â», et donc si vous deviez travailler avec d’autres, vous vous trouviez dans l’obligation de payer rĂ©guliĂšrement la dime Microsoft mĂȘme si aucune nouvelle fonctionnalitĂ© ne vous Ă©tait utile.

Le format de fichier .doc a lui aussi Ă©tĂ© dĂ©libĂ©rĂ©ment rendu opaque : au lieu d’un document interprĂ©table contenant des mĂ©tadonnĂ©es de formatage ou de macros, c’est en fait l’image mĂ©moire des structures de donnĂ©es logicielles qu’utilise Word, avec les adresses pointant sur les sous-routines qui fournissent les donnĂ©es de formatage ou celles des macros. Et la « sauvegarde rapide Â» aggrava encore la situation en ajoutant un journal des diffĂ©rents changements Ă  l’image mĂ©moire du programme.

Pour analyser un fichier .doc vous devez virtuellement rĂ©Ă©crire un mini Microsoft Word. Ce n’est pas un format de fichier contenant des donnĂ©es : c’est un cauchemar ! Au 21e siĂšcle, ils ont essayĂ© d’amĂ©liorer le tableau en le remplaçant par un schĂ©ma XML
 mais ils n’ont rĂ©ussi qu’à ajouter Ă  la confusion en utilisant des balises XML qui se rĂ©fĂšrent Ă  des points d’entrĂ©e de fonctions dans le code de Word, au lieu de dĂ©crire la structure sĂ©mantique rĂ©elle du document. Difficile d’imaginer qu’une multinationale telle que Microsoft, aussi importante et (habituellement) gĂ©rĂ©e avec compĂ©tence puisse commettre accidentellement une telle erreur


Cette obsolescence programmĂ©e n’a pas d’importance pour la plupart des entreprises, dans lesquelles la durĂ©e moyenne de vie d’un document est infĂ©rieure Ă  six mois. Mais d’autres domaines rĂ©clament la conservation des documents. En droit, en mĂ©decine ou encore en littĂ©rature, la durĂ©e de vie d’un fichier se compte en dĂ©cennies si ce n’est en siĂšcles. Les pratiques commerciales de Microsoft vont Ă  l’encontre des intĂ©rĂȘts de ces utilisateurs.

D’ailleurs Microsoft Word n’est mĂȘme pas facile Ă  utiliser. Son interface alambiquĂ©e, baroque, rend difficile ce qui est simple et quasi impossible ce qui est difficile. Ceci garantit la sĂ©curitĂ© de l’emploi pour le gourou, mais pas la transparence pour l’utilisateur Ă©clairĂ© et intuitif qui souhaiterait simplement se concentrer sur son travail et pas sur l’outil avec lequel la tĂąche doit ĂȘtre accomplie. Word impose Ă  l’auteur sa propre conception de la façon dont un document doit ĂȘtre structurĂ©, une structure bien plus adaptĂ©e aux lettres commerciales et aux bilans (tĂąches pour lesquelles il est utilisĂ© par la majoritĂ© de ses utilisateurs).

Ses outils de vĂ©rification et de suivi des modifications sont baroques, truffĂ©s d’erreurs et ne conviennent pas Ă  un vrai travail collaboratif de conception d’un document ; ses possibilitĂ©s de chapitrage et de notes sont piteusement primitives face aux besoins d’un Ă©crivain ou d’un thĂ©sard. Quant aux recommandations Ă  l’emporte-piĂšce de son correcteur grammatical, elles pourraient n’ĂȘtre qu’amusantes si les tournures commerciales qu’il impose, dignes d’un potache besogneux, n’étaient dĂ©sormais si largement rĂ©pandues.

Mais ce n’est pas pour cela que je veux la mort de Microsoft Office.

La raison pour laquelle je veux sa mort est que, tant que celle-ci ne sera pas arrivĂ©e, on ne pourra Ă©viter Word. Je n’écris pas mes romans avec Microsoft Word. J’utilise toute une palette d’autres outils, depuis Scrivener (un logiciel conçu pour la structuration et l’édition de documents composites qui est Ă  Word ce qu’un environnement de dĂ©veloppement intĂ©grĂ© est Ă  un Ă©diteur de texte rudimentaire) jusqu’à des Ă©diteurs de texte classiques comme Vim. Mais d’une façon ou d’une autre, les principales maisons d’édition se sont laissĂ© intimider et persuader que Word Ă©tait l’incontournable clef-de-voĂ»te des systĂšmes de production de documents.

Pire, cette prĂ©dominance nous rend aveugles aux possibilitĂ©s d’amĂ©lioration de nos outils de crĂ©ation de documents. On nous a imposĂ© presque 25 ans d’immobilisme, j’espĂšre que nous trouverons bientĂŽt quelque chose de mieux pour le remplacer.




Geektionnerd : TPP

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Geektionnerd - Simon Gee Giraudot - CC by-sa

Source :

CrĂ©dit : Simon Gee Giraudot (Creative Commons By-Sa)




Un livre numĂ©rique avec DRM n’est pas un livre nous dit l’AssemblĂ©e

En rĂ©alitĂ©, avec Apple ou Amazon, ce ne sont pas des livres qui sont vendus, mais des licences de lecture…

« C’est inattendu et complĂštement fou Â», s’enthousiaste Ă  juste titre le site ActuaLittĂ©, qui poursuit : « Durant l’examen du Projet de loi de Finance 2014, le dĂ©putĂ© Éric Alauzet est venu dĂ©fendre l’amendement de la dĂ©putĂ©e Isabelle Attard. L’idĂ©e Ă©tait simple : imposer une TVA maximale pour les vendeurs comme Apple ou Amazon, qui ne proposent que des licences d’utilisation et non la vente de fichiers en propre. Â»

Or, contre tout attente, c’est-Ă -dire ici aussi bien l’avis dĂ©favorable du rapporteur que du gouvernement, l’amendement a Ă©tĂ© adoptĂ© hier Ă  l’AssemblĂ©e !

Vous trouverez ci-dessous toute la (savoureuse) sĂ©quence en vidĂ©o accompagnĂ©e de sa transcription[1]. Avec notamment un NoĂ«l MamĂšre qui conclut ainsi son propos : « C’est aussi donc un droit Ă  l’information, un droit Ă  la culture et un droit Ă  la lecture qui doit ĂȘtre un droit inaliĂ©nable et considĂ©rĂ© comme un bien commun. Â»

La TVA rĂ©duite concerne aujourd’hui les livres papiers. Si on veut qu’il en aille de mĂȘme avec les livres numĂ©riques alors il faut qu’ils soient sans DRM sinon ce ne sont plus des livres. Tel est le message important qui est passĂ© hier Ă  l’AssemblĂ©e. Apple et Amazon en encapsulant leurs fichiers numĂ©riques et en imposant leurs pĂ©riphĂ©riques ne nous vendent pas des livres mais un service Ă  usage restreint et durĂ©e limitĂ©e dans le temps.

Merci au groupe Ă©cologiste en tout cas pour cette vĂ©ritable avancĂ©e qui pourrait bien appeler d’autres conquĂȘtes, comme en tĂ©moigne l’Ă©change ci-dessous que nous avons eu avec Isabelle Attard sur Twitter

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Remarque 1 : Rien n’est jouĂ© cependant, comme nous le rappelle l’April, la loi de finances doit dĂ©sormais ĂȘtre examinĂ©e par le SĂ©nat puis par la navette parlementaire avant son adoption dĂ©finitive.

Remarque 2 : Isabelle Attard vient Ă©galement de dĂ©poser une proposition de loi visant Ă  consacrer, Ă©largir et garantir le domaine public (voir aussi cette vidĂ©o qui Ă©voque la question spĂ©cifique des musĂ©es).

—> La vidĂ©o au format webm
—> Le fichier de sous-titres

Transcription

Mme la prĂ©sidente. La parole est Ă  M. Éric Alauzet, pour soutenir l’amendement no 22.

M. Éric Alauzet. Alors que la vente de livres sous forme dĂ©matĂ©rialisĂ©e est en pleine croissance, deux types de produits sont disponibles. En proposant des livres en systĂšme fermĂ©, les acteurs historiques ont trouvĂ© le moyen de verrouiller leur clientĂšle : en rĂ©alitĂ©, ce ne sont pas des livres qui sont vendus, mais des licences de lecture, assorties de contraintes qui n’existent pas pour le livre de papier. Ainsi, quand vous achetez un livre numĂ©rique chez Amazon ou chez Apple, vous ne pouvez le lire que sur un appareil autorisĂ© par cette entreprise.

ParallĂšlement, il existe des livres numĂ©riques en systĂšme dit ouvert, soutenus par la majoritĂ© des acteurs concernĂ©s – auteurs, Ă©diteurs, bibliothĂ©caires, responsables politiques –, qui revendiquent un plus grand respect des droits du lecteur, notamment en essayant de promouvoir l’interopĂ©rabilitĂ© des livres au format Ă©lectronique. Le statut de ces livres est trĂšs proche de celui des livres de papier : vous pouvez les lire, les prĂȘter, mĂȘme les revendre – bref, en disposer Ă  votre guise. De ce fait, nous considĂ©rons que, contrairement aux livres en systĂšme fermĂ©, les livres en systĂšme ouvert ont toute lĂ©gitimitĂ© pour bĂ©nĂ©ficier de la mĂȘme TVA que les livres de papier, et c’est ce que nous proposons par cet amendement. Pour conclure, je souligne que, sur cette question, nous sommes observĂ©s par la Commission europĂ©enne, car il ne s’agit pas vraiment d’un livre, mais d’un service.

Mme la prĂ©sidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur gĂ©nĂ©ral. La commission estime qu’il s’agit lĂ  d’un sujet intĂ©ressant, mais complexe. Comme vous le savez, la France se bat pour que la TVA Ă  taux rĂ©duit puisse s’appliquer aux livres Ă©lectroniques. Or, vous proposez de faire de ce principe une exception. Je comprends votre intention, mais cela risque de fragiliser la position de la France dans les nĂ©gociations en cours, oĂč nous espĂ©rons obtenir une gĂ©nĂ©ralisation du taux rĂ©duit de TVA Ă  tous les livres, quel que soit leur support. Je vous invite par consĂ©quent Ă  retirer votre amendement, monsieur Alauzet ; Ă  dĂ©faut, je demanderai Ă  notre AssemblĂ©e de le repousser.

Mme la prĂ©sidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre dĂ©lĂ©guĂ©. Nous nous battons, au sein de l’Union europĂ©enne, pour que l’ensemble des supports de lecture bĂ©nĂ©ficie du taux rĂ©duit de TVA. C’est l’un des Ă©lĂ©ments de notre combat en faveur de l’exception culturelle, de l’accĂšs pour tous Ă  la culture et du livre. Comme vient de le dire M. le rapporteur gĂ©nĂ©ral, prendre des dispositions dĂ©rogatoires ne peut que porter atteinte Ă  la portĂ©e de notre combat, qui n’est dĂ©jĂ  pas si facile Ă  mener. En adoptant un tel amendement, nous risquons d’affaiblir notre position vis-Ă -vis de nos interlocuteurs, et de mettre en pĂ©ril notre capacitĂ© Ă  atteindre l’objectif que nous nous sommes fixĂ©. Je vous invite donc Ă©galement Ă  retirer cet amendement, monsieur le dĂ©putĂ©.

Mme la présidente. La parole est à M. Noël MamÚre.

M. Marc Le Fur. Allez-vous nous parler de la Bretagne, monsieur MamĂšre ?

M. NoĂ«l MamĂšre. Nous pourrions effectivement en parler, puisque nous parlons de livres et qu’il est de trĂšs bons auteurs bretons. Malheureusement, si ces livres sont publiĂ©s sous la licence d’Apple ou d’Amazon, nous ne pourrons pas les faire lire Ă  nos enfants. De mĂȘme, sous licence fermĂ©e, nous ne pourrons prĂȘter aux personnes de notre entourage les excellents livres de Svetlana Alexievitch, qu’il s’agisse de La Fin de l’Homme rouge ou de La Supplication, ouvrage trĂšs instructif sur les consĂ©quences de la catastrophe de Tchernobyl.

M. le ministre nous dit, Ă  juste titre, qu’il ne faut pas mettre en pĂ©ril les nĂ©gociations en cours, dans le cadre desquelles nous cherchons Ă  nous opposer Ă  l’accord sur le marchĂ© transatlantique qui se dessine entre l’Union europĂ©enne et les États-Unis. Nous avons, paraĂźt-il, sauvĂ© l’exception culturelle. Fort bien, mais si notre amendement n’était pas adoptĂ©, nous risquerions de lui porter un coup fatal en laissant libre cours Ă  Apple et Amazon, sinon pour exercer leur dictature – le mot est un peu fort –, du moins pour mettre Ă  bas l’exception culturelle dans le cadre du marchĂ© transatlantique.

Bref, nous devons nous protĂ©ger, au niveau français comme au niveau europĂ©en. Tel est l’objet de notre amendement, qui vise Ă  sauver le droit Ă  la lecture, notamment le droit Ă  revenir sur un livre que l’on a dĂ©jĂ  lu. Nous sommes sans doute nombreux ici Ă  avoir apprĂ©ciĂ© des auteurs, dans les ouvrages desquels nous souhaitons Ă  nouveau nous plonger. Or, avec le systĂšme d’Apple et d’Amazon, ce sera impossible. En mĂȘme temps que le droit Ă  la lecture, c’est donc aussi le droit Ă  l’information et le droit Ă  la culture que nous dĂ©fendons, car il s’agit de droits inaliĂ©nables, considĂ©rĂ©s comme des biens communs.

Mme la prĂ©sidente. La parole est Ă  M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Je n’ai pas l’expĂ©rience de M. le ministre en ce qui concerne les nĂ©gociations europĂ©ennes, mais je pense que le risque qu’il Ă©voque n’existe pas. Au contraire, si risque il y a, c’est celui liĂ© au fait de dĂ©fendre le taux rĂ©duit de TVA sur ce qui est en rĂ©alitĂ© un service, et ce qui est Ă  craindre ensuite, c’est que le livre Ă©lectronique ouvert ne suive le livre Ă©lectronique vendu sous systĂšme fermĂ©. La transparence n’est pas vraiment le maĂźtre-mot en la matiĂšre, et les personnes achetant des livres Ă©lectroniques vont finir par s’apercevoir, au bout de quelques semaines ou quelques mois, que le livre en leur possession ne fonctionne plus et qu’elles n’ont en rĂ©alitĂ© acquis qu’une licence, qu’elles vont devoir racheter au mĂȘme distributeur ! Il y a, je le rĂ©pĂšte, un grand risque Ă  ne pas dissocier le livre Ă©lectronique vendu sous systĂšme fermĂ© de celui vendu sous systĂšme ouvert.

Mme la prĂ©sidente. Si j’ai bien compris, vous maintenez votre amendement, monsieur Alauzet ?

M. Éric Alauzet. Je le maintiens, madame la prĂ©sidente.

(L’amendement no 22 est adoptĂ©.)

Notes

[1] Source de la vidĂ©o et du texte sur le site de l’AssemblĂ©e.