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Infoclimat : un commun météorologique et climatologique à préserver !

Infoclimat est une association de passionné·es de météo, qui agit pour favoriser et vulgariser l’échange de données et de connaissances autour de la météo et du climat.
Nous baignons dans les mêmes eaux et partageons les mêmes valeurs : les communs culturels doivent être ouverts à toutes et tous pour l’intérêt général !
L’association va fêter ses 20 ans et se lancer dans un nouveau projet : le recrutement de son·sa premier·ère salarié·e. C’est l’occasion de donner la parole à Frédéric Ameye et Sébastien Brana, tous deux bénévoles.

Bonjour Frédéric et Sébastien, pouvez-vous vous présenter ?

Frédéric Ameye (FA), 27 ans, je suis ingénieur dans les systèmes embarqués pendant les heures ouvrables… et en-dehors de ça, je suis depuis longtemps « Linuxien » et (modeste) défenseur du logiciel libre, mais aussi de l’égalité des chances à l’école — issu d’une famille ouvrière très modeste, c’est quelque chose qui me tient beaucoup à cœur. Le reste du temps (quand il en reste), vous me trouverez principalement en rando au fin fond de la montagne…

J’ai intégré l’aventure Infoclimat en 2009 (j’avais alors 15 ans), période à laquelle j’ai « refondu » le site web de l’asso à partir de l’ordinateur familial à écran cathodique, que je monopolisais des dizaines d’heures par semaine, jusqu’à très tard dans la nuit. J’ai continué ce rôle jusqu’à aujourd’hui (avec un écran plat, et moins d’heures dans la nuit car la trentaine arrive vite). Entre-temps, j’ai rejoint le Conseil d’Administration, et je suis ensuite devenu Vice-Président en 2015.

Sébastien Brana (SB), 42 ans. Dans la vie « hors Infoclimat », je suis chef de projet informatique à la Direction générale des finances publiques… et comme Frédéric, en dehors de « ça », j’occupe une grande partie de mon temps libre (soirées, week-end et congés) au profit du site et de l’association que j’ai rejoint en 2005 et dont je suis également Vice-Président depuis 12 ans. Au-delà des phénomènes météo (orages et chutes de neige notamment) qui m’ont toujours fasciné depuis aussi loin que je me souvienne, je suis également passionné par la communauté que nous avons formée depuis une vingtaines d’années, rassemblant des personnes de tous âges (des gamins de 10 ans aux retraités) et de tous milieux, amateurs ou professionnels, scientifiques ou littéraires, ou simplement amoureux de beaux paysages et de photographies. La météo touche tout le monde, les questions liées au climat interrogent tout le monde – bref, ces sujets intéressent voire passionnent bien au-delà des barrières sociales habituelles !

Vous êtes membres bénévoles de Infoclimat, pouvez-vous nous parler du projet de l’association ?

SB : Initialement, Infoclimat était un petit groupe de passionnés de météo et de climat, qui partageaient leurs relevés entre-eux à la fin des années 90, sur un site web appelé « OrageNet ». Tout cela a progressivement grossi, jusqu’à l’année 2003, où l’association a été créée principalement pour subvenir aux besoins d’hébergement du site web. A l’époque, nous étions déjà (et sans le savoir!) en « Web 2.0 » et pratiquions les sciences participatives puisque l’essentiel du contenu était apporté par les passionnés ; nous étions alors bien loin d’imaginer que les problématiques liées au climat deviendraient un enjeu mondial avec une telle résonance médiatique.

Site internet d'Infoclimat entre les années 90 et aujourd'hui
Infoclimat a beaucoup évoluée, entre les débuts sur un internet confidentiel des années 90 dédié au partage, au web d’aujourd’hui.

 

FA : Depuis, l’objet social s’est considérablement diversifié, avec la montée en puissance de notre asso. Aujourd’hui, nous visons trois thématiques particulières :

  • L’engagement citoyen au service de la météo et du climat : partager ses relevés, ses observations météo, installer des stations météorologiques,… au service de tous ! Cela permet de comprendre comment le climat change, mais aussi de déceler des particularités locales que les modèles de prévision ne savent pas bien prendre en compte, ou qui ne peuvent pas être mesurées facilement.
  • Valoriser la donnée météo et climato, qu’elle soit issue de services officiels ou diffusée en « OpenData » par nous ou nos passionnés, et en particulier en faire des outils utiles autant aux « pros » et chercheurs, qu’au service de la vulgarisation des sujets climatiques pour le grand public. Les utilisations sont très nombreuses : agriculture, viabilité hivernale, thermique dans l’habitat, recherches sur le changement climatique, production électrique, journalistes…
  • Former et transmettre les connaissances, par la production de contenus de vulgarisation scientifique, l’organisation de « rencontres météo », ou encore des interventions auprès des écoles, dans des événements sur le terrain ou sur les réseaux sociaux. Bref, contrer la désinformation et le buzz !

 

Installation de matériel météo
Quand Infoclimat débarque quelque part, c’est rarement pour pique-niquer… Mais plutôt pour installer du matériel météo !

 

Vous faites donc des prévisions météo ?

SB : Même si le forum est largement animé par des prévisionnistes amateurs, nous parlons finalement assez peu de prévisions météo : le cœur du site, c’est l’observation météo en temps réel et la climatologie qui résulte des données collectées, qui sont des sujets bien différents ! Il y aurait tant à dire sur le monde de la prévision météo, mais cela mériterait un article à lui seul, car il y a un gros sujet là aussi sur l’ouverture des données et la paternité des algorithmes… Souvent négligée, l’observation météorologique est pourtant fondamentale pour produire une bonne prévision. Pour faire court, la donnée météo « observée » est la nourriture qu’il faut pour entraîner les modèles climatiques, et faire tourner les modèles numériques qui vous diront s’il faut un parapluie demain sur votre pixel de 1km².

Observations météo avec le modèle français AROME
Quantité d’observations météo intégrées dans le modèle de prévisions français « AROME », source principale de toutes les prévisions en France métropolitaine. La performance des modèles météorologiques est fortement corrélée à la quantité, la fréquence, et à la qualité de leurs données d’entrées (observations radar, satellite, avions, stations météo au sol,…). La quantité d’observations des stations Météo-France est à peu près équivalente à la quantité de données produites par les passionnés d’Infoclimat. Graphique simplifié, hors données radar. Avec l’aimable autorisation de Météo-France et du CNRM.

 

FA : Ce qu’il faut savoir, c’est que l’immense majorité des sites internet ou appli que vous consultez ne font pas de prévisions météo, mais utilisent des algorithmes automatisés qui traitent des données fournies (gratuitement ou avec redevance) par les organismes publics (Météo-France, la NOAA, le Met-Office, l’organisme européen ECMWF,…). La qualité des prévisions est en gros corrélée à l’argent que les créateurs des sites et des applis peuvent injecter pour récolter des données brutes de ces modèles numériques. Par exemple, pour avoir les données du modèle de Météo-France « AROME », c’est à peu près gratuit car les données sont sous licence Etalab, mais si vous voulez des données plus complètes, permettant d’affiner vos algorithmes et de proposer « mieux », c’est sur devis.

Dès lors, Infoclimat ne souhaite pas se lancer dans cette surenchère, et propose uniquement des prévisions automatisées issues de données ouvertes de Météo-France et de la NOAA, et indique très clairement la différence entre prévisions automatisées et bulletins rédigés par des passionnés.

Image des "cubes" de données des modèles météo
La Terre est découpée en petits cubes dans lesquels les modèles météo estiment les paramètres de l’atmosphère à venir. Les cubes sont généralement bien plus gros lorsque les échéances sont lointaines (J+4, J+5…), ce qui empêche les modèles météorologiques de discerner les phénomènes météo de petite échelle (averses, orages, neige, effets des reliefs et des côtes). Pourtant, de nombreuses appli météo se contentent de vous fournir grossièrement ces données sans l’explication qui va avec. Chez Infoclimat, on laisse volontairement la résolution native, pour ne pas induire le lecteur en erreur sur la résolution réelle des données.

 

Cela me fait toujours rire (jaune) quand j’entends « [site ou appli] a de meilleures prévisions à chaque fois, et en plus, on les a à 15 jours ! » : lorsqu’il s’agit de prévisions « automatiques », par ville, il est probable qu’il utilise les mêmes données que tous les autres, présentées légèrement différemment, et qu’il s’agisse juste d’un biais de confirmation. Il existe bien sûr quelques exceptions, certaines entreprises faisant un vrai travail de fusion de données, d’analyse, de suppression des biais, pour proposer des informations de très grande qualité, généralement plutôt payantes ou pour les pros. Mais même chez ceux qui vous vendent du service d’aide à la décision, de protection des biens et des personnes, des données expertisées ou à vocation assurantielles, vous seriez très surpris de la piètre qualité de l’exploitation qui est faite de ces données brutes.

Graphique présentant la technique de prévision ensembliste
Les modélisateurs météo ont plein de techniques pour prendre en compte les incertitudes dans les observations et les modèles, notamment ce que l’on appelle la « prévision ensembliste ». Mais ces incertitudes sont rarement présentées ou expliquées au public. Ici par exemple, le graphique présente la quantité de pluie prédite par un modèle météo le 6 janvier, pour la période entre le 6 janvier et le 16 janvier 2022, sur un point de la France. Le modèle considère plusieurs scénarios d’évolution possible des futurs météorologiques. Source : ECMWF, CC BY 4.0.

 

Malheureusement, cette situation rend très délicate la perception des prévisions météo par le grand public (« ils se trompent tout le temps ») : la majorité des applis prend des données gratuites, de faible qualité, sur le monde entier, qui donnent une prévision différente 4 fois par jour au fil des calculs. Cela ne met vraiment pas en valeur le travail des modélisateurs, qui font pourtant un travail formidable, les modèles numériques s’améliorant considérablement, et décrédibilisent aussi les conclusions des organismes de recherche pour le climat (« ils ne savent pas prévoir à 3 jours, pourquoi ils sauraient dans 50 ans ?! »), alors qu’il s’agit surtout d’une exploitation maladroite de données brutes, sans accompagnement dans leur lecture.

Graphique présentant l'amélioration de la qualité des prévisions de l'état de l'atmosphère
Ce graphique présente, grosso-modo, l’amélioration de la qualité des prévisions de l’état de l’atmosphère au fil des années, à diverses échéances de temps (jaune = J+10, vert = J+7, rouge = J+5, bleu = J+3) et selon les hémisphères terrestres. Plus c’est proche de 100%, meilleures sont les prévisions ! Source : ECMWF, CC BY 4.0. 

 

Du coup, quelles actions menez-vous ?

FA : Notre action principale, c’est la fourniture d’une plateforme sur le web, qu’on assimile souvent au « Wikipédia de la météo », ou à un « hub de données » : nous récoltons toutes sortes de données climatiques et météorologiques de par le monde, pour les décoder, les rendre digestes pour différents publics, et la mettre en valeur pour l’analyse du changement climatique. Ce sont par exemple des cartographies, ou des indices d’évolution du climat. C’est notre rôle initial, qui aujourd’hui compile plus de 6 milliards de données météo, à la qualité souvent rigoureusement contrôlée par des passionnés ! Il faut savoir que nous n’intégrons pas toutes les stations météo : nous respectons des normes de qualité du matériel et de l’environnement, pour que les données soient exploitables et comparables entre-elles, comparables avec des séries climatiques historiques, et assimilables dans des modèles numériques de prévision.

 

Infoclimat propose une interface simple et très complète
Infoclimat propose l’accès à toutes les informations météo et climatiques dans des interfaces qui se veulent simples d’accès, mais suffisamment complètes pour les plus experts. Dur équilibre !

 

SB : Avec l’accroissement de notre budget, nous avons pu passer à l’étape supérieure : installer nos propres stations météo, et soutenir les associations locales et les passionnés qui en installent et qui souhaitent mettre leurs données au service d’une base de données commune et libre.

Randonnée pour installer la station météo à Casterino
Les passionnés ne reculent devant rien pour l’intérêt général. Aller installer une station météo à Casterino, village des Alpes Maritimes qui s’est retrouvé isolé de tout après la tempête Alex ? C’est fait, et avec le sourire malgré les kilomètres avec le matériel sur le dos ! Retrouvez l’article ici

 

Il faut savoir que la donnée météo se « monnaye », et chèrement: Météo-France, par exemple, ne met à disposition du grand public que quelques pourcents de ses données, le reste étant soumis à des redevances de plusieurs centaines de milliers d’euros par an (on y reviendra). Ce n’est d’ailleurs pas le cas dans tous les pays du monde, les États-Unis (NOAA) ont été précurseurs, beaucoup de pays Européens s’y mettent, mais la France est un peu en retard… Nous sommes partenaires de Météo-France, participons à des travaux communs dans le cadre du « Conseil Supérieur de la Météorologie », mais c’est très long, trop long, et cela prive Météo-France d’une source de revenus importante dans un contexte de stricte restriction budgétaire. L’établissement public administratif se retrouve en effet pris dans une injonction contradictoire par son autorité de tutelle (le Ministère de la Transition écologique et solidaire) : d’un côté il doit « libérer » les données publiques et mettre en place les infrastructures nécessaires, de l’autre, on lui intime l’ordre de trouver de nouvelles sources de financement par sa branche commerciale, et on lui réduit ses effectifs !

Redevances Météo France
Redevances demandées par Météo-France pour accéder aux données météo de son réseau « RADOME » (90% des stations françaises). Hors de portée de notre association ! Source

 

Données ouvertes météo France et données Infoclimat
Le réseau de stations en France, avec les données ouvertes de Météo-France (à gauche), et avec les données Infoclimat et partenaires en plus (à droite). Remarquez le contraste avec certains autres pays Européens !

 

Aujourd’hui, Infoclimat c’est donc un bon millier de stations météo (les nôtres, celles des passionnés, et de nos associations partenaires), qui complètent les réseaux nationaux dans des zones non couvertes, et qui permettront à l’avenir d’améliorer la fiabilité des modèles météo de Météo-France, dans des travaux que nous menons avec eux sur l’assimilation des réseaux de données partenaires. Parfois d’ailleurs, nous réinstallons des stations météo là où Météo-France est parti ou n’a pas souhaité améliorer ou maintenir des installations, comme au Mont-Ventoux (84), ou à Castérino (06). Et ces données intéressent une multitude d’acteurs, que nous découvrons souvent au hasard des installations : au-delà de l’intérêt pour la météo des particuliers (« combien fait-il au soleil? » « quelle quantité de pluie est tombée la nuit dernière? »), les activités professionnelles météo-sensibles allant de l’agriculture à l’expertise en assurance, en passant par les études de risques et/ou d’impacts jusqu’aux recherches sur les « ICU » (ilots de chaleurs urbains observés dans les milieux urbanisés) se montrent très demandeuses et n’hésitent pas à se tourner vers nous pour leur fournir de la « bonne data-météo ».

Réhabilitation d'une station météo au Mont-Ventoux
Réhabiliter une station météo au sommet du Mont-Ventoux : check. Les données météo sont par ici. 

 

Enfin, le troisième pilier, c’est la pédagogie. Nous avons repris en 2018, à nos frais et sans aucune subvention, l’initiative « Météo à l’École », qui avait été lancée en 2008 par le Ministère de l’Éducation Nationale avec Météo-France et l’Observatoire de Paris, mais qui a failli disparaître faute de budget à la fin du « Grand Emprunt ». L’objectif : sensibiliser de manière ludique les publics du primaire et du secondaire aux enjeux de la météo et du climat. Installer une station météo dans un collège permet de faire un peu de techno, traiter les données en faisant des maths, des stats et de l’informatique, et enfin les analyser pour parler climat et Système Terre.
Aujourd’hui, nous hébergeons les données des quelques 60 stations, ainsi que les contenus pédagogiques de Météo À l’École, permettant aux profs d’échanger entre eux.

Photo : Météo à l'École
Installer des stations météo dans les écoles, expliquer les concepts de la météo et du climat, « jouer » avec des données, et discuter entre profs : c’est ce que permet le programme Météo à l’École

 

Depuis de nombreuses années, nous complétons cela avec des interventions auprès des jeunes et moins jeunes, sous forme d’ateliers ou de journées à thème (« Rencontres Météo et Espace », « Nuit des Chercheurs », « Fête du Vent »,…), un peu partout en France selon la disponibilité de nos bénévoles !

Rencontre Météo et Espace
Lors des Rencontres Météo et Espace organisées par le CNES, Infoclimat et Météo-France, les enfants apprennent par exemple comment on mesure les paramètres en altitude dans l’atmosphère, grâce aux ballons sondes.

 

Photos : évènements tout publics
Nous aimons autant apprendre des choses aux très jeunes (à gauche), qu’aux moins jeunes (à droite), lors d’événements tout-publics.

 

Quelles valeurs défendez-vous ?

FA : La première de nos valeurs, c’est l’intérêt général ! Ce que nous avons conçu au cours de ces vingt dernières années n’appartient à personne, c’est un commun au service de tous, et pour certaines informations, c’est même le point de départ d’un cercle vertueux de réutilisation, par la libération des données en Open-Data.

Page OpenData d'Infoclimat
La page OpenData d’Infoclimat, qui permet de s’abstraire des complexités des formats météo, des différents fournisseurs, et tente de résoudre au mieux la problématique des licences des données.

Comme on l’a dit plus haut, le monde de la météo est un juteux business. Vous trouverez pléthore de sites et applis météo, et leur composante commune, c’est que ce sont des sociétés à but lucratif qui en font un business, sous couvert d’engagement citoyen et de « communauté ». Vous y postez vos données et vos photos, et ils en tirent en retour des revenus publicitaires, quand ils ne revendent pas les données météo à d’autres sociétés (qui les mâchouillent et en font de l’analyse pour d’autres secteurs d’activité).

Parmi les initiatives similaires, on peut citer parmi les plus connues « Weather Underground » (appartenant à IBM et destinée à alimenter Watson) ou encore « Awekas » (Gmbh allemande), « Windy » (société tchèque), « Météociel » (SAS française), qui sont des sociétés privées à plusieurs centaines de milliers ou quelques millions d’euros de CA. On notera d’ailleurs que toutes ces initiatives ont des sites souvent moins complets que le notre !
On se retrouve dans une situation parfois ubuesque : ces types de sociétés peuvent acheter des données payantes à l’établissement public Météo-France (pour quelques centaines de milliers d’euros par an), et les proposent ensuite à tous sur leur site web, rémunéré par la publicité ou par abonnement à des fonctionnalités « premium ». Alors qu’elles pourraient bénéficier à tous dans une base de données librement gérée comme celle d’Infoclimat, et aussi servir nos outils d’analyse du changement climatique ; il faut passer obligatoirement par les sites de ces sociétés privées pour bénéficier des données produites par l’établissement public… et donc en partie avec l’argent public. D’autres acteurs de notre communauté en faisant déjà echo il y a bien des années, et la situation n’a pas changé : https://blog.bacpluszero.com/2014/06/comment-jai-failli-faire-doubler-le.html.

Photo : visite Météo France
Nos adhérents et administrateurs lors d’une visite chez Météo-France, en 2016. Malgré un partenariat depuis 2009, l’établissement public éprouve toujours des difficultés à partager ses données avec la communauté, mais s’engage à ses côtés dans la formation et le support technique. En mémoire de nos bénévoles disparus Pouic, Mich’, Enzo.

 

SB : Notre force, c’est de pouvoir bénéficier d’une totale indépendance, grâce à nos adhérents, mécènes et donateurs. On a réalisé le site dont on a toujours rêvé, pas celui qui générera le plus de trafic possible pour en tirer un revenu. Les données des stations météo que nous finançons sont toutes placées sous licences ouvertes, et nos communications sont rigoureuses et factuelles plutôt que « putaclic » (ce qui nous vaut d’ailleurs une notoriété encore assez limitée chez le grand public, en dehors des photos de nos contributeurs reprises dans les bulletins météo de France TV notamment).

Trouvez-vous aussi votre indépendance vis-à-vis des GAFAM ?

FA : Cela reste encore perfectible : si nous croyons à notre indépendance et au respect des utilisateurs, il y aurait encore des reproches à nous faire. Nous mettons vraiment beaucoup en place pour respecter les données (qu’elles soient météo, personnelles, ou les droits des photographes), nous auto-hébergeons l’immense majorité des contenus (sur 12 serveurs dédiés OVH, du cloud Scaleway, et des machines gracieusement prêtées par Gandi, et même un NAS chez un administrateur fibré !), et essayons d’éviter les services tiers, et les fuyons au possible lorsqu’ils sont hébergés ou contrôlés à l’étranger. Mais tout n’est pas toujours si simple.

Par exemple, nous utilisions jusqu’à très récemment encore Google Analytics, par « simplicité » : tout notre historique depuis 2008 y est stocké, et une instance Matomo assez dimensionnée pour 150M de pages vues par an, ça veut dire gérer une nouvelle machine, et des coûts supplémentaires… pour une utilisation assez marginale, notre exploitation des statistiques étant très basique, puisque pas de publicités et pas de « conversions » ou « cibles d’audience »… Mais tout de même appréciée des bénévoles pour analyser la fréquentation et l’usage des rubriques du site. Il doit aussi traîner quelques polices de caractères hébergées par Google, mais tout le reste est 100% auto-hébergé et/ou « fait maison ».

Complexité des cartes de Infoclimat
Nos cartes sont complexes et nécessitent des données géospatiales de bonne qualité, et à jour. Maintenir à jour une telle base, seuls, et à l’échelle mondiale, est… un projet à lui tout seul.

 

Nous sommes aussi de gros consommateurs de contenus cartographiques, et proposons des interfaces de visualisation mondiales plutôt jolies (basées sur OpenLayers plutôt que GoogleMaps), mais qui nécessitent des extractions de données particulières (juste les villes, un modèle de terrain haute résolution, ou bien juste les rivières ou limites administratives). C’est un sujet qui peut aussi être vite difficile à gérer.
À une époque, on stockait donc une copie partielle de la base de données OpenStreetMap sur l’Europe, et je générais moi-même des carto avec Tilemill / Mapserver / Geowebcache et des styles personnalisés. Les ressources nécessaires pour faire ça étaient immenses (disque et CPU), la complexité technique était grande, et que dire quand il faut tenir toutes ces bases à jour. C’est un projet à lui tout seul, et on ne peut pas toujours réinventer la roue. Bref, pour le moment, nous utilisons les coûteux services de Mapbox.

Vous nous avez parlé de certaines limites dans votre travail bénévole, qu’est-ce qui vous pose problème ?

FA : Le problème majeur, c’est le développement web du site. La majorité de nos outils sont basés sur le site web : cartes, graphiques, statistiques climatiques, espaces d’échange, contenus pédagogiques, tout est numérique. Aujourd’hui, et depuis 13 ans, le développement et la maintenance du site et de ses serveurs repose sur un seul bénévole (moi !). Déjà, ce n’est pas soutenable humainement, mais c’est aussi assez dangereux.
La raison est simple : un logiciel avec 400.000 lignes de code, 12 serveurs, des technologies « compliquées » (formats de fichiers spécifiques à la météo, cartes interactives, milliards d’enregistrements, bases de données de plusieurs téraoctets,…), ce n’est pas à la portée du premier bénévole qui se pointe ! Et il faut aussi beaucoup d’accompagnement, ce qui est difficile à combiner avec la charge de travail existante.

Pour les plus geeks d’entre-vous, concrètement, voici les technos sur lesquelles sont basées nos plateformes : PHP (sans framework ni ORM !), Javascript/jQuery, OpenLayers, Leaflet, Highcharts, Materialize (CSS), pas mal de Python pour le traitement de données météo (Scipy/Numpy) du NGINX, et pour les spécifiques à notre monde, énormément de GDAL et mapserver, geowebcache, des outils loufoques comme NCL, des librairies pour lire et écrire des formats de fichiers dans tous les sens (BUFR, SYNOP, METAR, GRIB2, NetCDF).
Et bien sûr surtout MariaDB, en mode réplication (et bientôt on aura besoin d’un mode « cluster » pour scaler), des protocoles de passage de message (RabbitMQ, WebSockets), de l’ElasticSearch et SphinxSearch pour la recherche fulltext, et du Redis + Memcached pour les caches applicatifs.
Au niveau infra, évidemment de la gestion de firewall, de bannissement automatique des IP, un peu de répartition de charge, de l’IP-failover, un réseau dédié entre machines (« vRack » chez OVH), beaucoup de partages NFS ou de systèmes de fichiers distribués (GlusterFS, mais c’est compliqué à maintenir donc on essaie de migrer vers de l’Object-Storage type S3).
Et on a aussi une appli mobile Android en Java, et iOS en Swift, mais elles sont vieillissantes, fautes de moyens  (leur développement a été sous-traité), et la majorité des fonctionnalités est de toutes façons destinée à être intégrée sur le site en mode « responsive design ».
Je passe sur la nécessité de s’interfacer avec des API externes (envois de mails, récupération de données météo sur des serveurs OpenData, parsing de données météo, API de la banque pour les paiements d’adhésions), des outils de gestion interne (Google Workspace, qui est « gratuit » pour les assos, hé oui !), des serveurs FTP et VPN pour connecter nos stations météo, un Gitlab auto-hébergé pour le ticketing et le code source …

SB : On a aussi des difficultés à dégager du temps pour d’autres actions : installer des stations météo par exemple, ce n’est pas négligeable. Il faut démarcher des propriétaires, obtenir des autorisations, parfois signer des conventions compliquées avec des collectivités locales, gérer des problématiques « Natura 2000 » ou « Bâtiments de France », aller sur site,… c’est assez complexe. Nous essayons de nous reposer au maximum sur notre communauté de bénévoles et adhérents pour nous y assister.

Quels sont vos besoins actuels ?

SB : Dans l’idéal, et pour venir en renfort de Frédéric, nous aurions besoin d’un développeur « full-stack » PHP à plein temps, et d’un DevOps pour pouvoir améliorer l’architecture de tout ça (qui n’est plus au goût des stacks technologiques modernes, et sent un peu trop l’année 2010 plutôt que 2022, ce qui rend la maintenance compliquée alors que le trafic web généré suppose de la perf’ et des optimisations à tous les niveaux).
Ce n’était pas immédiatement possible au vu des revenus de l’association, qui atteignaient environ 60.000€ en 2021, dont 15.000€ sont dépensés en frais de serveurs dédiés chez OVH (passer au tout-cloud coûte trop cher, en temps comme en argent,… mais gérer des serveurs aussi !).

FA : On développe aussi deux applis Android et iOS, qui reprennent les contenus du site dans un format simplifié, et surtout permettent de recevoir des alertes « push » selon les conditions météo, et d’afficher des widgets. Elles sont dans le même esprit que le site (pas de pubs, le moins de contenus tiers possibles), cependant ce sont des applis que l’on a sous-traité à un freelance, ce qui finit par coûter très cher. Nous réfléchissons à quelle direction donner à celles-ci, surtout au vu de l’essor de la version « responsive » de notre site.
Nous aimerions commencer à donner une direction européenne à notre plateforme, et la mettre à disposition des communautés d’autres pays. Il y a un gros travail de traduction, mais surtout de travaux techniques pour rendre les pages de notre site « traduisibles » dans différentes langues.

Vous ouvrez cette année un premier poste salarié, quelle a été votre démarche ?

SB : Dès lors, nous avions surtout un besoin intermédiaire, qui vise à faire progresser nos revenus. Pour cela, notre première marche sur l’escalier de la réussite, c’est de recruter un·e chargé·e de développement associatif, chargé d’épauler les bénévoles du Conseil d’Administration à trouver des fonds : mécènes et subventionneurs publics. Les sujets climat sont au cœur du débat public aujourd’hui, l’engagement citoyen aussi (on l’a vu avec CovidTracker !), nous y participons depuis 20 ans, mais sans savoir nous « vendre ».

FA : Cette première marche, nous l’avons franchie grâce à Gandi, dans le cadre de son programme « Gandi Soutient », qui nous a mis en relation avec vous, Framasoft. Vous êtes gentiment intervenus auprès de nos membres de Conseil d’Administration, et vous nous avez rassurés sur la capacité d’une petite association à se confronter aux monopoles commerciaux, en gardant ses valeurs fondatrices. Sans votre intervention, nous n’aurions probablement pas franchi le pas, du moins pas aussi vite !

Intervention de Framasoft pendant une réunion du CA de Infoclimat

 

SB : Cela va nous permettre de faire souffler une partie de nos bénévoles. Même si cela nous fait peur, car c’est une étape que nous n’osions pas franchir pour préserver nos valeurs, c’est avec une certaine fierté que nous pouvons aujourd’hui dire : « nous sommes une asso d’intérêt général, nous proposons un emploi au bénéfice de tous, et qui prend sa part dans la mobilisation contre le changement climatique, en en donnant des clés de compréhension aux citoyens ».

FA : La seconde étape, c’est recruter un⋅e dév’ web full-stack PHP/JS, quelqu’un qui n’aurait pas été impressionné par ma liste de technos évoquée précédemment ! Comme nous avons eu un soutien particulièrement fort de notre communauté en ce début d’année, et que notre trésorerie le permet, nous avons accéléré le mouvement, et la fiche de poste est d’ores-et-déjà disponible, pour un recrutement envisagé à l’été 2022.

Comment pouvons-nous soutenir Infoclimat, même sans s’y connaître en stations météo ?

FA : Pour celles et ceux qui en ont les moyens, ils peuvent nous soutenir financièrement : c’est le nerf de la guerre. Quelques euros sont déjà un beau geste ; et pour les entreprises qui utilisent quotidiennement nos données (on vous voit !), un soutien plus important permet à nos outils de continuer à exister. C’est par exemple le cas d’un de nos mécènes, la Compagnie Nationale du Rhône, qui produit de l’électricité hydroélectrique et éolienne, et est donc légitimement intéressée de soutenir une asso qui contribue au développement des données météo !
Pour cela, nous avons un dossier tout prêt pour expliquer le détail de nos actions auprès des décideurs. Pour aller plus loin, une seule adresse : association@infoclimat.fr

Et pour ceux qui veulent aussi s’investir, nous avons une page spécifique qui détaille le type de tâches bénévoles réalisables : https://www.infoclimat.fr/contribuer.

Ce n’est pas exhaustif, il y a bien d’autres moyens de nous épauler bénévolement, pour celles et ceux qui sont prêts à mettre les mains dans le cambouis : des webdesigners, développeurs aguerris, experts du traitement de données géographique, « datavizualisateurs », ou même des gens qui veulent faire de l’IA sur des séries de données pour en trouver les erreurs et biais : il y a d’infinies possibilités ! Je ne vous cacherai pas que le ticket d’entrée est assez élevé du point de vue de la technique, cela dit…

SB : Pour les autres, il reste l’énorme possibilité de participer au site en reportant des observations via le web ou l’appli mobile (une paire d’yeux suffit!) ainsi que des photos, ou… simplement nous faire connaître ! Une fois comprise la différence entre Infoclimat et tous les sites météo, dans le mode de fonctionnement et l’exploitation commerciale ou non des données, on comprend vite que notre association produit vraiment de la valeur au service des citoyens, sans simplement profiter des données des autres, sans apporter sa pierre à l’édifice, comme le font nonchalamment d’autres initiatives. Par ailleurs, nous avions pour projet d’avoir une page sur Wikipédia, refusée par manque de notoriété 🙁 . Idem pour la demande de certification du compte Twitter de l’Association, qui pourtant relaie de l’information vérifiée et montre son utilité lors des événements météo dangereux ou inhabituels, comme lors de l’éruption tout récente du volcan Hunga Tonga-Hunga Ha’apai sur les Iles Tonga qui a été détectée 15h plus tard et 17.000 km plus loin par nos stations météo lors du passage de l’onde de choc sur la métropole!

Capture écran : tweets postés avec le passage de l'onde de choc après l'erruption du volcan des Iles Tonga sur la métropole

FA : Infoclimat, c’est un peu l’OpenFoodFacts du Yuka, l’OpenStreetMap du GoogleMaps, le PeerTube du YouTube, le Wikipédia de l’Encarta (pour les plus vieux)… et surtout une formidable communauté, que l’on en profite pour remercier ici !

On vous laisse maintenant le mot de la fin !

SB : Bien sûr, on aimerait remercier tous ceux qui ont permis à cette aventure de progresser : tous les bénévoles qui ont œuvré depuis 20 ans, tous les adhérent⋅e⋅s qui ont apporté leur pierre, nos mécènes et donateurs, ainsi que les passionnés qui alimentent le site et nous soutiennent depuis toutes ces années!

FA : Le soutien de Gandi et Framasoft a aussi été un déclencheur, et j’espère que cela pourra continuer à être fructueux, au service d’un monde meilleur et désintéressé. Des initiatives comme la notre montrent qu’être une asso, ça permet de produire autant voire plus de valeur que bien des start-up ou qu’un gros groupe qu’on voit passer dans le paysage météo. Et pourtant, nous sommes souvent bien moins soutenus, ou compris.

 

Resources à consulter :




Les Métacartes « Numérique Éthique » : une boîte à outils pour s’émanciper

Faire le point sur son utilisation du numérique et améliorer ses pratiques : mais par où commencer ? Les Métacartes « Numérique Éthique » permettent d’accompagner ces réflexions, de se poser des questions pertinentes et d’évaluer ses priorités.

Pour animer leurs formations, Mélanie et Lilian (facilitateur⋅ices et formateur⋅ices, notamment dans Animacoop), ont souhaité expérimenter un nouveau format facilement transportable, utilisable à plusieurs et dans l’espace. Iels ont ainsi créé les Métacartes (sous licence CC BY-SA), un jeu réel où chaque carte est reliée à une ressource en ligne régulièrement actualisée. Cela permet d’avoir un contenu à jour et non-obsolète (particulièrement intéressant dans le domaine du numérique). Framasoft avait souhaité soutenir leur initiative pleine de sens, nous vous en parlions sur le Framablog dans cet article.

Nous voulons maintenant vous aider à prendre les cartes en main pour facilement utiliser le jeu. Pour illustrer nos propos, nous allons prendre l’exemple d’un collectif qui souhaite questionner ses usages numériques : l’orchestre universitaire de l’Université Populaire Libre Ouverte Autonome et Décentralisée (que nous écrirons pour simplifier la lecture : l’orchestre UPLOAD).

Utiliser les cartes selon vos besoins

Pour commencer à utiliser les cartes, il est important de comprendre qu’il y a de nombreuses façons de les aborder et tout va dépendre du contexte général dans lequel vous vous trouvez. Vos valeurs sont-elles bien définies ? Les outils internes actuellement utilisés posent-ils des problèmes particuliers ? Les Métacartes peuvent ainsi être vues comme une boîte à outils sous forme de cartes : vous utiliserez une partie des outils, selon vos besoins, afin de faciliter un passage à l’action.

Les cartes « Ingrédients » : définir vos priorités

Les cartes « Ingrédients » sont les cartes violettes du jeu. Celles-ci présentent des éléments clés à prendre en compte pour vos réflexions. Elles comportent deux sous catégories : #critère et #usage.

Les cartes #critère pour affirmer vos valeurs

Une entrée par les cartes #critère est intéressante pour approfondir votre éthique et vos valeurs. En parcourant l’ensemble des cartes #critère, vous pouvez sélectionner 3 à 5 critères qui vous semblent les plus importants. Vous allez ainsi prioriser les critères à prendre en compte lors du choix d’un outil.

Les membres de l’orchestre UPLOAD ont ainsi choisit trois critères à prioriser dans l’évaluation de leurs outils actuels et/ou dans la recherche d’alternatives :

  • Logiciel libre : l’orchestre prône depuis sa création la mise sous licence libres d’œuvres musicales. Utiliser des logiciels libres est donc un choix essentiel pour le groupe, pour être en accord avec ses valeurs ;
  • Facilité de changement : les musicien⋅nes préfèrent de loin jouer de la musique plutôt que de passer des heures à changer leurs pratiques. Il faudra s’informer sur la facilité de migration et de prise en main des outils pour ne pas frustrer le groupe ;
  • Interopérabilité : il est essentiel pour les membres de l’orchestre de pouvoir partager du contenu sans avoir à penser à qui utilise quel logiciel. L’interopérabilité sera donc essentielle, pour que différents outils puissent communiquer entre eux.

Cartes #critère sélectionnées par l'orchestre UPLOAD : Logiciel libre, Facilité de changement, Interopérabilité

Les cartes #usage pour identifier vos besoins concrets

Les cartes #usage permettent de définir les besoins réels en terme d’outils numériques. Vous pouvez ainsi commencer à sélectionner les cartes représentant vos besoins réguliers. Cette étape va permettre de démêler les outils numériques actuellement utilisés, de les nommer et de les questionner. Cet outil est-il en accord avec vos critères préalablement établis ? Ou voulez-vous le changer ? Les cartes #usage proposent justement des alternatives sur les ressources en ligne : une bonne manière de rapidement trouver des solutions !

L’orchestre UPLOAD a ainsi choisi les cartes #usage suivantes :

  • Diffusion d’information : diffusion d’info toutes les semaines aux membres de l’orchestre sur l’organisation interne (répétitions, week-ends, déroulé des concerts…)
    • Actuellement utilisé : envois par mail à tous les membres de l’asso.
    • OK avec les critères définis ? Non, le logiciel mail utilisé n’est pas libre.
    • Alternative : utiliser par exemple une liste de diffusion avant de penser à changer d’hébergeur de mail (moins contraignant pour commencer).
  • Organisation de rencontres : choix des dates de concert.
    • Actuellement utilisé : Framadate.
    • OK avec les critères définis ? Oui.
    • Alternative : pas besoin.
  • Partage de gros fichiers : les membres se partagent régulièrement partitions, vidéos et photos des concerts.
    • Actuellement utilisé : WeTransfer ou pièce jointe d’un email.
    • OK avec les critères définis ? Non, les logiciels ne sont pas libres.
    • Alternative : faire appel à un hébergeur éthique pour s’envoyer les fichiers par liens, par exemple parmi les CHATONS.

Les outils à garder et à changer sont ainsi définis. Le groupe a pris le temps de questionner pourquoi garder ou changer chaque outil. Les alternatives ont été proposées, il faudra maintenant les mettre en place et les tester.

Cartes #usage sélectionnées par l'orchestre UPLOAD : Diffusion d'information, Organisation de rencontres, Partage de gros fichiers

Les cartes « Recettes » : des méthodes d’animation

Les cartes jaunes ou cartes « Recettes », proposent des idées d’animation pour amorcer des réflexions et sensibiliser sur certaines pratiques numériques. Elles peuvent demander plus ou moins de préparation pour l’animation (le niveau indiqué sur la carte, de 1 à 3).

Exemple de la carte « Vous êtes ici »

La carte « Vous êtes ici » est associée à une trame graphique en ligne pour voir où vous en êtes sur votre parcours vers un numérique éthique. Le chemin va appeler d’autres cartes du jeu pour avoir des réflexions approfondies, et comprendre dans quelle direction vous allez.

Canva "Vous êtes ici" de l'orchestre UPLOAD

L’orchestre UPLOAD s’est positionné sur cette image sur l’étape « Faire le point » : la prise de conscience des enjeux a amené le groupe à agir pour changer ses pratiques !

Soutenir le projet

Ça leur a plu !

Dans un atelier avec ses étudiant⋅es de l’UTC, Stéphane Crozat nous partage son point de vue : « J’ai eu un ressenti positif en tant que prof, les étudiant⋅es faisaient ce que j’attendais. Iels souriaient, riaient, avaient l’air de prendre plaisir à l’exo. L’éval des étudiant·es est bonne. » (leurs commentaires sont ici).

Dans le cadre d’une formation pour des des conseiller⋅es numériques, Julie Brillet, bibliothécaire, formatrice et facilitatrice a exprimé sur Twitter « que les métacartes étaient vraiment un outil adapté, notamment comme porte d’entrée au site metacartes.cc qui comprend plein de contenus. »

Acheter le jeu

Vous souhaitez avoir votre propre jeu de Métacartes « Numérique Ethique » ? C’est par ici : https://www.metacartes.cc/produit/metacartes-numerique-ethique/

Se former à l’utilisation des Métacartes

Mélanie et Lilian proposent aussi une formation à distance pour apprendre à utiliser les Métacartes, et vous aider à approfondir les questions liées au numérique : https://www.metacartes.cc/produit/decouvrir-la-boite-a-outils-numerique-ethique/

Ressources à consulter




Frama c’est aussi des contributions dans un archipel

L’archipélisation de Framasoft prend de nombreuses formes : participer à des collectifs, travailler en partenariat, s’intégrer à des réseaux… Nous expérimentons, de manière quasi-organique, diverses manières de rencontrer, partager et de contribuer avec d’autres communautés.

« Frama, c’est pas que… »

Pour l’automne 2021, chaque semaine, nous voulons vous faire découvrir un nouveau pan des actions menées par Framasoft. Ces actions étant financées par vos dons (défiscalisables à 66 %), vous pouvez en trouver un résumé complet, sous forme de cartes à découvrir et à cliquer, sur le site Soutenir Framasoft.

➡️ Lire cette série d’articles (oct. – déc. 2021)

Il y a deux ans, nous expliquions ce que nous entendons par le terme d’archipélisation :

Nous concevons aujourd’hui Framasoft comme une île au sein d’un archipel. Tisser des ponts vers d’autres îles où d’autres que nous font d’autres choses, ne signifie pas qu’on y plante notre drapeau (ni qu’on se laisse imposer le leur).

Deux ans plus tard, il est temps d’un bilan sur ces relations et échanges que l’on fait de manière organique, en respectant l’indépendance de chacun·e.

jeu de cartes Framasoft "des contributions dans un archipel"

Manifeste

Framasoft a changé. C’était prévu, et même souhaitable. Il est plutôt sain de voir que l’on apprend, et que l’on évolue lorsque l’on va à la rencontre de publics variés, lorsque l’on explore nos relations avec celles et ceux qui font la société de contribution et lorsque l’on constate quotidiennement la toxicité du capitalisme de surveillance.

Carte "Manifeste" Au gré de nos actions, rencontres, partages… Framasoft évolue. Notre vision de la société et de la place que nous souhaitons y prendre aussi. Depuis quelques mois, nous travaillons à définir nos valeurs et intentions afin d’élaborer un manifeste clair et sincère.

Le problème quand on change, c’est que tout le monde ne s’en rend pas forcément compte. Nous travaillons donc activement à produire un « manifeste de Framasoft », pour mieux expliquer qui nous sommes, nos valeurs… mais surtout notre rapport au monde et comment nous essayons de le changer (parce que le Libre et les Communs, pour nous, c’est politique !).

illustration CC-By David Revoy (sources)

L. A. Coalition

« L.A. Coalition – Libertés Associatives » est un collectif d’associations nationales qui s’est donné pour mission de proposer des stratégies de riposte contre les répressions subies par le secteur associatif.

Carte "L. A. Coalition" L. A. Coalition est un collectif constitué d'associations militant pour le progrès et la justice sociale. Il a pour objectif de promouvoir et défendre les Libertés Associatives. Framasoft aide et conseille le collectif sur ses outils et usages numériques.

Ce collectif illustre tout à fait notre vision de l’archipel : il rassemble des noms très variés, tels que Attac, La Quadrature du Net, Tous Migrants, le Réseau Sortir du Nucléaire, la Ligue des Droits de l’Homme… (Warning : évoquer de tels noms peut attirer les trolls dans les commentaires. Merci de ne pas les nourrir.)

Ce sont des associations qui travaillent sur des sujets parfois très complexes, faisant souvent l’objet de controverses dans la presse, dont nous ne maîtrisons pas le quart de la moitié des enjeux, et avec qui nous serions bien en peine d’être totalement d’accord sur tout. Pourtant, nous partageons ensemble ce besoin de libertés et ce constat du rétrécissement de la capacité d’action de la société civile.

C’est pour cela que Framasoft est membre fondateur de ce collectif, comme nous en parlions dans notre article blog de 2019. Nous participons à différents groupes de travail, et participons à différentes actions et réflexions, comme celles portées par « L’Observatoire des libertés associatives », qui après avoir publié un premier rapport « Une citoyenneté réprimée » en 2020, et organisé un colloque « Démocraties sous pression » publiera bientôt une enquête sur la répression des associations dites « séparatistes ». À cela s’ajoute un rôle d’accompagnement des membres de L.A. Coalition dans leurs usages numériques pour que leurs outils correspondent à leurs valeurs.

illustration CC-By David Revoy (sources)

Pytition

Pytition fait partie de ces projets qui ont tourné au ralenti, pour cause d’humain·es fatigué·es, de pandémie, et de vies avec lesquelles il faut jongler avant de concevoir, créer, et donc coder.

Carte "Pytitions" Logiciel qui permet de créer une plateforme de pétition en ligne, Pytition est développé par l’association Résistance à l’Agression Publicitaire. Framasoft soutient Pytition de multiples manières, dans l’objectif de voir naître une version grand public.

Pour autant, cet outil libre pour lancer des pétitions en ligne n’est pas au point mort. Développé par des membres de l’association Résistance à l’Agression Publicitaire, ce logiciel a bénéficié cette année d’un accompagnement en design que nous avons financé afin de concevoir un outil plus proche des besoins de personnes qui veulent se passer d’Avaaz ou de Change.org, ainsi que de nombreuses contributions en traductions, en code, etc.

En effet une petite communauté est en train de se créer autour du code de Pytition, qui a été régulièrement amélioré depuis fin 2019, lorsque nous annoncions que c’est cet outil qui remplacerait Framapétitions. Pytition nous prouve que la route est parfois plus longue, lorsque l’on prend soin des humains… et finalement, c’est probablement mieux ainsi !

illustration CC-By David Revoy (sources)

Contribateliers et confinateliers

Initiés par des membres de Framasoft il y a plus de deux ans, les Contribateliers ont bien grandi et ont même quitté le giron de notre association ! Alors bien entendu, une belle partie de nos membres continuent d’y participer, mais c’est tout simplement parce qu’on aime ça !

Carte "Contribateliers et confinateliers" Les contribateliers sont des ateliers où l’on vous invite à contribuer à des projets libres, même (et surtout) si vous ne savez pas coder. Notre association se mobilise pour que ces Contribateliers se développent partout en France, et même en ligne avec les Confinateliers !

En effet, ce collectif informel organise régulièrement, et dans de nombreuses communes de France, ces ateliers auto-gérés où l’on vous propose de contribuer au Libre et aux Communs, même (et surtout !) si vous ne savez pas coder.

Découverte et ressenti d’un logiciel libre, traductions et transcriptions, contributions à l’encyclopédie Wikipédia, au projet Common Voice de Mozilla, à l’univers fantastique de Khaganat ou aux cartes libres d’Open Street Map : les programmes des contribateliers sont aussi divers que les personnes qui décident de les animer. Depuis le premier confinement, il existe même une version en ligne : les Confinateliers.

Si le collectif est bien indépendant de Framasoft (ce serait triste que ces ateliers se limitent à notre association !), c’est avec fierté que nous lui fournissons hébergement, nom de domaine, et outils numériques… bref que nous contribuons aux contribateliers !

illustration CC-By David Revoy (sources)

CHATONS

Le Collectif des Hébergeurs Alternatifs Transparents, Ouverts, Neutres et Solidaires (les CHATONS, quoi !) a été très actif, ces derniers mois ! Ainsi, durant le premier confinement, la Solidarité (le « S » de l’acronyme) a pris tout son sens. Un grand nombre de membres du collectif ont proposés leurs services, que nous avons pu mettre en commun lorsque la demande était gigantesque.

Carte "CHATONS" Ce Collectif rassemble des Hébergeurs Alternatifs qui, partout en France (voire au-delà), offrent des services en ligne auxquels on peut faire confiance. Framasoft anime ce collectif et accompagne sa croissance dans le but qu’il s’autonomise.

D’ailleurs, c’est ainsi qu’est né le site entraide.chatons.org qui, aujourd’hui encore, propose neuf services libres, sans création de compte et sans pistage, pour vous donner des outils numériques décentralisés sans avoir à y penser.

C’est sur le forum que l’on voit le mieux le dynamisme du collectif. D’ailleurs, si la nouvelle portée (les candidatures à rejoindre le collectif) est validée, la centaine de membres devrait être dépassée avant la fin de l’année.

C’est principalement en termes d’animation que Framasoft contribue à CHATONS : préparer les réunions audio mensuelles, organiser le Camp CHATONS de septembre 2021… Cependant, Framasoft ne reste qu’un membre parmi — bientôt — cent, et notre objectif reste l’autonomisation de ce collectif, qui devrait y travailler dans les prochains mois.

illustration CC-By David Revoy (sources)

Bénévalibre

Bénévalibre est un outil permettant aux associations de comptabiliser les heures données par leurs bénévoles, ce qui ensuite peut ouvrir droit à de la formation, etc. Nous l’exprimions dès le départ : nous sommes de plus en plus méfiant·es envers cette société qui veut tout comptabiliser, tout déclarer, tout enregistrer, même le temps donné librement.

Carte "Bénévalibre" Pour compter les heures de bénévolat dans une association loi de 1901 (et ouvrir des droits à la formation, etc.), hors de question d’utiliser un logiciel propriétaire ! Framasoft participe au collectif qui développe et améliore le logiciel libre Bénévalibre.

C’est justement pour cela qu’il fallait un logiciel libre : on ne va pas confier de telles collectes de données aux logiciels propriétaires de la Startup Nation, non plus ! C’est en tous cas ce qui nous a incités à rejoindre le comité de pilotage du projet aux côtés des ami·es de l’April (et leur groupe Libre Association), avec la Société Coopérative d’Intérêt Collectif CLISS XXI et le Crajep Bourgogne Franche Comté.

Depuis, Bénévalibre a bien grandi : le projet a été présenté dans de nombreux contextes, plus de 1 000 associations se sont créé un compte sur https://app.benevalibre.org/association, et nous avons co-financé (avec le Fond de Développement de la Vie Associative) de nouveaux développements que CLISS XXI est en train de mettre en œuvre.

illustration CC-By David Revoy (sources)

Annuaire médiation numérique

En 2019, nous avons demandé à La Dérivation de recenser les personnes, structures et organisations réalisant des accompagnements au numérique libre. Ainsi, nous avons pu publier leurs coordonnées dans un annuaire pour celles qui le désirent.

Carte " Annuaire médiation numérique" En 2020, Framasoft a publié un annuaire de l'accompagnement au numérique libre. Cet « instantané » recense de nombreux profils, depuis les bénévoles d'associations d'insertion au numérique jusqu'aux professionnel·les de la formation aux logiciels libre.

Cet annuaire a mis près d’un an à être réalisé. Alors en effet, c’était un travail nouveau de trouver comment rassembler, organiser et présenter ces informations. Mais il faut surtout dire que la pandémie est passée par là, qu’il était difficile pour chacun·e de tout faire, et que ce n’était pas pertinent de publier un annuaire d’accompagnateur·ices au moment où la France était confinée, ou sous couvre-feu.

Ce genre d’annuaire est forcément incomplet et obsolète à peine publié : les informations changent, les personnes évoluent, d’autres n’ont pas vu passer l’appel à s’y inscrire, etc. Dans l’idéal, c’est le genre de projet qu’il faudrait tenir à jour et étoffer chaque année. À Framasoft, nous n’avons pas les énergies d’assurer le maintien de ce projet.

Cependant, nous espérons que d’autres s’inspireront de ce travail, n’hésiteront pas à contacter la Dérivation et sauront prendre le relais. Car nous constatons régulièrement combien cet annuaire est utile : les demandes d’accompagnement au numérique libre sont toujours aussi nombreuses, et cet outil a été très téléchargé et partagé… or il est libre : n’hésitez donc pas à vous en emparer !

illustration CC-By David Revoy (sources)

Soutiens divers

Parmi les bulles de filtres numériques et sociales où Framasoft évolue, notre association a la privilège d’avoir acquis une petite réputation et une certaine visibilité (mais restons modestes, tout est relatif, hein !). C’est donc tout naturellement que nous essayons de soutenir et de contribuer à des initiatives que nous croisons dans notre archipel : pour nous, les ressources ne se cumulent pas, elles se partagent.

Carte "Soutiens divers" Framasoft met régulièrement son expertise et ses moyens à disposition d’autres initiatives et collectifs. On peut citer, par exemple, Exodus Privacy, Faire École Ensemble, InterHOP, Datagueule, Contribulle, Thunderbird, Entrée Libre, la Bataille du Libre…

Ainsi, nous partageons du temps et de l’expérience avec les ami·es d’Exodus Privacy ou Réseau Infoclimat. Nous relayons et soutenons des collectifs comme Faire École Ensemble ou InterHOP. Nous offrons de hébergement et parfois de l’administration d’outils numériques aux journalistes de DataGueule comme au collectif de Contribulle, l’outil pour trouver où contribuer.

Il nous arrive aussi de faire des dons, comme par exemple à l’équipe de développement de Thunderbird ou à l’événement Entrée Libre. Enfin, nous essayons aussi de mettre en valeur des initiatives culturelles qui libèrent les esprits, par exemple en animant des ciné-débats autour du documentaire La Bataille du Libre, ou autour de certains livres publiés chez C&F éditions qui touchent à des sujets dont nous sommes proches.

Cette petite liste ne pourra jamais être complète, car elle ne cesse d’évoluer, parce que les relations évoluent. Cependant, nous allons essayer de présenter la diversité de nos partenariats sur cette page, en cours de construction, même si elle ne peut être qu’un instantané dont le cadre est trop serré ;).

illustration CC-By David Revoy (sources)

Découvrez tout ce qu’est Frama !

Voilà qui conclut le focus de cette semaine. Vous pourrez retrouver tous les articles de cette série en cliquant sur ce lien.

Sur la page Soutenir Framasoft, vous pourrez découvrir un magnifique jeu de cartes représentant tout ce que Framasoft a fait ces derniers mois. Vous pourrez ainsi donner des couleurs à l’ensemble des activités que vous financez lorsque vous nous faites un don. Nous espérons que ces beaux visuels (merci à David Revoy !) vous donneront envie de partager la page Soutenir Framasoft tout autour de vous !

En effet, le budget de Framasoft est financé quasi-intégralement par vos dons (pour rappel, un don à Framasoft de 100 € ne vous coûtera que 34 € après défiscalisation). Comme chaque année, si ce que nous faisons vous plaît et si vous le pouvez, merci de soutenir Framasoft.

Frama, c'est pas que Framadate ! Ce sont des contributions régulières au sein d'un archipel de partenaires aussi divers que mobilisés. Nos actions sont financées par vos dons, alors découvrez l'ensemble du travail de Framasoft sur Soutenir Framasoft.
Cliquez pour découvrir toutes les cartes et soutenir Framasoft

Pour aller plus loin




Bénévalibre : libérez vos bénévoles de la #StartupNation

Vous êtes bénévole dans une association ? Alors sachez qu’un tout nouveau logiciel libre peut vous aider à mieux valoriser votre engagement bénévole.

Cet article fait partie des « Carnets de voyage de Contributopia ». D’octobre à décembre 2019, nous y ferons le bilan des nombreuses actions que nous menons, lesquelles sont financées par vos dons (qui peuvent donner lieu à une réduction d’impôts pour les contribuables français). Si vous le pouvez, pensez à nous soutenir.

 

Information préalable : cet article est plus long que la moyenne des articles du Framablog, et pas nécessairement hyper-funky. D’une part parce que nous souhaitions exposer le contexte réglementaire et politique de la valorisation du bénévolat (ce qui ne peut pas se faire en trois paragraphes), et d’autre part parce que nous avons souhaité donner la parole dans une seconde partie de l’article à la personne qui a été la clé de voûte de la réalisation du logiciel. Pour vous aider, nous vous proposons un résumé des points principaux tout en bas de cette page.

 

La valorisation du bénévolat, c’est quoi ?

L’indispensable Wikipédia nous rappelle que :

Le bénévolat est une activité non rétribuée et librement choisie qui s’exerce en général au sein d’une institution sans but lucratif (ISBL) : association, ONG, syndicat ou structure publique.

En France, le nombre de bénévoles serait compris entre 12 et 14 millions, soit un français sur quatre, pour 1 300 000 associations et 21,6 millions d’adhérents.

Or, le bénévolat est peu visible dans la société actuelle. Cela peut par exemple poser problème lorsqu’une association demande une subvention : le financeur peut (légitimement ?) se demander s’il ne finance pas une « coquille vide ». Le fait de pouvoir compter les heures passées par les bénévoles sur une action, et éventuellement de leur attribuer une valeur financière, permet alors à l’association de montrer que son activité bénévole a une valeur conséquente, qu’elle pourra faire valoir dans sa demande de subvention.

Par exemple, si l’association peut attester de 2 000 heures de bénévolat annuel, elle peut plus facilement justifier l’intérêt d’un soutien financier important qu’une association attestant de 20 heures de bénévolat annuel. Évidemment, l’objet social de l’association et le projet porté restent primordiaux, mais cette évaluation quantifiable est un critère qui peut faciliter la compréhension du fonctionnement du projet associatif.

Ainsi, le « Guide du bénévolat » liste de nombreuses raisons pour une association de valoriser son bénévolat (lire p. 22), que le site Associathèque résume ainsi :

  • démontrer, par la valorisation d’apports importants, l’autofinancement d’une partie de l’activité, le financement public se trouvant de fait atténué ;
  • souligner le dynamisme d’une association en mettant en évidence sa capacité à mobiliser des bénévoles et des prestations gratuites en nature ;
  • évaluer le poids financier du bénévolat, des dons et services en nature ;
  • identifier la dépendance au bénévolat, et en cas de diminution de cette aide, évaluer le besoin de financement supplémentaire.

cliquez sur l’image pour découvrir la « base de connaissances associatives » du site Associathèque.

Mais pourquoi valoriser le bénévolat aujourd’hui ?

Nous ne choquerons sans doute pas grand monde en affirmant que les États sont gérés de plus en plus comme des entreprises. Nos dirigeant⋅es ont adopté un « esprit comptable » où chaque élément doit pouvoir être comptabilisé, pour être justifié, quantifié statistiquement, ou comparé à d’autres.
Ce n’est pas le monde que nous souhaitons, mais c’est celui que nous avons (et que nous combattons).

Or, il se trouve que la législation a évolué. Et — là non plus ça n’étonnera pas grand monde — pas forcément dans le bon sens. Sortons un peu du cadre des sujets classiques du Framablog pour vous expliquer ça.

Ainsi, la « Loi Travail » (dite aussi « Loi El Khomri ») de 2016 précise — parmi plein d’autres choses — le contenu du Compte Personnel d’Activité (CPA). Il comprendra à la fois le Compte Personnel de Formation (CPF), le compte pénibilité ainsi qu’un futur Compte d’Engagement Citoyen (CEC) qui permettra de bénéficier d’heures de formation en cas de volontariat ou de bénévolat, notamment pour les fonctions de direction d’association ou d’encadrement de bénévoles.

En gros, dans le principe, un⋅e bénévole peut si c’est son souhait, déclarer sur le site gouvernemental www.moncompteactivite.gouv.fr X heures de bénévolat (validées par un⋅e responsable de l’association). Et ces X heures pourront ouvrir droit à Y heures de formation.

Sur le papier, évidemment, l’idée parait belle : « Il faut « récompenser » le bénévolat et l’engagement citoyen ! ». Sauf que l’enfer est pavé de bonnes intentions, et que le diable se cache ici dans des détails parfois grossiers.

Pour rappel, la loi travail, c’est celle qui a déclenché les témoignages et protestations #OnVautMieuxQueÇa, puis les Nuits Debout… (image piquée aux ami·es de MrMondialisation)

Quels problèmes posent la valorisation du bénévolat ?

Cette valorisation pose des problèmes « techniques » : comment valoriser le bénévolat ? Avec quel(s) outil(s) ? A quels taux horaires ? Comment en garder trace dans le temps ? Comment « motiver » les bénévoles à saisir leur bénévolat valorisé ? etc.
Nous reviendrons sur certains de ces points par la suite.

Mais valoriser le bénévolat pose avant tout des problèmes politiques.

En effet, comment valoriser l’heure d’un⋅e bénévole servant une soupe aux Restos du Cœur ? Cette heure vaut-elle plus ou moins que celle d’un⋅e bénévole ayant participé à l’organisation d’une manifestation sportive ? Ou à celle d’une personne ayant participé à la mise en place d’un lombricomposteur de quartier ?

Plus généralement, cela pose le problème de la valeur d’une action bénévole, et celui de la marchandisation de la société, y compris paradoxalement dans ce qui est aujourd’hui considéré comme les secteurs non-marchands, comme l’éducation ou la vie associative.

Autant vous le dire, à Framasoft, on est pas vraiment fans de l’idée de mettre un coût ou un prix à toutes choses, y compris à l’idée de quantifier l’heure d’une traduction Framalang, la tenue d’un stand, l’organisation d’un Contribatelier, etc. Pour nous, ces actions sont hors valeur, ce qui ne signifie pas sans valeur. Les motivations des bénévoles (à Framasoft comme dans l’immense majorité des associations) est avant tout de pouvoir prendre part à un projet commun, de pouvoir acquérir ou partager son expérience, ou de pouvoir mettre du sens dans un monde qui semble en avoir de moins en moins.

Il faut faire pivoter le site des Contribateliers pour propal une UX centrée end-user mais hyper-disruptive, ASAP.

 

Reprenons ci-dessous un peu plus en détail ce qui nous semble être les principaux problèmes de cette valorisation.

1. Le problème de la marchandisation

D’abord, il y a l’idée déjà évoquée ci-dessus de « marchandiser » le bénévolat en obligeant à comptabiliser des heures qui relèvent du don à la société. C’est une vision très comptable, qui facilite comme on l’a dit la quantification et la qualification d’une activité bénévole, mais qui du coup donne une valeur chiffrée à ce qui ne peut être quantifié. Par exemple, qui peut dire combien vaut une heure de bénévolat pour Emmaüs ? Ou une formation informatique à une association d’aide aux migrants ? On peut bien évidemment tricher en regardant les tarifs d’activités équivalentes qui se pratiquent sur le marché. Sauf que justement il s’agit ici d’activités hors marché.

Ensuite, en dehors même de la question du coût d’une heure de bénévolat, demeure le problème de l’évaluation. Car qui dit évaluation dit contrôle. Et là aussi, on pressent qu’il peut y avoir des frictions : si Camille déclare avoir passé 10 heures à domicile sur la préparation de l’Assemblée Générale, qui pourra contrôler cette affirmation ? Et que faire des cas où il est bien difficile de connaître les heures précises de début et de fin d’une action bénévole ?

On se trouve donc face à un risque pas du tout anodin non seulement de considérer le bénévolat comme une forme d’emploi (ce qu’il n’est pas), mais en plus de devoir jauger la valeur d’actions bénévoles sur des échelles monétaires, ce qui ne serait pas sans rappeler l’idée d’un salaire.

Il s’agit donc d’un problème politique, éthique et philosophique : tout peut-il être « valorisé » ? Par qui ? Sur quels critères ?

2. Le problème de la surveillance étatique

Un second problème, toujours politique, est celui du contexte actuel du rétrécissement de l’espace démocratique dans la société civile. Dit autrement, les associations sont aujourd’hui de plus en plus facilement réprimées par le pouvoir en place, lorsqu’elles expriment des désaccords avec ce dernier. Il s’agit d’un mouvement international (quasiment tous les pays sont concernés) qui se traduit par des formes de répressions très diverses (procès bâillon, violences policières, baisse de subventions, etc.)

Dans ce cadre, l’idée de confier à des gouvernements des informations qui peuvent être qualifiées de sensibles peut sembler un comportement à risque.

Imaginons que vous donniez deux heures de votre temps chaque semaine pour encadrer une équipe de bénévoles qui enseigne le français à des migrant⋅es. Comment s’assurer que ces informations ne pourront pas être utilisées contre vous à terme ?

Évidemment, aujourd’hui, on peut discuter du bien fondé (ou pas) de cette crainte. Mais « le numérique n’oublie jamais », et il ne parait pas certain que l’État ait besoin de garder trace de vos activités militantes.

3. Le problème de l’aliénation à l’outil

Il ne fait aucun doute que face à la demande que va créer la mise en œuvre du Compte Engagement Citoyen, de nombreuses entreprises et start-ups vont proposer une offre logicielle pour ordinateurs et smartphones visant à « simplifier ce fastidieux travail de collecte »©.

Lawrence Lessig, CC-By Lessig 2016

Le professeur de Droit Lawrence Lessig écrivait, en 2010, que « Le code, c’est la loi » : c’est-à-dire, pour résumer, que la régulation des comportements passait plus par l’architecture technique des plateformes que par les normes juridiques.

Ce régulateur, c’est le code : le logiciel et le matériel qui font du cyberespace ce qu’il est. Ce code, ou cette architecture, définit la manière dont nous vivons le cyberespace. Il détermine s’il est facile ou non de protéger sa vie privée, ou de censurer la parole. Il détermine si l’accès à l’information est global ou sectorisé. Il a un impact sur qui peut voir quoi, ou sur ce qui est surveillé. Lorsqu’on commence à comprendre la nature de ce code, on se rend compte que, d’une myriade de manières, le code du cyberespace régule.

Là encore, on peut comprendre que cela pose un problème politique dans le cadre d’un logiciel gérant le bénévolat valorisé des membres d’une association. Celles et ceux qui vont concevoir le logiciel vont gérer la façon dont les données de l’association seront collectées, stockées, transformées, ou transmises. L’utilisatrice ou l’utilisateur perdant alors la main sur la gestion de ces données, il ou elle se retrouve impuissant face au traitement qui en sera fait.

Il s’agit donc de redonner de la « puissance d’agir » à la société civile, en lui permettant de concevoir et d’obtenir un outil qui corresponde à des besoins (et non à un marché). Un outil qui permette de reprendre le contrôle sur le code (et donc sur les données). Un outil qui pourrait être qualifié de « convivial » au sens d’Ivan Illich, c’est-à-dire un outil qui ne placerait pas ses utilisateur⋅ices en situation de soumission.

Or, à notre sens, seul le logiciel libre est en capacité de libérer cette puissance d’agir. Un logiciel libre qui transmettrait ses données à l’État n’empêchera pas ce dernier de les utiliser, une fois transmises, à mauvais escient. Mais d’une part un logiciel libre nous donne la capacité de savoir quelles sont les informations transmises, à quels moments, et à quels destinataires (et donc de contrôler lesdites informations en amont) ; d’autre part, une association peut très bien utiliser ce logiciel libre sans faire aucune transmission à l’État, laissant le choix aux membres de l’association de reporter individuellement la valorisation de ce bénévolat.

 

La naissance de Bénévalibre

Conscient de ces enjeux, et pas très enclin à laisser la #startupnation occuper ce terrain sensible, un groupe de réflexion de diverses associations s’est réuni à plusieurs reprises pour discuter du bien fondé (ou pas) de créer un logiciel libre de valorisation du bénévolat.

Débutés en 2016, à l’initiative de l’April (notamment son groupe LibreAssociation) et de Framasoft, ces travaux ont abouti le 15 septembre 2019 par la publication de la version 1.0 du logiciel Bénévalibre.

Il aura donc fallu plusieurs années, mais cela se justifie notamment par le fait que la volonté était de mettre autour de la table un grand nombre d’acteurs associatifs (notamment les principales « têtes de réseau »), ainsi que des fondations et des chercheurs, pour garantir une démarche collective et partagée (oui, ça prend du temps de convaincre, associer, faire ensemble). Cela ne fut déjà pas une mince affaire !

Par ailleurs, nos activités associatives respectives ne nous permettaient de travailler sur ce projet qu’en pointillés (Framasoft était alors en pleine campagne « Dégooglisons Internet »).

Enfin, il demeurait une question cruciale : « qui va payer le développement ? ». En effet, réaliser un tel logiciel allait prendre de nombreuses heures de développement, et comme nous n’avions pas la possibilité de le réaliser bénévolement, il fallait bien trouver des financements pour passer d’un cahier des charges à un logiciel utilisable.

Aujourd’hui, Bénévalibre existe. C’est un logiciel libre, les sources sont accessibles, téléchargeables, adaptables. Vous pouvez l’utiliser sur benevalibre.org (instance gérée par CLISS XXI, la société coopérative qui l’a développée), ou — si vous en avez les compétences — l’installer sur votre propre serveur, pour votre association (ou vos associations, puisque Bénévalibre permet de gérer de multiples organisations).

Cliquez sur l’image pour aller voir le site officiel de Bénévalibre

 

Sa réalisation aura été le fruit d’un travail entre de multiples acteurs. Et ce logiciel, si vous le décidez, pourrait s’intégrer à terme avec des logiciels de gestion d’associations plus complets (tel que Garradin ou Galette, par exemple).

Mais son point fort (en dehors d’être libre et décentralisable), c’est que Bénévalibre vous donne le choix !

Comme l’exprime très bien Lionel Prouteau, le chercheur nous ayant accompagné sur ce projet, dans l’introduction de la plaquette de présentation du logiciel :

Bénévalibre n’a pas un caractère prescriptif. Il n’assigne pas un mode de valorisation particulier. Il permet d’enregistrer le temps que les bénévoles consacrent à leurs activités associatives mais laisse à l’entière discrétion des acteurs (associations et bénévoles) le soin de choisir par eux-mêmes les voies les plus pertinentes pour valoriser ce temps. Les utilisateurs peuvent opter pour l’attribution d’une valeur monétaire à ce temps bénévole[…]. Mais les utilisateurs de Bénévalibre gardent l’entière liberté d’exprimer leur méfiance, voire leur hostilité, à l’égard de cette monétarisation de la valorisation du bénévolat au motif qu’elle enferme ce comportement dans une vision trop exclusivement économique et en masque la dimension d’engagement. Ils pourront en conséquence adopter d’autres modes de valorisation.

Outil d’usage simple, s’inscrivant dans une optique de fonctionnement collaboratif et décentralisé, Bénévalibre est un logiciel soucieux de préserver le pouvoir des acteurs associatifs. En d’autres termes, Bénévalibre a pour vocation d’être instrumentalisé par les acteurs et non de les instrumentaliser.

Comme ce logiciel n’aurait pas pu voir le jour sans la persévérance de Laurent Costy, nous avons décidé de l’interviewer.

 

Interview de Laurent Costy, directeur adjoint de la FFMJC et administrateur de l’April

1. Peux-tu te présenter rapidement ?

En fait, je viens du passé. Je vais vous révéler deux secrets que je vous demande de garder pour vous parce que si ça se sait, je perds ma place et ça risque de mettre le brol trop vite dans ce monde qui n’a pas besoin de ça au regard de ce que l’on découvre tous les jours aux informations.

Le premier secret, c’est que je suis un chevalier de la table ronde en mission. Mon nom de chevalerie est Provençal le Gaulois. Oui, je sais, là, vous vous dites que je devrais être mort depuis longtemps mais c’est lié au deuxième secret, le plus sensible.

Attentiooooooon, révélatioooooooon. Le Graal n’était pas du tout la timbale en plastique avec un pied forgé du même métal : c’était en fait une machine à voyager dans le temps avec l’injonction de la civilisation importatrice de la technologie de l’utiliser pour tenter d’infléchir le futur pour sauver la terre (oui, je sais, ça ne vous émeut point car vous regardez tous les jours des films de super héros qui sauvent la planète cinq fois par jour mais moi, à l’époque, je me suis quand même senti investi d’une mission). Au passage, secret-bonus mais vous l’aviez déduit vous-même : Dieu n’existe donc pas. Soyez quand même prudent dans la diffusion de cette information, c’est entre nous.

Bref, après la rapide formation que l’on a reçue, on a compris qu’une des voies de réussite, c’était d’encourager le commun, la collaboration et le faire ensemble (oui, je sais, c’est aussi des trucs que vous entendez tous les jours dans les discours politiques et vous n’y croyez plus vraiment ; mais vous devriez). Pour être franc, si le monde continue sur ces logiques individualistes, il y a peu de chances que nous réussissions notre mission, nous les chevaliers de la table ronde. Et si vous ne le faites pas pour vous, faites-le au moins pour nous.

« Provençal le Gaulois ébaubissant la libraire libriste durant les Geek Faeries »
CC-By-SA Luc Fievet pour l’April

2. Tu as été l’un des principaux moteurs du projet Bénévalibre, pourquoi ?

Deux motivations principales ont été à l’origine du projet. La première était bien sûr de répondre à un besoin d’un grand nombre d’associations ; besoin renforcé par la réglementation qui s’affine sur cette question de la valorisation du bénévolat. Ce besoin s’est révélé au fil du temps au fur et à mesure des rencontres avec les associations que je pouvais croiser dans le cadre de mon « métier de couverture » à la FFMJC et dans le cadre des travaux du groupe de travail Libre Association de l’April. La seconde motivation était de faire sens commun et de mettre autour de la table des acteurs qui n’avaient pas forcément l’habitude de travailler ensemble mais dont les compétences et connaissances complémentaires apportaient quelques garanties pour la réussite du projet. Sur ce point en particulier, cela a permis de resserrer les liens entre les membres du Crajep de Bourgogne-Franche-Comté (Comité Régional des Associations de Jeunesse et d’Éducation Populaire ; comité à l’origine du projet) et de rendre concret la capacité à agir ensemble là où les sujets habituellement traités (contributions sur les politiques régionales jeunesse, plaidoyer, etc.) sont plus complexes à valoriser et quantifier.

Je précise que, dans la formation accélérée que nous, les chevaliers de la table ronde, avons eu avec la machine à remonter le temps, je n’ai pas reçu de compétences en informatique (si ce n’est comprendre l’importance du logiciel libre pour contribuer aux communs). Il a donc fallu à la fois réunir des futurs utilisateurs et utilisatrices de Bénévalibre (les membres du Crajep étaient assez représentatifs) mais aussi des financeurs et des compétences techniques.

3. Bénévalibre est un projet aux multiples partenaires : quels ont été leurs rôles ? Comment s’est passé la coopération ?

Tout d’abord, la structure motrice à l’initiative du projet : le Crajep Bourgogne-Franche-Comté. Pour la déclinaison de l’acronyme, voir précédemment (nous, à l’époque, on abusait des enluminures mais vous, vous semblez nourrir une passion pour les acronymes. À quand les acronymes enluminurés ?). À noter quand même que ce collectif qui réunit mouvements et fédérations d’éducation populaire est lui-même en lien avec des structures telles le Mouvement Associatif régional ou, dans une moindre mesure, la CRESS. C’est donc bien le Crajep qui a permis de consolider un comité de pilotage au sein duquel on pouvait trouver alors le premier financeur : le Conseil Régional de Bourgogne-Franche-Comté, partenaire constant de ce comité pour appuyer à travers lui les fédérations et mouvements d’éducation populaire à l’échelle régionale.

L’autre partenaire financier qui a accordé sa confiance très vite fin 2018 (avec quand même la constitution d’un dossier conséquent en bonnet difforme) mais qui n’a pas souhaité faire partie du comité de pilotage, a été la Fondation du Crédit Coopératif. La fondation a néanmoins complété son appui à la fin du projet par son expertise en communication et par la mise en lien avec de nombreux réseaux potentiellement intéressés.

Par ailleurs, pour garantir la volonté du comité de pilotage de développer un logiciel libre (et par ailleurs gratuit à l’usage), les associations April et Framasoft ont été sollicitées pour être membres ; ce que ces deux associations ont accepté.

Enfin, il fallait évidemment la compétence informatique pour le développement du logiciel en lui-même : pour être cohérent avec l’esprit du projet, le choix d’une SCIC (Syndicat de Chevalerie Inter …ah non, pardon. Société Coopérative d’Intérêt collectif) a été opéré : CLISS XXI. On notera aussi que, pour éviter de raconter n’importe quoi sur le bénévolat, un chercheur spécialiste de cette question était membre lui aussi du comité.

4. Aujourd’hui, où en est Bénévalibre ?

« Non mais finalement on met pas les casques, on a dit. »
CC-By-SA Luc Fievet pour l’April

Après une première présentation avant l’été sans communication particulière et pour laquelle nous avons été surpris du nombre d’associations intéressées, la version 1 est sortie officiellement mi-septembre : c’était vraiment une bonne chose que d’avoir tenu le calendrier car il est parfois reproché à l’éducation populaire d’être laxiste sur la gestion des délais des projets. Ça fait sérieux ! Et le sérieux, entre deux quêtes rigolotes à la table ronde, c’est important.

Donc, pour l’instant, l’idée est de regarder comment les associations s’approprient l’outil et de voir les retours d’usages et de bugs qu’il peut y avoir. Un forum a même été mis en place récemment rien que pour ça : forum.benevalibre.org. N’hésitez pas !

Tous les retours qu’il y aura viendront compléter des fonctionnalités qui ont, pour l’instant, été mises de côté pour la version 1 sur l’argument de la nécessité d’avoir dans un premier temps l’outil le plus simple possible d’accès.

5. Et demain ? Quels sont les développements envisageables ? Et que faudrait-il pour qu’ils se réalisent ?

Très tôt, le comité de pilotage s’est posé la question des suites. Des fonctionnalités pourraient potentiellement, sous réserve de financements à trouver, être ajoutées pour une version 2. Néanmoins, il sera important de rester sur un outil dont la cible est d’abord les (très) petites associations. En effet, le comité de pilotage du projet souhaite éviter de rentrer en concurrence avec des solutions libres qui existent déjà au sein d’outils plus complets pensés pour une gestion plus globale d’associations.

Une autre idée du comité serait de se jeter à corps perdu dans le développement d’un logiciel/service de paye libre pour proposer une alternative aux solutions propriétaires qui sont en position dominante et qui imposent leurs modes de fonctionnements et leurs mises à jours aux associations. Ce projet est néanmoins d’une autre échelle que celle de Bénévalibre. Ce n’est pas un créneau facilement accessible : gare à l’huile bouillante en haut de cette échelle le cas échéant.

6. Quelque chose à ajouter ?

Franchement, entre nous, c’est quand même super cool quand un projet fait en commun, pour l’intérêt général, finit par aboutir. Je vous le recommande. C’est presque un peu comme trouver le Graal.

Comme le voyage dans le temps d’ailleurs : c’est vraiment génial. Désolé, je ne peux malheureusement pas vous en faire profiter. De même, j’ai des infos sur le futur mais je n’ai pas le droit de vous les donner. C’est ballot. Allez, tant pis, parce que c’est vous et que vous avez lu jusque là, je me prendrai un blâme mais sachez qu’en 2020, au moins un chaton proposera une autre instance de Bénévalibre. C’est une bonne chose : ça va dans le bon sens de la décentralisation d’Internet !

Bon courage, je file réparer ma cotte de mailles et surtout, souvenez-vous, comme le dit un collègue : « Hacker vaillant, rien d’impossible ». Ou un truc comme ça, je ne sais plus.

Un résumé court, succinct et néanmoins bref de cet article :

  • Le bénévolat d’une association est un des indicateurs de son dynamisme et de sa portée ;
  • La « loi travail » prévoit un (futur) Compte d’Engagement Citoyen où l’on peut déclarer et « valoriser » ses activités bénévoles, par exemple pour ouvrir des droits à la formation ;
  • Valoriser le bénévolat pose un problème politique :
    • Cela induit une vision comptable, marchande et contrôlée d’un don de soi à la société ;
    • Cela rend techniquement possible la surveillance étatique dans les actions de la société civile ;
    • L’outil utilisé pour compter ses heures est central, il doit émanciper et non soumettre (ni exploiter les données et donc les vies de) les bénévoles ;
    • Seul un logiciel libre conçu comme un commun en conscience de sa portée politique peut garantir que la société civile garde le contrôle de l’outil et donc sa puissance d’agir.
  • Bénévalibre est né de la volonté de ne pas laisser la #StartupNation comptabiliser nos heures de bénévolat (et en exploiter nos données) ;
  • Il est le fruit de 3 ans de travail collaboratif entre associations, fondations, et chercheur·euses ;
  • Ce logiciel laisse, à de multiples niveaux, le choix et le contrôle dans son utilisation ;
  • Laurent Costy, alias Provençal le Gaulois, présente comment la contribution collégiale autour d’un Commun a donné naissance à Bénévalibre (à coups de table ronde).

 

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Illustration d’entête : CC-By David Revoy




Mobicoop : prenez part au covoiturage libre !

Mobicoop, la première plateforme gratuite et collaborative de covoiturage, a lancé le 18 mars dernier la campagne Prenez votre part, prenez le pouvoir ! afin d’ouvrir sa gouvernance à celles et ceux qui souhaitent s’investir au sein de la coopérative.

Mobicoop agit sur les domaines du covoiturage, de l’autopartage entre particulier·ères et du transport solidaire. Les services sont proposés sans commission et sont basés sur les principes coopératifs. Et chez Framasoft, ces principes nous parlent. Nous avons donc donné la parole à Bastien Sibille, président de Mobicoop.

Bonjour Bastien ! Pouvez-vous vous présenter ?

Bonjour ! Alors je me présente rapidement car Mobicoop est un projet coopératif porté par des centaines de coopérateur⋅rice⋅s et je pense que ma trajectoire personnelle n’a pas grand intérêt ;-). Je suis engagé depuis 20 ans pour développer les innovations sociales numériques. Président de covoiturage-libre depuis 2015 et donc de Mobicoop depuis la transformation de l’association en coopérative fin 2018. J’ai beaucoup milité, depuis le début des années 2000, pour les biens communs en général et pour le libre en particulier, notamment à travers l’association Vecam puis l’association internationale du logiciel libre.

Au fait : c’est quoi le problème avec BlaBlaCar ?

On pense qu’imposer une commission sur les trajets est contraire à l’idée d’une mobilité vraiment écologique et accessible à tou⋅te⋅s… Mais sinon on n’a pas vraiment de problème avec Blablacar, notre horizon est beaucoup plus large 😉 ! Pour nous, se déplacer c’est naturel et partager son moyen de mobilité un acte social simple. Avec le développement actuel des plateformes (Uber, Drivy, etc), la mobilité devient un business. Beaucoup de personnes en sont exclues (personnes âgées, personnes handicapées, à faibles revenus, vivant sur des territoires ruraux). Le double enjeu actuel fondamental de la mobilité : la réduction des pollutions liées aux transports par la réduction de l’usage de la voiture, et l’accessibilité de toutes et tous à la mobilité, n’est pas suffisamment pris en compte par ces modèles de plateformes numériques !

Que s’est-il passé ces deux dernières années pour que vous deveniez Mobicoop ?

En 2017, après 6 ans de route, l’association a relevé deux constats :

  • le covoiturage peut et doit être un bien commun, c’est-à-dire un service de transport au service de tou⋅te⋅s, dont les richesses doivent rester entre les mains de ses utilisateur⋅rice⋅s.
  • l’offre de Covoiturage-libre devait s’améliorer, tant au niveau quantitatif (nombre de trajets) que qualitatif (expérience utilisateur⋅rice).

Pour aller dans ce sens, il fallait prendre le tournant et devenir une coopérative pour une mobilité plus partagée : partage de la gouvernance selon le grand principe 1 personne = 1 voix. Tout le monde peut prendre une part et devenir acteur⋅rice pour une mobilité différente, vraiment écolo, inclusive et solidaire.

Aujourd’hui, comment fonctionne concrètement Mobicoop ?

L’équipe s’est agrandie et on se développe autour de 3 axes :

  • le covoiturage : toujours libre et sans commission, il sera bientôt possible de faire un don à la coopérative lors d’un trajet ;
  • l’autopartage entre particulier⋅ère⋅s : mise à disposition de son véhicule pour quelqu’un⋅e qui n’en a pas. Le principe de Mobicoop reste en effet toujours de réduire le nombre de voitures !
  • la mobilité solidaire : pour être vraiment inclusive, Mobicoop sait s’appuyer sur un grand réseau de bénévoles qui peuvent conduire des personnes exclues de la mobilité en raison de leur âge, santé, adresse, revenu…

La plateforme de covoiturage est en ligne et fonctionne grâce à ses 350 000 utilisateur⋅rice⋅s. L’autopartage et la mobilité solidaire sont en cours de développement. Et on a mis en place une gouvernance coopérative la plus inclusive possible, avec des modèles très participatifs (par exemple, tirage au sort d’un membre du CA au sein de l’AG).

En quoi le fait que ça soit une SCIC (et d’ailleurs, c’est quoi une SCIC ?) change-t-il quelque chose à l’affaire ?

Une SCIC c’est une Société coopérative d’intérêt collectif. C’est un des statuts possibles pour une coopérative (les autres sont les SCOP ou les coopératives de consommateurs par exemple) et c’est celui qui nous correspond le mieux. Dans une SCIC, les collectivités peuvent aussi devenir membres. L’objet d’une SCIC est de fournir des services d’intérêt collectif qui présentent un caractère d’utilité sociale : c’est le cas d’une mobilité partagée, non ?

D’ailleurs, c’est quoi l’intérêt de devenir membre coopérateur⋅ices de Mobicoop ?

L’intérêt, il est d’abord social et écologique : on se bat pour un autre modèle de développement des services de la mobilité. Être membre Mobicoop, c’est surtout faire partie de ce grand mouvement, initié par d’autres dans différents domaines : la finance éthique, l’énergie, la consommation, les médias… On fait notre part, et on invite tout le monde à prendre une part ! On dit aussi que prendre une part, c’est prendre le pouvoir : dans ce grand mouvement pour les biens communs, on est plus directement lié⋅e⋅s aux décisions qui nous concernent. Sur le principe 1 personne = 1 voix, chacun⋅e a son mot à dire sur la gouvernance de la coopérative : lors des assemblées générales, et même au Conseil d’Administration…

Et, donc, le code de Mobicoop est libre. Pourquoi avoir fait ce choix ? Qu’est-ce que cela apporte ?

Ce choix était juste une évidence. Comment avoir une approche coopérative sincère dans son ouverture à tous, tout en ne permettant pas à n’importe qui de s’approprier et de s’investir dans nos projets de logiciels ? La bataille de la mobilité partagée est culturelle avant tout : passer de la logique propriétaire sur son automobile à une logique de commun. Avoir un code libre, ça nous apporte de la cohérence dans cette bataille culturelle : nous promouvons une culture des communs de manière systémique.

Quelle est la licence de ce code ? Croyez-vous qu’elle va plaire à tonton Stallman ?

Notre code est en double licence AGPL/propriétaire. Tonton Stallman râlerait forcément un peu… Mais c’est que nous n’avons pas exactement les mêmes objectifs que la FSF. Notre hiérarchie d’objectifs place en effet en premier l’impact écologique et social visé par nos solutions de mobilité, et en deuxième la nature libre de nos services. Le deuxième est un moyen essentiel pour le premier, mais reste au registre des moyens et pas des fins. Par prosaïsme, on ne s’interdit donc pas de vendre du service à des clients qui voudraient une plate-forme en code fermé. Deux raisons sous-tendent cette idée : les ressources financières de ce client profiteraient à la coopérative dans son ensemble et un client en plus c’est toujours plus d’impact écologique et social et plus de pouvoir pour notre position dans cette bataille culturelle de la mobilité partagée.

Quels sont vos espoirs pour cette plateforme ?

Une mobilité partagée tout à fait libre : plus personne seul⋅e dans sa voiture, plus personne bloqué⋅e chez soi, moins de bagnoles, plus de rossignols !

S’attaquer à l’une des (rares) licornes françaises, c’est un vrai pari ! Comment comptez-vous y arriver ?

On s’appuie sur une magnifique et grande communauté de 350 000 personnes qui résistent depuis 2011 ! Grâce à l’équipe élargie des développeurs, nos services vont être très performants, et surtout plus accessibles. On croit aussi que les gens sont attirés par les alternatives aux quasi-monopoles qui dictent leurs faits et gestes ! Enfin, le mouvement écolo actuel prouve que l’enjeu est de plus en plus pris en compte dans les décisions des gens. Et puis, chaque membre est responsable de la coopérative… alors ce sera de plus en plus facile 😉

On ouvre l’open-bar Utopique ! Dans votre Contributopia à vous, il y a quoi et ça se passe comment ?

Dans notre Contributopia à nous, une bascule culturelle a enfin été faite. Pour leur mobilité – comme pour le reste – la majorité ne se perçoit plus dans un dualisme client d’un fournisseur tout puissant ou propriétaire jouissant seul de sa liberté, mais selon un nouveau référentiel usager⋅ère ou contributeur⋅rice de trajets ou voitures partagées en commun selon des règles équitables. De telles bascules ont déjà eu lieu dans l’histoire. Avec Internet qui refaçonne en profondeur nos imaginaires de collaboration, cette bascule paraît tout à fait à portée de main. Et le logiciel libre, précurseur dans cette résurgence des communs, a montré la voie de longue date !

Et comme souvent sur le Framablog, on vous laisse le mot de la fin !

Aujourd’hui, il est possible de Prendre sa part ! Pour ce grand mouvement pour basculer vers la mobilité partagée, rendez-vous sur http://lacampagne.mobicoop.fr ! Merci à tou⋅te⋅s de partager cette campagne à vos connaissances : ensemble, nous libérons la mobilité, parce qu’être mobile, c’est être libre !




Pour un covoiturage libre sans blabla car c’est un bien commun !

Le partage de véhicule pour faire ensemble un trajet est une pratique déjà ancienne : les moins jeunes se souviennent des globe-trotters le pouce levé,des trajets entre copains serrés à l’arrière de la 4L et… bref vous voyez le tableau, inutile de raviver le cliché des hippies dans le Combi VW.

Crise écologique et crise économique ont contribué à remettre au goût du jour ces pratiques conviviales : le pouce levé de rezopouce, parti du Sud-Ouest, gagne du terrain un peu partout en France, certaines municipalités comme dans les Yvelines prennent des initiatives pour stimuler et organiser le covoiturage. Il en va de même avec des associations comme Voisine Covoiturage en Lozère, qui dans un monde rural menacé d’isolement reçoit le soutien des collectivités locales.

Oui mais voilà : l’engouement pour le covoiturage est aussi un marché économique dominé par un acteur majeur qui s’est taillé un nom et un presque-monopole au point que pour beaucoup c’est le mot blablacar qui remplace le mot covoiturage dans les recherches sur Internet. On peut saluer le succès de l’entreprise comme le font depuis plusieurs années la plupart des médias. On peut aussi s’interroger sur cette confiscation et monétisation d’une pratique solidaire gratuite : le modèle économique de Blablacar repose sur la captation d’un bien commun.

Les solutions alternatives existent pourtant, comme La Roue verte, qui peut proposer des services gratuits et éthiques aux particuliers en se rémunérant par des prestations aux entreprises.

Aujourd’hui c’est une association indépendante et sans but lucratif que nous souhaitons mettre en valeur : Covoiturage-libre a des engagements et des valeurs qui résonnent agréablement aux oreilles libristes. Nous espérons qu’après avoir lu cette interview nombre d’entre vous deviendront avec ce beau projet des covoitureurs et covoitureuses libres !

Cliquez sur l’image pour découvrir leur site.

 

Bonjour François, peux-tu te présenter et nous décrire l’association dont tu fais partie ?

Bonjour ! Je m’appelle François Vincent et je m’occupe pour ma part plus spécifiquement du développement de Covoiturage-libre.fr, qui est un site de covoiturage libre et gratuit.

Nous avons un certain nombre de personnes qui travaillent bénévolement pour le site, notamment son développement (le code source est accessible par tous sous licence GNU GPL v3), sa communication sur les réseaux sociaux ou la participation à des rencontres des logiciels libres ou de manifestations spécifiques, et les réponses aux demandes effectuées via la hotline par les utilisateurs. Chacun est libre de nous rejoindre, il sera bien accueilli, notamment par moi-même !

Comment sont nés votre site et votre association ?

Notre site a une histoire déjà assez longue. Une première version a été mise en ligne quelques jours seulement après le passage au payant de la part de Blablacar (ce devait être en 2011). Le site et l’association sont nés du rejet de l’appropriation du covoiturage par Blablacar, et d’une volonté ferme de promouvoir un covoiturage social, c’est à dire non contrôlé par une entreprise, mais profitant et appartenant à tous.

Un coup d’œil sous le capot ?

La première version a été développée en solo par Nicolas Raynaud. Le site à cette époque avait été écrit en PHP. C’est peu après qu’a été créée l’association pour soutenir la plateforme. Une nouvelle version du site a plus tard été écrite en Ruby on Rails, car la première version était difficile à maintenir et ne permettait pas vraiment un travail collaboratif. Cette nouvelle mouture du site est assez récente, date de moins d’un an, c’est maintenant sur celle-ci que nous travaillons, les améliorations étant poussées… lorsqu’elles sont prêtes à l’être.

Qu’est-ce qui vous différencie de sites mieux connus comme Blablacar ?

Notre philosophie du covoiturage est qu’il s’agit d’un bien commun et qu’il doit le rester !

L’un de nos engagements est de rester indépendants, de rester sous le contrôle de la communauté. Toute personne voulant participer est la bienvenue pour s’exprimer, et son avis sera pris en compte. Nous ne serons jamais rachetés par quelque entité, visant le profit, que ce soit. Nous prônons un covoiturage sans frais, qui n’ira pas enrichir une société levant des millions d’euros. Nous nous construisons en partie CONTRE cette vision du covoiturage.

Pour résumer, notre différence principale avec des sites comme Blablacar est notre conception même du covoiturage, et c’est sur cette dernière que nous nous appuyons pour avancer.

Votre plateforme est un « bien commun », qu’entendez-vous par là ?

Nous entendons par là quelque chose de simple et qui nous parait à la fois fondamental et naturel pour le covoiturage : la plateforme nous appartient à tous, elle appartient à la communauté que nous formons, nous les conducteurs et les passagers qui utilisons le covoiturage, tous ensemble nous la faisons vivre. Elle appartient à ceux qui l’ont développée et qui en font la promotion, à nous qui travaillons sur le projet, mais aussi, ET SURTOUT, à celles et ceux qui l’utilisent, c’est-à-dire monsieur Dupuis-Morizeau par exemple qui utilise notre plateforme en tant que passager pour aller de Paris à Rouen et retrouver sa famille. D’ailleurs, il peut nous rejoindre pour participer à la réflexion sur la plateforme, proposer des améliorations, signaler des bugs…

Comment ça marche alors ? il faut que les personnes qui se sont contactées aient une relation de confiance ? Parce qu’on communique un mail ou un téléphone…

En effet, les personnes covoiturant ensemble doivent établir un lien social, un lien de confiance entre elles, c’est l’une de nos raisons d’exister qui fait partie de nos 5 engagements.

Copie d’écran du site Covoiturage-libre

Tous ceux qui ont déjà fait du covoiturage savent que c’est un moyen de rencontrer des personnes que nous n’aurions jamais rencontrées autrement, ayant une autre vie, d’autres passions, où qui au contraire travaillent, par exemple, dans le même domaine, ce qui peut alors déboucher sur des conversations très poussées ! La parole est un moyen de se faire confiance, et nous pensons que les gens voulant se déplacer ensemble sont de bonne volonté. Elles échangent donc par mail ou SMS sur les modalités du trajet.

Il y a des possibilités de dérives que nous combattrons de toutes nos forces, mais celles-ci existent sur toutes les plateformes de covoiturage, et même dans d’autres situations de la vie de tous les jours. Elles sont quasi inexistantes par rapport à la masse de covoiturages effectués chaque jour.

Donc Covoiturage-libre ne ponctionne aucune commission, c’est chouette, mais je dois me mettre d’accord sur un tarif avec un conducteur ou un passager (suivant les cas) ?

Eh bien oui, la prise de contact entre conducteur et passager pour fixer les modalités du covoiturage en amont de sa réalisation est une étape indispensable pour avoir un covoiturage qui se déroule bien. Ce premier contact permet de fixer les modalités du voyage, comme l’endroit où l’on se retrouve, le lieu de dépose, et en effet, la somme d’argent que le passager donnera au conducteur. Mais on espère bien que vous discuterez d’autres choses bien plus intéressantes pendant et même après le trajet !

Comment je peux savoir par exemple combien demander (dans quelle fourchette raisonnable) pour partager les frais pour un trajet entre Tours et Lyon ?

Pour l’instant, la plateforme ne propose pas de suggestion de tarif. Les prix que le conducteur propose pour le trajet global ainsi que pour les étapes sont à sa discrétion. On peut cependant utiliser plusieurs ressources pour s’aider dans le choix des frais que l’on demande, comme regarder sur d’autres sites les tarifs pratiqués ; ou bien appliquer un calcul simple qui consiste à prendre le prix global du trajet et le diviser par le nombre de personnes dans la voiture, conducteur compris. à noter que l’une des nombreuses fonctionnalités que nous prévoyons de mettre en place est justement la mise en place d’un prix conseillé, dépendant de la distance et également des péages. Nous rappelons également sur le site que le covoiturage ne doit pas être rentable, et qu’il s’agit d’abord et avant tout d’entraide.

Qu’est-ce qui me garantit la confidentialité de mes données si je m’inscris pour passer une annonce ?

Comme tout projet sous licence libre et open-source, vous avez accès vous même au code source du site sur le dépôt github, n’hésitez pas à le parcourir.

Nous sommes des gens comme vous, qui aimons garder nos données personnelles… personnelles. Le développement du site se fait avec cette idée de respecter au maximum les données des utilisateurs.

Et qu’est-ce qui me garantit qu’on ne va pas me demander une somme excessive ?

Soyons franc, rien ne vous le garantit. Vous discutez du prix avec le conducteur avant le voyage, et vous payez de la main à la main pendant le trajet. Encore une fois, nous rappelons sur le site que le covoiturage ne doit pas être rentable, ce qui limite normalement les sommes si les usagers sont honnêtes. Un passager peut également tout simplement refuser un covoiturage si le prix est trop élevé. Nous sommes persuadés que les gens peuvent discuter entre eux et se mettre d’accord sans problème.

Nous ne prévoyons par ailleurs pas de déployer une solution de paiement en ligne avant le trajet comme d’autres sites (qui serait toujours sans frais soit dit au passage) pour plusieurs raisons : la première, c’est que cela ne fait pas partie de notre représentation du covoiturage, où les gens se mettent d’accord entre eux et discutent en amont du voyage, et n’ont donc pas besoin de ce système. La deuxième raison est que cette solution nous demanderait la mise en place d’un système très sécurisé (qui amènerait de plus à une ambiance que nous trouvons anxiogène, phénomène que l’on peut déjà observer sur un autre site bien connu qui prône une « sécurité » omniprésente justifiant tout et n’importe quoi…), et que nous devrions alors collecter des données bancaires que nous ne voulons surtout pas posséder. Ce sont vos données personnelles, nous ne voulons surtout pas y avoir accès !

Déjà plus de 730 000 covoiturages, beau succès ! Ça vous fait autant d’adhérents à l’association ? Pour profiter des services proposés sur le site, il faut être adhérent à l’association ?

Eh bien non, le nombre de bénévoles donnant du temps pour la plateforme est assez faible. Pour déposer une annonce sur le site, contacter une personne proposant un covoiturage, aucune adhésion à l’association n’est nécessaire, les gens restent libres au maximum de faire ce qu’ils veulent, et cela ne nous a même pas traversé l’esprit de forcer les gens à adhérer (même gratuitement) ! Ils sont cependant tous les bienvenus s’ils veulent participer à la plateforme et/ou l’association !

Pas besoin d’être adhérent donc, mais nous pensons dans le futur mettre en place des comptes sur notre site. Leur seul objectif sera de gérer plus facilement les annonces que l’on propose en tant que conducteurs ou celles qui nous intéressent en tant que passagers. La gestion des annonces pour les conducteurs se fait actuellement par mail, ce qui n’est pas optimal pour gérer une annonce appelée à potentiellement évoluer dans le temps, nous souhaitons améliorer ceci !

Que se passe-t-il si un requin aux intentions lucratives clone votre site et prend une commission de 5 % ?

Il sera liquidé par un mercenaire GNU dans les 12 heures suivant la mise en ligne de son site.

Non plus sérieusement, il peut essayer… Puisqu’il n’aura pas accès à notre base de données, son site sera vide d’annonces. Notre plateforme est la deuxième de France, nous avons une petite-(pas-si-petite)-mais-grandissante communauté d’utilisateurs qui postent leurs annonces et consultent notre site, ils ne migreront pas vers ce faux site. Nous en voulons pour preuve le nombre d’annonces postées jusqu’ici que vous citez plus haut !

Avez-vous fait l’objet de démarchage pour faire de votre service une opération commerciale ? Des startups sur le même créneau ?

La loi du marché étant ce qu’elle est, et notre position de deuxième plateforme française de covoiturage étant établie, certains organismes/entreprises/start-up/que sais-je encore ont voulu nous racheter « nos utilisateurs » (oui je cite les gens qui viennent vers nous). Ce à quoi nous leurs répondons gentiment et poliment que ce n’est pas notre conception de la chose, que l’argent ne nous intéresse pas, que pour récupérer nos utilisateurs il faudra d’abord marcher sur nos cadavres et accessoirement celui du site, ce genre de choses…

Il y a bien sûr d’autres entreprises qui souhaitent concurrencer Blablacar, nous leur tendons la main si elles veulent intégrer notre association et adhérer à nos valeurs qui prônent le non-profit. Notre plateforme a cet avantage par rapport à toutes les autres d’être une association avec des gens motivés par des convictions, et travaillant sur ce projet sur leur temps libre. Sans vouloir nous vanter, avec le soutien de quelques donateurs, nous sommes virtuellement immortels et indestructibles 😉 le temps joue pour nous…

Quelle continuité souhaitez-vous donner à votre service communautaire ? L’élargir à d’autres pays ? Qu’est-ce qui serait le plus efficace pour vous faire mieux connaître et pour que chacun adopte votre démarche ?

Nous sommes totalement ouverts à la propagation de notre modèle et de notre plateforme à d’autres pays. Nous aurons cependant besoin de partager une base de données commune à tous, cette dernière étant interrogée par une instance nationale pour chaque pays. Nous avons d’ailleurs déjà des contacts de gens intéressés dans d’autres pays. Notre rêve ultime serait une grande organisation mondiale, libre, avec une équipe par pays. L’impact écologique et économique pour tous pourrait être considérable!

Si je veux participer à vote site, à ce commun, à votre projet, à votre asso… je fais comment ? Vous avez besoin de quelles compétences ?

Vous pouvez consultez les propositions de la page https://covoiturage-libre.fr/missions-benevoles

Certaines façons de participer sont tout à fait simples :

  • Évidemment, la première chose à faire, publier vos trajets sur notre plateforme, en parler autour de vous, et chercher les trajets que vous souhaitez réaliser sur le site.
  • Ensuite, dans un premier temps si vous voulez prendre contact avec nous, vous pouvez rejoindre les groupes facebook (oui je sais c’est mal, chacun ses faiblesses, et puis on va là où les gens sont) « Covoiturage-libre – groupe de test » et également « Covoiturage-libre.fr – Communication »
  • Certains d’entre vous s’y connaissent en programmation (c’est un euphémisme), nous avons besoin de gens capable de programmer en Ruby on Rails. À notre ère connectée nous souhaitons également développer une appli Android qui sera elle aussi diffusée sous licence libre, probablement GNU GPL, et sera ajoutée à F-Droid assez rapidement (nous avons déjà une appli, qui n’est que du web encapsulé, le code est disponible sur github, et l’appli en elle même est disponible sur Google Play). Et éventuellement une appli iOS, si certains d’entre vous sont motivés pour ça !
  • Chose anodine, installer le moteur de recherche Lilo. Chaque recherche effectuée vous donne une goutte, donnez ensuite ces gouttes à notre projet sur la page dédiée et vous nous ferez des micro-dons à chaque fois que vous nous les donnerez, on vous remercie déjà !
  • Nous recherchons également des graphistes, des gens qui voudraient faire de la com pour nous, des gens pour nous représenter à des forums…

Le mot de la fin ?

Les bases de la plateforme pour un retour à un vrai covoiturage qui ne profite pas à une entreprise sont déjà là. Mesdemoiselles, Mesdames, Messieurs, il ne tient plus qu’à vous de nous rejoindre et d’y participer !

Dé BlaBlaCarisez le covoiturage avec Covoiturage-Libre !

Liens utiles




« 2° avant la fin du monde » : un documentaire écolo à traduire Librement

Il y a peu de temps, les journalistes auteurs de #DataGueule ont appelé à l’aide la communauté Framalang. Leur long métrage « 2° avant la fin du monde », un documentaire critiquant la COP 21 et expliquant les enjeux du réchauffement climatique, est déjà un succès francophone. Ils aimeraient proposer des sous-titres en anglais, espagnol, etc. pour que d’autres audiences puissent en profiter… mais voilà : ce long-métrage n’est pas Libre.

Quand les communs nous rassemblent…

Qu’on soit bien d’accord : profiter des communautés bénévoles pour augmenter la valeur de son travail propriétaire, c’est moche. Sauf que là, on n’est pas dans un modèle aussi manichéen. Déjà parce que les équipes de #DataGueule, bien qu’officiant sur YouTube (attention les liens suivants vous y mènent ^^), ce sont celles qui ont créé des vidéos vulgarisant avec brio des sujets complexes comme :

On a mis assez de liens vers YouTube comme ça, alors exceptionnellement, cette image ne mène à rien ;)
On a mis assez de liens vers YouTube comme ça, alors exceptionnellement, cette image ne mène à rien ;)

Bref : autant d’outils pour sensibiliser les Dupuis-Morizeau de notre entourage aux sujets qui nous sont chers. Sans compter toutes leurs autres vidéos, dont les thèmes et l’angle défendent souvent cette idée des communs… ou montrent les enclosures des systèmes dans lesquels nous vivons. C’est une nouvelle fois le cas avec ce pamphlet écologique qu’est « 2° C avant la fin du monde. »

Car ce n’est pas pour rien si la coalition entre militant-e-s écologistes, libristes, personnes engagé-e-s dans l’ESS ou la lutte des classes a fait tomber ACTA. Ce n’est pas pour rien si Framasoft (aux côtés de nos ami-e-s de l’APRIL et de biens d’autres) a défendu les valeurs du Libre dans de nombreuses villes accueillant un Alternatiba : cette notion qui nous rassemble, c’est celle de communs. Le Libre et l’Écologie ont tout intérêt à tisser des ponts entre eux, et nous y voyons là une magnifique occasion.

…le droit d’auteur nous divise.

Seulement voilà : ces vidéos comme leur documentaire ne sont pas sous licence Libre. Vous demander de participer à ajouter de la valeur à une création de l’esprit qui ne respecte pas vos libertés, c’est un peu comme vous proposer de participer au financement participatif d’une production qui restera l’entière propriété de ses auteurs : vous prenez tous les risques et il faut une certaine dose de confiance.

Le débat a eu lieu chez Framalang. DataGueule, ce sont visiblement des gens qui partagent nombre des valeurs-clés du Libre et des Communs. Ce sont des journalistes issus du malheureusement défunt OWNI, qui ont co-écrit l’excellent documentaire « Une contre-histoire de l’Internet ». Bref, des gens biens. C’est une production qui n’hésite pas à diffuser son long métrage sur YouTube avant même qu’il ne passe à la télévision (est-ce pour cette raison qu’il n’y a pas de budget pour la traduction ?), ce qui nous permet de vous le faire découvrir dans cet article :


Vidéo « 2° avant la fin du monde » sur Youtube

cliquez sur l’image pour visionner le documentaire (YouTube)

Dans nos équipes s’est fait le choix de la main tendue. Chers DataGueule (et chère prod d’IRL Nouvelles Écritures), celles et ceux d’entre nous qui le veulent vont tenter de traduire votre documentaire. Cette traduction sera libre, proposée sous la licence CC-BY-SA. Nous espérons qu’en vous faisant goûter aux joies du Libre, vous envisagerez de passer vos productions sous ces licences (même YouTube propose une CC-BY, c’est facile !) et de parler encore plus de ces sujets qui nous rassemblent.

Libre à vous de traduire (ou pas)

Alors voilà : libristes de tous poils, linguistes polyglottes, fan-subbeurs acharné-e-s et/ou écolos de tous bords : la balle est dans votre camp. Libre à vous de décider si les enjeux, le sujet et l’œuvre méritent votre participation. Libre à vous de venir participer à cette collaboration entre libristes, écolos… bref : entre commoners.

Vous y trouverez à chaque fois la liste des pads où vous pourrez traduire (c’est déjà bien entamé), relire, amender, participer, etc. Pensez à respecter les façons de faire, à bien entrer votre nom (et à choisir votre couleur) dans l’icône « bonhomme » en haut à droite, et à faire un coucou sur le chat (en bas à droite).

Et si cette expérience vous a plu, vous pouvez rejoindre nos groupes de traductions collaboratives, promis, on ne mord pas (sauf un, mais on dira pas qui).




Menaces sur les œuvres du domaine public

La numérisation des collections patrimoniales des musées devrait constituer une chance pour la diffusion de la culture. Trop souvent hélas, ce n’est pas le cas, à cause du copyfraud auquel se livrent les institutions. Comme l’a dit très justement Pier-Carl Langlais, le copyfraud est l’inverse du piratage : une revendication abusive de droits sur le domaine public pour en restreindre la réutilisation.

Les exemples de copyfraud ne manquaient déjà pas, mais le Reiss Engelhorn Museum de Mannheim en Allemagne a franchi cette semaine une ligne rouge en la matière. L’établissement a en effet décidé d’attaquer en justice la Wikimedia Foundation et Wikimedia Deuschland, pour la diffusion de 17 images d’œuvres du domaine public sur Wikimedia Commons. Depuis 2008, la Wikimedia Foundation a défini une position très claire à propos du copyfraud, en indiquant qu’elle ne reconnaissait pas la légitimité des restrictions rajoutées sur la réutilisation d’images en deux dimensions d’œuvres du domaine public. L’année suivante, une alerte sérieuse s’était produite lorsque le wikimédien Derrick Coetzee avait téléversé sur Wikimedia Commons plusieurs milliers d’images extraites du site de la National Portrait Gallery de Londres. Son geste dénonçait le fait qu’elle portait un copyright alors qu’elles correspondaient à des œuvres du domaine public . La National Portait Gallery avait alors agité la menace d’un procès, sans la mettre à exécution à la différence cette fois du musée Reiss Engelhorn.

Si l’on peut déplorer un tel comportement de la part d’une institution patrimoniale, ce sera peut-être aussi l’occasion pour un tribunal de se prononcer sur la légalité des pratiques de copyfraud. Comme le dit la fondation Wikimedia dans sa réponse au musée, la reproduction fidèle de tableaux ne crée pas une « nouvelle œuvre » et il est improbable que ces photographies satisfassent au critère de l’originalité, impliquant que le créateur imprime « l’empreinte de sa personnalité » dans son œuvre pour bénéficier d’une protection.

En France également, nombreux sont les établissements culturels se livrant à des pratiques de copyfraud. Le site Images d’art, lancé récemment par la Réunion des Musées Nationaux, comporte plus de 500 000 œuvres numérisées provenant de nombreux musées français. Mais toutes ces images portent le copyright du photographe les ayant réalisées, ce qui en interdit la réutilisation. Quelques institutions choisissent pourtant au contraire de diffuser librement leurs images et certaines comme le Musée des Augustins à Toulouse ou le Musée des Beaux Arts de Lyon ont engagé des partenariats avec Wikimedia France pour diffuser leurs images sur Wikipédia . Mais elles restent encore minoritaires.

Le plus inquiétant, c’est que la loi française risque bientôt d’évoluer pour légaliser les pratiques de copyfraud. Le recours au droit d’auteur par le musée Reiss Engelhorn reste juridiquement très fragile et la fondation Wikimédia peut encore affronter un procès avec des chances sérieuses de l’emporter. Mais la loi Valter, actuellement en cours d’adoption, s’apprête à consacrer la possibilité pour les établissements culturels de fixer des redevances de réutilisation sur les reproductions d’œuvres qu’elles produisent — y compris à partir des œuvres du domaine public —  en les assimilant à des données publiques.

Là où devant la justice allemande, on peut encore revendiquer le droit de réutiliser le domaine public librement, ce ne sera peut-être bientôt plus possible en France.

Lionel Maurel (Calimaq)

*  *  *  *  *

Wikimedia Foundation et Wikimedia Deutschland invitent instamment le musée Reiss Engelhorn à abandonner ses poursuites concernant des œuvres d’art du domaine public.

source : cet article du blog de Wikimedia
Traduction Framalang : KoS, goofy, Bromind, sebastien, r0u

Le 28 octobre, le musée Reiss Engelhorn de Mannheim, en Allemagne, a intenté un procès à la Wikimedia Foundation et ensuite à Wikimedia Deutschland, la branche allemande du mouvement international Wikimedia. L’objet en est une plainte pour copyright concernant 17 images d’œuvres d’art du musée qui relèvent du domaine public et qui ont été mises en ligne sur Wikimedia Commons. Wikimedia Foundation et Wikimedia Deutschland examinent la plainte et feront une réponse commune avant l’échéance fixée en décembre.

La Wikimedia Foundation et Wikimedia Deutschland maintiennent fermement leur engagement à rendre les œuvres publiques gratuites et libres d’accès. Les institutions publiques telles que les galeries et musées ont la même mission, et ont été des alliées historiques pour rendre accessibles à tous les connaissances du monde entier. Avec ce procès, le musée Reiss Engelhorn limite l’accès public à d’importantes œuvres culturelles qui seraient inaccessibles autrement pour le reste du monde.

Les peintures, portraits et autres œuvres d’art concernés par ce procès sont exposés au sein du musée Reiss Engelhorn, mais sont déjà présents dans le domaine public. Quoi qu’il en soit, la loi allemande sur le droit d’auteur peut s’appliquer aux photographies des œuvres qui appartiennent au domaine public, selon différents critères incluant l’artiste créateur de l’œuvre lui-même, la compétence et les efforts qui ont été mis dans la photographie, la créativité et l’originalité, et enfin l’art en tant que tel. Le musée Reiss Engelhorn prétend que ces images sont soumises au droit d’auteur car le musée a rémunéré le photographe qui a pris certaines d’entre elles, ce qui lui a demandé du temps, de la compétence et des efforts pour les prendre. Le Musée Reiss Engelhorn affirme encore que, à  cause de ce droit d’auteur, les images des œuvres d’art ne peuvent pas être partagées au travers des Wikimedia Commons.

635px-Hendrick_Goltzius_Cadmus_Statens_Museum_for_Kunst_1183Les œuvres du domaine public affrontant l’hydre du droit d’auteur (allégorie)

(Hendrick Goltzius, Cadmus (Statens Museum for Kunst). Licence Domaine public via Commons)

La Wikimedia Foundation et Wikimedia Deutschland estiment que le point de vue du musée Reiss Engelhorn est erroné. Les lois sur le droit d’auteur ne doivent pas être utilisées à mauvais escient dans le but de contrôler la dissémination d’œuvres d’art appartenant au domaine public depuis longtemps, telles que les peintures exposées au musée Reiss Engelhorn. Le but du droit d’auteur est de récompenser la créativité et l’originalité, et non de créer de nouveaux droits limitant le partage en ligne d’images d’œuvres du domaine public. De plus, même si la loi allemande accorde quelques droits sur ces images, nous pensons qu’utiliser ces droits dans le but d’empêcher le partage des travaux du domaine public va à l’encontre de la mission du musée Reiss Engelhorn et de la ville de Mannheim et appauvrit l’héritage culturel mondial.

De nombreuses institutions se sont donné pour mission de rendre leurs collections le plus accessible possible pour le monde entier. En octobre, le musée des Arts et Métiers d’Hambourg, en Allemagne, a rendu sa collection accessible librement en ligne. Le Rijksmuseum d’Amsterdam a fourni un accès en ligne à toutes ses peintures, y compris la possibilité de les télécharger et d’utiliser les reproductions sous licence domaine public CC0. Au Danemark, SMK (Statens Museum for Kunst, la Galerie Nationale du Danemark) a rendu publiques ses images et vidéos numériques sous la licence CC-BY. La British Library [N.d.T : Bibliothèque de Grande-Bretagne, équivalent de la BNF] et le Japan Center for Asian Historical Records [N.d.T : le Centre japonais d’archives historiques asiatiques] ont conjointement libéré plus de 200 gravures japonaises et chinoises dans le domaine public.
Ces institutions culturelles conservent les valeurs du domaine public et protègent le droit de prendre part à notre héritage culturel. La tentative du musée Reiss Engelhorn de créer un nouveau copyright dans le domaine public va à l’encontre des principes européens sur le domaine public.

soldatsFrançaisL’armée française part en campagne contre le copyfraud

(image issue du catalogue en ligne de The British Library, aucune restriction de droit d’auteur connue – Voir tous les détails)

Dans un communiqué du 11 août 2008, la Commission européenne a écrit : « il faut souligner qu’il est essentiel que les œuvres qui sont dans le domaine public restent accessibles après un changement de format. En d’autres termes, les œuvres qui sont dans le domaine public devraient y rester une fois numérisées et être rendues accessibles par Internet ». Cela a été renforcé par la charte d’Europeana de 2010 qui stipule : « Aucun autre droit sur la propriété intellectuelle ne doit être utilisé pour rétablir une exclusivité sur des matériaux du domaine public. Le domaine public fait partie intégrante de l’équilibre interne du système de droit d’auteur. Cet équilibre interne ne doit pas être rompu par des tentatives pour obtenir ou rétablir un contrôle exclusif via des règles extérieures au droit d’auteur. »

Ces dernières années, le mouvement Wikimédia a bénéficié de partenariats fructueux avec des musées et des galeries à travers le monde grâce à l’initiative GLAM-Wiki, qui aide des institutions culturelles à partager leurs ressources avec le monde entier par le biais de projets de collaboration avec des éditeurs expérimentés de Wikipédia. Ces partenariats ont permis à des millions de personnes de découvrir et d’apprécier des collections situées dans des endroits qu’ils ne pourront jamais visiter. Wikimédia Deutschland, seule, a travaillé avec plus de 30 musées en Allemagne pour rendre leurs collections accessibles gratuitement à n’importe qui n’importe où, au travers des projets Wikimédia. Ces partenariats font partie d’un effort indispensable qui permet aux institutions culturelles et à Wikimédia d’accomplir leur mission de libération de la connaissance et de partage de la culture.

Partout dans le monde des gens utilisent Wikipédia pour découvrir et comprendre le monde qui les entoure. Grâce à Internet, de nombreux obstacles traditionnels à la connaissance et à l’apprentissage ont disparu. Refuser l’accès en ligne à des images du domaine public empêche les gens d’explorer et de partager notre patrimoine culturel mondial. Nous exhortons le musée Reiss Engelhorn à reconsidérer sa position et à travailler avec la communauté Wikimédia pour rendre encore plus accessibles leurs œuvres élevées dans le domaine public.

Michelle Paulson, Legal Director
Geoff Brigham, General Counsel
Wikimedia Foundation