Grâce à Wikileaks on a la confirmation que l’accord TPP est pire qu’ACTA

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Merci à Wikileaks d’avoir révélé hier une version de travail tenue secrète de l’accord Trans-Pacific Strategic Economic Partnership, plus connu sous l’acronyme TPP.

La France ne faisant pas partie des pays directement concernés, on n’en parle pas beaucoup dans nos médias. Mais on sait depuis longtemps que ce sont les USA qui donnent le la dans tout ce qui touche au copyright international.

Plus que donner le la, ils dictent la loi. Et celle qui se prépare ici est tout simplement scélérate…

TPP

La fuite du chapitre sur la propriété intellectuelle du Partenariat Trans-Pacifique confirme que cet accord est pire qu’ACTA

TPP IP Chapter Leaked, Confirming It’s Worse Than ACTA

Glyn Moody – 13 novembre 2013 – TechDirt.com
(Traduction  : Barbidule, Penguin, Genma, MFolschette, baba, mlah, aKa, Alexis Ids, Scailyna, @paul_playe, Mooshka, Omegax)

par le service du pas-étonnant-que-le-secret-soit-si-bien-gardé

Cela fait longtemps que nous attendions une fuite majeure du Partenariat Trans-Pacifique (TPP) rédigé en secret  ; grâce à Wikileaks, nous en avons enfin une (voir aussi directement le pdf). Le texte est long et lourd à lire, en partie à cause de toutes les parties entre parenthèses sur les points où les négociateurs ne se sont pas encore mis d’accord. Même si le brouillon est assez récent — il est daté du 30 août 2013 — un grand nombre de ces points y restent ouverts. Heureusement, KEI a déjà rassemblé une analyse détaillée mais facilement compréhensible, que je vous encourage vivement à lire en entier. En voici un résumé  :

Le document confirme les craintes sur le fait que les différentes parties sont prêtes à étendre les limites du droit de la propriété intellectuelle, et à restreindre les droits et libertés du consommateur.

En comparaison des accords multilatéraux existants, l’accord du TPP sur la propriété intellectuelle propose l’octroi de nouveaux brevets, la création d’une propriété intellectuelle sur les données, l’extension des termes de protection pour les brevets et copyrights, l’accroissement des privilèges des ayants droit, et l’augmentation des peines pour infraction à la propriété intellectuelle. Le texte du TPP réduit le champ des exceptions pour tous les types de propriété intellectuelle. Négocié dans le secret, le texte proposé est néfaste pour l’accès au savoir, néfaste pour l’accès aux soins, et profondément néfaste pour l’innovation.

Bien que de nombreux domaines soient concernés par les propositions de la copie de travail — l’accès aux soins vitaux seraient restreints, tandis que la portée des brevets serait étendue aux méthodes chirurgicales par exemple — les effets sur le copyright sont particulièrement significatifs et troublants  :

Collectivement, les dispositions du droit d’auteur (dans le TPP) sont configurées de manière à étendre les termes du droit d’auteur de la convention de Berne au-delà de la vie plus 50 ans, créant de nouveaux droits exclusifs, et fournissant bon nombre de nouvelles directives spécifiques pour gérer le copyright dans l’environnement numérique.

Voici quelques-unes des extensions de durée proposées  :

Concernant les durées de copyright, le TPP définit les bases comme suit. Les États-Unis, l’Australie, le Pérou, Singapour et le Chili proposent une durée de 70 ans après la mort de l’auteur pour les personnes physiques. Pour des œuvres appartenant à une entreprise, les États-Unis proposent 95 ans de droits exclusifs, alors que l’Australie, le Pérou, Singapour et le Chili proposent 70 ans. Le Mexique veut une durée de 100 ans après la mort de l’auteur pour les personnes physiques et 75 ans après la mort de l’auteur pour des œuvres appartenant à une entreprise. Pour des travaux non publiés, les États-Unis veulent une durée de 120 ans.

Un problème plus technique concerne l’utilisation du «  test en trois étapes  » qui agira comme une contrainte supplémentaire sur de possibles exceptions au copyright  :

Dans sa forme actuelle, l’espace des exceptions tel que défini par le TPP est moins vaste et plus restrictif que celui du traité 2012 de l’OMPI à Pékin ou celui du traité 2013 de l’OMPI à Marrakech, et bien pire que l’accord ADPIC. Bien que cela implique des problèmes légaux complexes, les ramifications politiques sont simples. Les gouvernements auraient une marge de manœuvre plus restreinte pour évaluer les exceptions dans l’éducation, dans les citations, dans les affaires publiques, dans les actualités et dans les autres exceptions «  spéciales  » de la Convention de Berne  ? Pourquoi un gouvernement voudrait-il abandonner son autorité générale pour réfléchir à l’aménagement de nouvelles exceptions, ou pour contrôler les abus des détenteurs de droits  ?

Ceci est un bon exemple de comment le TPP n’essaie pas seulement de changer le copyright en faveur de ceux qui veulent l’étendre au maximum, mais essaie aussi d’instaurer un copyright qui serait facile à renforcer à l’avenir. En voici un autre, dans lequel le TPP veut empêcher le retour à un système de copyright qui nécessite une inscription — ce genre de système ayant été proposé comme un moyen de pallier aux problèmes qui surviennent à cause de la nature automatique de l’attribution du copyright  :

Le TPP va au-delà de l’accord ADPIC pour ce qui est de l’interdiction de l’instauration de formalités pour le copyright. Bien que le problème des formalités puisse sembler être un problème facile à résoudre, il y a un bon nombre de flexibilités qui seront éliminées par le TPP. À l’heure actuelle, il est possible d’avoir des exigences de formalités pour des œuvres appartenant à la sphère nationale et d’imposer des formalités à de nombreux types de droits liés, incluant ceux protégés par la Convention de Rome. Ces dernières années, les créateurs et les théoriciens de la politique du copyright ont commencé à remettre en question les bénéfices de l’enregistrement des œuvres et autres formalités, en particulier à la lumière des problèmes liés aux durées de copyright étendues sur de nombreuses oeuvres orphelines.

Comme vous pouvez vous en douter, le TPP demande à ce qu’il y ait des protections solides de type DRM  ; mais ici encore, il cherche à rendre les choses pires qu’elles ne le sont déjà  :

La section sur le droit d’auteur inclut également un long discours sur les mesures de protection technique, et en particulier, la création d’un motif de poursuites spécifique contre le fait de casser les mesures techniques de protection. Les USA veulent que ce motif de poursuites spécifique s’étende même aux cas où le droit d’auteur n’est pas applicable, comme par exemple les œuvres du domaine public, ou bien les données qui ne sont pas protégées par le droit d’auteur.

Cela rendrait illégal le fait de contourner les DRM, même si ceux-ci sont appliqués à du contenu qui se trouve dans le domaine public — les enfermant alors une fois de plus, de façon efficace et permanente. Enfin, il est intéressant de remarquer que dans la sous-section fixant les dommages et intérêts pour violation de copyright, on peut y lire ce qui suit  :

Pour déterminer le montant des dommages et intérêts en vertu du paragraphe 2, les autorités judiciaires seront habilitées à examiner, entre autres, toute mesure légitime de valeur que le détenteur du droit soumet, ce qui peut comprendre les bénéfices perdus, la valeur des biens ou des services concernés, mesurée en se basant sur le prix du marché, ou sur le prix de vente au détail suggéré.

C’est exactement la tournure qui a été utilisée pour ACTA, et qui a été retrouvée dans le récent accord de libre-échange entre l’UE et Singapour. Cela résume assez bien comment le TPP s’appuie directement sur ACTA, tandis que les autres mesures évoquées ci-dessus montrent comment il va bien au-delà et ce à plusieurs égards.

Voilà pour les mauvaises nouvelles. La bonne nouvelle, c’est que nous avons maintenant une version très récente de ce qui pourrait être la partie la plus controversée de l’accord. Dans les semaines à venir, nous sommes susceptibles de voir de nombreuses analyses détaillées exposant au grand jour le caractère ô combien pernicieux cet accord pour le public des pays participant aux négociations.

L’espoir étant qu’une fois qu’il en sera informé, il fera connaître son sentiment à ses représentants politiques comme il l’a fait avec SOPA et ACTA — et avec le même résultat final.

7 Responses

  1. Galuel

    La question économique est liée à la nature de la monnaie utilisée. Sans monnaie libre, il n’est pas d’économie libre possible. Les tenants de la monnaie dette considèrent qu’internet, les logiciels libres, les valeurs libres, n’ont aucune valeur économique, et donc aucune sorte d’intérêt à être considérés économiquement, de sorte qu’il ne reste que le copyright comme étant cohérent avec la dette.

    A écouter, Olivier Delamarche sur Monnaie Libre n°42 : http://monnaielibre.creationmonetai

    Sans réveil sur le sujet de la monnaie, l’effondrement du monde libre et sa captation totale et forcée par les valeurs copyrightées est inévitable.

  2. Hervé

    Je sais bien qu’on ne vit pas dans le monde des bisounours : « chacun défend son biftèque », les entreprises les premières. Mais quand même, à la lecture de cet article (« création d’une propriété intellectuelle sur les données », « augmentation des peines pour infraction à la propriété intellectuelle »,…) j’ai l’impression que les grandes entreprises sont en guerre contre la démocratie. Et c’est une guerre dans l’ombre, car personne n’est au courant.

  3. non

    Galuel va faire ta propagande pour ton cinglé ultra libéral ailleurs!

    Y’en a plein le cul vous nous gonflez! (sans dec, déjà qu’on les supporte sur planetlibre-ca craint grave-, voila qu’ils viennent polluer ici aussi…)

    Hervé, tu as bien raison, mais c’est tout simplement comme le reste.
    On doit pouvoir le résumé a Travail Vs Capital.
    Et tout le monde devrait savoir que le capitalisme est un ennemi féroce de la démocratie…

  4. si

    « déjà qu’on les supporte sur planetlibre-ca craint grave-« 

    Heu il me semble que planet libre c’est fait pour ça justement. Ce serait vraiment une des plus grande opportunités manquées de notre époque si le libre ne libérait rien d’autre que du code.

    pfff on peut même pas copier-coller la phrase en sous-titre du blog : c’est une image gif perdue dans le css… 🙁

  5. non

    Les principes du Libre /= libéralisme

    Suffit pas d’utiliser de jolies mots pour que le fond le soit.

    Le libéralisme s’accommode très bien de la dictature par exemple, ou plus généralement de l’absence de liberté pour le/les peuples.
    On pourrait prendre le chili periode pinochet qui a servit de laboratoire pour ca, mais c’est pas la peine d’aller chercher dans le passé quand on a tout ca sous les yeux aujourd’hui.

    Et donc, le/les gens (je ne sais pas qui se cache derrière) de ce blog création monétaire sont clairement dans le camp des libéraux, donc des méchants.
    Leur attention particulière aux paauuuuvres patrons martyrisé par la dictature socialiste francaise ne laissé déjà pas vraiment de doutes entre le bullshit général qui y règne, et voila qu’on a droit a un des plus frapadingue médiacrate libéral.

    What else?

    Libéral s’intéresse a une monnaie dont il puisse faire absolument tout ce qu’il veut, dont il a le controle total?(et on en a déjà probablement un aperçus avec le bitcoin et sa facilité a faire du blanchiment d’argent, désertion fiscal et compagnie)
    Comme c’est étonnant…
    Et ils vend ca sous couvert de liberté?
    Là encore, super étonnant!…

    Ca serait hyper fendart si ce n’etait pas aussi consternant et symbole de l’inculture politique dangereuse qui peut régner chez les « geek-informaticiens-libristes-toussatoussa » tout a fait a l’image du parti pirate qui trouve normal par exemple de papoter avec l’extrême droite et qui se fait tout naturellement utiliser et infiltrer par celle ci.

    http://www.cspinyourface.com/2012/0

    https://twitter.com/bayartb/status/

  6. Jarno

    Et si je lis sur Internet comment faire un noeud efficace pour me pendre, ils pourront mettre mon cadavre en prison pendant 70 ans pour copie illégale ?

    Sérieusement, grand fan de l’informatique d’abord (depuis 30 ans), du numérique et d’Internet ensuite (depuis 15 ans), je commence sérieusement à souhaiter l’extinction du numérique. Et pourtant, c’est mon boulot, c’est ce qui me permet de bouffer …. ras-le-bol ….

  7. Polechomage

    Ca ne présage pas le meilleur pour le futur accord transatlantique en 2015 qui, celui-ci, concernera l’Europe.