Combien de futurs hackers Apple est-il en train de tuer ?

Mark PilgrimLe succès actuel de l’écosystème Apple et de son dernier bébé l’iPad n’en finissent plus de nous interpeller.

Après Cory Doctorow, voici le vibrant témoignage du vieux développeur Mark Pilgrim qui, paradoxe, est devenu ce qu’il est grâce aux anciens ordinateurs d’Apple (cf photo ci-contre[1] en plein apprentissage).

Ces ordinateurs étaient ouverts et c’est parce qu’on pouvait les bidouiller que Mark a pu trouver sa vocation et faire de sa passion son métier.

Ce ne serait plus le cas aujourd’hui. Et de se demander alors combien de Mozart de l’informatique est-on actuellement en train de virtuellement assassiner…

L’informatique est une science jeune mais qui commence à avoir ses anciens combattants dont certains cèdent à la tentation du « c’était mieux avant ». Le problème c’est qu’ici c’était effectivement mieux avant !

Ce serait déprimant si le logiciel et le hardware libres n’existaient pas. Mais encore faudrait-il qu’ils rencontrent massivement la jeune génération. Et malheur à nous si le rendez-vous est manqué !

Le crépuscule du bidouilleur

Tinkerer’s Sunset

Mark Pilgrim – 29 janvier 2010 – DiveIntoMark
(Traduction Framalang : Loque humaine)

Quand DVD Jon fut arrêté après avoir cassé l’algorithme de chiffrement CSS, il a été inculpé « d’intrusion d’ordinateur non-autorisée ». Cela mena alors ses avocats à poser la question suivante : « sur quel ordinateur s’est-il introduit ? ». Réponse du procureur : « le sien » !

Si cette introduction ne vous a pas fait bondir mieux vaut arrêter dès maintenant la lecture de cet article.

Lorsque j’étais plus jeune, « l’intrusion » était quelque chose que vous pouviez uniquement perpétrer sur les ordinateurs des autres. Mais mettons ça de côté, nous y reviendrons plus tard.

Mon père était professeur d’université la plus grande partie de sa vie d’adulte. Une année, il prit un congé sabbatique pour écrire un livre. Il avait suffisamment économisé pour s’acheter un ordinateur et une chose super récente appelé logiciel de traitement de texte. Ainsi il écrivit, il édita, et il écrivit encore. C’était évidemment tellement mieux que de travailler sur une machine à écrire qu’il ne s’est jamais posé la question de savoir si c’était de l’argent bien dépensé ou non.

Il se trouve que sur cet ordinateur, le langage de programmation BASIC était pré-installé. Vous n’aviez même pas besoin de booter le système d’exploitation à partir d’un disque. Vous allumiez l’ordinateur, appuyiez sur Ctrl-Reset, et vous aviez une invite de commande. Et sur cette invite de commande, vous pouviez taper un programme tout entier, puis vous tapiez EXECUTE, et, bordel, ça s’exécutait.

J’avais 10 ans. C’était il y a 27 ans, mais je me souviens encore de ce que j’ai ressenti quand j’ai réalisé que vous pouviez — que je pouvais — faire faire n’importe quoi à cet ordinateur en tapant les bons mots dans le bon ordre, en lui disant EXECUTE, et que, bordel, ça s’exécutait.

Cet ordinateur était un Apple IIe.

À l’âge de 12 ans, j’écrivais des programmes BASIC si complexes que l’ordinateur n’avait plus assez de mémoire pour les contenir. À 13 ans, j’écrivais des programmes en Pascal. À 14 ans j’écrivais des programmes en assembleur. À 17 ans, je participais à l’épreuve de Programmation de l’Olympiade Nationale (et la remportais). À 22 ans, j’étais employé comme programmeur.

Aujourd’hui, je suis un programmeur, un rédacteur technique, et un hacker au sens de Hackers and Painters. Mais vous ne devenez pas hacker en programmant ; vous devenez hacker en bidouillant. C’est le bricolage qui donne ce sens de l’émerveillement.

Vous devez bondir hors du système, abattre les barrières de sécurité, enlever une à une les couches posées par l’ordinateur pour faciliter la vie des gens qui ne veulent pas savoir comment ça marche. Il s’agit d’utiliser l’éditeur de secteur Copy+ pour apprendre comment le disque du système d’exploitation démarre, puis de le modifier de manière à ce que l’ordinateur fasse du bruit à chaque fois qu’il lit un secteur sur le disque. Ou alors d’afficher une page de garde au démarrage avant qu’il liste le catalogue du disque et mène à l’invite de commande. Ou de copier une myriade de merveilleuses commandes du tableau Peeks & Pokes du magazine Beagle Bros. et d’essayer de comprendre ce que je venais de faire. Juste parce que ça me bottait. Juste parce que c’était fun. Parce que ça effrayait mes parents. Parce que je devais absolument savoir comment tout ceci marchait.

Après, il y a eu un Apple IIgs. Et encore après, un Mac IIci. MacsBug. ResEdit. Norton Disk Editor. Arrêtez-moi si ça vous rappelle quelque chose.

Apple a fait les machines qui ont fait qui je suis. Je suis devenu qui je suis en bidouillant.

Le titre de ce billet est tiré de « On the iPad » d’Alex Payne, que je vais citer maintenant dans ses grandes largeurs :

L’iPad est un objet attractif, fort bien pensé et conçu, mais profondément cynique. C’est une machine de consommation digitale. Or, comme Tim Bray et Peter Kirn l’ont fait remarquer, c’est un appareil qui ne favorise pas la créativité…

Le tragique avec l’iPad est qu’il semble offrir un meilleur modèle d’informatique pour beaucoup de personnes — peut-être la majorité des gens. Envolés les métaphores et concepts déroutants de ces trente dernières années d’informatique. Envolé la possibilité de tripatouiller et modifier sans but particulier. L’iPad est simple, va droit au but, ne demande pas d’entretien…

La chose qui me préoccupe le plus avec l’iPad est la suivante : si j’avais eu un iPad plutôt qu’un vrai ordinateur lorsque j’étais petit, je ne serais jamais devenu un programmeur aujourd’hui. Je n’aurais jamais eu la possibilité d’exécuter n’importe quel programme stupide, potentiellement dangereux, mais hautement éducatif que j’aurais pu télécharger ou écrire. Je n’aurais pas été capable de titiller ResEdit et de supprimer le son du démarrage du Mac de façon à ce que je puisse bricoler sur l’ordinateur à toute heure sans réveiller mes parents.

Maintenant, je suis conscient que vous allez pouvoir développer vos propres programmes pour l’iPad, comme vous pouvez développer pour l’iPhone aujourd’hui. Tout le monde peut développer ! Tout ce dont vous avez besoin, c’est d’un Mac, XCode, un « simulateur » d’iPhone, et de 99 dollars pour un certificat de développeur à durée limitée. Le « certificat de développeur » est en vrai une clé cryptographique vous permettant (temporairement) d’accèder (partiellement) à… votre propre ordinateur. Et c’est très bien — tout du moins exploitable — pour les développeurs d’aujourd’hui, parce qu’ils savent qu’ils sont développeurs. Mais les développeurs de demain ne le savent pas encore. Et sans cette possibilité de bidouiller, certains ne le seront jamais.

(À y réfléchir, j’avais tort et Fredrik avait raison, car il semblerait que les ordinateurs sous Chrome OS donneront bien la possibilité aux développeurs d’exécuter leur propre code en local. Je ne connais pas les détails de ce à quoi cela va ressembler, si ça sera un bouton, un interrupteur physique ou autre chose. Mais ça sera là, une plateforme officielle prenant en compte les développeurs d’aujourd’hui et, plus important, les développeurs de demain.)

Et, je sais, je sais, vous pouvez « jailbreaker » votre iPhone, pour (re)gagner l’accès administrateur, et exécuter n’importe quoi qui, bordel, puisse s’exécuter. Et je n’ai aucun doute sur le fait que quelqu’un trouvera comment « jailbreaker » l’iPad aussi. Mais je ne veux pas vivre dans un monde où il faut forcer l’entrée de son propre ordinateur avant de pouvoir bidouiller. Et je ne veux certainement pas vivre dans un monde où bidouiller son ordinateur est illégal. (Au passage, DVD Jon a été acquitté. Le procureur a fait appel et il a été acquitté à nouveau. Mais qui a besoin de la loi quand vous avez la cryptographie à clé publique de votre côté ?)

Il était une fois des machines, fabriquées par Apple, qui ont fait de moi ce que je suis.

Je suis devenu ce que je suis en bidouillant. Maintenant, il semble qu’ils fassent tout ce qui est en leur pouvoir pour empêcher mes enfants de trouver ce sens de l’émerveillement. Apple a déclaré la guerre aux bidouilleurs. À chaque mise à jour de logiciels, la génération « jailbreakée » précédente cesse de fonctionner, et les gens doivent trouver de nouvelles façons pour entrer de force dans leurs propres ordinateurs. Il n’y aura même pas de MacsBug pour l’iPad. Il n’y aura pas de ResEdit, ou un éditeur de secteur Copy ][+, ou un tableau Peeks & Pokes pour l’iPad.

Et c’est une vraie perte. Peut-être pas pour vous, mais pour quelqu’un qui ne le sait pas encore et qui pourrait même ne jamais le savoir.

Notes

[1] Crédit photo : Mark Pilgrim




Dis-moi si tu préfères bidouiller Arduino ou consommer iPad et je te dirai qui tu es

FreeduinoParmi la centaine de commentaires provoqués par notre récent article Pourquoi je n’achèterai pas un iPad, on a pu noter une opposition franche entre ceux qui pensaient qu’il était important, voire fondamental, d’avoir la possibilité « d’ouvrir le capot » logiciel et matériel de la bête, et ceux qui n’y voyaient qu’une lubie de geeks passéistes et rétrogrades.

Or aujourd’hui nous allons justement évoquer un drôle d’objet qui accepte d’autant plus volontiers de se mettre à nu qu’il sait que c’est sa principale qualité aux yeux de son enthousiaste et créative communauté.

Il s’agit de la carte Arduino qui est un peu à l’électronique ce que le logiciel libre est à l’informatique, puisque le design, les schémas, les circuits et l’environnement de programmation sont disponibles sous licence libre[1].

Pour vous en dire plus sur cet atypique hardware libre, nous avons choisi de traduire ci-dessous un article de présentation qui fait le parallèle et la liaison avec les hackers ou bidouilleurs du monde GNU/Linux.

Nous vous suggérons également cette excellente interview de Alexandra Deschamps-Sonsino, réalisée par Hubert Guillaud pour InternetActu, dont voici quelques larges extraits :

Arduino est une plateforme de prototypage en électronique. Elle permet aux gens de faire par eux-mêmes, c’est-à-dire de fabriquer des projets interactifs, des objets qui répondent, qui réagissent par exemple à la présence des gens, à leurs mouvements, aux pressions qu’ils y exercent… Arduino relie le monde réel au monde virtuel et vice-versa.

Arduino est né en 2005 au sein d’une école de Design en Italie (…). Plusieurs professeurs ressentaient le besoin d’une plateforme technique pour créer des environnements physiques interactifs, utilisables par des gens qui n’avaient pas les compétences techniques pour cela.

(…) Arduino permet de faire un lien entre une entrée et une réponse. Il agit comme un cerveau : quand il reçoit telle information, il fait telle chose, selon la manière dont je l’ai équipé ou programmé. Arduino est à la fois du hardware et du software (du matériel et du logiciel). Il se compose d’une carte électronique de quelques centimètres qu’on connecte à un ordinateur à l’aide d’un câble USB. On télécharge un logiciel gratuit sur son ordinateur qui permet de gérer et programmer la puce de la carte Arduino. Une fois programmée, cette puce exécute ce qu’on lui dit. Il n’y a plus qu’à connecter la carte à une batterie et elle fait ce pour quoi elle a été programmée.

(…) Au niveau de la communauté, cette plateforme a révolutionné la façon dont les gens pensaient et réfléchissaient à la technologie. Il a permis de ne plus penser la techno de manière abstraite, mais de produire et s’impliquer très rapidement. C’est une plateforme qui coûte peu cher (la carte de base et la puce coûtent une vingtaine d’euros). Toute l’information nécessaire pour accéder au matériel et à son fonctionnement est en ligne, en open source, que ce soit via les forums ou via l’aire de jeux (où la communauté publie codes, plans, tutoriels et astuces). La communauté est désormais forte de quelque 6000 personnes très présentes dans les forums pour accueillir et accompagner les débutants. Il s’est vendu plus de 60 000 cartes Arduino à travers le monde et la distribution est désormais mondiale.

(…) L’internet nous a permis de faire plein de choses avec nos vies en ligne… et nous a donné envie de faire la même chose avec les objets de tous les jours.

Depuis la révolution industrielle, on a beaucoup créé de dépendances aux produits déjà fabriqués, déjà organisés. Le mouvement DIY (Do It Yourself, Faites-le vous-mêmes) qui se développe depuis 2 ans, réunit une communauté qui ne veut plus accepter des produits tout finis, tout cuits. Cette nouvelle vague de hackers (bidouilleurs) essaye de regarder ce qu’il y a l’intérieur, alors que les conditions d’utilisation n’encouragent pas les gens à regarder ce qu’il y a l’intérieur de ce qu’ils achètent. (…) Le DIY devient un outil pour la microproduction, permettant à chacun de créer son propre business, de fabriquer 20 exemplaires et de voir ce qu’il se passe. Le DIY est finalement important pour sortir du carcan de la mégaproduction. Avant, il fallait un grand marché potentiel pour lancer un produit. Avec l’internet et des plateformes comme Arduino, chacun a accès à sa micro production.

Arduino s’inscrit donc en plein dans cette approche DIY (Do It Yourself), ou, encore mieux, du DIWO (Do It With Others), que l’on retrouve dans les Fab lab (lire à ce sujet cet article de Rue89).

Le professeur que je suis se met à rêver d’une utilisation accrue de ces objets libres dans nos écoles, en particulier en cours de technologie au collège[2].

Plus de curiosité, de créativité, d’esprit critique, d’autonomie, et d’envie d’appprendre, comprendre et entreprendre ensemble, pour moins d’idolâtrie, de passivité et d’individualisme consumériste : une « génération Arduino » plutôt qu’une « génération iPad » en somme…

PS : Tous les liens de l’article ont été ajoutés par nos soins pour en faciliter la compréhension.

Arduino – La révolution matérielle

Arduino – the hardware revolution

Richard Smedley – 23 février 2010 – LinuxUser.co.uk
(Traduction Framalang : Yoann, JmpMovAdd, Siltaar et Goofy)

Chaque année on nous annonce que ce sera « l’année de Linux sur nos écrans d’ordinateur ». Or cette percée tant attendue du logiciel libre chez le grand public tarde à arriver. Mais au moment même où nous guettons des signes d’espoir tels que les ventes de netbooks sous Linux, l’apparition de sites en Drupal ou le développement des téléphones Android (dont une partie est libre), une autre révolution est en marche, dans le monde physique et pourtant pas si éloigné de la sphère d’Internet.

Et voici Arduino qui fait son entrée : un faible coût, un code source ouvert, une carte matérielle pour le raccordement du monde réel à votre ordinateur, et/ou à tout l’Internet. Que peut-on en faire ? Tout. La seule limite est l’imagination, et comme vous allez le voir à travers quelques exemples de créations que nous passons en revue ici, l’invention de nouveaux usages est la seule règle.

Matériel ouvert

Tout comme dans le cas de GNU/Linux, la propagation de ce matériel tient aux raisons suivantes : tout le monde le possède, peut l’améliorer et il donne envie de s’y impliquer. Les plans de référence pour Arduino sont en effet distribués sous licence Creative Commons (le logiciel est quant à lui naturellement sous licence libre en GPL/LGPL), et la société italienne qui est derrière cette plateforme, Smart Projects, accepte avec plaisir les nouveaux collaborateurs et les suggestions alternatives. Les cartes sont réalisées en différents formats, vendues partout dans le monde entier, et si vous souhaitez en fabriquer une vous-même, le Web regorge de modèles différents, quel que soit votre niveau de compétence.

Le nombre de cartes utilisées est estimé à plusieurs centaines de milliers, mais comme dans le cas des distributions Linux, la possibilité de les copier librement rend délicat le décompte précis. Ce qui n’est pas difficile c’est de constater la nature véritablement ouverte des communautés en ligne et l’émergence de nombreuses réunions entre hackers autour des projets Arduino. Ceci a généré un flot continu des projets géniaux menés par toutes sortes de personnes à la fibre créative et artistique. Mais d’abord, un peu d’histoire…

Ceux qui ont de la mémoire et un intérêt pour l’histoire des geeks et du mouvement du logiciel libre se souviennent peut-être du Tech Model Railroad Club (TMRC) – un groupe d’étudiants du MIT créé dans les années 1950 qui s’étaient réunis pour jouer avec les trains électriques. Certains s’intéressaient avant tout aux modèles réduits mais d’autres se passionnaient pour les circuits, l’aiguillage et tout ce qui fait que les trains partent et arrivent à l’heure. C’est le fameux Signals and Power Subcommittee (NdT : Sous-comité des signaux et de l’énergie) qui a mis en œuvre dans les années cinquante et soixante un système de contrôle numérique semi-automatique très brillant, avant d’acquérir un ordinateurs PDP-11 en 1970.

Les membres du TMRC on incarné très tôt la culture hacker, lui donnant son vocabulaire et ses termes de référence. Beaucoup sont devenus des pionniers au sein des premières grandes entreprises d’informatique (DEC, …). Mais cette culture hacker correspondait bien au stéréotype américain du « nerd » : le génie sociopathe qui n’arrivait jamais à avoir de petite copine (au TMRC il n’y avait, inévitablement, que des garçons).

Les logiciels libres et la culture hacker ont toujours souffert d’un problème d’image, si bien que la participation féminine dans l’informatique professionnelle a chuté de 50% à 20% pendant les 50 dernières années, certain projets libres ont la proportion dérisoire de 1% de femme. C’est déplorable, les gars, vraiment ! mais il y a des lueurs d’espoir.

Au-delà d’Arduino

Les modules sont basées sur les micro-contrôleurs Atmel AVR et une conception open source. Il vous est donc facile de faire votre propre Arduino et en fait il existe beaucoup de versions de ce que l’on appelle les Freeduinos qui ont été créés pour des besoin très différents.

Même le micro-contrôleur Atmel n’est pas indispensable – du moment que l’interface et le langage sont compatibles, on peut bricoler toutes sortes de clones. Il existe aussi des kits pour créer son propre Arduino, vous pouvez même construire votre propre carte si vous êtes à l’aise avec l’électronique embarquée. C’est ce que font finalement certains après des expériences fructueuses avec l’Arduino, bien qu’ils ne soient pas à priori des hackers de systèmes embarqués.

Ainsi la télécommande Arduino pour caméra de Michael Nicholls’s, élaborée avec au Fizzpop hackerspace, est un voyage parmi les oscillateurs et les signaux carrés de contrôle. Chaque projet peut s’avérer aussi amusant qu’éducatif, et en fait, la vie ne devrait-elle pas toujours lier ces deux éléments ? Les télécommandes pour caméra sont un projet populaire, mais ceux qui souhaitent les rendre encore plus petites vont au-delà du projet Arduino, et développent leurs propres cartes mères.

Pour Abdul A Saleh et Aisha Yusuf, le projet Arduino a été une étape puisqu’ils bidouillaient un circuit à brancher sur des radios ordinaires jusqu’à ce qu’ils réalisent qu’un service Web serait plus utile pour leur idée de startup, un moyen de trouver des émissions télé connexes. Leur système peut désormais pointer sur des podcasts au lieu de parcourir les stations de radios, mais « c’est cela qui donne désormais un nouvel élan à de notre projet » indique Yusuf.

En creusant autour de l’univers amical des hackers d’Arduino on trouve plusieurs startups, micro-sociétés et excellentes petites entreprises de constructeurs, vendeurs et formateurs, ainsi que des artistes. Certains, comme .:oomlout:. entrent dans toutes les catégories à la fois.

Beaucoup sont allés du « suivre la voie du matériel libre », à « poursuivre leur rêves ». Tout comme l’Internet mobile, les ordinateurs portables et les cybercafés ont permis aux créatifs numériques de se lancer en freelance à moindre frais, le bidouilleur de matériel dédié a besoin de son espace de travail partagé à moindre coût, avec si possible plein de collègues créatifs autour. Pour répondre à ce besoin, les hackerspaces (NdT : que l’on pourrait éventuellement traduire par « bidouilloires ») ont finalement vu le jour au Royaume-Uni.

Hackerspaces

Si le netbook n’a pas complètement fait de 2009 « l’année de Linux dans les ordinateurs grand public », il a vu l’arrivée en retard des hackerspaces sur ses rives, avec des groupes se formant à Birmingham, Brighton, Exeter, Leeds, Liverpool, Londres, Manchester, Shrewsbury, Stoke-on-Trent et York, avec deux groupes distincts coopérant à Manchester. (NdT : le même phénomène s’est produit en France avec au moins cinq hackerspaces rien qu’à Paris – voir Hackerspace.net et ce reportage de Rue89)

Fabrique le toi-même, ne l’achète pas. L’éthique du hacker sonne bien ces temps-ci, alors que l’intérêt pour les jardins familiaux va croissant et que les journaux multiplient les dossiers pour nous aider à bâtir des maisons plus écologiques. Ce n’est plus le « fais-le marcher et répare », hérité de nos parents avec le rationnement en temps de guerre, et l’austérité qui a suivi, mais un défi post-société de consommation, pour trouver de la valeur au-delà du « je suis ce que je consomme », par une implication plus profonde dans les choses qui nous entourent. C’est cette implication que l’on retrouve avec les projets Arduino et les réalisations complexes sorties des hackerspaces. Ils témoignent d’une approche vraiment ludique et d’une certaines aisance avec la technologie plutôt que son rejet.

L’Homo sapiens est la seule race définie par les objets dont elle s’entoure, et qui ne peut survivre sans les outils qu’elle fabrique. Des recherches archéologiques ont montré que les néanderthaliens de l’âge de pierre, vivant dans des caves, sans agriculture, et survivant grâce à la chasse et à la cueillette, employaient leurs précieuses heures de temps libre à fabriquer des bijoux et du maquillage.

Il semble que l’envie de jouer, de se parer et de s’amuser soit inhérente à ce que nous sommes. Les hackers et les artistes qui utilisent les modules Arduino pour s’amuser avec le matériel ne sont ni des fondus de technologie ni des artistes d’avant-garde mais la simple incarnation de l’esprit de notre temps.

Quelques liens connexes (en vrac)

Ne pas hésiter à en ajouter d’autres références dans les commentaires et bien entendu à donner votre avis sur Arduino, son modèle et notre choix discutable de l’opposer ici symboliquement et sociologiquement à l’iPad.

Notes

[1] Crédit photo : Freeduino.org (Creative Commons By)

[2] Il est à noter que le groupe toulousain LinuxÉdu (voir ce billet du Framablog) propose le 5 juin prochain une découverte d’Arduino parmi les nombreuses autres actions de sa journée de sensibilisation.